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Le contrat de joint venture 1 Le contrat de joint venture Thomas Probst Professeur à l'Université de Fribourg Table des matières I. INTRODUCTION .......................................................................................3 II. FONDEMENTS ET QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE ............................................................4 A. NOTION ET ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES D'UNE JOINT VENTURE .................................................................................................4 1. Généralités ......................................................................................4 2. Notion de joint venture ....................................................................4 3. Eléments caractéristiques d'une joint venture .................................5 B. MOYEN DE COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE..............7 C. DIFFÉRENTS TYPES DE JOINT VENTURES ...............................................7 1. L'Equity Joint Venture .....................................................................7 2. Contractual Joint Venture ...............................................................9 D. QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE (ACCORD DE BASE) ...............................................................................10 III. QUELQUES ASPECTS SPECIFIQUES DU CONTRAT D'EQUITY JOINT VENTURE ..................................................................13 A. L'EQUITY JOINT VENTURE À LA CROISÉE DU DROIT DES CONTRATS ET DU DROIT DES SOCIÉTÉS ...............................................13 1. L'accord de base, la société commune et les contrats d'exécution.....................................................................................13 2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution .......15

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Le contrat de joint venture 1

Le contrat de joint venture

Thomas Probst

Professeur à l'Université de Fribourg

Table des matières

I. INTRODUCTION .......................................................................................3

II. FONDEMENTS ET QUALIFICATION JURIDIQUE DU

CONTRAT DE JOINT VENTURE ............................................................4

A. NOTION ET ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES D'UNE JOINT

VENTURE .................................................................................................4

1. Généralités ......................................................................................4

2. Notion de joint venture ....................................................................4

3. Eléments caractéristiques d'une joint venture .................................5

B. MOYEN DE COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE ..............7

C. DIFFÉRENTS TYPES DE JOINT VENTURES ...............................................7

1. L'Equity Joint Venture .....................................................................7

2. Contractual Joint Venture ...............................................................9

D. QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE

(ACCORD DE BASE) ............................................................................... 10

III. QUELQUES ASPECTS SPECIFIQUES DU CONTRAT

D'EQUITY JOINT VENTURE .................................................................. 13

A. L'EQUITY JOINT VENTURE À LA CROISÉE DU DROIT DES

CONTRATS ET DU DROIT DES SOCIÉTÉS ............................................... 13

1. L'accord de base, la société commune et les contrats

d'exécution ..................................................................................... 13

2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution ....... 15

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2 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

3. La direction et la gestion de la société commune .......................... 19

B. LA DURÉE ET LA FIN D'UNE EQUITY JOINT VENTURE .......................... 19

1. La fin de l'accord de base .............................................................. 20

a. Contrat de durée déterminée ou

indéterminée?..........................67

b. Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de

base…..69

2. Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société

commune et les contrats d'exécution ............................................. 24

C. LE DROIT APPLICABLE À UN CONTRAT DE JOINT VENTURE

INTERNATIONAL ................................................................................... 25

IV. CONCLUSIONS ......................................................................................... 26

V. BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................... 28

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Le contrat de joint venture 3

I. Introduction

Bien que le contrat de joint venture ("contrat d'entreprise commune", "contrat

d'entreprise conjointe"; "Gemeinschaftsunternehmensvertrag")1 revête une im-

portance pratique considérable2, il est peu traité dans la jurisprudence du

Tribunal fédéral3 et occupe une place plutôt discrète dans la littérature juridique

suisse4. Entre autres, ce constat s'explique par le fait que la notion générale de

joint venture englobe des coopérations assez diverses dont les contours juri-

diques ne sont pas faciles à déterminer.

Dans le cadre de ce symposium en droit des contrats, la présente contribution a

pour objectif d'examiner le contrat de joint venture en tant que base d'une joint

venture. Aussi, parlerons-nous d’abord des fondements et de la qualification

juridique du contrat de joint venture (accord de base) en général (ci-après, II.),

pour ensuite nous pencher sur quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity

Joint Venture et des contrats d'exécution (accords "satellites"5) qui l'entourent

(ci-après, III.). Nous terminerons par de brèves conclusions (ci-après, IV.).

1 Tant le terme français de "contrat d'entreprise commune/conjointe" que le terme allemand

de "Gemeinschaftsunternehmensvertrag" n'ont pas réussi à s'imposer dans la littérature

juridique contre la notion anglaise de "joint venture". Aussi parle-t-on la plupart du temps

du "contrat de joint venture". ─ Voir également, DJALALI, 10; RUCHIN, 4 ss. 2 Cf. REYMOND, Réflexions, 482; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 88.

3 On trouve certes des arrêts du Tribunal fédéral qui font mention d'une joint venture (voir

p. ex. les arrêts 4C.22/2006 du 5 mai 2006; 4P.32/2007 du 11 avril 2007; 7B.217/2006 du

12 avril 2007; 4P.282/2001 du 3 avril 2002) mais il est rare que le litige porte

principalement sur le contrat de joint venture et ses liens avec la société commune et les

contrats d'exécution. Ce constat est dû au fait que des litiges portant sur des contrats de

joint venture sont souvent soumis à l'arbitrage, notamment lorsqu'il s'agit d'affaires

internationales. Cf. REYMOND, Réflexions, 491; IDEM, Joint Venture, 385 s.; HUBER,

Joint-Venture, 38; SCHNYDER, 82. 4 En comparaison des contrats plus traditionnels et connus, le contrat de joint venture est

présenté assez sommairement dans les traités classiques du droit des contrats. Voir p. ex.

TERCIER/FAVRE, N 7509 ss; ENGEL, 703 ss. ─ Par contre, en droit anglo-américain, le

contrat de joint venture a été beaucoup plus étudié. 5 Bien que le terme de "contrat satellite" ait un certain charme et soit fréquemment

employé, il n'est pas vraiment parlant car il n'indique pas que ces contrats représentent

l'exécution des engagements pris par les promoteurs dans leur accord de base (contrat de

joint venture). A notre sens, le terme de "contrat d'exécution" est préférable puisqu'il

souligne ce lien caractéristique avec l'accord de base. ─ Cf. également HUBER, Joint-

Venture, 4; IDEM, Vertragsgestaltung, 15 s. et AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art.

184 N 429 qui parlent de "Durchführungsverträgen" (le premier dans un sens toutefois

plus large), respectivement PIRONON, 114 qui parle de "contrat d'application".

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4 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

II. Fondements et qualification juridique du contrat de

joint venture

A. Notion et éléments caractéristiques d'une joint venture

1. Généralités

Conformément à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout

une affaire industrielle ou commerciale6, plus ou moins complexe, qui com-

porte un certain risque économique, technique ou autre pour les partenaires.

D’où le nom de "venture"7. Ce risque peut résider non seulement dans la nature

ou l'envergure du projet envisagé en tant que tel mais également dans la

coopération délicate entre les promoteurs qui, surtout en cas de joint ventures

internationales, présentent des différences de mentalités et de cultures

importantes. En même temps, l'engagement commun de plusieurs partenaires

constitue un moyen qui permet de répartir le risque lié à un projet entre les

partenaires impliqués. Ce partage du risque explique, en bonne partie,

l'attractivité de la joint venture.

Le fait que le risque lié à une joint venture mérite l'attention des promoteurs

peut être illustré par l'anecdote suivante:

Une poule et un cochon conviennent d’une joint venture, forme moderne

de coopération. Leur plan d'affaires consiste à produire et vendre des

sandwichs "ham & eggs" en grand nombre. Après la signature du

contrat de joint venture, la poule est fort contente de cette affaire

prometteuse alors que le cochon réalise tout à coup que la mise en œuvre

de ce projet commun lui coûtera la vie.

2. Notion de joint venture

Le concept de joint venture ne relève pas en premier lieu du droit mais de

l’économie industrielle et se réfère au fait que deux (ou plusieurs) entreprises

entendent coopérer pour réaliser un projet commun qui dépasse leurs propres

capacités et moyens8. Une telle coopération peut viser une durée indéterminée

6 En pratique, un contexte industriel ou commercial sera la règle, mais une joint venture à

des fins culturelles ou artistiques est également possible. Dans le même sens, ENGEL, 704. 7 Au sujet de l'origine américaine de la joint venture, voir p. ex. BAPTISTA/DURAND-

BARTHEZ, 7 ss. 8 Cf. WÄCHTERSHÄUSER, 45.

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Le contrat de joint venture 5

ou se limiter à l'avance à une durée déterminée (p. ex. limitée à trois ans qui

sont nécessaires à la réalisation d'une construction telle qu'une centrale

nucléaire ou hydroélectrique)9. Elle peut se réaliser sans ou avec une capitali-

sation commune et s'effectuer sur le plan national ou international.

