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Société Royale
«Sambre et Meuse»
Association sans but lucratif
Le
Guetteur
Wallon
REVUE TRIMESTRIELLE
61me année
Le n° - 150 frs 1985 - N° 3
LE GUETTEUR WALLON
Organe de la Société Royale
Sambre et Meuse(A. S. B. L.)
IN MEMORIAM
Fernand DANHAIVE
Joseph CHOT
Chanoine Evariste HAYOT
Abbé René BLOUARD
Emile DAVE
Joseph ROLAND
Félix ROUSSEAU
HAUT PATRONAGE
M. Emile LACROIX, Gouverneur de la Province de Namur.
Monseigneur R. MATHEN, Evêque de Namur.
COMITE D'HONNEUR
Monseigneur Philippe DELHAYE, Protonotaire apostolique, Professeur émérite à la
Faculté de Théologie de Louvain-la-Neuve, Membre de l'Académie Royale de
Belgique.
MM. Ernest MONTELLIER et Georges TURC.
CONSEIL D'ADMINISTRATION
Président: M. Jean BAUDHUIN, Directeur de la revue «Le Guetteur wallon»,
55, rue Melchior, 5002 Saint-Servais - Tél. 73.36.45.
Vice-Présidents : Mme Françoise JACQUET-LADRIER et M. François JACQUES.
Secrétaire: Meiie Marie-Louise DAMOISEAU, 129, chaussée de Louvain, 5000 Namur
Tél. 22.26.13.
Trésorier: M. Ernest TONET, 526, route d'Hannut, 5024 Gelbressée - Tél. 21.09.52.
Membres : Mmes A. CANIVET, MARÉCHAL-PELOUSE, Mlle M.-Cl. OFFERMANS,MM. J. BOVESSE, A. DULIÈRE, J. FICHEFET, J. GODEFROID, L. LEONARD,R.P. Daniel MISONNE, J. WILLEMART.
Cotisation ordinaire : 500 frs.
Cotisation de soutien : 550 frs.
Cotisation de membre protecteur: 1000 frs.
C.C.P. 000-0505262-86 au nom de Sambre et Meuse - Le Guetteur Wallon, 5000 Namur.
SOMMAIRE
M. Pignolet : LA SYMBOLIQUE DU COQ
F. Jacques : SEISMES AU PAYS DE LIEGE
J. Herbillon : NOTES DE TOPONYMIE NAMUROISE
Comptes rendus
81
105
108
110
LA SYMBOLIQUE DU COQ
S'il est un animal qui fut mis à toutes les sauces, c'est bien le coq. Les
artistes ont trouvé en lui un sujet de choix ; les sciences s'en sont servi abon
damment, mais le folklore ne leur cède en rien, nombreuses encore sont les
manifestations que notre Chantecler anime de sa présence physique ou
symbolique.
D'où vient cette popularité pour un hôte de la ferme qui n'est pas plus
désigné que le cheval ou le chien, à prétendre à un tel honneur ? Il la doit
sans doute à son prestige de grand seigneur — n'a-t-il pas une (basse)
cour —,-à son port altier et à son cri caractéristique, le fameux cocorico
qui, avant tout autre, rompt le silence de l'aube et porte à une distance
étonnante.
Dans l'Antiquité, on sacrifiait un coq à la déesse de la nuit, sans doute
pour le punir d'avoir troublé son repos, en signalant dès les premières lueurs
l'apparition du jour.
Au Japon, par contre, ces volatiles jouissaient d'un régime moins sévère.
Ils étaient enfermés dans les temples de la déesse Soleil pour qu'ils l'éveil
lent à l'aurore par le concert assourdissant de leurs voix perçantes.
Les Romains attribuaient aux jeunes coqs appelés poulets sacrés, le don
d'interpréter la volonté des dieux. Aucune entreprise guerrière n'était ten
tée sans les avoir consultés. On tirait les oracles de la façon dont les oiseaux
picoraient les grains qu'on leur présentait pour se nourrir.
Dans la Grèce Antique, Asclépios, dieu de la médecine, PEsculape des
Romains, avait le pouvoir non seulement de rendre la santé aux malades
mais aussi de ressusciter les morts. Ceux qui avaient été guéris devaient le
remercier en lui sacrifiant un coq.
Après avoir bu la ciguë, sentant déjà se glacer son corps, Socrate recom
manda à son disciple de satisfaire à la coutume : « Croton, parvint-il encore
à dire avant d'expirer, n'oublie pas d'acquitter cette dette ».
Ces paroles du philosophe ne laissent pas de surprendre puisqu'il se
sait condamné. Mais ne voulait-il pas simplement affirmer que pour lui la
mort est une guérison et qu'il espère en une vie nouvelle ?
Pour les populations médiévales, nourries de croyances enfantines, le
cocorico avait une signification magique. Pendant l'épidémie de peste noire
— 81 —
du XIIe siècle, les danses organisées par les sorciers pour conjurer le fléau,
se terminaient toujours au chant du coq qui, en annonçant le jour, annihi
lait, croyait-on, l'action néfaste des agents propagateurs du mal. Mais avec
plus de certitude, il réduisait à néant les entreprises nocturnes du Malin.
Tout le bruit qui accompagna pendant des siècles ses exploits légendaires,
a créé autour de lui une aura de mystère et de sympathie et en a fait le symbole
de l'éveil, de la vigilance, du courage et de l'activité.
Les Celtes vouaient un culte à la poule et au coq qu'ils considéraient
comme facteurs de la puissance virile et de la fécondité.
Mais il tenait aussi un rôle éminent dans la grande famille mythique.
