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LE DUC DE BOURGOGNE PHILIPPE LE BON ET LE CONCILE DE FLORENCE ETUDE SUR DEUX MANUSCRITS DU QUINZIÈME SIÈCLE PAR A. l'illllllll IHIKIi. ARCHIVISTE DE LA COMMISSION DES MONUMENTS HISTOMQUES AU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES DEAUX-AIITS. Le décret signé en 1439, au concile de Florence, par le pape Eugène IV et Jean Paléologue, empereur de Constantinople, pour établir les bases de l'union entre l'Eglise grecque et l'Eglise latine, est resté, comme on le sait, sans force. Les prêtres et le peuple grecs, qui s'étaient toujours opposés aux projets d'union, se refusèrent à ratifier les décisions prises en leur nom. Le schisme dure encore, et le puissant souverain qui, ayant succédé aux faibles Césars byzantins, a réuni ainsi sur sa tête la double couronne du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel, n'est évidemment pas près de sou- mettre ce dernier à la suprématie papale. Cependant le concile de Florence est loin d'être oublié, et, si les grandes questions qui y furent agitées étaient reprises de nos jours, comme il est

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LE DUC DE BOURGOGNE

PHILIPPE LE BONET LE

CONCILE DE FLORENCE

ETUDESUR DEUX MANUSCRITS DU QUINZIÈME SIÈCLE

PAR A . l ' i l l l l l l l l I H I K I i .

ARCHIVISTE DE LA COMMISSION DES MONUMENTS HISTOMQUES AU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

ET DES DEAUX-AIITS.

Le décret signé en 1439, au concile de Florence, par le pape Eugène IV etJean Paléologue, empereur de Constantinople, pour établir les bases del'union entre l'Eglise grecque et l'Eglise latine, est resté, comme on le sait,sans force. Les prêtres et le peuple grecs, qui s'étaient toujours opposésaux projets d'union, se refusèrent à ratifier les décisions prises en leurnom. Le schisme dure encore, et le puissant souverain qui, ayant succédéaux faibles Césars byzantins, a réuni ainsi sur sa tête la double couronne dupouvoir temporel et du pouvoir spirituel, n'est évidemment pas près de sou-mettre ce dernier à la suprématie papale.

Cependant le concile de Florence est loin d'être oublié, et, si les grandesquestions qui y furent agitées étaient reprises de nos jours, comme il est

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permis de le prévoir, ce seraient les déclarations consignées au décret de 1439qui formeraient le point de départ des nouvelles négociations.

Ce document présente donc l'intérêt qui s'attache à tout événement histo-rique dont l'importance ancienne est susceptible de redevenir actuelle. Ilexcite, en môme temps, la curiosité par la teneur des dispositions qu'ilcontient (1).

Ce n'est pas, toutefois, sous le rapport du dogme que nous voulons l'étu-dier aujourd'hui, mais au point de vue des événements dont il fut la consé-quence, événements intimement liés à une période glorieuse, bien que parcertains côtés insuffisamment connue, de l'histoire de Bourgogne.

On se rappelle, en effet, dans quelles conditions s'ouvrit le concile deFlorence. Les Pères de l'Eglise étaient réunis à Bâle pour le dix-septièmeconcile général, lorsque la discorde éclata entre eux sur la question de savoirquelle ville serait choisie pour traiter avec les Grecs de la réunion des deuxEglises. Quelques-uns désiraient que le concile fût convoqué à Florence ;d'autres insistaient pour Bàle. Eugène IV ordonna qu'il fût transféré à Ferrare,où eut lieu la seconde session. Peu de temps après, sur les instances dupape, ["empereur de Constantinople arrivait en Italie ; il s'arrêta à Florenceet le pape y transféra le concile. De leur côté, les Pères de Bâle, qui avaientéchoué dans leurs efforts pour amener à eux l'empereur, continuèrent à siégeret, traitant d'hérésie toute résistance à l'autorité d'un concile général, ful-minèrent contre le pape. Chaque parti diffamait l'autre, au grand scandalede la chrétienté.

Sur les entrefaites, le traité d'union fut signé à Florence ; nous avons vuce qu'il en advint. Tous les princes d'Europe soutenaient les Pères de Bàle.Le roi de France lui-môme était favorable au concile, dont il approuvait lesdoctrines sur la puissance des papes. Il venait précisément de rendre lafameuse ordonnance, appelée Pragmatique Sanction (7 juillet 1438), quifonda les libertés de l'Eglise gallicane.

(1) I.e texte in extenso a été publié notamment dans l'ouvrage suivant : Histoire des concilesd'après les documents oncjinaux, par le docteur Ch.-J. Hefele, évèque de Rothenbourg, traductionfrançaise par l'abbé Delarc. Paris, 1869-1876, 11 vol. in-8.