Il s'ensuit que la notion de joint venture appréhende des situations de faits très

diverses10 sans avoir acquis, jusqu'alors, une acception juridique précise et

généralement reconnue11. Néanmoins, il est possible d’identifier des éléments

caractéristiques d’une joint venture, respectivement du contrat de joint venture

qui en forme la base contractuelle.

3. Eléments caractéristiques d'une joint venture

Toute joint venture repose sur un accord de base entre les partenaires

intéressés, à savoir sur le contrat de joint venture (au sens propre)12.

Typiquement, ce contrat comprend au moins les éléments suivants:

- l'accord de fonder13

, d'organiser et d'exploiter une société commune

(souvent une société anonyme) qui sert à réaliser l’objectif commun, soit

la joint venture (p. ex. le développement d'un nouveau vaccin contre

une maladie contagieuse);

- l'adoption de règles gestionnaires notamment sur l’exercice des droits

de vote au sein de la société commune (souvent par une convention

d'actionnaires)14

, sur la composition du conseil d'administration (p. ex.

9 ZIHLMANN, 317, semble limiter la notion de joint venture à une coopération de longue

durée ("…auf Dauer angelegte[s] Konsortium"). 10

Voir également, TERCIER/FAVRE, N 7512. 11

Voir également, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 254. 12

Dans un sens large, le "contrat de joint venture" peut se référer à l'ensemble des contrats

(accord de base, contrats satellites) qui forment la charpente juridique nécessaire à la

constitution et à l'opération d'une joint venture. Voir également, REYMOND, Joint Venture,

383 s. ─ Sauf indication contraire, le présent article utilise le terme de "contrat de joint

venture" pour désigner l'accord de base, soit au sens étroit. 13

Dans la plupart des cas, il s'agira de fonder une nouvelle société mais il est également

possible qu'une société déjà existante et appartenant à l'un des promoteurs constitue la

base de la joint venture. Dans ce cas, l'autre promoteur acquerra une partie du capital-

actions de cette société (p. ex. dans le cadre d'une augmentation du capital-actions). Cf.

TSCHÄNI, Joint Ventures, 63. ─ Voir également l'Ordonnance sur le contrôle des

concentrations d’entreprises du 17 juin 1996 (RS 251.4) dont l'art. 2 fait également cette

distinction. Cf. RUCHIN, 8; SUTER DEPLAZES, 19 s. 14

Typiquement les promoteurs de la joint venture s'engagent à exercer leur droit de vote à

l'assemblée générale de la joint venture en vue de mettre en œuvre les engagements pris

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6 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

chaque partenaire y aura deux représentants) et sur l'aliénation des

actions (p. ex. droit de préemption de chaque partenaire sur les actions

des autres partenaires)15

;

- l'obligation de conclure, avec la société commune16

, les contrats d’exé-

cution nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci (p. ex. contrat de

licence17

, contrat d'approvisionnement, contrat de prêt, contrat d'assi-

stance technique et commerciale)18

.

A la lumière de ces éléments caractéristiques, le contrat de joint venture

(accord de base), qui constitue la base contractuelle d’une joint venture, peut

être définie comme un accord entre deux ou plusieurs personnes (régulièrement

des entreprises) qui conviennent, tout en poursuivant leur propre activité

traditionnelle, d'une coopération commune comprenant notamment la

fondation, l'organisation et l'exploitation d'une société commune (le plus

souvent une société anonyme), l'adoption de règles gestionnaires (p. ex.

concernant l'exercice du droit de vote, la représentation au conseil

d'administration, le droit de préemption sur les actions) ainsi que l'obligation

de conclure avec la société commune les contrats d'exécution nécessaires à son

bon fonctionnement (contrats satellites)19.

Dans son arrêt 4C.22/2006 du 5 mai 2006, le Tribunal fédéral s'est inspiré

d'une définition doctrinale qui va dans le même sens20.

dans l'accord de base. Voir également TSCHÄNI, Joint Ventures, 64. Cf. également

FORSTMOSER, 359 ss. 15

Voir p. ex. REYMOND, Réflexions, 482; ZIHLMANN, 319. 16

Parfois, les contrats que la société commune conclut avec des tiers sont également

considérés comme des contrats d’exécution. Cela ne paraît pas opportun parce qu’ils ne

présentent régulièrement pas de lien spécifique avec l’accord de base. 17

A noter que les droits de propriété intellectuelle peuvent intervenir à deux niveaux dans

une joint venture: d'une part, ils constituent régulièrement une contribution au bon

fonctionnement de la société commune de la part des promoteurs ; d'autre part, ils peuvent

être le résultat opérationnel de la société commune (p. ex. un brevet d'invention). Cf.

également, DESSEMONTET, 569. 18

Voir également REYMOND, Joint Venture, 383, 385. 19

Black's Law Dictionary propose la définition suivante: "A legal entity in the nature of a

partnership engaged in the joint prosecution of a particular transaction for mutual benefit"

(542 S.W.2d 934, 936). ─ Voir également la définition donnée par HAY, 231: "A joint

venture is an agreement between two or more persons to come together for the pursuit of a

specific project.". 20

Arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("L'expression 'joint venture', qui revêt

diverses significations, est utilisée, notamment, pour désigner l'accord du même nom par

lequel deux ou plusieurs partenaires conviennent, tout en poursuivant leur propre activité,

Page 7: Le contrat de joint venture - Université de Fribourg - Home ... ment à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout une affaire industrielle ou commerciale6, plus

Le contrat de joint venture 7

B. Moyen de coopération nationale et internationale

Le contrat de joint venture, en tant qu'élément central d'une joint venture, est

en premier lieu un moyen de coopération, tant sur le plan international21 que

national22. Il permet aux partenaires intéressés de réaliser ensemble des projets

d’une envergure et d'une complexité qui dépassent leurs propres capacités et

moyens individuels. Grâce à la joint venture, chaque partenaire peut étendre

son champ d'activité économique tout en partageant le risque avec les autres

partenaires.

Une joint venture peut évidemment avoir des fonctions supplémentaires. Ainsi,

il arrive qu'elle serve de moyen de financement. Par exemple, si un pays en

voie de développement est intéressé à construire une centrale hydroélectrique,

un contrat de joint venture avec une entreprise étrangère peut lui permettre

d’acquérir une usine opérationnelle préfinancée par la joint venture selon le

modèle BOT ("build – operate – transfer")23. De manière semblable, une joint

venture peut servir à opérer un transfert technologique d’un pays industrialisé à

un pays en voie de développement24.

C. Différents types de joint ventures

Etant donné que le champ d’application de la joint venture est vaste, il convient

d'en distinguer deux types, à savoir l’Equity (ou Corporate) Joint Venture et la

Contractual Joint Venture.

1. L'Equity Joint Venture

Dans le cas d’une Equity Joint Venture, les parties à l'accord de base (contrat

de joint venture) conviennent de mettre sur pied une société commune qui,

normalement mais pas forcément25, possède la personnalité juridique (souvent

de créer une entreprise commune pour une activité déterminée, durable ou passagère, et de

faire bénéficier cette société de l'appui technique, financier et commercial de leur propre

entreprise"). Cf. REYMOND, Réflexions, 481 s. 21

Cf. DESSEMONTET, 567 s.; DJALALI, 5 ss; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 18 ss; WÄCH-

TERSHÄUSER, 35 ss. 22

Voir également AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 430. 23

Voir également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 27. 24

Cf. EBENROTH, 265; HUBER, Vertragsgestaltung, 12; FUNKE, passim. 25

Théoriquement, on peut imaginer que la société commune soit constituée en une société

en nom collectif. Celle-ci n'est pas une personne morale mais jouit tout de même d'une

certaine autonomie dans les rapports externes. Cf. l'art. 562 CO.

Page 8: Le contrat de joint venture - Université de Fribourg - Home ... ment à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout une affaire industrielle ou commerciale6, plus

8 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

une société anonyme)26 dont elles partagent le capital en tant que sociétaires

(actionnaires) tout en poursuivant leurs propres activités. Aussi, les sociétés-

mères ne deviennent-elles pas des simples sociétés holding27.

Chaque partie au contrat de joint venture contribue non seulement aux fonds

propres de la société commune ─ d’où le nom "equity"28 ─ mais participe

également à sa direction et à sa gestion. La participation financière29 est

souvent paritaire, afin d'éviter que l’une ou l'autre des deux parties puisse

instrumentaliser la société commune à ses propres fins.