Déméter, la déesse grecque de la terre cultivée — que les Romains iden
tifiaient avec Cérès — avait pour attribut le coq. Elle apportait le blé et déte
nait le pouvoir divin de faire germer les semences et de les protéger jusqu'à
leur maturité par le mythe expliquant le retour des saisons. Le coq, tou
jours présent à ses côtés, passait pour posséder un instinct divinatoire qui,
à l'instar de la déesse, lui faisait pressentir les variations atmosphériques.
C'est probablement en relation avec cette faculté qu'on le consacra à
Esculape.
Héraut attitré du jour naissant, il se tenait auprès d'Apollon, surnommé
Phoebus, dieu de la lumière.
Pour sa vigilance, on le voua à Mercure, le dieu des marchands, des
voleurs, des messagers, comme son ardeur belliqueuse en fit le compagnon
de Mars, le guerrier. Il devint un symbole, la personnification du courage
et de la vaillance. On l'offrait aux combattants victorieux de même qu'aux
meilleurs athlètes des compétitions sportives.
Hermès, le guide solennel des morts, qui menait les âmes à leur der
nière demeure, apparaissait accompagné d'un coq qui partageait sa funè
bre fonction.
Il décorait les lampes dans les tombes égyptiennes. Avec l'instinct qui
lui fait voir le soleil avant qu'il se lève, il portait aux défunts le message
des dieux leur annonçant la résurrection.
Presque partout dans le monde antique, il est associé à l'idée de renais
sance et de survie. On lui prêtait des aptitudes que l'on ne reconnaissait géné
ralement qu'aux habitants de l'Olympe, aussi était-il en certains lieux, honoré
et même craint comme un dieu. Le couvent de Saint-Gall dut à cette croyance
d'être épargné d'une attaque hongroise. En apercevant le coq doré sur la
tour de la chapelle, les assaillants refusèrent d'avancer, redoutant de déplaire
à une divinité inconnue d'eux dont le courroux leur serait fatal.
Dans la mythologie Scandinave, le dieu de la foudre, Donar, était repré
senté par un coq ; son effigie était placée sur tous les temples en signe d'hom
mage et pour obtenir protection contre le feu du ciel. Le christianisme, qui
annexa les anciens cultes et les coutumes antérieures, changea Donar en
— 82 —
Donat, en lui conservant les mêmes prérogatives.
Ce phénomène de substitution, fort fréquent au début de Pévangélisa-
tion de nos contrées, n'est peut-être qu'une hypothèse, mais ce qui est cer
tain c'est que, d'après le Dictionnaire des sciences religieuses, un hymne des
Laudes de l'office dominical, fait un vif éloge du coq :
« Le héros du jour déjà retentit, appelle l'éclat du soleil.
Excité par lui, Lucifer (l'étoile du matin) dégage le ciel des ténèbres.
Par lui, la cohorte entière des vagabonds quitte le chemin de la
nuisance.
Par lui, le nautonnier reprendforce, et de la mer s'apaisent les flots.
Levons-nous donc courageusement ; le coq excite qui repose.
Au chant du coq l'espoir revient, la santé s'infuse aux malades.
Le larron rentre son épée, qui tomba retrouve confiance.
Jésus, regarde ceux qui tombent et d'un regard corrige-les.
Si tu regardes, les souillures se détachent.
Par les pleurs est lavée la faute. »
Après une si vibrante apologie, faut-il s'étonner du choix porté sur le
coq pour veiller du haut du clocher sur les ouailles de la paroisse.
Morand de Mende, dans son Rational I, explique en liturgiste, le symbo
lisme du coq d'église. Pour lui, il représente les prédicateurs. « Le coq, en
effet, vigile de la nuit profonde, par son chant donne les heures, il excite
ceux qui dorment, il annonce l'approche du jour, mais d'abord il s'excite
lui-même à chanter par le mouvement de ses ailes. Et tout cela ne manque
pas de mystère. La nuit, en effet, c'est le siècle, ceux qui dorment sont les
fils de la nuit ensevelie dans le péché. Le coq représente les prédicateurs qui
prêchent distinctement et excitent les endormis à rejeter les œuvres des ténè
bres en criant : « Malheur à ceux qui dorment », et, prudemment avant de
prêcher aux autres les vertus, eux-mêmes s'excitent à sortir du sommeil du
péché. Comme le coq, ils se tournent contre le vent, interpellent les rebel
les. La tige de fer où se tient le coq représente la parole droite du prédi
cateur ».
La plupart des Français sont convaincus que ce coq rutilant que l'on
voit à la pointe des clochers, est le coq gaulois, l'emblème de leur patrie.
Si flatteuse que soit cette croyance, elle ne correspond nullement à la réalité.
Cet usage est attesté par saint Eucher, évêque de Lyon, qui assure qu'au
Ve siècle déjà, figurait sur certains clochers d'Occident, un coq « revêtu de
sa parure d'or, résistant à tous les souffles du vent qu'il brave sans
défaillance ».
Les autres témoignages sont beaucoup plus tardifs.
En 820, Rampert, l'évêque de Brescia en Italie, fit placer un coq sur
son église et donne une signification religieuse à son geste. S'inspirant de
la scène du reniement de Pierre et du repentir qu'il suscita dans la conscience
— 83 —
de l'apôtre, il voulut par la présence permanente de l'oiseau légendaire, inciter
ses paroissiens à la réflexion salutaire et à la vigilance.
Cette initiative fut accueillie favorablement par les milieux ecclésiasti
ques qui encouragèrent sa diffusion. Sur l'ordre du pape Léon IV, un coq
de bronze de 64 kg fut planté sur l'ancien clocher de la basilique Saint-Pierre.
