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1 1 Le Cid, un cœur une épée – Additif au livret Commentaires sur les plages 1. Folia, Faronells Division on a ground, publié par John Playford (1684). « Les adieux du Cid » de François-René de Chateaubriand (1768-1848). Récitant : Alain Carré Guitare baroque : François Leclerc Violon baroque : Evelyne Moser Selon les indications données par Chateaubriand, ce poème se fait « sur l’air des Folies d’Espagne ». Nous avons donc choisi, pour l’encadrer et le souligner, l’une des nombreuses séries de variations écrites au 17 ème siècle sur cette fameuse mélodie et ligne de basse, qui sont utilisées pour l’improvisation et la composition depuis la Renaissance. 2. « Ô rage, ô désespoir ! ô vieillesse ennemie » , Le Cid (Acte I, 5) de Pierre Corneille (1606- 1684). Le Comte : Bernard Paccot 3. Prélude en la mineur de Santiago de Murcia (1682-1735?). Guitare baroque : François Leclerc Santiago de Murcia fut guitariste, compositeur et professeur particulier de la Reine d’Espagne, Marie Louise Gabrielle de Savoie. 4. « Rodrigue as-tu du cœur ? », Le Cid (Acte I, 6) de Pierre Corneille. Le Comte : Bernard Paccot Rodrigue : Alain Carré 5. Prélude en la mineur (2 ème partie) de Santiago de Murcia. 6. « Percé jusques au fond du cœur », Stances du Cid (Acte I, 7) de Pierre Corneille. Rodrigue : Alain Carré

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Le Cid, un cœur une épée – Additif au livret

Commentaires sur les plages

1. Folia, Faronells Division on a ground, publié par John Playford (1684). « Les adieux du Cid » de François-René de Chateaubriand (1768-1848). Récitant : Alain Carré Guitare baroque : François Leclerc Violon baroque : Evelyne Moser Selon les indications données par Chateaubriand, ce poème se fait « sur l’air des Folies d’Espagne ». Nous avons donc choisi, pour l’encadrer et le souligner, l’une des nombreuses séries de variations écrites au 17ème siècle sur cette fameuse mélodie et ligne de basse, qui sont utilisées pour l’improvisation et la composition depuis la Renaissance. 2. « Ô rage, ô désespoir ! ô vieillesse ennemie » , Le Cid (Acte I, 5) de Pierre Corneille (1606-1684). Le Comte : Bernard Paccot 3. Prélude en la mineur de Santiago de Murcia (1682-1735?). Guitare baroque : François Leclerc Santiago de Murcia fut guitariste, compositeur et professeur particulier de la Reine d’Espagne, Marie Louise Gabrielle de Savoie.

4. « Rodrigue as-tu du cœur ? », Le Cid (Acte I, 6) de Pierre Corneille. Le Comte : Bernard Paccot Rodrigue : Alain Carré

5. Prélude en la mineur (2ème partie) de Santiago de Murcia.

6. « Percé jusques au fond du cœur », Stances du Cid (Acte I, 7) de Pierre Corneille. Rodrigue : Alain Carré

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7. « Suspenso, de affligido », Las Mocedades del Cid (Journée I, vers 385-408 et 437-452) de Guillén de Castro (1569-1631). Musique de Manolo González. Récitant et piano : Manolo González Violons, altos, vièles à archet médiévales en pizzicati : Evelyne Moser. Cette composition musicale suspensive et suspendue, mêlant intruments anciens et modernes, accompagne ce monologue dans lequel Rodrigue exprime sa douleur et le désir de venger son père, monologue dont Corneille fit son profit pour les « Stances » du Cid.

8. Qu’on est digne d’envie, Le Cid de Jules Massenet (1842-1912). Arrangement de François Leclerc. Guitare : François Leclerc Violon-alto : Evelyne Moser Le Comte : Bernard Paccot Jules Massenet a repris et adapté pour le livret de son opéra Le Cid certains vers de la pièce de Corneille. Ici la ligne mélodique, qui serait donc chantée par le père de Rodrigue, rôle confié à un baryton, est jouée au violon-alto tandis que les paroles sont dites en parallèle.