La mise en œuvre de l’accord de base prévoit régulièrement l'obligation des

parties contractantes de conclure des contrats d'exécution avec la société

commune qui, elle, n’est pas partie au contrat de base. Cette obligation

contractuelle, qui dépasse les obligations des sociétaires, surtout lorsque la

société commune est une société anonyme30, est caractéristique d'une Equity

Joint Venture31. Il en résulte un réseau de contrats liés ou interdépendants

(accord de base, convention d’actionnaires, contrats d'exécution) dont la

qualification juridique n'est pas évidente.

26

REYMOND, Joint Venture, 389; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; HUBER, Joint-

Venture, 1; IDEM, Vertragsgestaltung, 11; OERTLE, 50. ─ Aussi parle-t-on également de

Corporate Joint Venture; voir p. ex. VOGT/WATTER, 15 ss; DJALALI, 31; TSCHÄNI, Joint

Ventures, 52, 59 s. ; RUCHIN, 35; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 21. ─ Parfois, le terme

guère parlant de "joint ventures intégrées" ("integrierte joint ventures") est utilisé (ainsi

RAUBER, 170 s.). 27

TSCHÄNI, Joint Ventures, 52. 28

Contrairement à ce qui est parfois dit, le terme de "equity" n'a rien à voir avec "equity

law" mais provient de "equity capital" et veut dire que les promoteurs de la joint venture

deviennent des sociétaires et fournissent les fonds propres à la société commune. 29

Dans la règle, la participation financière (soit les actions lorsque la société commune mise

sur pied est une société anonyme) ne devient pas propriété commune des partenaires mais

demeure la propriété individuelle de chacun d'eux. Voir également, FELLMANN/MÜLLER,

art. 530 N 258; MESSERLI, 17 ss. 30

Voir l'art. 680 al. 1 CO. 31

L'obligation contractuelle ─ qui incombe aux parties en vertu de l'accord de base ─ de

donner leur appui à la société commune distingue l'Equity Joint Venture de la simple

fondation commune d'une société. A ce sujet, il sied de noter que dans le cas fréquent où

la société commune est une société anonyme, la seule obligation sociétaire des

actionnaires consiste dans la libération des actions souscrites (art. 680 al. 1 CO). Par

conséquent, toute obligation supplémentaire doit être stipulée par un contrat en dehors du

cadre légal du droit de la société anonyme. ─ Voir également, REYMOND, Réflexions,

482; IDEM, Joint Venture, 390.

Page 9: Le contrat de joint venture - Université de Fribourg - Home ... ment à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout une affaire industrielle ou commerciale6, plus

Le contrat de joint venture 9

Les rapports contractuels au sein d'une Equity Joint Venture se présentent

typiquement comme indiqués dans le schéma suivant qui, pour la suite de nos

réflexions, nous servira de référence:

2. Contractual Joint Venture

Dans un sens moins spécifique, on peut également parler de joint venture

lorsque les parties contractantes ne fondent pas d'entité propre (personne

morale constituant la société commune) en tant que cheville ouvrière du projet

commun, mais se limitent à un régime contractuel sans base institutionnelle

particulière (Contractual Joint Venture)32. Dans ce cas, on est en présence d'un

simple accord de collaboration entre les parties intéressées que l’on trouve

souvent sur le plan national pour des projets industriels ou commerciaux d’une

certaine envergure. Des exemples classiques sont les consortiums de

construction ("ARGE")33. Un tel contrat de collaboration est normalement

qualifié de société simple puisque deux ou plusieurs entreprises réunissent leurs

32

Voir également, DJALALI, 30; WOLF, 3 s.; WÄCHTERSHÄUSER, 52. 33

Art. 530 CO; l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5. – Cf.

également l'état de faits de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 juin 2008 (4A_16/2008).

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10 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

efforts et ressources pour réaliser un but commun34. Lorsque des contrats

collatéraux, directement ou indirectement liés au contrat de collaboration

principal, viennent s'y ajouter, il en résultera un réseau de contrats35.

S'il est intelligible, sous l'angle de l'économie industrielle, d'appeler ce genre

de collaboration (Contractual) Joint Venture, cette notion est moins pertinente

du point de vue juridique. En effet, sans mise sur pied d'une société commune

en tant qu'entité porteuse de la joint venture, la combinaison caractéristique

d'éléments sociétaires (typiquement une société anonyme)36 avec un régime de

contrats liés (accord de base, convention d'actionnaires, contrats d'exécution),

qui rend la qualification juridique d'une joint venture délicate, fait défaut. Par

conséquent, l'intérêt juridique relatif à la joint venture porte essentiellement sur

l'Equity Joint Venture37.

Le Tribunal fédéral semble partager cette manière de voir, car il entend limiter

la notion de contrat de joint venture au Corporate Joint Venture38.

D. Qualification juridique du contrat de joint venture

(accord de base)

Alors qu'il est généralement admis que l'accord portant sur une Contractual

Joint Venture tombe sous le coup des règles de la société simple39, la

qualification du contrat d'Equity (ou de Corporate) Joint Venture est moins

évidente. Essentiellement, on peut distinguer deux approches40:

34

Voir l'arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 255;

TERCIER/FAVRE, N 7512; REYMOND, Joint Venture, 385; VOGT/WATTER, 7; HUBER,

Joint-Venture, 2; DJALALI, 30; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 431. 35

Cf également, REYMOND, Réflexions, 485. 36

Cet élément corporatif donne à une Equity Joint Venture un renforcement institutionnel

qui fait défaut dans le cas d’une Contractual Joint Venture. Cf. également ZIHLMANN,

318. 37

Dans le même sens, WOLF, 4. 38

Voir l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Ainsi défini, le

contrat de joint venture ne se limite pas à un pur accord de collaboration (Contractual

Joint Venture), qui est naturellement soumis aux règles de la société simple, tels les

contrats de consortium pour l'exécution de grands travaux, car il suppose, en plus, la

création d'une société commune (la joint venture) ─ généralement une société anonyme ─

dont les partenaires détiendront toutes les actions (Corporate Joint Venture…"). 39

Voir les références à la note 34. 40

Théoriquement, on pourrait voir dans l'accord de base tendant à la mise sur pied d'une

Equity Joint Venture un précontrat au sens de l'art. 22 CO. Toutefois, puisque cette

disposition légale exige que le précontrat revête la même forme que celle prévue pour le

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Le contrat de joint venture 11

- Une première approche consiste à dire qu'il s'agit également d'une société

simple puisque tant l’accord de fonder une société (anonyme) commune41

que la convention d’actionnaires42

entre les promoteurs de la joint venture

constituent régulièrement des sociétés simples. Il paraît donc judicieux

d'admettre que l'accord de base dans son entier (y compris l'obligation de

conclure des contrats d'exécution) soit également soumis aux règles de la

société simple. L'obligation des sociétés-mères de passer des contrats

d'exécution (accords "satellites") avec la société commune s'interprétera

alors comme un apport des sociétaires (au sens de l'art. 531 CO) à la

société simple43

. Cette manière de voir semble correspondre à l’avis

majoritaire en droit suisse44

.

- Selon une approche alternative, les éléments sociétaires ne sont pas

vraiment concluants puisque le contrat de joint venture (accord de base)

contrat principal, l'accord de fonder une société anonyme commune devrait respecter la

forme authentique (art. 629 CO) afin d'être valable, ce qui ne sera guère le cas en pratique.

De plus, et contrairement à un précontrat, le contrat de joint venture (accord de base) n'est

pas consommé lorsque la société commune est fondée mais régit également la direction et

la gestion de cette dernière ainsi que la collaboration entre les partenaires. 41

Voir ATF 95 I 276 cons. 1 b ("Nach Lehre und Rechtsprechung bilden die Gründer einer

Aktiengesellschaft bis zu deren Eintragung eine einfache Gesellschaft (BGE 85 I 131

Erw. 1; Siegwart, Art. 645 OR N. 14)…"). Cf. également, l'art. 62 CC; MEIER-

HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 33; § 16 N 426; ZIHLMANN, 319; TERCIER/FAVRE, N 7517. 42

Cf. MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 105; TERCIER/FAVRE, N 7518; OERTLE, 103. 43

Voir OERTLE, 107, 109; FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss. ─ DJALALI, 76 s.

reconnaît que les contrats d'exécution ont un caractère synallagmatique (non seulement

quant au rapport entre l'un [ou l'autre] des promoteurs et la société commune mais

également) en ce qui concerne le rapport entre les promoteurs eux-mêmes en leur qualité

de parties au contrat de base. Néanmoins, ce rapport d'échange ne toucherait pas l'affectio

societatis étant donné que les sociétaires seraient libres de compléter leur engagement

sociétaire par des engagements obligationnels réciproques. ─ A notre sens, cette manière

de voir ne saurait emporter la conviction parce que les contrats d'exécution sont

régulièrement décisifs pour le fonctionnement de la société commune, raison pour laquelle

ils sont traités dans l'accord de base. Or, si un point économiquement essentiel de l'accord

de base revêt une nature synallagmatique, ce fait devrait avoir une influence sur la

qualification juridique de l'accord de base. Voir également OERTLE, 108 ("Denn aufgrund

der Satellitenverträge wird das GU [sc. Gemeinschaftsunternehmen] wirtschaftlich ja

überhaupt erst lebensfähig") ce qui n'empêche toutefois pas cet auteur de dire en même

temps que cet élément obligationnel serait trop faible pour mettre en cause le fait que le

contrat de joint venture est une société simple (OERTLE, ibidem). – Voir également

AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 444 s. 44

ENGEL, 705; TERCIER/FAVRE, N 7521; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 256; TSCHÄNI,

Joint Ventures, 55; REYMOND, Réflexions, 486 s.; FREY, 6; voir également l'arrêt du

Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; DJALALI, 78. ─ Pour le droit

allemand, voir p. ex. EBENROTH, 266; FUNKE, 33.