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Seul, le duc de Bourgogne tenait, pleinement pour le pape; il avait mêmeenvoyé des ambassadeurs près de lui, au concile de Florence. Plein derespect pour la foi chrétienne, méprisant les calculs du lucre, porté auxgrandes entreprises, il avait vu le renom de sa puissance se répandre jusquedans les pays orientaux. Chaque année il envoyait de forts subsides auxchrétiens de Jérusalem, et veillait à ce qu'ils fussent exactement payés. Desports flamands on voyait sans cesse sortir des navires envoyés en Orientpour y montrer le pavillon du grand duc d'Occident (1).

La haute intervention du duc de Bourgogne dans les affaires de l'Eglise,principalement au concile de Florence, n'est plus constatée aujourd'huique par deux documents, dont l'importance historique est encore rehausséepar une présentation qui en fait des chefs-d'œuvre de la calligraphie ornéedu quinzième siècle.

L'un est une bulle sur parchemin conservée au département des manus-crits, à la Bibliothèque nationale à Paris, sous le n° 430 du fonds grec, etl'autre un manuscrit faisant partie des archives de la Côte-d'Or à Dijon.

Le premier de ces documents n'a jamais été complètement décrit, bienqu'il en existe une excellente gravure au trait, publiée par Silvestre, dans letome III de sa Paléographie universelle.

A défaut d'une épreuve photographique, impossible à obtenir satisfaisante,en raison des innombrables plis ou cassures de l'original et de l'alléralion del'écriture elle-même, nous donnons une reproduction en fac-similé de lagravure dont il s'agit; elle reproduit, d'ailleurs, avec la plus grande fidélité,les métaux et les couleurs exceptés, la riche calligraphie de la superbepièce que nous voulons étudier.

(1) M. do Barante {Histoire des ducs de Bouryoyna) est le premier historien moderne qui donnaà Philippe le Bon ce qualificatif, souvent appliqué depuis à Charles le Téméraire. Pour vérifier l'exactitudede cette assertion, nous avons compulsé les différents auteurs que ISarante cite à l'appui : Sanderus (*),La Marche et différents manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale; mais nous n'avons pu la trouvéetextuellement employée. Cependant elle se dégage du sens de ces divers documents, et l'on peut certai-nement conjecti ver qu'elle a pris naissance, du vivant même du duc, dans ces pays d'Orient, avec lesquelsil était en relations directes.

• C) Anton) Samlorus : Yerheerlukt Ylaandre (Les Flandres illustrées). Leyile, Rotterdam, La Haye, 1735, 3 vol.,in-fol.

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La vignette donnée ici constitue le commencement et la fin du décret.En voici la teneur.D'abord la formule, en lettres très allongées :EUGENIUS EP(lSCO)PUS SERVUS SERVORUM DEI, AD PERPETUAM REI

MEMORIAM. Ces trois derniers mots se trouvent au-dessus du texte grec quin'est pas représenté dans la gravure.

(—-> etcameimci«nloi).ccclin>V irijirjcnmnaLiis L «omii celi et cvittKt term fûbLunscpt'

cv 11; ccclia m lctmta }C niia 1 nca

Puis, le corps du décret d'union (1) :« Consentiente ad infrascripta Garissimo filio meo Johanne Paleologo

Ro!ïieo(rum) Imperatore Illustri et locatenentibus Venerabilium fratrum(nostrorum) Patriarchaî et ceteris orientaient eccl(es)iam representantibus,Letentur celi et exultet terra : Sublatus est enim de medio paries qui occi-

(1) Voir, pour le corps du décrel, l'article publié par M. Carlo Milanesi dans le Giornale sloricodegli archivi Toscani (supplément au Archivio slorico italiano). Florence, 1857, tome Iet (p. 210et suivantes).

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ET LR CONCILE DE FLORENCE. 203

dentalem orientalemque dividebat eccl(es)iam et pax atque concordia rcdiit;illo angulari lapide Christo, qui fecit utraque, etc

» Dat(um) Florentie, in sessione publica synodali solemniler in eccl(es)iamaiori celebrata anno incarnationis dominice millesimo quadringentesimotricesimo nono... »

Le texte est double, c'est-à-dire écrit en deux colonnes, séparées par untrait ornementé, sur une feuille de parchemin de 886 millimètres de largeur,sur 712 millimètres de hauteur, sans compter le repli. La première colonnecontient le texte latin de la bulle, et la seconde, le texte grec. Au bas dutexte latin se trouve la signature du pape, placée au-dessous de deux cerclesconcentriques, tracés à la plume, entre lesquels on lit cette devise :f ADJUTOR ET PROTËCTOR MEUS ES DOMINE. NE DERELINQUAS ME DEUS