9. Intermezzo de la Symphonie Espagnole de Edouard Lalo (1823-1892). Arrangement de François Leclerc. Guitare : François Leclerc Violon : Evelyne Moser Cette œuvre, à l’origine pour orchestre et violon solo, en cinq parties caractérisées dont voici un extrait, s’inspire de motifs rythmiques et de mélodies typiques de la musique espagnole. Ce genre de pastiches était très courant au 19ème siècle.

10. « En Burgos esta el buen Rey », Romancero General, anonyme (15ème au 17ème siècle). Musique de Manolo González. Récitant et tambourin : Manolo González Récitante et vièle à archet : Evelyne Moser Cet extrait de Romance historico, dans lequel Chimène demande justice contre Rodrigue l’assassin de son père, date au plus tard du 16ème siècle. L’ancienneté du texte se reconnaît à des formes rudes mais simples et énergiques, à son langage, à la construction de la phrase et aux expressions qui y sont employées.

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11. Outré par la douleur de mortelles atteintes, tiré de Airs faits et mis en tablature de luth (1623). Musique de Louis de Rigaud, poésie extraite du roman d’Honoré d’Urfé l’Astrée (Première partie, 1612). Lira da braccio et chant : Evelyne Moser

12. Lachrime Pavaen, variations de Johann Schop (1590-1667) sur Flow My Tears de Dowland. Violon baroque : Evelyne Moser Luth : François Leclerc La quarte descendante qui débute ce thème est une figure de réthorique musicale illustrant et appelant la lamentation. Nous avons choisi ici des variations composées par le violoniste d’origine germanique Johann Schop. Purcell utilisera lui aussi ce thème comme base de ses Lacrimae pour consort de violes.

13. « Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse », Le Cid (Acte III, 5) de Pierre Corneille. Le Comte : Bernard Paccot Violon baroque : Evelyne Moser Le thème de Flow My Tears est également utilisé pour accompagner ce monologue.

14. « Rodrigue enfin le Ciel permet que je te voie!», Le Cid (Acte III, 6) de Pierre Corneille. Le Comte : Bernard Paccot Rodrigue : Alain Carré

15. Egressus autem cum exercitu suo de Cesaraugusta, Historia Roderici (première moitié du 12ème siècle). Composition de Manolo González. Chant : Manolo González Vièle à archet : Evelyne Moser Ce récit de la prise de Valence est extrait du quatrième des six fragments qui composent l’ Historia Roderici. Ecrit par un compagnon de bataille du Cid, il souligne le caractère éminemment économique et militaire de la prise de Valence par Rodrigue. 16. « Sous moi donc cette troupe s’avance », Le Cid (Acte IV, 3) de Pierre Corneille. Rodrigue : Alain Carré Oud (luth oriental) : Evelyne Moser

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17. El ciego sol se estrella, Castilla de Manuel Machado (1874-1947). Musique de Manolo González. Piano et chant : Manolo González Ce texte reproduit le récit du Cantar de Mío Cid, dont il cite notamment un vers : « Cid, à notre malheur vous ne gagnez rien ». Le thème du Cid permet au poète de rejoindre un des sujets majeurs des écrivains de la « génération de 98 » à laquelle appartient Manuel Machado : l’évocation des hauts plateaux de Castille et l’exaltation de l’austérité, de la force et de la tendresse castillanes comme pilliers de la civilisation et de la puissance espagnole.