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12 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

inclut des éléments synallagmatiques, notamment les obligations réci-

proques de conclure des contrats d'exécution avec la société commune45

.

De telles obligations sortent du cadre classique d'une société simple46

et

distinguent l'Equity Joint Venture d'un simple accord entre deux parties de

fonder une société comme filiale commune47

. De ce point de vue, le

contrat d'Equity Joint Venture apparaît plutôt comme un contrat

innommé48

. Nos considérations confirmeront cette approche.

Toutefois, d’un point de vue pratique, la différence entre ces deux approches a

une portée plus limitée que ce que l'on pourrait penser. En effet, dans la

plupart des cas litigieux, la qualification du contrat de joint venture comme

société simple ou comme contrat innommé ne dispensera pas le juge de se

baser, en premier lieu, sur la volonté commune des parties49, respectivement de

recourir aux moyens classiques de l’interprétation du contrat et, le cas échéant,

à la volonté hypothétique des parties pour trouver une réponse à la question

litigieuse. Par conséquent, l'applicabilité des règles sur la société simple sera

souvent d'une utilité limitée pour résoudre un cas concret. Il n'est dès lors pas

étonnant que le Tribunal fédéral favorise une approche plutôt pragmatique et

casuistique que dogmatique50.

45

Cf. REYMOND, Joint Venture, 388; HUBER, Vertragsgestaltung, 56. 46

Cf. HUBER, Vertragsgestaltung, 56. ─ Sur la question de savoir quand des contrats

conclus avec des "tiers" constituent des apports au sens de l'art. 531 CO, voir

FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss ainsi que la précision sur la notion de "tiers" à la

note 61, ci-après. 47

REYMOND, Joint Venture, 383 s., 390. 48

Voir REYMOND, Réflexions, 482 s.; IDEM, Joint Venture, 386; AMSTUTZ/SCHLUEP,

Introduction à l'art. 184 N 432; cf. également, HUBER, Joint-Venture, 12; IDEM,

Vertragsgestaltung, 55. – Cette manière de voir est plus convaincante. Voir également, ci-

après, chapitre III.A.2, in fine, p. 72. – A noter que RAUBER, 195, semble préconiser

l'existence d'un contrat innommé même pour les Contractual Joint Ventures. 49

Cf. art. 18 al. 1 CO. Voir également TERCIER/FAVRE, N 7521. 50

Cf. l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Cependant, …il est

exclu de proposer une analyse rigoureuse de constructions dont les contours dépendent de

chaque cas concret. De fait, le contrat de joint venture, qui est issu de la pratique, relève

de l'autonomie de la volonté. Pour l'interpréter ou pour résoudre les difficultés pouvant

surgir à l'occasion de son exécution, il convient donc d'appliquer les principes gouvernant

l'interprétation des contrats, tels qu'ils ont été posés par la jurisprudence relative à l'art. 18

CO (Engel, op. cit., p. 704, ch. 2; pour l'exposé de ces principes, cf. ATF 131 III 606

consid. 4.1 et 4.2). De même, étant donné le caractère dispositif des règles régissant la

liquidation de la société simple (art. 548 à 550 CO; Daniel Staehelin, Commentaire bâlois,

2e éd., n. 2 ad art. 548/549 CO), c'est la volonté des parties qu'il faudra tenter de dégager

au premier chef pour déterminer les conséquences de l'extinction de l'accord de base en

tant qu'élément constitutif du contrat de joint venture (sur ces conséquences, cf. Oertle,

op. cit., p. 192 ss).").

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Le contrat de joint venture 13

III. Quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity

Joint Venture

En complément aux considérations sur les fondements de la joint venture et de

la qualification juridique du contrat de joint venture, il convient de soulever

brièvement trois aspects spécifiques, à savoir le rapport plutôt complexe entre

les éléments du droit des sociétés et du droit des contrats (ci-après, A.), la

durée, respectivement la fin du contrat de joint venture (ci-après, B.) et le droit

applicable à une joint venture internationale (ci-après, C.)

A. L'Equity Joint Venture à la croisée du droit des contrats

et du droit des sociétés

La particularité d'une Equity Joint Venture réside essentiellement dans la

combinaison innovatrice d'éléments du droit des sociétés et du droit des

contrats. Ces deux racines juridiques se reflètent dans la nature hybride de

l'Equity Joint Venture et rendent non seulement sa qualification juridique

difficile mais entraînent également des difficultés particulières dont trois seront

brièvement soulevées ici.

1. L'accord de base, la société commune et les contrats d'exé-

cution

L'accord de base (contrat de joint venture) prévoit régulièrement l'obligation

des parties contractantes de conclure des contrats d’exécution avec la société

commune. Typiquement, il s'agira de contrats classiques (nommés ou

innommés) tels que le contrat de prêt, le contrat de licence, le contrat de

distribution exclusive, dont la société commune aura besoin afin d'être

opérationnelle et pour pouvoir remplir sa fonction. Ces contrats forment un

réseau de contrats juridiquement séparés mais économiquement liés et

interdépendants.

Etant donné que la société commune, en tant qu'entité juridique distincte

(normalement sous la forme d'une société anonyme), n'est pas partie à l'accord

de base (contrat de joint venture), elle n'est pas liée par les engagements

mutuels pris par les promoteurs de la joint venture. Ainsi, si la société A51 s'est

engagée envers la société B à accorder une licence de propriété intellectuelle

51

Voir le schéma graphique, ci-dessus, p. 63 qui nous sert de référence pour expliquer

certains aspects.

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14 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

(p. ex. de brevet d'invention ou de marque) à la société commune AB de joint

venture, celle-ci demeure entièrement libre de conclure ou non un tel contrat

avec la société A. Avant de négocier un contrat, le conseil d'administration

(ou, le cas échéant, voire l'assemblée générale)52 de la société commune AB

devra prendre une décision interne d'entrer (ou non) en négociation avec la

société A. Or, cette décision dépendra (directement ou indirectement) des

sociétaires de la société commune AB et ainsi ─ en tout cas en partie ─

également de la volonté de la société A elle-même. En d'autres termes, la

société A, qui est à la fois partie contractante (société A) et actionnaire de

l'autre partie contractante (société commune AB), sera formellement

impliquée, de part et d'autre, dans le processus de négociation et de conclusion

du contrat. Cette constellation particulière peut lui procurer la possibilité de

contrecarrer son propre engagement envers la société B si, pour une raison

quelconque, elle n'est plus intéressée à accorder une licence à la société

commune AB. Dans cette hypothèse, elle essayera de s'opposer (en sa qualité

d'actionnaire ou par le biais de ses représentants au conseil d'administration de

la société AB) à ce que la société AB entre en négociation avec la société A

pour conclure un contrat de licence53.

Bien qu'un tel comportement viole sans doute l'accord de base, un éventuel

refus de la société AB de négocier un contrat de licence avec la société A serait

valable du point de vue du droit des sociétés54. Certes, la société B pourrait

alors envisager une demande en dommages-intérêts contre la société A (pour

violation du contrat de base) mais une telle démarche lui serait d'une utilité

limitée parce que, sans le contrat de licence, la joint venture risquerait d'être

vouée à l'échec. Aussi la société B aurait-elle besoin d'un moyen juridique

efficace qui lui permette d'obtenir la conclusion du contrat d'exécution promis

par la société A. Or, il est peu probable qu'un tel moyen existe. A la demande

de la société B (demanderesse), un juge ne pourra pas condamner la société

AB, en qualité de société tierce, à conclure un contrat avec la société A

(défenderesse) car, d'une part, la liberté contractuelle lui interdit de contraindre

la société tierce AB à conclure un contrat avec la société A et, d'autre part, le

juge ne pourra pas déterminer le contenu du contrat de licence en lieu et place

des parties. Il s'ensuit que l'exécution des obligations contractuelles découlant

52

Cf. les art. 716 ss CO. 53

Un tel comportement emporte toutefois le risque de ne pas agir dans l’intérêt de la société

commune et ainsi d’engager sa responsabilité. Cf. art. 717 CO. 54

Cf. également, REYMOND, Joint Venture, 387.

