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Les investisseurs individuels sont-ils parfaitement rationnels? Après un bref détour par la notion fondamentale de rationalité parfaite, les auteurs soulignent les principaux biais comportementaux mis en évidence dans la littérature financière, soit dans les études expérimentales en laboratoire, soit dans les analyses empiriques portant sur la composition des portefeuilles d’investisseurs individuels. Face aux biais observés, la dernière partie de l’article présente une théorie alternative des choix risqués qui est ensuite appliquée à l’évaluation d’un produit financier particulier. L’ investissement sur un marché financier entraîne le report à une date ultérieure d’une partie de la consommation présente. Cette décision d’investissement est prise par l’individu en situation de risque ou d’incertitude. Dès lors, la compré- hension de la formation des prix sur les marchés finan- ciers est étroitement liée à la compréhension du com- portement des acteurs sur ces marchés et, plus précisément, à celle du comportement des investisseurs face à des décisions dont les issues sont incertaines. De nombreux travaux académiques ont tenté de construire des modèles normatifs du comportement de l’investis- seur parfaitement rationnel sur un marché financier. Cette approche est généralement opposée à celles plus empiriques qui tentent de mettre en lumière les méca- nismes psychologiques qui sous-tendent les comporte- ments observés. En théorie financière, le critère retenu pour décrire le comportement d’un individu parfaite- ment rationnel 2 est la maximisation de l’utilité espérée DOSSIER PAR MARIE-HÉLÈNE BROIHANNE, MAXIME MERLI, PATRICK ROGER Le comportement des investisseurs individuels 1 1. Cet article reprend quelques arguments développés dans l’ouvrage Finance Comportementale (Economica, 2004) par les mêmes auteurs. 2. Voir également Allais (1955). 09/Roger/157 23/08/05 10:33 Page 145 Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-rfg.revuesonline.com

Le comportement des investisseurs individuels

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Les investisseurs

individuels sont-ils

parfaitement rationnels?

Après un bref détour par

la notion fondamentale de

rationalité parfaite, les

auteurs soulignent les

principaux biais

comportementaux mis en

évidence dans la littérature

financière, soit dans les

études expérimentales en

laboratoire, soit dans les

analyses empiriques

portant sur la composition

des portefeuilles

d’investisseurs individuels.

Face aux biais observés, la

dernière partie de l’article

présente une théorie

alternative des choix

risqués qui est ensuite

appliquée à l’évaluation

d’un produit financier

particulier.

L’investissement sur un marché financierentraîne le report à une date ultérieure d’unepartie de la consommation présente. Cette

décision d’investissement est prise par l’individu ensituation de risque ou d’incertitude. Dès lors, la compré-hension de la formation des prix sur les marchés finan-ciers est étroitement liée à la compréhension du com-portement des acteurs sur ces marchés et, plusprécisément, à celle du comportement des investisseursface à des décisions dont les issues sont incertaines. Denombreux travaux académiques ont tenté de construiredes modèles normatifs du comportement de l’investis-seur parfaitement rationnel sur un marché financier.Cette approche est généralement opposée à celles plusempiriques qui tentent de mettre en lumière les méca-nismes psychologiques qui sous-tendent les comporte-ments observés. En théorie financière, le critère retenupour décrire le comportement d’un individu parfaite-ment rationnel2 est la maximisation de l’utilité espérée

DOSS IER

PAR MARIE-HÉLÈNE BROIHANNE,MAXIME MERLI, PATRICK ROGER

Le comportementdes investisseurs

individuels1

1. Cet article reprend quelques arguments développés dans l’ouvrageFinance Comportementale (Economica, 2004) par les mêmes auteurs.2. Voir également Allais (1955).

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et cette formalisation repose sur un plu-sieurs axiomes3. En particulier, l’ordre depréférence de l’individu n’est pas perturbépar un changement mineur des probabilitésd’occurrence des différents états (axiomede continuité). En outre, si deux loteriessont associées à une troisième, l’ordre depréférence de l’individu en ce qui concerneles deux loteries n’est pas perturbé par lanature de la troisième loterie (axiome del’indépendance des alternatives).Lorsque ces axiomes sont vérifiés, les pré-férences de l’individu peuvent être repré-sentées par une fonction d’utilité linéairedans les probabilités (von Neumann etMorgenstern (1947))4. Si les actifs finan-ciers sont décrits par des variables aléa-toires, l’investisseur rationnel confronté àun choix d’investissement sélectionne untitre (une loterie) ou le portefeuille (combi-naison de loteries) qui engendre la plusgrande satisfaction5.Le deuxième aspect du comportement del’investisseur parfaitement rationnelconcerne sa réaction à de nouvelles infor-mations, que celles-ci soient d’ordre géné-ral, économique ou financier. L’arrivée denouvelles informations entraîne la modifi-cation, par les individus, des probabilitésd’occurrence affectées aux différents évé-nements futurs. L’investisseur rationnel

opère cette révision des probabilités enobéissant à la règle de Bayes6. Il est à noterque si tous les investisseurs sont parfaite-ment rationnels, seules les informations nonanticipées peuvent modifier ces probabilitéset finalement conduire à une modificationdu prix des actifs financiers. Nous revenonsbrièvement dans une première section surce qui est entendu par comportementrationnel face à des choix risqués et nousquestionnons la pertinence de cette hypo-thèse. Une seconde section est consacréeaux principaux résultats des études empi-riques relatives au comportement des inves-tisseurs individuels. Enfin, la dernière sec-tion est dédiée aux approches théoriquesalternatives ayant pour objet de rendrecompte des principaux biais observés.

I. – LA RATIONALITÉ PARFAITE EN QUESTION

1. Choix individuels et rationalité

Dès 1953, Allais souligne un paradoxe quiremet en cause l’axiome d’indépendancedes choix7. En outre, l’expérience menéepar Allais indique que les individus préfè-rent systématiquement les choix pour les-quels les probabilités sont connues, et l’onparle alors d’aversion pour l’ambiguïté8. Enparticulier, les études de ce phénomène

146 Revue française de gestion

3. Cette axiomatique est essentiellement due à von Neumann et Morgenstern (1944, 1947). Pour une descriptionprécise de ces axiomes, voir Mas-Colell, Whinston et Green (1995).4. Pour une démonstration de ce théorème, voir Gollier (2001).5. Lorsque la fonction d’utilité est quadratique le choix de l’individu s’opère dans l’espace espérance-variance et ceconstat est à l’origine du modèle d’équilibre des actifs financiers (voir, par exemple, Markovitz (1952), Sharpe (1964)).6. Soit (Ω, A, P) un espace probabilisé ; notons A1, A2…, AN un ensemble d’événements deux à deux incompatibleset de probabilités non nulles tels que Ui = 1

i = N Ai = Ω. Alors pour tout événement B on a :

P(Ai/B) =

7. Voir également Ellsberg (1961) ou encore Kahneman et Tversky (1979).8. Pour une revue de littérature sur ce sujet, voir Camerer et Weber (1992).