19. A las diez de la manana, La Leyenda del Cid, de José Zorilla (1817-1893). Musique de Manolo González. Piano et chant : Manolo González Nous avons affaire, ici, à l’une des scènes les plus importantes de la légende. En partie imaginée par le poète, et en partie inspirée par les romances traditionnels, elle est traitée avec l’aisance et la simplicité qui sont les qualités habituelles de cet auteur. En Espagne, les romances à caractère historique ressortissent à un mouvement de « récupération » des valeurs nationales qui est le fait des poètes romantiques les plus traditionalistes et conservateurs, tels que le duc de Rivas (1791-1865) et surtout José Zorilla. Dans sa Leyenda del Cid (1882), Zorilla consacre plus de cent poèmes au héros médiéval, qui, à cette époque, fait l’objet de très nombreuses romances dont le nouveau style peut être qualifié de « poésie narrative » ; l’élément lyrique en est généralement absent, mais non la sonorité du vers ni une certaine aisance de versification. Dédié à la ville de Burgos, l’œuvre exploite très habillement de nombreux romances ainsi que les thèmes du Poema de Mio Cid et du Cantar de Rodrigo ou, du moins, les interprétations qu’en a données la Crónica General. Cette tendance traditionnelle à concevoir des poèmes historiques sur Le Cid est bien représentée en France par Victor Hugo dans les Orientales, dans Les Quatre vents de l’esprit et surtout dans La Légende des siècles. À propos de la musique de ces deux chants laissons la parole à leur compositeur et interprète, Manolo González : « Tout cela a d’abord été composé sur la beauté, la sensualité et la force du texte. C’est donc une représentation mélodique de cette narration, une autre forme de récit sensible. Le style, le genre viennent après et auraient pu être divers. Ici c’est la mélodie qui œuvre pour le texte, pour l’émotion vitale. La forme, l’architecture, étaient le texte. En second lieu, accessoirement, on perçoit aisément que A las diez de la manaña a quelque chose d’un Boléro et que El ciego sol se estrella tient plutôt de l’univers du Jazz, comme on dirait que telle église est romane et telle autre gothique, bien que ceci ne les définisse, ne les décrive en rien. De plus, ce « Boléro » est très imprégné de Jazz, et ce « Jazz » est tout empreint d’ibérisme ! alors c’est plutôt entre ces deux univers, une histoire d’amour. »

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18. « Le mariage de Rodrigue et Chimène », « A Jimena y a Rodrigo », Romancero General. Musiques : Propinan de Melyor, anonyme, 16ème s., Tiento et Romanesca «O guardame las vacas» de Alonso Mudarra (mort en 1580). Luth, guitare Renaissance : François Leclerc Violon baroque : Evelyne Moser Récitant : Bernard Paccot Plusieurs « romances » sont consacrés au thème du mariage de Rodrigue et Chimène. Tous contiennent des descriptions nettes et précises. Celui-ci présente un grand intérêt documentaire car il fournit de nombreux renseignements sur les costumes de l’époque à laquelle il fut composé.

20. « Le Cid », tiré de La Négresse blonde (1958) de Georges Fourest. Récitant : Alain Carré Dans ce sonnnet se trouvent magistralement parodiés non seulement les thèmes majeurs de la légende, mais aussi les principaux procédés grâce auxquels les admirateurs du Cid ont traité sa grandeur et sa dignité jusqu’alors incontestées en France.

21. Spagnoletta, anonyme 16-18ème siècle. Violon baroque : Evelyne Moser Guitare baroque : François Leclerc Si le nom de cette danse évoque incontestablement l’Espagne, le théoricien et compositeur Michael Praetorius (1571-1621) lui attribue des origines néerlandaises. Présente néanmoins dans le théâtre de Lope de Vega (1562-1635), il semble que l’Espagne l’ait adoptée tardivement, alors qu’elle se trouve dans de nombreuses compilations manuscrites en Italie et en Angleterre. Sa mélodie se voit parfois associée à un texte, profane ou religieux et sa connotation aristocratique perdure jusqu’au 18ème siècle, ainsi que son image de marque typiquement espagnole : « Monsieur, avec l’españoleta faisons taire tous les menuets » déclare un personnage de la comédie Los sones, de Cañizares. Principale source bibliographique : Le Cid : personnage historique et littéraire : anthologie de textes arabes, espagnols,

français et latins avec traductions . Introduction et édition par Mikel de Epalza, Suzanne Guellouz, Paris : G.-P. Maisonneuve et Larose, 1983 Collection Islam d'hier et d'aujourd'hui 18 ISBN 2706808152 Encres : Aurélien Moser www.myspace.com/aurelienmoser

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Textes

1. « Les adieux du Cid »

François-René de Chateaubriand (1768-1848)

Prêt à partir pour la rive africaine Le Cid armé tout brillant de valeur

Sur la guitare aux pieds de sa Chimène, Chantait ces vers que lui dictait l’honneur.

