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LE DERNIER MYSTERE - leproscenium.com · Fantômette entre puis sautille sur place, exaltée. JAMES BOND. Tiens, la petite Fantômette ! FANTOMETTE. Il y a une momie dans la chambre

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AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence, avant son exploitation, vousdevez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de

l’organisme qui gère ses droits : (la SACD par exemple en France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire lareprésentation le soir même si l’autorisation de jouer n’a pas été obtenue par la troupe. Leréseau national des représentants de la SACD, (et leurs homologues à l’étranger) veille au

respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même àposteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…)doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation dejouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions, (financières entre autres) pour la

troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupesamateurs.

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujoursprofiter de nouveaux textes.

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LE DERNIER MYSTERE

Par Dominique [email protected]édie policièreDurée : 20 minutesDécor : Quelques chaises ou fauteuils ; deux tables bassesCostumes : les costumes originaux des héros de romans policiers concernés : Hercule Poirot,Miss Marpple, Fantômette, James Bond, une soubrette.Distribution :3 femmes2 hommesTous publicsAu Paradis, des héros de romans policiers, accueillis au quartier des VIP, sont assassinés lesuns après les autres. Les survivants soupçonnent les anges, mais la vérité est tout autre…

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LE DERNIER MYSTEREDominique ROFFET

Décor :On se trouve au Paradis. Le décor est dépouillé, presque inexistant.Des chaises ou des fauteuils ; une ou deux tables basses.

Personnages :Hercule PoirotMis MarppleJames BondFantômette (Jouée par une adulte)PierretteChacun des personnages est vêtu comme il apparaît dans les récits dont il est le héros.Pierrette est habillée en soubrette.

Le dernier mystère

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Scène 1Hercule Poirot, James Bond, Pierrette

Hercule Poirot est confortablement assis ; James Bond s’entraîne à dégainer son pistolet ;Pierrette entre, légère et aérienne.

HERCULE POIROT. (Lissant sa moustache). Eh bien, ma chère, Saint Pierre n’est pas làpour nous servir le petit déjeuner, ce matin ?

PIERRETTE. Non, M’sieur Poirot.

HERCULE POIROT. Et pourquoi donc ?

PIERRETTE. Il prend ses RTT.

James Bond s’immobilise brusquement, la mine éberluée.

JAMES BOND. Des RTT au Paradis ?

PIERRETTE. Pourquoi pas ? Si on n’a même pas les avantages d’en bas, à quoi bon vivre auParadis ?

JAMES BOND. J’aurai tout entendu…

HERCULE POIROT. Hum ! Hum ! Fort bien… Et vous, qui êtes-vous, mon petit ?

PIERRETTE. Je suis la nièce préférée de Tonton Pierre.

HERCULE POIROT. Je vois, je vois… Il a bon goût…

PIERRETTE. Je trouve aussi. Vous pouvez m’appeler Pierrette, si vous voulez. (Elleesquisse une révérence). Je suis à votre service pendant les congés de mon oncle.

JAMES BOND. Intéressant… (Il saisit Pierrette par le menton). Et, parmi ces services…Vous incluez des extras, adorable petite nièce ?...

HERCULE POIROT. James, je trouve pour le moins malséantes vos entreprises de vieuxséducteur envers la nièce de notre hôte.

PIERRETTE. (Elle se débarrasse, d’une tape, de la main de James Bond). Laissez, j’ai

Le dernier mystère l’habitude, ça se produit tous les jours dans la section VIP du Paradis. Les gens qui étaientimportants en bas se croient tout permis ici. Ça contribue à leur bonheur éternel.

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JAMES BOND. (Il tente d’enlacer Pierrette). Il paraît que l’éternité, c’est long… Surtoutvers la fin…

PIERRETTE. (Qui lui échappe). Avec un humour comme le vôtre, M’sieur Bond, on n’aurapas le temps de s’ennuyer.

JAMES BOND. Appelez-moi James, ou Jimmy, si vous préférez.

HERCULE POIROT. Pour l’amour du ciel - où nous sommes si bien - laissez cettedemoiselle tranquille ! C’est déplacé !...

JAMES BOND. Ce sont les relations que Saint Pierre entretient avec sa nièce qui meparaissent déplacées, mon cher Hercule. Surtout quand il s’agit d’une jeune personne si…Si…

HERCULE POIROT. Vous m’ôtez le mot de la bouche.

Scène 2Les mêmes, Miss Marpple

Miss Marpple entre, levant les bras au ciel.

HERCULE POIROT. Vous voilà bien tourneboulée, Miss Marpple.

MISS MARPPLE. Mes amis, mes amis, j’apporte une fâcheuse nouvelle.

JAMES BOND. De la viande froide ? Encore ?

MISS MARPPLE. Quelle élégance, vraiment James ! Mais, oui, hélas.

JAMES BOND. Qui est-ce, cette fois ? Une créature dénudée et recouverte d’or des pieds àla tête ?

