489
UNIVERSITÉ DE STRASBOURG ÉCOLE DOCTORALE ED101 THÈSE présentée par : Emmanuelle Vierling-Kovar soutenue le : 25 avril 2013 pour obtenir le grade de : Docteur de l’université de Strasbourg Discipline/ Spécialité : Droit des affaires Le contrat de société en participation THÈSE dirigée par : Monsieur Jean-Patrice STORCK Professeur à l’université de Strasbourg RAPPORTEURS : Madame Anne-Dominique MERVILLE Maître de conférence HDR à l’université de Cergy-Pontoise Monsieur Bernard GROSS Professeur émérite à l’université de Nancy PRESIDENT DU JURY : Monsieur Michel STORCK Professeur à l’université de Strasbourg

Le contrat de société en participation

  • Upload
    ngophuc

  • View
    219

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • UNIVERSIT DE

    STRASBOURG

    COLE DOCTORALE ED101

    THSE prsente par : Emmanuelle Vierling-Kovar

    soutenue le : 25 avril 2013

    pour obtenir le grade de : Docteur de luniversit de Strasbourg

    Discipline/ Spcialit : Droit des affaires

    Le contrat de socit en participation

    THSE dirige par :

    Monsieur Jean-Patrice STORCK Professeur luniversit de Strasbourg

    RAPPORTEURS : Madame Anne-Dominique MERVILLE Matre de confrence HDR luniversit de Cergy-Pontoise Monsieur Bernard GROSS Professeur mrite luniversit de Nancy

    PRESIDENT DU JURY : Monsieur Michel STORCK Professeur luniversit de Strasbourg

  • 2

    REMERCIEMENTS

    Je tiens remercier le professeur Jean-Patrice Storck pour mavoir propos un sujet

    passionnant de thse en droit me permettant de faire aussi appel dautres disciplines et qui,

    au cours des annes coules, ma guide dans cette entreprise.

    Je tiens aussi remercier tous ceux qui mont accompagne dans cette aventure et tous ceux

    qui ont comment le contrat de socit en participation. Grce leurs conseils et leurs crits,

    au fur et mesure, ltude sur ce contrat particulier a pris forme.

  • 3

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION :

    Section 1 : Le contrat de socit en participation, la confluence entre droit, gestion et

    comptabilit

    Section 2 : Le contrat de socit en participation dans le temps et dans lespace

    PARTIE 1 : La formation du contrat de socit en participation

    Titre 1 : La libert contractuelle

    Chapitre 1 : La problmatique du consentement

    Chapitre 2 : Lobjet et la cause de la socit en participation : une rponse adapte un

    march

    Titre 2 : La mise en commun de lopration : la mouvance de la socit en participation

    Chapitre 1 : La mise en pratique des lments fiscaux et comptables ncessaires

    llaboration du contrat

    Chapitre 2 : Les contrats aux frontires dune socit en participation

    PARTIE 2 : Lexcution et lanantissement du contrat de socit en participation

    Titre 1 : Lexcution du contrat

    Chapitre 1 : Les consquences pratiques de lexcution du contrat

    Chapitre 2 : La socit en participation, une structure affecte dinstabilit ou les difficults

    organisationnelles nes du contrat de la socit en participation

    Titre 2 : Lextinction du contrat de socit en participation

    Chapitre 1 : La fin du contrat ou la dissolution de la socit en participation

    Chapitre 2 : Les anantissements contractuels

    CONCLUSION :

    Le contrat de socit en participation

    Lvolution probable de la joint-venture

  • 4

    INTRODUCTION

    1. Au 1er

    janvier 2011, mille six cents socits en participation et dix-neuf mille socits

    cres de fait 1 taient recenses au fichier SIRENE

    2 sur plus de deux millions de socits

    immatricules. On pourrait ainsi supposer que les socits en participation appartiennent

    la palontologie juridique ou aux espces rares de la botanique socitaire 3, obsoltes et

    incapables dvolution. En ralit, bien quelles soient lune des exceptions la tendance

    actuelle reconnatre une personnalit propre aux groupements, ds lors quil existe des

    intrts licites dignes dtre juridiquement protgs 4, elles ne doivent pas tre considres

    comme surannes. En effet, les entrepreneurs ont recours la socit en participation pour des

    oprations risques, souvent lies des produits de haute technologie ou de dimension

    internationale. Ce contrat a le vent en poupe5. Il rentre dans le champ des accords de

    1 Exactement mille six cent vingt-huit et dix-huit mille neuf cent trente.

    2 Les statistiques sont tablies partir des nomenclatures de lINSEE pour les socits en participation et cres

    de fait. Toutefois, il sagit de celles connues de ladministration fiscale. En juin 2000, il y avait mille cinq cents

    socits en participation et vingt-six mille quatre cent trente socits cres de fait. En septembre 2003, elles

    slevaient respectivement prs de mille quatre cents et vingt-six mille. Le nombre des socits en participation

    a donc tendance rester stable. 3 D. Danet et C. Champaud, note sous CA Versailles 6 juin 1996, RTD Com, 1997, p.279 : la SEP nappartient

    ni la palontologie juridique, ni aux espces rares de la botanique socitaire et elle nest pas le fait de petits

    commerants quelque peu ignorants du droit des socits . 4 C.-H. Chenut, Le contrat de consortium, LGDJ, 2003, p. 284. Voir aussi L. Michoud, La thorie de la

    personnalit morale son application au droit franais, LGDJ, 1924, notamment le tome 1, chapitre 1 et

    spcifiquement n1 p.6 : Lide de droit appartenant des groupements humains apparat, non pas aussi

    facile expliquer et justifier, mais aussi fondamentale que lide de droits appartenant des tre isols.

    Historiquement, elle est au moins aussi ancienne, et il est bien certain que dans les socits primitives les droits

    des groupes ont eu plus dimportance que ceux des individus. Pratiquement, aucune socit ne peut se

    comprendre sans certains droits attribus des collectivits. On peut diffrer lopinion sur lexplication

    juridique du phnomne. Mais il a un tel caractre de constance et duniversalit quil est impossible dy voir

    quelque chose dtrange et dexceptionnel. 4 C.-H. Chenut, Le contrat de consortium, LGDJ, 2003, p.284. Voir aussi L. Michoud, La thorie de la

    personnalit morale son application au droit franais, LGDJ, 1924, notamment le tome 1, chapitre 1 et

    spcifiquement n1 p.6 : Lide de droit appartenant des groupements humains apparat, non pas aussi

    facile expliquer et justifier, mais aussi fondamentale que lide de droits appartenant des tre isols.

    Historiquement, elle est au moins aussi ancienne, et il est bien certain que dans les socits primitives les droits

    des groupes ont eu plus dimportance que ceux des individus. Pratiquement, aucune socit ne peut se

    comprendre sans certains droits attribus des collectivits. On peut diffrer lopinion sur lexplication

    juridique du phnomne. Mais il a un tel caractre de constance et duniversalit . 5 Voir par exemple larticle de J.-P. Valadon, La socit en participation, mode demploi , LEntreprise,

    octobre 1999, p.183 : vous recherchez une solution souple et discrte pour monter plusieurs une opration

    commerciale ou financire ? Voici le statut qui vous convient. Voir aussi le dossier consacr la socit en

    participation entre artisans labor par la Chambre de Mtiers dAlsace en fvrier 2004. Voir aussi la

    multiplicit de sites sur Internet prsentant ses particularits et allant pour certains dentre eux proposer un Kit

    Cration de la socit en participation (voir, par exemple) le site de Job Pratique Magazine n10 juin-juillet

    1999) : contenant toutes les explications pratiques pour monter votre SEP, ainsi que les statuts prts lemploi

    et la dclaration auprs des impts (obligatoire) .

  • 5

    coopration, cest dire des partenariats sans liens capitalistiques 6 ; pour autant, il est

    dfini comme une socit7.

    2. La rfrence la socit en participation figure larticle 1871 du Code civil :

    volontairement les associs peuvent convenir que la socit ne sera point immatricule. La

    socit est dite alors socit en participation. Elle nest pas une personne morale8 et n'est

    pas soumise publicit . Les associs choisissent alors de crer une socit-contrat et non

    une socit-institution. Elle nat, sans existence juridique reconnue, du contrat de socit et

    non dun enregistrement. De ce fait, elle ne prendra pas corps 9, bien quelle soit conforme

    aux exigences de larrt du 28 janvier 1954 de la Cour de cassation10

    , en raison de labsence

    mme dimmatriculation.

    En consquence, elle ne dispose proprement parler ni de dnomination sociale11

    , ni de sige

    social12

    . Surtout elle nest pas titulaire dun patrimoine social13

    . Elle ne peut pas ester ou tre

    poursuivie en justice par lintermdiaire de son grant , en tant que tel14

    . Il nous semble

    6 S. Urban et U. Mayrhoffer, Les stratgies de rapprochement des entreprises franaises et allemandes en

    Europe : tendances et perspectives , publication du CESAG, Strasbourg, janvier 1999, p.27 : les accords

    contractuels reprsentent 22,9 % des accords pour les entreprises franaises et 25,99 % des entreprises

    allemandes . Ces statistiques ont t tablies partir des accords conclus entre 1989 et 1996. Rappelons

    quaucun enregistrement systmatique auprs des autorits publiques nest requis en matire daccords

    interentreprises (idem p.4), hormis la dclaration fiscale. Il est donc particulirement difficile de les pister. 7 Elle correspond la notion de socit formule par Pothier : la socit et la communaut ne sont pas la mme

    chose : la socit est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun.

    Lorsquen excution de ce contrat elles ont effectivement mis en commun ce quelles ont convenu dy mettre,

    cest une communaut entre elles. Cette espce de communaut sappelle aussi socit parce quelle est forme

    en excution dun contrat de socit , Pothier, Trait du contrat de socit, p.534, cit par K. Peglow, Le

    contrat de socit en droit allemand et en droit franais compars, LGDJ, 2003, p.436. 8 Par consquent, elle na pas la capacit dester, Cass Civ 2

    me 26 mars 1997, Droit des Affaires, 1997, p.637.

