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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/6 Le gouvernement joue la montre face au scandale de l'université des Antilles PAR LUCIE DELAPORTE ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 17 AVRIL 2015 L'enquête judiciaire sur les colossaux détournements de fonds à l'université des Antilles progresse malgré de multiples pressions et intimidations. Indirectement mis en cause, les deux présidents (socialiste et apparenté) de la région Martinique et de la Guadeloupe s'activent. Et le gouvernement aussi. Qui a intérêt à étouffer le scandale des colossaux détournements de fonds à l’université des Antilles ? En mai 2014, Mediapart révélait les contours de cette affaire aux multiples ramifications politiques et dans laquelle près de 9 millions d’euros de subventions européennes accordées à un laboratoire de l'université se sont « évaporés ». Depuis un an, une information judiciaire est ouverte pour « détournement de fonds publics » et « escroquerie aux subventions en bande organisée » concernant les fonds européens perçus par le Ceregmia, laboratoire de l’université des Antilles. L’affaire a été confiée à la juridiction interrégionale spécialisée qui gère ce type de dossier, « compte tenu du caractère systématique et de la gravité des infractions, compte tenu aussi des complicités et des complaisances importantes », expliquait à l’époque le procureur de Fort-de-France, Éric Corbaux. Rappel des faits : à partir de 2009, neuf conventions sont passées par ce laboratoire avec le Fonds européen de développement régional (FEDER). Cinq dépassent 1,5 million d’euros. Or, de manière systématique, a commencé à découvrir la Cour des comptes dans un rapport daté de 2013, le laboratoire fournissait des pièces justificatives de dépenses – qui permettent à l’université de se faire rembourser par le FEDER – sans rapport avec l’objet des programmes de recherche. Mediapart, qui a eu accès à de nombreux documents comptables, a en effet pu constater que le laboratoire n’hésitait pas à présenter pour plusieurs milliers d’euros des factures d’« implémentation d’éolienne », « d’accessoires et pièces automobiles » ou de faramineuses factures d’abattage d’arbres… Le tout sans aucun lien avec les projets de recherche annoncés. Certaines factures étaient même présentées plusieurs fois, comme l’avait déjà relevé la Cour des comptes. Résultat, le taux des factures ne pouvant en réalité ouvrir droit à aucun remboursement par l’Europe s’est avéré très élevé, jusqu'à 80 % dans certains cas. Au total, ce sont près de 9 millions d’euros, selon des sources proches de l'enquête, qui ont été engloutis dans ce qui ressemble à un système bien organisé, plaçant aujourd’hui l’université dans une situation financière intenable. Au vu de ces montants colossaux, chacun s’interroge sur la destination de ces sommes. D’autant que le rôle joué dans cette affaire par les deux présidents de région, Serge Letchimy (apparenté PS) en Martinique et Victorin Lurel (PS) en Guadeloupe – la Région étant autorité de gestion pour ces subventions européennes – a, dès le départ, donné un tour très politique au dossier. L'université des Antilles © DR Malgré les moyens dérisoires des enquêteurs sur place – les demandes du procureur auprès de la garde des Sceaux pour obtenir du renfort sont restées lettre morte –, l’investigation progresse et, selon nos informations, de premières mises en examen pourraient prochainement être prononcées. À Fort- de-France, certains doutent pourtant que l’enquête aboutisse un jour tant les pressions dans cette affaire sont importantes. L’affaire empoisonne l’île depuis des mois. Pneus crevés, amortisseurs sectionnés, plusieurs enseignants rencontrés à Fort-de-France et qui ont, de près ou de loin, participé à dénoncer les errements du Ceregmia nous ont raconté les tentatives d’intimidation qu’ils ont subies ces derniers mois.

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Le gouvernement joue la montre face auscandale de l'université des AntillesPAR LUCIE DELAPORTEARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 17 AVRIL 2015

L'enquête judiciaire sur les colossaux détournementsde fonds à l'université des Antilles progresse malgréde multiples pressions et intimidations. Indirectementmis en cause, les deux présidents (socialiste etapparenté) de la région Martinique et de la Guadeloupes'activent. Et le gouvernement aussi.

Qui a intérêt à étouffer le scandale des colossauxdétournements de fonds à l’université des Antilles ?En mai 2014, Mediapart révélait les contours de cetteaffaire aux multiples ramifications politiques et danslaquelle près de 9 millions d’euros de subventionseuropéennes accordées à un laboratoire de l'universitése sont « évaporés ». Depuis un an, une informationjudiciaire est ouverte pour « détournement de fondspublics » et « escroquerie aux subventions en bandeorganisée » concernant les fonds européens perçus parle Ceregmia, laboratoire de l’université des Antilles.

