8

Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie
Page 2: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie
Page 3: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

« Le Château de Gaillon : fastes de la Renaissance en Normandie »

Pour beaucoup d’entre nous, la Renaissance évoque une période un peu floue, faisant la transition entre le Moyen Age et le XVIIe siècle. On y associe, un peu pêle-mêle, les châteaux de la Loire, François Ier, Léonard de Vinci, Michel-Ange, et surtout, de classiques chefs-d’œuvre italiens. On l’imagine pleine de grâce et de somptuosité, en opposition avec un Moyen Age volontiers perçu comme « barbare » et rustique. Cela entraîne toute une série de questions : qu’entend-on vraiment par « Renaissance », quand commence-t-elle, quand finit-elle, qu’est-ce que le « style Renaissance » ? Le but de l’exposition présentée aujourd’hui au Musée départemental des Antiquités – Rouen n’est pas de vous transformer en spécialistes de cette période, mais d’apporter quelques éléments de réponse, notamment en mettant en lumière un monument exceptionnel dans notre région pour cette époque, le Château de Gaillon (Eure) - et tout particulièrement sa chapelle - ainsi que celui qui en fut le commanditaire, Georges d’Amboise. Quelques éléments sur la RenaissanceOn fait traditionnellement commencer la Renaissance en France en 1453, à la chute de Constantinople1, ou parfois en 1492, année de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. En fait, les éléments de datation sont assez peu pertinents pour cerner chronologiquement un mouvement d’idées. La Renaissance, c’est avant tout un retour à la culture gréco-romaine, qui s’appuie sur une relecture plus scientifique des textes de cette période, c’est aussi la diffusion de nouveaux modes de pensée grâce notamment au développement de l’imprimerie (Gutenberg, vers 1451) et aux échanges commerciaux, bref, c’est une nouvelle façon de concevoir le monde. Initié dès le XIVe siècle en Italie, ce mouvement gagne bientôt tous les pays de l’Occident, et prend une ampleur considérable dans le domaine des arts, permettant la création de chefs-d’œuvre. En matière de religion, il initie une réforme dont certaines conséquences sont visibles dans le décor des chapelles évoquées dans cette exposition.

La famille d’Amboise Sans le mécénat d’hommes politiquement influents, le mouvement de la Renaissance n’aurait sans doute pas atteint la Normandie aussi rapidement et de manière aussi éclatante. C’est à Georges d’Amboise que l’on doit la reconstruction du Château de Gaillon et la commande d’un décor dans le style « Renaissance ». Il naît en 1460 au château de Chaumont-sur-Loire, non loin d’Amboise, dans une famille noble dont l’origine est très ancienne. Huitième fils d’une fratrie qui ne compte pas moins de neuf garçons et huit filles, il est ordonné évêque de Montauban à l’âge de 14 ans et devient aumônier de Louis, duc d’Orléans, futur Louis XII. En 1492, il est ordonné archevêque de Narbonne, puis de Rouen en 1494, et est nommé lieutenant-général de la Normandie. Ce sont ces fonctions qui l’amenent dans notre région et le conduisent à transformer Gaillon, résidence d’été des archevêques de Rouen, en un véritable palais. Lorsque Louis XII devient roi en 1498, il choisit Georges d’Amboise comme principal ministre, accroissant ainsi la puissance et l’influence de celui-ci. Le pape Alexandre VI le nomme cardinal et en fait son représentant en France.

Ayant participé aux guerres d’Italie, et notamment en 1499 à la conquête du duché de Milan (dont le gouverneur ne sera autre que son neveu Charles II d’Amboise de Chaumont), Georges d’Amboise a pu admirer les œuvres inspirées de ce nouvel élan qu’est la Renaissance, et est probablement alors entré en contact avec des artistes italiens. Le duc de Milan était alors Ludovic Sforza, grand mécène et promoteur des arts. Georges d’Amboise revient d’Italie avec des idées et des goûts nouveaux qui se traduisent par l’apparition d’un style architectural et ornemental inédit en Normandie.

1 Aujourd’hui Istambul

Page 4: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

Plusieurs des frères de l’archevêque sont également de grands mécènes qui mettent en œuvre d’importants travaux :

- Louis, le quatrième frère, évêque d’Albi, a fait rebâtir le château de Combéfa, résidence de campagne des évêques d’Albi, ainsi que sa chapelle ;

- Pierre, le sixième frère, évêque de Poitiers, fait reconstruire le château et la chapelle de Dissay ; - Jacques, le septième frère, religieux à

l’Abbaye de Cluny, puis abbé de Jumièges, et enfin évêque de Clermont en 1504, a fait refaire la résidence abbatiale parisienne2 et notamment sa chapelle, ainsi que le décor de la cathédrale de Clermont ;

Très souvent, les frères d’Amboise ont fait représenter dans ces édifices les armes de leur famille, marquant ainsi clairement leur attachement au lien clanique mais aussi leur influence sur les commandes artistiques.