MEUS. L'aire du plus petit des deux cercles est divisée en quatre quartiersoù sont inscrits les noms des apôtres saint Pierre et saint Paul, et le nomdu pape : Eugenius p. p. IIII, coupé par la ligne perpendiculaire. Puis vientla signature ainsi formulée : EGO EUGENIUS CATHOLICE ECCL(ES)IE EP(ISCOP)US

SUSCRIPSI. Plus bas, sont les signatures des cardinaux, archevêques etévèques de l'Eglise latine, distribuées en trois colonnes; toutes sont origi-nales et au nombre de trente-neuf. Parmi elles se voient celles des envoyésde Philippe le Bon : Jean Vivien, évêque de Nevers, et Jean le Jeune,évoque de Thérouanne, nommé plus tard cardinal.

Elles sont ainsi libellées :« EGO JOIIANNES EPISCOPUS MORINENSIS ILLUSTRISSIMI PRINCIPIS DUCIS

BURGUNDIE ET BREBANCIE ORATOR, SUSCRIPSI ;

EGO JOHANNES EPISCOPUS NIVERNENSIS EIUSDEM DOMINI DUCIS ORATOR,

SIGNAVI ET ISTERFUI. »

Au-dessous du texte grec, on voit la signature de l'empereur, écrite àl'encre rouge, suivant l'usage de Constantinople :

'KO Iv /ptçô) Toi Oew 7rtçbç PauiXabç xal aÙTtoxpâtcop (sic) 'Ptopaîojv 6 rïaXaioXôyoç ÙTrÉypai a.

Enfin, on lit les noms de trente-deux patriarches grecs, écrits à la suite,28

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ou lignes pleines, et tous de la même main, évidemment copiées sur l'ori-ginal par le scribe ( I ) . Sur le repli, se voit le nom : A. de Magio.

Ce parchemin est scellé sur lacs de soie jaune et rouge, du sceaud'Eugène IV, en plomb, portant son nom, avec les têtes de saint Pierre et desaint Paul. Le sceau de Paléologue, en or, suivant la coutume des empe-reurs de Constanlinople, a disparu. On voit seulement l'endroit où passaientles lacs auxquels il était suspendu (2).

Parmi les ornements qui enrichissent les lettres initiales de l'en-tèle de labulle (3), orriements consistant en arabesques, fleurs et papillons auxbrillantes couleurs rehaussées d'or, se remarquent différentes armoiries :celles de l'Eglise latine : de gueules aux clefs de saint Pierre d'argent ensautoir ; du pape, d'azur à la bande de sable, timbrées de la tiare pontificale(d'argent, à la triple couronne d'or), et, enfin, les armoiries de Philippe leBon (écartelées de Bourgogne ancien et moderne, parti de Brabant et de Lim-bourg, cl, sur le tout, de Flandres), trop connues pour qu'il soit utile de lesdécrire ici plus amplement.

Le manuscrit conservé aux archives de la Côte-d'Or (4) est un cahier enbeau vélin italien, de seize feuillets, réglés à la pointe sèche, dont, quinzesont écrits; sa hauteur est de quarante-un centimètres sur trente centi-mètres de largeur. En tète du premier feuillet, dont les caractères sont lesmêmes que dans le manuscrit de Paris, on lit, sur un fond semé d'ara-besques d'or, la formule déjà rapportée : EUGENIUS EPISCOPUS, etc., mais

(1) Ces signatures sont les mêmes que celles indiquées dans l'Histoire du Concile, par Juslininni, àla réserve des signatures des évoques de Russie, dont les caractères étaient probablement inconnus duscribe.

(2) Ce sceau en or a été volé ou détruit depuis le dix-huitième siècle, car il existait encore à retleépoque, lin effet, Richard Simon dit (Ribliographw critiqua, t. !•', p. !i3) l'avoir vu intact dans labibliothèque de Colbert, et, d'autre part, M. de Iirequigiry constate, dans son mémoire à l'Académie desInscriptions et Belles-Lettres i t. XL11I, 1788, p. 287), qu'il n'existait déjà plus d« son temps.

(3) (les lettres, appelées en diplomatique lettres golfes, impériales ou bullatiqucs, lurent surtouten usage au quinzième siècle.

(4) Les éléments de cette description sont empruntes au t-avant article publié par M. Guignard, l'éruditbibliothécaire de la ville de Dijon, le 27 avril 1870, dans l'Univers, à propos du concile tenu, celtemême année, à Rome, et dont les discussions sur le dogme de l'infaillibilité du pape obligèrent,pour l'éclaircissement de certaines questions, à recourir au texte authentique du décret de 14-39.

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les armes ne sont pas placées de "la même manière. C'est dans la lettre Ed'Eugenius, grande capitale fleuronnée, que se trouve l'écu de Philippe leBon, surmonté de celui d'Eugène IV, ayant en chef les armes de l'Eglise.