L’affaire a été confiée à la juridiction interrégionalespécialisée qui gère ce type de dossier, « comptetenu du caractère systématique et de la gravité desinfractions, compte tenu aussi des complicités et descomplaisances importantes », expliquait à l’époque leprocureur de Fort-de-France, Éric Corbaux.

Rappel des faits : à partir de 2009, neuf conventionssont passées par ce laboratoire avec le Fondseuropéen de développement régional (FEDER). Cinqdépassent 1,5 million d’euros. Or, de manièresystématique, a commencé à découvrir la Courdes comptes dans un rapport daté de 2013, lelaboratoire fournissait des pièces justificatives dedépenses – qui permettent à l’université de se fairerembourser par le FEDER – sans rapport avec l’objetdes programmes de recherche. Mediapart, qui a euaccès à de nombreux documents comptables, a eneffet pu constater que le laboratoire n’hésitait pas àprésenter pour plusieurs milliers d’euros des facturesd’« implémentation d’éolienne », « d’accessoires et

pièces automobiles » ou de faramineuses facturesd’abattage d’arbres… Le tout sans aucun lien avec lesprojets de recherche annoncés.

Certaines factures étaient même présentées plusieursfois, comme l’avait déjà relevé la Cour descomptes. Résultat, le taux des factures ne pouvanten réalité ouvrir droit à aucun remboursement parl’Europe s’est avéré très élevé, jusqu'à 80 % danscertains cas.

Au total, ce sont près de 9 millions d’euros,selon des sources proches de l'enquête, qui ont étéengloutis dans ce qui ressemble à un système bienorganisé, plaçant aujourd’hui l’université dans unesituation financière intenable. Au vu de ces montantscolossaux, chacun s’interroge sur la destination de cessommes. D’autant que le rôle joué dans cette affairepar les deux présidents de région, Serge Letchimy(apparenté PS) en Martinique et Victorin Lurel (PS) enGuadeloupe – la Région étant autorité de gestion pources subventions européennes – a, dès le départ, donnéun tour très politique au dossier.

L'université des Antilles © DR

Malgré les moyens dérisoires des enquêteurs surplace – les demandes du procureur auprès de lagarde des Sceaux pour obtenir du renfort sont restéeslettre morte –, l’investigation progresse et, selonnos informations, de premières mises en examenpourraient prochainement être prononcées. À Fort-de-France, certains doutent pourtant que l’enquêteaboutisse un jour tant les pressions dans cette affairesont importantes. L’affaire empoisonne l’île depuisdes mois. Pneus crevés, amortisseurs sectionnés,plusieurs enseignants rencontrés à Fort-de-France etqui ont, de près ou de loin, participé à dénoncer leserrements du Ceregmia nous ont raconté les tentativesd’intimidation qu’ils ont subies ces derniers mois.

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Tous ont demandé à rester anonymes. La présidente,qui a été la cible d’une très violente campagne– recevant même des menaces de mort –, a été placéesous protection.

C’est d’ailleurs pour échapper à ce climat délétèreque la procédure disciplinaire concernant les troisenseignants au cœur de l’affaire, le directeur dulaboratoire Fred Célimène, Kinvi Logossah et ÉricCarpin, les deux premiers étant suspendus de leurs

fonctions, a été dépaysée à Toulouse. Me OlivierBureth, qui représente l’université dans la procédure,explique avoir déposé trois mémoires de plus d’unecentaine de pages chacun et « qui portent tant surles fautes financières, les fautes administratives et lesfaits de diffamation » envers plusieurs responsables del'université.

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Près d’un an après nos révélations, et alors queles rapports publics se sont accumulés pour alertersur les graves dérives, la communauté universitaireet, au-delà, beaucoup de Martiniquais comme deGuadeloupéens ont le sentiment que l’impunité règnedans ce dossier très politique. Le trouble jeu dugouvernement dans cette affaire ne peut, en effet,qu’intriguer.

Il y a quelques jours, les universitaires ont ainsieu la surprise de constater la promotion au titre deprofesseur, « par décret du président de la Républiqueen date du 30 mars 2015 », de l’ancien président del’université Pascal Saffache, qui a dirigé celle-ci de2009 à 2013, années où l’essentiel des détournementsa été commis. Cette promotion au titre des emploisréservés aux anciens présidents d'université n’apourtant rien d’automatique. Contactée, la présidenteCorinne Mencé-Caster confirme à Mediapart que c'estbien le ministère qui lui « a demandé de procéder à latransformation du statut de M. Saffache» pour lequel,compte tenu des procédures en cours, l'universitén'avait rien demandé.