MISS MARPPLE. Bond, vous ne changerez jamais. (Elle fait mine de se trouver mal.Hercule Poirot se précipite et la soutient). Non, il s’agit de notre infortuné Rouletabille.

HERCULE POIROT. (Il aide Misse Marpple à s’asseoir et l’évente avec son mouchoir). Là,respirez tranquillement. Rouletabille, un esprit si pénétrant. Quelle perte pour notreprofession ! Où l’avez-vous trouvé ?

Le dernier mystère

MISS MARPPLE. (Elle se redresse brusquement). Dans la chambre jaune, évidemment…

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HERCULE POIROT. (Vexé). Je me réjouis de constater que vous vous sentez mieux. Machère, vous êtes décidément abonnée aux mauvaises nouvelles.

MISS MARPPLE. Qu’insinuez-vous par là, Monsieur Poirot ?

HERCULE POIROT. Si j’ai bonne mémoire, c’est vous qui avez découvert les cadavres dece pauvre Maigret, étouffé par la fumée de sa pipe, de mon ami Sherlock Holmes, embrochésur son violon et de cet aimable Roger Ackroyd, soi-disant suicidé ?

MISS MARPPLE. (Prise d’un nouveau vertige). J’ai, en effet, eu ce triste privilège.

JAMES BOND. (En riant). De là à penser que vous les avez tous estourbis. Chacun sait quevous êtes jalouse de vos succès.

MISS MARPPLE. (De nouveau rassérénée, d’un air pincé). Sachez que je ne goûte guèrevos plaisanteries douteuses. Qu’attendre d’autre d’un double zéro ? Pfft !... Mais où est SaintPierre ? Jamais là quand on a besoin de lui. C’est inadmissible !

JAMES BOND. Mademoiselle le remplace… Avec un certain talent.

Pierrette adresse une révérence à Miss Marpple.

PIERRETTE. Pierrette, pour vous servir.

MISS MARPPLE. Et en quel honneur, je vous prie ?

HERCULE POIROT. Pour que James la tripotte, je suppose…

Pierrette hausse les épaules.

JAMES BOND. C’est sa nièce, le Barbu prend ses RTT…

MISS MARPPLE. Au Paradis ?

JAMES BOND. Il faut vivre avec son temps…

HERCULE POIROT. Question de standing, à ce qu’il paraît…

JAMES BOND. L’hécatombe se poursuit alors ? Je pensais être le seul, parmi nous, àdisposer du droit de tuer…

HERCULE POIROT. Peut-être l’avez-vous exercé, en effet.

JAMES BOND. Hercule, vous êtes un obsédé de la suspicion.

Le dernier mystère

HERCULE POIROT. Chacun ses obsessions, James.

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JAMES BOND. Je vous laisse volontiers les vôtres. (À Pierrette, lui montrant son pistolet).Vous savez vous en servir ?

James Bond entreprend d’apprendre à dégainer à Pierrette.

MISS MARPPLE. (A James Bond). Je trouve que vous le prenez avec beaucoup de légèreté.Nos amis disparaissent les uns après les autres et vous poursuivez votre libertinage comme side rien n’était.

HERCULE POIROT. Vous avez raison, ma chère.

MISS MARPPLE. J’ai souvent raison, en effet.

HERCULE POIROT. Sauf que ces illustres défunts n’étaient pas forcément de nos amis…

JAMES BOND. (Plaqué contre le dos de Pierrette et l’aidant à viser). Vous ne vous êtesjamais demandé comment on pouvait mourir plusieurs fois ? Nous sommes déjà tous passésde vie à trépas, si j’ai bonne mémoire ? Sinon, on ne serait pas au Paradis…

HERCULE POIROT. Nous n’avons pas attendu vos films médiocres pour nous interroger,James, sachez-le. Miss Marpple et moi nous sommes penchés sérieusement sur la questiondepuis la première disparition, celle de cet irremplaçable Marlow.

Scène 3Les mêmes, Fantômette

Fantômette entre puis sautille sur place, exaltée.

JAMES BOND. Tiens, la petite Fantômette !

FANTOMETTE. Il y a une momie dans la chambre jaune !

MISS MARPPLE. C’est bien ce que je disais…

FANTOMETTE. Mais une momie bizarre, comment expliquer, récente, pas rabougrie nirien, encore jeune, vous voyez ce que je veux dire. Étonnant pour une momie, non ?

HERCULE POIROT. (Condescendant et moqueur). Chère petite, votre sens del’observation me bouleverse.

Le dernier mystère

JAMES BOND. (Il abandonne Pierrette pour s’approcher de Fantômette). Moi aussi, tu mebouleverses, la belle. Ah ! Si tu avais quelques années de plus…

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PIERRETTE. James, vous n’allez pas faire les yeux doux à cette gamine ?

FANTOMETTE. La momie, elle avait une tête qui me dit quelque chose…

MISS MARPPLE. Une tête en forme de Rouletabille, peut-être ?

FANTOMETTE. C’est ça ! C’est exactement ça ! Ce que vous pouvez être futée, M’dameMarpple…

MISS MARPPLE. (Faussement modeste). Ce n’est rien quand on dispose d’un certain talentnaturel.