    9 G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial, tome 1, 15

    me dition par M. Germain , LGDJ, 1993,

    n683. 10

    Cass Civ 28 janvier 1954, D1954. 217 note G. Levasseur propos des groupements pourvus dune

    possibilit dexpression collective, pour la dfense dintrts licites, dignes par la suite dtre juridiquement

    reconnus et protgs . N. Baruchel, La personnalit morale en droit priv lments pour une thorie, LGDJ,

    2004, n67 p. 39 : la personnalit morale, ainsi dfinie par Michoud, nest donc pas une fiction juridique,

    mais seulement la traduction technique de cette ralit que rvle lexistence dintrts collectifs permanents,

    distincts des intrts individuels. Toutefois, cet intrt collectif ncessite un moyen autonome dexpression, une

    organisation propre le reprsenter et le dfendre dans les actes de la vie juridique . 11

    Cass. Civ. 31 mars 1936, DH 1936, 300. 12

    Cass. Req. 28 novembre 1904, D 1906 . 1 . 109. 13

    Cass. Req. 28 octobre 1940, J Soc 44, 10 ; CA Paris 4 juin 1991, Joly, 1991, p.835 ; en consquence, la

    socit en participation, ntant pas une personne morale, ne peut tre crancire dune obligation , selon Cass

    Com 20 mai 2008 D 2008.1549. Pourtant, la Cour de cassation admet quelle puisse, via son grant, conclure un

    contrat de travail, selon Cass Soc 22 octobre 2008 n de pourvoi 07-40368. 14

    S. Brouder-Leibovici, La socit en participation et lefficacit des pactes dactionnaires, thse Paris IX,

    2000, p. 69 : la socit en participation ne peut tre, elle-mme, assigne en justice par lintermdiaire de son

    grant et, par la suite, elle ne peut tre condamne Seuls devront tre assigns en justice les associs, et non le

    seul grant qui ne saurait reprsenter un tre moral inexistant. . Voir par exemple Cass Civ 3me

    15 fvrier

    2006 n de pourvoi 05-10471 ou M.-L. Coquelet sous CA Versailles 22 septembre 2010, Droit des Socits,

    2010, n219 : tant dpourvue de personnalit juridique, une socit en participation ne peut ester en justice et

  • 6

    que la terminologie la plus adapte est celle de chef de file, en raison de labsence de

    personnalit morale. Nanmoins, les associs vont dans le cadre de la vie sociale lui donner

    un semblant de vie juridique : un nom et un sige ; en outre, dans le cadre daffaires

    internationales, les participants doivent fixer lEtat daccueil de la socit en participation.

    3. Nous tenterons au pralable dans cette introduction, de caractriser le contrat de socit en

    participation la confluence entre le droit et la gestion puis den dfinir ses lments

    constitutifs.

    Section 1 : Le contrat de socit en participation, la

    confluence entre droit, gestion et de comptabilit

    4. La socit en participation est la confluence du droit, de la gestion et de la comptabilit.

    Si gnralement il est possible daffirmer qu entreprise et droit voluent ensemble sans que

    lon puisse dterminer ce qui vient en premier dans un processus dadaptation mutuelle qui

    les lie 15

    , la perception de laccord de participation va diffrer selon la nature des

    intervenants. En effet, si les conomistes tudient principalement les rapports entre les

    choses et les hommes et traitent les rapports homme-homme de manire accessoire16

    , les

    juristes eux se focalisent essentiellement sur les relations humaines et accessoirement sur

    celles entre les hommes et les choses. Lapproche est diamtralement oppose17

    , mais

    aussi paradoxal que cela paraisse, extrmement complmentaire18

    . Cette approche est

    le prsident de son comit de direction, bien qutant grant de droit de cette socit, na pas qualit pour ester

    en justice . 15

    J.-P. Rob, Lentreprise et le droit, PUF, collection Que sais-je ?, Paris, 1999, p.5. 16

    M. Capet, Le droit comme langue essentielle dcrivant lentreprise , in Droit et Gestion de lentreprise,

    Mlanges en lhonneur du doyen Roger Percerou, IAE de Paris, Vuibert Gestion, ESUG Toulouse, novembre

    1993 p.19. 17

    Ibidem. 18

    A. Bernard, Law and economics, une socit idiote ? , D 2008.2806 : ce qui compte, cest la

    calculabilit , autrement dit la prvisibilit du droit. Weber (Max Weber Economie et socit, tome 2 Plon

    1995 p.45) affirme : les rgles de droit qui sappliquent un certain tat de choses peuvent tre

    fondamentalement diffrentes du point de vue des systmes juridiques fondamentaux, sans que les relations

    conomiques en soient affectes dune manire tant soit peu importantes . Admettre que, comme dans tous

    les domaines de la vie humaine, la diversit constitue, non seulement une richesse mais aussi une consquence

    de la libert .

  • 7

    nanmoins affecte par leur localisation juridique19

    . Cest ainsi que lEconomique20

    se

    mle au Droit, ce dernier reconnaissant et qualifiant une situation donne pour lui faire

    produire des effets juridiques dont le contenu consiste en une information financire : on ne

    saurait mieux illustrer les interactions entre les deux disciplines21

    . Il arrive quune situation

    conomique contraigne le droit, lorsque le mcanisme est innom, jusqu remettre en cause

    les contours de ses catgories traditionnelles22

    . Cette remarque a t tablie propos des

    garanties ; elle nous semble tout fait approprie la socit en participation. En effet la

    vision conomiste, en termes de gestion et de comptabilit, modre le caractre social de la

    socit en participation.

    5. Dailleurs quelle est la ralit juridique de la socit en participation ? Socit part

    entire, ce qui implique une nature hybride, la fois institution23

    et contrat24

    ? Ou simplement

    une socit-contrat ? La question mrite une rflexion juridique, car en tant que socit

    institution, la socit en participation peut devenir le dbiteur et avoir une caution ; en tant

    que contrat il devient difficile dadmettre une garantie25

    . Certes, les socits de personnes

    sont le domaine de prdilection de la thse contractuelle 26

    . La consquence en est la

    meilleure prise en considration, par rapport aux socits de capitaux, par les juges de la

    volont individuelle des associs, tant donn le fort intuitus personae de ces socits. En

    outre, lvolution du droit des affaires met en vidence une contractualisation croissante

    des outils conomiques 27

    . Mais, force est de reconnatre que la socit en participation, en

    raison de labsence de personnalit morale, nest pas une socit de personnes comme les

    19

    J.-L. Halprin, Profils des mondialisations du droit , D 2009.1464 : la technologie juridique ouvre la voie

    aux changements de norme Comme technologie, le droit nest quune forme et cette forme, invente en divers

    lieux diffrentes moments de lhistoire, est susceptible de multiples transplants . 20

    Nologisme mettant en vidence le caractre pratique, voire pragmatique, de lconomie. 21

    Ibidem. 22

    Ibidem. 23

    S. Vacrate, La socit cre de fait, essai de thsaurisation, LGDJ, 2003, n572 p.248 : op.cit., p.17 : la

    socit a un intrt propre qui se distingue de celui des associs et qui illustre parfaitement la thorie de la

    socit-institution . 24

    S.Vacrate idem p.249 : la socit est aussi un contrat, larticle 1832 du Code civil y fait expressment

    rfrence car la cration dune socit relve par principe de la rencontre de plusieurs volonts . 25

    D. Robine, note sous Cass Com 6 juillet 2010, Joly, 2010, n187 : lorsque le contrat de cautionnement

    dsigne en qualit de dbiteur principal, lentit dote de personnalit juridique, il est clair que cest la dette de

    ce dbiteur que la caution a voulu garantir. Par consquent, ( ), le cautionnement ne peut tre tendu la

    dette dun autre. En revanche, lorsque le dbiteur dsign est une SEP, le raisonnement semble pouvoir tre

    diffrent. En effet, cette socit na pas la personnalit juridique et na pas, contrairement la socit en

    formation, vocation y accder. Il pourrait donc tre soutenu que les parties au contrat de cautionnement nont

    pas pu vouloir dsigner ce dbiteur inexistant mais la personne devant, au final, supporter la dette en

    application de la SEP . Voir aussi M.-L. Coquelet note sous Cass Com 6 juillet 2010, Droit des Socits, 2010,

    n175. 26

    S. Vacrate idem p. 249. 27

    S. Vacrate idem p.251.

  • 8

    autres. Ces dernires, bien que dessence contractuelle, sont aussi des institutions, le caractre

    institutionnel naissant de la personnalit morale. Nous tenterons donc de la caractriser grce

    ces disciplines connexes.

    Ce postulat tant pos, nous allons esquisser les contours de la socit en dcrivant son

    volution et en tudiant le droit compar des socits en participation.

    Section 2 : Le contrat de socit en participation dans le

    temps et dans lespace

    6. Il sagit de dfinir la socit en participation par le biais des apports historiques ou

    gographiques qui lont influence, puis de la confronter avec dautres contrats relativement

    proches.

    I) Les apports de lhistoire et de la gographie la socit en

    participation

    7. Pour lessentiel ils reposent sur lhistorique de la socit en participation et sur lexistence

    universelle de cette dernire, sous des appellations diverses, tels joint-venture, consortium.

    En effet, la socit en participation nest pas une spcificit franaise. Comme les oprations

    internationales ncessitent des structures souples, adaptables et faonnes par les participants,

    il est ds lors vident quelles existent dans diffrentes lgislations, quelquen soit le type28

    .

    Les socits sans personnalit juridique se rencontrent en droit anglais sous le nom de

    consortium29

    ou partnership. Il sagit ds lors de joint-ventures non enregistres. En droit

    allemand, elle porte le nom de socit simple du Code civil ou BGB Gesellschaft, mais elle

    correspond aussi la stille Gesellschaft. En droit grec30

    lafanis etaria31

    est adapte pour la

    construction ou les grands projets industriels mais galement pour louverture dun

    commerce avec un partenaire grec En droit amricain laccord de joint-venture est

    28

    Voir par exemple le droit saoudien : il sagit dune participation discrte (selon lappellation de Klaus

    Langelfeld-Wrth) aux activits dun commerant saoudien, K. Langelfeld-Wrth, Les joint-ventures

    internationales, Pratiques et techniques contractuelles des entreprises internationales, n178, GLN Joly

    Editions, mars 1992. 29

    Le terme de consortium nayant pas dans ce cas la mme signification juridique quen France. 30

    Voir le site Simplanter en Grce ,

    www.infoeurope.fr/europe.web/sec.dir/livres/moriou/GRECE/juridem.htm. 31

    , la socit invisible.

    http://www.info-europe.fr/europe.web/sec.dir/livres/moriou/GRECE/juridem.htm

  • 9

    une combinaison spciale de deux personnes ou plus, qui recherchent le profit dans une

    opration commerciale spcifique sans constituer un partnership ou une forme de socit

    dote de la personnalit morale 32

    . La fondation dune joint-venture amricaine ne

    demandait initialement aucune formalit. Pourtant, le terme de joint-venture a t tendu dans

    le cadre du commerce international aux socits, mme dotes de la personnalit juridique.