P(B/Ai)3 P(Ai)

^N

k = 1P(B/Ak) 3 P(Ak)

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montrent que les individus présentant del’aversion à l’ambiguïté sont prêts à payerjusqu’à 20 % de valeur espérée pour éviterl’ambiguïté (MacCrimmon et Larsson,1979 ; Curley et Yates, 1989 ; Bernasconi etLoomes, 1992). Dans le même esprit,Tversky (1969) montre que des individusconfrontés à des choix risqués ne respectentpas toujours l’axiome de transitivité.D’autres expériences mettent l’accent sur lefait que les individus ne révisent que trèsrarement leurs anticipations en respectant larègle de Bayes. En guise d’illustration,l’étude d’Eddy (1982) est menée dans lemilieu hospitalier et le problème posé est lesuivant.Supposez que vous veniez d’examiner unepatiente. Celle-ci présente une tumeur, maisle fruit de votre expérience vous conduit àestimer la probabilité de cancer (tumeurmaligne) à 1 %. Vous décidez tout de mêmede procéder à une mammographie. Voussavez que cet examen classe correctement80% des tumeurs malignes et 90% destumeurs bénignes. À votre grande surprise,le résultat indique que la tumeur estmaligne. À combien estimez-vous la proba-bilité que cette tumeur soit effectivementmaligne?Dans cette expérience, il semble que lesmédecins interrogés perçoivent la probabi-lité d’avoir un cancer, lorsque le résultat estpositif, comme approximativement égale àla probabilité d’un résultat positif lorsque lepatient a un cancer9, c’est-à-dire 80%, alorsque cette probabilité n’est que de 7,5 % sil’on applique la règle de Bayes.

Un autre biais classique à la rationalité par-faite concerne la cohérence des choix opé-rés par les individus lorsqu’ils sontconfrontés à des loteries d’espérance d’uti-lité identique. Lors de leurs expériences,Slovic et Lichtenstein (1968) constatentque les prix d’achat ou de vente des loteries(évalués par les participants) semblent pluscorrélés aux niveaux des paiements asso-ciés aux loteries qu’aux probabilités de réa-lisation de ces différents paiements. Enrevanche, les préférences déclarées par lessujets pour telle ou telle loterie semblentplus corrélées aux probabilités des diffé-rents états plutôt qu’aux paiements offertspar les loteries. Ce phénomène peut alorsconduire les individus à une incohérence dechoix (nommée inversion des préfé-rences10).Ce résultat demeure valide lorsque les par-ticipants sont incités financièrement(Tversky et al., 1990). Plus marquantencore, Lichtenstein et Slovic (1973)confirment ce résultat dans l’étude du com-portement de « vrais » joueurs à Las Vegas.

2. Heuristiques classiques

Les exemples précédents montrent que leschoix des individus ne sont généralementpas en accord avec ce que prédit l’hypo-thèse de rationalité parfaite. L’approcheproposée par les chercheurs en psychologiecomme A. Tversky et D. Kahneman est dif-férente. Selon ces auteurs, les individusconfrontés à un choix complexe opèrent dessimplifications ou raccourcis de raisonne-ment. Les décisions prises sont alors régies

Le comportement des investisseurs individuels 147

9. 95 % des médecins interrogés estiment cette probabilité autour de 75 % ce qui est dix fois trop élevé au regard dela règle de Bayes. Voir également Edwards (1968).10. Une étude classique de ce phénomène est due à Lichtenstein et Slovic en 1971 et pour une discussion détailléede l’axiome en question, voir Tversky, Slovic et Kahneman (1990).

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par des règles simplifiées (ou heuristiques)que les psychologues tentent de mettre enlumière. Face à des choix, l’utilisation deces heuristiques conduit les individus à descomportements parfois éloignés de ce queprédit la théorie des probabilités ; ces dévia-tions sont qualifiées de « biais ». Trois heu-ristiques « classiques » essentiellementdues à Tversky et Kahneman (1974) illus-trent nos propos11.

Heuristique de représentativité

De nombreuses situations auxquelles sontconfrontés les individus peuvent être résu-mées par des questionnements du type :quelle probabilité associez-vous au fait quel’événement A soit dû au processus B?Quelle est la probabilité qu’un objet Aappartienne à un ensemble B? En répondantà ce type de questions les individus fontgénéralement appel à l’heuristique de repré-sentativité. Plus A est représentatif de B,plus la probabilité associée par les individusà ce lien est élevée. De nombreux exempleset résultats d’expériences sont venus corro-borer cette affirmation. Les expériencesconsistent, par exemple, à attribuer une pro-babilité au fait qu’un individu appartienne àune certaine catégorie professionnelle. Enparticulier, Tversky et Kahneman (1982) ontréalisé une expérience dans laquelle la des-cription suivante est proposée.Linda est âgée de 31 ans, célibataire,franche et très brillante. Elle est diplôméede philosophie. En tant qu’étudiante, elleétait très sensible aux questions de discri-

mination et de justice sociale et a égalementparticipé à des manifestations anti-nucléaire. Quelle est pour vous l’affirma-tion la plus probable ?1. Linda est employée de banque,2. Linda est employée de banque et fémi-niste90% des participants à cette expériencechoisissent la réponse 2. Ce type de réponseest intriguant puisque la population desemployées de banque féministes est inclusedans la population des employées debanque. De ce fait, la probabilité de cedouble événement (employée de banque etféministe) est beaucoup plus faible quecelle associée à l’événement simple(employée de banque). Ce biais de raison-nement est généralement nommé erreur deconjonction. D’autres biais sont associés àl’utilisation de l’heuristique de représentati-vité, par exemple, l’insensibilité desréponses à la fréquence initiale et à la taillede l’échantillon ou encore l’interprétationerronée de la chance (gambler’s fallacy,Tversky et Kahneman, 1974)12.Sur ce dernier point, imaginons que nouslancions un dé parfaitement équilibré 6 foisde suite et que nous analysions ce tirage enrelevant à chaque lancer si le nombreobtenu est pair (noté P) ou impair (noté I).Les individus ont généralement tendance àconsidérer qu’un tirage du type I P P I I Pest plus probable qu’un tirage du type I I IP P P. La raison essentielle est que la suc-cession trop marquée de nombres impairspuis de nombres pairs semble, pour de

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11. Voir, Gilovich, Griffin et Kahneman, (2002).12. Pour plus de précisions et une présentation complète de l’ensemble des biais induits par cette heuristique, le lec-teur peut se référer à Tversky et Kahneman (1974, 1982, 2002) d’où sont tirées les expériences qui illustrent cettesection.

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nombreux individus, contraire à la notionde tirage aléatoire. Or, la taille très faibledes tirages ne permet aucune conclusion dece type. Ce biais est dû à l’utilisation d’unerègle erronée qualifiée de « loi des petitsnombres » (Tversky et Kahneman, 1971)13.Sur un marché financier, l’utilisation decette règle peut conduire les investisseurs àpercevoir des tendances en lieu et place dephénomènes parfaitement aléatoires.

Heuristiques d’ancrage et de disponibilité

On distingue généralement trois définitionsde l’ancrage : la première concerne le pro-cessus par lequel un nombre saillant maisnon informatif est donné, la deuxième estun résultat d’expérience qui démontre l’in-fluence de l’information donnée sur lechoix opéré par les individus. Enfin,ancrage et ajustement ont parfois trait auprocessus psychologique par lequel lenombre donné conduit à l’effet observé(Chapman et Johnson 200214).La présence de cette heuristique trouve saplus célèbre illustration dans l’analyse desrésultats obtenus lors de l’expérience sui-vante15 (Tversky et Kahneman, 1974). Ellecomporte plusieurs étapes et les étapes 2 et3 contiennent les questions posées aux par-ticipants :– Première étape : une roue de la fortune estutilisée et permet de tirer de façon aléatoireun nombre compris entre 0 et 100. Le résul-tat du tirage au sort est communiqué auxparticipants.