HERCULE POIROT. Très chère, si vous utilisiez ce talent pour nous en apprendredavantage sur la fin tragique de ce malheureux et que vous nous livriez vos impressions surces disparitions en chaîne.

MISS MARPPLE. Bien volontiers, encore que je ne me base jamais sur des « impressions »mais sur des faits, tout comme vous, très cher.

HERCULE POIROT. J’en conviens…

PIERRETTE. (Fâchée de voir James Bond la délaisser pour Fantômette). Bon, si vousn’avez plus besoin de moi.

Pierrette sort en haussant les épaules de dépit à l’attention de James Bond.

MISS MARPPLE. En passant devant la chambre jaune, pour vous rejoindre ici après masieste, je me suis aperçue que la porte était restée entr’ouverte. Ce détail a retenu monattention, sachant que cet infortuné Rouletabille avait coutume de s’enfermer pour dormir.

HERCULE POIROT. Étrange coutume en vérité pour un garçon si cordial… (Sur le ton dela confidence). Dites-moi, se serait-il livré, derrière sa porte, à des activités clandestines ?

MISS MARPPLE. Hercule, si vous m’interrompez sans cesse !...

HERCULE POIROT. Je vous en prie, poursuivez…

MISS MARPPLE. Merci. J’ai frappé discrètement. Pas de réponse. J’ai passé la tête parl’entrebâillement, et là…

FANTOMETTE. (Elle sautille de nouveau, triomphante). Vous êtes tombée sur unemomie !...

MISS MARPPLE. (D’un air pincé). En effet…

Le dernier mystère

FANTOMETTE. Je le savais ! Je le savais !

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Miss Marpple et Hercule Poirot se montrent accablés.

MISS MARPPLE. (A Fantômette). Un rien vous amuse mon enfant, je suppose que c’est devotre âge… (À Hercule Poirot). Quelle vision horrifique, mon Dieu ! Ce malheureuxRouletabille se tenait debout, appuyé contre le mur, tout empaqueté dans des bandelettes, seulson visage dépassait du cocon… Ses traits pincés, sa bouche ouverte, ses yeux vides... J’aiaccouru vers vous, sans même prendre le temps de procéder aux premières constatations, cequi ne m’est pas habituel.

JAMES BOND. (Sortant son pistolet). Cette fois, il ne nous échappera pas ! Allons-y !L’assassin ne peut pas être loin !

HERCULE POIROT. Comme vous y allez, Bond ! La précipitation est mauvaiseconseillère. Nous ne savons même pas dans quelle direction le poursuivre.

JAMES BOND. Restez ici à vous triturer la moustache, Hercule, moi je fonce.

HERCULE POIROT. Il ne sera pas dit qu’Hercule Poirot aura reculé devant le danger. (ÀMiss Marpple). Vous nous accompagnez, ma chère ?

Noir.

Scène 4Fantômette et Pierrette.

PIERRETTE. Je parie qu’ils ne trouveront rien ! Pas le plus petit indice, peau de balle ! Lecoupable est bien trop malin.

FANTOMETTE. (Perchée sur le dossier d’une chaise, dans la position du « Penseur » deRodin). Pourquoi vous en êtes aussi sûre ?

PIERRETTE. (Posant le bout de l’index sur son front). Y en a là-dedans. Tonton m’a toutappris sur les hommes et leurs passions. Celui qui vous nargue depuis si longtemps n’est pasprès de se laisser attraper.

FANTOMETTE. On dirait que vous le souhaitez. On voit bien que vous ne faites pas partiedu gibier, moi si. Tous les anciens héros de polars admis dans ce quartier du Paradis se fontrefroidir les uns après les autres. J’espère, au moins, que les autres quartiers sont mieuxtenus…

Le dernier mystère

PIERRETTE. C’est pas mon rayon. Moi, je ne suis qu’intérimaire au rayon VIP.

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FANTOMETTE. Quand même, James a raison, une fois qu’on est mort on ne remet pas lecouvert, si ? Tout le monde s’arrache la cervelle par petits morceaux, personne n’a encoretrouvé de réponse à ce mystère.

PIERRETTE. Peut-être que vous ne cherchez pas au bon endroit…

FANTOMETTE. Par exemple ?

PIERRETTE. (Mystérieuse). Ce que j’en dis…

Scène 5Les mêmes.Hercule Poirot, Miss Marpple et James Bond entrent.

FANTOMETTE. (Elle descend de sa chaise). Alors ?...

HERCULE POIROT. (Accablé). C’est à n’y rien comprendre. Jamais je ne me suis senti àce point humilié.

MISS MARPPLE. (Même jeu). Avoir attendu d’être au Paradis pour connaître mon premieréchec, vraiment, quelle ingratitude du destin.

Hercule Poirot et Miss Marpple se laissent tomber sur deux chaises.

JAMES BOND. (A Fantômette). On s’est fait couillonner. Notre tueur n’a abandonné aucunindice, évanoui dans la nature sans laisser de trace.

