LE GRECO ( 1541-1614)

Exposition Grand Palais du 16 octobre 2019 au 10 février 2020

BIOGRAPHIELE GRECO de son vrai nom Domenikos THEOTOKOPOULOS est né enCRETE en 1541 ( actuelle ville d’Heraklion).La Crète, à cette époque, est sous administration de la République deVENISE.Son père était collecteur d’impôts , il est mort quand Domenikos était encore jeune.

Dès sa jeunesse, il se montre enfant surdoué par rapport au dessin, c’est un enfant curieux.Il se forme en autodidacte en réalisant d’abord des icônes selon la culture byzantine ; il aurait fait sa formation au Monastère Ste Catherine des Sinaïtes

Ce type d’images pieuses: icônes contribuera à sa formation.

En recopiant des gravures crétoises de style byzantin, il va créer son propre style car à cette formation orientale très classique s’ajoutera par la suite l’influence de l’art occidental et ce mélange sera la signature de ses œuvres ( essentiellement religieuses).

« St Luc peignant la Vierge » tempera * et or- 41 x 33 cm-1565 Œuvre réalisée alors qu’il était encore en Crète .St Luc est le patron des imagiers, des peintres et des sculpteurs aussi ce thème est fréquemment peint notamment par les artistes du nord de l’Europe.Il s’agit d’un tableau dans le tableau réalisé dans la conception des icones byzantines

* technique à l’eau utilisée depuis l’Antiquité où le jaune d’œuf sert de médium pour lier les pigments sur du plâtre ou des panneaux de bois recouverts de gosso ( colle+ carbonate de calcium)

On s’accorde à penser qu’il s’agit du 1er tableau de l’artiste.On peut voir l’intérieur de l’atelier; quant à St Luc peut être un autoportrait; le mouvement des jambes est important tout comme le flottement de l’ange.La perspective est très maladroite : table, banc, tabouret

(Le tableau n’est pas restauré car les images sacrées, les images de saints ne sont jamais réparées dans la religion orthodoxe)

La religion orthodoxe sera sa première inspiration puis, quand il arrive en Italie, il découvrira la religion catholique, la réforme….

Il quitte la Crète en 1567 pour se rendre d’abord à Venise jusqu’en 1570, les images et les hommes circulent beaucoup entre ces 2 sites; Venise est une grande puissance maritime et économique ainsi qu’une plaque tournante et LE GRECO veut parfaire ses connaissances en matière de peinture.

Il se rapproche de l’atelier du TITIEN qu’il va vénérer « le meilleur imitateur et connaisseur de la nature » dira t-il de celui qu’il considère à la fois comme unmaitre et un père.

LE TITIEN « règne » sur Venise de 1520 à 1576 : c’est un portraitiste, un peintre reconnu , protégé par les FARNESE Il deviendra peintre officiel de la République de Venise. C’est vraiment le grand Maitre de la République vénitienne.

Dans cette « Assomption de la Vierge » réalisée en 1516/1518, on distingue le monde terrestre et le monde céleste que va rejoindre Marie.Des couleurs vives, des contrastes entre ombre et lumière et la mise en scène de mouvements (bras tendus)GRECO reprendra cette scène du Nouveau Testament pour en réaliser un chef d’œuvre.

« Triptyque de Modène » -tempera sur bois- réalisé en 1567/1568

LE GRECO réalise un autel portatifdont le recto est composé d’un panneau central ( 37 x 24) et 2 panneaux latéraux (24 x 18)en bois ( sans doute venu de Crète)Cette œuvre est vraisemblablementpeinte dès son arrivée à Venise.

Les panneaux latéraux représentent « L’Adoration des Bergers » et « le Baptême du Christ »Le panneau central où triomphent la couleur, une grande force d’expression et une rigoureuse composition représente « Le Chevalier chrétien » le Jugement Dernier

L’arrière représente « l’Annonciation » d’une part et « Adam et Eve » d’autre part tandis qu’en panneau central ce sont des pèlerin qui se rendent au Monastère Ste Catherine sur le Mont Sinaï

VENISE c’est la domination du triumvirat : LE TITIEN, LE TINTORET et VERONESE.GRECO comprend qu’il n’y a pas de place pour un novice comme lui.Il part pour ROME – capitale artistique de l’Europe- en septembre 1570.