La mémoire comptable de l'université passeà la broyeuse

Pourtant, le rapport du Sénat consacré à la gestionde l’université comportait un passage explicite surles graves manquements de cet ancien président.Les rapporteurs pointaient «l'isolement et le manqued'expérience du président alors en exercice, M. PascalSaffache, qui l'ont conduit à signer les conventionsde recherche du laboratoire sans même que lesservices de la direction des affaires financières aientprocédé aux vérifications nécessaires. M. Saffaches'est régulièrement retrouvé en position de faiblesseface aux agissements de M. Célimène qui avaitpour habitude d'inscrire au dernier moment à l'ordredu jour du conseil d'administration des projets derecherche sans que ceux-ci aient pu être instruitspréalablement par les services concernés. En outre,M. Saffache a intégré le CEREGMIA en tantqu'enseignant-chercheur en septembre 2008 et y asoutenu, en 2009, son habilitation à diriger desrecherches (HDR), ce qui l'a placé dans une situationde lourde ambiguïté. À plusieurs reprises, dans lescourriers qu'il a adressés en tant que président del'UAG à M. Célimène, M. Saffache donne l'impressionde s'excuser de mettre en question la gestion dulaboratoire ».

Campus de Schoelcher © DR

Comment expliquer que le ministère, alors qu’uneinformation judiciaire est ouverte, insiste auprèsde l’université pour faire accéder ce protagonisteessentiel au titre de professeur ? Interrogé sur ce point,le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem nous a réponduque « M. Saffache remplissait toutes les conditionspour être qualifié et nommé par cette voie », rappelantégalement qu’il ne faisait l’objet « d’aucune procéduredisciplinaire ». Entendu au SRPJ de Martinique,dans le cadre de l’enquête pour « escroquerie » et

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« détournement de fonds en bande organisée », M.Saffache est pourtant bien une personnalité centrale dudossier.

Plus étonnant encore, Mediapart s’est procuré unrapport interne de Bercy et de l’IGAENR (l’Inspectionde l’enseignement supérieur) dont les conclusions,pourtant accablantes, n’ont suscité aucune réactiondes autorités de tutelle. Fin 2013, Bercy qui disposaitdéjà d’un rapport sans appel de la Cour des comptessur les dérives financières de l’université, avait eneffet commandé une enquête administrative spécifiquesur l’agent comptable de l’établissement, MichelineHugues, recrutée en septembre 2008. La manièredont cette responsable des services financiers del’université a travaillé est effectivement cruciale pourl’enquête en cours. C’est durant cette période que lesdérives financières, déjà constatées dans le laboratoire,prennent une tout autre échelle.

[[lire_aussi]]

Pour commencer, les rapporteurs s’étonnent du cumuldes fonctions de Mme Hugues, qui était à lafois agent comptable et responsable des servicesfinanciers. Ils notent, par ailleurs, « de gravesinsuffisances en matière de contrôle ». L’absencede « suivi par code analytique (…) pour répondreà l’exigence des règlements sur la gestion desfonds européens d’une comptabilité spécifique parconvention » qui, expliquent-ils, « a rendu trèsproblématique le rattachement des dépenses auxdifférentes conventions ».« L’agent comptable aainsi procédé, faute d’avoir organisé des procédurescomptables adaptées, à la certification de dépensesqui sont en définitives apparues inéligibles »,affirment-ils.

« Des facilités particulières furent accordées par MmeHugues au laboratoire Ceregmia, dont la gestionapparaissait pourtant très contestable du point de vuede la gestion financière. » Facilités parmi lesquelles« la mise à disposition en 2010 d’une base de donnéesdes dépenses de l’UAG ». Un élément déterminantpuisque, précisément, le laboratoire a fait remonterdes factures n’ayant aucun rapport avec les projetsde recherche pour lesquels il sollicitait les fonds

européens. Très vite, le déficit explose. Or, « le comptefinancier 2012 n’a été produit qu’en avril 2013 avecune absence d’informations sur l’origine du déficit2012 de 7 millions d’euros », relèvent les rapporteurs.