Le château de Gaillon En 1424, la forteresse médiévale qui occupait le site dominant la Seine fut détruite par les Anglais. De 1456 à 1463, Guillaume d’Estouteville, archevêque de Rouen, avait déjà entrepris d’importants travaux de rénovation et de transformation, mais c’est surtout Georges d’Amboise qui, de 1502 à 1509, en trois chantiers successifs, crée un château qui éblouit ses illustres visiteurs, parmi lesquels Louis XII et son épouse Anne de Bretagne. Deux « maîtres-maçons » ont travaillé à la reconstruction du château de Gaillon, Guillaume Senault, auquel on doit des travaux au château d’Amboise, et Colin Biard, originaire du Val de Loire.

Plusieurs bâtiments au décor soigné composaient cet ensemble exceptionnel :

- le pavillon d’entrée, couvert d’une haute toiture portant des épis de faîtage en plomb aux armes de Georges d’Amboise, était percé de nombreuses fenêtres, encadrées de pilastres3 à arabesques. Les tourelles étaient ornées de colonnes cannelées, de chapiteaux à l’antique et de frontons à coquilles ;

- la galerie des Cerfs (la galerie est un élément essentiel des châteaux de la Renaissance), ponctuée de colonnes, était ouverte en son centre par la Porte de Gênes, véritable arc de triomphe au décor foisonnant de corniches, de rosaces, de feuillage. A l’une des extrémités de la galerie se trouvait la « Grand’Vis », c’est-à-dire l’escalier qui donnait accès, entre autres, à la chapelle ;

- la « Grand’Maison » comportait la chapelle (voir partie suivante du présent document), les appartements de Georges d’Amboise et une galerie voûtée ouverte sur le val de Seine. Celle-ci était

ornée d’un somptueux décor de clés pendantes, de frises, de candélabres et d’arabesques4, de motifs trilobés5 typiquement gothiques, ainsi que d’une série de médaillons représentant des personnages romains illustres ;

- la cour d’honneur, entourée de galeries somptueusement décorées, comportait en son centre une fontaine en marbre, offerte par la République de Venise ;

- des jardins s’étendaient en contrebas du château.

2 l’Hôtel de Cluny, actuel Musée National du Moyen Age. 3 Pilastre : support rectangulaire vertical reposant sur une base et couronné par un chapiteau. Un pilastre est incrusté dans un mur tandis que le pilier est un élément isolé. 4 Candélabre et arabesque : éléments de décor caractéristiques de la Renaissance. 5 En architecture, un trilobe est un élément (ornement, baie, rosace) composé de trois lobes (en forme de trèfle).

Page 5: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

Au XVIIe siècle, le château est légèrement transformé par Mansart et le Nôtre, à la demande du fils de Colbert, Jacques-Nicolas, devenu archevêque de Rouen de1654 à 1707. Pendant la Révolution Française, le château est vendu comme Bien national, et les éléments de son ornementation sont dispersés ; quelques fragments sont rachetés par Alexandre Lenoir pour son Musée des Monuments Français. Entre 1812 et 1827, le site est transformé en prison, puis devient propriété privée en 1919 avant d’être racheté par l’Etat en 1975. Depuis, d’importants travaux de restauration sont menés pour rendre au château de Gaillon le décor et le faste qui firent sa réputation. Les documents présentés dans l’exposition comptent parmi les rares témoignages de la magnificence du lieu.

La chapelle du château de Gaillon Elément indispensable d’un palais épiscopal, la chapelle se doit d’être un lieu où les goûts artistiques du commanditaire ainsi que ses convictions s’expriment de manière éclatante. Cette chapelle, comme la Sainte Chapelle de Paris, comporte deux niveaux : le rez-de-chaussée est une partie publique, tandis que l’étage est plutôt réservé à l’usage privé, en l’occurrence celui de l’archevêque et de ses proches. La première pierre de la chapelle de Gaillon est posée en 1502 ; en 1504 est commencée la voûte qui couvre la chapelle basse et sert à supporter la chapelle haute. Lorsqu’en 1510 le cardinal Georges d’Amboise meurt, la chapelle est construite dans ses grandes lignes, mais sa décoration n’est pas encore terminée. C’est son neveu et successeur Georges II d’Amboise qui en assurera l’achèvement.