Chimène a dit : va combattre le Maure, De ce combat surtout reviens vainqueur,

Oui, je croirai que Rodrigue m’adore, S’il fait céder son amour à l’honneur.

Donnez, donnez et mon casque et ma lance,

Je prouverai que Rodrigue a du cœur Dans les combats signalant sa vaillance, Son cri sera pour sa dame et l’honneur.

Maure vanté par ta galanterie,

De tes accents mon noble chant vainqueur, D’Espagne un jour deviendra la folie, Car il peindra l’amour avec l’honneur.

Dans les vallons de notre Andalousie,

Les vieux chrétiens rediront ma valeur, Il préféra, diront-ils, à la vie

Son Dieu, son Roi, sa Chimène et l’honneur.

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7. « Suspenso, de affligido », Las Mocedades del Cid

(Journée I, vers 385-408 et 437- 452) de Guillén de Castro (1569-1631). Ed. Mérimé, pp. 30-33.

RODRIGO. – Suspenso, de afligido, estoy… Fortuna, ¿ es cierto lo que veo ? Tan an mi daño ha sido tu mudanza, que es tuya, y no la creo !... ¿ Posible pudo ser que permitiese tu inclemencia que fuese mi padre el ofendido…¡ estraña pena ! y el ofensor el padre de Jimena ? ¿ Qué haré, suerte atrevida, si él es el alma que me dio la vida ? ¿ Que haré (¡ terrible calma !), si ella es la vida que me tiene el alma ? Mezclar quisiera, en confianza tuya, mi sangre con la suya, ¿ y he de verter su sangre ?... ¡ brava pena !, ¿ yo he de matar al padre de Jimena ? Mas y a ofende esta duda al santo honor que mi opinión sustensa. Razón es que sacuda de amor el yugo, la cerviz exenta, acuda a lo que soy ; que habiendo sido mi padre el ofendido, poco importa que fuese, ¡ amarga pena !, el ofensor el padre de Jimena. (..) « Haz cuenta, valiente espada, que otro Mudarra te ciñe, y que con mi brazo riñe por su honra maltratada. Bien sé que te correrás de venir a mi poder, mas no te podrás correr de verme echar paso atrás. Tan fuerte como tu acero me verás en campo armado ;

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Segundo dueño has cobrado tan bueno como el primero. Pues cuando alguno me venza, corrido del torpe hecho hasta la cruz en mi pecho te esconderé, de vergüenza. » RODRIGUE. – De douleur, je demeure interdit. Fortune, ce que je vois est-il réel ? Ce changement qui vient de toi m’est si funeste que je n’y crois pas ! Comment ta rigueur a-t-elle pu permettre que mon père fût l’offensé – l’étrange peine ! – et l’offenseur le père de Chimène ? Que faire, ô fortune cruelle, s’il est, lui, l’âme qui m’a donné la vie ? Que faire, terrible hésitation, si elle est, elle, la vie qui soutient mon âme ? J’aurais voulu, avec ton approbation, mêler mon sang au sien, et c’est son sang que je dois verser ? Souffrance extrême, je dois tuer le père de Chimène ? Mais cette hésitation même offense l’honneur sacré qui soutient ma réputation. Mon devoir m’oblige, mon esprit une fois libéré, à me montrer digne de moi, car si mon père est l’offensé, peu importe, amère souffrance, que l’offenseur soit le père de Chimène. (..) « Rends-toi compte, vaillante épée, qu’un nouveau Mudarra te ceint et que, par mon bras, il se bat pour laver l’outrage infligé à son honneur. Je sais bien que tu frémiras de tomber en mon pouvoir, mais tu ne pourras pas frémir de me voir reculer d’un pas. Tu me verras, aussi fort que ton acier, armé pour le combat. Tu as trouvé un second maître aussi valeureux que le premier. Car, si je suis vaincu par quelqu’un, frémissant sous l’infamie, jusqu’à la garde, dans ma poitrine, de honte je te cacherai. »

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10. « En Burgos esta el buen Rey »

Édition du Romancero General, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid 1945, n° 734, p.484.