FANTOMETTE. Pierrette en était sûre.

HERCULE POIROT. (Soupçonneux). Ah oui ? Et pourquoi donc ?

FANTOMETTE. Elle prétend que vous ne cherchez pas au bon endroit.

MISS MARPPLE. (A Pierrette). Ce qui veut dire, si je peux me permettre ?

PIERRETTE. Eh bien, par exemple, que les frontières pourraient être poreuses entre leParadis et là en bas.

MISS MARPPLE. Que signifie ce charabia ? Et puis, quel rapport ?

PIERRETTE. Jusqu’à présent, vous avez enquêté auprès de qui ? Vos collègues résidants.

Le dernier mystèreLe coupable était forcément l’un d’eux.

MISS MARPPLE. Je ne vois pas qui d’autre…

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PIERRETTE. Et si le meurtrier faisait des allers-retours depuis la Terre ?...

HERCULE POIROT. Totalement absurde !

MISS MARPPLE. J’avoue, en effet… Quoique… Non, c’est impossible… « Poreuses »,dites-vous ?

PIERRETTE. Le diable et le bon Dieu font bien la navette, eux, pourquoi un humain n’auraitpas découvert un passage secret, un truc de ce genre, est-ce que je sais…

HERCULE POIROT. On nage en plein délire…

JAMES BOND. Vos restez confiné dans vos certitudes rationnelles, Hercule. Mes aventuresm’ont appris à ne pas rejeter l’invraisemblable. On devrait étudier cette hypothèse.

HERCULE POIROT. Et on commence par où. On soulève le bord des nuages pour voir siaucun passage secret ne se dissimule dessous ? Vraiment, cette mascarade n’est pas de mongoût. Qu’en dites-vous, Miss Marpple ?

MISS MARPPLE. Laissons James à ses fantasmes. Après tout, au point où nous en sommes,une extravagance de plus ou de moins…

JAMES BOND. Il est grand temps de passer à l’action. Tu viens avec moi, Fantômette ?

Ils sortent, sous le regard jaloux de Pierrette.

Scène 6Miss Marpple, Hercule Poirot, Pierrette.

Hercule Poirot et Miss Marpple sont assis de chaque côté d’une table basse ; Pierrette leursert le thé.

PIERRETTE. James reviendra la queue entre les jambes. C’est un crétin qui pense avec sonpistolet et son…

MISS MARPPLE. Pierrette, je vous en prie !...

Pierrette repose la théière, s’assied et se met à bouder, le menton entre les mains.

Le dernier mystère

HERCULE POIROT. (A Pierrette). Un nuage de lait, je vous prie. (Pierrette ne bouge pas).Eh bien, mon petit, où avez-vous la tête ?

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PIERRETTE. Dans les nuages, justement ! Où voulez-vous qu’on ait la tête au Paradis ?

MISS MARPPLE. Si vous reveniez un peu sur Terre avec nous ? Enfin, c’est une façon deparler…

Pierrette sert Hercule Poirot, puis se verse une tasse de thé et s’installe sur une chaise, àcalifourchon.

HERCULE POIROT. Merci infiniment. (À Miss Marpple). Profitons de ce moment decalme pour faire le point, qu’en pensez-vous ?

MISS MARPPLE. Parfait.

HERCULE POIROT. Bien. Qu’avons-nous ? Notre début d’éternité paradisiaque sedéroulait sous les meilleurs auspices. Nous baignions dans le calme et la sérénité. Dieu nousrendait visite de façon fort courtoise et Saint Pierre se révélait un hôte charmant.

MISS MARPPLE. Jusque-là, je vous suis.

PIERRETTE. Et moi, je vous précède ! Tonton est un type formidable !... (Elle lève satasse). À sa santé !

Hercule Poirot et Miss Marpple lèvent poliment leurs tasses, un peu gênés par cette vulgarité.

HERCULE POIROT. Où en étais-je ? Ah oui ! Tout était donc pour le mieux dans lemeilleur des Paradis possibles quand le premier, j’ose à peine dire « décès » est intervenu.

MISS MARPPLE. Il nous a été facile, malgré notre incrédulité, de découvrir qu’il s’agissaitd’un meurtre.

PIERRETTE. Et, depuis, quel massacre !

MISS MARPPLE. Des cadavres au Paradis, mon Dieu, dans quel monde vivons-nous ?

HERCULE POIROT. Il semblerait que les passions, ici aussi, mènent la danse, ma chère.

MISS MARPPLE. Mais dans quel but ? Sur Terre, les raisons d’assassiner son prochain sontnombreuses : jalousie, envie, cupidité, soif de puissance… Mais ici, nous possédons tout, quedésirer de plus ?

HERCULE POIROT. Vous avez tout à fait raison. Et c’est là que je m’interroge. Le mobile.Il nous faut trouver le mobile…

PIERRETTE. Sauf si le coupable vient d’en bas…

Le dernier mystère

HERCULE POIROT. Sauf votre respect, laissons de côté cette hypothèse farfelue pour lemoment. S’il existe un passage secret, Bond est bien capable de tomber dedans sans le faire

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exprès. Alors, nous aviserons. La jalousie peut-elle être retenue ?