Son penchant pour la peinture maniériste se confirme : il refuse l’illusionnisme, il veut dépasser la subjectivité. C’est de l’anti-classicisme, c’est le refus de la beauté idéalisée par les maitres précédents : Léonard de VINCI, RAPHAEL, MICHEL ANGE.

C’est au contraire peindre la vérité du monde avec ses imperfections

Bien qu’il admire MICHEL ANGE, GRECO en tant qu’homme arrogant va s’opposer à ce grand maitre et quand il reprend des thèmes déjà représentés par celui-ci, il tient à s’affirmer avec son style propre où les couleurs vont être audacieuses. On peut dire que GRECO est un grand coloriste imprégné par les couleurs vénitiennes.

Dans cette « Pietà »réalisée à la fin de son séjour romain ( vers 1570-1575) et destinée à un usage de dévotion ( petites dimensions 29x 20 cm)les nuages mauves sont quelque chose de nouveau .Etude anatomique minutieuse avec la contorsion serpentine.

Dans cette « Annonciation » ( vers 1576)on sent l’influence du TITIEN et de VERONESE;La perspective est donnée par le sol en damier et le lutrin au 1er plan.Les couleurs sont classiques, l’étude des drapés est remarquable ainsi que l’étude des mains

« Le Partage de la tunique du Christ » 1577 destiné à la cathédrale de Tolède en hommage aux reliques de ce vêtement conservées dans ce sanctuaire

tableau surchargé avec beaucoup de personnages qui confère un côté théâtral. Le Christ au centre, vêtu de pourpre est saisissant avec ses bourreaux derrière lui . Il est comme une apparition . La présence de Marie et de Marie-Madeleine n’est pas conforme aux Ecritures ce qui permettra aux commanditaires de payer le tableau moins cher!!!

Il réalisera d’autres copies de cette toile

Il va quitter précipitamment l’Italie pour se rendre en Espagne En 1576 d’abord à Madrid et rapidement il rejoint TOLEDE en 1577 où il va connaitre la période la plus féconde de sa carrière.

« Le songe de Philippe II » 1577-1579 appelé également « l’Allégorie de la Sainte Ligue » (c’est le combat contre l’Islam et les Ottomans)

Il «combine » les éléments de la peinture d’icones ( travail sur la couleur or) et ceux du maniérisme. C’est l’amorce de la peinture religieuse où il va exceller mêlant le terrestre et le céleste, le profane et le divin avec de nombreuses scènes à décrypter

On aperçoit la gueule du Leviathan, au centre de la Terre, qui se nourrit des pécheurs et l’enfer qui n’est pas loinTandis que dans les cieux, dans une lumière couleur d’or le cortège des anges forme une danse pour accueillir les bienheureux.Il y a la foule qui symbolise l’Eglise catholique

Le fait de représenter Philippe II avec le Pape et des cardinaux à ses côtés était une attention calculée!!

Il va peindre un « Martyre de St Maurice » mais ce tableau ne plaira pas au roi Philippe II qui l’avait commandé pour la décoration de l’autel de l’Escurial

Ce tableau réalisé entre 1580 et 1582 ( 448 x 301)n’était pas assez empreint de dévotion pour l’Inquisition, il n’incitait pas à la prière et il y avait trop de personnages, St Maurice est à peine visible alors que c’est le capitaine de la légion entrain de débattre avec ses hommes qui est au 1er plan. Philippe II le refusa et GRECO ne fut jamais reconnu comme peintre officiel de la Cour d’Espagne.

Sur un plan pictural : palette éclatante

sculptures LE Greco s’est adonné à la sculpture comme en témoigne ce « Christ ressuscité »(vers 1596) dans son tabernacle et ce« St Sébastien ».

Il a réalisé des éléments architecturaux pour des retables notamment.Il a écrit un traité sur la perspective.

GRECO meurt à Tolède le 7/4/1614 à l’âge de 73 ans.

St François et frère Léon méditant sur la mort » vers 1600

Austérité, pauvreté de palette pour ce patron de l’ordre des franciscains qui prône la pauvreté, l’humilité et qui œuvre pour la lutte contre l’hérésie, pour l’évangélisation.

LES PORTRAITS

Contrairement aux peintres de la Renaissance italienne, GRECO a peint peu de portraits féminins hormis des Vierge à l’Enfant ou des Marie -Madeleine.