En Burgos esta el buen Rey Asentado á su yantare, Cuando la Jimena Gómez Se le vino a querellare. Cubierta todo de luto, Tocas de negro cendale, Las rodillas por el suelo Comenzara de fablare : – Con mancilla vivo, Rey, Con ella murió mi madre ; Cada día que amanece Veo al que mató á mi padre, Caballero en un caballo, Y en su mano un gavilane ; Por facerne más despecho Cébalo en mi palomare, Mátame mis palomillas Criadas y por criare ; La sangre que sale d’ellas Teñido me ha de briale. Enviéselo a decire, Envióme a amenazare. Rey que non face justicia No debiera de reinare, Ni cabalgar en caballo, Ni con reina fablare, Ni comer pan á manteles, Ni menos armas armare –. À Burgos est le bon roi, assis à table, quand Chimène Gomez vient se plaindre à lui. En vêtements de deuil, et coiffée de cendal noir, genoux à terre, elle s’est mise à parler : « De la blessure avec laquelle je vis, ô mon roi, ma mère est morte ; chaque jour qui se lève, je vois celui qui a tué mon père, cavalier sur son cheval,

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et tenant à la main un épervier ; pour m’offenser d’avantage il le nourrit dans mon colombier, il tue mes colombelles élevées et à élever ; le sang qui en jaillit a teint ma jupe. Je le lui ai fait observer, il m’a fait menacer. Un roi qui ne fait pas régner la justice ne devrait pas pas régner, ni chevaucher sur son cheval, ni deviser avec la reine, ni manger du pain sur des nappes, ni encore moins s’armer d’armes ».

11. « Outré par la douleur de mortelles atteintes »

Honoré d’Urfé : l’Astrée (Première partie, 1612).

PLAINTE

Outré par la douleur de mortelles attaintes,

Sans autre reconfort, Que celuy de mes plaintes,

Je souspire à la mort.

Ma deffense est sans plus, l'impossible esperance, Mais le glaive aceré,

Dont le mal-heur m'offense, Est un mal asseuré.

J'espere quelquefois en ma longue misere,

De voir finir mon dueil : Mais quoy ! je ne l'espere

Sinon dans le cercueil.

Celuy ne doit-il point s'estimer miserable, Et les Dieux ennemis

Dont l'espoir favorable En la mort est remis ?

Mais où sont les desseins de ce courage extréme,

En mon mal resolus ? Mais où suis-je moy-mesme ?

Je ne me connois plus.

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Mon ame en sa douleur est tellement confuse,

Que ce qu'ore elle veut Soudain elle refuse

Alors qu'elle le peut.

Reduitte en cet estat, elle ne peut connoistre, Qu'elle a, ny quelle elle est :

O pourquoy faut-il estre, Lors que tout nous déplaist !

15. « Egressus autem cum exercitu suo de Cesaraugusta »

Historia Roderici (première moitié du 12ème siècle), Édition R. Menéndez Pidal, La España del Cid, vol.II, Madrid 1969, pp. 955-959.