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Le contrat de joint venture 15

de l'accord de base55 risque de se heurter aux limites du droit des sociétés56 et

de la liberté contractuelle et que des prétentions en dommages-intérêts ne

présentent guère un moyen approprié pour la joint venture.

On peut en tirer deux conclusions: Premièrement, les fondateurs d'une joint

venture auront tout intérêt à régler dans l'accord de base (contrat de joint

venture) tous les points essentiels des contrats d'exécution57 que l'une ou l'autre

partie promet de conclure avec la société commune58. Dans la mesure du

possible, les contrats d'exécution, indispensables au bon fonctionnement de la

société commune, devraient être conclus en même temps que l'accord de base

ou, du moins, des démarches et opérations irréversibles ne devraient être

entreprises en vertu du contrat de base avant que les contrats d'exécution

indispensables à l'exploitation de la joint venture soient conclus.

Deuxièmement, les parties à la joint venture seront bien inspirées de prévoir

dans le contrat de base une procédure à suivre si, pour une raison ou une autre,

un contrat d'exécution essentiel pour la joint venture ne devrait pas être conclu.

2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution

Une autre question qui mérite une brève réflexion est celle de savoir dans quel

rapport se trouvent l'accord de base et les contrats d'exécution dont la

conclusion est stipulée dans l'accord de base. Régulièrement, les promoteurs

55 On peut se demander si l'engagement de la société A (dans le contrat de base) envers la

société B de conclure un contrat de licence avec la société commune AB constitue une

stipulation pour autrui parfaite au sens de l'art. 112 al. 2 CO. En principe, il est tout à

fait possible que l'intention des promoteurs de la joint venture soit de conférer à la

société AB le droit à l'exécution de l'engagement pris par la société A envers la société

B. Cependant, puisque l'engagement ne consiste régulièrement pas à fournir

unilatéralement une prestation mais à conclure un contrat bilatéral impliquant une

contre-prestation de la société AB, la détermination de cette contre-prestation dépendra

de la volonté commune des sociétés A et AB. En d'autres termes, même si on voit dans

l'accord de base une stipulation pour autrui parfaite en faveur de la société AB, cette

stipulation signifiera seulement que la société A aura à négocier de bonne foi avec la

société AB. Par conséquent, si les parties ne devaient pas tomber d'accord sur la contre-

prestation de la société commune AB, il n'y aura pas de contrat de licence (contrat

d'exécution) et la joint venture en pâtira. 56

Cf. également ZIHLMANN 319; REYMOND, Joint Venture, 391. 57

Une spécification suffisante du contenu des contrats d'exécution peut s'avérer difficile en

raison de l'insécurité qui est inhérente à une joint venture. Tout de même, il serait

opportun que les parties précisent le contenu des contrats d’exécution autant que possible

afin d'améliorer la prévisibilité du projet et d'augmenter ainsi les chances de succès. 58

Dans ce contexte, la question classique sera de savoir si un tel accord aura valeur de

précontrat au sens de l'art. 22 CO ou constituera déjà le contrat d'exécution lui-même.

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16 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

d'une joint venture promettent de conclure des contrats d'exécution avec la

société commune afin que celle-ci soit opérationnelle et puisse remplir sa

fonction. Par exemple, la société A s'engage à accorder une licence à la société

commune AB tandis que la société B promet de lui donner un crédit

d'exploitation. Dans cette hypothèse, s'agit-il de prestations réciproques, dans

le cadre d'un rapport synallagmatique, autorisant la société A à invoquer

l'exception de l'art. 82 CO si la société B lui demande d'octroyer la licence à

la société commune AB alors que le crédit promis n'a pas encore été accordé

par la société B à la société commune AB? La réponse dépend largement de la

qualification juridique du rapport entre les contrats d'exécution, respectivement

les promesses faites de les conclure contenues dans l’accord de base.

Si l'on considère que la conclusion d'un contrat d'exécution, ayant été stipulée

dans l'accord de base, constitue un apport à la société simple, l'exception

d'inaccomplissement de la prestation selon l'art. 82 CO sera en principe

exclue. En effet, les apports des sociétaires ne se trouvent pas dans un rapport

d'échange mais visent à promouvoir le but commun et ainsi s'opposent à

l'exception tirée de la disposition précitée59. Aussi un sociétaire peut-il intenter,

sans avoir accompli son propre apport60, l'actio pro socio contre un autre

sociétaire tendant à ce que celui-ci effectue son apport à la société simple61.

Par contre, cette appréciation juridique change si l'on considère que la

conclusion d'un contrat d'exécution entre un sociétaire (de la société simple) et

la société commune AB en tant que tiers (en vue de l'accomplissement d'une

prestation à ce tiers) ne peut pas être qualifiée d'apport à la société simple (au

sens de l'art. 531 CO62).

- Tout d'abord, par souci de clarté, il sied de noter que, pour la société

commune AB (typiquement une société anonyme), la conclusion d'un

contrat d'exécution avec l'un ou l'autre des promoteurs de la joint venture

(société A ou B) constitue généralement un contrat synallagmatique par

lequel elle obtient une prestation (p. ex. le droit de commercialiser une

licence ou un crédit d'exploitation) contre l'accomplissement d'une contre-

59

ATF 116 III 70 cons. 3b; WEBER, BK, art. 82 N 75; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N

39; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428. 60

Un éventuel comportement abusif reste évidemment réservé (art. 2 CC). 61

MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 39. Voir également OERTLE, 110. 62

A noter que FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss, (en reprenant la terminologie utilisée

en Allemagne, voir ULMER/SCHÄFER, § 706 N 5) parlent de "Drittgeschäfte" lorsqu'un

sociétaire conclut un contrat avec la société simple. Les considérations y afférentes ne

concernent donc pas la situation qui nous occupe où le contrat d'exécution est conclu entre

un sociétaire et un tiers (la société commune).

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Le contrat de joint venture 17

prestation (p. ex. le paiement de redevances ou d'intérêts). Une telle

transaction ne lui procure pas de fonds propres63

mais constitue un simple

échange de valeurs économiques64

. C’est essentiellement dans l’hypo-

thèse où la transaction s'effectue à titre gratuit (soit sans contre-prestation

de la société commune) que l'on peut effectivement parler d'un apport,

mais alors d'un apport à la société commune. Or, dans la situation qui

nous occupe, la question de savoir s'il y a apport (ou pas) ne se pose pas

pour la société commune mais bien pour la société simple découlant de

l’accord de base.

- Quant à cette société simple, elle ne reçoit aucune prestation par la

conclusion d'un contrat d'exécution auquel elle n'est pas partie. En vertu

de l'accord de base, elle acquiert tout au plus le droit d'exiger du sociétaire

promettant qu'il conclue, avec la société commune en tant que personne

tierce, le contrat d'exécution promis. Dès lors, aucun droit ou valeur

économique (pré)existant n'est procuré à la société simple car seule une

promesse est faite de conclure un contrat avec un tiers (société commune)

tendant à fournir une prestation à ce tiers. En plus, la réalisation de cette

promesse, à savoir la conclusion du contrat, dépendra de la volonté de la

société commune en tant que tiers. Il est donc douteux qu'une telle

promesse en faveur d'un tiers puisse être qualifiée d'apport (au sens de

l'art. 531 CO) à la société simple (accord de base)65

.