Les petites capitales, en tête des paragraphes, sont alternativement enlettres d'or sur ornements bleus au trait et outremer sur ornements d'or autrait. En marge de la première page court un rinceau analogue à celui quisépare les deux textes de la bulle de Paris, ce sont des enroulements deHeurs et d'ornements peints et dorés, sortant d'un vase soutenu par deuxpetits anges.

Ce manuscrit contient : '1° le décret pour les Jacobites : Cantate Dominoquoniam, etc.; 2° le décret pour les Arméniens ; Exullale Dco salutarinostro, ele , dans lequel, à l'article 7, est inséré le décret d'union avec lesGrecs : Lœlentur cœli, etc., précédé du paragraphe : Conscnlienle adinfra, etc. L'article 8, qui se termine par les mots : El jussionibus fideliteroblemperare, est suivi de la déclaration de l'Arménien Narsès, qui com-mence par : Leclo autem solemniler in nostra, etc., et qui se termine ainsi :Fideliter obtemperare. Puis le texte continue : Yero quia in suprascriplodecrelo Armenorum, etc., et jussionibus fideliler et semper obtemperaturos.Bat. Florentice in publiai Sessions. Synodali solemniler in eccl(e.s)ia domussaneteo Mariœ novellce apud quam nunc résidemus celebrata Anno Incarna-tionis dominicœ millesimo quadrengenlesimo quadragesimo Pridie NonFebruar. Ponlificatus nostri anno undecimo.

Au-dessous se voit la signature du pape et, un peu plus bas, celle dusecrétaire du consistoire : Blondus. Viennent ensuite les signatures originalesde dix-sept évoques ou cardinaux, et, plus bas, à demi effacé, le nom deTofflcial de la Daterie : B. Palavicimis.

Ce manuscrit est assez fatigué. L'encre, trop corrosive, a attaqué le vélinet a presque disparu en certains endroits.

Les armes de Philippe le Bon, dont nous avons signalé la présence en tètedes deux manuscrits dont il s'agit, indiquent clairement que ces documentsétaient destinés par Eugène IV à son fidèle allié. Leur provenance vient àl'appui de cette assertion.

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2 0 6 LE DUC DE BOURGOGNE, PHILIPPE LE DON

Le manuscrit de la Bibliothèque nationale vient du fonds Golbert. Or, onsait par Baluze, chargé à cette époque de la conservation de celte biblio-thèque, que le grand ministre avait réuni une foule de documents analogues etqu'il avait reçu celui-ci de la ville do Lille. Il le tenait pour la pièce la plusprécieuse de sa collection, et le regardait comme l'original du décret, ainsiqu'en témoigne une mention écrite sur le revers de la feuille de parchemin.

Nous examinerons tout à l'heure quelle créance peut être accordée à cettehypothèse.

Le manuscrit conservé aux archives de la Côte-d'Or était inscrit à l'inven-taire de la Chambre des comptes de Dijon dès '1448. (V. Boudol, Notice surles Archives de la Côle-'d'Or ; Dijon, 1828, p. ii.)— II n'a donc jamais étédéplacé.

De ce qui précède, il est aisé de conclure que les deux documents ont étérapportés, par les ambassadeurs ci-dessus nommés, à Philippe le Bon, qui afait placer l'un (considéré sans doute par lui comme le plus important, enraison des signatures et sceaux dont il était revêtu) dans les archives deson palais de Lille, centre de ses états; l'autre, formant une sorte de relationd'ensemble des résolutions prises au concile, a été déposé au trésor deschartes de sa Chambre des comptes de Dijon.

Nous avons dit que Golbert considérait le manuscrit faisant partie de sacollection comme l'un des originaux du décret.

Si l'on s'en rapporte à llefele (t. XI, p. 478), il existerait encore de nosjours dix-sept exemplaires, tous signés à Florence; mais, d'après Syropulos(section X, chapitre xvn) (I), cinq expéditions seulement furent signées enplein concile, du pape, de l'empereur, puis des prêtres latins et des pères grecs.De ces cinq exemplaires, un seul aurait été laissé au pape; les autres furentemportés en Orient par l'empereur. Aucun d'eux n'est actuellement connudans ces contrées. Il est à présumer qu'ils ont tous été consumés dans l'in-cendie de Constantinople, ou bien qu'ils ont été détruits par les Grecs eux-mêmes, qui considéraient le décret d'union comme un monument d'impiété.

(1) Syropulos (Sylvestre). Histoire du concile de Florence (en grec), La Haye, 1600, in-fol.