    1 Lhistorique et lvolution de la socit en participation

    8. Nous tudierons deux formes dvolution : celle lie lhistoire de la socit en

    partitipation de lAntiquit nos jours, mais aussi celle lie lvolution dune socit en

    socit en participation.

    a) Lhistoire de la socit en participation

    9. Elle mane directement du droit romain et, notamment, du jus fraternitatis33

    , lancien

    consortium entre frres34

    ; elle en reste dailleurs fortement empreinte35

    . Plus

    traditionnellement, il est encore considr actuellement que cette forme de socit est celle

    qui ressemble le plus la socit du droit romain 36

    . Il en est ainsi de la responsabilit des

    32

    S. Urban et S ; Vendemini, Alliances stratgiques coopratives europennes, ditions De Boeck Universit,

    Bruxelles, 1993-1994, p. 221.

    Dr S. H. Elsing, K. Langelfeld-Wrth, in Les joint-ventures internationales, Pratiques et techniques

    contractuelles des entreprises internationales , n165 et suivants, GLN Joly Editions, mars 1992. 33

    G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial tome 1, 15me

    dition par M. Germain , LGDJ, 1993,

    n891. Selon P.F. Girard, - Manuel lmentaire de Droit Romain, rimpression de 1978, p.615 cit par

    J.Honorat, note sous CA Paris 21 fvrier 1986, RTD Com, 1986, p.1349. Ce principe, ainsi que lintuitus

    personae, sont eux-mmes influencs par des droits antrieurs.

    R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1999, n28 p.27 propos de la civilisation

    grecque : la responsabilit de lassoci envers ses coassocis est considre comme plus forte quenvers les

    tiers. Il est bien ressenti en effet que chez les Grecs la socit repose sur lamiti (la philia [), principe

    dont les Romains feront lintuitus personae . 34

    A-E Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit franais obligations, 3me

    dition par R. Villers,

    Prcis Dalloz, 1970, p.78.

    R. Szramkiewicz, op.cit. n63 p.40 : la socit de commerce, Rome, nat de la socit civile, et la socit

    civile, en remontant plus haut, de lindivision familiale, patriarcale. Pendant longtemps, lorsque le pater

    familias mourait, ses descendants ne divisaient pas sa proprit, mais restaient ensemble lexploiter. Cest

    cette communaut volontaire, familiale, campagnarde, qui va donner lindivision civile do sortira la socit

    civile, puis ensuite la socit commerciale. Donc dune socit familiale on passe une socit entre trangers,

    ce quon appelle le consortium . 35

    J. Honorat, note sous CA Paris 21 fvrier 1986, RTD Com, 1986, p.1349 ; la Cour dappel de Paris, le 21

    fvrier 1986, cite plus haut, reprend ce mme principe de jus fraternitatis. 36

    G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial tome 1, 15me

    dition par M. Germain , LGDJ, 1993,

    n891.

  • 10

    associs inhrente leur faute de gestion. Toutefois le jus fraternitatis37

    lui-mme prend ses

    racines dans des droits beaucoup plus anciens, notamment le droit dHammu-rabi de

    Babylone38

    , dans la premire moiti du 18me

    sicle, sous la traduction de contrat

    dassociation 39

    .

    10. Ainsi, cette socit de droit romain se rattache au consortium existant entre enfants dun

    mme pater, restant en communaut familiale, sans division du patrimoine la mort de ce

    pater40

    et chaque associ, le consortes, tait tenu dapporter aux affaires sociales les mmes

    soins quaux siennes propres (culpa levis concreto) 41

    . Le jus fraternitatis sous-tend dj

    lindivision42

    ; cest donc en terme de concurrence 43

    , voire de complmentarit que la

    distinction entre socit en participation et indivision se pose. Ds lors, il y a potentiellement

    une difficult distinguer ces deux notions.

    Mais elle na pas suivi lvolution vers la reconnaissance de la personnalit morale et est

    reste au stade du jus fraternitatis44

    , savoir un contrat de participation dans le cadre dune

    affaire.

    11. En France, comme cette socit est considre pendant longtemps comme un simple

    contrat 45

    , lordonnance royale de 1673 ne fait pas mention de la socit en participation. En

    effet cette ordonnance a essentiellement pour vocation de rglementer la forme et la publicit

    37

    E. Petit, Trait lmentaire de droit romain, Arthur Rousseau diteur, Paris, 1895, n385-3 propos de la

    responsabilit des associs : la faute doit tre apprcie avec indulgence : lassoci ne rpond que de celle

    quil ne commet pas dordinaire dans la gestion de ses propres affaires. Cette faveur sexplique, soit parce quil

    y a entre associs, un lien de fraternit, jus fraternitatis, qui fait que leurs obligations rciproques ne doivent pas

    sapprcier avec trop de rigueur ; soit parce que chaque associ, en grant les affaires sociales, gre aussi sa

    propre affaire . 38

    1792 1750 avant Jsus-Christ. 39

    D. Charpin, Hammu-rabi de Babylone, PUF, 2003, p.203 : Ahum-waqar a port plainte propos dune

    association contre son frre Puzur-Gula. Les juges ont rendu leur jugement. Ils lui ( = Ahum-waqar) ont

    rclam le contrat dassociation, (mais il ny a) ni tablette, ni tmoin. Du fait quil (= Ahum-waqar) na pu

    produire le contrat dassociation et que des tmoins ne se sont pas prsents, ils (= les juges) ont dfr Puzur-

    Gula, ses dieux, Samas et Gula, pour un serment solennel . 40

    A-E Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit franais obligations, 3me

    dition par Robert Villers,

    Prcis Dalloz, 1970, p.78. 41

    G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial tome 1, 15me

    dition par M. Germain , LGDJ, 1993,

    n891. Selon P.F. Girard, - Manuel lmentaire de Droit Romain, rimpression de 1978, p.615 cit par Jean

    Honorat, note sous CA Paris 21 fvrier 1986, RTD Com, 1986, p.1349. 42

    A-E Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit franais obligations, 3me

    dition par R. Villers,

    Prcis Dalloz, 1970, p.78 : les consortes pouvaient sortir de lindivision et la liquider au moyen de lactio

    familias erciscundae qui sintentait, sous les actions de la loi, par larbitri postulatio . 43

    F. Deboissy et G. Wicker, La distinction de lindivision et de la socit et ses enjeux fiscaux , RTD Civ,

    2000, p.225. 44

    Pourtant le droit romain, en voluant, a reconnu les personnes morales qui avaient un patrimoine, des droits et

    pouvaient les exercer en justice, selon M. Villey, Le droit romain, PUF, collection Que sais-je ?, 1964, n195. 45

    G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial tome 1, 15me

    dition par M. Germain, LGDJ, 1993, n888.

  • 11

    des actes de socit et elle ne prvoit que les socits de personnes, et qui plus est, celles avec

    un capital dtenu exclusivement par les socits et celles ayant besoin de fonds extrieurs46

    .

    Aprs 1673, on distingue trois types de socits : la socit en nom collectif, la socit en

    commandite et enfin, la socit en participation, cette socit dun moment, inconnue,

    obscure, et que pour ces raisons les contemporains de Colbert appelaient socit

    anonyme 47

    . Son utilisation correspond des affaires prcises, dtermines et rapides, tels

    larmement dun navire, la guerre de course, la spculation sur les gainsou pour

    sapproprier un monopole de quelques moments : achat dune cargaison, entente pour une

    vente aux enchres, achat dun diamant par des bijoutiers runis 48

    . Pourtant, la socit

    commerciale na pas t spcialement dfinie par la doctrine de lAncien Rgime. Ainsi,

    Pothier, qui crit pourtant un trait entier sur les socits, ne sintresse qu la socit

    civile et ne consacre presque rien la socit commerciale, qui nest pour lui quune variante

    de la socit civile 49

    .

    12. Lancien Code de commerce de 1807 contient une rglementation assez succincte des

    socits50

    ; sont numres les socits en nom collectif, en commandite et la socit

    anonyme. La socit en commandite peut tre constitue en commandite par actions. Quatre

    articles sont consacrs aux associations en participation 51

    .

    Cette qualification dassociation en participation52

    peut correspondre leur caractre de

    consortium . Mais la socit en participation nest pas une association. La distinction

    jurisprudentielle entre la socit et lassociation remonte larrt Caisse de Manigod du 11

    mars 191453

    : la socit avait pour but exclusif de raliser des bnfices en vue de les

    partager et lassociation pouvait avoir pour but les autres combinaisons : faire des bnfices

    sans les partager, procurer des conomies ses membres ou avoir une activit totalement

    46

    R. Szramkiewicz, Histoire du droit des affaires, Montchrestien, 1999, n372, p.156. 47

    R. Szramkiewicz, op.cit. n372 p.156 ; P. Didier note sous Cass Com 15 juillet 1987, Revue des Socits,

    1988, p.70 citant Pothier : la socit anonyme ou inconnue, quon appelle aussi compte en participation est

    celle par laquelle deux ou plusieurs personnes conviennent dtre de part dans une certaine ngociation qui sera

    faite par lune dentre elles en son nom seul. 48

    R. Szramkiewicz, op.cit. n376, p.158. 49

    Pothier, Trait du Contrat de socit, 1764 cit par R. Szramkiewicz, op.cit., n357 p.150. 50

    Articles 18 64, dont les articles 51 63, relatifs aux contestations entre associs, furent abrogs par la loi du

    17 juillet 1856. 51

    R. Szramkiewicz, op.cit., n775 p.307. 52

    Pourtant cette appellation perdure dans certains arrts : CA Paris 21 fvrier 1986 D 1986 jurisprudence 548

    note J.Honorat. 53

    Cour de cassation chambres runies, DP 1914.1.257, note L.S : o le bnfice y est dfini comme un gain

    pcuniaire ou matriel qui ajoute la fortune des associs .

    J. Pellerin, La personnalit morale et les formes de groupements volontaires de droit priv , RTD Com, 1981,

    p 471.

  • 12

    dsintresse , encore que lobjectif de procurer des conomies ses membres nest plus une

    particularit des associations.

    La socit en participation se caractrise par une obligatoire opacit54

    . Cest pour cette raison

    quelle est dnomme socit anonyme , jusquau Code de commerce de 1807.