La chapelle basse, accessible par la cour, était vraisemblablement destinée aux offices liturgiques quotidiens. A l’extérieur, elle était entourée d’une série d’arcades qui prolongeaient le portique du bâtiment principal (la « Grand’Maison »). A l’intérieur, elle se composait de deux travées voûtées, soutenues par des arcs diaphragmes6 pleins, dont les culots7 sont sculptés de feuillages et de personnages. Les clés de voûte8 plates étaient sculptées et ajourées. En place et lieu de l’abside, un espace semi-circulaire divisé en six

parties et ajouré de grandes baies permettait au jour d’éclairer la chapelle. La chapelle haute présentait un plan en croix latine et une élévation importante, comme le style gothique flamboyant l’exigeait alors. A l’extérieur, les baies et les arcs-boutants très fins donnaient une impression d’élan vers le haut. A l’intérieur, la lumière était largement diffusée au travers des vitraux, et la profusion des décors ajoutait à la richesse ornementale du lieu. Les éléments dont nous disposons aujourd’hui pour nous représenter le décor de la chapelle de Gaillon s’apparentent à un puzzle : quelques descriptions, des comptes, des gravures, des dessins de projets, des photographies anciennes, des fragments de sculpture en pierre, en bois, des peintures, tels sont les matériaux actuellement à la disposition des chercheurs pour tenter de restituer un décor dont les éléments ont été abîmés, dispersés, perdus ou détruits depuis plus de deux siècles. Un soffite9 et des pilastres en marbre, qui devaient orner l’encadrement d’une porte et des piliers, portent des décors spécifiques de la Renaissance : des candélabres et des arabesques, des trophées et des fruits, empruntés à l’Antiquité, et que l’on retrouve d’ailleurs sur des maisons à pans de bois de Rouen. Ils montrent l’assimilation parfaite par les artistes de l’époque de ce nouveau « vocabulaire » stylistique. On les retrouve d’ailleurs tout autour du retable représentant Saint Georges terrassant le dragon. Si le tableau central est attribué à Michel Colombe, artiste tourangeau, l’encadrement, lui, est pour sa part attribué à Jérôme Pachereau, un artiste italien. Autour de l’autel devaient être disposées les statues représentant les douze apôtres. Réalisées en terre cuite, grandeur nature, par l’artiste italien Antoine Juste, elles ont été probablement détruites pour la plupart, et nous ne connaissons aujourd’hui que les deux statues présentées dans l’exposition (le Christ et Saint Jacques) ainsi qu’une tête ayant perdu sa polychromie. En comparaison, on peut évoquer le groupe de la Mise au Tombeau provenant de la chapelle de Combéfa. La peinture tenait également un rôle important dans le décor de la chapelle. On sait, grâce à des descriptions, que les personnages masculins les plus importants de la famille d’Amboise étaient représentés sur les murs de la chapelle, à droite les religieux, dont Georges d’Amboise en première position, et à gauche les laïcs. Ces fresques ont été peintes par Andréa Solario, artiste italien admirateur de Léonard de Vinci. On lui attribue également La Déploration du Christ mort, peinte sur

6 Arcs en saillie par rapport à la voûte. 7 Pierre sculptée sur laquelle repose la base d’un arc. 8 Pierre placée au centre d’un arc ou d’une voûte et qui assure la cohésion des différents blocs. 9 Partie qui orne le dessous d’une corniche ou d’une porte.

Page 6: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

toile et peut-être à l’origine présentée dans la chapelle, et la copie de La Cène, qui, étant donné ses dimensions, ne pouvait être installée dans le même lieu.