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D'autre part, M. Chanlrcl, au cours d'un substantiel article publié dansl'Univers an G février 1870, et dont les renseignements sont puisés à unesource cligne de foi (1), affirme que les exemplaires actuellement connus dudécret en question se trouvent répartis ainsi qu'il suit : six à Florence, donttrois à la bibliothèque Laurentienne, et trois aux archives centrales de l'Italie ;un à Paris ; un à Londres ; un à Venise; un dans les archives du chapitre deMilan ; un dans les archives de Bologne; deux dans les archives du Vatican;un dans les archives du chapitre de Saint-Pierre de Rome.

Tous ces exemplaires ayant été suffisamment décrits par Bréquigny (2),qui lésa vus, on peut résumer connue il suit, d'après lui, les caractères dis-tinctifs de chacun d'eux.

L'exemplaire déposé dans les archives de Saint-Pierre de Rome ne porteaucune signature de prélat grec;

Celui des archives du Vatican porte de nombreuses signatures grecques,et deux seulement de prélats latins;

Celui de Venise, les signatures du pape, de l'empereur et de quelquescardinaux; de même pour ceux de Londres et de Bologne;

Celui de Paris, les signatures du pape et de l'empereur, de trente-neuf prélatslatins et de trente-deux piètres grecs, ces dernières toutes de la même main ;

Celui de Dijon, les signatures du pape et de dix-sept prélats.Parmi ceux de Florence, l'un des trois qui sont conservés à la bibliothèque

Laurentienne porte les signatures du pape et de l'empereur, cent vingtsignatures latines et trente-deux grecques, avec les bulles de plomb et d'or.Les autres, ainsi que ceux des archives de l'Etat, ne portent aucunesignature grecque, sauf celle de l'empereur.

(1) Cecconi (le chanoine). Sludi slorici sub concilio dl Firenze. Florence, 1869. Voir, en outre,un article du même d:ins YAi'monia de Florence, du l0"1 février 1870.

A consulter également, sur le même sujet: Gœthe (Von). Studien und Foi'schungen uber dasLeben und die Zeil dus cardinal Bessaiion. Iéna, 1871, iu-8.

(2) Mémoires de l'Académie des Inscriptions et BeUas-Lcllres, tome XLIII (1788). lirequignyn'ayant, toutefois, pus vu les exemplaires de Florence, parmi lesquels celui do la Laurenlienne présenteun intérêt capital, j'ai cru devoir les examiner sur place, de même que celui de Bayeux, jusqu'à présentnon décrit.

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2 0 8 LE DUC Dlî BOURGOGNE, PHILIPPE LE BON

Brequigny ne donne pas de détails sur l'exemplaire de Milan, mais il està présumer qu'il n'a pas plus d'importance que les derniers que nousvenons de ciler, non plus qu'un exemplaire existant à Bayeux, et dont per-sonne, jusqu'à présent, n'avait encore signalé l'existence.

Mentionnons enfin, pour compléter la liste, deux exemplaires du textelatin (quinzième siècle), conservés à la Bibliothèque nationale, au départe-ment des manuscrits (n° 44845, f° 294), mais ne portant aucune signature.

Par l'énumération qui précède, on peut juger que l'exemplaire ci-dessusdécrit de la bibliothèque Laurentienne, est le plus important de tous (I).

Il présente, en effet, les caractères d'une authenticité absolue : signa-tures autographes du pape, de l'empereur, des prélats latins et grecs, sceauxde plomb et d'or. En outre, il porte la signature du prolosyncelle (2)Grégoire qui constitue, à elle seule, un véritable critérium, car, on le saitpar Syropulos, ce patriarche ne signa qu'une t'ois, déclarant que c'était suffi-sant, et il partit ensuite pour Constanlinople. Au contraire, tous les autresprélats, grecs et latins, signèrent tous les exemplaires qu'on leur présenta.Mais, les signatures des Pères grecs devinrent de moins en moins nom-breuses, au fur et a mesure qu'ils quittaient, Florence pour retourner dansleur pays. Peut-être aussi commençaient-ils déjà à se repentir d'avoir signé.

Cependant, la signature de l'empereur ligure sur presque tous les exem-plaires connus, et se trouve même fréquemment seule, sans aucune autresignature grecque. La raison en est que Paléologue, très attaché;'» son décret,ne demandait qu'à en voir multiplier les exemplaires. Dans ce but, ilpartit le dernier et signa des bulles jusqu'à la fin de son séjour à Florence.

Quant aux Pères de l'Eglise latine, ils n'étaient pas pressés de partir,mais leurs signatures avaient moins d'importance, puisque l'union étaittoute à l'avantage de leur Eglise. Ceci explique que certains exemplairesportent des signatures grecques et aucune latine, les premières étant plusrares et plus difficiles à obtenir, étaient plus recherchées.