Il a réalisé de nombreux portraits («alimentaires ») d’intellectuels, de collectionneurs qui prennent la pose mais surtout il tente de faire ressortir les traits de caractère de ses personnages.

Le portrait est un genre princier, aristocratique régi par des codes de représentation stricts mais avec GRECO il prend une dimension plus psychologique

On lui reproche souvent des figures allongées, des visages émaciés, est-ce parce qu’il était astigmate? Autre théorie c’est pour que les corps s’élancent vers le ciel comme des flammes pour qu’ils s’élèvent vers le céleste en s’allégeant de la pesanteur terrestre?....

« Portrait du cardinal Nino de Guevara »vers 1600 - huile sur toile- 171x 108

Ce grand Inquisiteur, archevêque de Séville trône véritablement.Regard intelligent mais soupçonneux , il porte des lunettes comme beaucoup de savants : bésicles pour mieux scruter jusqu’au plus profond de son interlocuteur mais aussi accessoire de mode destiné aux éruditsUne de ses mains est agrippée à l’accoudoir ( inquiet?)

A ses pieds un papier froissé qui porte la signature du GRECO; ce papier c’est comme une révérence de l’artiste face à cet important personnage de l’Eglise

« Portrait d’un frère trinitaire » 1606 /161092 x 85cm

Personnage assis avec sa soutane blanche et la croix rouge et bleue de son ordre; camaïeu de bruns et de blancs avec un visage austère , les 2 mains posées sur les accoudoirs, avec dans l’une d’elles les lunettes Grande prestance, assurance et calme d’un homme sûr de lui qui fixe le spectateur .

« Portrait de Jorge Manuel THEOTOKOPOULI, fils de l’artiste » 1603 (74 x51cm)

Son fils, architecte avant tout, a travaillé dans l’atelier de son père ce qui explique qu’il soit représenté avec les attributs du peintre, vêtu à la mode de l’époque

« St Martin partageant son manteau » ou « St Martin et le mendiant » 1597/1599huile sur toile 193,5 x 103cm

C’est un tableau d’autel représentant St Martin découpant son manteau pour le céder à un pauvre.On est face à un chevalier plutôt qu’à un soldat romain (armure espagnole et non romaine) qui se détache sur son élégant pur-sang blanc ( blanc = pureté) avec un ciel mouvementé , un ciel d’orage.Personnages allongés. Les 2 mains celle de St Martin et celle du mendiant se touchent dans une sorte de tendresse délicate.

Il s’agit d’une œuvre de miséricorde : vêtir celui qui est nu et qui exprime sa reconnaissance. Faire œuvre de charité (vertu théologale).

La cape partagée = chapelle

En arrière plan, le peintre a représenté la ville de Tolède magnifiée et non celle d’Amiens où se déroule normalement l’histoire de St Martin.Est-ce le portrait de son fils qui est représenté sous les traits du mendiant

« Saint Louis et son page » 1585 1590120 x96 Musée du Louvre

Même armure que dans le tableau de St Martin avec le jeu des lumières qui fait briller l’or ( St Louis a participé à une croisade).On reconnait les attributs royaux : la main de justice, la couronne, le sceptre à fleur de lys du roi de France qui était venu à Tolède et auquel on vouait une grande dévotion.

Cadrage à mi-corps, colonne dorique, en arrière plan GRECO avait représenté Tolède ( illisible actuellement)

« Jeune garçon soufflant sur une braise »vers 1569-1570 (60 x 50 cm)

Travail sur le contraste des lumières, le nocturne et le naturalisme : le souffle crée la lumière…

« La Fable » vers 1585huile sur toile – 65 x 90-

Beaucoup de similitude avec le tableau précédent mais ici sans doute une fable moralisatrice « il ne faut pas jouer avec le feu » d’autant que le singe est un symbole de péché, de luxure; quant à l’autre personnage son regard et son sourire sont chargés d’ironie

PEINTURE DE PAYSAGE« Vue de Tolède » huile sur toile 121 x 109

1597-1599

Avant le 16ème, le paysage n’est pas un genre à part entière; c’est un élément d’un tableau, servant souvent d’arrière pan pour les portraits, les scènes religieuses, de guerre ou de chasse.Ce tableau présente donc une grande originalitéIl s’agit d’un paysage chaotique, avec un ciel d’orage menaçant ; cet ensemble suscite un sentiment dramatique. On est loin des paysages idéalisés, poétisés de cette époque.Les couleurs sont froides : des nuances de vert pour la végétation et du bleu-gris pour le ciel et la ville.Le Tage est visible au 1er plan.On est presque face à un tableau d’inspiration flamande.

