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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1 Centre du droit de la consommation et du marché MASTER 2 RECHERCHE DROIT DU MARCHE Le Droit et le Cinéma Jean-Benoist Belda Sous la direction de Daniel Mainguy, Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Montpellier Master 2 Recherche Droit du marché Année 2010-2011

Le Droit et le Cinéma - … · 4 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème édition 5 MIAILLE Michel, Définir le droit in Définir le droit, t.2, Droits, n°11, 1990, p.41 et

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UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1

Centre du droit de la consommation et du marché

MASTER 2 RECHERCHE DROIT DU MARCHE

Le Droit et le Cinéma

Jean-Benoist Belda

Sous la direction de Daniel Mainguy, Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Montpellier

Master 2 Recherche Droit du marché – Année 2010-2011

Le Droit et le Cinéma

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Sommaire

CHAPITRE 1 : UNE RECIPROCITE ENTRE LE DROIT ET LE CINEMA, REFLET ET

VECTEUR DE NORMES .................................................................................................................... 7

Section 1 : L’approche « normativiste » du droit, entre normes sociales et juridiques .............. 7

§1. La conception communément admise du droit en tant qu’ensemble de règles, sociales et

juridiques ......................................................................................................................................... 7

§2. La préexistence naturelle de la norme au droit ........................................................................ 10

Section 2 : le cinéma, un art ambivalent, entre témoin du droit et vecteur de normes ............. 13

§1. Le cinéma, un art témoin du droit procédant d’un processus initial de reflet de la société ..... 13

§2. Le cinéma, véritable vecteur de normes .................................................................................. 16

CHAPITRE 2: LA JUSTICE A TRAVERS LE CINEMA: ENTRE REPRESENTATION

AUTHENTIQUE ET VULGARISATION ........................................................................................ 21

Section 1 : la représentation cinématographique partiellement authentique de l’appareil

judiciaire et de ses acteurs .............................................................................................................. 21

§1. Les différentes représentations plus ou moins authentiques de la justice dans le cinéma

français et américain ...................................................................................................................... 21

§2. Les acteurs de la justice et leurs représentations biaisées au cinéma ...................................... 25

Section 2 : la prison sur grand écran, un cinéma de genre réaliste ............................................ 31

§1. Les représentations diverses et variées de la prison au cinéma ............................................... 31

§2. Le film de prison, un cinéma réaliste ne procédant pas du réel ............................................... 34

Le Droit et le Cinéma

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1.- « Le cinéma nous apparaît comme un reflet du temps présent. On pourrait dire de lui

ce que Stendhal disait du roman : c'est un miroir que l’on promène le long de la route ;

l'époque s'y révèle avec ses façons de penser et de vivre, ses grandeurs et ses faiblesses, ses

tourments, ses espoirs et ses rêves, sa physionomie enfin. Certes il est difficile de connaître

son propre temps : l'homme d'aujourd'hui ne sera connu que par l'homme de demain qui

pourra, grâce au recul historique, dessiner les traits définitifs de son visage, le reconstruire tel

qu'il aura été, tel qu'il se sera fait par l'histoire. Pourtant bien des films portent déjà

témoignage et on pourrait dire qu'ils parlent davantage à notre esprit qu'ils ne le feront pour

une postérité qui ne verra peut-être plus les choses comme nous et qui devra tenter d'abord de

se comprendre elle-même1 ».

2.- Ainsi le cinéma est un objet complexe dans le sens où il peut s’attacher à différentes

branches : l’Histoire, la sociologie, la philosophie, la technique, l’art, le droit.

3.- Selon une définition relativement basique et technique, le cinéma se définit comme un

art du spectacle. Il expose au public un film, c’est-à-dire une œuvre composée d’images en

mouvement projetées sur un support, généralement un écran blanc, et accompagnées la

plupart du temps d’une bande sonore.

4.- Mais si l’on pousse un peu plus loin la définition, touchant du bout des doigts un

début de réflexion, le cinéma apparaît bien plus que comme une simple pellicule projetée sur

un grand écran. C’est aussi un puissant outil sociologique, « un art du partage en public2 ». Le

cinéma sait représenter l’idée du grand au sein même de l’intimité du spectateur. Car s’il

représente des images, des sons, il fait aussi transparaître des gens, des histoires, des époques,

des préoccupations. Et ces histoires, ces préoccupations, se sont celles que les réalisateurs

connaissent, et sur lesquelles ils réfléchissent. Que cela soit de la fiction ou une histoire

authentique, le résultat est le même, il est révélateur du temps dans lequel le cinéma évolue.

Et en ce sens, le cinéma peut être considéré comme un miroir ; le miroir d’une société et ainsi

le miroir du droit.

5.- Mais qu’est-ce que le droit ? Nombreux sont ceux parmi les plus compétents de la

profession qui ont tenté de le définir et qui se heurtèrent à un mur, comme le Doyen Vedel qui

avouait ceci : « Voilà des semaines et même des mois que je "sèche" laborieusement sur la

question, pourtant si apparemment innocente (…) : " Qu’est-ce que le droit? " », se comparant

1 LE DUC Jean, La Revue des Deux Mondes, 15 mars 1961.

2 ETHIS Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Broché, p.5.

Le Droit et le Cinéma

4

à un étudiant de premier année qui rendrait copie blanche. « Le droit appartient à la famille

assez étendue des concepts qui ne sont clairs qu’entrevus de loin dira Norbert Rouland,

professeur à la Faculté de droit d'Aix-en-Provence et membre de l’Institut Universitaire de

France. En 1787, Kant écrivait dans son ouvrage Critique de la raison pure3, " Les juristes

cherchent encore une définition pour leur concept du droit ". Deux-cent ans plus tard, la copie

reste toujours blanche, non par manque d’idées de définition de l’objet droit, mais par sa

complexité. En effet, le droit pourra être dit « objectif » et se définir comme « un ensemble de

règles régissant la vie en société et sanctionnée par la puissance publique4 », ou sera dit

« subjectif » et envisagé comme un ensemble de « prérogatives attribuées à un individu dans

son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une

prestation ».

6.- Mais les définitions ne s’arrêtent pas là et l’on peut facilement entrevoir des pluralités

de conception de la notion de droit, de Michel Miaille qui avance que « ce que nous

attendons, c’est de savoir ce que la règle de droit est, non pas ce qu’elle doit être5 », à MM.

Mazeaud qui affirment que « la règle de droit est une règle de conduite sociale qui,

sanctionnée par la contrainte, doit avoir pour but de faire régner l’ordre en donnant la sécurité

dans la justice6 ».

7.- Et c’est précisément cette notion de « conduite sociale » qui est intéressante, car c’est

ce qui touche au plus près les gens, ce qui révèle le plus comment s’organise une société et

comment elle organise elle-même sa cohérence, à travers des codes, des usages, des normes

qu’elle crée et qu’elle applique, consciemment ou inconsciemment. Jean Carbonnier dira ainsi

que « le droit est plus petit que les relations entre les hommes : les normes de politesse,

d'honneur, d'éducation, sociales, ne sont pas nécessairement des normes juridiques ». La

norme sociale a donc entièrement sa place dans la définition ou plutôt les définitions que l’on

pourra faire du droit ; si elle est le droit, il faut aussi noter qu’elle préexiste à ce dernier : la

légalité prend source dans la normalité.

8.- Il s’agit à présent de croiser ces notions de droit et de cinéma préalablement définies

et d’en retirer le postulat selon lequel le droit, compris en tant que normes sociales et normes

juridiques, transparaît au cinéma. Car le cinéma à travers ses films et ses réalisateurs, est, tout

3 KANT Emmanuel, Critique de la raison pure, Flammarion, 2ème éd. Corr. Du 18 janvier 2001.

4 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15

ème édition

5 MIAILLE Michel, Définir le droit in Définir le droit, t.2, Droits, n°11, 1990, p.41 et s.

6 MAZEAUD, H., L. et J., Leçons de droit civil, t. I, Paris, Montchrestien, 1972, p. 96.

Le Droit et le Cinéma

5

comme pourra l’être la littérature, la peinture ou la photographie, un moyen d’expression du

moment.

9.- A l’image de l’expression de Winston Churchill, « montrez-moi vos prisons, je vous

dirai l’état de vos sociétés », nous pouvons dire : « montrez-moi votre cinéma, et je vous dirai

l’état de vos sociétés ».

10.- En effet, dans notre société, qui est devenue un véritable terrain de sur-médiatisation,

le rapport que chacun entretient avec le droit, la justice, passe beaucoup par ce qui nous

touche le plus vite et au plus près, à savoir les actualités, à la radio ou à la télévision, ou même

les fictions, télévisuelles comme cinématographiques.

11.- Notre perception du droit, de la justice peut ainsi varier, allant d’une perception

fidèle à une perception plus éloignée de la réalité. Dans ce dernier cas, notre manière

d’appréhender le droit, la justice est produit de nos expériences quotidiennes provenant de la

vie en société.

12.- On peut ainsi voir deux sortes de droit, un qui est produit par le législateur et celui de

chacun des individus de la société. De ce fait, c’est en toute logique que la justice et le droit

de manière générale exercé par les professionnels du droit apparaît lointain, flou, ou

inaccessible.

13.- Les nombreux films qui ont traversé le siècle, des années 30 à aujourd’hui nous

montrent à quel point la représentation du droit et de la justice peut varier, allant de la

représentation authentique à celle d’un droit vulgarisé, véhiculant l’image d’un système

obscur, opaque.

14.- Le droit apparaît donc réellement en filigrane du cinéma, qui joue le rôle d’un miroir,

plus ou moins déformant, plus ou moins authentique et qui constitue le plus grand moyen de

représentation que peut avoir le citoyen du monde juridique et judiciaire.

15.- Mais si le cinéma est un miroir, c’est aussi un vecteur. Un vecteur de normes, de

valeurs, qui, petit à petit, par le biais du grand écran, viendront s’immiscer plus ou moins

consciemment dans le quotidien de chacun, dans la société dans sa globalité et devenir la

norme sociale et juridique de demain.

16.- La question à se poser est donc la suivante : Quelle est la représentation qui est faite

du droit au cinéma et peut-on parler d’une réciproque quant à l’influence qu’a le septième art

sur la société, la norme et donc le droit ?

Le Droit et le Cinéma

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17.- C’est ainsi que nous serons amenés à voir dans un premier temps le cinéma dans son

ambivalence, dans son double rôle, celui de cinéma-reflet du droit, compris en tant

qu’ensemble de normes sociales et juridiques, et de cinéma-vecteur de normes à son tour

(Chapitre 1) pour se pencher dans un second temps sur la représentation de la justice au

cinéma, authentique ou déformée , et révélatrice d’un véritable état de société (Chapitre 2).

Le Droit et le Cinéma

7

Chapitre 1 : Une réciprocité entre le droit et le cinéma, reflet et vecteur de

normes

18.- Le cinéma, à l’instar d’autres arts, est un puissant moyen de communication. C’est

aussi un révélateur des périodes qu’il touche. Mais au-delà de ce rôle de simple filigrane, le

cinéma possède aussi la capacité d’agir sur la société, de la pousser à l’évolution, au

changement. Le cinéma bouscule les mœurs, et ainsi, peut bousculer la norme. Il faut donc

avant tout entrevoir ce qu’est la norme, qu’elle est son moyen de création communément

admis (Section 1) pour analyser ensuite le rôle qu’a le cinéma dans la représentation de la

société, du droit, de la norme et, de manière indirecte, dans la création de cette dernière

(Section 2).

Section 1 : L’approche « normativiste » du droit, entre normes sociales et juridiques

19.- Afin d’introduire le propos et de rentrer dans le débat, il nous faut définir la notion

de norme, sociale comme juridique, ses modalités d’élaboration (§1) pour ensuite relativiser

certaines prénotions quant aux conditions de son existence (§2).

§1. La conception communément admise du droit, ensemble de règles, sociales et juridiques

20.- Qu’est-ce que la norme ? Selon le lexique des termes juridiques7, la norme est un

« terme synonyme de droit, de règle juridique, obligatoire, générale et impersonnelle ».

Impossible de définir directement la notion de norme, sinon par un synonyme.

21.- Cette question toute simple, « qu’est-ce que la norme ? », est finalement,

relativement complexe.

22.- En effet, la norme se divise en plusieurs branches. Certes se sont des règles, certes

elles apparaissent comme obligatoires, mais leurs provenances peuvent différer.

23.- On distingue de manière commune les normes sociales des normes juridiques.

24.- Tout d’abord, qu’est-ce que sont les normes sociales ? Ce sont, de manière générale,

des comportements prescrits par la société, qui sont internes à chaque personne, à chaque

individu, parti à la société.

7 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15

ème édition.

Le Droit et le Cinéma

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25.- Ainsi, ces normes sociales peuvent être en quelque sorte assimilées à la tradition, à la

coutume qui se définit par « l’ensemble des façons d’agir dans des situations usuelles

conformes au système de valeurs d’un groupe social ». C’est une sorte de guide pour orienter

les comportements. On peut citer par exemple la norme sociale selon laquelle l’homme doit

laisser passer la femme devant lui, devant une porte. C’est un usage, qui est intériorisé par

l’individu et qui connote une certaine habitude, forme de politesse, une socialisation.

