Le constructivisme social : notes critiques sur la thèse ... · PDF file1 Le constructivisme social : notes critiques sur la thèse de Berger et Luckmann Auteur: Mohamed Chahid Blog

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    Le constructivisme social : notes critiques sur la thse de Berger et

    Luckmann

    Auteur : Mohamed Chahid

    Blog : Mohamed Chahid. Enjeux de la communication

    Permalien : http://mchahid.wordpress.com/2011/03/13/le-constructivisme-luckmann/

    Prsentation

    La thse de Berger et Luckmann postule que la ralit est un construit social . Pour

    tayer leurs propos, ils tentent de dceler les mcanismes (dispositifs et structures) mis en

    place par les diffrentes socits afin de construire leurs ralits respectives. La question

    de base tant : comment la ralit sociale est-elle construite ? . Pour ce faire, Berger et

    Luckmann avancent que les processus dobjectivation, dinstitutionnalisation et de

    lgitimation, fournissent lindividu les bases rudimentaires de la construction sociale de

    sa propre ralit.

    Lobjectivation : est lattribution progressive du statut de ralit ce qui nest dabord

    quune notion abstraite, et sa transformation en un objet quasi concret et matriel. Le

    http://mchahid.wordpress.com/2011/03/13/le-constructivisme-luckmann/

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    langage y joue un rle fondamental : les objectivations nous guident dans la faon de

    nommer et dfinir ensemble les diffrents aspects de notre ralit de tous les jours, dans

    la faon de les interprter, statuer sur eux et, le cas chant, prendre une position leur

    gard et les dfendre. Elles peuvent agir en tant que signifiants, comme elles peuvent se

    transformer en un instrument de pouvoir et, par consquent, de contrle.

    Linstitutionnalisation : en partant du postulat selon lequel toute activit humaine est

    sujette lhabituation, les auteurs avancent que le processus dinstitutionnalisation

    consiste typifier et contrler la conduite humaine (verticalement). Pour y parvenir,

    les institutions tablissent des modles prdfinis en canalisant les actions dans une

    direction bien dfinie au dtriment de beaucoup dautres directions qui seraient

    thoriquement possibles . Linstitutionnalisation permettra donc de rpondre un souci

    de partage, en livrant des stocks de connaissance transmis dune gnration une

    autre (horizontalement).

    La lgitimation : en reprenant lapproche de Weber, Berger et Luckmann donnent un

    sens plus large la notion de lgitimation. Selon eux, le processus de lgitimation se

    dfinit comme tant une objectivation de signification de second ordre . A cet gard,

    sa fonction sert fournir des significations subjectives partir des significations

    objectives de premier ordre . Lobjectif dune telle lgitimation consiste rendre la

    fois objectivement accessibles et subjectivement plausibles , les significations

    (objectivations) dj existantes et institutionnalises. Berger et Luckmann distinguent

    quatre niveaux de lgitimation :

    Le premier niveau est prthorique : il sagit du processus de lgitimation naissante

    qui se traduit lors de la transmission de lexprience par le biais du langage (par exemple

    : la transmission dun vocabulaire de la parent lgitime ipso facto la structure de

    parent). Ce stade de lgitimation reprsente le fondement dune connaissance vidente

    car il rpond efficacement aux questions du type Pourquoi? , que ltre humain se pose

    ds son enfance.

    Le deuxime niveau est un ensemble de dispositifs thoriques rudimentaires : il

    sagit des schmas dexplication regroupant une srie de significations objectives (par

    exemple : proverbes, pomes, maximes).

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    Le troisime niveau est purement thorique : celui o lon retrouve les acteurs

    (lgitimateurs) chargs de lgitimer des comportements sociaux en fournissant des

    cadres de rfrence assez tendus aux secteurs respectifs de conduite institutionnalise.

    (Par exemple : membres de la famille, spcialistes, intellectuels).

    Le quatrime niveau est celui de lunivers symbolique o sont intgres toutes les

    activits humaines (mythes, utopies, histoires, vie, mort). Il est conu comme la

    matrice de toutes les significations socialement objectives et subjectivement relles.

    Critique

    Les forces de la thorie. La perspective ethnomthodologiste propose par les auteurs se

    place dans une longue filiation thorique, celle de la phnomnologie de Husserl et

    Heidegger. Leur uvre carrefour fait une synthse savante des principaux courants de

    pense en sociologie de la connaissance. On y trouve discutes avec brio les ides de

    Aron, Durkheim, Garfinkel, Habermas, Marx, Pareto, sans oublier bien videmment

    celles de Schtz et Meadpour ne citer que ceux-l. Par ailleurs, ce qui constitue le point

    culminant de cette thorie est labandon de la distinction classique et en particulier

    dveloppe dans les approches fonctionnalistes entre le sujet et lobjet. Cette hypothse

    amne donner un nouveau statut ce quil est convenu dappeler la ralit objective

    , dfinie par des composantes objectives et (inter)subjectives. De ce fait, il serait

    convenable de considrer quil nexiste pas a priori une ralit objective, bien que

    Berger et Luckmann ne nient pas son importance mais que toute ralit est approprie

    par lindividu ou le groupe, reconstruite dans son systme cognitif, intgre dans son

    systme de valeur dpendant de son histoire et du contexte social et idologique qui

    lenvironne. Et cest cette ralit approprie et structure qui constitue pour lindividu ou

    le groupe la ralit mme.

    Ses limites. Par contre, depuis la publication du livre de Berger et Luckmann en 1966,

    lexpression construction sociale ne cesse de connatre un usage la fois diversifi et

    abusif. Do son ambigut. Au dire des auteurs de la version franaise du livre, si Berger

    et Luckmann ne sont certes pas responsables de lusage abusif que connatra par la suite

    cette expression, il nen reste pas moins quayant fait de la conscience subjective le

    fondement ultime de leur comprhension de la vie sociale, lambigut fondatrice

    contenue dans la formulation dorigine a, sinon encourag, au moins facilit certains

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    emprunts indus. Do lexpansion dun courant de pense radical qui nchappe pas au

    pige du dterminisme constructiviste, et dont les tenants passent au crible presque tous

    les aspects de la vie quotidienne, dans un tourdissant processus de

    destruction/reconstruction parfois sans limite. Force est de constater que, ironiquement,

    ce qui a constitu au dpart la force de la thorie de Berger et Luckmann, en deviendra

    par la suite, la source de sa faiblesse.

    Rfrence

    Berger, Peter et Luckmann, Thomas. 2006. La socit comme ralit objective , in La

    construction sociale de la ralit. Traduit de lamricain par Pierre TAMINIAUX, revu

    par Danilo MARTUCELLI. Paris : Armand Colin.