(1) Celte opinion est partagée par les conservateurs de cette bibliothèque, qui ont exposé le manuscriten question, soigneusement encadré, à la place d'honneur de leur plus belle salle.

(2) Nom du vicaire près des patriarches et des évoques de l'Eglise grecque.

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Et LE C0XC1LE DE FLORENCE. 209

Pour conclure, nous dirons qu'il faut placer en première ligne l'exem-plaire encadré de la bibliothèque Laurenlienne, qui doit cire le premieroriginal laissé au pape. Tous les attires ne sont que des copies de cet' ori-ginal, plus ou moins revêtues de signatures, suivant les dates auxquelleselles ont été écrites, pour être adressées par le pape aux différents souverainsd'Europe, à qui il voulait notifier l'union et faire en même temps appel pourla défense des intérêts chrétiens.

A la tète de ces copies, on peut placer l'exemplaire du Vatican. Le mar-quis Maffei, auquel il a appartenu et qui l'a décrit (1), n'a pas donné lenombre de signatures grecques, mais il suffit qu'il les ait dites très nom-breuses, puisque les autres copies signalées n'en portent presque pas.

Après cet exemplaire vient celui de Paris, sur lequel, il est vrai, toutesles signatures grecques, sauf celle de l'empereur, sont de la même main.Mais le soin qui a élé pris afin de rendre cette pièce conforme de tous pointsau premier original, montre bien l'extrême importance qu'on y attachait.

En outre, sa destination spéciale est indiquée par les armes du princeauquel elle était destinée, et ce détail ne se retrouve dans aucun des autresexemplaires envoyés aux souverains européens.

Enfin, le manuscrit de Dijon, qui porte ces mêmes marques distinctives,partage, au point de vue de l'histoire générale, l'intérêt que présente celuide Paris. Pour le même motif, ces deux importants documents méritent, aupoint de vue de l'histoire locale, d'être placés au-dessus de tous les autresexemplaires connus.

Celte étude sur les documents qui constatent l'appui prêté à Eugène IVpar Philippe le Bon serait assurément bien incomplète si nous ne donnions,en même temps, un aperçu rapide des efforts tentés par le duc pour remplirsa promesse de venir au secours des chrétiens eu Orient.

Quatre ans après le concile de Florence, le duc Louis de Savoie vint àChalon-sur-Saône pour s'y rencontrer avec Philippe le Bon, son cousin. Lebut de ce voyage était d'engager le duc de Bourgogne à quitter l'obédience

(1) Brequigny. (Voy. sup.)

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2 1 0 LE DUC DE BOURGOGNE, PHILIPPE LE BON

du pape Eugène IV, pour reconnaître l'élection que le concile de Bâlevenait de faire du duc Amé, son père, sous le nom de Félix V. Ce nouveauschisme commençait à diviser l'Eglise, comme avait fait l'autre pendantsoixante-dix années. Les Bourguignons qui se rendaient en Savoie refu-saient d'écouler les prêtres du pape Félix. Mais le roi de France et laplupart des autres princes se souvinrent des malheurs causés autrefois parla rivalité des deux papes et ne voulurent pas soutenir le nouvel élu. Deson. côté, malgré sa parenté avec le duc de Savoie, Philippe le Bon restafidèle à Eugène IV.

Il ne s'en tint pas, d'ailleurs, à des vœux platoniques en sa faveur.Vers la même époque, Amurath II, sultan des Ottomans, rassembla une

puissante armée dans l'Asie-Mineure, pour passer en Europe et assiégerConstantinople. Jean Paléologue qui, on l'a vu, avait pu se rendre comptede l'indifférence des princes chrétiens à son égard, résolut de s'adresser auduc de Bourgogne, dont il avait apprécié la sympathie.

Il envoya un chevalier grec en ambassade à Dijon pour faire part au ducde sa détresse et des alarmes de son empire. Cet ambassadeur fut très bienaccueilli ; on donna en son honneur de grandes fêles, tant à Dijon qu'àGhalon (1). Par sa longue barbe, son costume étrange, son adresse ji monterà cheval et à tirer de l'arc en arrière, au galop, il obtint un grand succèsde curiosité dans toute la cour de Bourgogne. Ce succès s'étendit aurésultat de sa mission. Philippe le Bon le renvoya avec de riches présents,le priant d'assurer l'empereur de son zèle pour la foi chrétienne et de savolonté de le secourir.

Immédiatement après, il se rendit dans ses pays maritimes, et sous laconduite du seigneur de Waurin, fit équiper une armée qui s'embarqua àVenise sur quatre galères. Le seigneur de Waurin avait avec lui notamment,un chevalier espagnol que Georges Chastelain appelle Vascq (2), et un che-

(1) Mémoires d'Olivier de La Marche, livre Ier, chap. vm, et Chroniques de J. de Lalain, parGeorges Chastelain, cliap XIII.