26.- C’est aussi ce que Michel Troper appelle les contraintes juridiques8, dans sa théorie

réaliste de l’interprétation. La théorie des contraintes juridiques se définie comme « une

situation de fait dans laquelle un acteur du droit est conduit à adopter telle solution ou tel

comportement plutôt qu’une ou un autre, en raison de la configuration du système juridique

qu’il met en place ou dans lequel il opère9. » Les contraintes peuvent être de différentes

natures : il y a des contraintes sociales, culturelles, psychologiques, physiologiques, ou

résultant du système juridique.

27.- Ces contraintes de fait sont donc des normes sociales, qui ici ont un rôle de

déterminisme dans la décision du juge.

28.- Ces normes sociales peuvent être parfois tellement fortes qu’elles peuvent devenir du

droit. Et l’histoire nous montre bien, en particulier avec le droit coutumier, que ces habitudes

et traditions, au départ en dehors du droit lui-même, le deviennent par leur forte intégration

dans la société. Cette norme sociale devient alors une norme juridique, et c’est précisément la

deuxième branche de définition de la notion de norme.

29.- Qu’est-ce que la norme juridique ? Ce sont des lois, des règlements, qui sont édictés

par des autorités habilitées, spécialisées tel le législateur Elles sont organisée de façon

hiérarchique (règlement, loi, traité international et constitution).

30.- Ces normes juridiques forment le droit, qui se définit par un « ensemble de règles et

d’institutions qui fixent de façon officielle et sanctionnée par la puissance publique les façons

de se conduire, jugées légitimes à un moment donnée ».

31.- A la différence de la norme sociale qui indique ce qui est « normal », le droit, norme

juridique, indique lui ce qui est légal.

8 CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, TROPER, « Proposition pour une théorie des contraintes juridiques », in

Théorie des contraintes juridiques, Bruylant LGDJ, La pensée juridique, 2005. 9 CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, TROPER, « Proposition pour une théorie des contraintes juridiques », in

Théorie des contraintes juridiques, Bruylant LGDJ, La pensée juridique, 2005.p. 11.

Le Droit et le Cinéma

9

32.- Les normes juridiques ont un caractère impératif : le non-respect de ce droit, de la loi

ou du règlement entraîne une sanction qui sera alors donnée par des instances habilitées telles

que la police ou le juge.

33.- Mais la norme provient-elle réellement du législateur ? Selon la théorie légaliste, oui.

Aux termes de cette théorie, le législateur détient le monopole du sens de la loi. Il représente

« le modèle officiel du raisonnement juridique10

».

34.- Dans cette optique, l’interprétation faite par le juge est « déclarative et non

constitutive de sens : elle se borne à dévoiler une signification préexistante, enfouie dans la

lettre du texte, elle s’attache à décoder le message qu’y a inscrit l’auteur de la règle11

».

35.- Mais à cette théorie légaliste, classique, s’oppose les théories réalistes qui prennent

en compte « la contribution de l’interprète à l’élaboration du sens, et l’influence de

l’application de la loi sur son interprétation ».12

36.- Selon Michel Troper et sa théorie réaliste de l’interprétation, la norme n’est donc pas

en fait création du législateur, mais création du juge qui, par son pouvoir de juger et de rendre

des décisions, crée la véritable norme.

37.- Avec la théorie de Michel Troper, on passe donc de la conception d’un juge qui ne

devait et n’avait qu’à exécuter la loi, la faire appliquer, à un juge véritable créateur de la

norme.

38.- Ainsi se présentent les deux branches concernant l’origine de la norme.

39.- Mais cette norme n’est-elle le fait que des autorités habilitées, le législateur pour

certains, le juges pour d’autres ?

40.- N’y-a-t-il pas derrière cette machinerie juridique une trame de fond sociale ? Une

sorte de création de la norme non officielle, implicite, qui passe inaperçue car complètement

ancrée dans les habitudes des individus, sujets de la société ?

41.- Cette création de la norme, « non-officielle », se révèlerait donc à travers les codes,

les usages, et aussi à travers un outil efficace, les médias.

10

OST François et VAN DE KERKOVE Michel, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du

droit, Publication des Facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles, 2002, spéc. p. 385. 11

OST François et VAN DE KERKOVE Michel, ouvrage préc. Spéc. p386. 12

COTE Pierre-André, « Fonction légilsative et fonction interprétative : conceptions théoriques de leurs

rapports », in Amselek (P.), Interprétation et droit, Bruylant, Bruxelles, et Presses Universitaires d’Aix-

Marseille, 1995, pp. 189-199, spéc. p. 193.

Le Droit et le Cinéma

10

§2. La préexistence naturelle de la norme au droit

42.- Normes sociales et normes juridiques sont interdépendantes. La norme juridique est

le reflet de la norme sociale. Durkheim dira que le « droit n’est autre chose que cette

organisation sociale, même dans ce qu’elle a de plus stable et de plus précis ». La légalité

prend source dans la normalité. L’une des raisons pour lesquelles l’individu respecte la norme

juridique est parce qu’elle émane de la norme sociale. Toujours selon Emile Durkheim, on

peut dire qu’à tel type de droit correspond tel type de société. Dans sa démonstration,

Durkheim montrera qu’à la société traditionnelle qui est caractérisée par la solidarité

mécanique, correspondra un droit de nature répressive. En effet, dans ce type de société, la

ressemblance sociale est importante, et la conscience collective est forte, ainsi, la sanction ne

peut être que répressive.

43.- D’un autre côté, dans les sociétés contemporaines, modernes, à solidarité dite

organique, il y a une montée de l’individualisme, une différenciation sociale qui explique le

passage à un droit restitutif, qui ne concerne pas la conscience collective.

44.- Ainsi l’on peut voir avant la norme juridique l’existence d’une norme sociale, qui

répond à des codes, des usages, des habitudes et qui trouvent son influence dans les traditions,

les mœurs. Jean Carbonnier écrivit ainsi que le droit est plus petit que les relations entre les

hommes : les normes de politesse, d'honneur, d'éducation, sociales, ne sont pas

nécessairement des normes juridiques.

45.- La question est de savoir comment s’établissent ces usages, ces pensées, ces états de

société ?

46.- L’héritage culturel est en grande partie la source de mœurs d’une société, mais un

outil vient aussi prendre part au processus de création de la norme sociale, puis de manière

logique, ensuite juridique : les médias.

47.- En effet, les médias constituent des sources non négligeables d’influence sociale et

de socialisation. Ces mêmes médias contribuent aussi à structurer les environnements sociaux

et physiques.

48.- Depuis l’avènement des journaux quotidiens dès le 19ème

siècle, les médias ont suivi

les fluctuations des opinions. Les médias, comprenant chercheurs, essayistes ont de tous

temps répondu aux tourments des individus, ainsi qu’aux questions provenant des idéaux ou

événements de leur époque.

Le Droit et le Cinéma

11

49.- Ces travaux, qu’ils soient écrits, audiovisuels ou radiophoniques sont restés pour

certains dans les mémoires, prenant la forme d’idées reçues, qu’on ne pourrait pas contester,

même mis face à une réalité qui ne concorde pas, ou du moins pas encore.

50.- En croisant les études sur les médias, l’analyse des variations de l’esprit du temps,

des opinions dominantes, on arrive à cadrer plusieurs périodes allant des premières années du

20ème

siècle, jusqu’aux années 2000, avec l’arrivée du câble, du satellite, de l’ordinateur.

51.- Il apparaît aujourd’hui que les relations réciproques entre les médias et les sociétés

n’ont jamais été aussi perceptibles.

52.- Il y a clairement des influences réciproques entre les médias, et la nature du lien

social, la manière dont la société se définit, « comme un tout, une association, comme une

unité organique (Gemeinschaft ou Corporate), ou bien comme Societas (Gesellschaft ou

Partnership)13

.

53.- Ainsi, les médias peuvent influer sur le processus de changement, collectif et

individuel.

54.- Ils influencent premièrement les croyances et les attitudes individuelles, ils recadrent

ensuite le débat, en passant d’une vision individuelle à un champ sociopolitique, souvent avec

le concours des leaders d’opinions, et enfin, ils modèlent la norme sociale qui est entendue

comme collectivement acceptable et reconnue par un groupe, la société.

55.- Il y a donc clairement un façonnement médiatique des normes sociales, touchant

nombreux domaines : la santé, la sécurité, la justice, le droit en général.

56.- Ces médias exercent un rôle dans l’émergence et dans le renforcement de la norme et

touchent directement chaque individu de la société. Chaque personne, pour s’adapter à la

société, suit un processus de socialisation et ceci, tout au long de sa vie.

57.- Ces média viennent alors en quelque sorte, à travers les livres populaires, les

journaux, la télévision ou le cinéma, imposer une idée, un état de fait, considéré comme la

norme. Et à force d’un acharnement médiatique, qui n’est pas forcément violent, mais souvent

plutôt progressif et discret, la norme proposée par le média acquiert la qualité de norme

sociale, devient une habitude, de nouvelles mœurs et pourra alors devenir éventuellement une

norme juridique.

58.- En France, la sortie au cinéma est la pratique culturelle la plus communément

partagée.

13

BALLE Francis, Médias et Sociétés, Montchrestien, Lextenso éditions, 14ème

édition, p. 727.

Le Droit et le Cinéma

12

59.- En effet, 95 % d’entre nous se sont rendus au moins une fois dans leur vie dans une

salle de cinéma.

60.- Mais la diffusion et l’attachement qu’ont les gens vis-à-vis des films n’est pas à

cantonner au cinéma seulement. En effet, la télévision diffuse plus de 1000 films par an, ne

serait-ce que pour les chaînes nationales accessibles « en clair ».

61.- Et en allant plus loin dans le raisonnement, s’ajoutent de facto les chaînes câblées,

spécialisées et accessibles par abonnement, la Télévision Numérique Terrestre (TNT), la

Vidéo à la demande (VOD, Video On Demand), et évidemment les téléchargements sur

internet.

62.- De ce fait, l’art cinématographique existe réellement dans tous les supports actuels,

dits de haute technologie. Selon des études, chaque année, les français sont en moyenne

spectateurs d’environ 250 films à la télévision, et de 3 films au cinéma. Il ressort de cette

étude qu’en théorie et en moyenne, une personne âgée d’une quarantaine d’année a de fortes

chances d’avoir vu dans sa vie plusieurs milliers de films, avec attention ou distraitement.

63.- Ainsi, que ce soit de notre propre initiative ou non, notre culture individuelle et

collective, la norme sociale donc, est aujourd’hui éminemment issue du septième art, et passe

des grands et petits écrans à notre vie quotidienne d’individu parti à la société.

64.- Le cinéma a donc une influence notable sur la société ; il peut être créateur de la

norme sociale, et potentiellement donc des normes juridiques qui forment le droit, ensemble

de règles.

65.- Le cinéma apparaît par conséquent comme un réel témoin du droit : il reflète la

société autant qu’il influe sur elle, et apparaît indéniablement comme un vecteur de valeurs et

de normes.

Le Droit et le Cinéma

13

Section 2 : le cinéma, un art ambivalent, entre témoin du droit et vecteur de normes

66.- Le droit apparaît donc comme en filigrane du cinéma. Ce dernier reflète la société et

ses normes (§1) mais tient aussi le rôle de réel vecteur de valeurs et de normes qui formeront

potentiellement la règle de demain (§2).

§1. Le cinéma, un art témoin du droit procédant d’un processus initial de reflet de la société

67.- Nous avons posé supra le postulat selon lequel le droit est un ensemble de règles qui

régissent notre société. C’est un corps de normes. Et ces normes, parfois, passent du statut de

norme sociale à la qualité de norme juridique.

68.- Le droit est donc entendu, ici, dans nos propos, comme des règles, des usages, qui

seront potentiellement intégrés à la société pour en constituer une partie de son cadre

normatif.

69.- Ainsi, afin de montrer que le cinéma reflète le droit, et qu’il existe un lien entre les

deux, il est indéniablement nécessaire de partir de la base, à savoir que le cinéma reflète

d’abord la société, et donc logiquement le droit.

70.- Le cinéma, compris dans sa globalité, à l’instar de la littérature (notamment Balzac,

Au bonheur des Dames), ou d’autres forment d’arts, reflète la société dont il provient.

71.- Et l’on peut se rendre compte à travers l’analyse des différentes œuvres

cinématographiques, que ce dernier reflète la société d’un pays, d’une époque.