– Deuxième étape : selon vous le nombre depays africains membres de l’ONU est-ilsupérieur ou inférieur au nombre tiré ?– Troisième étape : à combien estimez-vousle nombre de pays africains membres del’ONU?De façon surprenante, le nombre tiré aléa-toirement a une influence sur la réponse à ladernière question. À titre d’exemple, à laquestion finale, la réponse médiane est de25 pour le groupe de sujets pour lequel lenombre issu du tirage aléatoire est de 10 etde 45 pour le groupe de sujets soumis à untirage aléatoire de 65. La présence de cetteheuristique a été confirmée par de nom-breuses études. Kahneman et Knetsch(1993) ont demandé aux habitants deToronto s’ils étaient prêts à payer 25 dollars(faible valeur de l’ancrage) ou 200 dollars(forte valeur de l’ancrage) pour nettoyer unlac afin d’y protéger la faune et la flore. Unedeuxième question est ensuite formulée : àvotre avis, quelle est la valeur moyenne quesont prêts à payer les habitants de cette villepour le nettoyage? Dans ce cas, les sujetsconfrontés à l’ancrage de 25 dollars esti-ment que le consentement à payer moyenest de 14 dollars tandis que les sujetsconfrontés à l’ancrage de 200 dollars esti-ment ce dernier à 36 dollars. On peut souli-gner que cet effet d’ancrage reste présentmême lorsque les ancrages sont extrêmes(Strack et Mussweiler, 1997)16.Selon Tversky et Kahneman, dans cesexpériences tout se passe comme si « les

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13. Une application concrète et ludique de cette perception erronée de la chance est étudiée par Gilovich et al.(1985).14. Dans Gilovich et al. (2002, p. 121).15. La notion d’ancrage avait déjà été soulignée par Slovic et Lichtenstein (1968).16. Voir Chapman et Johnson (2002) à ce sujet et pour un approfondissement des dernières recherches en psycho-logie concernant cette heuristique, le lecteur peut se référer aux chapitres 6, 7 et 8 de l’ouvrage de Gilovich et al.(2002).

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individus formulaient leurs estimations enpartant d’une valeur initiale et en l’ajustantpour donner leurs réponses finales [et]…cetajustement est systématiquement tropfaible ». On peut noter que l’insuffisance del’ajustement observé est couramment nom-mée biais de conservatisme. Sur les mar-chés financiers, ce phénomène peut être àl’origine de sous-réaction des investisseursà de nouvelles informations (Bernard,1992, ou Barberis, Shleifer et Vishny, 1998pour une approche théorique s’appuyant surce constat).Selon Tversky et Kahneman (1974), l’heu-ristique de disponibilité est un principe parlequel les individus évaluent la fréquenced’une classe ou la probabilité associée à unévénement en fonction de la facilité aveclaquelle les exemples ou l’occurrence detels événements leur viennent à l’esprit ; unévénement tel qu’un accident de voiture estgénéralement plus facilement imaginablequ’une morsure de mygale. Un exempleclassique de l’utilisation de cette heuris-tique est donné par Tversky et Kahnemanen 1973. Ces auteurs ont posé à des sujets laquestion suivante :Dans un échantillon aléatoire de textes enlangue anglaise, est-il plus probable qu’unmot commence par la lettre K ou que K soiten troisième position (exclusion faite desmots de moins de trois lettres) ?Sur les 152 individus interrogés, 105 pen-sent que les mots commençant par la lettreK sont les plus nombreux. Dans les faits, lesmots qui contiennent un K en troisièmeposition sont deux fois plus nombreux. Cerésultat est le fruit de l’utilisation de l’heu-ristique de disponibilité. En effet, cesauteurs justifient ce choix par le fait que lesmots dont la première lettre est K viennentplus facilement à l’esprit que les seconds.

Les participants affectent alors à ces motsune plus grande probabilité d’occurrence.Ces expériences ont aussi été menées avecd’autres lettres et conduisent au mêmerésultat.

II. – COMPORTEMENTINDIVIDUEL : RÉSULTATS

EMPIRIQUES

Le comportement des investisseurs indivi-duels est de mieux en mieux appréhendépar la recherche en finance comportemen-tale. En guise d’illustration, les porte-feuilles individuels semblent peu diversi-fiés (Goetzmann et Kumar, 2001) et lesinvestisseurs individuels semblent plusprompts à racheter des titres précédem-ment détenus si leur prix a augmentédepuis leur cession (Barber et al., 2004).En outre, certains biais systématiquessemblent conduire à une gestion sous-optimale des portefeuilles individuels.Nous revenons dans les deux sous-sec-tions qui suivent sur deux biais classiquesassociés à la gestion des portefeuilles indi-viduels.

1. Effet de disposition et sous-performance

Un biais devenu classique et qualifié debiais de disposition est décrit par Shefrin etStatman en 1985. Ce biais traduit la dispo-sition des investisseurs à vendre les titres« gagnants » trop rapidement et à garder enportefeuille trop longtemps les titres « per-dants ». Dès lors, ce comportement conduitles investisseurs à une gestion sous-opti-male de leurs portefeuilles. D’un point devue très général, la sous-optimalité de ges-tion des portefeuilles individuels peut trou-ver son origine dans la présence d’un phé-

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nomène qualifié de comptabilité mentale(Thaler, 1985)17.Dans le cas de portefeuilles de titres, cettecomptabilité mentale conduit les investis-seurs à négliger les interactions possiblesentre les différents titres. Ils ont alors ten-dance à « comptabiliser » chaque titre indivi-duellement et, de ce fait, le portefeuille n’estpas appréhendé dans sa globalité. Outre cetteconsidération très générale, les origines dubiais de disposition peuvent être multiples:– une croyance irrationnelle en le retour desprix à la moyenne,– la forme de la fonction d’évaluation desinvestisseurs (la théorie des perspectives estdéveloppée dans la dernière section de cetarticle),– en réalisant leurs gains et en ne réalisantpas leurs pertes, les investisseurs satisfontleur recherche de fierté et évitent d’êtreconfrontés au regret18.Odean (1998) confirme l’existence de cebiais en étudiant 10 000 comptes d’investis-seurs individuels de janvier 1987 àdécembre 199319. Cette étude porte sur

6 380 actions traitées sur le NYSE,l’AMEX et le NASDAQ et 97 843 transac-tions sont prises en compte. Pour chaquetransaction et chaque portefeuille indivi-duel, le prix de vente des titres est comparéau prix moyen d’achat de ces titres afin dedéterminer s’il s’agit d’une réalisation deplus-value ou de moins-value. Les titres quicomposent le portefeuille individueln’ayant donné lieu à aucune transactionpermettent de déterminer la perte ou le gainpotentiel de l’ensemble du portefeuille.Deux ratios sont alors calculés : une propor-tion de gain réalisé (PGR) et une proportionde perte réalisée (PLR).Les lignes PLR et PGR contiennent respec-tivement les proportions de pertes réaliséeset les proportions de gains réalisés. Lescolonnes, « Année », « Décembre », et« Janvier/Novembre » contiennent lesrésultats obtenus respectivement sur l’en-semble de l’échantillon, les mois dedécembre uniquement, les années entières,exclusion faite du mois de décembre. Ladernière ligne contient la valeur de la statis-

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17. Voir, Benartzi et Thaler (2001) pour une illustration.18. Pour d’autres explications de ce phénomène, voir Shefrin et Statman (1985).19. Voir également, Dhar et Zhu (2002).20. Le même type de résultats est obtenu pour une analyse compte par compte, pour d’autres points de référence(prix maximum d’achat par exemple), pour des proportions calculées sur le nombre de titres échangés ou encorepour des découpages plus fins de l’échantillon initial.

Tableau 1RÉSULTATS OBTENUS

Année Décembre Janvier/Novembre

PLR 0,098 0,128 0,094

PGR 0,148 0,108 0,152

DIFF – 0,05 0,02 – 0,058

t-stat – 35 4,3 – 38

Source : Odean, 1998.