Sur la colline le palais de l’Alcazar avec la cathédrale( fantaisie topographique!) qui sert à donner un caractère monumental mais surtout sacré , spirituel à sa ville d’adoption

« Vue et plan de Tolède » 1610-1614L’originalité réside de placer dans le même tableau une vue et une carte.Dans le ciel, une madone évanescente( entourée d’anges et du saint protecteur de la ville) qui semble assurer la ville de sa bienveillance. Il a placé au centre de la toile l’hôpital pour lequel il avait réalisé une œuvre : s’agit-il d’une forme de reconnaissance pour satisfaire le commanditaire??? Quant au jeune homme qui tient la carte, il s’agit sans doute de son fils, cartographe à ses heures et à droite c’est l’allégorie du Tage qui coule à Tolède.

NB / il faut se rappeler qu’en Crète, outre les icônes, il a illustré des cartes marines et des vues de villes

TROIS ŒUVRES ICONIQUES :« l’Enterrement du comte d’Orgaz »

œuvre religieuse, œuvre d’histoire

« L’Enterrement du comte d’Orgaz »

1586-1588 - 480 x 360 cmTolède église Santo Tomé

Peinture où le profane et le sacré sont réunisdans un même tableau situé dans la chapelle où se serait déroulée la scène d’une croyance.

Il s’agit d’une commande pour l’église Santo Tomé avec contrat passé en 1586.GRECO reprend la légende locale populaire qui raconte qu’en 1312, le maire d’Orgaz meurt.Il s’agit d’un homme très pieux, qui a donné beaucoup d’argent pour l’Eglise.Lors de son enterrement, St Etienne et StAugustin sont intervenus pour le mettre dans son linceul

St Etienne et St Augustin sont représentés dans leurs vêtements ecclésiastiques d’apparat. ( à noter sur celui de St Etienne, est représenté son martyre)On peut reconnaitre le prêtre de la paroisse à droite et le fils du Gréco tourné vers le spectateur. Dans sa poche, un mouchoir sur lequel est inscrit une date:(1578,non pas celle de la création de l’œuvre mais celle de sa

naissance); GRECO se serait représenté en chevalier ( 3ème à partir de la gauche) parmi la foule de la procession. Travail très réaliste

Dans la partie supérieure : le monde sacré, le céleste avec l’ange qui emmène l’âme du défunt représentée par un bébé.

Quand le comte arrive devant la Vierge, le Christ et les bienheureux ; (on reconnait St Pierre à gauche et sans doute le roi Philippe II avec sa fraise et sa main sur le cœur) il se montre à nu pour demander sa rédemption.

Les couleurs sont blafardes, les corps étirés ce qui donne un caractère un peu inquiétant avec tous les visages interrogateurs

Outre l’aspect terrestre et céleste que traduit le passage de l’âme La présence du jeune enfant à côté de la dépouille du défunt est la représentation du cycle de la vie des hommes.

Les contrastes entre les couleurs chaudes ( vêtements sacerdotaux des 2 saints) et la noirceur des spectateurs (habits sombres) sont intéressants.

Les corps déformés sont la marque des œuvres du GRECO;

Quant à la lumière divine, elle irradie le Christ en majesté qui accueille le comte parmi les Bienheureux

« LAOCOON »ŒUVRE MYTHOLOGIQUE

« Laocoon » 1610137,5 x 172,4cm

Il s’agit d’une des dernières œuvres du maitre mais surtout le seul tableau mythologique

Il s’agit toujours de Tolède en toile de fond ( en lieu et place de Troie)

« L’ASSOMPTION DE LA VIERGE »ŒUVRE PUREMENT RELIGIEUSE

« L’Assomption de la Vierge » 1577-1579huile sur toile 403 x 212 cm

Il s’agit d’une commande de retable pour le monastère de Tolède. GRECO se réfère littéralement aux Ecritures.On parle de dormition de la Vierge ( pas de douleurs, pas de dégradations de son corps) et non de mortLa peinture est très explicite :Les 12 apôtres, dispersés à travers le monde pour enseigner la Parole, sont réunis 3 jours après le trépas pour assister à la montée vers le Ciel du corps et de l’âme soulevés par des anges