72.- Le cinéma nous l’avons vu est un moyen de communication, un média relativement

puissant car touchant un maximum de personnes, sujets de la société. Georges Friedmann et

Edgar Morin, dans la Revue internationale de filmologie de 1955 diront que « tout film,

même s’il est un film d’art, ou d’évasion, même s’il traite du rêve ou de la magie, doit être

traité comme une chose dont les caractéristiques sont capables de nous éclairer sur les zones

d’ombre de nos sociétés, zones qui constituent ce qu’en d’autres mots on appelle les

représentations, l’imaginaire, l’onirisme ou l’affectivité collective14

». Le cinéma est donc

aussi un art, ou selon Fernand Cadieux, « un art industriel », et derrière tout art, existent un

artiste, un créateur et une œuvre. Le cinéma est l’œuvre du cinéaste, et ce dernier, à travers

son travail, va imprimer à travers la caméra ses préoccupations, sa vision de la société, les

14

FRIEDMANN Georges, MORIN Edgar, Revue internationale de filmologie, 1955, p.23

Le Droit et le Cinéma

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problèmes posés par l’époque dans laquelle il évolue. A côté de cet aspect subjectif, où le

cinéaste donne sa vision de la société, d’autres ne font que raconter, objectivement. Les

intentions et les moyens sont donc nombreux, allant du débat, à l’information pure et simple.

73.- Ainsi, le cinéma éclaire à sa mesure notre société ou une société antérieure, il nous

donne de manière immédiate une idée de ce que nous sommes, il reflète les différentes

palettes d’opinions de la société, ses différentes mœurs, ses habitudes, ses usages, et en fait

soit une critique, soit laisse au spectateur le soin de faire la sienne propre.

74.- Et peu importe les genres cinématographiques, le résultat est le même. Les films

apparaissent comme de réels documents psychologiques : le film noir retracera les angoisses

dominantes où nombre de valeurs sont remises en question, tandis que d’autres films

insuffleront une certaine confiance, un certain espoir sur la situation de la société, tandis que

certains films reflèteront ce besoin de recul, ce besoin de sacré malgré un amenuisement

notable des croyances ; le succès du film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois (2010)

est plus qu’un film informatif sur l’assassinat des moines de Tibhirine, c’est aussi un besoin

du spectateur de se retrouver, le temps d’une séance, dans un calme ambiant, une sérénité

paradoxale vu le danger de mort imminent de ces moines. Cela reflète évidemment une

société qui a besoin de se poser, de réfléchir, une société qui va toujours plus vite, et dont les

valeurs passent en second plan. Et le succès du film est criant d’une vérité et d’un reflet d’une

société qui, au-delà de toute croyance, a tout de même besoin d’une parenthèse à une vie

quotidienne oppressante.

75.- La situation économique d’une société n’est pas non plus épargnée au cinéma. On

peut notamment entrevoir ces problèmes dans le film Wall Street (1987) d’Oliver Stone,

réalisateur engagé, qui dépeint en partie le Krach boursier de 1987, les préoccupations de

l’époque et les usages des traders. Et Oliver Stone réitère en 2010 avec la suite de Wall Street,

L’argent ne dort jamais¸ qui, là encore, dépeint la crise économique de 2008. Ainsi, le cinéma

reflète la société dans laquelle il évolue.

76.- La situation politique n’est pas non plus laissée pour compte, et Michael Moore est

un bon représentant de la critique de la politique américaine à travers le cinéma, que ce soit en

2002, avec Bowling for Columbine, qui s’appuie sur un fait divers, le massacre de 13

personnes par deux adolescents à la Columbine High School en 1999, et pose ainsi, un an

après les attentats du 11 septembre 2001, la question de la peur que les politiciens, les médias

véhiculent et sur cette industrie de l’armement qui s’avère meurtrière, et son pendant

Le Droit et le Cinéma

15

politique, la National Rifle Association ; ou que ce soit en 2004 à travers Fahrenheit 9/11, qui

pointe du doigt l’administration Bush, mettant en exergue les relations professionnelles liant

la famille Bush à la famille saoudienne de Ben Laden.

77.- Il traite de plus de l’action de la diplomatie américaine qui conduisit à la deuxième

guerre d’Irak.

78.- Moore mettra aussi en avant le fait que Disney finance la campagne de George W.

Bush à hauteur de 640 000 $.

79.- Le cinéma est donc un outil précieux pour véhiculer les préoccupations du moment,

pour refléter la mentalité d’une nation.

80.- Siegrfief Kracauer, sociologue et écrivain allemand15

(1889-1966), dans son ouvrage

De Caligari à Hitler de 1947, pose le postulat selon lequel la mentalité de la société est

reflétée au cinéma. Les cinéastes font partie de cette société et le succès des films démontre

que les spectateurs se sont reconnus dans le contenu des œuvres cinématographiques.

81.- A travers l’analyse des œuvres du cinéma allemand d’avant nazisme, Kracauer

montrera les « tourments de l’âme germanique ». En effet, tout film important d’avant 1933

est perçu comme annonçant la montée du nazisme. Par exemple, le film de Robert Wiene, Le

Cabinet du Docteur Caligari est symptomatique d’une production qui va accompagner

l’avènement d’Hitler au pouvoir.

82.- C’est donc une véritable sociologie du cinéma qui est mise en place avec une

véritable théorie du reflet formalisée par le théoricien soviétique Plekhanov.

83.- En effet, tout comme Max Weber traita de la sociologie de la musique, Kracauer se

pencha sur le cinéma « en tant que filtre imposé par ceux qui réalisent les films, à un réel,

dont ces œuvres ne sont qu’un des multiples reflets (…) De la sorte, même la fiction filmique

la plus artificielle qu’on puisse imaginer, faite de décors irréels, de comédiens habillés en

costumes improbables, de dialogue surjoués à l’extrême, est porteuse d’expressions propres à

caractériser une culture et une époque16

».

84.- Enfin, ce reflet de la société et du droit est prédominant dans les petites comédies,

qui mettent en scène des sujets de sociétés lambda, de la vie quotidienne, des divorces, des

mariages, des successions, le célibat, la famille, etc… (Le cœur des hommes de Marc Esposito

(2003), Les 3 frères de Didier Bourdon et Bernard Campan (1995)).

15

Entre autres, auteur de Nature of film, 1960, ouvrage le plus théorique de toutes ses œuvres. 16

ETHIS Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Broché , p. 53

Le Droit et le Cinéma

16

85.- Ainsi, que ce soit relatif aux agences matrimoniales (Je vous trouve très beau

d’Isabelle Mergault (2005)) ou à la mutation d’un fonctionnaire dans Bienvenue chez les

Chti’s de Dany Boon (2008), le cinéma nous offre une palette d’histoire qui ne font que

refléter la société telle qu’elle est.

86.- Le droit apparaît ainsi sous toutes ses formes : sociale, économique, politique,

sociologique, philosophique, et en soit, il peut être assimilé à un acteur récurrent du septième

art.

87.- Mais si le cinéma apparaît comme le reflet de la société, un témoin du droit, il

endosse aussi le rôle de vecteur de valeurs et de normes, au point d’influencer la société, la

poussant à changer, lentement mais sûrement, en marquant les esprits.

§2. Le cinéma, véritable vecteur de normes

88.- Le cinéma apparaît comme un objet ambivalent : on l’a dépeint reflet de la société,

mais il est aussi vecteur de valeurs et de normes qui fondent cette dernière.

89.- Cette action de véhiculer des normes, d’influer sur le cadre normatif de la société

s’est entrevu indirectement par l’intervention de l’Etat, la censure, et ceci dès la naissance de

cet art. Là où le théâtre, considéré comme plus élitiste, a réchappé, le cinéma s’est vu

contrôlé. Cette action négative étatique n’est guidée que par la peur que le septième art

véhicule des idées non-conformes aux « bonnes » mœurs, ou aux usages communément admis

par la société. Le cinéma serait donc influent ? Le cinéma pourrait donc modifier des

comportements ? Le cinéma aurait donc le pouvoir de faire évoluer, positivement ou

négativement, une société spectatrice ? La réponse est évidemment positive. Mais la censure

est mal vue, la censure reflète un certain autoritarisme mal perçu par l’opinion publique et de

ce fait, dès 1930, l’Etat prendra des mesures « positives » d’aide au cinéma, mais qui

porteront sur des films moralement irréprochables, véhiculant une image positive de la Nation

française.

90.- Le cinéma servira même à des fins de propagandes en URSS, dans l’Allemagne

nazie et l’Italie de Mussolini.

Le Droit et le Cinéma

17

91.- Dès 1920, on prend conscience que le cinéma peut influencer positivement le peuple

et devient ainsi un moyen de diffusion de la culture, notamment avec la création des « offices

du cinéma éducateur17

» ou les ciné-clubs.

92.- Le cinéma apparaît ensuite comme support d’un discours politique, moral, et même

support de propagande : on voit apparaître des projets, des réalisations, de la part de

défenseurs de l’intérêt général, le clergé catholique, la fédération anarchiste et en 1930 de la

CGT qui produira deux films réalisés par Jean Renoir. Après mai 68, le film politique prendra

un essor considérable et des collectifs produiront des films, diffusés dans certaines salles, en

dehors du circuit commercial traditionnel.

93.- Nous faisions part plus haut de l’existence d’une sociologie du cinéma : celle-ci

s’intéresse à l’influence positive ou négative qu’a le cinéma et s’appuie sur l’idée d’une

réception relativement passive et inconsciente ; c’est en quelque sorte une propagande

silencieuse et le cinéma est le mode de consommation idéal pour sa pleine efficacité, quelque

soit le thème, que ce soit l’étude de l’image de la femme, de l’homosexuel, de l’immigré.

94.- Mais le plus souvent, les réflexions sur l’influence du cinéma et sa participation à

l’évolution des mœurs, des mentalités, des opinions, proviennent des réalisateurs de cinéma

eux-mêmes, comme Pasolini.

95.- Le spectateur en vient à se poser la question de la normalité et de sa place dans cette

normalité et modifiera inconsciemment, ou pas, son comportement selon qu’il trouvera bien,

ou beau, ou mal, ce qu’il verra. Car le cinéma permet aussi de véhiculer le sens du beau, le

sens du bien, le sens de ce qui est juste et injuste, et qu’est-ce que le droit sinon toutes ces

notions18

?

96.- Stanley Cavell poursuivra cette réflexion en mettant en relief une trame morale qui

se retrouve de films en films et posant cette question : « le cinéma nous rend-il meilleur ? »,

« Le cinéma sait-il du bien ? ». Le cinéma véhicule une idée de vivre ensemble qui sous-tend

des valeurs, des normes.

97.- Mais est-ce que tous les films influencent-ils la société ? Au fond non. Et l’on

retrouve ici la différence entre « cinéma reflet » et « cinéma-vecteur ». Un film trouvé en

majorité « bon » par le public reflète les mœurs du moment, les usages (cinéma-reflet), tandis

17

PERRIN Charles et BORDE Raymond, Les Offices du cinéma éducateur et la survivance du muet, 1925 –

1940, Lyon, PUL, 1992. 18

BOURDIEU Pierre, La distinction, critique sociale du jugement, Broché.

Le Droit et le Cinéma

18

qu’un film dérangeant, critiqué, tente sûrement d’influencer le cours des choses et influer sur

les rapports sociaux (cinéma-vecteur).

98.- Un autre style de film exerce aussi une influence remarquable sur la société, la

norme, et donc le droit : ce sont les séries. Alors certes elles ne sont pas diffusées en salle

(quoique certaines sont adaptées au cinéma, telle que Sex and the city) mais l’idée est la

même : ces séries, en majorité américaines (les française étant quasi inexistantes, tant en

quantité qu’en qualité) arrivent directement chez l’individu, via la télévision, ou internet.

L’effet est donc plus grand que le cinéma puisqu’il touche ainsi beaucoup plus de monde, et

permet donc d’avoir un effet d’influence de masse plus large.

99.- Cela peut paraître « cliché » d’affirmer que ces séries américaines ont réussi à

imposer un modèle dit « américain » en France, ou ailleurs, reproduisant le mode de vie

diffusé à l’écran. En effet, les séries mettent en scène des conspirations nationales, des valeurs

familiales trop élargies, des gouvernements qui ont la vie dure.

100.- Mais voici que Wikileaks, professionnel des révélations d’informations officieuses

gouvernementales, avancent que ce cliché, au final, n’en est pas un.

101.- Alain Carrazé19

, met en exergue cette révélation et montre à quel point les séries

américaines peuvent influencer la société et construire la norme de demain.

102.- Nombreux sont les documents qui ont été révélés au public, embarrassant les

gouvernements qui ont des choses à cacher (à savoir : tous). Dans l’ensemble de ces

documents, est présent un mémo du département d’Etat américain (assimilable en France au

ministère des Affaires étrangères) qui énonce que les séries américaines diffusées en Arabie

Saoudite ont un poids considérable, affirmant même que la programmation de la série Friends

est plus efficace que n’importe quelles campagnes de propagande.

