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LE CHÂTEAU DE LA ROCHE Ollon (VD) Karina Queijo & Anna Pedrucci avec la collaboration de Alain Besse Mathias Glaus Jean Nicollier TABLE DES MATIÈRES Introduction.................................................... 2 Une maison forte du Moyen Âge (XIII e -XV e siècles) .................. 3 Un peu d’histoire... ............................................. 3 La maison-tour primitive (vers 1200)… .............................. 5 … et sa tourelle d’escalier ? ....................................... 6 L’extension vers le sud (vers 1305-1343/45)… ........................ 7 … et la cour intérieure à l’est ..................................... 8 Les premières transformations sous les Rovéréaz (dès le milieu du XIV e siècle) ..................................... 10 Un château haut de gamme (dès 1475 jusqu’aux environs de 1700) ............................ 12 Un peu d’histoire… ............................................. 12 La tour ronde et les réaménagements à l’est (dès 1475) ................ 14 Des espaces mieux éclairés ....................................... 15 Pierre Guigoz, tailleur de pierre, architecte et habitant d’Ollon ........... 16 La charpente à poteaux monumentale (1512)......................... 17 Un graffiti aux armoiries de la famille de Rovéréaz ..................... 18 L’escalier à l’italienne (début du XVII e siècle) ......................... 18 Une pièce de vie particulièrement luxueuse (milieu du XVI e -XVII e siècles) ..................................... 19 Le cadran solaire (1677) ......................................... 21 Des locaux de stockage ? (XVII e siècle) .............................. 21 Une maison fonctionnelle (XVIII e -XX e siècles) ....................... 22 Un peu d’histoire… ............................................. 22 Un XIX e siècle au son du travail du bois ............................. 22 Les décors peints de la tour ronde (XX e siècle) ........................ 24 Un monument digne d’être préservé (XX e -XXI e siècles) .............. 26 Histoire des restaurations ........................................ 26 Huit siècles de plâtre et de chaux .................................. 32 Les graffitis ................................................... 33 L’Association et la Fondation du Château de la Roche ................. 35 Bibliographie .................................................... 36 Crédits des illustrations ............................................ 36 Auteurs ........................................................ 36 Plans ........................................................ rabat

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LE CHÂTEAU DE LA ROCHEOllon (VD)

Karina Queijo & Anna Pedrucci

avec la collaboration de

Alain Besse

Mathias Glaus

Jean Nicollier

Situé au cœur du village d’Ollon (VD), le Château de la

Roche est l’une des dernières maisons fortes médiévales

conservées dans le Chablais suisse. La construction de

sa partie la plus ancienne, une maison-tour crénelée

rectangulaire, remonte au début du XIIIe siècle. Les

agrandissements et transformations menés par ses

propriétaires successifs lui ont donné son apparence

actuelle.

Classé monument historique

en 1976, le Château a toutefois

failli disparaître en 1982, lorsque

sa toiture s’est effondrée, faute

d’entretien. Depuis, une Fonda-

tion et une Association œuvrent

conjointement à sa valorisation

en tant que centre culturel.

C’est son histoire, de son originie

nos ours, ui est retra ée au fil de cet ouvrage.

Glossaire

congé (fenêtre) dans l’encadrement mouluré d’une fenêtre,

l’extrémité basse quand elle est de section concave.

courtine dans un château fort, désigne le mur d’enceinte

ompris entre deux tours de an uement

coussiège banc maçonné aménagé dans l’embrasure d’une

fenêtre

crénelage système défensif couronnant un mur formé de pleins

(merlons) et de vides (créneaux)

dendrochronologie méthode de datation du bois fondée sur l’analyse de

la croissance des arbres

fenêtre à croisée fenêtre divisée par une structure en pierre disposée

en croix (par un meneau vertical et une traverse

horizontale)

lattis ouvrage en lattes de bois

linteau bloc(s) de pierre couvrant horizontalement une baie,

une porte

maison forte au o en ge, a itation fortifiée, stru turellement moins complexe et luxueuse qu’un château

meneau élément en pierre servant à diviser verticalement

l’ouverture d’une fenêtre

meurtrière baie ouverte dans un mur pour tirer sur les assaillants

potager foyer où l’on faisait mijoter les potages

ressaut ici, rupture de l’aplomb du mur, formant support pour

les planchers

solives/solivage pièces de charpente horizontales qui s’appuient sur

des poutres

ISBN 978-2-9701192-0-3

TABLE DES MATIÈRESIntroduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

Une maison forte du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Un peu d’histoire... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3La maison-tour primitive (vers 1200)… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5… et sa tourelle d’escalier ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6L’extension vers le sud (vers 1305-1343/45)… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7… et la cour intérieure à l’est . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8Les premières transformations sous les Rovéréaz