    13. Le lgislateur dans la loi du 24 juin 1921 estime que les associations en participation

    sont des socits 55

    . Ainsi, il leur redonne leur valeur sociale caractrise ds le droit romain

    et mise en pratique par la jurisprudence56

    . La raison de cette qualification repose sur plusieurs

    lments concomitants. Dune part, la socit en participation ne peut plus tre considre

    comme une simple association ; dautre part, cette priode de lhistoire des socits se

    caractrise par une grande mouvance novatrice, le monde des socits tant en pleine cration,

    voire mutation ; enfin, la pratique utilise souvent ce mode dorganisation pour des oprations

    de courte dure57

    . Ds lors, le caractre de societas de la socit en participation est raffirm

    par le lgislateur de 1921. Pourtant certains praticiens considrent qu elle nest pas

    juridiquement parlant une socit, mais bien une association 58

    , en raison probablement de

    son obligatoire opacit59

    . Le seul tiers connaissant lexistence de la socit en participation est

    ladministration fiscale. En effet, la socit doit se dclarer cette dernire. Ctait un

    exemple inattendu o le fisc tait le confident oblig dune socit secrte ; il en est encore

    aujourdhui lorsque la socit en participation opte pour la clandestinit fiscale 60

    .

    54

    Cass Req. 30 juillet 1907, J Soc, 1908, 350, Cass Crim 28 mars 1908, J. Soc, 1908, 352, et CA Paris 12

    dcembre 1950, J. Soc, 1952, 93 cites par G. Ripert et R. Roblot, Trait de droit commercial tome 1, 15me

    dition par M. Germain , LGDJ, 1993, n892. 55

    Ancien article 44 du Code de commerce. 56

    Cass Civ 21 mars 1876, D 1876.I.198 propos dune socit non rvle aux tiers . 57

    Lgislation, rapports et discussions, D 1921.IV.161 : elle permet de mener bonne fin des entreprises qui ne

    demandent quun effort momentan. Lassociation en participation a pris de nos jours une importance

    considrable. Malgr son anciennet et une utilit pratique incontestable, lassociation en participation

    ntait jusqu la prsente loi que trs imparfaitement rglemente. La prsente loi a pour objet de combler

    cette lacune. Elle consacre des principes admis depuis longtemps par une doctrine et une jurisprudence presque

    constantes et que lexprience a dj prouves . 58

    L. Parisot, Le petit avocat conseil, manuel lmentaire de droit usuel et pratique, revu et complt par L.

    Klecker de Balazuc-Barbazan, Albin Michel, Paris, mai 1927. 59

    Les conditions essentielles de lexistence des associations en participation sont au nombre de cinq (article

    44 nouveau) :

    - elles ne doivent pas tre rvles aux tiers ;

    - elles ne sont pas soumises aux formalits de publicit prescrites pour les autres socits de

    commerce ;

    - cest en son nom personnel que chacun des associs contracte avec les tiers ;

    - elles ne constituent pas de personne morale ;

    - et il sensuit quil ne saurait tre mis de titres cessibles ou ngociables au profit des

    associs .

    J. Autesserre, Associations en participation et socits de fait , Revue des Socits, 1963, p. 241.

    Une socit en participation rvle dgnrait en socit de fait. 60

    M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des socits, 16me

    dition, Litec, 2003, n1542.

  • 13

    14. Par la loi du 24 juillet 1966, le lgislateur entrine le caractre social en substituant la

    terminologie de socit celui dassociation61

    . Elle conserve nanmoins dans son article 419

    le caractre obligatoirement occulte de la socit en participation, consacrant ainsi le droit

    jurisprudentiel antrieur.

    15. La loi du 4 janvier 1978 entrane une rvolution dans le droit des socits en

    participation : dune part, elle les retire de la loi du 24 juillet 1966, pour les faire entrer

    dans larticle 1871 nouveau du Code civil 62

    , dautre part elle rend applicable les

    dispositions du chapitre III aux socits cres de fait 63

    , et enfin, elle reconnat la

    possibilit de crer des socits en participation ostensibles64

    . Cest un bouleversement

    considrable qui permet, entre autres, de constituer des joint-ventures purement contractuelles

    et den faire le cas chant un argument de communication.

    16. La dernire grande rforme lgale de la socit en participation est ralise par la loi

    n 90. 1258 du 31 dcembre 1990 qui cre la socit dexercice libral, la SEL. Cette dernire

    permet aux professionnels libraux dexercer leur profession dans le cadre dune socit

    commerciale, tout en amnageant notamment les rgles65

    gnrales du droit des socits en

    participation66

    . Lors des dbats parlementaires, Jacques Toubon dsire au moyen dun

    amendement67

    rejet, intgrer en droit franais la partnership anglaise en faisant bnficier

    61

    J. Vallansan et E. Desmorieux, Socits en participation et socits cres de fait, aspects juridiques et

    fiscaux , Pratique des Affaires, GLN Joly ditions, fvrier 1996. 62

    J. Guynot, Le rgime des socits en participation aprs la rforme des socits par la loi n78-9 du 24

    janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du Code civil Gaz. Pal. du 25 juillet 1978, p. 386. 63

    Ibidem. 64

    Cet ajout a t introduit au stade de la Commission mixte paritaire, lorsque M. Foyer prsenta, la runion

    du 30 septembre 1977, des propositions tendant crer deux types de socits , selon Y. Chartier in

    Remarques sur la socit en participation RTD Com,1979, p. 637. 65

    Pour un exemple damnagement des rgles : la dissolution des socits en participation dure indtermine

    est carte ; M. Jeantin Commentaire de la loi n90-1258 du 31 dcembre 1990 relative aux socits dexercice

    libral JCP, Ed E, 1991, 213 n51. 66

    Idem. Voir aussi lapplication jurisprudentielle o la Cour de cassation admet dans les statuts dune socit de

    vtrinaires la clause compromissoire, Cass Com 5 octobre 1999 Joly 2000 p.215 note J.-J. Daigre ; voir aussi

    Les conditions de cration dune socit cre de fait par des SCP davocats, selon J.-J. Daigre JCP, Ed. E,

    1999 . I. p.1197, les SEL ne pouvant pas tre constitues par des personnes morales, selon la Cour dappel de

    Paris 2 novembre 1998, JCP, Ed. E, 1998 panorama p.1905. 67

    Amendement prsent en premire lecture lAssemble Nationale, accept par la Commission des Lois et

    finalement rejet par la reprsentation nationale, JOAN 21 juin 1990 p.2737 et J.-J. Daigre Les socits en

    participation de professions librales rglementes et la rforme des socits civiles professionnelles Joly,

    1991, p.369.

  • 14

    ses membres davantages fiscaux68

    . Une telle socit permet d'adjoindre en tant quassocis

    des collaborateurs salaris. Notons que les tribunaux civils restent comptents pour une

    activit librale exerce dans le cadre dune SEL69

    .

    17. La loi MURCEF du 11 dcembre 200170

    , relative aux socits de participations

    financires de professions librales (SPFPL), complte par la loi du 11 fvrier 200471

    rformant le statut de certaines professions librales, permet la prise de participation dans tout

    groupement de droit tranger ds lors quil a pour objet lexercice dune mme profession.

    On voit que la dlimitation est large, la notion de groupement ayant t prfre celle de

    socit pour englober les entits qui ne sont pas forcment des socits, tels que les

    partnerships anglais 72

    . Cette modification lgislative du 11 fvrier 2004 est une possibilit

    douverture linternational pour les professions librales, dont certaines sont confrontes

    une europanisation, voire la mondialisation de leurs activits.

    18. La modernisation des professions judiciaires et juridiques rglementes permet

    linterprofessionnalit capitalistique au sein des professions juridiques. Les SPFPL pourront

    dsormais avoir pour objet la dtention des parts sociales ou actions de socit dexercice de

    deux ou plusieurs professions davocat, de notaire, dhuissier de justice ou de commissaire-

    priseur judiciaire, ainsi que la participation tout groupement de droit tranger ayant pour

    objet lexercice de lune ou de plusieurs professions 73

    . Cette volution peut favoriser la mise

    en place dune synergie capitalistique professionnelle74

    .

    b) Lvolution de certaines socits en socits en participation

    68

    Notamment la dductibilit fiscale des intrts des emprunts souscrits pour lexercice de lactivit, J.-

    J.Daigre, Les socits en participation de professions librales rglementes et la rforme des socits civiles

    professionnelles Joly, 1991, p. 369. 69

    J.-J. Daigre, Objet passe forme, de la nature civile des SEL JCP, Ed E, 1998, 213. 70

    Loi MURCEF n2001-1168 du 11 dcembre 2001 portant mesures urgentes de rformes caractres

    conomique et financier. 71

    Loi n2004-130 du 11 fvrier 2004 rformant le statut de certaines professions judiciaires, juridiques, des

    experts-comptables, des conseils en proprit industrielle et des experts en vente aux enchres publiques. 72

    J.-J. Daigre, Les socits de participations financires de professions librales souvrent aux activits

    accessoires et stendent ltranger , Joly, 2004, p.455. 73

    Eclairage. La modernisation des professions judiciaires et juridiques rglementes : aspects de droit des

    socits, Joly, 2010, p.806 ; loi n2011 331 du 28 mars 2011. 74

    E. Alfandari, La mdecine librale : quel avenir ? , Revue de droit sanitaire et social, 2012, p.965 : on

    sorientera sans doute vers des holdings , o les professionnels libraux seront associs des investisseurs

    financiers (ce qui inquite lauteur) .

  • 15

    19. Par la suite les rformes successives de limmatriculation75

    largissent par ricochet le

    champ daction des socits en participation76

    . Certaines formes sociales dans lobligation de

    simmatriculer ont ainsi driv en socit en participation ou en socit cre de fait. Cest le

    cas pour les SARL non immatricules77

    . Il en a t de mme des socits civiles, par

    application de la loi n2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles rgulations

    conomiques. Ces socits doivent procder leur immatriculation au registre du commerce

    et des socits. En effet, amorc par la loi du 4 janvier 1978, le dclin de la conception

    contractuelle de la socit civile est indissociable de linstitutionnalisation de la socit 78

    .