103.- On est dans une ouverture à des valeurs, de nouvelles valeurs, qui ne sont pas

encore totalement intégrées dans notre société, mais qui, depuis quelques années, par

l’intermédiaire entre autres de ces séries, prennent racine dans les consciences et les mœurs :

les problèmes relatifs au droit sont nombreux, que ce soit le statut des homosexuels et la

question de leur mariage, la notion de famille, ou la représentation des mères porteuses (pour

exemple, l’ex-petite amie de Ross, un personnage de la série Friends, se découvre lesbienne,

se marie avec sa nouvelle compagne, tandis que Phoebe servira de mère porteuse pour son

19

CARRAZE Alain, directeur du site 8 Art City.com

Le Droit et le Cinéma

19

frère). Voici donc un cocktail d’innovations, des rapports humains qui sont banalisés au point

d’asseoir de ce fait une normalité.

104.- Concernant l’évolution des mœurs, des mentalités, la série 24 heures chrono fait

dans l’avant-garde : bien avant l’élection de Barack Obama, premier président des Etats-Unis

noir, la série présente un président des Etats-Unis lui aussi noir. Ainsi, l’individu qui pouvait

soit ne s’être jamais posé la question, soit réfractaire, a pu se faire la représentation d’un

Président de couleur à la tête d’un des Etats les plus puissants du monde. De la même

manière, peut-être verra-t-on une femme Président des Etats-Unis, tout comme dans

Commander in chief relatant la mise au pouvoir de manière soudaine d’une femme, vice-

présidente, mère de famille, ce qui permet a fortiori de dresser un tableau de la femme active,

conciliant son rôle de mère de famille et son travail.

105.- Concernant le statut des homosexuels, il est aujourd’hui relativement bien intégré

dans la société. Mais ce ne fut pas tout le temps le cas. En revanche, dans les séries comme

Desperate Housewives, le couple homosexuel n’est pas un élément extraordinaire, ou

anormal. Il rentre complètement dans le cadre des valeurs et des normes, sans qu’on en fasse

un rebondissement à part entière dans le scénario. Cette « banalisation », cette indifférence ou

plutôt cette absence de traitement différent (qui renvoie donc à la non-discrimination visé par

l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme) ne peut qu’influencer le

téléspectateur dans sa vision du couple homosexuel et dans la construction de sa propre

« indifférence », de la banalisation et de l’acceptation des revendications qui sont celles de la

communauté homosexuelle de nos jours (en particulier relatives à la notion de famille

homosexuelle).

106.- Autre exemple criant, en 1980, le vice-président américain, Dan Quayle, avait

dénoncé la sitcom Murphy Brown sous prétexte que le personnage principal voulait avoir un

enfant en tant que mère célibataire. Ce qui choquait et ce qui provoquait le débat il y a une

trentaine d’année est aujourd’hui largement intégré dans la conscience collective.

107.- Le droit est aussi approché dans les séries judiciaire (New York Police Judiciaire de

Dick Wolf, Boston Justice de David E. Kelley), mettant en scène les avocats, leurs clients, sur

des problèmes qui ne sont pas nouveaux certes, mais qui sont au cœur du débat, comme le

droit à l’avortement ou le port d’arme aux Etats-Unis.

Le Droit et le Cinéma

20

108.- L’armée américaine avait même demandé aux producteurs de 24 heures chrono de

s’expliquer sur les nombreux recours à la torture dans la série. Pourtant Jack Bauer est un

personnage de fiction ; néanmoins, une justification s’imposait.

109.- Ainsi, à travers le cinéma, à travers les séries télévisées, des normes, des valeurs

prennent forment, et s’inscrivent dans la société pour devenir les normes qui demain seront

acceptées, banalisées et qui formeront le droit, accepté et appliqué.

110.- Outre cet aspect sociologique du droit, le cinéma est aussi un représentant important

de la justice et de son fonctionnement. Il est sûrement même le média et l’art à avoir le plus

représenté cette justice, que ce soit de manière authentique ou biaisée. C’est ce que nous

allons tenter d’analyser dans notre deuxième chapitre.

Le Droit et le Cinéma

21

Chapitre 2 : la justice à travers le cinéma : entre représentation

authentique et vulgarisation

111.- La justice est thème cinématographique récurrent au cinéma. Si le cinéma français

est peu friand de ce sujet de société, excepté entre les années 30 et les années 60, en revanche,

le cinéma américain lui en fait une représentation étoffée, parfois authentique, parfois vulgaire

(Section 1). La justice au cinéma s’entend donc de la représentation de l’appareil judiciaire et

des différentes représentations qui en sont faite, mais aussi de sa finalité répressive, à savoir la

prison, qui là aussi, participe à la création d’un véritable film de genre (Section 2).

Section 1 : la représentation cinématographique partiellement authentique de l’appareil

judiciaire et de ses acteurs

La représentation de la justice au cinéma passe par la représentation plus ou moins

déformante de l’appareil judiciaire (§1) ainsi que par celle de ses acteurs (§2).

§1. Les différentes représentations plus ou moins authentiques revêtues par la justice dans le

cinéma français et américain

112.- Qu’est-ce qu’un procès ? Selon Jean Tulard, c’est comme une pièce de théâtre ; le

procès a ses règles, ses acteurs, son intrigue. Le monde judiciaire offre ainsi divers ressorts,

tragiques, comiques, et ceux-ci ne manquent pas d’être exploités par le style théâtral20

.

113.- Mais qu’en est-il du cinéma ? Le cinéma nous renvoie aussi plusieurs

représentations de la justice: on aura soit à l’écran la représentation authentique ou partielle de

l’appareil judiciaire classique, avec le tribunal et ceux qui le composent, soit la représentation,

souvent utilisées, d’une justice dite « expéditive », mettant en scène des justiciers, seuls face

au crime, à l’injustice.

114.- Que ce soit Hollywood ou le cinéma français, les chefs d’œuvres ne manquent pas,

notamment avec Témoin à charge de Billy Wilder (1957) ou Douze hommes en colère de

Sidney Lumet (1957), mais une différence persiste : la représentation de l’appareil judiciaire

n’est pas la même en France qu’outre-Atlantique.

20

Entre autres Les Plaideurs, La Tête des autres, La Robe rouge

Le Droit et le Cinéma

22

115.- Cela ne tient pas au fonctionnement, aux rouages qui diffèrent entre les deux

systèmes. C’est plutôt dû au rapport qu’ont les individus avec la justice.

116.- Dans le cinéma français, il est fréquent de moquer les représentants, les défenseurs,

les institutions. A l’inverse, le cinéma américain ne cesse, lui, de montrer fièrement ses

institutions : le Pentagone, la Maison Blanche, la CIA. En France on ne sait rien de la

Direction de la Surveillance du Territoire, de l’Elysée, des Parlementaires.

117.- Ce rapport aux institutions se retrouve dans la représentation que les cinémas

Français et Américains font de la justice.

118.- A l’époque d’André Cayatte, les années 50, le cinéma français pratiquait ce qu’on

appelait « le film à thèse », comme Justice est faite (1950) et Nous sommes tous des assassins

(1952) d’André Cayatte ou Marie-Octobre de Julien Duvivier (1959). Le public français de

cette époque, public qui méconnaît en grande partie voire totalement le système judiciaire,

voyaient en ces films des thèses qui faisaient réfléchir, mais rien de plus. Pas d’engouement à

l’horizon.

119.- Cela persiste dans les années 60 ; en effet que ce soit La vérité d’Henri-Georges

Clouzot (1960) ou Le glaive et la balance d’André Cayatte (1963), ces deux films sont perçus

par le public comme, encore une fois, des films à thèse.

120.- En d’autres termes, ce genre de film n’est pas tellement reconnu, par manque de

précision du genre, par manque de connaissance du public. Et aujourd’hui encore, ce qu’on

appelle le film de prétoire n’attire pas beaucoup les spectateurs, et n’est pas un genre

énormément représenté dans le cinéma français. Au contraire, aux Etats-Unis, de nombreux

films relevant de ce genre sont devenus des classiques du cinéma hollywoodien.

121.- Il est en fait question de culture et d’histoire. En effet, les français ont toujours eu

un rapport difficile avec les représentants de l’ordre. A contrario, les américains, eux, ont

toujours mis en avant et vénéré leur système judiciaire. L’appareil judiciaire américain à

travers le cinéma apparaît donc comme une nécessité sociale.

122.- Les représentations de la justice dans le cinéma américain sont multiples.

123.- Le cinéma américain retranscrit à merveille cet « amour » pour son système

judiciaire, la Bible ainsi que la Constitution21

et ses amendements, qui y sont fréquemment

21

Jessica Lange dans Le facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson (1946) dira qu’elle ne peut être jugée

deux fois pour le même délit car « c’est écrit dans la Constitution ».

Le Droit et le Cinéma

23

présents, surtout les cinq premiers, relatifs aux libertés individuelles des citoyens et au

domaine judiciaire.

124.- Dans tous les films américains où l’agent de police interpelle et arrête le suspect,

pris en flagrant délit, comme dans Un justicier dans la ville de Michael Winner de 1974, le

rappel de ces droits fondamentaux, de ces amendements est quasiment automatique.

125.- C’est donc une question de culture, le spectateur américain connaissant le système

mieux que tout le monde, l’ayant appris depuis son jeune âge, à l’école. Ainsi, les sujets à

caractère judiciaire sont fréquents à l’écran et fonctionnent à merveille.

126.- La notion de vérité est au cœur de ces œuvres cinématographiques, et cela tient en

suspense l’américain cinéphile. Hitchcock l’avait compris, mettant en avant ce processus

judiciaire, révélateur de la vérité, dans Le faux coupable en 1957 ou dans La mort aux

trousses en 1959.

127.- Pour Hitchcock, il ne s’agit pas de représenter que le tribunal, mais il élargit son

œuvre à une problématique beaucoup plus générale, du bien et du mal, de la vérité et du

mensonge, de la culpabilité et du pardon.

128.- La justice apparaît au cinéma tel un récit, étant relativement utile pour éclairer

l’ensemble narratif qui se compose du moment du délit, puis du temps de l’enquête et de

l’instruction (Hercule Poirot), puis du procès en justice et enfin des suites du procès qui juge

le jugement lui-même, permettant de nouveaux rebondissements, que ce soit la vengeance, la

rédemption, etc…

129.- Le cinéma hollywoodien servira aussi à travers sa justice à contribuer à l’évolution

des mœurs, notamment avec Philadelphia de Jonathan Demme (1993) qui nous plonge dans

le milieu du droit, dans un cabinet d’avocat, où Andrew Beckett, brillant avocat, et amené à

une très belle carrière. Mais le jour où les associés d’Andrew Beckett découvre que ce dernier

est atteint du sida, ils prétextent un faute professionnelle pour justifier son renvoie. Andrew

décide alors de se battre et attaque le cabinet pour licenciement abusif. Le procès amène à la

question clé du film, qui est l’homosexualité d’Andrew Beckett et son acceptation par la

société et le milieu dans lequel il évolue.

130.- Une autre question a aussi beaucoup préoccupé le cinéma, c’est celle relative à la

peine de mort. José Giovanni, qui a lui-même fait l’expérience de la prison, traitera de la

question dans Deux hommes dans la ville (1973) avec Alain Delon et Jean Gabin et réalisera

un véritable plaidoyer contre la peine de mort. Cette dernière est critiquée dans la majorité des

Le Droit et le Cinéma

24

films. Sera mis en scène pour ce plaidoyer contre la peine de mort le personnage du faux

coupable comme dans Une robe noire pour un tueur de José Giovanni (1981), Le pull-over

rouge de Michel Drach (1979) ou Jugé coupable de Clint Eastwood (1998) comme le vrai

coupable dans Tu ne tueras point de Claude Autant-Lara (1988), De sang-froid de Richard

Brooks (1967) ou encore La dernière marche de Tim Robbins (1995). La peine de mort,

heureusement, va devenir un fait d’histoire. Petit à petit, les cinéastes dans le siècle auront du

mal à trouver les sujets de cette nature car c’est une période passée. La justice ne croît pas que

c’est en coupant un homme en deux qu’on fera passer l’œuvre du juge.

131.- On trouve comme autre représentation de la justice, la justice de l’Histoire avec les

procès politique : que ce soit Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1977), La passion de

Jeanne d’Arc de Carlo Th. Dreyer (1928), Le procès de Jeanne d’Arc de Robert Bresson

(1962) qui sont les deux adaptations qui ont le plus recherché l’authenticité, du procès de sa

condamnation de 1431 comme celui de réhabilitation de 1456, ou le tribunal de l’Inquisition

et ses différentes mises en scène, notamment Dies irae de Carlo Th. Dreyer (1943) qui

dénonce toutes formes de totalitarisme religieux et politique ; le cinéma nordique tranchera

entre erreur et vérité, mettant en images la machinerie lourde des instruments de torture. Le

cinéma traitera aussi des fusillés pour l’exemple de la guerre de 14-18 dans Les sentiers de la

gloire de Stanley Kubrick (1957), la caricature de justice ou la justice expéditive du

gouvernement de Pétain dans Section Spéciale de Costa-Gavras (1974) qui relate la création

par le gouvernement de Vichy d'une Cour spéciale pour juger les résistants ou présumés tels,

la justice qui condamne les crimes nazis dans Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer

(1961).