Egressus autem cum exercitu suo de Cesaraugusta, cepit iter arripere ad Ualenciam ; et dum iter ageret, ei quidam nuntius occurrit, qui barbaras sarracenorum gentes ad orientales partes peruenisse easque seuissime deuastasse, et etiam usque ad Ualentiam accessisse, necnon eandem Ualentie, traditione omn[ium] homin[um] Ualentie, ille barbare gentes interfecerunt, et huiusmodi malum peractum peregerunt, ipsique tandem indicauit. Rodericus autem hoc audiens, celeri cursu ad opidum Cepulle peruenit eumque statim obsedit. Nisi uero tam cito uenisset, ille barbare gentes Yspani[am] totam usque ad Cesaraugustam et Leridam iam preoccupassent, atque omnino obtinuissent. Castrum quidem Cepulle undique fortiter debellatum tunc continuo cepit ; villam uero in eodem populauit et construxit, eamque munitionibus et fortissimis turribus circumcinxit atque muniuit, ad cuius nimirum populationem ex circumstantibus uillis plures gentes uenerunt et in eadem habitauerunt. Homines ergo Ualentie qui de morte euaserant, erant subditi illis barbaris qui dicebantur moabite, et sub eorum imperio se habebant, et apud illos mistice || manebant. Or sorti de Saragosse avec son armée, il se mit en route pour Valence. Pendant qu’il était en chemin, un messager vint au devant de lui et lui expliqua en détail que des hordes barbares de Sarrasins étaient parvenues aux régions du Levant, qu’elles les avaient très durement dévastées et qu’elles étaient même arrivées jusqu’à Valence, si elles ne l’avaient pas déjà conquise. Ce qui est pire, ces hordes barbares, au dire de toute la population de Valence, avaient tué Al-Qâdir, roi de Valence, et avaient continué d’accomplir de semblables forfaits ; voilà finalement ce qu’il lui révéla. Rodrigue, apprenant cela, parvint à toute allure à la forteresse de Cepulle et l’assiégea aussitôt. En vérité, s’il n’était pas arrivé si vite, ces hordes barbares auraient déjà envahi toute

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l’Espagne jusqu’à Saragosse et Lerida et l’auraient entièrement occupée. Il prit alors, aussitôt, la forteresse de Cepulle après l’avoir fortement attaquée de toute part ; il y construisit une ville et la peupla ; il l’entoura et la munit de défenses et de très solides tours et, naturellement, un assez grand nombre de gens des villes environnantes vinrent la peupler et y habitèrent. Ainsi donc, les Valenciens qui avaient échappé à la mort étaient soumis à ces barbares qu’on appelait Moabites ; ils étaient sous leur domination et restaient mystiquement avec eux.

17. « El ciego sol se estrella »

Castilla, dans Alma, Madrid 1900 de Manuel Machado (1874-1947) El ciego sol se estrella en las duras aristas de las armas, llaga de luz los petos y espaldares y flamea en las puntas de las lanzas. El ciego sol, la sed y la fatiga. Por la terrible estepa castellana, al destierro, con doce de los suyos – polvo, sudor y hierro –, el Cid cabalga. Cerrado está el mesón a piedra y lodo… Nadie responde. Al pomo de la espada y al cuento de las picas, el postigo va a ceder… ¡ Quema el sol, el aire abrasa ! A los terribles golpes, de eco ronco, una voz pura, de plata y de cristal, responde… Hay una niña muy débil y muy blanca en el umbral. Es toda ojos azules ; y en los ojos, lágrimas. Oro pálido nimba su carita curiosa y asustada. – ¡ Buen Cid ! Pasad… El rey nos dará muerte, arruinará la casa y sembrará de sal el pobre campo que mi padre trabaja… Idos. El Cielo os colme de venturas… En nuestro mal, ¡ oh Cid ! no ganáis nada. Calla la niña y llora sin gemido… Un sollozo infantil cruza la escuadra de feroces guerreros, y una voz inflexible grita : « ¡ En marcha ! »