    Les socits antrieures la loi devaient sortir de la clandestinit avant le 1er

    novembre

    2002 79

    . Selon le Garde des Sceaux80

    , les socits qui nont pas procd cette formalit

    deviennent ds lors des socits en participation. Larticle 4 quatrime alina de la loi du 4

    janvier 1978 prvoit que, par drogation larticle 1842 du Code civil81

    , les socits civiles

    non immatricules deux ans aprs lentre en vigueur de la loi conservent leur personnalit

    morale. Avec la loi NRE82

    elles perdent le bnfice de cette exception. Cette solution certes

    pratique nest gure heureuse sur le plan de la logique juridique. Elle entrine la volont des

    associs de conserver leur socit la prminence contractuelle, mais elle a aussi pour effet

    de transformer une socit dote de la personnalit morale en socit dpourvue de cette

    dernire avec quelquefois des consquences immobilires inattendues et particulirement

    75

    Dcret du 9 aot 1953 et la loi NRE du 15 mai 2001 ; voir aussi Cass Com 3 avril 2012 n de pourvoi 11-

    14097. 76

    A. Reygrobellet, note sous Cass Com 3 avril 2012, Revue des Socits, 2012, p. 688 : loffre de contracter

    faite au nom dune socit, identifie sous un numro SIREN inexsitant, ne produit aucun effet de droit, ds lors

    que lexistence juridique et la capacit contracter de la personne morale ne sont pas dmontres. La demande

    en justice, forme au nom de la socit sur la base dune assignation qui reproduit cette erreur, est

    irrecevable . A notre avis, cette socit est ds lors devenue une socit en participation. 77

    Cass Com. 3 mai 1984, Revue des Socits, 1985, p. 87 note Y. Chartier propos dune socit

    responsabilit limite qui, contrairement au dcret 9 aot 1953, ne stait pas fait r-immatriculer. Il faut

    nanmoins que l affectio societatis soit prsent : si lexistence ou lintensit de laffectio societatis, qui est

    lapplication socitaire de la volont contractuelle, perd de son importance dans le cadre de la socit-

    institution, elle conserve son rle dterminant lorsque, linstitution seffaant, le contrat r-apparat , selon F.

    Dekeuwer-Defossez, note sous Cass Com 7 dcembre 1981 et 26 octobre 1981, Revue des Socits, 1982, p.858. 78

    P. Corlay, La protection des tiers dans le nouveau droit commun des socits civiles , RTD Com, 1981,

    p.233 : la socit civile ntait quun simple contrat ; elle navait pas dexistence juridique lgard des tiers ;

    ctait donc les associs, et eux seuls, qui taient tenus des dettes sociales, et le Code civil faisait application de

    la thorie gnrale des obligations dans les rapports entre les associs et les tiers. 79

    G. Daublon et B. Gelot, Libres propos sur la non-immatriculation des socits civiles anciennes ,

    Defrnois, 2003, p.889. 80

    Rponse ministrielle JO du 14 fvrier 2002, Joly, 2002, p.41. 81

    Les socits autres que les socits en participation jouissent de la personnalit morale compter de leur

    immatriculation. Jusqu limmatriculation, les rapports entre les associs sont rgis par le contrat de socit et

    par les principes gnraux du droit applicable aux contrats et obligations . 82

    Loi relative aux Nouvelles Rgulations Economiques.

  • 16

    pineuses83

    . Ses actifs se sont trouvs, ds lors, transfrs de plein droit aux associs. Si,

    aprs le 1er

    novembre 2002, ces mmes associs procdent son immatriculation, les actifs

    reviennent alors dans le patrimoine social 84

    . Seul subsiste le contrat de socit, loi des

    participants, mais la socit a perdu sa personnalit morale85

    .

    Une autre thorie86

    consiste analyser la premire mutation en dissolution de la socit.

    Nanmoins, les principes crateurs de la socit restent prsents, notamment les apports

    initiaux et la rpartition des bnfices et des pertes. Laffectio societatis reste un point plus

    obscur, car il est vrai quil appartient aux associs de lpoque de procder limmatriculation

    sils dsirent conserver cette personne morale87

    . Ds lors la dissolution de la socit implique

    de procder aux formalits de liquidation88

    . Cette thorie quelque peu complexe a un lien

    commun avec la premire, savoir la conformit avec le contrat initial liant les parties.

    Une troisime voie peut aussi tre envisage : lindivision, non exclusive des deux autres.

    Lorsque la socit disparat lindivision peut prendre sa place. Sil ny a plus personnalit

    morale, ni contrat, que reste-t-il en effet ? Une masse de droits rels ou personnels et

    dobligations, dont tous les porteurs de parts sont cotitulaires en mme temps : autrement dit,

    une indivision89

    . Cest ainsi que ladministration qualifie les socits non inscrites dans les

    dlais, lesquelles sont dvolues aux associs personnellement. Cette position fiscale a

    lavantage de la flexibilit90

    , situation de toute faon la confluence dune socit en

    participation ou dune socit cre de fait.

    20. Au stade de la formation les socits avec personnalit morale peuvent aussi se

    transformer en socit en participation ou en socit cre de fait91

    lorsque leur activit est

    83

    CA Paris 27 fvrier 2008, Joly, 2008, n150 note J.-P. Garon : juridiquement les associs sont devenus

    coindivisaires linsu de leur plein gr . 84

    G. Daublon et B. Gelot, Libres propos sur la non-immatriculation des socits civiles anciennes ,

    Defrnois, 2003, p.889 : le tout avec les consquences fiscales que ne manqueraient pas dentraner ces deux

    mutations successives . 85

    Voir par exemple : http://www. jss.fr/Info012003_01.htm propos du la circulaire du Ministre de la Justice

    26 dcembre 2002. 86

    B. Saintourens, Les rformes du droit des socits par la loi relative aux nouvelles rgulations

    conomiques , Defrnois, 2001, p.1465. 87

    G. Daublon et B. Gelot, Libres propos sur la non-immatriculation des socits civiles anciennes ,

    Defrnois, 2003, p.889. 88

    Ibidem. 89

    J. Honorat, note sous Cass Civ 3me

    7 mai 2003, Defrnois, 2004, p.982. 90

    Ibidem. 91

    Cass. Com. 17 mai 1989, Joly, 1989, p. 628, D 1989 IR 185 et Revue des Socits, 1990, p.32 note Jean-Pierre

    Sortais : la distinction des deux situations nest pas facilite par le fait quil faut ajouter une certaine dose de

    relativit : en effet, le mme groupement peut tre, lgard de certains de ses membres, une socit en

    formation et, lgard dautres, une socit cre de fait .

    Cass Com 26 mai 2009, Joly, 2009, n189 : faute davoir t immatricule, la socit en nom collectif, dont

    lactivit a dpass laccomplissement des simples actes ncessaires sa constitution, est devenue une socit

  • 17

    effectue, sans immatriculation, de manire durable et importante 92

    . Rappelons que la

    socit en formation nexiste pas dans ses rapports avec les tiers tant que les formalits de

    publication nont pas t accomplies 93

    . Ds lors, dpourvue de personnalit morale, comme

    pour les socits en participation ou cres de fait, elle ne bnficie pas du droit dester en

    justice94

    .

    21. Pour le juge il faut aussi, outre la dure, dterminer la nature des actes accomplis durant la

    priode litigieuse95

    : sagit-il ou non de diligences accomplies par les dirigeants pour

    obtenir limmatriculation 96

    ? Pourtant ltat desprit reste profondment diffrent. La

    socit en formation implique la volont extriorise des associs de sassocier : la socit

    en formation ne peut, en thorie, se voir qualifier de socit cre de fait, parce que [cette

    dernire] se caractrise par le fait que nexiste aucune intention de simmatriculer, ou mme

    seulement, de constituer une socit 97

    . Ces arguments peuvent bien videmment stendre

    la socit en participation, hormis celui sur labsence de volont de constituer ladite socit.

    En effet, elle se caractrise par lintention de crer laventure en commun, comme la socit

    en formation. Nanmoins, il peut arriver que coexistent une socit cre de fait et une socit

    en formation98

    .

    Ainsi, pour le professeur Michel de Gaudemaris, la socit en formation peut dgnrer en

    socit en participation, alors que, pour le cas dune socit cre de fait, il sagirait plutt

    dune socit sui generis99

    , en raison de labsence de volont structurante la base de la

    socit cre de fait.

    cre de fait. Peut donc tre condamn au remboursement du prt contract pour le compte de la socit

    lassoci qui a laiss croire au prteur quil entendait sengager son gard . 92

    CA Paris 13 mai 1997, RJDA, janvier 1998, n 51 ; Cass Com 20 novembre 1990, Joly, 1991, p.204 note P. Le

    Cannu : des lments permettraient de conclure la renonciation au dsir dimmatriculation , D1990 IR 299

    et Revue des Socits, 1991, p.71. 93

    C. Champaud et D. Danet note sous CA Paris 24 septembre 1991, RTD Com, 1992, p .808. 94

    Cass Com 7 juin 1994, Revue des Socits, 1995, p.38 : de sorte que son appel est irrecevable . 95

    Cass Com 20 fvrier 2007, Joly, 2007, n275 note P. Mousseron : on pourrait essayer de caractriser une

    phase qui sans tre une socit cre de fait, laquelle suppose runis les lments constitutifs de la socit, serait

    davantage que de simples pourparlers non contraignants dans la mesure o des relations seraient noues avec

    des tiers La Cour de cassation parat peu rceptive linvocation de ce statut intermdiaire, entre pourparlers

    dune part et la promesse de socit ou la socit cre de fait dautre part . 96

    P. Le Cannu sous CA Bordeaux 14 mai 1990, Revue des Socits, 1990, p.591. 97

    I.Tchotourian , La socit en formation, Juripole de Lorraine, p.11. 98

    Cass Com 4 dcembre 2001, note F.-X. Lucas, JCP, Ed E, 2002, 594 propos dun projet, datant de juillet

    1991, de constituer en fvrier 1992 une filiale commune entre une socit franaise et une socit hollandaise.

    Limmatriculation de la filiale commune neut jamais lieu malgr une relle activit commerciale. Pour la Cour

    de cassation, lactivit dveloppe par les parties dpassait laccomplissement de simples actes ncessaires

    la constitution de la filiale commune en formation Ds lors, elle constate que le projet peut tre analys en

    socit cre de fait. 99

    M. de Gaudemaris, Thorie de lapparence et socit , Revue des Socits, 1991, p.465.

  • 18

    22. La transformation de la socit en socit en participation implique le dpassement dun

    dlai raisonnable afin deffectuer les oprations dimmatriculation100

    . Pour le professeur

    Deen Gibirila101

    , la modification en socit cre de fait implique la renonciation des associs

    adopter la forme sociale initiale en continuant vis--vis des tiers, se comporter comme des

    associs. Son analyse semble pour autant plus adapte une socit en participation qu une

    socit cre de fait. En effet, la socit cre de fait nintgre pas la conscience dtre des

    associs, lment certes psychologique mais fondamental, pour distinguer les socits en

    participation et les socits cres de fait.