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tique de Student (significativité des diffé-rences de proportions)20.Les résultats traduisent sur l’ensemble de lapériode, et pour l’ensemble de l’année, unedisposition plus forte des investisseurs àréaliser leurs gains plutôt que leurs pertes(PLR < PGR). Les résultats pour les moisde décembre soulignent une proportion deventes importante par rapport au reste del’année qui est à mettre en parallèle avecl’économie d’impôts que permet cette opé-ration. En outre, on peut remarquer que cesrésultats sont statistiquement très significa-tifs. Enfin, si l’on se réfère au tableau pré-cédent, le rapport entre PGR et PLR estproche de 1,5, ce qui a une interprétationsimple : un titre en hausse a 50 % de plus dechances d’être vendu qu’un titre en baissedurant cette période.Cette disposition à vendre les titresgagnants peut trouver sa motivation dansune croyance très forte au caractère deretour à la moyenne et le tableau suivantdonne les rentabilités des titres gagnantsvendus et des titres perdants gardés en por-tefeuille pour différentes périodes qui sui-vent cette opération.

Les périodes choisies sont respectivementde 84 jours (durée médiane de détention destitres sur l’échantillon étudié), 1 an ou 252jours ouvrés (horizon d’investissementestimé par Benartzi et Thaler, 1995) etenfin, 2 ans ou 504 jours ouvrés (tauxmoyen de détention des titres sur le NYSEpour la période étudiée). Les deux pre-mières lignes du tableau contiennent lesrentabilités moyennes en excès de l’indiceCRSP21 (représentatif du marché actionsaméricain) pour les titres gagnants venduset les titres perdants gardés en portefeuille.La troisième ligne contient la différence derentabilité moyenne entre ces deux types detitres22. Les résultats traduisent, parexemple, que sur une période de 1 an, l’ex-cès de rentabilité des titres vendus est de3,41 % supérieure à l’excès de rentabilitédes titres gardés en portefeuille. En outre,cette sous-performance des titres gardés enportefeuille est observée quelle que soit ladurée retenue.Très clairement, si la stratégie des investis-seurs se fonde sur l’idée que les titres per-dants (gardés en portefeuille) « sur-perfor-ment » les titres gagnants dans une périodefuture alors cette stratégie est en moyenne

152 Revue française de gestion

Tableau 2RÉSULTATS OBTENUS

84 jours 252 jours 504 jours

Titres gagnants vendus 0,47 2,35 6,45

Titres perdants gardés – 0,56 – 1,06 2,87

DIFF – 1,03 – 3,41 – 3,58

Source : Odean, 1998.

21. Center of Research in Security Prices de l’université de Chicago.22. La significativité de ces résultats est testée à partir d’une méthode de bootstrap (voir, Odean 1998, p. 1791) : ilssont statistiquement significatifs.

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perdante. On peut remarquer que ce résultatest compatible avec l’effet momentum mis enévidence par Jegadeesh et Titman en 1993.

2. Surconfiance et échanges excessifs

Sur un marché où n’interviennent que desinvestisseurs parfaitement rationnels etpleinement informés, le volume d’échangedes titres individuels est extrêmementfaible. En effet, l’échange de titres résultealors essentiellement d’ajustements de por-tefeuilles, guidés par la publication d’infor-mations affectant la valeur fondamentale del’entreprise. Comment expliquer alors lesvolumes échangés sur les différents mar-chés mondiaux?Intuitivement, les raisons de l’échange detitres financiers peuvent être multiples : unbesoin de liquidité, un ajustement du couplerendement/risque, un refinancement de por-tefeuille (vente de titres gagnants afin decouvrir la perte sur d’autres positions) ouenfin, des raisons fiscales. Cependant, lesvolumes échangés ne semblent pas pouvoirêtre justifiés par ces seuls arguments. Pourles chercheurs en finance comportementale,les volumes d’échange sont extrêmementélevés car les investisseurs sont sur-confiants. Ce biais de surconfiance peutd’ailleurs être lié à d’autres notions tellesque le bais d’optimisme, l’illusion decontrôle ou encore l’illusion de connais-sance.Le biais de surconfiance trouve son originedans l’étude du calibrage des probabilitéssubjectives. Ce dernier traduit de quellemanière la confiance dans un événementcorrespond à sa probabilité d’occurrenceeffective. Plus simplement, un individu est

parfaitement « calibré » si son niveau deconfiance dans une série d’événements cor-respond à leur probabilité moyenne de réa-lisation. Les résultats de nombreuses expé-riences montrent que les individus sontgénéralement surconfiants23. On peutcependant noter que lorsque les questionssont simples, un défaut de confiance estalors observé (Lichtenstein et al., 1982).Les problèmes de calibrage ne constituentqu’une des manifestations de la sur-confiance. En effet, les individus suresti-ment leurs propres capacités et sont particu-lièrement optimistes sur les événementsfuturs qui leur sont personnellement favo-rables. En outre, la surconfiance se reflètedirectement dans l’opinion que les indivi-dus ont d’eux-mêmes : ils se considèrent,par exemple, comme de meilleurs conduc-teurs (Svenson, 1981) ou de meilleurs ges-tionnaires (Cooper et al., 1988) que lamoyenne et ont tendance à surestimer leurrôle dans la réalisation d’événements favo-rables (Miller et Ross, 1975).Les investisseurs sont-ils sujets au mêmebiais ? Quelles sont, si c’est le cas, lesconséquences sur leurs choix d’investisse-ment?Sur les marchés financiers, les investisseursopèrent des sélections de titres dans un uni-vers où la prévision est difficile et c’estdans ce type d’environnement que les phé-nomènes de surconfiance sont les plusprompts à apparaître (Griffin et Tversky,2002). En outre, une certaine confiance ensa capacité de gestion et d’anticipation estnécessaire afin de décider de gérer seul sonpropre portefeuille.

Le comportement des investisseurs individuels 153

23. Ce biais n’est pas lié à une profession, il est observé, par exemple, chez les médecins, les psychologues cli-niques, les juristes ou encore les analystes financiers (Griffin et Tversky, 2002).

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On peut noter que sur un marché où lescoûts de transaction sont positifs, un inves-tisseur parfaitement rationnel ne prendposition que si l’espérance de gain de cetteopération excède les coûts induits. À l’op-posé, un investisseur surconfiant peutprendre une position dans le cas inverse enestimant de façon erronée, par exemple,l’amplitude des profits espérés. De la mêmefaçon, un tel investisseur peut sélectionnerses titres en surestimant la précision de soninformation privée ou sa capacité à traitercette information.Une façon de mettre en exergue un tel com-portement est de mesurer si la rentabilitédes titres achetés excède la rentabilité destitres vendus par les investisseurs indivi-duels, en tenant compte des coûts de tran-sactions. Odean (1999) étudie la profitabi-lité des choix de portefeuille desinvestisseurs à partir de la base de donnéesde comptes individuels décrite dans la sec-tion précédente. Sur cette période et pourcet échantillon, le coût de transactionmoyen s’élève à 5,9 % pour une opérationd’achat/vente et, de ce fait, la rentabilité des

titres achetés doit finalement excéder d’en-viron 6 % celle des titres vendus afin d’êtreprofitable. Le tableau suivant offre lesrésultats obtenus pour l’ensemble del’échantillon et pour trois périodes dis-tinctes de calcul des rentabilités24.Le résultat le plus marquant est que, quelleque soit la période choisie, la rentabilité destitres vendus excède celle des titres achetés.Par exemple, pour l’échantillon global etpour un horizon d’une année, la rentabilitédes titres achetés est de 3,3 % inférieure àcelle des titres vendus. On peut remarquerque ce constat est valide hors coûts de tran-saction et que la présence de ces derniers nefait qu’amplifier ce résultat25. Afin d’affinercette analyse, la sur ou sous-performancedes portefeuilles « potentiellement » déte-nus est mesurée. Pour chaque mois t, la ren-tabilité d’un portefeuille composé d’uneposition dans chaque titre ayant fait l’objetd’un achat pendant une période précédant lemois t, est calculée. Cette période est nom-mée période de formation et varie de 4 à24 mois et le portefeuille construit estnommé portefeuille « acheté ». Un porte-

154 Revue française de gestion

24. Les périodes de test choisies sont décrites dans la sous-section précédente et ces résultats sont statistiquementsignificatifs.25. Des résultats identiques sont obtenus pour des découpages différents de l’échantillon, pour les investisseurs lesplus actifs et en limitant l’effet de refinancement des portefeuilles.