(dès le milieu du XIVe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Un château haut de gamme (dès 1475 jusqu’aux environs de 1700) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Un peu d’histoire… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12La tour ronde et les réaménagements à l’est (dès 1475) . . . . . . . . . . . . . . . . 14Des espaces mieux éclairés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Pierre Guigoz, tailleur de pierre, architecte et habitant d’Ollon . . . . . . . . . . . 16La charpente à poteaux monumentale (1512) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17Un graffiti aux armoiries de la famille de Rovéréaz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18L’escalier à l’italienne (début du XVIIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Une pièce de vie particulièrement luxueuse

(milieu du XVIe-XVIIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Le cadran solaire (1677) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Des locaux de stockage ? (XVIIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Une maison fonctionnelle (XVIIIe-XXe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Un peu d’histoire… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Un XIXe siècle au son du travail du bois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Les décors peints de la tour ronde (XXe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

Un monument digne d’être préservé (XXe-XXIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . 26

Histoire des restaurations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Huit siècles de plâtre et de chaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32Les graffitis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33L’Association et la Fondation du Château de la Roche . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Crédits des illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Plans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . rabat

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LE CHÂTEAU DE LA ROCHE, OLLON (VD)

INTRODUCTION

Dans le village d’Ollon, sur la route menant à Villars, une grande et ancienne façade en partie décrépie, aux fenêtres singulière-ment disposées, attire le regard des promeneurs et des automo-bilistes (fig. 1-2). L’édifice, communément appelé le « Château de la Roche », est l’une des dernières maisons fortes médiévales conservées dans le Chablais suisse.

Malgré sa valeur patrimoniale incontestable et son classement au rang de monument historique en 1976, le Château faillit dis-paraître en 1982, quand, par manque d’entretien, la toiture s’ef-fondra, emportant une partie des murs intérieurs (p. 26, fig. 43). Il ne fut alors sauvé que grâce à l’engagement de personnes sou-cieuses de son devenir et provenant de tout le canton, qui créèrent une fondation et une association qui travaillent depuis lors à sa préservation et à sa mise en valeur.

Ce guide s’insère dans cette volonté de valoriser cet édifice ex-ceptionnel. Il répondra à la curiosité de toutes celles et ceux qui s’interrogent sur son histoire, et leur fournira les clés essentielles pour comprendre sa structure architecturale. Il se base pour l’essen-tiel sur l’étude réalisée en 1991 par l’historienne des monuments Michèle Grote et sur les investigations archéologiques menées entre 1982 et 2003 par Archéotech SA (Olivier Feihl et Philippe Jaton). Des sondages réalisés par Alain Besse (Sinopie Sàrl) sont venus enrichir les connaissances sur les enduits et les nombreux graffitis anciens.

Ces informations ont été complétées par les auteurs du présent ouvrage, dont les recherches et les analyses ponctuelles ont mis en évidence que le Château est loin d’avoir livré tous ses secrets. Une étude complémentaire plus approfondie mériterait d’être entreprise, afin de confir-mer (ou d’infirmer) certaines hypothèses émises ci-après.

È Fig. 1Le Château de la Roche au bord de la route me-nant à Villars-sur-Ollon, vue aérienne.

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UNE MAISON FORTE DU MOYEN ÂGE (XIIIe-XVe SIÈCLES)Un peu d’histoire…

Le Château de la Roche est un bâtiment complexe, pour lequel les archives ne donnent que peu de renseignements : ses premiers propriétaires ou les circonstances de sa construction, par exemple, ne sont pas connus avec certitude. Les informations dont nous dis-posons proviennent essentiellement des analyses archéologiques. Celles-ci indiquent que les origines du bâtiment remontent au tout début du XIIIe  siècle, et qu’il a d’abord été conçu comme une maison-tour rectangulaire sur trois niveaux (fig. 3). Cette tour a consti-tué le noyau primitif à partir duquel

Ç Fig. 2La façade nord du Château. Les différences d’aspect témoignent de l’effondrement partiel de la façade en 1987. La partie qui a dû être reconstruite apparaît presque blanche, ce qui la différencie des murs restés intacts, avec leurs pierres apparentes.