Les réflexions qui précèdent amènent à la conclusion que la question de savoir

dans quel rapport se trouvent les promesses mutuelles (de conclure des contrats

d'exécution avec la société commune), faites par les promoteurs dans l'accord

de base d'une joint venture, reste largement ouverte. Aussi la réponse

dépendra-t-elle principalement des stipulations spécifiques dans l'accord de

base et des circonstances concrètes. Si, par exemple, l'accord de base

intervient entre deux promoteurs66 dont chacun s'engage à conclure un contrat

d'exécution avec la société commune, il peut être tout à fait adéquat d'admettre

un rapport synallagmatique entre les obligations mutuelles de conclure des

63

Au sujet des apports en nature à une joint venture, voir WATTER, 61 ss. 64

Evidemment, il est possible que l'apport d'un actionnaire à la société anonyme (en

libération des actions qu'il a souscrites) consiste dans l'octroi d'une licence d'un droit

immatériel (cf. DESSEMONTET, 579), mais ce n'est pas l'hypothèse qui nous intéresse en

l'espèce. 65

Cf. également WATTER, 67, selon lequel des contrats avec des tiers ne peuvent pas

constituer des apports en nature à une société anonyme exploitant une joint venture. Voir

de plus, HUBER, Joint-Venture, 13. 66

Il semble qu'en pratique la joint venture bilatérale constitue la règle. Cf. DESSEMONTET,

581 ("La 'joint venture' est le plus souvent bilatérale").

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18 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

contrats d'exécution avec la société commune et, par conséquent, d'admettre

l'exception d'inexécution de la prestation selon l'art. 82 CO67.

Par ailleurs, ces réflexions confirment68 qu'il n'est pas convaincant de qualifier

le contrat de joint venture de société simple puisque le droit de la société simple

n'arrive pas à appréhender de manière satisfaisante le phénomène économique

complexe d'une joint venture. Aussi est-il plus approprié de concevoir le

contrat de joint venture (accord de base) comme un contrat innommé qui,

typiquement, donne lieu à un réseau de contrats interdépendants. Toutefois, il

sied également de noter que l'approche juridique classique qui analyse chaque

contrat à titre individuel et, par conséquent, séparément des autres contrats

économiquement liés ne parvient pas à saisir la joint venture de façon

adéquate69. L'interprétation de chaque contrat doit dès lors se faire à la lumière

de la fonction qu'il occupe dans la joint venture.

67

Dans le même sens, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428; AMSTUTZ/SCHLUEP, Intro-

duction à l'art. 184 N 450; cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 53, 55, 86; HUBER,

Vertragsgestaltung, 57. ─ A noter que les auteurs qui voient dans le contrat de joint

venture une société simple et, dès lors, rejettent l'applicabilité de l'art. 82 CO, se voient

tout de même contraints de construire un lien de dépendance entre les divers contrats

d'exécution et le contrat de base. A cet effet, ils postulent une condition suspensive tacite

que les parties conviendraient implicitement dans le contrat de base et qui ferait dépendre

la validité de chaque contrat d'exécution de la conclusion de tous les autres contrats d'exé-

cution promis dans l'accord de base (dans ce sens, OERTLE, 149 ss). Cette construction

n'est pas convaincante (critiques à ce sujet également AMSTUTZ/ SCHLUEP, Introduction à

l'art. 184 N 440). Premièrement, si les parties n'ont pas stipulé de condition expresse dans

leur accord de base bien que l'interdépendance économique des contrats d'exécution soit

patente, il faudra des comportements concluants des parties pour pouvoir admettre un

accord implicite sur une condition suspensive. Deuxièmement, même si les parties au

contrat de base ont convenu (expressément ou par acte concluant) une condition

suspensive, celle-ci n'a pas d'effet envers la société commune en tant que personne tierce.

En effet, si la société commune AB a conclu un contrat de licence avec la société-mère A,

une éventuelle condition suspensive convenue entre les deux sociétés-mère A et B par

rapport à la validité des contrats d'exécution ne lie pas la société commune et ne peut pas

suspendre la validité de son contrat. De plus, l'intérêt sociétaire de la société commune

AB peut s'opposer à faire dépendre la validité et les effets d'un contrat d'exécution conclu

de la conclusion de tous les autres contrats d'exécution. Ainsi, il est possible que la société

commune AB ait un besoin immédiat d'obtenir un crédit de la société B alors que la

conclusion d'un contrat de maintenance avec la société A est moins pressant et important. 68

Voir ci-dessus, chapitre II./D. p. 64. 69

Voir également REYMOND, Joint Venture, 392; AMSTUTZ, 45 ss.

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Le contrat de joint venture 19

3. La direction et la gestion de la société commune

Un point important à régler dans l'accord de base d'une joint venture est la

direction et la gestion de la société commune. Le défi est de trouver une

formule qui donne à chaque promoteur les moyens nécessaires pour poursuivre

et défendre ses intérêts légitimes, sans toutefois risquer le blocage dans le

fonctionnement de la joint venture. De manière générale, deux approches sont

possibles: soit les parties s'accordent sur une participation disparitaire

(participation majoritaire/minoritaire) au capital de la société commune, tout en

prévoyant des mécanismes de protection en faveur de la partie minoritaire; soit

elles se mettent d'accord sur une participation paritaire (p. ex. 50% à 50%),

en aménageant des mécanismes permettant d'éviter des situations de blocage

(deadlock devices). Laquelle des deux approches sera retenue par les parties

dans un cas concret, dépendra largement de leurs intérêts individuels à une

coopération, de leur position de force ou de faiblesse dans les négociations

ainsi que du cadre légal70.

En cas de participation majoritaire/minoritaire71, les moyens de protection pour

la minorité seront typiquement des exigences de quorum et de majorité

qualifiée pour prendre des décisions au conseil d'administration ou à

l'assemblée générale, souvent complétés par une (re)distribution détaillée des

attributions de ces organes72.

Pour éviter une situation d'impasse ou de blocage au sein de la société

commune, les moyens envisageables sont le droit de vote prépondérant du

président de l'organe concerné, le recours à un tiers neutre (p. ex. un arbitre),

la possibilité de soumettre le dossier à un organe hiérarchiquement supérieur

ou, en dernier ressort, la vente des actions73.

B. La durée et la fin d'une Equity Joint Venture

Un point essentiel d'une joint venture est la détermination de sa durée,

respectivement de sa fin. A ce sujet, notamment deux questions méritent une

70

Il se peut que la législation nationale ne permette pas de participation paritaire d'un

étranger mais exige une participation majoritaire de la partie locale. Cf. TERCIER/FAVRE,

N 7514; REYMOND, Joint Venture, 386. 71

Cf. également, LANGENFELD-WIRTH, 39; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 66 ss. 72

REYMOND, Joint Venture, 386. 73

Cf. FREY, 14; HUBER, Vertragsgestaltung, 30 ss; OERTLE, 76 ss; REYMOND, Joint

Venture, 387; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; IDEM, Joint Ventures, 65 s.;

VOGT/WATTER, 26.

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20 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

brève réflexion. Premièrement, quand l'accord de base prend-il fin (ci-après,

1.) et, deuxièmement, quelles sont les conséquences de la fin de l'accord de

base pour la société commune et les contrats d'exécution? (ci-après, 2.)

1. La fin de l'accord de base

a. Contrat de durée déterminée ou indéterminée?

Indépendamment de sa qualification juridique comme société simple ou contrat

innommé, l'accord de base (contrat de joint venture) donne lieu à un rapport

juridique de durée entre les promoteurs de la joint venture74. La durée de cette

coopération75 peut être fixée à l'avance (durée déterminée de cinq ans, par

exemple) de sorte que la fin de l'accord de base interviendra par simple

écoulement de la période convenue76. En pratique, la fixation d'une durée

déterminée pour une joint venture sera toutefois rare puisque, au début de leur

engagement, les promoteurs n'auront guère de conception claire du moment de

la fin de leur coopération. La plupart du temps, l'accord de base sera donc

conclu pour une durée indéterminée77. Ceci d'autant plus que le but d'exploiter

une société commune qui, elle, n'est pas limitée à un temps prédéfini, implique

pratiquement un engagement indéterminé.

Dans ce contexte, il sied de se demander si la convention entre les parties

contractantes, selon laquelle l'accord de base prendra fin avec la mort de l'une

des parties, représente un accord de durée déterminée ou indéterminée.

Lorsque la durée de l'accord de base est liée à la vie d'une personne

contractante physique, dont la mort, de par la nature de l'être humain, est

certaine, et que seul le moment de son avènement est inconnu (dies certus an,

74

Voir AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 448, 454; HUBER, Joint-Venture, 17,

FUNKE, 107; OERTLE, 175; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 81. 75

A la différence d'un contrat de durée classique tel que le contrat de travail ou de bail à

loyer où des prestations relativement bien définies sont à accomplir à intervalle régulier,

la joint venture vise la réalisation d'un projet commun plus ou moins complexe qui

demande des prestations diverses suivant les circonstances et l'évolution du projet. 76

Cf. l'art. 266 al. 1 CO; art. 334 al. 1 CO. 77

Une durée "indéterminée" ne signifie pas une durée "illimitée" ─ ce qui équivaudrait à un

contrat "perpétuel" que le droit suisse n'admet pas au regard de l’art. 27 CC (ATF 113 II

209) ─ mais veut seulement dire que le moment de la fin n'est pas fixé à l'avance par les

parties contractantes. Il faudra une déclaration de volonté de l'une et/ou de l'autre partie

contractante pour mettre fin au rapport juridique existant entre elles.