Venant de Rome, l'exemple eut une grande résonance dans le monde chré
tien où se généralisa cette pratique. C'est ainsi que peu à peu, les anciens
anémoscopes, flèches, pennons, etc, disparurent des clochers des chapelles
et couvents et même des édifices civils, pour être remplacés par l'emblème
de saint Pierre.
En 965, le moine Guy rapporte la destruction par la foudre du coq sur
montant le monastère Saint-Pierre à Châlons. En 1001, celui de la cathé
drale de Coutance subissait le même sort. D'autres chroniqueurs font
mention des innombrables méfaits du feu céleste sur les clochers au Moyen
Age.
Nous savons par le poète anglais Waltson que la cathédrale de Win
chester que fit bâtir l'évêque Elfège en 980, fut dotée d'un beau coq doré.
La tour de la cathédrale de Salamanque qui date du XIIe siècle doit
son nom Torre del Gallo au coq qui surmontait son campanile.
Notons en passant que les temples protestants se reconnaissent par
l'absence de coq, celui-ci étant remplacé par un ange, une étoile ou un autre
symbole.
En détrônant les signes traditionnels, le coq inaugurait un règne qui
ne fit que s'affirmer dans le temps et dans l'espace. L'actualité n'a pas tari
la vogue dont il a joui depuis un millénaire et a élaboré autour de son ins
tallation tout un scénario curieux et amusant qui révèle allégoriquement la
portée des rôles qu'on lui assigne.
Si la pose d'un nouveau coq ou le remplacement de l'ancien demeure
dans un village un événement spectaculaire, la tradition locale seule, en règle
le déroulement ; certaines coutumes en honneur ici sont ignorées chez le voi
sin qui en pratique d'autres.
Nous avons donc prospecté dans le folklore de toute une région pour
donner un aperçu assez complet.
Dans la matinée de l'opératon, le coq de cuivre ou de laiton, abondam
ment enrubanné, est promené dans tous les quartiers par les couvreurs qui
doivent procéder à la mise en place. Ils vont de porte en porte présenter
l'oiseau à l'admiration des habitants qui, en remerciement de cette atten
tion, offrent une obole et une rasade de genièvre. La collecte dure longtemps
et met les ouvriers à rude épreuve mais ils se surveillent, tenant à garder
la tête froide pour l'exploit de l'après-midi.
Parcourant les rues de la localité, l'appariteur, entre deux coups de son
nette, informe la population : « à 15 h 30, on r'plante le coq ». (Bertrix,
— 84 —
1953) En attendant l'heure, celui-ci est exposé sur une petite table devant
l'église. (Bohan, 1966) Superbe sous son plumage de métal rutilant, pim
pant, royal, il est tout à son avantage. Prêt à recevoir l'hommage des curieux
qui veulent le toucher pour pouvoir évoquer plus tard ce souvenir peu com
mun. Afin d'authentifier ce moment mémorable, on mobilise la pellicule
pour la photo de circonstance. Les gosses se bousculent pour être au pre
mier rang. Le couple le plus âgé devra lui aussi poser pour la postérité (Aile,
1979). Quand les jeunes filles s'approchent à leur tour de l'oiseau, c'est un
concert d'exclamations joyeuses et de compliments flatteurs. Chacune tient
à le caresser comme s'il était vivant et certaines ingénues en âge de se marier,
lui adressent même une prière toute personnelle ... car une ancienne croyance
assure qu'un geste gentil accompagné d'un vœu, porte bonheur à celles qui
ne plaisantent pas à ce jeu ...
Peu avant qu'on ne l'emporte vers les nues, le coq est béni par le curé
qui exprime sa gratitude à l'administration communale, au conseil de fabri
que ainsi qu'aux ardoisiers qui ont accepté ce périlleux travail.
Sans perdre de temps, ceux-ci se saisissent de l'objet et se dirigent réso
lument vers l'escalier de la tour. Ils réapparaissent bientôt à la lucarne du
clocher et le chef de l'escouade, le coq attaché sur le dos, s'engage avec pré
caution sur l'échelle amarrée sur le plan presque vertical. Tandis que s'effec
tue la lente et difficile ascension, les spectateurs ne quittent pas l'homme
des yeux, ils retiennent leur souffle et poussent un ouf de soulagement quand
il s'agrippe au montant de la croix. Pour corser le spectacle, il feint de glis
ser mais son aide, vigilant, facilite le rétablissement. (Gedinne, 1959)
Le plus ardu reste à faire. Sans doute, l'artisan n'en est pas à son coup
d'essai, mais à une telle hauteur, avec un poids de 12 à 15 kg qui entrave
ses mouvements, une défaillance est toujours possible.
Prenant appui sur les ancres de la croix, il parvient sur la traverse qui,
du bas semble bien fragile, il assujettit sa ceinture de sécurité, saisit l'oiseau
et le place dans l'alvéole qui lui est destinée. Il salue de la main, libère quel
ques rubans qui s'en vont en caracolant par-dessus la place et fait tourner
le coq trois fois : une fois en l'honneur du curé, une fois pour le mayeur
et la troisième pour les gens du village.
Les cloches se mettent à carillonner à toute volée, les badauds applau
dissent, un loustic lance un cocorico joyeux ... La cérémonie est terminée.
Le nouveau coq est maintenant en place pour quelques décennies. Juché
tout là-haut sur son perchoir, il guette la marche des nuages et vire aussitôt
à leur rencontre. Son audace incorrigible lui vaut d'être considéré comme
un oracle. Il devient le point de mire des villageois qui n'agissent plus qu'en
fonction de ses indications. Désormais, il fait partie du décor et quand, vieilli,
épuisé par cette lutte incessante contre les éléments, inutile sur son axe rouillé
il prendra sa retraite, bien des années auront passé ... Combien de vieux
et d'autres n'aura-t-il pas vu franchir le porche, les pieds devant après avoir
tiré la corde et assuré la relève, avant que lui-même, à son tour, ne cède
— 85 —
la place à un successeur jeune et fringant ?