MISS MARPPLE. Peu probable. Dans nos livres, nous rivalisions d’ingéniosité pourdémasquer les meurtriers et nous nous trouvions, certes, dans une situation de concurrence,mais, ici, nous n’avons plus aucune influence sur le lectorat. Nos aventures ne nousappartiennent plus. C’est d’ailleurs fort dommage.

PIERRETTE. Encore un peu de thé ?

Hercule Poirot se laisse resservir, Miss Marpple refuse d’un geste.

HERCULE POIROT. La cupidité ? Pas davantage. Le désir de pouvoir… Quand on reçoitDieu à l’heure du thé… (À Pierrette). Merci, ma chère. (De nouveau vers Miss Marpple). Lapassion non plus. Aucun mobile terrestre ne convient… Avez-vous noté que j’ai précisé« terrestre », Miss Marpple ?

MISS MARPPLE. Bien entendu. Pour qui me prenez-vous ? Mais comment découvrir à quoipeuvent bien ressembler des mobiles non terrestres ?

HERCULE POIROT. C’est simple, en nous interrogeant nous-mêmes.

MISS MARPPLE. Vous divaguez ?...

HERCULE POIROT. Après tout, ne sommes-nous pas membres à part entière du clubcéleste ?

PIERRETTE. (Elle semble soudain contrariée). Je ne vous suis plus, là. Où vous allez ?

Elle se reverse du thé avec nervosité.

HERCULE POIROT. Un peu de patience, mon enfant. Je me contente, pour l’heure,d’élaborer des hypothèses de travail. Trouvons ce qui mène le monde au Paradis, déchiffronsles passions secrètes des Bienheureux et nous nous rapprocherons du mobile.

PIERRETTE. (Elle se tourne brusquement vers Hercule Poirot et renverse une partie de sonthé). Eh là ! Vous n’allez pas semer le bazar dans mon service ?

HERCULE POIROT. Ce n’est pas mon intention, pourquoi vous alarmer de la sorte ? Maisla recherche de la vérité m’impose d’aller de l’avant sans frémir.

MISS MARPPLE. Et que trouvez-vous, droit devant vous, Hercule ?

HERCULE POIROT. Mais je l’ignore. Je l’ignore tout simplement…

Le dernier mystère

Scène 7Les mêmes. James Bond, Fantômette

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James Bond et Fantômette entrent.

PIERRETTE. (Un peu agressive). Vous rentrez les mains vides, vous avez fait chou blanc.

FANTOMETTE. Tout dépend comment vous l’entendez.

Elle prend la théière sur la table basse et boit par le goulot.

PIERRETTE. L’assassin vous a encore filé entre les pattes, pardi.

JAMES BOND. Oh, mais c’est qu’elle en sait, des choses !

FANTOMETTE. Pas plus de passage secret vers la Terre que d’ange en broche, vous vousêtes fichue dedans, Pierrette. Mais on ne rentre pas bredouilles.

Elle boit une nouvelle rasade et repose la théière sur la table.

MISS MARPPLE. Ah oui ? Peut-on savoir ?...

JAMES BOND. On a un petit nouveau sur la liste.

MISS MARPPLE. Miséricorde !

HERCULE POIROT. De qui parlez-vous ?

FANTOMETTE. Ce beau Nestor. Nestor Burma. On l’a retrouvé sous son chapeau percé, lecorps criblé de grêlons.

MISS MARPPLE. Un orage au Paradis, vraiment, le climat est bien détraqué !...

JAMES BOND. Il s’agit d’un meurtre. Il n’a grêlé que dans son bureau. Les alentours étaientensoleillés.

HERCULE POIROT. Je suppose, bien entendu, que nous ne disposons d’aucune pistenouvelle…

JAMES BOND. Vous supposez comme un chef, Hercule.

HERCULE POIROT. J’avoue mon impuissance provisoire.

MISS MARPPLE. C’est toujours ça de gagné ! Le célèbre Hercule Poirot confessant soninsuffisance, même provisoire…

Le dernier mystèreHERCULE POIROT. Chère amie, vous réhabilitez l’hypothèse de la jalousie commemobile.

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JAMES BOND. Ah, il y a encore autre chose !

PIERRETTE. Vous m’en direz tant…

HERCULE POIROT. Quoi donc, je vous prie ?

JAMES BOND. (A Fantômette). Montre.

FANTOMETTE. (Elle sort un minuscule objet de sa poche et le tient en l’air). On a ramasséça sur les lieux du crime.

MISS MARPPLE. (Elle s’en saisit et l’examine sous tous les angles). Qu’est-ce que c’est ?

HERCULE POIROT. (Il le lui prend des mains, exhibe une énorme loupe de sa poche depoitrine et l’examine à son tour). Vous permettez ? Il me semble… Mais oui… C’est biença… Il s’agit… d’un cure-dent…

PIERRETTE. (Vivement). Un cure-dent ?