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Le contrat de joint venture 21

incertus quando), on est face à une durée déterminée78 parce que l'accord

prendra fin par simple écoulement du temps sans aucune déclaration de volonté

(résiliation)79 des parties. Par contre, si un contrat est conclu pour la durée de

l'existence d'une personne contractante morale (ce qui sera la règle pour une

joint venture), la fin de cette entité juridique n'est pas inhérente à sa nature, et

partant incertaine (dies incertus an, incertus quando). Aussi s'agira-t-il d'un

contrat de durée indéterminée80.

Cette analyse, qui est conforme au droit des contrats, change quelque peu si

l'on se réfère au droit de la société simple. En effet, ici, le législateur a

assimilé une société simple, conclue pour la durée de la vie d'un associé

(personne physique), à un contrat de durée indéterminée ouvrant ainsi à chaque

associé la voie d'une dénonciation ordinaire (anticipée) moyennant un délai de

résiliation de six mois81. Cela s'explique par le fait qu'une telle durée

(formellement) déterminée peut se révéler très longue82, et ainsi créer un besoin

de pouvoir mettre fin à l'accord de base avant la mort de l'un des promoteurs.

Il s'ensuit que si l'on qualifie le contrat de joint venture (accord de base) de

contrat innommé auquel les critères des contrats bilatéraux (p. ex. contrat de

78

Cf. l'art. 266 a1. CO ("Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement

d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue");

art. 334 al. 1 CO; également ATF 114 II 165, 166. 79

A noter que, suivant les circonstances, une clause contractuelle qui lie la fin d'un contrat

(multilatéral) à la vie de l'une ou l'autre des parties contractantes peut signifier trois

choses: Premièrement, il peut s'agir d'une durée minimale avec la conséquence que le

contrat ne peut pas être terminé par une résiliation ordinaire avant qu'une personne

contractante décède (une résiliation extraordinaire restant toutefois possible). Lorsque cet

événement intervient, le contrat se poursuit entre les autres parties jusqu'au moment où

l'une d'elle le résilie unilatéralement. Deuxièmement, il peut s'agir d'une durée fixe dans

ce sens que le contrat prend automatiquement fin lorsqu'une partie contractante décède et

que le contrat ne peut pas être résilié unilatéralement avant ce terme. Troisièmement, il

peut s'agir d'une durée maximale. Dans ce cas, le contrat prend automatiquement fin

lorsqu'une partie contractante décède, à condition que le contrat n'ait pas été terminé

auparavant par une résiliation unilatérale. Voir également ATF 106 II 226. 80

Apparemment d'un avis contraire, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 454. ─

En principe, il est également possible de lier la durée d'un contrat à la durée d'une

personne morale tierce qui n'est pas partie contractante. P. ex. le contrat de joint venture

(accord de base) est conclu pour la durée indéterminée de l'existence de la société

commune. Cf. également REYMOND, Joint Venture, 491. 81

Art. 545 ch. 6 et 546 CO. Voir également l'art. 334 al. 3 CO qui, pour les contrats de

travail conclus pour une durée déterminée de plus de dix ans, prévoit le droit de résiliation

moyennant un délai de congé de six mois. 82

Si l'on prend l'exemple d'un associé de 20 ans, une durée (déterminée) de 60 à 70 ans est

tout à fait envisageable.

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22 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

bail, contrat de travail)83 s'appliquent par analogie, on est face à un rapport

juridique de durée déterminée; par contre, si le contrat de joint venture est

qualifié de société simple, la loi traite ce rapport juridique comme un rapport

de durée indéterminée84.

b. Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de base

L'accord de base conclu pour une durée indéterminée peut prendre fin de

manière ordinaire ou extraordinaire. De manière ordinaire, les parties

terminent leur contrat de base notamment par un accord commun (contrat

résolutoire)85 ou par une déclaration unilatérale (résiliation) réservée dans

l'accord de base. Si le contrat de base ne prévoit pas de résiliation unilatérale,

et que les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la terminaison du

contrat de joint venture, la question est de savoir si le droit dispositif offre une

base pour une terminaison unilatérale.

- La réponse est affirmative pour une terminaison extraordinaire. Tant pour

la société simple que pour les contrats innommés, il est généralement

reconnu qu'un rapport juridique de durée peut être terminé unilatéralement

par la partie invoquant légitimement un juste motif86

. De manière

générale, un juste motif existe si l'on ne saurait raisonnablement imposer à

la personne qui l'invoque la poursuite du rapport juridique jusqu'à la fin de

sa durée déterminée (contrat de durée déterminée) ou jusqu'au plus

prochain terme de résiliation (contrat de durée indéterminée).

Plus délicate que le principe d'une terminaison extraordinaire pour juste

motif en soi est la question d'un éventuel délai à respecter. En effet, le

législateur prévoit parfois qu'un rapport de durée peut être résilié pour

83

Cf. les art. 266 al. 1 CO et 334 al. 1 CO. 84

Cf. les art. 545 ch. 6 et 546 CO. 85

De la même manière que les parties peuvent s'accorder sur la mise sur pied d'une société

commune, elles peuvent aussi se mettre d'accord sur sa fin. Voir notamment les art. 115

CO (remise conventionnelle) et 545 ch. 4 CO (dissolution de la société simple par accord

commun). 86

Si l'on considère que le contrat de joint venture (accord de base) est une société simple, la

résiliation extraordinaire pour juste motif résulte directement de l'art. 545 al. 1 ch. 7 CO.

Pour mettre en œuvre cette prérogative (qui, par ailleurs, relève du droit impératif), il faut

toutefois saisir le juge par une action formatrice tendant à la dissolution de la société

simple. Par contre, si le contrat de joint venture est qualifié de contrat innommé, la

doctrine accorde à la partie concernée le droit formateur de mettre fin au contrat. Cf.

AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 455; REYMOND, Joint Venture, 394;

HUBER, Vertragsgestaltung, 53 s.; OERTLE, 185 s.; ENGEL, 705. Voir également, ATF 135

III 1, 10; ATF 128 III 428, 429.

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Le contrat de joint venture 23

justes motifs à la condition de respecter un délai légal87 ou, au contraire,

qu’un délai ne doive être respecté88. Quid alors du contrat de joint

venture? Si l'on considère, comme le fait l'avis majoritaire, que le

contrat de joint venture est une société simple, on arrive à la conclusion

que la dissolution pour juste motif intervient "sans avertissement

préalable"89, à savoir sans délai. Cette solution est inadéquate et montre

que le contrat de joint venture n'est pas vraiment une société simple mais

un contrat innommé qui demande un traitement différent et mieux adapté

aux besoins des promoteurs d'une joint venture90. Tant les règles sur la

dissolution (extraordinaire) pour justes motifs avec effet immédiat que

celles concernant la dissolution (ordinaire)91 moyennant un délai de six

mois visent la société simple typique qui, de par la loi, peut poursuivre

un but économique mais ne doit pas exploiter une entreprise

commerciale92. Or, l'accord de base d'une joint venture vise la plupart

du temps l'exploitation d'une entreprise commerciale nécessitant une

organisation plus ou moins complexe que l'on ne peut dissoudre sans

délai. Il s'ensuit que la fin extraordinaire d'un contrat de joint venture

(accord de base) pour justes motifs devrait être sujette à un délai

d'avertissement. Ce délai pourrait être fixé, suivant les circonstances du

cas d'espèce, à une durée de l'ordre de six mois93.

- Reste la question de savoir si, en vertu du droit dispositif, le contrat de

joint venture (accord de base) est aussi sujet à une fin ordinaire lorsque le

contrat (de durée indéterminée) ne prévoit pas de résiliation et que les

parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur son extinction. Comme

on vient de voir, les règles de la société simple ne sont pas concluantes

dans la mesure où il est plus adéquat de concevoir le contrat de joint

87

Art. 266g al. 1 CO (congé extraordinaire du contrat de bail à loyer); art. 297 al. 1 CO

(congé extraordinaire du contrat de bail à ferme). 88

Art. 337 al. CO (résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs); art. 346 al.