Tableau 3RÉSULTATS OBTENUS EN POURCENTAGE

84 jours 252 jours 504 jours

Titres achetés 1,83 5,69 24,00

Titres vendus 3,19 9,00 27,32

DIFF – 1,36 – 3,31 – 3,32

Source : Odean, 1999.

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feuille « vendu » est construit de la mêmefaçon. Il s’agit alors d’analyser les perfor-mances du portefeuille global par rapport àun benchmark représentatif du marchéactions américain (indice CRSP). Letableau suivant donne quelques résultats etl’on peut noter que ces derniers sont statis-tiquement significatifs26.Les colonnes présentent les différentespériodes de formation retenues. La pre-mière ligne contient la rentabilité moyennedu portefeuille en excès du portefeuille dumarché. Enfin, la dernière ligne contientl’alpha de Jensen.Les valeurs obtenues sont toutes négativeset l’on peut conclure que le choix opéré parles investisseurs n’est pas optimal. End’autres termes, les nombreux échanges detitres ne semblent pas justifiés. En guised’illustration, si la période de formation desportefeuilles retient les titres échangés partranche de 12 mois, alors le portefeuilleconstruit présente une rentabilité mensuellemoyenne inférieure à celle du marché del’ordre de 0,225 %. Les valeurs de l’indicede Jensen traduisent également une sous-performance de la stratégie mise en place.Ces résultats semblent corroborer l’hypo-

thèse selon laquelle les investisseurs souf-frent de sur-confiance et surestiment la pré-cision de leur information. Dès lors, cet étatde fait les conduit à des ajustements de por-tefeuilles trop fréquents ou, en d’autrestermes, à un échange excessif de titres27.Dans le même esprit, Barber et Odean(2002) testent l’hypothèse de surconfianceen étudiant le comportement et la perfor-mance d’investissements choisis par unlarge panel d’investisseurs ayant opté pourune gestion de portefeuille en ligne contreune gestion traditionnelle. Leur base dedonnées contient, en particulier, les opéra-tions réalisées par 1 607 investisseurs sur lapériode janvier 1991 à décembre 1996. Cepanel est très original car il est constituéd’investisseurs dont les stratégies sur-per-formaient le marché avant ce changement.En quoi ces investisseurs sont-ils suscep-tibles de souffrir du biais de surconfiance?Plusieurs arguments peuvent être avancés :– ces investisseurs obtiennent de bonsrésultats avant ce changement et, de ce fait,ont tendance à penser que leur succès est lefruit de leur compétence. À l’opposé, lesindividus attribuent généralement leuréchec au manque de chance ou à l’action

Le comportement des investisseurs individuels 155

26. Le modèle de Fama et French (1993) est également testé. En outre, une analyse très précise du comportementdes titres dans les périodes qui précèdent l’achat et la vente est proposée dans l’article original.27. Pour une analyse de la sur-confiance selon le sexe et ses conséquences directes (volume d’échange plus impor-tant et performances plus faibles pour les hommes), le lecteur peut se référer à Barber et Odean (2001).

Tableau 4RÉSULTATS OBTENUS EN POURCENTAGE

4 mois 12 mois 24 mois

Rentabilité – 0,293 – 0,225 – 0,137

CAPM/alpha – 0,311 – 0,234 – 0,152

Source : Odean, 1999.

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des autres (Miller et Ross, 1975). Ce biaisd’auto-attribution peut alors entraîner unesurconfiance chez ces investisseurs et lesconduire à s’engager dans des échangesplus fréquents et, en particulier, à choisirdes investissements plus spéculatifs. Enanticipant que l’effort demandé par le chan-gement de gestion sera amorti par plusd’échanges, ces investisseurs semblent plusprompts à passer à la gestion en ligne ;– lorsque les individus reçoivent plus d’in-formations sur la base desquelles ils formu-lent des prévisions, la précision de leursprévisions tend à augmenter moins rapide-ment que la confiance qu’ils ont dans cesdernières. La quantité d’information sup-plémentaire peut conduire à une illusion deconnaissance et à une surconfiance (Peter-son et Plitz, 1988). En gérant leur porte-feuille via le réseau, les investisseurs sontconfrontés à une foule d’informations quipeut accentuer l’illusion de connaissance etde ce fait la sur-confiance ;– les individus pensent généralement queleur implication personnelle a une influence

sur la réalisation d’événements favorables(pourtant aléatoires) et ce phénomène estnommé l’illusion du contrôle (Langer etRoth, 1975). En choisissant leurs titres sansintermédiaire (conversation téléphonique,par exemple), ces investisseurs peuvent sesentir personnellement plus impliqués ;l’illusion de contrôle peut les conduire à deséchanges plus fréquents.Le tableau 5 suivant résume les principauxrésultats obtenus avec des rentabilitésmesurées en tenant compte des coûts detransaction28.La première colonne (colonne « avant »)concerne les résultats obtenus avant le pas-sage à la gestion en ligne et la secondeaprès ce passage (colonne « après »). Outreles résultats obtenus par le panel d’investis-seurs ayant changé de mode de gestion(colonnes online), le tableau contient lesrésultats qui concernent un panel d’inves-tisseurs « proches » de ces derniers maisn’ayant pas procédé au changement demode de gestion sur l’ensemble de lapériode étudiée29. Ces derniers sont quali-

156 Revue française de gestion

28. Pour la significativité des ces résultats, le lecteur peut se référer à l’article original.29. Au moment de la première transaction d’un investisseur sur l’internet, un autre investisseur ayant la position laplus proche (en termes de taille) lui est associé. D’autres alternatives sont testées et ne modifient pas fondamenta-lement les résultats.

Tableau 5RÉSULTATS OBTENUS EN TENANT COMPTE DES COÛTS DE TRANSACTION

Avant Après

Rentabilité Online Classique DIFF Online Classique DIFF

Rentabilité nette 1,492 1,355 0,137 1,002 1,082 – 0,08

Excès/marché 0,197 0,060 0,137 – 0,291 – 0,211 – 0,08

Excès/benchmark – 0,160 – 0,196 0,036 – 0,297 – 0,120 – 0,177

CAPM/alpha 0,126 0,044 0,082 – 0,519 – 0,311 – 0,208

Taux rotation 73,7 53,2 20,5 95,5 48,2 47,3

Source : Odean, 1999.