Ainsi se déroule généralement l'installation de ce sympathique citoyen :
promenade, collecte, hommage mutuel, escalade spectaculaire, mais, nous
l'avons dit les rôles diffèrent d'un village à l'autre et sont parfois improvi
sés ... Quand l'échafaudage ayant servi à une réparation importante est tou
jours dressé, le poseur de coq entame l'ascension à l'extérieur, allant d'échelle
à échelle jusqu'au sommet. Cette prouesse valorisait les mérites des intrépi
des grimpeurs et donnait une grande publicité à cet événement local.
Dans les pays de l'ancienne Gaule, le coq n'a jamais été honoré spécia
lement, il n'a jamais figuré sur les monnaies, ni sur les monuments, tout
au plus a-t-il inspiré quelques œuvres artistiques.
« Le sanglier, écrit Jean Markale, dans son « Vercingétorix » (Hachette,
1982) est l'emblème gaulois par excellence. La presque totalité des ensei
gnes de guerre qu'on a pu retrouver sont des perches surmontées d'une repré
sentation en bronze d'un sanglier ».
Comment donc expliquer cette appellation de « gaulois » et son éton
nante promotion comme emblème de la France ?
Il les doit à un jeu de mots en latin sur « gallus » qui signifie aussi bien
« gaulois » que << coq ». Ce dernier terme dérive de « Galea » qui veut dire
« crête » avant d'avoir le sens de « casque ». Il n'acquiert la valeur de
symbole qu'à l'apparition du blason et des armes parlantes.
En 1214, il y eut même un Ordre du Coq, institué par un dauphin du
Viennois à l'occasion d'un grand danger qu'il courut en combattant les
Anglais. Cet ordre fut ainsi appelé parce que les chevaliers portaient un écu
d'argent à un coq de sable, c'est-à-dire noir.
C'est par une boutade que le coq s'inscrit dans les chroniques militaires.
En 1328, alors que le roi de France Philippe VI avait investi la forte
resse de Cassel (Flandre) réputée imprenable, les assiégés par bravade, expo
sèrent dans un endroit bien en vue, un grand coq peint avec ces deux vers :
« Quand le présent coq chantera
Le roi, Cassel, conquérera »
La ville fut pourant enlevée après une résistance désespérée de la garni
son qui perdit 12.000 hommes, les trois quarts de son effectif.
Les Français remplacèrent alors l'inscription par :
« Jamais ce coq-là n 'a chanté
Mais le roi Philippe est entré ».
Le premier emploi du coq pour personnaliser les Français, n'est guère
flatteur pour eux. C'est en effet, une médaille gravée en 1495 en hommage
au duc de Milan, Ludovic Sforza qui chassa les troupes françaises d'Italie.
« On y voit l'aigle de Maximilien 1er, empereur d'Allemagne, foncer sur
— 86 —
des coqs terrifiés, représentant les Français » (Historia, n° 442, 1983).
Mais lorsque changea la fortune des armes, les médaillistes ne man
quèrent pas de prendre leur revanche et, avec l'esprit de leur race, célébrè
rent en des scènes allégoriques, la gloire du petit coq gaulois, victorieux du
léopard anglais, du lion de Castille ou de l'aigle autrichienne.
Il n'en fallut pas plus pour que les masses, flattées dans leur orgueil
national adoptent ce champion belliqueux et toujours triomphant ...
Depuis lors, il ne cessa d'être présent dans l'Histoire.
En 1601, pour commémorer la naissance de celui qui, neuf ans plus
tard, allait devenir Louis XIII, son père Henri IV fit frapper une médaille
où le coq apparaissait sans aucune confusion, comme le symbole de la nation.
Louis XIV lui ouvrira les portes du château de Versailles en le faisant
figurer dans les décors de la Galerie des Glaces.
La Révolution de 1789 allait le projeter dans l'actualité. Choisi comme
animal emblématique de la patrie française sous les traits d'un coq chan
tant, crête, barbé, becqué, membre, selon le vocabulaire héraldique, il se
présente la tête haute, le bec ouvert, dressé sur ses ergots et symbolise le
peuple prêt au combat pour ses libertés. Ainsi le verra-t-on flotter sur les
glorieux drapeaux de Valmy, de Jemappes. Jamais époque ne fit une telle
consommation de son image. On le reproduit sur les assiettes révolution
naires, sur les médailles, les monnaies, les cachets. Il légalise les papiers admi
nistratifs, les brevets militaires. Ses ennemis, surtout les Anglais, écoeurés
par les excès de la Terreur, expriment leur mépris en le caricaturant d'une
manière féroce.
Napoléon pourtant, l'écarté de ses étendards : « Je ne veux pas, disait-
il, d'un animal qu'un vulgaire renard puisse manger ». Il opta pour l'aigle
que supprima la Restauration. Mais le coq reparut sous Louis-Philippe qui,
en 1830, l'imposera au cimier des drapeaux de la Garde Nationale et en fera
la mascotte de sa police avec la devise : « II veille pour que les autres se
reposent ». Il sera encore en honneur en 1848 avant que le Second Empire
ne lui substitue de nouveau l'aigle romaine. Il connaîtra la consécration défi
nitive lors de l'Exposition universelle de 1900. Quinze ans plus tard, le des
sinateur Abel Faivre fit jouer la fibre patriotique des Français en réalisant,
avec le coq comme modèle, l'affiche fameuse pour l'Emprunt de guerre.