132.- Côté politique et mise en scène de procès public, on retrouve à travers le cinéma la

représentation de grandes affaires qui ont fait du bruit à leur époque ; c’est ici la

représentation d’erreurs judiciaire, que ce soit L’Affaire Dreyfus de José Ferrer (1958),

L’Affaire du courrier de Lyon de Claude Autant-Lara (1937), L’Affaire Seznec de Yves

Boisset (1992), L’Affaire Dominici de Claude Bernard-Aubert (1973) ou encore Le pull-over

rouge de Michel Drach relatant l’affaire Ranucci (1979).

133.- Le cinéma américain, est aussi friand d’une autre justice, que l’on pourrait appeler

une justice « justicière », mettant en scène un individu, seul contre tous, un véritable citoyen-

héros, qui est empreint indéniablement d’une certaine ambiguïté, comme par exemple Franck

Le Droit et le Cinéma

25

Capra avec Mr. Smith au Sénat (1939) ou encore L’extravagant Mr. Deeds (1936), ou Clint

Eastwood dans L’inspecteur Harry de Don Siegel (1971).

134.- Ces héros sont seul contre tous, et c’est là la définition du justicier : un homme face

à la conduite décadente d’un groupe ou de la société. Et les genres foisonnent, que ce soit sur

fond de class action avec Julia Roberts dans Erin Brokovitch de Steven Soderbergh, des

justiciers masqués ou déguisés tel X-Men de Brian Singer (2000), Batman Begins et Batman

The Dark Knight de Christopher Nolan ou encore Incassable de M Night Shyamalan (2000)

avec Bruce Willis dans le rôle du justicier.

135.- « Le justicier défend donc les principes de base d’un fantasme démocratique où tout

le monde a sa chance22

».

136.- Le cinéma transforme alors parfois cette justice « légale » en justice expéditive,

comme Clint Eastwood dans L’inspecteur Harry de Don Siegel (1971), Taxi Driver de Martin

Scorsese (1976), The Punisher de Jonathan Hensleigh (2003) ou encore Que justice soit faite

de F. Gary gray (2009). C’est véritablement une autre loi, celle du talion qui est appliquée ici,

et Harry Callahan dans Magnum Force résumera bien l’idée, répliquant : « « Qu’y a-t-il de

mal à tirer ? Tout dépend sur qui l’on tire… ».

137.- La même question de la légitimité pour rendre la justice s’était déjà fait entrevoir

dans les Westerns où la justice est une affaire d’uniforme, de fonction sociale, entre Bible,

Code et Colt.

138.- La représentation de la justice à travers le cinéma est alors diverse, elle s’adapte aux

genres et diffère selon les thèmes, les époques et les préoccupations de l’époque.

139.- Il est intéressant aussi d’analyser les acteurs de cette justice au cinéma et la

représentation qui peut en être faite, que ce soit en France ou aux Etats-Unis.

§2. Les acteurs de la justice et leurs représentations biaisées au cinéma

140.- Tout comme dans les films de cinéma, la justice a ses acteurs. Ces derniers jouent

un rôle, plus ou moins important, mais leur présence, récurrente, est nécessaire à l’histoire

mais aussi à une représentation plus ou moins fidèle de la justice au cinéma.

22

ORTOLI Philippe, Le glaive et la balance : le justicier dans le cinéma américain dans Cinémaction, La justice

à l’écran, p. 137.

Le Droit et le Cinéma

26

141.- Ainsi, à travers le juge, les avocats, les jurés, le cinéma véhiculent sa représentation

de la justice, qui semble être comme nous avons pu le voir, la représentation communément

admise que s’en fait la société. Evidemment, à l’instar de la représentation de la justice dans

sa globalité, la transcription de ses acteurs diffère selon le pays. Nous prendrons deux

exemples, la représentation française et américaine, qui encore une fois montre la

prédominance d’Hollywood dans ce film de genre.

142.- En effet, en France, la figure du juge au cinéma est montrée d’une certaine manière.

Elle ne paraît pas moquée, certes, mais le juge est souvent montré comme intransigeant,

tenace, comme a pu l’être Jean-Louis Trintignant dans Z de Costa-Gavras (1968).

143.- Le juge semble être un technicien inflexible du droit et peu sujet à attaques ou

perfidies. Il est droit et relativement distant. Et c’est précisément l’image que la société

française a de ses juges, des personnalités inaccessibles, hiérarchiquement importantes, les

magistrats ont toujours impressionné.

144.- Et puis il y a eu un changement d’attitude du cinéma par rapport au juge après les

années 70, lors des affaires du Nord de la France où les juges d’instruction ont été amenés à

juger des patrons d’entreprise. Le juge apparaît alors comme un contrepouvoir institutionnel.

Le juge passe d’une image de gardien de la loi, à un homme peu sympathique, sévère,

véritable porte de prison, en préfiguration du sort des coupables du tribunal.

145.- Il y a eu tout de même des juges à visage humain, confronté à une recherche de la

vérité, comme l’a incarné Patrick Dewaere dans Le juge Fayard de Yves Boisset, mettant en

scène l’histoire du Juge Renaud, assassiné en juillet 1975 pour avoir tenté d'établir les liens de

complicité existants entre le « gang des lyonnais », le service d'action civique (SAC) et des

policiers de droite et d'extrême droite.

146.- A l’inverse de la représentation française du juge au cinéma, le juge américain est

souvent présenté comme une figure paternelle, bon enfant et humaine comme Judge Priest de

John Ford (1934) et son remake, Le soleil brille pour tout le monde (1953) toujours de John

Ford. La plupart du temps, ce sont des êtres intègres comme Donald Crisp dans Terreur à

l’Ouest de Franck Lloyd (1939), ou loufoques, en représentation du célèbre Judge Roy Bean,

comme Walter Brennan dans Le cavalier du désert de William Wyler (1940). Cette

représentation qui diffère indéniablement de la représentation française fait partie d’une

logique générale de la justice américaine, vénérée, où les institutions sont mises en avant. De

Le Droit et le Cinéma

27

plus, le juge est élu en matière fédérale, il a donc des engagements politiques, des promesses,

un programme à respecter, ce qui implique de la part du peuple une certaine reconnaissance.

147.- Mais cette représentation positive du juge n’est pas non plus générale. En effet,

Charlie Chaplin présentera systématiquement des juges très maigres, durs, présentant une

justice de classe relavant d’un point du vue prolétaire, plus dickensien qu’américain.

148.- Le juge pourra aussi se comporter de manière hautaine comme dans Le procès

Paradine (1948) d’Alfred Hitchcock avec Charles Laughton, comme un être pervers, menteur

comme John Forsythe dans Justice pour tous de Norman Jewison (1979). Le juge pourra enfin

être enclin au fascisme (La nuit des juges de Peter Hyams, 1983) ou faire pacte avec Satan par

pur arrivisme (L’associé du diable de Taylor Hackford, 1997).

149.- Concernant un autre acteur récurrent de la justice au cinéma, l’avocat, là encore, sa

représentation diffère, selon le pays, mais aussi selon l’histoire.

150.- Dans le cinéma français, la représentation de l’avocat n’est pas vraiment

authentique ; elle dérive souvent dans l’excès et la caricature, comme dans Tout ça…pour ça !

de Claude Lelouch (1993) où l’on a l’avocat « Luchini » qui part dans une représentation

presque comique, burlesque faisant du tribunal une pièce de théâtre. Certes, il y a ce côté

« électron libre » de l’avocat qui n’est pas dénué d’une certaine vérité psychologique.

L’avocat est indépendant, mais la représentation de cette indépendance peut aller jusqu’au

n’importe quoi, donnant une image faussée des avocats. Reste dans la prestation une efficacité

rhétorique qui n’est toutefois pas négative.

151.- A côté de ce cliché de l’avocat, comédien comique ou dramatique, il y a celui de

l’avocat « Gabin », qui professe chez lui, dans un grand bureau ; il n’y a pas de distinction, de

dissociation entre l’individu et la fonction, comme dans En cas de malheur de Claude Autant-

Lara (1958). Jean Gabin évolue dans son bureau, en pantoufles, et la fameuse bouteille de

whisky non loin du bureau…

152.- Ces clichés d’avocats, ces caricatures de la fonction sont pour autant nécessaire. En

effet, la réalité n’est pas extrêmement attrayante, faite de formalité, de vocabulaire technique.

Mais parfois ce côté rébarbatif du droit, technique et peu accessible est mis en valeur pour

produire un résultat comique, enfermant encore les juristes dans un moule qui n’est pas non

plus dénué de vérité, comme dans Les 3 frères de Didier Bourdon et Bernard Campan (1995)

et qui met en scène un notaire au vocabulaire juridique exacerbé, incompris de ces trois frères

qui s’en prennent à lui de manière comique en lui administrant à chaque mot technique tel que

Le Droit et le Cinéma

28

« usufruit de votre quote part entière indivisée », « codicille », « parties héritières et utérines »

ou encore « les émoluments compensatoires » une gifle en guise de défouloir.

153.- Il est vrai que le vocabulaire, hormis dans le genre comique, n’aura pas d’impact

sur le public. Et le cinéma qui « n’est pas fait pour endormir le spectateur » comme le

rappellera José Giovanni, doit vulgariser ce droit, nécessairement. Mais la vulgarisation ne

doit pas être confondue avec la confusion de système. En effet comme dans Tellement

proches de Eric Toledano, de jeunes délinquants s’adressent à leur avocat commis d’office en

lui disant « Votre honneur, les flics ne m’ont même pas lu mes droits ». Et cette confusion

volontaire dans le film se perçoit dans la réalité. La justice française étant tellement floue dans

l’esprit de l’individu, ce dernier se réfère à ce qui le touche de plus près : le système judiciaire

américain.

154.- A l’inverse du cinéma français, le cinéma américain n’aura pas la même approche

du droit, et l’avocat apparaîtra de manière plus glorieuse, mieux représenté, mieux mis en

valeur, ou parfois pas, mais évitera l’écueil du comique pour faire accepter la fonction.

155.- Plusieurs représentations de l’avocat sont faites dans le cinéma américain. On

trouvera le vieil avocat expérimenté, maître dans l’art de la plaidoirie, dans l’art de la

manipulation des témoins, des jurés comme James Stewart dans Autopsie d’un meurtre de

Otto Preminger (1959) ou Clarence Darrow dans Procès de singe de Stanley Kramer (1960)

et, réussissant même à émouvoir le procureur comme dans Le génie du mal de Richard

Fleisher (1958).

156.- L’avocat peut aussi apparaître cynique qui contemple avec mépris et de manière

désabusée, malgré sa fonction qui fait partie du système, le rituel de la justice. On retrouve

cette figure dans L’idéaliste de Coppola (1998).

157.- Ces deux représentations, le vieil avocat expérimenté, ou le cynique, sont le résultat

d’une autre représentation, celle de l’idéaliste, déçu, qui, au départ, jeune et naïf, défenseur du

faible, de l’opprimé a fois en la justice et ses valeurs, défendant leur idéal comme Tom Cruise

dans La firme de Syndey Pollack (1992) ou Keanu Reeves dans L’associé du Diable de

Taylor Hackford (1997). Ces jeunes avocats sont confrontés à des problèmes de conscience ;

empreint de fragilité, le milieu est cruel, les amenant souvent à une certaine déception et les

transformant en héros désabusés comme Paul Newman dans Le verdict de Sydney Lumet

(1983).

Le Droit et le Cinéma

29

158.- La femme avocat est aussi représentée dans le cinéma américain, beaucoup plus que

dans le cinéma français. Charlotte Rampling dans Le verdict de Sydney Lumet (1983) ou

encore Demi Moore dans Des hommes d’honneur de Rob Reiner (1992) où est mis en avant

son incapacité à gérer toute seule l’affaire et sur ses erreurs. Là encore, le statut de la femme

au sein de la profession est débattu. On retrouve enfin Julia Roberts dans Erin Brockovitch qui

redore l’image de la femme dans la profession d’avocat en emportant une affaire relative à la

pollution de l’environnement, via une class action, pratique qui ne manquera pas de se

multiplier suite à la diffusion du film au cinéma.

159.- Enfin, l’avocat est représenté parfois comme un « requin », prêt à adopter des

manœuvres en dehors de toute éthique du métier, intéressé uniquement par l’argent, ou encore

manipulateur, ou encore peu regardant des affaires, pourvu qu’il y ait de l’activité, comme

Denzel Washington dans Phildelphia de Jonathan Demme, sorti en 1993. Avant de défendre

une cause juste, il se faisait chasseur d’ambulance, prêt à répondre à la demande excessive de

certains citoyens américains considérant leurs droits bafoués, ou encore Al Pacino dans

L’associé du Diable de Taylor Hackford où le Diable en personne choisi le métier d’avocat

pour répandre le Mal. Woody Allen dans Maudite Aphrodite (1995) fait dire à Cassandre « Je

vois un désastre. Je vois une catastrophe. Pire, je vois des avocats ! », ce qui est révélateur

d’un certain point de vue que le cinéma américain ne s’est pas gêné d’utiliser.