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fiés de classiques dans la suite. Lescolonnes « DIFF » contiennent les écarts.Les lignes « rentabilité nette », « excès/marché » et « CAPM/alpha » donnent res-pectivement les rentabilités mensuellesmoyennes, les rentabilités mensuellesmoyennes en excès de l’indice CRSP et lamesure de performance de Jensen. Enfin, laligne « excès/benchmark » contient les ren-tabilités mensuelles moyennes en excèsd’une référence interne. Cette dernière cor-respond à la performance mensuellemoyenne des portefeuilles détenus par lesinvestisseurs au début de chaque année. End’autres termes, elle mesure la performanceobtenue si aucune transaction n’avait étéréalisée pendant l’année.Le premier constat est que le panel d’inves-tisseurs ayant opté pour une gestion enligne (que nous qualifierons d’investisseursonline dans la suite) réalise une bonne per-formance et surperforme le marché de prèsde 20 points de base (les investisseurs clas-siques d’environ 14 points de base). Aprèsle changement, les performances affichéespar les investisseurs online se dégradent etsous-performent le marché et les investis-seurs classiques (respectivement de 29points de base et de 8 points de base). Levolume d’échanges (dans la ligne « taux derotation ») a particulièrement augmentépour les investisseurs online. Le taux derotation annualisé est mesuré sur les deuxans qui précèdent le passage à la gestiononline et deux ans après cet événement. Lesinvestisseurs online ont un taux de rotationplus important avant le changement de typede gestion. Cependant, après ce passage letaux de rotation augmente de plus de 20 %

(pour atteindre 95,5 %) alors que celui desinvestisseurs classiques diminue30. On peutnoter que lors du premier mois d’échangevia internet, ce taux de rotation atteint120 %. Enfin, la performance en excès dubenchmark interne montre que les investis-seurs online perdent 30 points par mois(3,6 % annuel) au travers de leur activitéalors que les investisseurs classiques neperdent que 12 points de base (1,4 %annuel).Pour conclure, l’ensemble de ces résultatsconfirme, très largement, les hypothèsestestées et, en particulier, celles concernantla sur-confiance et les échanges excessifsdes investisseurs.

III. – LES PROPOSITIONSTHÉORIQUES ALTERNATIVES

Les travaux menés par les expérimenta-listes dans le domaine de la prise de déci-sion face au risque ont permis de dégagerun certain nombre de conclusions indépen-dantes du contexte dans lequel les décisionssont prises. L’article de Kahneman etTversky (1979) présente de nombreux testsexpérimentaux dont les résultats résumentl’ensemble des travaux précédents etconduisent les auteurs à construire unethéorie des choix individuels fondée sur lesconstatations suivantes :– les individus ont tendance à sur-pondérerles événements dont la probabilité d’occur-rence est faible et à sous-pondérer les pro-babilités moyennes ;– l’évaluation d’une loterie se fait par rap-port aux variations de richesse qu’elleengendre et non par rapport aux niveaux

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30. Les auteurs démontrent également que le taux de rotation « spéculatif » double après le passage à une gestionen ligne.

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absolus de richesse atteints lors de la réso-lution de l’incertitude ;– une perte d’un montant donné a un effetnégatif sur le bien-être plus important quel’effet positif lié à un gain de même mon-tant ;– les individus sont preneurs de risque ducôté des pertes et riscophobes du côté desgains.Le premier point fonde le principe de nonlinéarité par rapport aux probabilités surlequel repose l’ensemble des théories alter-natives à la théorie de l’espérance d’utilité(EU). Parmi celles-ci, la théorie de l’utilitéespérée dépendante du rang (Quiggin,1982 ; Yaari, 1987) utilise, non seulementdes fonctions de pondération à la place desprobabilités mais introduit le concept dedépendance au rang. Cette modificationconduit à recourir à une fonction de trans-formation des probabilités qui permet derésoudre les problèmes de dominance sto-chastique liés à l’emploi de fonctions depondération, en particulier dans le cas, fré-quent en finance, de loteries dotées de deuxprix.Les trois derniers points fondent la théoriedes perspectives de Kahneman et Tversky31

qui connaît le plus grand succès depuis plu-sieurs années. Cette théorie utilise leconcept de dépendance face au rang etintroduit le traitement asymétrique desgains et des pertes par rapport à un niveaude référence. Dans ce cadre, les préférencesdes agents sont déterminées de façonconjointe par la valeur subjective desconséquences des choix qui diffère selonqu’il s’agit de gains ou de pertes (mesurée

par la fonction d’évaluation) et par l’atti-tude des individus face au risque (mesuréepar la fonction de transformation). Il estsans doute trop tôt pour trancher définitive-ment la question de savoir si le succès de lathéorie des perspectives résulte d’un effetde mode ou si cette approche autorise unedescription des préférences qui permet derendre compte de la majorité des phéno-mènes inexpliqués par le modèle EU. Il fauttoutefois reconnaître que les diverses appli-cations dans le domaine de la finance sontprometteuses ; elles apportent en effet dessolutions satisfaisantes à des problèmeslonguement débattus dans la littérature aca-démique comme l’énigme de la prime derisque des actions32 ou celle de la volatilitédes prix par rapport à celle des divi-dendes33.Avant de présenter la théorie des perspec-tives de Kahneman et Tversky, nous faisonsun détour par la théorie de l’utilité espéréedépendante du rang qui permet d’introduirele principe de non-linéarité par rapport auxprobabilités dans la première sous-sectionde cette partie. Une dernière sous-sectionpropose une illustration de l’utilisation deces deux théories pour évaluer un produitfinancier récemment proposé par lesMutuelles du Mans.

1. Non-linéarité par rapport aux probabilités

Les modèles qui permettent d’introduire lanon-linéarité par rapport aux probabilitésproposent de remplacer les probabilités par des poids. Considérons une loterie (x1 ;

158 Revue française de gestion

31. Kahneman et Tversky (1979), Tversky et Kahneman (1992).32. Voir Benartzi et Thaler (1995), Barberis et al. (2001).33. Voir Shiller (1981).

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p1 ; …… ; xn ; pn) qui procure un résultat xiavec la probabilité pi, i = 1, ……, n. Touteloterie ainsi formulée, peut être éva-

luée par :

^n

i = 1 u(xi) w(pi)

u est une fonction d’utilité et w(pi) est lepoids du résultat i. Ce poids peut être inter-prété comme l’attention accordée au résul-tat i, il est matérialisé dans une fonction depondération w(.) et dépend, par hypothèse,seulement de la probabilité pi. Cette for-mule généralise l’ensemble des modèlesqui intègrent la non-linéarité par rapportaux probabilités. La théorie de l’espéranced’utilité constitue un cas particulier danslequel w(pi) = pi. Ces modèles supposentque la somme des poids est égale à un afinde préserver la propriété de dominance sto-chastique d’ordre 1 indispensable à la trans-formation des probabilités pi indépendam-ment des résultats xi.Le concept de dépendance au rang permetl’utilisation de poids dont la somme nevaut pas nécessairement 1 et a, en outre,l’avantage de rassembler l’ensemble desmodèles de choix non linéaires en uneseule formulation théorique qui en facilitela présentation.