    23. Un Groupement dIntrt Economique (GIE) peut lui aussi se mtamorphoser en

    socit en participation102

    , bien que ltat desprit des cooprants qui transcende sa cration ne

    soit pas laffectio societatis, mais laffectio cooperationis. En effet, un GIE na en principe pas

    dactivit propre, mais dveloppe une synergie entre ses membres. Le contrat de GIE est

    essentiellement une entente 103

    . La requalification dun GIE en socit en participation

    implique toutefois un pralable essentiel : lexistence de ce que les juges qualifient

    dapports104

    et surtout lintention de crer une entreprise commune105

    . La Cour de cassation a

    aussi admis lexistence dun GIE cr de fait, les parties laffaire nprouvant pas le

    besoin de mettre en place une structure juridique 106

    . Enfin, lorsque le GIE est irrgulier il

    dgnre en socit de fait 107

    .

    100

    Paillet V.E., Lactivit de la socit en formation , Revue des Socits, 1980, p.489. 101

    D. Gibirila note sous Cass Com 7 avril 1992, Petites Affiches, 10/12/93, p.143. 102

    CA Paris 4 juin 1991, Joly 1991, p. 835, note J. Guirec-Raffray. 103

    B. Geisenberger, GIE et socits de fait , Revue des Socits, 1971, p.339. 104

    CA Paris 4 juin 1991, Droit des Socits, 1992, n 1, note T. Bonneau. 105

    CA Colmar 18 mars 2008, Joly, 2008, n128 note F. Dannenberger : ds lors que les membres du

    groupement nont jamais eu lintention de crer une entreprise commune, mais simplement de regrouper leurs

    achats au sein dune structure qualifie de groupement dintrt conomique, destine procurer des conomies

    ses membres, il nest pas possible de reconnatre dans la constitution de ce groupement de fait, la cration

    dune vritable socit de fait au sens des article s 1873 et 1832 du Code civil . 106

    Cass Com 17 janvier 1997, Bull Civ IV, n6 et D97 Som 232, note du Professeur Hallouin, propos de

    joailliers : lactivit du GIE, mme de fait, se situe dans le prolongement de lactivit conomique de chacun de

    ses membres . 107

    Y. Guyon note sous T Com Paris 23 fvrier 1979, JCP, 1970.II.16335.

  • 19

    2 Quelques lments de droit compar

    24. Lappellation de joint-venture108

    est ne aux Etats-Unis. Elle correspond juridiquement

    un accord de participation amricain109

    . Sa souplesse et son adquation la diversit des

    espaces internationaux ont eu pour consquence dinternationaliser cette dnomination pour

    voquer toute aventure en commun dont les participants sont de nationalits diffrentes, en

    vue dun projet dtermin avec mise en commun de moyens et de risques.

    Nous envisagerons donc un aperu des diverses socits en participation, notamment au

    regard de la lgislation amricaine, anglaise et allemande. Ce choix dopportunit est d, pour

    la premire linternationalisation de la dnomination, la seconde aux pools bancaires,

    notamment les euro-crdits, et la troisime son aspect transfrontalier.

    Le choix dopportunit que nous avons ralis nous amne ainsi tudier deux droits anglo-

    saxons et un droit romain germanique. Mais ces accords de participation se trouvent dans

    nombre dEtats, notamment europens : lassociation en participation et lassociation

    momentane de droit belge110

    , la socit simple de droit suisse111

    , le consorzio de droit

    italien112

    .

    108

    Dont la traduction franaise est aventure en commun . 109

    V. Pironon, Les joint-ventures ; contribution ltude juridique dun instrument de coopration

    internationale, Dalloz, 2004, p.11 : les joint-ventures sont connues depuis longtemps aux Etats-Unis. Dabord

    baptises (joint) adventures, ou syndicates, elles se sont dveloppes sous lappellation de joint-ventures dans

    les annes 1910 1930, poque laquelle certaines juridictions amricaines leur reconnaissaient le caractre

    de relation sui generis. Elles ont ainsi servi dsigner une relation dorigine purement contractuelle entre deux

    ou plusieurs personnes qui souhaitent collaborer une opration spcifique et transitoire, acceptent de mettre

    en commun leurs biens ou leur industrie cette fin, et sobligent partager les bnfices et les pertes en

    rsultant. Cest pourquoi il a t soutenu que la joint venture est un accord de droit amricain . 110

    M.Dubisson, Les accords de coopration dans le commerce international, Lamy 1989, p.54 56 : laccord de

    coopration peut prendre la forme de lune des deux socits sans personnalit juridique institues par

    larticle 150 de la loi belge du 18 mai 1973, devenu larticle 175 des lois coordonnes sur les socits

    commerciales : lassociation en participation et lassociation momentane dentreprises. Lassociation en

    participation prsente toutes les caractristiques de la socit en participation de droit franais. Aux termes des

    dispositions de larticle 175 de la loi belge, lassociation momentane est celle qui a pour objet de traiter, sans

    raison sociale, une ou plusieurs oprations de commerce dtermines. Les associs sont tenus solidairement

    envers les tiers avec qui ils ont trait . Larticle 177 de la mme loi ajoute que ces associations ont lieu entre

    les associs pour les objets, dans les formes avec les proportions dintrt et aux conditions convenues entre

    eux . Enfin, larticle 192 prcise que les associs momentans sont assigns directement et

    individuellement. Il ny a entre les tiers et le participant, qui est tenu dans les termes dune simple participation

    aucune action directe . 111

    Elle figure au titre 23 du Code suisse des obligations aux articles 530 551. Selon larticle 530, la socit

    est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent dunir leurs efforts ou leurs ressources en vue

    datteindre un but commun. La socit est une socit simple, dans le sens du prsent titre, lorsquelle noffre

    pas les caractres distinctifs dune des autres socits rgles par la loi . Selon larticle 543, lassoci qui

    traite avec un tiers pour le compte de la socit, mais en son nom personnel, devient seul crancier ou dbiteur

    de ce tiers. Lorsquun associ traite avec un tiers au nom de la socit ou de tous les associs, les autres

    associs ne deviennent cranciers ou dbiteurs de ce tiers quen conformit au rgles relatives la

    reprsentation. Un associ est prsum avoir le droit de reprsenter la socit ou tous les associs envers les

    tiers ds quil est charg dadministrer .

  • 20

    a) Le droit allemand des socits en participation

    25. La notion de socit dans le Code civil allemand est proche de celle du Code civil

    franais. Selon le paragraphe 705, par le contrat de socit, les associs sengagent

    rciproquement agir en vue datteindre un but commun de la faon prvue au contrat,

    notamment de fournir les apports convenus . Diffre dans la prsentation gnrale des

    socits, labsence de notion de participation aux bnfices ou aux pertes.

    La socit en participation allemande reprend lambivalence franaise. Tantt ostensible, il

    sagit ds lors de la socit du Code civil. Tantt occulte, elle prend ds lors la dnomination

    ou de socit du BGB ou de stille Gesellschaft.

    La socit en participation allemande est un groupement de personnes113

    , une socit de

    personnes de droit allemand, quel que soit son rgime juridique, socit du BGB114

    ou stille

    Gesellschaft. Nanmoins, contrairement au droit commercial franais, toute socit de

    personnes allemande est en principe dpourvue de personnalit morale. La socit en

    M. Dubisson, Les accords de coopration dans le commerce international, Lamy, 1989, p.56 et 57 : la socit

    simple na pas la personnalit juridique. En consquence, elle na ni jouissance, ni lexistence de droits civils, ni

    la capacit dester en justice. Elle ne peut tre inscrite au Registre du Commerce, ni initier un procs, ni faire

    lobjet de poursuites. Ces derniers droits appartiennent aux seuls associs . Cet auteur rappelle quelle est

    souvent utilise, en raison de la longue tradition de neutralit de ce pays et des sentiments de confiance et de

    scurit quil inspire aux entreprises . 112

    Ou contrat dassociation en participation. Selon larticle 2549 du Code civil, ce contrat prvoit quun des

    participant attribue un autre, une participation aux bnfices raliss par son entreprise ou par une ou plusieurs

    autres affaires, contre un apport. Selon S. Cereghini, La joint-venture en Italie , in K. Langefeld-Wrth, Les

    joint-ventures internationales, Pratiques et techniques contractuelles des entreprises internationales , n120

    p.270, GLN Joly Editions, mars 1992 : la naissance dune socit en participation nentrane pas la cration

    dun patrimoine spar ou dune entit diverse des participants : absence dun patrimoine commun et proprit

    individuelle de lassociant sur lentreprise. Le Code civil ne prescrit aucune forme pour le contrat en

    participation. Ce peut tre un contrat verbal. Cependant, si lassoci apporte des biens immobiliers, ou sil en

    transfre la jouissance pour une priode suprieure neuf ans ou pour une priode dtermine, le contrat doit

    tre pass sous forme authentique et faire lobjet dune inscription au registre immobilier . 113

    Le concept actuel du contrat de socits de personnes tient lorigine historique du 705 BGB. Dans cette

    disposition se rencontrent les lments du droit romain devenu le droit commun et du droit germanique. Le droit

    commun a apport au 705 BGB le concept de la societas tandis que la contribution du droit germanique ou

    allemand a consist dans le concept de la main commune (Gesamthand). La communaut en main commune

    constituait lintrieur entre associs comme lextrieur de la socit par rapport aux tiers un

    groupement de personnes en mme temps elle tait une forme collective de proprit , K. Peglow, Le contrat de

    socit en droit allemand et en droit franais compars, LGDJ, 2003, p.404 et 405. Nanmoins, la communaut

    en main commune diffre quelque peu du mcanisme traditionnel de lindivision ; chacun des propritaires en

    main commune a un droit de proprit sur la chose entire, mais ne peut en principe en disposer quavec

    laccord des autres propritaires. Par consquent, les biens nappartiennent ni une socit, ni aux partenaires

    individuellement, mais la collectivit de ces derniers , V. Pironon, Les joint-ventures ; contribution ltude

    juridique dun instrument de coopration internationale, Dalloz, 2004, p.238. 114

    A savoir le Code civil : Brgeliches Geseztbuch ou BGB.