Æ Fig. 3Reconstitution 3D mettant en évidence les volumes de la maison-tour primitive avec sa tourelle d’escaliers (étape I), vue du sud-est. Seules les ouvertures – ici des meurtrières – dont les traces archéologiques sont encore repérables ont été signalées.

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LE CHÂTEAU DE LA ROCHE, OLLON (VD)

le bâtiment s’est agrandi au fil des siècles, au gré des désirs des propriétaires successifs (p. 7, fig. 9 ; p. 10, fig. 13 ; p. 14, fig. 20).

À l’époque de la construction de ce premier bâtiment, le village d’Ollon relevait de l’autorité de l’abbaye de Saint-Maurice (VS). Les de la Tour, une famille noble valaisanne, étaient alors en charge du vidomnat d’Ollon, c’est-à-dire qu’ils administraient la région au nom de l’abbé. Il n’est pas impossible que, vers 1200, un membre de cette famille ait fait poser la première pierre de la tour primitive afin d’y installer sa résidence.

En 1305, les nouveaux vidomnes d’Ollon étaient le chevalier Bourcard de la Roche et son épouse Isabelle, née Greysier. Un document atteste qu’ils possédaient des biens ayant appartenu auparavant à un de la Tour, Girold, et à sa femme, Jordane de Cossonay, probables grands-parents maternels d’Isabelle. La fa-mille de la Roche était elle aussi une famille importante de la ré-gion, puisqu’elle possédait la seigneurie du même nom, dont fai-sait partie la maison forte. Dès 1315, vraisemblablement suite au décès de Bourcard, Isabelle s’occupa – d’abord seule, puis certaine-ment avec son fils Jean, devenu adulte – d’administrer le vidom-nat. Mère et fils renoncèrent finalement à cette charge en 1326, tout en conservant par contre leurs biens seigneuriaux à Ollon.

En 1343/45, les biens de Jean de la Roche dans le Chablais furent acquis par Mermet de Rovéréaz, époux de Jeannette de la Roche. Cette famille noble vaudoise fut propriétaire de la maison pendant les 250 ans qui suivirent. Remontant à 1386, la première mention écrite explicite de la « maison forte de la Roche » se trouve dans un document concernant la veuve d’un descendant de Mermet, Jean de Rovéréaz.

Il s’avère que le XIVe siècle fut une époque de grandes transfor-mations pour la maison forte. Manifestement, l’espace offert par la tour primitive ne suffisait plus. Entre 1319 et 1332 environ – se-lon les résultats des analyses de certains plafonds (dans les locaux désignés par les numéros [13] et [24-27] sur les plans à l’intérieur du rabat) –, les de la Roche firent ainsi construire des extensions au sud et à l’est de la tour (p. 7, fig. 9). Celle-ci ne constitua dès lors plus qu’une partie d’une résidence plus grande. Les Rovéréaz entreprirent eux aussi, probablement assez rapidement, de mettre la maison à leur goût (p. 10-11, fig. 13-16).

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La maison-tour primitive (vers 1200)… (étape I

N

N

N

)

Grâce à ses murs plus épais à la base, la tour rectangulaire primitive (environ 10 x 8 m) se repère facilement sur les plans du Château actuel [3]. Atteignant encore par endroits sa hauteur originelle (10,6 m), comme l’atteste le crénelage conservé au sommet de ses murs ouest et nord (fig. 4), elle comporte au rez-de-chaussée un autre indice caractéristique d’une fortification médiévale, à savoir plusieurs meurtrières en pierre de Saint-Triphon : trois à l’est (fig. 3)

et certainement au moins une à l’ouest. Le solivage soutenant le plafond de l’espace [3] a pu être daté par dendrochronologie des environs de 1200 ; il a ensuite été consolidé par un grand poteau central en bois, miraculeusement conservé et daté de 1250 envi-ron. Ce rez-de-chaussée est actuellement entièrement enterré au nord, en raison d’un comblement ultérieur de la pente du terrain de ce côté de la maison.

UNE MAISON FORTE DU MOYEN ÂGE

Ë Fig. 4 et Ì Fig. 5L’intérieur de la maison-tour primitive [3], vue respectivement vers l’ouest et vers l’est. Les restes du crénelage sont encore visibles au som-met du mur ouest.