160.- Ainsi, a posteriori, en analysant la représentation qu’ont pu avoir les avocats au

cinéma, on se rend compte que cette profession semble se composer uniquement d’avocats

américains, et que les affaires traitées sont à prédominance criminelle. Tandis que cette figure

se fait plutôt rare dans la cinématographie française, ou en tout cas, ne bénéficie pas d’une

démonstration équivalente.

161.- Enfin, un autre acteur de la justice trouve un rôle au cinéma, c’est celui des jurés. Et

ce n’est pas n’importe quel acteur, car c’est un représentant direct du peuple. Là où après la

prestation du juge et de l’avocat, le spectateur ne sait plus à qui se fier (juge peu sympathique,

avocat manipulateur), c’est sur les jurés que repose la justice, et le cinéma sait très bien mettre

en scène ce troisième acteur déterminant. Et le film le plus représentatif de cet aspect de la

justice est Les douze hommes en colère de Sidney Lumet (1957).

162.- Ces douze hommes, tous jurés, ont une mission, une responsabilité importante :

décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. De la même manière que dans Procès

de singe de Stanley Kramer (1960), le choix des jurés est donc déterminant. Ces derniers sont

Le Droit et le Cinéma

30

montrés extrêmement attentifs. Ils font la part des choses, face à des hommes de lois qui

essaient quelque fois, de profiter de leur crédulité, de leurs émotions. En effet, dans le système

français, les jurés délibèrent, depuis 1941, avec les magistrats. Dans Verdict, Jean Gabin, le

magistrat, effectuera une sorte de plaidoirie aux jurés sur l’article 353 du Code de procédure

pénale, une manipulation magistrale, voire un cours de droit sur l’intime conviction. En effet,

dans le film, il n’est pas indépendant. C’est de sa femme dont il est question. Dans Douze

hommes en colère, les jurés n’atteignent pas l’unanimité et le verdict ne peut être rendu. Ce

verdict est rendu par douze hommes avec chacun leur caractéristique : un fonctionnaire, un

capitaliste, un publiciste, un amateur de baseball, un raciste, un immigré…

163.- Le verdict est celui de la communauté, et au moment de leur décision, la mise en

scène est toujours extrêmement solennelle.

164.- Contrairement aux avocats ou aux juges qui peuvent décevoir, les jurés aux Etats-

Unis, eux, ont toujours le bon rôle. Ils réfléchissent toujours avec honnêteté, ils sont intègres

et renvoient ainsi au cinquième et sixième amendement de la Constitution de leur pays.

165.- « Les films de prétoire par le comportement de certains de leurs protagonistes

peuvent parfois laisser douter du succès de l’entreprise, mais jamais quant au fonctionnement

de l’appareil judiciaire lui-même. Le peuple, à travers les jurés, se porte donc garant de

l’efficacité de cette institution23

». D’où la forte condamnation des diverses formes de

lynchage dans des films comme Furie de Fritz Lang (1936) ou L’étrange incident de William

A. Wallman (1943).

166.- Ainsi la justice peut être représentée au cinéma dans sa globalité, à travers les

différentes justices qui peuvent être administrées, ou de manière détaillée, à travers les

personnages récurrents de ces représentations, que ce soit les juges, les avocats ou les jurés.

167.- Le cinéma dresse ainsi un tableau d’une justice pas toujours fidèlement retranscrite

sur l’écran, mais qui répond aux nécessités du septième art. Son but reste la découverte d’un

domaine plus ou moins connu selon les pays, et l’information sur les grands débats judiciaires

qui ont marqué les époques.

168.- La justice, c’est aussi l’après procès, l’après tribunal. Alors il n’est plus question de

juge, d’avocats, et de jurés. Ces derniers laissent la place à une autre scène, un autre décor, de

23

Cinémaction, La justice à l’écran.

Le Droit et le Cinéma

31

nouveaux personnages. Il est question ici de l’univers carcéral, de sa représentation

cinématographique et des débats que cela peut poser a posteriori.

Section 2 : la prison sur grand écran, un cinéma de genre réaliste

169.- Le droit, c’est la société, c’est la justice, ce sont les avocats, les juges, le système

judiciaire dans sa globalité, mais c’est aussi la prison, un monde à part, une société dans la

société, et le cinéma en fait un film de genre, une représentation (§1), sa représentation, celle

des réalisateurs, et par conséquent, l’image véhiculée des prisons à travers le cinéma est

indéniablement biaisée (§2). Car réaliser un film réaliste ne signifie pas réaliser le réel lui-

même.

§1. Les représentations diverses et variées de la prison au cinéma

170.- Le film de prison ne date pas d’hier. En effet, dès 1917, Charlie Chaplin réalise

Charlot s’évade et à partir des années 30, les films de prison n’ont fait que se multiplier. Cela

devient un film de genre, à part entière : on observe à travers ces films une récurrence, au

niveau des thèmes, des personnages.

171.- Ce film de genre est très éclectique, on a autant de grands films comme La grande

évasion de John Sturges (1963), que de la science-fiction avec Alien 3 de David Fincher

(1992), du fantastique avec Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban d’Alfonso Cuaron, de la

série B avec Wedlock de Lewis Teague (1991), de la comédie avec Plein la gueule de Robert

Alrich (1974) ou encore une comédie musique avec Elvis Presley, The jailhouse rock (Le rock

du bagne) (1957).

172.- A travers tous ces films, ce qui semble être récurrent est la dénonciation d’une

société, de son dysfonctionnement et la création, au sein même de ce monde à part, d’une

autre société, une contre-société, qui apparaît ainsi un peu comme la face cachée de la

démocratie. Et cette observation se vérifie le plus aux Etats-Unis : en effet, le film carcéral

met en avant sans complexe le « bon fonctionnement » de la justice américaine, la mise hors-

circuit d’individus considérés comme dangereux. Mais au-delà, cela montre la mise en place

de cette société carcérale, ce microcosme du monde extérieur. Le film de prison change au fil

Le Droit et le Cinéma

32

du temps, tout comme la société et son rapport avec l’univers carcéral. Dès le 19ème

siècle, la

criminalité est montrée du doigt à travers les films, puis au 20ème

siècle s’attachera à cet

univers clos qu’est la prison et dont le condamné tente parfois d’échapper, par tous moyens.

173.- Le genre se développe donc à travers les années avec dans les années 60 une

coupure en relation avec une remise en cause du cinéma d’outre-Atlantique, une période

appelée « Nouvelle Vague » qui verra déferler de nombreux films du genre faisant de la

prison un monde à part dans le cinéma et dans la société, mais aussi un puissant film de genre,

attirant car ce monde reste mystérieux.

174.- Tout comme les autres œuvres cinématographiques, le film carcéral s’attache à la

vie réelle et fait preuve d’un véritable réalisme. Dès 1929, comme le souligne Penny Starfield

dans la revue Cinémaction, après les émeutes dans les prisons d’Auburn et de Dannemore,

apparaissent divers films sur les prisons tels que Big House de George W. Hill (1930), Up the

river de John Ford (1930) ou Le code criminel de Howard Hawks (1931).

175.- Soit le film de prison est adapté d’une histoire authentique comme Je suis un évadé

de Mervyn LeRoy (1932), Le prisonnier d’Alcatraz de John Frankenheimer (1962) ou

L’évadé d’Alcatraz de Don Siegel (1979) ou encore Meurtre à Alcatraz de Marc Rocco

(1995), soit c’est adapté d’un roman autobiographique comme Le récidiviste de Ulu Grosbard

(1978), soit c’est une pure invention.

176.- Tout ceci est spécifiquement fait pour produire un film réaliste, et il n’est pas rare,

notamment dans Le code criminel de Howard Hawks (1931) que des détenus aident et

conseillent et jouent dans ce film de genre, afin de produire un film réaliste, tout comme Dog

Pound de Kim Chapiron (2010), qui met en scène de vrais détenus, frisant le documentaire et

dépeignant le quotidien de prisonniers pas toujours évident à vivre.

177.- Outre le scénario, outre les attitudes, le lieu permet aussi de rendre le film de prison

réaliste, et de véritables prisons serviront aux décors du film comme la prison d’Alcatraz ou la

prison de Folsom.

178.- Les westerns permettent aussi de mettre en image la prison qui est intégrée à la

structure générale de ce film de genre tout comme l’univers carcéral trouve sa place dans la

société : la prison est présente, proche de ceux qui font la justice, proche de la communauté.

Est alors mis en exergue à travers ces représentations le rapport que peuvent avoir les

individus avec la prison et le prisonnier : celui-ci n’est plus homme, il devient objet de la

Le Droit et le Cinéma

33

justice, pouvant être soumis à humiliation, lynchage voire à la propre justice des citoyens,

notamment dans Le train sifflera trois fois de Fred Zinnerman (1952).

179.- Certaines prisons sont aussi représentatives en elles-mêmes de l’image qu’a ou qu’a

eu la société du prisonnier et de la prison : dans Le reptile, la prison se situe en plein milieu du

désert, dans Le prisonnier d’Alcatraz, la prison se situe à Alcatraz, sur un rocher, à l’extérieur

de la société mais toujours en évidence, car la prison est aussi un moyen de montrer la justice,

de montrer le droit, de dissuader les individus qui seraient tenter de dévier de la norme légale

de le faire.

180.- La prison est donc représentée comme un véritable lieu de l’exclusion extrême ; ce

sont les oubliettes de la société.

181.- La prison est aussi montrée comme un lieu de perversion, un endroit où l’on rentre

mais où l’on ne s’améliore pas. Ainsi, un jeune délinquant, incarcéré pour un délit mineur,

sera confronté à de véritables criminels, et de ce fait, devra s’endurcir comme dans Animal

Factory de Steve Buscemi (2000) ou Luke la main froide de Stuart Rosenberg (1967).

L’individu est donc obligé de s’endurcir comme Tim Robbins condamné à tort dans Les

évadés. La prison au cinéma pousse aussi l’homme dans la folie, voire dans le meurtre comme

dans Meurtre à Alcatraz où le personnage, devenu fou après tortures physiques et

psychologiques en vient à tuer un autre prisonnier.

182.- La prison au cinéma est tellement perverse qu’elle en devient même contagieuse,

faisant du directeur du pénitencier dans Le reptile de Joseph L. Mankiewicz (1970) un malfrat

à son tour.

183.- Tout ceci conduit à la perception par la société d’une prison plus dangereuse que

ses prisonniers, et à travers les films de la fin des années 60, la nécessité de réformes se fait

sentir. Un manque de communication est perçu entre le détenu et le directeur de la prison,

pointant du doigt un « fossé entre les générations24

».

184.- Dans les années 70, les détenus sont enfin dépeints comme des hommes et non

comme des bêtes sauvages que la prison transforme comme telles (Animal Factory).

185.- Sera enfin dénoncé les conditions de détentions des détenus à travers le cinéma,

comme dans Meurtre à Alcatraz.

186.- La représentation de la prison au cinéma, c’est aussi la représentation des

prisonniers et de leurs origines. Il faudra attendre les années 70 pour avoir une mixité

24

Termes repris par le personnage principal dans Le reptile

Le Droit et le Cinéma

34

ethnique à l’écran, mais aussi une mixité dans les orientations sexuelles déjà perceptible dans

la société de l’époque: ainsi, le film Les évadés d’Alcatraz présentera un noir ainsi qu’un

homosexuel.

187.- Enfin, le film de prison nous présente un monde le plus souvent très étriqué, limité

et sans direction. La privation de liberté d’aller et venir y est bien représentée, souvent à

travers l’image de petites cellules, de petits couloirs, face à un monde vaste, grand.

188.- Est aussi mis en avant, et cela est récurrent dans les films du genre, la privation de

vie privée : les détenus sont donc plusieurs par cellules, même parfois trop, ne laissant aucune

intimité possible. La vie sexuelle est aussi une préoccupation du cinéma carcéral, les détenus

étant la plupart du temps masculin et faisant de la femme une distraction ponctuelle. Jamais

l’image d’un couple n’a fait l’affiche et les rapports sexuels sont présentés la plupart du temps

comme forcés, soit entre détenus, soit par le personnel pénitencier comme dans Animal

Factory.

189.- Enfin, dans ce monde étriqué, sale, insalubre, humide souvent, avec des cellules aux

murs crevassés, à la peinture écaillée, aux cours ultra surveillées, enclos de fil de fer ramenant

l’homme à un animal, la seule solution semble l’évasion (Les évadés, O’Brother de Joel et

Ethan Coen, 2000).

190.- Ainsi, au fil des films, au fil des époques, le regard que l’on pourra porter sur

l’univers carcéral changera. Mais le film de prison restera toujours très réaliste, soucieux

d’envoyer, le temps d’une séance le spectateur en prison. Mais si le film de prison donne une

image réaliste de l’univers pénitencier, ce n’est pas pour autant qu’il présente le réel.