L’intuition de la dépendance au rang est quel’attention accordée à un résultat dépend nonseulement de la probabilité de ce résultatmais aussi de son attrait par rapport auxautres résultats de la loterie. Le tableau 6 ci-après illustre cette intuition34. Si un décideurpessimiste évalue la loterie A, il sera prêt àaccorder plus d’un tiers de son attention aurésultat de 10 alors qu’il peut évaluer la lote-rie B en accordant cette fois moins d’atten-tion au résultat de 10. Deux résultats demontants identiques peuvent donc avoir despoids différents si leurs rangs sont différentsdans l’attention que leur porte le décideur.De la même façon, il est possible que deuxévénements ayant la même probabilité aientdes pondérations différentes si leurs rangssont différents. Le rang d’un résultat captetoute l’attention du décideur et détermineainsi la fonction de transformation. Celle-ciest appliquée à la fonction de répartition desrésultats.Comme les modèles qui l’ont précédée, lathéorie de l’utilité espérée dépendante durang (RDEU) repose sur l’utilisation d’unefonction de pondération w : [0, 1]→[0, 1]mais celle-ci n’est plus appliquée aux pro-babilités d’événements individuels mais àla fonction de répartition. Ainsi, le poidsaccordé au résultat xi apparaît dans une

Le comportement des investisseurs individuels 159

34. Nous empruntons cet exemple à Diecidue et Wakker (2001).

Tableau 6EXEMPLES DE LOTERIES

Loterie A Loterie B

Gain Probabilité Gain Probabilité

10 1/3 30 1/3

20 1/3 0 1/3

30 1/3 10 1/3

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fonction de transformation πi qui tientcompte du rang des résultats. Pour une lote-rie (x1 ; p1 ; ……xn ; pn), avec x1 < x2……xn la fonction RDEU qui permet d’évaluerla loterie est donnée par :

V(x1 ; p1 ; ……xn ; pn) = ^i = n

i = 1u(xi) πi

où πi = w1 ^i

j = 1pj2 – w 1 ^

i–1

j = 1pj2 = w(F(xi))

pour i ≥2

Dans le tableau 6, le résultat de 10 est classépar le décideur au rang 1/3 pour la loterie Acar FA(10)=1/3, et au rang 2/3 pour la lote-rie B car FB(10)=1/3+1/3.

2. Traitement asymétrique des gains et des pertes

La théorie des perspectives introduit le trai-tement asymétrique des gains et des pertespar rapport à un niveau de référence géné-ralement associé à une variation de richessenulle. Cette théorie est alors formellementdécrite dans le contexte de loteries compor-tant un nombre n de résultats possibles,positifs et négatifs. Pour une loterie (x1 ; p1 ; ……xn ; pn) on supposera parconvention que x1 < x2 < 0 < xm+1 < ..... xn.En référence à un investissement dans unactif financier ou un portefeuille, on a doncm états de la nature pour lesquels la renta-bilité est négative alors que les (n-m) étatsrestants engendrent une rentabilité positive.De ce fait, la fonction d’évaluation d’unagent, notée V, est décomposée en deuxparties :

V(x1 ; p1 ; ..... xn ; pn) = V(x) = V(x+) + V(x–)

= ^i = n

i = 1πi

+ v (xi) + ^i = m

i = 1πi

– v (xi)

La fonction v est le pendant de la fonctiond’utilité u. Cependant, comme Kahnemanet Tversky l’ont mis en évidence expé-rimentalement, v est concave du côté desgains (à droite du niveau de référence)mais convexe du côté des pertes (àgauche du niveau de référence). De plus,comme les agents manifestent de l’aver-sion pour les pertes, la pente à gauche duniveau de référence est plus forte que lapente à droite de ce même niveau. End’autres termes, cette fonction n’est pasdifférentiable au niveau du statu quo. Laforme paramétrique n’est pas unique,mais la plus courante est donnée ci-dessous :

v(x) = 5(x – x*) si x≥ x*

– λ (x* – x)β si x <x*

où x* est le niveau de référence à partirduquel gains et pertes sont calculés.Lorsque le temps n’intervient pas (le résul-tat de la loterie est connu immédiatement)x* est la richesse de l’agent lorsqu’ildécide ou non de participer à la loterie.Dans les problématiques de finance, lechoix du point de référence est plus déli-cat. Si par exemple, il s’agit de déciderd’investir pour un an dans un portefeuilleindiciel, ce point de référence doit êtreévalué à partir des possibilités d’investis-sement alternatif. Le choix le plus courantconsiste à prendre comme référence larichesse initiale capitalisée au taux sansrisque.Les valeurs des paramètres, estimées parTversky et Kahneman sont α = β = 0,88 etλ = 2,25 toutefois plusieurs études récentesutilisent, par souci de simplification, α = β= 1 car la fonction devient linéaire par mor-

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ceaux35. Le coefficient λ est appelé indiced’aversion aux pertes (Köbberling et Wakker, 2002). Il est supérieur à 1 pour tra-duire cette aversion. En effet, dans une lote-rie à deux résultats, si la mise (et donc lerésultat négatif en cas de perte) est d’uneunité, le gain net devra être supérieur à λ encas d’issue favorable pour que l’individuaccepte de participer à cette loterie. Lafigure 1 représente la fonction v autour dupoint de référence fixé à 0 lorsque α = β =0,88. Comme les paramètres α et β sontproches de 1, le résultat est assez proched’une fonction linéaire par morceaux. Parcontre, la présence du coefficient d’aver-sion aux pertes induit un point de non-dif-

férentiabilité au niveau de référence x* sup-posé égal à 0 dans cet exemple.Les poids πi

+ et πi– sont, comme pour le

modèle RDEU, définis à l’aide de fonctionsde pondération, notées w+ et w– mais w– s’applique à la fonction décumulative36

alors que la fonction w– s’applique à lafonction de répartition de la loterie :

πn+ = w+ (pn) et

πi+ = w+ 1 ^

n

j = ipj2 – w+ 1 ^

n

j = i+1pj2

= w+ (1 – Fx(xi – 1)) – w+ (1 – Fx(xi))

pour m ≤ i < n

Le comportement des investisseurs individuels 161

Figure 1FONCTION D’ÉVALUATION

35. Ce choix simplificateur est par exemple fait par Barberis et al. (2001) dans l’étude de l’énigme de la prime derisque des actions.36. Lorsque F est la fonction de répartition d’une variable aléatoire, la fonction décumulative G est définie parG(x)=1 – F(x).

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π1– = w– (p1) et

π1– = w– 1 ^

i

j = 1pj2 – w– 1 ^

i – 1

j = 1pj2

= w– (Fx(xi)) – w– (Fx(xi– 1))

pour 2 ≤ i ≤ m

La forme paramétrique proposée parTversky et Kahneman est la même pour lesdeux fonctions mais les paramètres sontdifférents. Plus précisément, si l’on définitw de la façon suivante :

w(p, δ ) =

les fonctions w+ et w– sont de la formew+(p)= w(p,δ +) et w–(p)= w(p,δ –) où δ +

et δ − sont deux paramètres réels qui peu-vent prendre des valeurs différentes. Cetteformulation de w n’est pas unique mais cechoix constitue une description parcimo-nieuse des pondérations car un seul para-mètre intervient. Tversky et Kahneman

obtiennent δ += 0,61 et δ –= 0,69 sur leursrésultats expérimentaux.À titre d’exemple, si l’on suppose qu’il y avingt états équiprobables et que la moitiédonne des résultats positifs, la figure 2illustre les poids affectés aux résultats desvingt sorties possibles de la loterie rangésdans l’ordre croissant. Comme c’était le casprécédemment, le système de poids π = ( π +, π –) ne définit pas une probabilité

(^10

i = 1πi

– + ^20

i = 11πi

+ ≈ 0,90 en supposant pour

simplifier que δ += δ −= 0,69).