2 parties :

- la partie inférieure : le tombeau est videFace à ce miracle, les apôtres ( réunis par groupes de 6 sont perplexes, s’interrogent

- la partie supérieure montre la Vierge ( en contre plongée)bras ouverts en position de dévotion, le regard tourné vers le ciel, ses pieds reposent sur un croissant de lune ( ligne de démarcation entre la terre et le ciel) elle est entourée de 6 anges qui l’accompagnent dans cette ascencion

VARIATIONS SUR UN MEME MOTIF« Le Christ chassant les marchands du Temple »

LE GRECO peindra cet épisode au moins 4 fois entre 1570 et 1614 ( en Italie puis en Espagne)Il représente la colère du Christ dans le temple de Jérusalem : il casse les activités commerciales des changeurs, des prêtres qui vendent aux pèlerins des animaux destinés aux sacrifices. GRECO représente ce sentiment d’impureté et l’accentue avec des corps féminins à moitié dénudés.Ce lieu spirituel est transformé en lieu de débauches en tout genre, il veut traduire ainsi la purification de l’Eglise mais aussi de façon individuelle : purger sa conscience pour prétendre à la rédemption.

1570 tableau fidèle aux Ecritures, exercice sur la perspective, sur l’architecture classique, l’anatomie des corps, le plissé des vêtements

1575 au 1er plan, dans l’angle à droite : 4 personnages Michel-Ange, Giulio CLOVIO avec un jeune peintre aux cheveux longs et l’index sur le menton qui serait LE GRECO avec face à lui LE TITIEN qu’il reconnait comme son maitre

1600 Dans une des niches Adam et Eve chassés du paradis et dans l’autre portique le sacrifice d’Isaac : 2 oppositions comme dans la narration: le Christ au centre et d’ un côté les pêcheurs expulsés du temple, de l’autre ceux qui sont sauvés

Dans la dernière représentation 1614, beaucoup de mouvement dans un espace plus restreint avec moins de détails.Le temple s’apparente à un sanctuaire avec son autel flanqué d’un important tabernacle.GRECO accordait une grande importance au culte , il avait un certain penchant mystique Il démontre que l’Eglise doit être réservée à Dieu, qu’il s’agit d’un lieu exclusivement de prières, un lieu sacré.

Un des personnages au pied de la croix est le commanditaire en tenue civile ( costume sombre et fraise) et l’autre un ecclésiastique en surplis.

Sur un fond de ciel d’orage avec l’obscurité inquiétante qui figure les ténèbres qui vont survenir après la mort du Christ, se dresse la Croix .Pas de paysage, la croix et les personnages sont représentés que partiellement; Marie Marie-Madeleine et St Jean sont absents.Le Christ en croix n’a plus d’attache terrestre.Violences des couleurs en opposition avec la lividité du corps et le blanc du perizonium.

Une certaine similitude entre les bras et la forme du nuage au dessus de la croix.

« Le Christ en croix adoré par deux donateurs » 1595260 x 171 ( Musée du Louvre)

Le corps est démesurément allongé.Toujours les mêmes couleurs dramatiques toutefois un paysage se détache dans la partie inférieure : une colline, des frondaisons mais le ciel ténébreux avec quelques zébrures a un côté fin du monde

« Le Christ en croix » vers 1600193x 116

Il va représenter St François d’Assise plus d’une dizaine de fois.Il le traite de façon sobre pour faire écho à l’humilité franciscaine, en effet St Françoisest un modèle de sainteté qui vivant retiré dans une grotte consacre sa vie à la prière incarnant ainsi la perfection de l’âme chrétienne.