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El ciego sol, la sed y la fatiga. Por la terrible estepa castellana, al destierro, con doce de los suyos – polvo, sudor y hierro – el Cid cabalga. Le soleil aveugle se brise sur les dures arêtes des armes ; il blesse de lumière les plastrons et les cuirasses et flamboie sur les pointes des lances. Le soleil aveugle, la soif et la fatigue. À travers la terrible steppe castillane, vers l’exil avec douze des siens, – poussière, sueur et fer – le Cid chevauche. L’auberge est fermée de pierres et de fange… Personne ne répond. Au pommeau de l’épée et au bout des piques la porte va céder… le soleil brûle, l’air embrase ! Aux terribles coups à l’écho rauque une voix pure, d’argent et de cristal, répond… Il y a une fillette très menue et très blanche sur le seuil. Elle n’est qu’œil bleu et dans ses yeux, des larmes. Un or pâle nimbe sa frimousse curieuse et apeurée. – Bon Cid, passez… Le roi nous donnera la mort, il ruinera la maison et sèmera du sel sur le pauvre champ que mon père travaille… Allez-vous en. Que le ciel vous comble de chances… « À notre malheur Cid, vous ne gagnez rien. » La fillette se tait et pleure sans gémir… Un sanglot enfantin croise l’escouade de féroces guerriers et une voix inflexible crie : « En avant ! ». Le soleil aveugle, la soif et la fatigue. À travers la terrible steppe castillane, vers l’exil avec douze des siens – poussière, sueur et fer – le Cid chevauche.

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18. « Le mariage de Rodrigue et Chimène »

Édition du Romencero General, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid 1945, n°739, p.486.

A Jimena y a Rodrigo Prendió el Rey palabra y mano De juntarlos para en uno En presencia de Laín Calvo. Las enemistades viejas Con amor las olvidaron ; Que donde preside amor Se olvidan muchos agravios. El Rey dió al Cid a Valduerna, A Saldaña y Belforado, Y a San Pedro de Cardeña, Que en su hacienda vincularon. Entróse á vestir de boda Rodrigo con sus hermanos : Quitóse gala y armas Resplandeciente y grabado : Púsose un medio botarga Con unos vivos morados, Calzas, balona tudesca De aquellos siglos dorados, Eran de grana de polvo, Y de vaca los zapatos, Con dos hebillas por cintas Que le apretaban los lados ; Camison redondo y justo, Sin fletes ni recamos, Que entoces el almidón Era pan para muchachos ; Con jubon de raso negro, Ancho de manga, estofado, Que en tres ó cuatro batallas Su padre lo había sudado. Una acuchilada cuera Se puso encima del raso, En remembranza y memoria De las muchas que había dado, Una gorra de Contray, Con una pluma de gallo ;

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Llevaba puesto un tudesco En felpa todo forrado ; La Tizona rabitiesa, Del mundo terror y espanto, En tiros nuevos traía, Que costaron cuatro cuartos. Más galán que Gerineldos Baja el Cid famoso al patio, Donde Rey, Obispo y Grandes En pié estaban aguardando. Tras esto bajó Jimena Tocada en toca de papos, Y no con estas quimeras Que agora llaman hurracos. De paño de Londres fino Era el vestido bordado, Unas garnachas muy justas Con un chapín colorado, Un collar de ocho patenas Con un San Miguel colgado Que apreciaron una villa. Solamente de las manos, Llegaron juntos los novios, Y al dar la mano y abrazo, El Cid mirando la novia Le dijo todo turbado : – Maté a tu padre, Jimena, Pero no a desaguisado ; Matéle de hombre a hombre Para vengar cierto agravio. Maté hombre, y hombre doy, Aquí estoy á tu mandado, Y en lugar del muerto padre Cobraste marido honrado. – A todos pareció bien, Su discreción alabaron, Y así se hicieron las bodas De Rodrigo el castellano. De Chimène et de Rodrigue le roi reçut la parole et la main pour les unir en une seule personne en présence de Laïn Calvo. Avec l’amour ils oublièrent les anciennes inimitiés, car où préside l’amour on oublie bien des offenses. Le roi donna au Cid, pour les joindre à son patrimoine, Valduerna, Saldana, et Belforado, et San Pedro de Cardeña.