3. Une illustration : le produit MMmax

Les Mutuelles du Mans ont proposé ennovembre 2003 un produit appelé MMmaxqui repose lui aussi sur une loterie. Le sous-cripteur voit ses fonds rémunérés à 2,5 %par an ; c’était le taux garanti pour l’année2004 au moment de la commercialisationdu produit en novembre 2003. Les

pδ(pδ + (1 – p)δ)1/δ

162 Revue française de gestion

Figure 2FONCTION DE PONDÉRATION AVEC ÉTATS ÉQUIPROBABLES

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Mutuelles du Mans Assurances (MMA dansla suite) procèdent, au début de chaque sai-son (au sens usuel du terme), au tirage ausort d’un nombre compris entre 000 et 999.Ce nombre détermine les bonus du compted’épargne et le souscripteur doit choisirdeux saisons dans l’année aux tirages des-quelles il pourra participer (les bonus nesont pas cumulables).Le processus est ensuite très simple. Sup-posons que le nombre tiré soit xyz ; lescontrats dont le numéro se termine par zgagnent 5 % d’intérêts payés en fin d’an-née, en plus des 2,5 % promis initialement.Les contrats dont le numéro se termine paryz gagnent 10 % d’intérêt supplémentaireet, enfin, les contrats dont le numéro finitpar xyz gagnent 20 %.Afin de déterminer simplement l’espérancedu coût pour MMA, et donc l’espérance degain pour les souscripteurs, nous suppo-sons que les souscripteurs choisissent auhasard les saisons de participation auxtirages, que le nombre de souscripteurs estun multiple de 1000 et que tous les sous-cripteurs investissent un même montant37

de 10 000 €.

Considérons, sans perte de généralité, unsouscripteur ayant choisi de participer auxdeux premiers tirages et notons X1, X2 deuxvariables aléatoires, correspondant auxdeux tirages successifs, prenant les valeurs0, 1, 2 et 3 selon le nombre de numéros cor-rects obtenus aux tirages au sort. Letableau 7 indique les gains obtenus selon lesvaleurs des variables X1 et X2. Les deuxpremières lignes et colonnes contiennentles valeurs des variables et les probabilitésd’occurrence de celles-ci. Les autres ligneset colonnes contiennent les gains effective-ment obtenus.Les variables X1 et X2 sont indépendantes etsi l’on note gij le bonus obtenu lorsquevariables X1 = i et X2 = j, le bonus espérés’écrit :

^3

i, j = 0gij P(X1 = i) P(X2 = j) = 106, 4

Comme le taux certain est de 2,5 %, la ren-tabilité espérée de ce placement est donc de3,564 %.Le tableau 8 récapitule les résultats obtenussi la richesse de référence est considérée

Le comportement des investisseurs individuels 163

37. Le montant de 10000 euros est choisi pour la lisibilité des résultats mais un contrat ne peut dépasser 1500 euros.

Tableau 7BONUS SUR 10000 EUROS

X1/X2 0 1 2 3

Probabilités 0,9 0,09 0,009 0,001

0 0,9 0 500 1000 2000

1 0,09 500 500 500 500

2 0,009 1000 1 000 1000 1000

3 0,001 2000 2 000 2000 2000

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comme étant la richesse initiale capitaliséeau taux de 3,564 %.Les deux premières colonnes contiennentles probabilités et les rentabilités corres-pondantes. La troisième colonne indique lavaleur de vi, les trois dernières représententla fonction de pondération πj dans le cas desdeux théories.L’évaluation globale pour la théorie desperspectives V(x) pour les valeurs δ += 0,61et δ −= 0,69 s’écrit donc :

V(x) = V(x+)+V(x–)= (192,1536 30,1755 + 395,372 30,0577

+ 765,621 30,0212) + (– 136,7386 3

0,6781) = – 19,98

En utilisant la même valeur pour le para-mètre, δ+= 0,65=δ−,on obtient V(x)=– 19,93.L’évaluation est dans les deux cas néga-tive38, ce qui signifie une préférence desinvestisseurs pour le rendement sûr de3,564 %. Si l’on considère à présent l’éva-luation obtenue avec la théorie de l’utilitéespérée dépendante du rang, les résultatsdiffèrent :

V(x) =10 501,51 > 10 356,4 et les investis-seurs préfèrent la loterie MMmax.Ainsi, dans le cas de la théorie des perspec-tives, les investisseurs bien qu’étant attiréspar les loteries à skewness positive sontégalement caractérisés par une aversion auxpertes qui les conduit à refuser la loteriealors que cette aversion aux pertes n’aaucune influence dans la théorie de l’utilitéespérée dépendante du rang.Si les investisseurs obéissent à la CPT,force est de constater que le produitMMmax n’est pas très bien conçu. Para-doxalement, son défaut n’est pas l’excès derisque mais une insuffisance dans la disper-sion des résultats. On peut en effet montrerque si on fait passer le bonus maximum à75 % en diminuant le taux sûr de 0,1 % (cequi laisse constante l’espérance de rentabi-lité), la fonction d’évaluation devient posi-tive (Roger et Pfiffelmann, 2005). Obtenir2,4 % au lieu de 2,5 % n’est pas perçucomme très pénalisant alors qu’un bonus de75 % au lieu de 20 % paraît très attractif,même si le souscripteur n’a qu’une chancesur mille de recevoir ce bonus.

164 Revue française de gestion

38. L’évaluation est obtenue pour α = β =0,88. En utilisant une fonction v linéaire par morceaux α =β = 1, le résul-tat demeure négatif, V(x)= – 1,62.

Tableau 8CALCUL DE LA FONCTION D’ÉVALUATION

Probabilité Rendement vi πj(CPT) πj(CPT) πj(RDEU)

δ + =0,61 ;δ − = 0,69 δ + =0,65= δ− δ = 0,65

0,81 2,5% –136,7386 0,6781 0,6489 0,6489

0,171 7,5% 192,1536 0,1755 0,1836 0,2492

0,0171 12,5% 395,372 0,0577 0,0525 0,0768

0,0019 22,5% 765,621 0,0212 0,0166 0,0250

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CONCLUSION

Les théories issues de la psychologie et dela sociologie ont donné lieu, au cours desvingt dernières années, à de nombreux tra-vaux dans les divers domaines des sciencesde gestion. En particulier, un nouveau cou-rant de recherche en plein développement,la finance comportementale, remet en causeun grand nombre de modèles de la théoriefinancière classique.Cette dernière s’est construite autour detrois piliers : la rationalité parfaite des indi-vidus, l’efficience des marchés, et la maxi-misation de l’espérance d’utilité. L’ambi-tion de cet article était, d’une part, deprésenter les résultats des études empi-riques qui ont remis en cause certains de cesfondements, en particulier la rationalité par-faite des investisseurs et, d’autre part, demontrer que la théorie des perspectives peutêtre une alternative riche en termes de des-cription du comportement de l’investisseurindividuel.Dans une première section, les principauxbiais cognitifs et leurs implications entermes de gestion des portefeuilles indivi-duels ont été soulignés. Nous nous sommesensuite penchés sur les théories alternatives

au modèle dominant de l’espérance d’uti-lité. L’application au produit MMmax,commercialisé par les Mutuelles du Mansen novembre 2003, souligne les implica-tions concrètes de la finance comportemen-tale en matière de « design » des produitsfinanciers. Outre cet aspect opérationnel,certaines anomalies classiques trouvent desréponses satisfaisantes dans ce cadre théo-rique, nous pensons en particulier àl’énigme de la prise de risque des actions(Benartzi et Thaler, 1995).Malgré ces résultats encourageants, il estencore trop tôt pour savoir si une approchecomportementale des choix d’épargne etd’investissement est en mesure de supplan-ter l’approche microéconomique usuelle.En particulier, l’application de ces théoriesalternatives en matière de choix de porte-feuille pose de redoutables problèmes cal-culatoires, dans la mesure où l’évaluation(au sens de la fonction V) d’un portefeuillenécessite d’ordonner tous les résultats pos-sibles. L’histoire a cependant souvent mon-tré qu’un problème jugé insoluble à un ins-tant donné trouvait une solutionsatisfaisante dans un futur plus ou moinsproche.

Le comportement des investisseurs individuels 165

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