A présent, il est bien installé dans la vie française. Il se dresse fière
ment au-dessus de la porte du jardin de l'Elysée, aux côtés de la Victoire
incarnée par Marianne sur les monuments aux morts de la Grande Guerre.
Il circule dans tous les villages de l'hexagone et au-delà des frontières sur
des timbres-poste, sur des labels d'origine, sur des calicots et des maillots
de clubs athlétiques, car cette tradition s'est aussi perpétuée dans le monde
sportif par l'appellation de « coqs » que se décernent volontiers les équipes
nationales en compétition avec des étrangers. Les supporters, les journalis
tes entretiennent ce culte avec ferveur et claironnent avec frénésie de joyeux
— 87 —
cocoricos ou scandent : « Allez, les coqs ! » quand le score penche en leur
faveur.
Une firme cinématographique parisienne l'a pris pour indicatif et le
montre avant chaque projection du film, jetant son cri strident le cou tendu
dans une attitude très photogénique ...
Comme on le voit, le symbolisme du petit coq gaulois demeure vivace
dans les esprits et prend même par delà les frontières un caractère plus pro
fond, plus sentimental comme en témoigne la décision historique du mou
vement wallon de chez nous, de choisir cet oiseau belliqueux pour emblème
de la Wallonie.
A tout mouvement qui se veut révolutionnaire, qui appelle à une auto
nomie politique ou à une action plus dynamique, il faut un signe de rallie
ment, un drapeau. Le coq qui fut retenu et que devait dessiner en 1913, le
peintre Pierre Paulus, différait par l'attitude de son aîné français, c'était
le « coq hardi », un coq qui lève la patte droite. « Hardi » est un terme
de vénerie qui se dit de tout oiseau aimant la chasse, le combat. Cette image
répondait parfaitement au vœu des promoteurs, lesquels devaient encore
s'accorder sur le choix des couleurs qui devaient s'harmoniser avec le symbole
sans heurter les susceptibilités régionales. Discussion laborieuse qui aboutit
finalement en mai 1913, à la publication dans « La Défense wallonne » de
la résolution suivante :
article 1. La Wallonie adopte pour drapeau le coq rouge sur fond jaune,
cravaté aux couleurs nationales belges.
article 2. Ses armes seront le coq hardi de gueules sur or avec le ci
« Liberté » et la devise : « Wallon toujours ».
Il faudra toujours plus d'un demi-siècle pour que le Conseil culturel
français reconnaisse officiellement le coq wallon comme symbole de la Wal
lonie et de la Communauté française de Belgique tout entière.
Depuis lors, il est de toutes les manifestations. Panache rouge sur le
jaune du drapeau, il frétille joyeusement au vent de la liberté, impatient
d'actions décisives et de conquêtes retentissantes ...
Au Portugal, le coq est très populaire et fait figure d'ambassadeur du
tourisme et de l'artisanat. C'est à Barcelos, sur les rives du Rio Lima, qu'est
né ce curieux volatile au plumage noir abondamment fleuri et marqué de
petits cœurs rouges. Une légende ancienne inspire le sculpteur qui en façonna
le modèle. Elle vaut d'être contée.
Au XVe siècle, un crime commis à Barcelos et resté impuni avait jeté
l'émoi parmi la population. En ce temps-là, la justice ne s'embarrassait pas
de légalité, ni même de vérité, seule comptait la conviction ... Il fallait un
coupable, on en trouverait un. Or, dans la petite ville, on venait justement
de signaler la présence d'un étranger, donc a priori d'un suspect. Sa mine
peu avenante, ses habits élimés ne plaidaient guère en sa faveur, aussi la
— 88 —
rumeur publique le désigna aussitôt comme le meurtrier recherché. En effet,
pouvait-on croire que ce vagabond fut un pèlerin de Compostelle comme
il l'affirmait. Arrêté, jugé sommairement, malgré ses protestations, il est
condamné à être pendu. Comme on lui permettait d'exprimer un dernier
vœu, notre homme demanda à rencontrer son juge. Celui-ci, la conscience
en paix, festoyait avec quelques confrères. Le condamné s'éleva avec véhé
mence contre l'injustice dont il était victime, sans éveiller la moindre pitié.
Désormais sans illusion sur son sort, montrant le coq rôti que les serviteurs
déposaient sur la table, il dit : « II est aussi certain que je suis innocent qu'il
est sûr que ce coq chantera au moment où on me pendra ». Ces propos bizar
res ne convainquirent personne mais impressionnèrent les convives qui, par
prudence, ne touchèrent pas au plat. L'arrêt de la cour fut donc appliqué
sans plus tarder. Au moment même où la corde se tendait, le coq rôti se
dressa comme par miracle et chanta ...
Aujourd'hui l'accueil portugais a bien changé. Autant il était autrefois
réticent et hostile, autant il s'est fait spontané et cordial à l'égard des étran
gers, sous le signe du coq aux petits cœurs rouges.
Ce bibelot prend même maintenant valeur de symbole et récompense
l'auteur du meilleur reportage touristique sur le Portugal. C'est une distinc
tion très convoitée dont le prestige honore aussi bien le lauréat que le pays
qui la décerne.
Les hommes ont besoin de mythes pour nourrir leurs rêves et leurs
espoirs. Ils ont vu dans la vitalité débordante de ce sultan ailé, dans son
caractère pétulant et dominateur, dans sa superbe à l'air de défi, le symbole
de leurs propres aspirations : la santé, la réussite, la sécurité, l'ambition ...
Il est donc associé, cet animal-fétiche à nombre de leurs réjouissances,
qu'il s'agisse d'anniversaires, de traditions corporatives ou de rites sai
sonniers.