2 CO (résiliation immédiate du contrat d'apprentissage pour justes motifs); art. 418r CO

(résiliation immédiate du contrat d'agence pour justes motifs); art. 545 al. 2 CO

(dissolution de la société simple pour justes motifs). 89

Art. 545 al. 2 CO. 90

Il est révélateur que les auteurs qui préconisent que le contrat de joint venture est une

société simple écartent régulièrement l'application de l'art. 546 CO. Voir p. ex. DJALALI,

78; OERTLE, 181 s. 91

Art. 546 CO. 92

MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 3, 26. 93

Comme point de référence, on peut prendre le contrat de bail à ferme où une résiliation

pour justes motifs doit respecter le délai légal de six mois (art. 297 al. 1 CO, en liaison

avec l'art. 296 CO).

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24 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

venture comme un contrat innommé plutôt que comme une société

simple94

. Toutefois, l'application analogique des règles d'un contrat

nommé au contrat de joint venture, conçu comme contrat innommé, paraît

également difficile car aucun contrat nommé ne s'impose comme base

pour une telle analogie. Or, si un contrat innommé est lacunaire et que le

droit dispositif ne fournit pas de réponse, il se justifie d'admettre la

terminaison ordinaire en se basant sur la volonté hypothétique des parties

et de fixer le délai d'avertissement au vu de toutes les circonstances

concrètes95

. Par souci de cohérence avec la terminaison extraordinaire, ce

délai devrait normalement être de douze mois ou plus.

2. Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société

commune et les contrats d'exécution

Vu les liens économiques étroits existant entre l'accord de base (contrat de joint

venture), la société commune et les contrats d'exécution, il incombe, en

premier lieu, aux partenaires de la joint venture de prévoir des clauses

contractuelles pour régler les conséquences de la fin de l'accord de base sur les

autres composantes de la joint venture96. A défaut de telles règles

contractuelles, il faudra recourir au droit dispositif dont on peut dégager les

éléments suivants:

Si l'accord de base prend fin suite à une résiliation ordinaire ou extraordinaire,

les parties contractantes (société A et B) seront libérées, avec effet ex nunc, de

leurs engagements mutuels futurs. Ainsi, les contrats d'exécution dont la

conclusion était prévue dans l'accord de base pour un terme ultérieur à

l’extinction de cet accord intervenue entre-temps, n'auront plus à être conclus.

Par contre, les contrats d'exécution déjà conclus avec la société commune AB

mais pas encore (totalement) exécutés par la société A, respectivement la

société B, resteront valables et devront encore être exécutés97. Eventuellement,

le fait que l'accord de base a été terminé par la société A pourrait être invoqué

94

Selon l'art. 546 CO, chaque associé peut dissoudre la société simple moyennant un délai

de six mois (le cas échéant, pour la fin d'un exercice annuel). Ce délai sera souvent trop

court pour que les autres associés puissent entreprendre les démarches nécessaires et se

préparer à la dissolution de la joint venture. Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 70. 95

Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 71 s. 96

Par exemple, la durée d'un contrat d'exécution peut être liée à la continuité de l'accord de

base. Cf. également, HUBER, Vertragsgestaltung, 16; OERTLE, 194 s. 97

A noter que, même si l'on qualifie l'accord de base de société simple, les contrats

d'exécution avec la société commune AB ne sont pas conclus par la société simple en tant

que communauté mais par les sociétés A et B à titre personnel en vue de

l'accomplissement des engagements pris dans l'accord de base.

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Le contrat de joint venture 25

─ sous l'angle de la clausula rebus sic stantibus ─ par la société B (et vice

versa) envers la société AB pour demander une adaptation du contrat

d'exécution conclu.

En ce qui concerne la société commune AB (typiquement une société

anonyme), celle-ci n'est pas mise en cause par la simple extinction de l'accord

de base98. De même, les contrats d'exécution que la société commune AB a

conclus avec la société A, respectivement la société B, ainsi que les contrats

conclus avec des tiers continueront d'exister.

Quant aux promoteurs de la joint venture ─ en leur qualité de sociétaires

(actionnaires) de la société commune AB, ─ leur situation continuera d'être

régie par le droit des sociétés malgré l’extinction de l'accord de base. Selon le

droit des sociétés, il est possible que la société soit dissoute si les statuts le

prévoient ou si l'assemblée générale devait prendre une décision dans ce sens99.

Il est également possible, et en pratique plus probable, que la société A vende

sa participation, qu'elle détient dans à la société AB, à la société B ou vice

versa, ou que les sociétés A et B vendent leur participation à un tiers qui est

intéressé à reprendre la joint venture.

C. Le droit applicable à un contrat de joint venture inter-

national

Etant donnée que la qualification juridique du contrat de joint venture (accord

de base) est délicate, les promoteurs d'une joint venture internationale seront

régulièrement bien inspirés de procéder à une élection de droit100 et, le cas

échéant, de stipuler une clause d’arbitrage.

A défaut d'une élection de droit par les parties, le droit applicable au contrat de

joint venture se détermine selon l'art. 150 al. 2 LDIP. Dès lors, si le contrat de

joint venture s'est doté d'une organisation, à savoir d'une structure susceptible

d'entrer en contact avec des tiers et d'établir des rapports avec eux101, le droit

applicable est celui de l'Etat selon le droit duquel cette organisation a été mise

98

Cf. également, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 456; FUNKE, 177, OERTLE,

192; TSCHÄNI, Joint Ventures, 72; DJALALI, 102 s. 99

Cf. pour la société anonyme, l'art. 736 ch. 1 et 2 CO. 100

Dans le même sens, p. ex. SCHNYDER, 90. 101

HUBER, Joint-Venture, 61, 151; VON PLANTA/EBERHARD, art. 150 N 7.

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26 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

en place102. Par contre, si une telle organisation fait défaut, le droit applicable

se détermine selon les règles applicables aux contrats internationaux. Dans cette

dernière hypothèse, le rattachement objectif selon le critère de la prestation

caractéristique103 est toutefois très difficile à appliquer104. On appliquerait alors

le droit où le centre d'activité est localisé105.

IV. Conclusions

Les quelques réflexions qui précèdent ont montré que le contrat de (Equity)

Joint Venture est une figure juridique complexe, à géométrie variable, dont la

qualification n’est pas évidente. Tant des éléments contractuels que des

éléments de droit des sociétés se conjuguent pour former un ensemble

économique qui n’est pas facile à appréhender juridiquement. Aussi existe-t-il à

la fois des arguments valables pour dire qu’il s’agit d’une société simple et des

arguments ─ qui, à notre sens, sont plus pertinents ─ pour conclure que les

éléments synallagmatiques aboutissent à un contrat innommé.

Toutefois, face à la question controversée de savoir si le contrat de joint

venture est une société simple ou un contrat innommé, il ne faut pas perdre de

vue qu'en réalité, ni l'une ni l'autre des deux approches arrive, en tant que

telle, à résoudre des litiges concrets. En effet, si l'on favorise l'approche de la

société simple, on se voit contraint d'admettre que les règles dispositives de la

société simple sont parfois inadéquates et ne peuvent pas être appliquées telles

quelles sans mettre en cause la joint venture106. De même, le fait d'admettre

que la joint venture est un contrat innommé n'empêche pas que, le cas échéant,

il faut appliquer par analogie les règles légales sur les contrats nommés.

D’un point de vue pratique, le défi juridique se révèle donc double: Pour les

avocats, il consiste à rédiger un contrat de joint venture détaillé qui fournit aux

parties un cadre réfléchi et stable tout en laissant la flexibilité nécessaire pour

s'adapter à des situations inattendues. Pour les juges, le défi consiste à

interpréter le contrat de joint venture comme la base fondamentale d'un

102

Art. 154 al. 1 LDIP; voir également, VON PLANTA/EBERHARD, art. 154 N 10 s.;

KNOEPFLER/MERKT, 762; SCHNYDER, 87. ─ Pour le droit allemand, voir p. ex. EBEN-

ROTH, 266. Cf. également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 110 ss. 103

Art. 117 LDIP. 104

Voir p. ex. KNOEPFLER/MERKT, 764; SCHNYDER, 94. 105

HUBER, Joint-Venture, 152 ("Aktivitätszentrum der Basisgesellschaft"); AMSTUTZ/

SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 457; AMSTUTZ/VOGT/WANG, art. 117 N 80;

SCHNYDER, 94 ("Zentrum der Aktivität des Joint Venture"). 106

Par exemple, l'art. 546 CO.

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Le contrat de joint venture 27

ensemble économique interdépendant. Cela peut inclure le comblement de

lacune du contrat selon la volonté hypothétique des parties lorsque le droit

dispositif (de la société simple ou d'un contrat nommé applicable par analogie)

se révèle inapproprié pour un réseau de contrats interdépendants qui forme un

ensemble économique. Les deux tâches ne sont pas faciles et demandent de la

circonspection.

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28 Le contrat de joint venture

Thomas Probst

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