§2. Le film de prison, un cinéma réaliste ne procédant pas du réel

191.- Combien sont les gens qui, le temps d’une séance, pendant deux heures en

moyenne, auront eu l’impression, à travers les films de prisons, notamment les plus récents,

d’avoir ressenti ce que pouvaient ressentir les détenus ? Combien sont les gens qui auront eu

une « expérience carcérale par fiction interposée25

», pensant avoir passé deux heures en

prison ?

25

CHARLES Catherine, présidente de l’ARPPI (Association pour le respect des proches de personnes

incarcérées), Prison Berk, critique de Un Prophète de Jacques Audiard (2009)

Le Droit et le Cinéma

35

192.- Ces gens-là sont nombreux, et ce sentiment n’est en soit pas condamnable car le

public n’a en fait que le cinéma comme reflet des prisons. Et de ce fait, l’individu

s’abandonne complètement à ce qui lui est fourni par le réalisateur, pensant réellement que ce

qu’il voit, c’est la réalité. Et pourtant, non. Ce qu’il voit, c’est une fiction réaliste. Et ce qui

est réaliste n’est pas pour autant réel.

193.- Et cette recherche continuelle de réalisme, qui demande toutefois un certain art, fait

tomber le cinéma dans la démesure ; ainsi, la majeure partie du temps, l’on se retrouve avec

des films très réalistes mais qui véhiculent des clichés, des images qu’a la société de la prison

et de ses détenus.

194.- Et ces films de prison, films de genres, ne manquent pas de succès. Comme aux

Etats-Unis, notamment avec les séries télévisées, comme Prison Break, qui a tenu en haleine

le temps d’une saison, soit 23 épisodes en moyenne, les spectateurs qui étaient plongés dans

ce milieu carcéral, dur, sans pitié.

195.- En France, deux films ont récemment étaient récompensés : Cellule 211 de Daniel

Monzón (2008) récompensé de huit Goya et Un Prophète de Jacques Audiard (2009)

récompensé de neuf César.

196.- Et Le Prophète est apparu comme le film dépeignant la prison dans toute sa réalité,

transportant le spectateur directement à la place du protagoniste principal, Malik, algérien, qui

depuis son jeune âge fut placé dans des foyers. Il est analphabète et part déjà dans la vie avec

des blessures qui exacerbent en lui une violence qui le mènera en prison pour six ans,

récidivant en agressant un policier à l’arme blanche. Il a alors 19 ans.

197.- Et c’est à peine s’il est arrivé que déjà la violence se fait sentir, un peu partout dans

la prison.

198.- La loi qui règne est la loi du plus fort. Y est présentée la corruption des surveillants

pénitenciers, est représenté le système mafieux qui est un reflet et un continuateur du système

mafieux de la société elle-même dans ce qu’elle a de plus dangereux. Sont dépeints les trafics,

les règlements de compte et très vite le personnage, Malik, doit se trouver un clan, car en

prison, ou plutôt dans la représentation qui en est faite, le nombre fait la force et pour

survivre, il faut trouver un groupe.

199.- Il y a le clan des Corses, celui des musulmans. Ce seront les Corses qui mettront la

main sur Malik qui deviendra alors leur homme de main, leur larbin. En contrepartie, Malik

sera tranquille, il pourra manger, avoir des « extras » et les surveillants ne l’ennuieront pas.

Le Droit et le Cinéma

36

200.- Jacques Audiard nous livre ici une représentation que l’on pourrait tous avoir, que

l’on pourrait tous acquiescer. Mais c’est une fiction réaliste. Un réalisme trompeur. Et c’est en

analysant points par points le film que l’on peut arriver à cette conclusion.

201.- Concernant cette image des clans, est-ce bien comme cela que cela se passe ? Y a-t-

il un regroupement qui s’opère selon les origines ?

202.- Dans la réalité, les cellules sont attribuées à chaque détenu de manière aléatoire et

les regroupements communautaires sont évités. Le film d’Audiard parle de solidarité ethnique

mais la solidarité entre détenus d’origines différentes ne semble pas exister. En prison, dans la

réalité, selon Milko Paris, président de l’association Ban Public qui s’occupe de la

communication sur les prisons et l’incarcération en Europe, et ancien détenu, il est fréquent de

se faire des amis alors même que les origines sont différentes.

203.- En ce qui concerne le fait que ce jeune délinquant, qui a été condamné à une peine

de six ans pour avoir agresser un policier à l’arme blanche, côtoie de grands criminels,

condamnés à perpétuité, est encore là éloigné de la réalité des choses.

204.- En France, on divise la prison en trois types d’établissements : les condamnés à de

courtes peines sont dans les maisons d’arrêts ; les individus qui ont les plus grandes chances

de réinsertion sont placés dans des centres de détention et enfin, ceux qui écopent d’une

lourde peine, comme la perpétuité se retrouvent dans les centrales.

205.- Dans le film, Malik rencontre un Corse qui va purger une longue peine, et qui a

sûrement commis autre chose qu’un petit acte de délinquance. Avant l’instruction, chaque

futur détenu passe par une maison d’arrêt, dans lesquelles les détenus les plus dangereux sont

placés en quartier d’isolement. Il ne se peut pas par conséquent, si l’on veut être fidèle à la

réalité de la prison, que Malik rencontre ce Corse et prépare ainsi un meurtre dans

l’établissement.

206.- On peut aussi apercevoir l’influence qu’ont certains détenus sur les surveillants.

Dans la réalité cela est possible, surtout quand le détenu possède à l’extérieur de la prison un

réseau qui menace le surveillant et sa famille. Mais la plupart du temps, c’est l’inverse qui se

passe. « Les surveillants instrumentalisent les détenus » comme en témoigne Milko Paris, ils

peuvent lancer une rumeur pour créer une rixe entre les détenus.

207.- Ensuite, dans le film, une liberté de mouvement est notable. Beaucoup se baladent

dans les couloirs, discutent, etc… Pourtant, dans une centrale, cela est impossible, tout

simplement car les portes des cellules sont fermées. Les détenus étant considérés comme

Le Droit et le Cinéma

37

dangereux, la surveillance est accrue. En revanche, si un détenu fait état d’une bonne

conduite, alors il pourra avoir un régime plus souple concernant la surveillance, pouvant

même jusqu’à obtenir la clé de sa cellule pour se mouvoir comme il en aura envie. Mais

l’image du film n’est pas en accord avec la réalité.

208.- Un Prophète représente aussi une violence accrue, courante. Malik se fait passer à

tabac, tue un codétenu et organise une descente sur une personne retenant son ami à

l’extérieur. Pourtant, toujours selon Milko Paris, ce n’est pas le cas dans la réalité. Les

détenus qui ont pris le plus d’années de condamnation ont un comportement souvent

irréprochable ; pas de violence impulsive. Comme le dit Catherine Charles, présidente de

l’ARPPI (Association pour le respect des proches de personnes incarcérées), « exempte de

spectaculaire, la prison centrale est toute en violence contenue ». En effet la violence est

permanente, diffuse. Les règlements entre mafieux appartiennent à la fiction.

209.- La permission accordée au personnage, une permission de douze heures, lui permet

de voir ses amis, de se faire braquer, de secourir un corse et d’aller récupérer vingt-cinq kilos

de drogue sur une aire d’autoroute, dans des toilettes. Pourtant, dans la réalité, il n’y a pas

beaucoup de centrale en périphérie de Paris, ce qui signifie qu’en moyenne, le temps de trajets

est d’au moins six heures, soit la moitié du temps de permission.

210.- Dans Un prophète, la prison apparaît, comme dans beaucoup d’autres films du

genre, comme un endroit où l’on renforce sa violence, sa délinquance et d’où l’on sort encore

plus dangereux, encore plus expérimenté. Certes, comme le dira José Giovanni, certaines

techniques de vols de voitures, certaines expériences sont partagées et sont ingérées par les

détenus, mais rien de tel que ce que l’on peut voir dans les films de prison en général.

211.- Car c’est enfin de réhabilitation dont il est question. La prison a tout de même pour

but la réinsertion sociale. Comme le souligne Béatrice Belda dans sa thèse Les droits de

l’Homme des personnes privées de liberté, Contribution à l’étude du pouvoir normatif de la

Cour européenne des droits de l’Homme, « plus que d’une simple évolution de la conception

de la privation de liberté, de sa finalité, c’est une nouvelle mission qui est assignée, en France,

à la peine privative de liberté et ainsi à l’administration pénitentiaire : la resocialisation du

détenu26

. » José Giovanni, cinéaste reconnu, témoigne lui-même dans ses mémoires publiés

en 2002, « certains sortent des grandes écoles, moi je sortais de la centrale de Melun. Sans

26

BELDA Béatrice, Les droits de l’Homme des personnes privées de liberté, Contribution à l’étude du pouvoir

normatif de la Cour européenne des droits de l’Homme, Bruylant, 2010, p. 329.

Le Droit et le Cinéma

38

argent, sans métier, alourdi d’un casier judiciaire, entravé par une interdiction de séjour, je ne

pouvais pas regarder plus bas, il ne me restait plus qu’à regarder vers le haut27

». Et pourtant,

à travers les films du genre, dans leur majorité, la prison n’est pas une école de la vie, mais

une école du crime. Où sont les cours d’économie, de droit que certains détenus suivent ? Où

sont les ateliers de réflexion ? Où sont ces détenus qui cherchent à s’en sortir, à se recadrer,

ceux qui ont un pied à l’extérieur par leurs contributions intellectuelles ? Car la prison, ce

n’est pas ce qu’est dépeint. Jacques Audiard fera intervenir cet aspect d’éducation tardive

dans son film que très brièvement : oui, Malik suivra des cours d’économie. Mais le

spectateur retient-il ce détail ? Non. Ce qui reste, c’est la violence, c’est la subversion opérée

par la prison.

212.- Peut-on en vouloir au cinéma ? Peut-on lui reprocher cette absence de réel dans ces

films ? Au final non. Car le cinéma est là pour nous faire évader, un moment, de la vie réelle.

Il est là pour nous déconnecter, du moment où l’on s’assoit sur ce fauteuil rouge, jusqu’au

moment où l’on s’en détache, souvent la tête encore dans la toile, redevenue blanche.

213.- Le cinéma n’a donc pas, en soit, l’obligation de retranscrire réellement le droit, la

société, la justice. Ce n’est pas son rôle, et ce n’est pas ce qu’on lui demande.

214.- Néanmoins, il participe indirectement à la culture d’une ignorance, pire, la culture

d’une idée fausse. A contrario, il a le mérite, au moins, contrairement à d’autres médias qui

passent sous silence les vrais problèmes de la société, d’amener le spectateur à une réflexion

sur le sujet et de créer en lui, après avoir digérer le film, une mise en question.

215.- Car ne l’oublions pas, le cinéma est avant tout un art, le septième de la liste, et sera

toujours empli des préoccupations de son époque, de sa société, de son système. Il sera

toujours une interprétation soumise à interprétation. « Il n’y a pas de faits, seulement des

interprétations » dira Nietzche28

. Et n’est-ce pas là le départ de toute évolution ? De tout

changement ? La critique. L’analyse. En cela, le cinéma est donc véritablement reflet et

vecteur de normes et tisse avec le droit, défini largement, des liens, vieux d’un siècle

aujourd’hui.

27

GIOVANNI José, Mes grandes gueules, Fayard, 2002. 28

NIETZSCHE Friedrich, La volonté de puissance (posthume), II, § 133, trad. Bianquis, Gallimard, 1995, coll.

Tel, t. I, p. 265.

Le Droit et le Cinéma

39

Bibliographie

Textes

- Code de procédure pénale, ed.2010, Dalloz

Dictionnaire

- Lexique des termes juridiques, Dalloz, 15ème

édition

Ouvrages spécifiques

- BALLE Francis, Médias et Sociétés, Montchretien, Lextenso éditions, 14ème

édition

- BOURDIEU Pierre, La distinction, critique sociale du jugement, Broché.ETHIS

Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Broché.

- CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, TROPER, « Proposition pour une théorie des

contraintes juridiques », in Théorie des contraintes juridiques, Bruylant LGDJ, La

pensée juridique, 2005.

- COTE Pierre-André, « Fonction légilsative et fonction interprétative : conceptions

théoriques de leurs rapports », in Amselek (P.), Interprétation et droit, Bruylant,

Bruxelles, et Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1995.

- GIOVANNI José, Mes grandes gueules, Fayard, 2002.

- KANT Emmanuel, Critique de la raison pure, Flammarion, 2ème éd. Corr. Du 18

janvier 2001.

- MIAILLE Michel, Définir le droit in Définir le droit, t.2, Droits, n°11, 1990.

- MAZEAUD, H., L. et J., Leçons de droit civil, t. I, Paris, Montchrestien, 1972, p. 96.

- NIETZSCHE Friedrich, La volonté de puissance (posthume), II, § 133, trad. Bianquis,

Gallimard, 1995, coll. Tel

- OST François et VAN DE KERKOVE Michel, De la pyramide au réseau ? Pour une

théorie dialectique du droit, Publication des Facultés universitaires Saint Louis,

Bruxelles, 2002.