Une ancienne coutume, qui tend à renaître chez nous, voulait qu'on
offre un beau coq vivant au doyen (ou à la doyenne) du village, quand il
atteignait l'âge respectable de nonante ans.
Ce geste de sympathie était un hommage de la population à la verdeur
exceptionnelle du jubilaire. Il est bien possible que primitivement, le choix
d'un animal vigoureux et en pleine force, soit dicté par la superstition. Autre
fois, on attribuait volontiers à un sujet déterminé — généralement un ani
mal, parfois une plante — un pouvoir magique qui pouvait seconder les
desseins des humains. Par sa présence et l'efficacité qu'on lui prêtait, le coq
devait accomplir l'action bénéfique qu'on souhaitait en produisant sur le
nonagénaire, des effets semblables à une cure de jouvence.
Ce culte du totem est aussi vieux que le monde mais en passant du reli
gieux au profane, il a perdu son sens primitif, et son objet, totem ou féti
che, s'est abaissé au rang de mascotte ou d'emblème. Telle est, semble-t-il,
l'explication valable de l'origine de cette pratique.
— 89 —
sur
Cette croyance attachée au coq-fétiche était si ancrée dans les esprits,
aux siècles passés, que certaines professions lui accordaient une grande con
fiance.
Les maçons allemands, lorsqu'ils entreprenaient une construcon d'une
certaine durée, enfermaient un coq rouge avec une réserve normale de vivres
et d'eau pour toute la période des travaux. Ils étaient fermement convain
cus que tant que le volatile n'aurait pas épuisé sa provision de grains, le
beau temps persisterait.
Bien que cet espoir fût parfois déçu, les ouvriers continuaient fidèle
ment à recourir à ce moyen original de conjurer le mauvais sort.
A présent, ces rites sont cessé, la raison l'ayant finalement emportée
la superstition, mais le coq n'a pas été écarté pour la cause.
Quand le gros œuvre est terminé, la charpente placée sur les murs, un
manœuvre fixe au faîte du bâtiment un petit sapin garni de fleurs et de guir
landes. Cela s'appelle : « faire le coq ». A cette occasion, le propriétaire
offre à toute l'équipe, vin, genièvre et tarte pour célébrer dignement le suc
cès de l'entreprise.
Cette coutume était également en honneur dans les campagnes arden-
naises lors de la moisson.
Le retour des champs de la dernière charrette consacrait le labeur des
tâcherons et s'accompagnait jusqu'à un passé relativement récent, d'un rituel
inchangé depuis des générations. Groupés sur le char, les enfants brandis
saient fièrement un gros bouquet de fleurs champêtres et chantaient à tue-
rête. Le soir venu, le fermier accueillait à sa table tous les travailleurs, ser
vantes et valets, pour un festin plantureux, généreusement arrosé. On avait
tué quelques chapons afin de mieux concrétiser cette fête du « coq d'août »
qui restait traditionnellement le symbole de la victoire sur les éléments, le
couronnement des efforts de toute la saison.
(A remarquer que le « coq d'août » désigne aussi populairement la
grande sauterelle verte, sans doute parce qu'elle apparaît en août, à la mois
son et que, par sa taille elle est vraiment unique et surclasse ses congénères.
A Thoricourt, on dit « quand l'co d'awous cante, c'est signe de sècrèsse ».
(Dascotte R., Les noms wallons des insectes dans le Centre).
Aux temps anciens, les divinités présidant aux cultures abondantes exi
geaient des offrandes pour consentir à dispenser leurs faveurs. On mettait
un coq dans la dernière gerbe et on le tuait. C'était un rite propitiatoire.
En Bohême, on immolait un coq au cours d'une cérémonie qui se renou
velait tous les cinq ans. Quand le sens n'en fut plus perçu, la coutume sub
sista mais prit le caractère d'une réjouissance populaire où après une épreuve
probatoire, une jeune fille était proclamée la « fiancée du coq ». La fête
débutait par une promenade du volatile dans un chariot orné de guirlandes
et de feuillages, qu'escortaient les villageois déguisés comme au carnaval.
— 90 —
Une fanfare bruyante rythmait la marche du cortège qui s'arrêtait finale
ment dans une prairie où le coq était attaché à un bout de bois fiché en terre.
Une jouvencelle, les yeux bandés, devait le tuer d'un coup de fléau. Si elle
réussissait à la première tentative, la foule exprimait sa joie avec frénésie
et la ramenait triomphalement sur la grand-place. On regardait l'issue de
l'exploit comme une indication du comportement de l'héroïne. L'échec de
celle-ci laissait planer un doute sur la pureté de ses mœurs et lui enlevait,
à son grand dépit, toute espérance au titre de fiancée.
En Silésie, avait lieu une coutume assez semblable qui ne concernait
que les garçons. Après les mêmes préliminaires, arrivé sur les derniers champs
de blé fauchés, le coq de moisson était placé sous une carapace qui ne lais
sait passer que la tête de l'animal. A tour de rôle, les jeunes gens, un fou
lard sur les yeux, devaient tenter de décapiter l'oiseau d'un coup de sabre.
Le plus adroit ou le plus chanceux qui y parvenait était sacré « roi des coqs ».
En Brie, l'ouvrier qui a donné le dernier coup de faux ou lié la dernière
gerbe est contraint de monter sur la charretée pour y tenir le bouquet. A
côté de lui prend place hissée par des bras vigoureux, une jeune moisson
neuse portant un coq vivant, enrubanné, les pattes entravées, c'est la
« Rinette du blé », la reine élue des moissonneurs. Avant de franchir le por
che d'entrée, on accroche à celui-ci le mai qui annonce la fin des travaux.