(2) Vasco de Saavedra ; il avait pris part au fameux tournoi de l'arbre de Charlemagne, proposé par leaire de Charni, et pour lequel il était venu exprès d'Espagne.

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valier Picard nommé Gauwain Quiéret(l), puis une foule de gentilshommesbourguignons tentés par les aventures de cette guerre sainte.

Ils se rendirent à Modon, où ils trouvèrent le légat du pape et quatregalères armées aux dépens du Saint-Père, puis ils partirent tous ensemblepour garder le détroit de Gonstantinople contre les Turcs.

Deux ans plus tard (1445), Philippe le Bon envoya une nouvelle expédi-tion au secours de Rhodes, où le soudan d'Egypte assiégeait les chevaliersde Saint-Jean de Jérusalem, abandonnés comme Paléologue par les princeschrétiens. Cette expédition, équipée à Nice et commandée par Geoffroy deThoisi, arriva à temps pour sauver les vaillants chevaliers, auxquels onprêta les canons des galères. L'armée bourguignonne s'était enfermée aveceux dans la ville assiégée. Tous les assauts des infidèles (2) furent repousséset leur flotte presque détruite.

Cet exploit accompli, Geoffroy de Thoisi alla rejoindre le sire de Waurin,qui gardait toujours Constantinople. Il entra jusque dans la mer Noire, des-cendit plusieurs fois sur les terres de l'ennemi, tantôt vainqueur, tantôtvaincu. Il tomba même entre ses mains, mais parvint à s'échapper, puisretourna à Venise, avec le sire de Waurin, pour faire réparer ses galères.

Les deux chefs bourguignons reprirent ensuite la mer, défirent les infidèlesdans l'île de Chypre, détruisirent leurs vaisseaux sur la côte de Barbarie, etne rentrèrent à Marseille qu'après trois années de glorieuses aventures.Mais tant d'exploits ne rapportaient aucun profit à ces paladins et ne faisaientmême pas leur gloire, tellement peu on se préoccupait alors des intérêts dela chrétienté en Orienl. Jean Chastelain le déplore amèrement et déclaren'en pas vouloir parler davantage (chap. xm).

(1) Ce chevalier venait de se distinguer dans la guerre du Luxembourg, il avait même été blessé lors dela prise de la ville.

(2) Folio 127 du manuscrit 1278, fonds français. Ce numéro désigne un recueil de pièces historiques,concernant les affaires de Bourgogne, de 1306 à 1490, composé pour l'usage des ducs. Un grand nombrede ces pièces sont relatives à la croisade des Bourguignons contre les Turcs. Le folio 127 est l'historique dusecours envoyé à Rhodes par Philippe le lion.

Au sujet de cette croisade, outre La Marche et Chastelain, on peut consulter les ouvrages suivants :Meyer, Annales Flandriœ, Anvers, 1561, 1 vol. in-8, et Heuterus, De rébus Belgicis, Anvers, 1598,1 vol. in-8.

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Ces exploits étaient, en outre, de bien peu d'effet pour arrêter les progrèsdes infidèles. Chaque jour se resserrait davantage le cercle de fer qui entou-rait Constantinople, et le dernier boulevard de la chrétienté en Orient nedevait pas tarder à succomber (1453).

Ce funeste résultat, quoique depuis longtemps prévu, ne laissa pas que,d'émouvoir Philippe le Bon; cependant il eut moins de reproches à se faireque tout autre prince, puisqu'il avait fourni des subsides effectifs. Aussi,fut-ce à lui que le pape s'adressa pour l'engager à réparer, dans la mesuredu possible, le mal qu'il n'avait pu empêcher, l'exhortant à se réunir auxautres princes, dans une croisade générale contre les infidèles. Le duc lit lemeilleur accueil à ces propositions, et prit, à ce sujet, un engagement solenneldans le célèbre Vœu du Faisan (1454).

Cependant rien ne se fil immédiatement. Il fallait le temps de rassemblerles hommes et l'argent. Le pape, de son côté,' ne restait pas inactif, et faisaittravailler par ses émissaires, ceux des souverains orientaux qu'il jugeaitdevoir être opposés aux intérêts des Turcs.

En 1401, il envoya en Bourgogne un ambassadeur accompagné de tousles représentants des souverains étrangers qu'il avait pu rallier à sa cause.Toutefois les embarras politiques du moment empêchèrent de donner suiteaux projets formés.

Tant d'entraves auraient amené l'anéantissement de ces projets, sans laloyauté du duc, qui jamais u'avait manqué à l'accomplissement de sespromesses. En 14(33, il réunit à Bruges tous les chevaliers qui avaient prispart avec lui au Vœu du Faisan, les prévint de sa ferme intention de prendrela mer, et les avertit de se tenir prêts sur de nouveaux ordres.