« Saint François recevant les stigmates »vers 1585 -102 x 96 cm-Le choix de la palette donne un côté un peu fantastique.Elégance des mains qui reçoivent les stigmates de la Passion du Christ .(St François eut la vision d’un ange portant un crucifix entre ses ailes)Sur le papier « ceci a été peint par Domenikos … » (écrit en grec)

« St François en prière » 1590147 x105

Il est agenouillé, seul dans sa grotte faiblement éclairée. Il est en pleine prièreSur ses longues et fines mains, on peut voir la trace des stigmatesIl porte a corde à 3 nœuds : 1 nœud / 1 vœu

- obéissance- pauvreté- chasteté

« Sainte Marie-Madeleine pénitente » 1576 1584 1589

1/Beaucoup de sensualité se dégage de cette jeune femme, une main sur la poitrine, les yeux tournés vers le ciel, la nudité de la chair ( du sein notamment) est traitée de couleur nacrée.On reconnait son attribut : pot à onguents et les accessoires de sa réclusion: le crâne ( vanité) et le livre des Evangiles.Elle semble en pleine méditation devant un paysage désertique et un ciel assez dramatique et apparait tout en beauté ( chevelure blonde abondante, sorte de candeur innocente)

2/La prostituée repentie est toujours représentée avec son pot à onguents, le crâne. Cette fois, pas de nudité, elle est enveloppée d’ étoffes et ses mains croisées permettent de penser qu’elle est en pleine prière.Son regard tourné vers le ciel avec des yeux surdimensionnés qui semblent baignés de larmes.Elle peut paraitre en extase.

3/Dans cette 3ème représentation, elle est plus austère : vêtement rouge orangé.Elle semble fasciné par le crucifix posé contre le rocher au dessus de la vanité.Aucun décor; seule la sainte en pleine prière

Les 3 tableaux illustrent à la fois la beauté et l’amour divin

ŒUVRE ULTIME

« l’Ouverture du 5ème sceau » ou « La Vision de St Jean

1610-1614( année de sa mort)222 x 193 cm

Cette œuvre a été peinte pour l’église de l’hôpital de Tolède et elle appartient à un ensemble monumental conçu pour un maitre autel( une « Annonciation » et « Un baptême du Christ »)

C’est la vision de St Jean, le moment de l’Apocalypse.

A rapprocher des corps de Laocoon-

Au 1er plan St Jean avec une forme exagérément allongée, le visage tourné vers le ciel qu’il implore avec ses bras levés. Est-il prêt à s’agenouiller, à tomber ?Un groupe de 4 personnages ( 2 hommes et 2 femmes ) qui veulent couvrir leur nudité avec un drap jaune; un autre groupe de hommes devant un drap vert qui essaient d’attraper les vêtements blancs distribués par les angelots

Tableau dépouillé mais respectant le récit prophétique.Réalité spirituelle transcendante d’un monde nouveau à venir ?Avec cette œuvre, c’est la reconnaissance d’un génie que l’on avait cru fou, malade et surtout mystique

L’INFLUENCE DU GRECO, SA POSTERITE

LE GRECO 1577/79 CEZANNE 1885/86Chez GRECO, sur un fond sombre une jeune femme vêtue d’une robe de fourrure(hermine ou lynx) avec un voile transparent sur la tête. Chez CEZANNE tonalités plus claires mais visage plus triste d’une femme de plus modeste condition(pas de bijoux)

« La dame à l’hermine »

Dans « l’Enterrement de Casagemas » 1901, la référence est frappante quant à la structure du tableau. La partie inférieure traitée en dégradé de bleu montre la souffrance, la douleur et la tristesse et une certaine pauvreté.Il s’agit de l’enterrement de son ami espagnol Carlos Casagemas (qu’il peindra sur son lit de mort)

La partie céleste fait référence davantage à des scènes d’orgie d’un drôle de paradis…

LE GRECO 1586/1588 PICASSO 1901

« La Sainte Famille avec Ste Anne »1587 « Famille d’acrobates avec un singe » PICASSO 1905

« Portrait d’un ancien noble »1600 « Portrait de Jaime Sabartès » 1939poète espagnol et grand ami de PICASSO

« Pieta » 1580/1590 huile sur toile121 x 155

Dans cette « Descente de Croix » de Max BECKMANN (1917) les corps sont étirés . La laideur est le maitre mot pour dénoncer la cruauté, la monstruosité, le chaos de la guerre

GRECO est le représentant de la Renaissance espagnole même s’il est considéré à tort comme un génie inclassable( fou et mystique)Il influencera VELASQUEZ, GOYA et PICASSO.Il ne sera véritablement reconnu que vers 1900 grâce aux romantiques; en 1910 un musée lui sera consacré à Tolède.L’exposition rétrospective de ses œuvres montre comment il a créé son propre style facilement identifiable même si son travail a été longtemps incompris et méprisé.