Quant au coq, affolé par tout ce vacarme, se débattant comme un beau dia
ble, il est emporté par la reine vers les cuisines où, aussitôt immolé, il cons
tituera la pièce honorable du festin offert par le patron à tout le personnel.
le 24 juin, jour du solstice, était, en Provence, voué à saint Jean d'été,
moissonneur. La solidarité s'exerçait à l'occasion de la moisson ; parents
et voisins participaient aux travaux à titre de réciprocité. « Quand rentrait
la dernière gerbe, en Camargue, le maître de maison égorgeait dessus, un
grand coq blanc engraissé tout exprès.
Le sacrifice du coq blanc rejoint les rites de ce temps tombé dans l'obs
cur mais point mort, où Mithra, en Camargue, tuait le taureau qu'il aimait
et se baptisait de son sang, d'où, alors, naissaient les épis » (Marie Mau-
ron, Trad. de Provence, p. 158).
Dans l'Ile de France, sitôt la meule terminée, l'ouvrier juche à la pointe
un coq de paille ou dresse une croix d'épis et de fleurs champêtres.
En Ardenne, on se contente de piquer au sommet du chaume, deux bouts
de bois formant une croix dont le rôle était de préserver la meule de la fou
dre, des rongeurs ou d'autres avatars.
Chez nous, le titre de « coq du village » ou « coq de paroisse » ne fai
sait l'objet d'aucune compétition et ne s'accompagnait pas davantage d'un
cérémonial quelconque, ce qui n'excluait pas nécessairement un choix.
Celui qui se voyait affublé de cette appellation plutôt péjorative, la
devait souvent à son physique agréable, à sa mise toujours recherchée mais
— 91 —
surtout à son air avantageux qui rappelait étrangement le comportement du
roi de la basse-cour dans ses scènes de séduction. Le commun est assez aller
gique au culte personnel et supporte mal l'admiration que porte le beau sexe
à un jeune gandin qui se prend pour une vedette. Malheur à qui enfreint
la règle, au prétentieux qui s'amuse au céladon, la voix populaire le fustige
en le tournant en ridicule.
La gastronomie ne pouvait ignorer le coq à la chair si savoureuse, pro
vidence des traiteurs qui le préparent de cent façons et le rajeunissent au
besoin selon les circonstances. Nous connaissons le coq au riz, à l'oseille,
à l'orange, etc, qui figurent agréablement aux agapes de kermesse. En Mor-
van, le menu traditionnel des repas de noces ne se conçoit pas, sans entre
autres spécialités, le « jau au sang » qui n'est autre que le coq au vin.
« Le coq du jour de l'an » mérite une place de choix dans les recettes
culinaires car il s'inscrit dans une coutume folklorique, pittoresque et char
mante, teintée de symbolisme.
Autrefois, dans les métairies opulentes et les châteaux-fermes, on fai
sait cuire en daube un coq bien dodu qu'on garnissait d'une farce savante
composée de hachis de porc et de foies de volailles. Quand la cuisinière l'avait
suffisamment mijoté sur un lit de lardons dans une terrine avec carottes et
oignons, le tout arrosé de cognac, elle l'apportait avec fierté devant les con
vives qui applaudissaient. L'usage exigeait qu'il soit accompagné de douze
perdreaux, trente truffes et trente œufs durs. Cette présentation était vou
lue et avait une signification évidente à qui savait compter. Le coq symboli
sait l'année, les douze perdreaux représentaient les douze mois, les trente
œufs, les jours et les trente truffes, les nuits.
Pourquoi cette curieuse coutume ? Simplement parce que le 1er janvier
annonce l'aube d'une nouvelle année comme Chanteclerc, par son cocorico,
chaque matin claironne la venue de l'aurore. D'ailleurs, qui mieux que le
coq, chantre incontestable du jour, eut pu assumer ce rôle symbolique ?
Si notre volatile n'entre pas physiquement dans la préparation de pâtis
series et d'autres friandises, il est fréquemment mis à contribution en
effigie ...
Les fabricants de couques et de biscuits exploitent avec bonheur ce profil
classique qui enrichit leur collection de modèles d'un sujet original fort prisé
par la clientèle.
Mais c'est surtout au cours de certaines cérémonies que le coq apparaît
non seulement sous l'aspect savoureux d'un gâteau comme support tradi
tionnel de réception mais aussi comme symbole pour celui à qui on le destine.
A Gomel, en Russie, lors du baptême d'un nouveau-né, parmi les
gâteaux que l'on prépare pour la fête, on ne manque jamais d'en confec
tionner un en forme de coq, parce que le coq personnifie la virilité. C'est
une allusion très claire au sexe de l'enfant, elle préfigure le cadeau d'un coq
— 92 —
vivant que l'on offre au doyen d'âge.
Vers 1900, selon une coutume en honneur à Limoges, les enfants, le
jour des Rameaux, épinglaient à leur bouquet de buis bénit, un gâteau repré
sentant un coq. Cette pratique enfantine a disparu mais les pâtissiers de Limo
ges et de Bellac continuent à fabriquer ces petits sujets durant le carême pour
les vendre la semaine qui précède la fête jusqu'au jeudi-saint. Cette spécia
lité était en pâte ordinaire « dorée à l'œuf, cuite au four, décorée après refroi
dissement avec une glace royale déposée en cornet et saupoudrée de petits
granulés dits « de la non pareille ». Cette pâtisserie décorative propre à la
solennité des Rameaux, était pour les Limousins, le « coq de saint Pierre«
(Louis Bonnaud, De quelquespâtisseries du cyclepascal en Haut-Limousin,
dans La Gastronomie populaire en Wallonie, vol. VII).