En juin 2013, l’agent comptable se voit signifierson détachement par la nouvelle présidente del’université, Corinne Mencé-Caster, qui découvreles graves dérives au sein de son service. Lacomptable commence alors un curieux ménage.« Dans l’optique de son départ, Mme Huguesa procédé délibérément à la destruction et à lasoustraction d’informations qu’elle détenait au titrede ses fonctions, par plusieurs moyens », notent lesrapporteurs. « Tous les dossiers papier ont été éliminéspar elle-même, selon le témoignage de plusieursagents de son service, au moyen d’un destructeur dedocuments », poursuivent-ils. La mémoire comptabled’un établissement qui gère plusieurs millions d’eurospasse donc méthodiquement à la broyeuse.

Elle restitue aussi son ordinateur professionnel aprèsavoir opéré quelques modifications. Le 25 juillet, unhuissier de justice constate que « l’unité centrale del’ordinateur est manquante ». Le disque dur a disparu.Dans un mail récupéré auprès de ses agents, elle avaitindiqué préalablement vouloir opérer un « formatagede bas niveau », ce qui, notent les rapporteurs,« consiste à effectuer un effacement irréversibledes données ». L’opération étant apparemment tropcomplexe, elle a finalement opté pour la récupérationdu disque dur. La responsable des services financierss’est «toujours refusée à ce que soient effectuées[des] sauvegardes concernant ses propres documentsde travail dématérialisés ou ses correspondancesélectroniques professionnelles». Ainsi, il «n’en estresté aucune trace », s’étonnent aussi les rapporteurs.

« En soustrayant notamment de précieusesinformations pour l’identification des produits àrecevoir sur conventions dont le solde débiteurs’élevait à 6 199 835 euros au 31 décembre 2012 »,selon les éléments décrits dans le rapport, la comptablea clairement rendu les subventions européennesimpossibles à tracer. Les rapporteurs s’étranglentdevant les primes perçues par la comptable de

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l’université – 11 000 euros en 2009, par exemple,pour une prétendue « participation à des opérationsde recherche », puis l’octroi étonnant d’une « primeprésident ». Ils soulignent aussi que le présidentSaffache a témoigné de « certaines pressions pourl’obtention de ce régime favorable ».

«Accords politiques» et batailled'amendements

Qu’a fait Bercy de ce brûlot ? Contacté à plusieursreprises, le cabinet de Michel Sapin n’a jamais donnésuite à nos demandes. Par un arrêté de juin 2014,Micheline Hugues, qui avait réintégré la directionrégionale des finances publiques de la Guadeloupe,a été affectée au centre des finances publiques dePointe-à-Pitre. Aucune procédure disciplinaire n’aété engagée.

Passé inaperçu en métropole, le drôle de jeu dugouvernement lors de l’examen du projet de loi portantcréation de l’université des Antilles, qui n’a depuisla scission du pôle guyanais toujours pas d’existencelégale, a dérouté aux Antilles.

Le texte était examiné en séance le 19 février dernier.À la dernière minute, alors qu’il faisait l’objet auSénat et en commission des affaires culturelles d’untrès large consensus, notamment autour du principedu « ticket à trois » – la présidence et les vice-présidents des pôles se présenteraient sur des listescommunes pour garantir l’unité de l’institution –, deuxamendements sont déposés par le député et présidentdu conseil régional de Guadeloupe Victorin Lurel.

Le premier vise à répartir les moyens entre le pôleGuadeloupe et le pôle Martinique, en fonction de lasuperficie des établissements. Pour Lurel, rencontré àParis par Mediapart, il s'agissait, concernant le premieramendement, de poser le principe «d'une répartitiondu budget équitable. Nous avons plus d'étudiants, plusde surfaces avec un campus pour lequel la Région ainvesti 40 millions d'euros», rappelle-t-il.

Le second amendement entendait revenir sur leprincipe du « ticket à trois », l’élection conjointe duprésident de l’université et des présidents des deuxpôles. Le député de Guadeloupe, qui assure en faireun casus belli, explique que ce principe est « contraire

à l'idée d'autonomie des pôles». Beaucoup tropdéfavorables à la Martinique, et risquant d'entraînerla scission de l’établissement, ces amendements sontsèchement écartés en commission réunie en urgencele 18 au matin. Dans la nuit, le gouvernement lesréintroduit, allant donc à l’encontre de ce qu’avaitpourtant défendu le rapporteur socialiste ChristophePremat, ce qui jette un certain malaise côté socialiste.

Patrick Bloche lors de l'examen du projet de loiportant création de l'université des Antilles © LD

La ministre de l’éducation nationale et del’enseignement supérieur, Najat Vallaud-Belkacem,justifiera son amendement retirant le ticket à trois enévoquant un « accord politique », ce qui pour ceuxqui en doutaient vient confirmer qu’on est visiblementbien loin des intérêts universitaires… Interrogé surce point, son cabinet nous a répondu que la ministrefaisait référence « à l'ordonnance du 17 juillet 2014qui acte une grande autonomie des pôles » mais quele ministère est bien « attaché à l'unité de la futureuniversité ».