Malgré leur nature fragile, ce sont les bois sculptés qui représentent aujourd’hui l’ensemble le plus complet du décor de la chapelle de Gaillon. On connaît le nom de deux menuisiers ayant travaillé aux « boiseries » de Gaillon entre 1501 et 1509, Richard Carpe et le Rouennais Nicolas Castille. Il n’est toutefois pas encore possible d’attribuer à chacun de ces artisans la réalisation de telle ou telle partie des bois sculptés. La basilique de Saint-Denis conserve deux vantaux de porte sculptés, provenant, selon une hypothèse récente, de la porte de la chapelle haute de Gaillon, ainsi qu’un ensemble de stalles sculptées (épisodes de la vie des saints, du Nouveau Testament) et marquetées (les Sibylles et les Vertus). Des dessins de projets montrent que le choix des décors a été mûrement réfléchi avant son exécution. Au moins deux clôtures ont été identifiées : ces éléments matérialisaient la séparation entre le chœur et la nef et peut-être également entre le chœur et les bras du transept. Leur décor est extrêmement intéressant : d’un côté, il montre des motifs du gothique flamboyant, et de l’autre, une ornementation Renaissance. La juxtaposition de ces deux styles marque le tournant entre la fin du Moyen Age et le début de la Renaissance dans l’art en Normandie. Le Musée National de la Renaissance à Ecouen en possède la plus grande partie, mais des fragments sont également conservés à Compiègne, Berlin et même New York ! Conclusion : sans le mécénat et les goûts éclairés de Georges d’Amboise, la Renaissance n’aurait pas atteint aussi rapidement la Normandie. Souhaitons que les restaurations en cours permettent au château et à sa chapelle de retrouver un jour le faste qui a fait leur réputation.

Page 7: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

ANIMATIONS POUR LES SCOLAIRES Dans le cadre de cette exposition, le service des publics des musées et sites départementaux vous propose :

- des visites commentées tous niveaux : d’une durée de ¾ d’heure pour les plus jeunes à 1h30 pour les lycéens ou étudiants.

Visites générales : elles permettent d’appréhender de manière globale tous les aspects de l’exposition.

Visites thématiques : pour approfondir un des thèmes de l’exposition, ou bien pour mettre en parallèle le

contenu de l’exposition avec les collections Renaissance du musée. Autres thématiques de visite proposées toute l’année : « Le décor de la Renaissance rouennaise » pour les cycles 3. « Le décor de la Renaissance : le renouveau des arts » pour les collèges et les lycées. - des ateliers : commençant par une petite visite commentée de l’exposition et éventuellement des collections

permanentes du musée, ils donnent aux élèves l’occasion de réaliser eux-mêmes un objet.

Pavements de la Renaissance : partant des pavements du château de Combéfa et de ceux de Masséot Abaquesne conservés au musée, les élèves découvrent le vocabulaire stylistique de la Renaissance et décorent ensuite chacun un carreau, de manière à réaliser un ensemble de pavements.

Le retour à l’antique : les décors en candélabre, les médaillons de personnages illustres, sont des éléments de

l’Antiquité remis au goût du jour durant la Renaissance. A l’aide d’argile ou de pâte auto-durcissante, les élèves devront reconstituer un décor « à l’antique », chacun apportant sa contribution à l’élaboration du décor d’une façade.

Informations pratiques :

Enseignante détachée : Fanny Milhe-Poutingon, permanence le lundi après-midi, [email protected]

Tarifs : pour les maternelles et les primaires, 15€ la visite et 22€ l’atelier

pour les collèges et les lycées, 22€ la visite et 30€ l’atelier gratuit en visite libre (mais réservation obligatoire)

Renseignements et réservations au 02 35 15 69 11 en semaine ou par mail à [email protected].

Les inscriptions seront prises en fonction des créneaux disponibles.

Page 8: Le château de Gaillon, Fastes de la Renaissance en Normandie

ANIMATIONS TOUS PUBLICS Visites commentées tous publics

- Dimanche 2 mars à 15h30 - Dimanche 16 mars à 15h30 - Dimanche 30 mars à 15h30 : Tous au musée, visite de l’exposition pour les adultes

« Le temps des chevaliers » pour les enfants - Dimanche 13 avril à 15h30 - Lundi 21 avril, à 12h30 : Midi au Musée - Dimanche 27 avril à 15h30 - Dimanche 4 mai à 15h30 - Dimanche 11 mai à 15h30 (et 16h45 si nécessaire)

Jeux vacances pour les enfants de 6 à 11 ans

- lundi 7 avril de 14h30 à 16h00 : Pavements de la Renaissance - lundi 14 avril de 14h30 à 16h00 : Décor en candélabre

Informations pratiques :

Tarifs : droit d’entrée + 1,5€ pour les visites commentées 3€ pour les jeux vacances

Documents d’aide à la visite pour les adultes (disponibles en gros caractères) et les enfants.

Renseignements et réservations (conseillées) au 02 35 15 69 11 en semaine, au 02 35 98 55 10 le week-end et les jours fériés ou par mail à [email protected]. Les inscriptions seront prises en fonction des places disponibles.