L'année suivante, après des rappels pressants du pape l'ie II, le duc filfréter douze galères et les arma de dix mille combattants, sous les ordres deson fils naturel (Antoine, dit le Grand Bâtard de Bourgogne) (1), qui avait pour

(1) Antoine, le troisième et le plus aimé des nombreux bâtards de Philippe le lion, seigneur de Beures,en Flandre, Crèveeœur et Vassy, comte de Sainte-Menehould, Grandpré, Guines, Château-Thierry, laHoche en Ardennes et Sleenberghe, cheval'ur de la Toison d'or et de Saint-Michel, naquit en 1421 deJeanne de Prelle, fille de Louis, alias Haoul, seigneur de Usy. Il lut l'ait chevalier par le comte d'Etampes

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lieutenant général messire Symon de Lalaing, seigneur de Montigny, munide cent mille écus d'or.

Ils partirent et, chemin faisant, prirent Geula, en Maroc, mais lorsqu'ilsarrivèrent à Rome, ils apprirent la mort du pape et la dispersion de sonarmée, qui devait se joindre à la leur. Ils revinrent donc à Marseille.« Ainsi, cette belle assemblée se trouva rompue à bien petit exploit (1). »

Le bâtard de Bourgogne, non plus que les autres chefs de l'expédition, nimême l'armée, ne perdirent encore courage, mais l'hiver approchait; lessommes emportées pour la solde des troupes étaient épuisées. D'autre part,le conseil du duc s'opposait à ce que l'on envoyât de nouveau subsides. Pourcomble de malheur, la peste survint. Pendant ce néfaste séjour à Marseille,plus de cinq cents hommes d'armes succombèrent, parmi lesquels les deuxfils de Symon de Lalaing, cl Philippe de Gorcelles, bailli de Dijon.

Informé de ce désastre, et malgré les remontrances de ses conseillers, léduc voulut partir en personne au printemps, mais il tomba malade. Puis lebâtard reçut du nouveau pape Paul II l'invitation de se rendre à Venise.

Malheureusement, faute d'argent pour payer le passage des troupes,l'accord ne put se faire, et bientôt l'armée bourguignonne n'eut d'autreparti à prendre que de revenir par terre (2). Malgré tout, deux chefs, mes-sires Pierre Was et Frédéric de Wilhem, reprirent la mer avec un certain

en 1IS2, au mutin du combat d'Audenarde où il commandait l'avant-garde ; la même année, à la mortde son t'i'ùre alnii Corneille, prince de grand mérite tué dans la poursuite de fuyards au combat de Rupelmonde,il lui succéda dans son titre de Grand Bâtard de Bourgogne. Deux ans plus tard, au fameux banquet deLille, le 17 février 1151, il jura aussi sur le faisan de partir pour la croisade ; son vœu particulier estcité avec les autres, le plus souvent fort bizarres, dans la chronique d'Olivier de La Marche. En 1456, auIX.» chapitre de la Toison d'or tenu à La Haye, il reçoit le collier de l'ordre. Fait prisonnier à Nancy, ilest réclamé par Louis XI qui se le voulait attacher et le fait comte dès le 19 janvier 147R/7, un peu pluslard chevalier de Saint-Michel, et lui donne le comté d'Oslrevanl, la chàtellerie de Bapaume et la seigneuriede Boucliain. Le 15 août, il est à Arras et prête serment de fidélité au Roi, et en janvier 1485 obtient deslettres de légitimation. Il signait Antoine, comte de La Hoche, Grand Bâtard de Bourgogne. Marié en 1732 aMarie de La Vieville, il mourut en 1504 et fut enterré à Tournehem, en Artois.

Un beau portrait anonyme de lui se voit an musée Coudé à Chantilly, il y est représenté avec la Toisond'or et à l'âge de trente-cinq ans environ. Un autre portrait dessiné par un anonyme se trouve dans cerecueil d'Arras qui donne de si précieux portraits de personnages des quinzième et seizième siècles.

(I) Mémoires d'Olivier de La Marche, livre I" , chap. xvi.(à) Georges Chastelain, Chronique des ducs de Bourqoyna, IIIe partie, chap. xx à xxx.

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LE DUC DE BOURGOGNE, PHILIPPE LE BON

nombre de navires et tous les combattants de bonne volonté qu'ils purentrassembler (1).

Ils firent pendant un an encore la guerre aux infidèles, mais ceux-ciétaient maintenant trop fortement établis en Europe pour en être chassés parune poignée de braves, et les opiniâtres Bourguignons durent se résigner àabandonner une lutte désormais impossible. Cette fois, tout était bien perdu,tout... fors l'honneur.

(1) Olivier de La Marche, Mémoires, livre I " , cliap. xvi.