  • 21

    participation napparat plus ds lors comme une exception au principe de personnalit.

    Toutefois, la jurisprudence a fait voluer progressivement ce principe115

    .

    Le modle des socits de personnes allemandes est la socit du BGB. En tant que telle la

    socit en participation ostensible est dtermine par ses rgles.

    ) La socit du Code civil

    26. Cest une socit sans personnalit juridique. Pour la constituer il suffit dun contrat.

    Dans la pratique, lexistence de la socit nest pas toujours rvle au public et dans ce

    cas, les rapports internes, cest--dire les rapports entre associs sont importants : elle est

    assez proche de la socit civile en participation de droit franais 116

    . Lorsque la socit est

    au contraire rvle au public et quelle se manifeste au grand jour, les relations externes,

    cest--dire avec les tiers, sont galement importantes et elle est assez proche dune socit

    en nom collectif, la diffrence majeure rsidant dans le fait que lactivit nest pas lexercice

    du commerce 117

    . Ses associs doivent tre au nombre de deux, avoir un but commun,

    dmontrer lexistence de laffectio societatis, effectuer des apports en capital ou en nature. Le

    principe est que toute dcision doit tre prise lunanimit, sauf dispositions contraires

    prvues dans les statuts. Le pouvoir de dcision peut tre confi une personne non-associe.

    27. La socit ostensible dispose dun patrimoine constitu par les apports et biens acquis par

    elle118

    . Toutefois, pour participer la vie juridique, il faut que la socit du Code civil

    agisse par lintermdiaire dun reprsentant et non pas dun organe, puisquelle na pas la

    personnalit morale 119

    . On remarque la dichotomie en droit allemand entre la notion de

    patrimoine et celle de personnalit juridique. Il sagit ds lors dun rel patrimoine

    daffectation. Toutefois, en vertu de la rgle du doppelte Verpflichtung120

    , les actes effectus

    par la socit lengagent elle-mme ainsi que les associs titre personnel.

    115

    M. Fromont, Droit allemand des affaires : droit des biens et des obligations, droit commercial et droit du

    travail, Montchrestien Domat, droit priv, 2001, n406, p.202 : la jurisprudence a progressivement multipli

    les cas dans lesquels la socit de personnes est traite comme une personne morale : elle peut faire des

    chques, elle peut conclure des contrats, elle peut agir en justice et tre cite en justice. Sa responsabilit

    extracontractuelle peut mme tre mise en cause . 116

    M.Fromont, op.cit. n418 p.208. 117

    Ibidem. 118

    Article 718 du BGB. 119

    M. Fromont, op.cit. n421 p.210. 120

    A savoir le double engagement.

  • 22

    28. Lorsque la socit est occulte, ou Innengesellschaft, elle est dite interne : cest

    simplement par des arrangements internes entre associs que les consquences financires

    devront tre tires conformment aux prvisions du contrat de socit 121

    . Le professeur

    Michel Fromont la qualifie ds lors de socit de participation de droit civil 122

    .

    29. Lorsque lobjectif de la socit, sil est dtermin de faon prcise, est atteint, celle-ci

    disparat naturellement : elle est dissoute de plein droit123

    . On retrouve lesprit dune

    structure cre ad-hoc, quune partie de la doctrine qualifie en gestion de la structure ad hoc,

    qualifie en gestion dadhocratie. Elle est notamment utilise dans le cadre de crdits

    consortiaux : la doctrine quasi-unanime considre en effet que les crdits consortiaux

    donnent lieu la formation dune socit, la BGB Gesellschaft, une telle position tant sans

    doute due la conception extrmement large de cette socit 124

    .

    30. Lors de la dissolution, chaque associ a droit au partage du patrimoine de la communaut

    de biens que reprsente cette socit. Ce partage ne peut avoir lieu seulement quaprs

    satisfaction des cranciers de la socit, mais aussi seulement aprs remboursement des

    apports en argent ou en choses 125

    . Lorsque la socit est insolvable, il ny a pas de partage.

    Mais, si le patrimoine social se rvle insuffisant, chaque associ est tenu deffectuer un

    versement proportionnel son obligation de participer aux pertes de la socit 126

    .

    ) La stille Gesellschaft ou socit cache

    31. Il sagit dune socit en participation commerciale rgie par les articles 230 et suivants

    du HGB127

    . Elle a beaucoup de points communs avec la socit franaise du mme nom :

    comme elle, elle est une socit qui ne fait lobjet daucune publicit et qui na pas la

    personnalit morale ; elle nexiste que dans les rapports entre associs ; enfin la libert

    121

    M. Fromont, op.cit. n420, p.209. 122

    Ibidem. 123

    Dautres motifs de dissolution existent : lexpiration dun dlai dtermin, la rsiliation demande par lun

    des associs lorsque la dure de la socit est indtermine 124

    Y.Zein, Les pools bancaires, Economica, Collection Droit Civil, 1998, n531, p.313. 125

    M. Fromont, op.cit. n422, p.211. 126

    Ibidem. 127

    Handelsgesetzbuch, savoir le Code de commerce allemand.

  • 23

    contractuelle est trs grande 128

    . Cest une socit commerciale compose de deux associs :

    un commerant, celui qui apporte son industrie, et le stille Gesellschafter, ou associ inactif,

    qui apporte les biens ncessaires ce commerce. Ce dernier ne participe pas aux pertes de

    lentreprise. Dans la pratique, il arrive quun mme commerant conclut des contrats de

    socit en participation parallles avec plusieurs investisseurs 129

    . La pratique met en

    vidence que ces dernires annes, le procd a t utilis soit comme une sorte de socit

    en commandite simplifie130

    , soit pour viter la participation aux pertes des investisseurs

    recherchant avant tout la scurit 131

    .

    Elle est nanmoins considre rellement comme une socit, mais de type interne 132

    .

    b) Les droits anglo-saxons de la socit en participation

    32. Nous tudierons deux droits anglo-saxons : le droit amricain et le droit anglais. Le droit

    anglo-saxon des socits de personnes repose sur la notion de partner, lassoci dune

    partnership. Le Partnership Act de 1890 dcrit la partnership comme la relation qui existe

    entre des personnes qui exercent une activit en commun dans le but de raliser des

    bnfices 133

    . En droit anglais, la socit en participation est une variante de la

    partnership134

    . La pratique du droit amricain a, quant elle, cr une socit spcifique : la

    joint-venture. Cette dernire a t sublime pour devenir, dans certains cas, une vritable

    socit de capitaux.

    128

    M. Fromont, Droit allemand des affaires : droit des biens et des obligations, droit commercial et droit du

    travail, Montchrestien Domat, droit priv, 2001, n424, p.212. 129

    M. Fromont, idem. 130

    On retrouve en effet le commanditaire et le commandit. 131

    M . Fromont, idem. 132

    Selon sa nature juridique la socit en participation est une socit de personnes qui se rduit un contrat

    gnrateur dobligations. Elle est une vritable socit au sens du 705 BGB car les deux intervenants

    sengagent lachvement du but commun, savoir la recherche des bnfices issus de lactivit commerciale

    du grant. Cette socit est le type classique de la socit interne puisquelle nest pas dote dun patrimoine

    en main commune et ne participe pas elle-mme la vie juridique , K. Peglow, Le contrat de socit en droit

    allemand et en droit franais compars, LGDJ, 2003, p.414. 133

    O. Morteau, Droit Anglais des Affaires, Prcis Dalloz, 1re

    dition ,2000, n255, p.152. 134

    TA Paris 4 juillet 2011 Cabinet Lovells, Droit Fiscal, 2011, 597 : ds lors que lacrivit de ltablissement

    franais dun cabinet davocat constitu sous forme de partnership de droit britannique a t impose la taxe

    professionnelle au nom de son associ grant, conformment la rgle nonc par larticle 310 HP de lannexe

    II au CGI relatif aux socits en participation auxquelles est assimilable un tel partnership, ce dernier na pas la

    qualit pour contester les impositions mises la charge de son grant .

  • 24

    ) Le droit amricain

    33. La joint-venture se retrouve mi-chemin entre socit en participation franaise et

    consortium franais135

    . Or il apparat quavec une approche de plus en plus contractuelle de

    laccord de participation, la socit en participation se rapproche de plus en plus de lesprit de

    la joint-venture amricaine, laquelle serait dmanation cossaise136

    . Au regard du droit

    franais, en raison de sa fondamentale libert contractuelle, la joint-venture amricaine peut

    tre dfinie comme un contrat innomm . Cette solution repose sur labsence de toutes les

    caractristiques essentielles de la socit. La diversit des contrats nomms et leur

    distinction avec les contrats innomms soulve des difficults de qualification : parfois on

    hsite entre lune ou lautre des figures contractuelles existantes, pour trouver le rgime

    juridique adquat, parfois on se demande si lon est dans le cadre dun contrat nomm ou

    si lon se trouve seulement proximit, et donc hors du champ dapplication de son

    rgime 137

    .

    34. Cette originalit est la base de la dfinition de la joint-venture amricaine. Ds lors une

    joint-venture se dfinit en termes gnraux comme une combinaison spciale de deux

    personnes ou plus, engages dans une entreprise spcifique o le profit est recherch

    conjointement, sans dsignation effective de partenariat ou de socit. Historiquement, la

    joint-venture est une cration juridique amricaine face au dveloppement de la coopration,

    en dehors de la socit de personnes (partnership) ou de la socit de capitaux

    (corporation) 138

    . Ce groupement sest dvelopp par analogie la partnership139

    . Toutefois,

    135

    Certains auteurs estiment quelle ne peut rpondre la qualification de socit. Il sagit, en effet, de

    groupements dentreprises dont les relations uniquement contractuelles nempruntent aucune forme socitaire ,

    selon C.-H. Chenut, Le contrat de consortium, LGDJ, 2003, p.7. Or, ce mme auteur constate aussi que le but

    poursuivi par ses membres est bien le profit , la diffrence des consortiums franais, selon C.-H. Chenut, idem

    p.76. 136

    M. Dubisson, Les accords de coopration dans le commerce international, Lamy, 1989, p.61 : [Baptista L.O.

    et Durand-Barthez P., Les associations de joint-venture, LGDJ Feduci, 2me

    dition, 1991, p.6] : tudient la

    naissance de la joint-venture et sa formation dans la common law. Ils en tirent la conclusion que la joint-venture

    est inconnue dans la common law anglaise laquelle ne retient que deux institutions : le partnership et la

    corporation. Par contre, il existerait en droit cossais une institution nomme joint-venture ou affaire

    commune (joint-trade), qui serait un partnership limit une affaire, spculation, opration commerciale ou

    voyage o les associs, occultes ou connus, nutilisent pas de dnomination sociale et nont pas de

    responsabilits hors des limites de lopration . 137

    J. Huet, Les principaux contrats spciaux, Trait de Droit Civil, LGDJ, 2001, p.21. 138

    K. Langelfeld-Wrth, Les joint-ventures internationales, Pratiques et techniques contractuelles des

    entreprises internationales , GLN Joly Editions, mars 1992, n165. 139

    V. Pironon, Les joint-ventures ; contribution ltude juridique dun instrument de coopration

    internationale, Dalloz, 2004, p.12 : lassimilation ou la distinction entre joint venture et partnership a suscit

    en droit amricain une controverse, certes moins vivace aujourdhui, mais nanmoins instructive. Le Uniform

  • 25

    contrairement cette dernire, la joint-venture nengage ses partenaires, au moins deux

    participants dots de la personnalit juridique 140

    , que sur un objectif dtermin. Elle

    implique la mise en commun de ressources. Elle est frquemment utilise pour une opration

    spcifique.