HERCULE POIROT. (Qui réexamine l’objet). J’en ai bien l’impression… Ça par exemple !Que pouvait fabriquer cet objet dans le bureau de Burma ?

MISS MARPPLE. Il y a tout bonnement été perdu par son assassin ! (Elle se lève et vientdévisager ses compagnons sous le nez, l’un après l’autre). Qui utilise cet ustensile parmivous ? Allons ! Je vous écoute !

Ils se regardent avec suspicion et hochent, tour à tour, la tête négativement. Un long silenceembarrassé. Puis, Pierrette va s’activer à desservir le thé.

FANTOMETTE. Nous voilà bien avancés.

HERCULE POIROT. Nous ne sommes pas tous présents. Il se peut que, parmi nos autrescollègues célestes, quelqu’un présente la détestable manie de se curer les dents avec cet engin.

MISS MARPPLE. Je ne vois pas…

FANTOMETTE. Moi non plus…

JAMES BOND. Pas davantage.

MISS MARPPLE. Et vous, Pierrette ?

PIERRETTE. (Elle laisse tomber une tasse). Moi ? Je ne connais pas encore tout le monde…Ce que je peux être maladroite…

Le dernier mystère

Elle pose les débris sur un plateau avec le reste du service et sort.

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HERCULE POIROT. Une investigation complémentaire s’impose. Mes amis, quand nousaurons découvert qui utilise un cure-dent, nous aurons démasqué le coupable. Je compte sur lezèle de tous.

MISS MARPPLE. De quel droit vous permettez-vous de diriger l’enquête ?

HERCULE POIROT. Eh bien, du droit du plus compétent, cela va sans dire. MademoiselleFantômette me paraît encore bien jeune, notre ami James est plus porté sur les poursuites etautres galipettes que sur la réflexion. Quant à vous, Miss Marpple…

MISS MARPPLE. Moi ?

HERCULE POIROT. Ma foi, je veux bien vous recruter comme adjointe.

MISS MARPPLE. Trop aimable. Bien entendu, je refuse.

FANTOMETTE. Allons, si on continue à se disputer, le meurtrier a encore de beaux joursdevant lui et je ne tiens pas à finir lardée de grêlons.

JAMES BOND. La gamine a raison. (Fantômette boude en s’entendant traiter de gamine). Sivous vous entêtez dans vos querelles de « has been », vous figurerez bientôt à son tableau dechasse.

MISS MARPPLE. Et pas vous ?

JAMES BOND. (Il dégaine son pistolet). Qu’il y vienne…

Pierrette rentre.

HERCULE POIROT. (A Miss Marpple). Alors ?

MISS MARPPLE. Soit. Je consens à coopérer, à titre d’expérience, et pour me montrerbonne joueuse. Il va sans dire que je partagerai les lauriers du succès, en aucun cas lesconséquences d’un échec.

HERCULE POIROT. Parfait. Je propose que nous revenions là où nous en étions restés,c’est-à-dire au cure-dent. (À Miss Marpple). Aucune objection ? (Miss Marpple fait un signed’acquiescement). Très bien. Nous avons tout d’abord cherché l’assassin parmi les résidantspermanents. Logique. Puis, notre hôtesse, Mademoiselle Pierrette, a évoqué l’hypothèsediscutable d’une intervention d’un habitant du bas. James n’a pas trouvé de passage, mais celane prouve rien. Toutefois, je continue de considérer cette solution comme intellectuellementinacceptable.

MISS MARPPLE. Si vous avanciez un peu plus vite, mon cher, nous savons déjà tout cela.

Le dernier mystèreHERCULE POIROT. Comme il vous plaira. Il reste une population que nous n’avons pasenvisagée.

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PIERRETTE. (Vivement). Laquelle ?

HERCULE POIROT. Le… Personnel local…

MISS MARPPLE. M’expliquerez-vous, mon ami ?

PIERRETTE. (D’une voix blanche). Le personnel local ?

HERCULE POIROT. Et pourquoi non ? Si nous sommes tous innocents, avec un ascenseurTerre-Paradis en panne, jusqu’à preuve du contraire, il ne reste que…

FANTOMETTE. Vous voulez dire…. Les anges ?... Chouette !

MISS MARPPLE. Vous n’y pensez pas ?

HERCULE POIROT. Justement, si.

PIERRETTE. (D’un ton faussement enjoué). Tonton ne sera pas content que vous doutiez del’honnêteté de ses collaborateurs.

HERCULE POIROT. Je m’en excuserai auprès de lui si je fais fausse route.

PIERRETTE. Quand même, il sera très fâché.

MISS MARPPLE. Vraiment, Hercule, vous n’y allez pas de mainmorte. Je refuse de vousemboîter le pas, j’ai trop de sympathie pour Saint Pierre.

JAMES BOND. Ne vous inquiétez pas, le Barbu a le cuir épais, il en a vu d’autres.

HERCULE POIROT. Cela tombe pourtant sous le sens. L’assassin ne peut être qu’unhabitué du Paradis. Donc… Un ange…

Long silence. Chacun demeure dans ses pensées.