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Rodrigue alla avec ses frères revêtir ses habits de noces. Il quitta sa tenue et ses armes, resplendissant de ciselures ; il mit une culotte à mi-jambes aux galons mauves, des chausses, un collet d’Allemagne à la mode de ces siècles dorés, et ses chaussures en cuir de bœuf étaient d’écarlate en graine, avec deux fibules pour lacets qui lui serraient le pied des deux côtés. Une chemise ronde et ajustée, sans lisérés ni broderies en relief, car alors l’amidon était du pain pour enfants. Avec un pourpoint de satin noir, large de manches, étoffé, dans lequel, au cours de trois ou quatre batailles, avait sué son père. Il mit par-dessus le satin un gilet de cuir tailladé, en mémoire et souvenir des nombreuses blessures qu’il avait lui-même infligées. Il portait un bonnet de Courtray à plume de coq et en outre une coiffure allemande toute doublée de peluche. Quant à Tizona, à la pointe gaillarde, effroi et terreur du monde, Il la portait dans une gaine neuve qui avait coûté quatre quarts. Plus séduisant que Gérin, le Cid fameux descend dans la cour, où le Roi, l’Évêque et les Grands étaient à l’attendre debout. Puis Chimène descendit portant une coiffe bouffante et non de ces monstres que l’on appelle aujourd’hui « urraques ». Son vêtement brodé était de fin tissu de Londres. C’était une robe très ajustée ornée d’une broderie rouge, un collier à huit médaillons auquel pendait un saint Michel qu’ils estimèrent valoir une ville. Les fiancés arrivèrent ensemble, se tenant seulement par la main, et quand ils se prirent les mains et s’embrassèrent,

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le Cid regardant sa fiancée, lui dit tout ému : « J’ai tué ton père, Chimène, mais non injustement ; je l’ai tué d’homme à homme pour venger une offense patente. J’ai tué un homme et je t’en donne un autre, me voici à ta discrétion, et en échange d’un père mort tu as reçu un mari honoré. » Tous approuvèrent, ils louèrent sa sagesse, et c’est ainsi que se célébrèrent les noces de Rodrigue le Castillan.

19. « A las diez de la manana »

La Leyenda del Cid, de José Zorilla, Barcelona 1882, pp. 123-125. A las diez de la mañana del florido mes de mayo, ante mucha noble gente reunida en su palacio, a Jimena y a Rodrigo toma el rey palabra y mano de juntarlos para en uno con indisoluble lazo. Jimena está conmovida, roja y con los ojos bajos, para ocultar la alegría de los ojos con los párpados. Tal vez se avergüenza un poco de entregarse tan de grado a aquel contra quien justicia pedía airada tan alto. Rodrigo, tan fresco y ágil ante una hueste a caballo, delante está de su novia un poco encogido y pálido. El rey mira sonriendo el encogimiento de ambos, y a su sonrisa sonríen los malignos cortesanos.

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La reina como madrina, está de Jimena al lado detrás de ella las infantas como testigos del acto. (…) À dix heures du matin, du mois de mai fleuri, devant une noble multitude réunie dans son palais, le roi reçut la parole et la main de Chimène et de Rodrigue et les unit en une seule et même personne d’un lien indissoluble. Chimène est émue, elle rougit et baisse les yeux pour cacher de ses paupières la joie qui brille dans ses yeux. Peut-être a-t-elle quelque honte de se donner de si bon gré à celui contre lequel, si haut, irrittée, elle demandait justice. Rogrigue, si gaillard et si agile devant une armée à cheval, est, devant sa fiancée, un peu confus et pâle. Le roi observe en souriant la confusion des deux et à son sourire répondent par un sourire les courtisans malicieux. En tant que marraine, la reine est à côté de Chimène. Derrière elle, les infantes en tant que témoins de l’acte. (…)

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20. « Le Cid »

La Négresse blonde (1958) Georges Fourest

Va, je ne te hais point. (Pierre Corneille)

Le palais de Gormaz, comte et gobernador, est en deuil : pour jamais dort couché sous la pierre

l’hidalgo dont le sang a rougi la rapière de Rodrigue, appelé le Cid Campéador.

Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre,

Chimène, en voiles noirs, s’accoude au mirador et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière regardent, sans rien voir, mourir le soleil d’or…

Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle : Sur la plaza Rodrigue est debout devant elle ! Impassible et hautain, drappé dans sa capa,

Le héros meurtrier à pas lents se promène :

« Dieu ! soupire à part soi la plaintive Chimène, qu’il est joli garçon, l’assassin de Papa ! »