    35. Bien quil existe un modle commercial de base, ces socits peuvent tre configures

    de faons trs diverses selon les diffrents Etats fdrs amricains. La joint-venture purement

    contractuelle ne ncessite quun accord, mme verbal. En pratique, il est recommand

    dtablir un contrat crit (joint venture agreement, partnership agreement). Il ny a aucune

    obligation denregistrer cet accord, sauf dans certains Etats (par exemple lEtat de New

    York) 141

    . Il sagit ds lors de partnership informelle, appele aussi contractual joint

    venture. Contrairement la partnership qui suppose une organisation constitue avec

    lintention de faire des bnfices et de les partager, dans la joint-venture, lintention de

    partager les parts nest pas prsume 142

    . Il est noter que la pratique des affaires

    internationales et celle lie aux contraintes relatives aux ententes ont cr lequity joint

    venture ou corporate joint venture pour la joint-venture, socit de capitaux.

    36. Quant la qualification juridique en joint-venture des pools bancaires, certaines

    dcisions ont en effet analys les pools bancaires comme une joint-venture, tandis que

    dautres leur ont refus cette qualification 143

    . Cette qualification, dfaut de texte lgislatif,

    ne peut tre que difficilement dtermine et elle est effectue par les tribunaux en fonction des

    faits de laffaire.

    Partnership Act (1914), adopt progressivement dans la majorit des Etats amricains, dfinit le partnership

    comme une association de deux ou plusieurs personnes qui sengagent en qualit de copropritaires ( tenants

    in partnership ) dans une entreprise ( business ) en vue de raliser un bnfice. Comparable notre socit

    en nom collectif bien quil nait pas la personnalit morale, le partnership dsigne plus gnralement aux Etats-

    Unis une socit de personnes . 140

    S. Urban et S. Vendemini, Alliances stratgiques coopratives europennes, De Boeck Universit, Bruxelles,

    1993-1994, p. 221. 141

    S. Urban et S. Vendemini, idem 142

    S. Urban et S. Vendemini, idem. 143

    Y. Zein, Les pools bancaires, Economica Collection Droit Civil, 1998, n450, p.262.

  • 26

    )Le droit anglais

    37. La partnership est assez proche de la socit en nom collectif franaise144

    . Pourtant, elle

    ne dispose pas de la personnalit morale. En contrepartie les associs, au nombre de deux au

    minimum sont personnellement et indfiniment responsables des dettes de la socit. La

    partnership est fonde sur lagency : que ce soit entre eux ou vis--vis des tiers, les associs

    sont rputs tre mandataires les uns des autres 145

    . On constate la mise en place dun

    mandat rciproque. Ce mandat rciproque, qui existe par leffet de la loi ds lors que des

    personnes exercent une activit en commun dans le but de raliser des bnfices, suffit

    expliquer ce quest une partnership 146

    . Aucun formalisme, aucune rdaction crite des

    statuts ne sont exigs, bien quen pratique les partnerships de grande envergure font lobjet

    dune telle rdaction. Il est ds lors possible de prouver lexistence de la partnership par tout

    moyen, y compris en utilisant la thorie de lapparence147

    . Laccord des partners est

    primordial ; il est en effet la loi de la socit. Tout repose sur lintention expresse ou tacite

    des associs.

    Les associs peuvent mme crer une partnership indpendamment de toute volont

    vritable. Cest ce quon appelle linformal partnership, laquelle peut tre compare aux

    socits cres de fait du droit franais 148

    .

    Si la notion de patrimoine ne figure pas en droit anglais, la partnership est nanmoins

    propritaire des biens affects par les associs ou des biens acquis par elle.

    38. Les causes de sa dissolution sont assez nombreuses ; il est possible de citer notamment

    lexpiration du terme, la volont unilatrale de lun des associs en cas de dure illimite, le

    144

    Voire de la commandite simple par la limited partnership avec le full partner (commandit), mais aussi dans

    une moindre mesure par lapparition de sleeping partnerhip ou du dormant partner. Ce dernier nest l que pour

    empocher sa part de bnfices, sans doute en sa qualit de bailleur de fonds , O. Morteau, Droit Anglais des

    Affaires, Prcis Dalloz, 1re

    dition ,2000, n281, p.166.

    TA Paris 27 novembre 2008 n02-3419 : les bnfices sociaux retirs dune activit exerce en France par un

    partnership anglais, ds lors que ce partnership est assimilable une socit en participation, sont soumis

    limpt sur le revenu au nom des associs proportion de leurs droits . 145

    O.Morteau, op.cit., n264, p.155. 146

    Ibidem. 147

    La loi prcise que toute personne qui agit aux yeux des tiers comme un associ en nom collectif sans avoir

    rellement cette qualit peut tre rendu responsable en tant que partner si elle a elle-mme cr cette apparence.

    Cette thorie de lassoci apparent est fonde sur la notion dagency by estoppel , O. Morteau, op.cit., n265,

    p.156. 148

    O. Morteau, idem. qui y ajoute les socits de fait.

  • 27

    dcs ou la faillite149

    de lun des associs En cas de dissolution, chaque associ va procder

    la notification de cette dernire. Il sagit de rompre lagency.

    39. La partnership est adapte aux oprations de joint-venture en commerce international car

    elle est synonyme de souplesse. Et cette souplesse est lune des raisons de son choix par les

    associs. Elle permet la concrtisation directe de laccord relatif lgalit dans la prise

    de dcision et au partage des risques 150

    . En effet, dans le cadre de pools bancaires, les

    organismes financiers appels donner leur crdit savent quils peuvent compter sur

    lengagement indfini des socits partenaires 151

    . Nanmoins dans le cadre de grandes

    socits de capitaux, la partnership ne prsente plus la mme intensit dintuitu personae que

    les socits de personnes dont les associs sont normalement des personnes physiques,

    directement impliques dans la vie quotidienne de la firme 152

    .

    La qualification de partnership pour les pools bancaires pose quelques problmes. En effet,

    certains auteurs se sont penchs sur la qualification des syndicates pour tenter de les

    rapprocher des partnerships ou pour rejeter cette analyse au vu des consquences graves

    susceptibles den dcouler, notamment que chaque banque supporte son propre cot de

    refinancement avec la consquence que le crdit savre plus rmunrateur pour certains que

    pour dautres, voire que certaines subissent une perte tandis que dautres font un bnfice153

    .

    Lune des raisons repose sur labsence de solidarit des banques lgard de lemprunteur.

    Nanmoins, le Partnership Act donnant une grande libert aux partners, il suffit de rappeler,

    dans le contenu de laccord, le respect de luberrima fides, lextrme bonne-foi, et de prvoir

    la prise de dcision la majorit et le partage des bnfices et des pertes. En outre, chacun des

    partenaires est considr comme co-mandataire. Il suffit ds lors dexclure, semble-t-il, la

    solidarit des partners vis--vis des tiers au moyen dune disposition expresse154

    .

    149

    Au sens conomique du terme. 150

    O. Morteau, op.cit., n271, p.160. 151

    Ibidem. 152

    Ibidem. 153

    Y. Zein, Les pools bancaires, Economica, Collection Droit Civil, 1998, n449, p.261. 154

    Y.Zein, idem.

  • 28

    II) Les lments de distinction avec des contrats proches de la socit en

    participation

    40. Il convient danalyser les critres de qualification avec les contrats connexes et les

    contrats fort proches de type non socitaires .

    1 Les contrats connexes : les socits cres de fait, les contrats de consortium et les

    socits de fait

    41. La loi du 4 janvier 1978 a incorpor la lgislation des socits en participation celles des

    socits cres de fait155

    que certains auteurs nomment socits en participation cres de

    fait 156

    . Or, celles-ci se diffrencient des premires par labsence de conscience dtre des

    associs lors de la constitution de leur socit157

    . Ladministration fiscale les a aussi

    alignes sur le rgime des socits en participation. Pourtant, elle est en elle-mme une

    originalit [car son] existence se dcouvre a posteriori lorsque lon scrute les relations

    passes de ceux que lon va qualifier dassocis 158

    . Leur apparition, ou leur extriorisation,

    mane dun conflit : liquidation dune communaut dintrt, msentente entre associs159

    .

    Il faut nanmoins lexistence dune vritable structure sociale160

    soutenant la socit cre de

    155

    Voir J.Guynot, Les nouveaux rapports rsultant de larticle 1873 du Code civil entre les socits en

    participation, les socits cres de fait et les socits de fait , D 1979, chronique 155 : au lieu de les doter

    dun statut particulier, le lgislateur consacre labsorption des socits cres de fait par la socit en

    participation, quil a estime possible et souhaitable par ladmission de la rgularit de sa forme ostensible, car

    il est rarement dans les vues des personnes associes par une socit cre de fait dagir dans la clandestinit,

    toute rserve faite . 156

    Y. Chartier La socit dans le Code civil aprs la loi du 4 janvier 1978 JCP, 1978.I.n2917 et J. Derrup

    Socit en participation Jurisclasseurs Socits, Trait fasc 44-A n35 et suivants. 157

    F. Dekeuwer-Dfossez Illusions et dangers du fait , D 1982 chronique p.83 : la socit en participation

    est de nature contractuelle, elle a t voulue par les associ