FANTOMETTE. (Triomphante). Les anges ne mangent pas !

HERCULE POIROT. Et alors ?...

FANTOMETTE. Ils n’ont pas besoin de cure-dent !

MISS MARPPLE. Qu’avez-vous à rétorquer ?

HERCULE POIROT. (Dépité). Hum ! Hum ! Je n’y avais pas songé…

MISS MARPPLE. Vous avez perdu la partie, mon cher Poirot. Échec et mat ! À moi de

Le dernier mystèrejouer. Que diriez-vous de devenir mon adjoint ?

Hercule Poirot hausse les épaules et s’éloigne vers le fond.

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FANTOMETTE. Quand vous aurez fini de vous chamailler ! L’idée de Monsieur Herculen’était pas si mauvaise.

JAMES BOND. Comment ça, Doucette ?

FANTOMETTE. Il faut bien qu’il y ait un assassin puisqu’il y a des assassinés.

JAMES BOND. Tu sais que je t’adore, toi ?

FANTOMETTE. Je parle sérieusement. Il vit ici et il utilise un cure-dent. Ils ne doivent pasêtre si nombreux dans ce cas… Si on exclut les anges, qu’est-ce qu’il nous reste ?

JAMES BOND. Tu brûles ? Attends que je te réchauffe encore, histoire d’attiser tesméninges…

MISS MARPPLE. James, pour l’amour du ciel, ce n’est qu’une enfant !

HERCULE POIROT. (Du fond). Et, de plus, vous nous faites perdre notre temps.

James Bond tente de prendre Fantômette dans ses bras. Elle le repousse gentiment.

FANTOMETTE. Bas les pattes, gros nigaud ! Laisse-moi réfléchir. (Dans un intense effortde concentration, elle se met à sautiller sur place, pieds joints, le visage dans les mains).Oui ! Oui ! Ça vient ! (Un long silence immobile, puis triomphante). Je sais qui c’est !...

Hercule Poirot se rapproche.

PIERRETTE. (Méprisante). Vous avez vécu trop d’aventures abracadabrantes, ma petite !On ne trouve pas comme ça, par l’opération du Saint Esprit…

JAMES BOND. Au Paradis, peut-être que si…

MISS MARPPLE. Laissez-là finir.

HERCULE POIROT. (Condescendant). Eh bien, mon enfant, quel est donc ce mystérieuxassassin ?

FANTOMETTE. Puisque vous ne me prenez pas au sérieux, je ne vous le dirai pas !...

HERCULE POIROT. Assez d’enfantillages !

FANTOMETTE. C’est vous les grands détectives, à vous de trouver !

HERCULE POIROT. Encore une fois !...

Le dernier mystère

FANTOMETTE. Ça n’est pas si difficile. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à savoir…

18

MISS MARPPLE. Quelqu’un d’autre ? Parmi nous ?

FANTOMETTE. Ne m’embêtez pas, je ne dirai plus rien.

JAMES BOND. (A Fantômette). Tu parles du coupable ou d’un complice ?

FANTOMETTE. Activez-vous du ciboulot, les vedettes ! Tralalalalère…

Elle danse autour de ses compagnons et leur tire la langue. Seul James Bond apprécie. Lesautres la repoussent en soupirant. James Bond fait un tour de valse avec elle et se retrouvederrière Pierrette, assise sur une chaise, et lui murmure dans le cou. Fantômette continue àdanser.

JAMES BOND. Vous, Pierrette, qu’en pensez-vous ?

PIERRETTE. (Pierrette se fige avec effroi, les mains sur le cou). Moi ? Pourquoi moi ?

JAMES BOND. Tiens, ma question vous met mal à l’aise, on dirait. Je vous observe depuisun moment, vous semblez perturbée.

PIERRETTE. Mais, absolument pas ! Quelle idée ? Ce que j’en pense ? Ce que j’en pense?...

JAMES BOND. Montrez vos belles quenottes !

MISS MARPPLE. James ! Un peu de tenue !

PIERRETTE. Vous plaisantez ?

JAMES BOND. Ôtez-moi d’un doute, vous mangez bien, vous, Pierrette ? Vous n’êtes pasun ange ou un pur esprit ?

PIERRETTE. Oui, je mange, la belle affaire !...

HERCULE POIROT. Précisément, cela concerne notre affaire. Bond a raison, pourquoiêtes-vous troublée à ce point ?

PIERRETTE. Je ne suis pas troublée.

HERCULE POIROT. Ne me prenez pas pour un dadais, mon petit, l’âme humaine n’aaucun secret pour moi, je vous en donne ma parole.

PIERRETTE. Je vous assure !...

FANTOMETTE. (Elle s’arrête de danser). Arrêtez d’asticoter cette pauvre Pierrette. Elle n’yest pour rien. Vous la voyez en train de tuer quelqu’un ?

Le dernier mystère

JAMES BOND. J’ai appris à me méfier des plus belles femmes…

19

FANTOMETTE. James, si tu cessais de la ramener avec tes conquêtes ? (À Miss Marpple etHercule Poirot). Alors, vous deux, à l’ego surdimensionné, toujours pas trouvé ? Si ça n’estpas Pierrette, c’est ?...