Le Droit et le Cinéma

40

- PERRIN Charles et BORDE Raymond, Les Offices du cinéma éducateur et la

survivance du muet, 1925 – 1940, Lyon, PUL, 1992.

- PUAUX Françoise, La justice à l’écran, Cinémaction.

Thèse

- BELDA Béatrice, Les droits de l’Homme des personnes privées de liberté,

Contribution à l’étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de

l’Homme, Bruylant, 2010/

Articles

- CHARLES Catherine, Prison Berk, critique de Un Prophète de Jacques Audiard

(2009)

- FRIEDMANN Georges, MORIN Edgar, Revue internationale de filmologie, 1955.

- LE DUC Jean, La Revue des Deux Mondes, 15 mars 1961.

- ORTOLI Philippe, Le glaive et la balance : le justicier dans le cinéma américain dans

Cinémaction, La justice à l’écran.

Colloques et journée d’études

- Histoire et Cinéma, Le cinéma, témoin du droit ?, Conférence organisée par Lionel

LACOUR, professeur d’Histoire et intervenant à l’institut Lumières de Lyon.

- Rencontres Droit, Justice et Cinéma, Université Lyon 3, organisée par Lionel

LACOUR, professeur d’Histoire et intervenant à l’institut Lumières de Lyon

Sites internet

- www.8artcity.com sous la direction de Alain CARRAZE

- http://www.bakchich.info/Prison-Berk,08566.html, L’écho des Cabanes, Catherine

CHARLES

Le Droit et le Cinéma

41

Index

A

Authentique : 4, 13 et s., 110 et s., 150,

175

Avocat : 107, 129, 149 et s., 154 et s., 166

C

Carcéral : 168, 172 et s., 188, 191 et s.,

Cinéma : 1 et s., 18, 58 et s., 69 et s., 79 et

s., 88 et s., 111 et s., 120 et s., 140 et s.,

158 et s., 166 et s., 173 et s., 182 et s., 212

et s..

Cinématographie : 10, 62, 71, 80, 111,

126, 160, 168, 174.

D

Droit : 5 et s., 26 et s., 42 et s., 66 et s., 106

et s., 143 et s., 169, 211 et s.,

F

Fiction : 4, 10, 83, 108, 171, 191 et s., 200

Film : 1 et s., 13, 60 et s., 72 et s., 74, 80 et

s., 96 et s., 118 et s., 165, 170 et s., 183 et

s.,

I

Influence : 16, 35, 44, 47, 52, 54, 64, 87,

91, 93 et s., 101, 105, 206.

Institution : 30, 116 et s., 144, 146, 165.

J

Juge : 27, 34 et s., 128, 141, 142 et s., 161.

Juré : 141, 155, 161, 162 et s.

Justice : 6, 10 et s., 110, 111 et s., 115 et

s., 128 et s., 130 et s., 136 et s., 146 et s.,

161, 166 et s., 178 et s., 213.

M

Média : 10, 41, 46 et s., 50 et s., 72, 76,

110, 214.

Miroir : 1, 4, 14 et s.

Mœurs : 18, 44 et s., 57, 73, 89, 94, 97,

103, 104, 129.

Le Droit et le Cinéma

41

N

Norme sociale : 7, 15, 25, 28, 31, 42 et s.,

54 et s., 63 et s.

Norme juridique : 28 et s., 42 et s., 57, 67.

P

Prétoire : 120, 165.

Prison : 9, 130, 144, 169 et s., 177 et s.,

190 et s., 202 et s.

Public : 3, 4, 97, 118 et s.

R

Réalité : 11, 49, 152, 192, 202 et s., 208 et

s.

Réaliste : 26, 35 et s., 176 et s., 190 et s.,

200.

Reflet : 1, 42, 74, 82 et s., 87, 97, 192, 198,

215.

Règles : 5, 22, 30, 64, 67 et s., 112.

Représentation : 13 et s., 72, 103, 111 et s.,

122, 132, 138 et s., 146 et s., 155 et s., 169

et s., 186, 198 et s.,

S

Société : 4 et s., 9 et s., 16 et s., 24, 42 et s.,

51 et s., 67 et s., 80 et s., 97 et s., 169, 172,

178 et s., 213 et s.,

Sociologie

T

Tribunal : 113, 127, 131, 144, 150, 168.

V

Valeur : 5, 15, 25, 65, 74, 87 et s., 96, 103,

105, 109, 152 et s.

Vecteur : 15 et s., 65 et s., 87 et s., 97, 215.

Le Droit et le Cinéma

42

Index des films

A

L’Affaire du courrier de Lyon de Claude

Autant-Lara (1937) : 132

L’Affaire Dominici de Claude Bernard-

Aubert (1973) : 132

L’Affaire Dreyfus de José Ferrer (1958) :

132

L’Affaire Seznec de Yves Boisset (1992) :

132

Alien 3 de David Fincher (1992) : 171

Animal Factory de Steve Buscemi (2000):

181

L’associé du diable de Taylor Hackford

(1997) : 148

Autopsie d’un meurtre de Otto Preminger

(1959) : 155

B

Batman Begins et Batman The Dark

Knight de Christopher Nolan (2004 et

2008): 134

Bienvenue chez les Chti’s de Dany Boon

(2008) : 85

Big House de George W. Hill (1930): 174

Boston Justice créée par David E.Kelley

(2004 à 2008) : 107

Bowling for Columbine de Michael Moore

(2002): 76

C

Le Cabinet du Docteur Caligari de Robert

Wiene (1919) : 81

Le cavalier du désert de William Wyler

(1940) : 146

Cellule 211 de Daniel Monzón (2008) :

195

Charlot s’évade de Charly Chaplin

(1917) : 170

Le code criminel de Howard Hawks

(1931) : 174

Le cœur des hommes de Marc Esposito

(2003) : 84

Le Droit et le Cinéma

43

D

La dernière marche de Tim Robbins

(1995) : 130

De sang-froid de Richard Brooks (1967) :

130

Des hommes et des dieux de Xavier

Beauvois (2010) : 74

Desperate Housewives créée par Marc

Cherry (2004- -) : 105

Deux hommes dans la ville de José

Giovanni (1973) : 130

Dies irae de Carlo Th. Dreyer (1943) : 131

Dog Pound de Kim Chapiron (2010): 176

Douze hommes en colère de Sidney Lumet

(1957) : 114

E

En cas de malheur de Claude Autant-Lara

(1958) : 151

Erin Brokovitch de Steven Soderbergh

(2000) : 134

L’étrange incident de William A. Wallman

(1943) : 165

L’évadé d’Alcatraz de Don Siegel (1979) :

175

F

Le faux coupable d’Alfred Hitchcock

(1957) : 126

Le facteur sonne toujours deux fois de Bob

Rafelson (1946) : 123

Fahrenheit 9/11 de Michael Moore

(2004) : 76

La firme de Syndey Pollack (1992) : 157

Friends, créée par Marta

Kauffman et David Crane (1994 à 2004) :

103

Furie de Fritz Lang (1936) : 165

G

Le génie du mal de Richard Fleisher

(1958) : 155

Le glaive et la balance d’André Cayatte

(1963) : 119

La grande évasion de John Sturges

(1963) : 171

Le Droit et le Cinéma

44

H

Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban

d’Alfonso Cuaron (2004) : 171

Des hommes d’honneur de Rob Reiner

(1992) : 158

I

L’idéaliste de Francis Ford Coppola

(1998): 156

Incassable de M Night Shyamalan (2000) :

134

L’inspecteur Harry de Don Siegel (1971) :

136

J

The jailhouse rock (Le rock du bagne)

(1957) : 171

Je vous trouve très beau d’Isabelle

Mergault (2005) : 85

Je suis un évadé de Mervyn LeRoy

(1932) : 175

Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli

(1977) : 131

Judge Priest de John Ford (1934): 146

Jugé coupable de Clint Eastwood (1998) :

130

Le juge Fayard de Yves Boisset (1977) :

145

Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer

(1961) : 132

Justice est faite d’André Cayatte (1950) :

118

Justice pour tous de Norman Jewison

(1979) : 148

Un justicier dans la ville de Michael

Winner de 1974 : 124

L

Les 3 frères de Didier Bourdon et Bernard

Campan (1995) : 84

Luke la main froide de Stuart Rosenberg

(1967) : 181

M

Magnum Force de Ted Post (1973) : 136

Marie-Octobre de Julien Duvivier (1959) :

118

Maudite Aphrodite de Woody Allen

(1995) : 159

Le Droit et le Cinéma

45

Meurtre à Alcatraz de Marc Rocco

(1995) : 175

La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock

(1959) : 126

Mr. Smith au Sénat de Franck Capra

(1939) : 134

Murphy Brown créée par Diane English

(1988 – 1998) : 106

N

New York Police Judiciaire de Dick Wolf

(1990 – 2010) : 107

Nous sommes tous des assassins d’André

Cayatte (1952) : 118

La nuit des juges de Peter Hyams (1983) :

148

O

O’Brother de Joel et Ethan Coen, 2000 :

189

P

La passion de Jeanne d’Arc de Carlo Th.

Dreyer (1928) : 131

Philadelphia de Jonathan Demme (1993):

129

Plein la gueule de Robert Alrich (1974) :

171

Prison Break créée par Paul Scheuring

(2005 – 2009) : 194

Le prisonnier d’Alcatraz de John

Frankenheimer (1962) : 175

Le procès de Jeanne d’Arc de Robert

Bresson (1962) : 131

Procès de singe de Stanley Kramer

(1960) : 155

Le procès Paradine d’Alfred Hitchcock

(1948) : 148

Un Prophète de Jacques Audiard (2009) :

195

Le pull-over rouge de Michel Drach

(1979) : 130

The Punisher de Jonathan Hensleigh

(2003): 136

Q

Que justice soit faite de F. Gary gray

(2009) : 136

Le Droit et le Cinéma

46

R

Le récidiviste de Ulu Grosbard (1978) :

175

Le reptile de Joseph L. Mankiewicz

(1970) : 182

Une robe noire pour un tueur de José

Giovanni (1981) : 130

S

Section Spéciale de Costa-Gavras (1974) :

131

Les sentiers de la gloire de Stanley

Kubrick (1957) : 131

Sex and the city et Sex and the city 2 de

Michael Patrick King: 98

Le soleil brille pour tout le monde (1953)

John Ford : 146

T

Taxi Driver de Martin Scorsese (1976):

136

Tellement proches de Eric Toledano

(2008) : 153

Témoin à charge de Billy Wilder (1957) :

114

Terreur à l’Ouest de Franck Lloyd (1939) :

146

Tout ça…pour ça ! de Claude Lelouch

(1993) : 150

Le train sifflera trois fois de Fred

Zinnerman (1952) : 178

Tu ne tueras point de Claude Autant-Lara

(1988) : 130

U

Up the river de John Ford (1930): 174

V

Le verdict de Sydney Lumet (1983) : 157

La vérité d’Henri-Georges Clouzot

(1960) : 119

W

Wall Street (1987) d’Oliver Stone: 75

Wall Street, L’argent ne dort jamais (2010)

d’Oliver Stone : 75

Wedlock de Lewis Teague (1991) : 171

Le Droit et le Cinéma

47

X

X-Men de Brian Singer (2000): 134

Z

Z de Costa-Gavras (1968) : 142

2

24 heures chrono créée par Joel

Surnow et Robert Cochran (2001 et 2010) :

104

48

TABLE DES MATIERES

CHAPITRE 1 : UNE RECIPROCITE ENTRE LE DROIT ET LE CINEMA, REFLET

ET VECTEUR DE NORMES ................................................................................................. 7

Section 1 : L’approche « normativiste » du droit, entre normes sociales et juridiques . 7

§1. La conception communément admise du droit en tant qu’ensemble de règles, sociales

et juridiques ......................................................................................................................... 7

§2. La préexistence naturelle de la norme au droit ........................................................... 10

Section 2 : le cinéma, un art ambivalent, entre témoin du droit et vecteur de normes 13

§1. Le cinéma, un art témoin du droit procédant d’un processus initial de reflet de la

société ............................................................................................................................... 13

§2. Le cinéma, véritable vecteur de normes...................................................................... 16

CHAPITRE 2: LA JUSTICE A TRAVERS LE CINEMA: ENTRE

REPRESENTATION AUTHENTIQUE ET VULGARISATION .................................... 21

Section 1 : la représentation cinématographique partiellement authentique de

l’appareil judiciaire et de ses acteurs ................................................................................ 21

§1. Les différentes représentations plus ou moins authentiques de la justice dans le

cinéma français et américain ............................................................................................. 21

§2. Les acteurs de la justice et leurs représentations biaisées au cinéma.......................... 25

Section 2 : la prison sur grand écran, un cinéma de genre réaliste ............................... 31

§1. Les représentations diverses et variées de la prison au cinéma .................................. 31

§2. Le film de prison, un cinéma réaliste ne procédant pas du réel .................................. 34

Bibliographie ............................................................................................................. 39

Index ...................................................................................................................... 41

Index des films .................................................................................................. 42