Ce qui est sûr, c'est que des consignes dans lesrangs socialistes ont été données, et le secondamendement est adopté à une très courte majorité,Patrick Bloche, président de la commission desaffaires culturelles, utilisant son temps de parolepar d’infinies circonlocutions pendant que l’on batle rappel dans les rangs socialistes encore tropclairsemés (voir à partir de 2h25). L’épisode frise leridicule. Comme le texte finalement voté n’est pasconforme à celui adopté par le Sénat, une commissionmixte paritaire est réunie le 11 mars dernier.

Le rapporteur du texte à l’Assemblée, ChristophePremat (PS), qui ne veut pas se déjuger, serafinalement écarté et remplacé in extremis parun parlementaire plus conciliant, Yves Durand.Christophe Premat, qui ne souhaite pas trop s'étendre

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sur ces événements, confirme avoir très tôt senti«les pressions politiques dans ce dossier, et cedès l'examen du texte en commission». Malgré cespetits arrangements, aucun accord ne sera trouvé encommission mixte paritaire, ce qui fait qu’à ce jourl’université des Antilles n’a toujours pas d’existencelégale, et que son fonctionnement au quotidien en estentravé.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que lacommunauté universitaire antillaise, depuis lesrévélations sur les détournements de fonds duCeregmia, se sent assez peu soutenue par legouvernement. L’implication dans cette affaire duprésident de région proche du PS, Serge Letchimy(c’est lui qui a notamment insisté pour que lesdossiers du Ceregmia soient reprogrammés, malgré lesmultiples mises en garde sur les dérives financièresdu laboratoire – lire notre enquête), y est peut-être pour quelque chose. Serge Letchimy continue des’afficher aux côtés de l’ex-directeur du Ceregmia,qu’il qualifiait encore récemment en séance plénièredu conseil régional « d’ami [qu'il] respecte »,regrettant la « chasse à l’homme » dont celui-ci feraitl’objet.

La presse locale n’a pas manqué de releverla présence de Fred Célimène au congrès duPPM (parti progressiste martiniquais) d’octobredernier. Certains élus du parti, comme CamilleChauvet, qui se présentait récemment dans unentretien à France Antilles, comme le « soldat deLetchimy», participent activement à la campagne dedénigrement contre la présidente de l’université. Cedernier a récemment posté sur son compte Facebookun photomontage la représentant en bouledogue auxcôtés de François Hollande, avant de le retirer à lademande de Serge Letchimy.

[[lire_aussi]]

Alors que beaucoup d'universitaires se demandent sicette fragilisation de l'université, voire son éclatement,n'est pas le meilleur moyen d'étouffer l'affaire duCeregmia, Victorin Lurel dénonce lui un « amalgamedépréciatif et insultant. L'affaire est devant lestribunaux», souligne-t-il. Si la région Guadeloupe abien reprogrammé en 2011 trois dossiers émanantdu Ceregmia (pour un montant de 4,7 millionsd’euros), et ce malgré les doutes sur les remontéesde factures, il l'avait fait, nous avait-il expliquél'an dernier dans un courrier, « sous [la] lourdeinsistance » de Serge Letchimy. Contacté à plusieursreprises, Serge Letchimy n'a pas donné suite à nosdemandes d'entretien.

En cette année électorale (les élections pour lacollectivité territoriale unique de Martinique setiendront en décembre), le gouvernement estime-t-il que tout ce qui pourrait gêner ce prochedu parti socialiste est malvenu? Les voix deces deux territoires ultramarins pourraient bienêtre cruciales pour la présidentielle de 2017.De quoi passer, peut-être, quelques «accordspolitiques» comme l’expliquait Najat Vallaud-Belkacem. François Hollande effectuera son premiervoyage aux Antilles en tant que chef de l’État les 9 et10 mai prochain.

Boite noire

MM. Célimène et Logossah ont attaqué Mediapart endiffamation pour l'article intitulé «Université Antilles-Guyane : des subventions siphonnées à grandeéchelle». Ils ont été déboutés. Les responsables duCeregmia ont néanmoins fait appel.

Micheline Hugues n'a pas donné suite à notre mail.

Serge Letchimy, contacté par mails et SMS, n'a pasdonné suite.

Patrick Bloche, contacté à plusieurs reprises, n'a pasrépondu à nos appels ni à nos SMS.

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