JAMES BOND. (Il dévisage Pierrette et Fantômette, tour à tour, puis se frappe le front duplat de la main). Bon Dieu, mais c’est bien sûr !

FANTOMETTE. Ah non, James, c’est vilain de piquer sa réplique à un collègue !

JAMES BOND. J’ai trouvé l’assassin ! C’était évident… Mais quel est le mobile ?

FANTOMETTE. Pierrette va nous l’expliquer…

PIERRETTE. Je ne vois pas de quoi vous parlez…

FANTOMETTE. Un petit effort, Mademoiselle Pierrette, nous ne sommes pas vosennemis…

PIERRETTE. Je n’ai rien à déclarer.

FANTOMETTE. On n’est pas à la douane, ma puce.

PIERRETTE. Peu importe, je ne comprends rien à ce que vous me demandez.

MISS MARPPLE. Si vous possédez des informations utiles à la vérité, mieux vaudraitsoulager votre conscience. Dieu, votre employeur, vous en sera reconnaissant.

PIERRETTE. Mais je vous jure !

MISS MAPPLE. Ah ! Ne jurez pas, Mademoiselle !

JAMES BOND. Vous ne voudriez pas vous fâcher avec Dieu, tout de même ?

PIERRETTE. Fichez-moi la paix, à la fin !

MISS MARPPLE. La paix, c’est ce que vous allez perdre définitivement, dans les tourmentsdu remords !...

JAMES BOND. Sans compter que tous les Bienheureux vont vous tourner le dos. Vous allezvous retrouver bien seule…

PIERRETTE. (Résignée). Oh, et puis, à quoi bon ? De toute façon, vous l’auriez compris unjour ou l’autre…

HERCULE POIROT. Pardonnez-moi, mais, moi, je n’ai toujours pas compris.

Le dernier mystèreMISS MARPPLE. Moi non plus.

JAMES BOND. Décidément, on ne peut pas être et avoir été. Qui a dit que la vieillesse était

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un naufrage ?

PIERRETTE. C’est pour nos statistiques…

HERCULE POIROT. Pardon ?

PIERRETTE. Mon Tonton…

MISS MARPPLE. Parce que c’est lui ?

FANTOMETTE. Enfin !... Hosanna !...

HERCULE POIROT. Saint Pierre, le coupable ? Je n’en reviens pas !... Mais, au nom duciel, pourquoi ?

PIERRETTE. On a trop de monde, au Paradis.

MISS MARPPLE. Pourtant, il me semble que la place ne manque pas…

PIERRETTE. En réalité, tous les morts y vont. Mériter la vie éternelle, c’est du bidon. Il n’ya pas de tri à l’entrée.

HERCULE POIROT. Je suis interloqué…

PIERRETTE. Si les vivants l’apprenaient, ils n’auraient plus aucune raison de faire desefforts pour le gagner. Ce serait le bazar en bas et mauvais pour notre image de marque.

MISS MARPPLE. On monte tous au ciel, vraiment ? Ce n’est pas un peu humiliant pournous ?... Enfin, il me semblait que mes vertus personnelles…

HERCULE POIROT. Alors, pour dégonfler les statistiques ?...

PIERRETTE. Mon Tonton fait le ménage.

JAMES BOND. C’est du propre !

PIERRETTE. Oh, il n’y a pas que nous ! Vos dirigeants tripatouillent bien les chiffres duchômage. Au Paradis, on ne leur en tient pas rigueur, la preuve, ils y grimpent tout droit.Même que pour certains, c’est parfois dur à avaler, mais c’est comme ça, le règlement c’est lerèglement.

MISS MARPPLE. Mais, c’est monstrueux ! Saint Pierre est un barbare ! Ces malheureuxqu’il sacrifie une seconde fois !

PIERRETTE. Pas de souci pour eux, Tonton les expédie en douceur, au moyen d’une petite

Le dernier mystèrepilule rose. Il arrange la mise en scène après coup, c’est un artiste. Ses clients filentdirectement dans une annexe où on les traite aux petits oignons, ils ne se plaignent pas.

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HERCULE POIROT. Eh bien, il semblerait que je commence à me faire vieux.

MISS MARPPLE. Moi de même.

FANTOMETTE. Moi, je trouve cette histoire formidable ! Et toi, James ?

JAMES BOND. Après tout, on ne meurt que deux fois…

HERCULE POIROT. (A Pierrette). Elle est si confortable que ça, votre annexe ? Parce queje pense qu’on va tous y passer un jour ou l’autre, je me trompe ?

PIERRETTE. C’est moi qui tient les cuisines, vous allez vous régaler. Saint Pierre nefréquente que cette cantine et il a un sacré coup de fourchette. Le seul petit désagrément…

MISS MARPPLE. Eh bien ?...

PIERRETTE. Il a la mauvaise habitude de se curer les dents devant tout le monde à la findes repas…

Noir.

Le dernier mystère

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