Certains animaux parce que la légende les représente crachant du feu,
que leurs yeux brillent par moment d'un éclat insolite ou plus simplement
que leur robe est rouge, sont considérés traditionnellement comme le symbole
de l'incendie, tels sont la chèvre rouge et le coq rouge. Ce dernier est sur
tout localisé dans les pays germaniques et en région flamande où déjà, au
XVIIIe siècle, à Nederheylissen, on relève une menace de « faire chanter
le coq rouge » (Cité par J. Herbillon, Enquêtes du Musée de la Vie wal
lonne, t. X, 1963).
Mais cette expression n'est pas ignorée, particulièrement en Hesbaye
où l'on use de cette image pour désigner un sinistre par le feu. A Ottignies
et à Villers-le-Bouillet, quand on dit : « le rouge coq a passé », personne
ne se méprend sur le sens de ces propos.
De même en France au XVIIIe siècle, certaines menaces d'incendie
s'exprimaient par des allusions déguisées mais fort précises : « Je te ferai
éveiller par le coq rouge ».
La devinette liégeoise citée par Wallonia, n° 4, ne s'explique que par
le symbolisme qui s'y dissimule. La voici : « Un champ labouré et un coq
rouge qui chante au milieu ? ». La réponse est : « le toit de chaume qui
flambe ».
Le coq pouvait aussi personnifier la bise, le vent aigre qui cingle les
visages, qui rougit ce qu'il touche.
Dans l'univers enfantin, tout semble possible, aussi est-ce sur cette pro
pension à la crédulité que les grands ont brodé la légende de l'oiseau mythi
que au bec rouge qui pince les oreilles, le nez et marque en même temps
sa victime de sa propre couleur. Les enfants en bas âge n'imaginent pas qu'il
puisse en être autrement. Ils vivent dans la féerie des contes où le merveil
leux se mêle intimement à la réalité. Pour eux, cet oiseau était enchanté
comme la petite clé sanglante du cabinet secret de Barbe-Bleue ...
Dans toute la Wallonie, on le connaît sous le nom d'oiseau au routge
bètch ou tout simplement le routge bètch ; mais dans certaines régions
— 93 —
(Hesbaye, Condroz namurois) la nature de ce volatile fantastique se pré
cise, c'est un pigeon, le colô rotje bètch, appellation qui subira l'évolution
phonétique et deviendra selon les endroits, clô rotje bètch, colorobètch ou
encore corobètch. Comme l'écrit Albert Doppagne dans Esprits et Génies
du terroir, Duculot, 1977, ces formes multiples « devaient presque fatale
ment engendrer l'image du coq et la croyance ne tarde pas à suivre la lan
gue : c'est d'un coq au rouge bec que l'on nous parle à Arsimont ».
Un incendie particulièrement violent survenu autrefois à Gembloux est-il
à l'origine de l'appellation de l'actuel quartier de la Gare qui se nomme aussi
quartier du Coq rouge ?
Le prestige dont jouit le coq dans la société lui vaut de figurer comme
élément décoratif sur les objets les plus divers.
Déjà au siècle dernier, Victor Joly, dans la relation de son périple dans
les Ardennes, évoque avec sa verve pétillante, l'emploi inattendu de ce sympa
thique gallinacé. « L'omelette faite, écrit-il dans Les Ardennes, p. 238, on
nous l'a servie sur un de ces beaux plats au fond duquel se pavane un grand
coq rouge, non classé par M. de Buffon ».
Nous l'avons vu également sur les assiettes révolutionnaires.
Dans les anciennes fermes, il n'était pas rare de découvrir, exposé sur
le dressoir, le roi de la basse-cour peint par les céramistes d'art, sur des assiet
tes et au fond des tasses, à côté d'autres sujets rustiques ou touristiques.
Les expressions ironiques décernées en badinant à l'hôtesse : « On voit
Paris dans le fond » ou « On voit les chèvres dans le fond » que l'on for
mulait quand le café était peu corsé, n'avaient pas d'autre origine.
L'image stylisée du coq facilitait là reproduction. On la retrouvait tail
lée dans le bois des formes à modeler le beurre, gravée dans la pierre ou
peinte sur la façade pour servir d'enseigne, coulée en relief sur de vieux fers
à repasser et assez étrangement sur les marteaux des marchands de bois du
Morvan. Ceux-ci, au lieu de faire graver leurs initiales, incompréhensibles
pour les « triqueurs », sur la tête de l'outil destiné à marteler, donc à recon
naître, les bûches envoyées au flottage, préféraient des empreintes plus par
lantes, représentant des figures diverses. D'après J. Bruley, dans Le Morvan,
cœur de France, on dénombra 118 sujets différents dans la région de
Clamecy.
Le coq s'est imposé également dans le domaine de la figurine dont le
petit coq portugais est la plus belle illustration. Les modeleurs de Provence
l'ont inclu dans les santons de Noël où il fait bonne figure en compagnie
des personnages de la crèche et des autres sujets folkloriques.
Il ne pouvait que tenter les amateurs d'originalités d'autant plus qu'il
se prêtait à tous les matériaux, à toutes les attitudes, à tous les coloriages.
Aussi le voit-on dans tous les bazars touristiques, à l'étalage des brocan
teurs, dans les boutiques de foire. C'est tantôt un coquetier, une bonbonnière,
— 94 —
un cendrier réalisé en bois, en cristal, en métal, en céramique, bibelot amu
sant converti en objet utilitaire, que l'on emportera en souvenir d'un séjour
à la campagne ou d'une excursion en ville ...
Il a aussi envahi le rayon des jouets où, animé d'un mouvement à res
sort, il se met à battre les ailes et à picorer des grains imaginaires.
Le collectionneur et la jeune romanesque le convoitent avec le même
désir de l'acquérir parce que pour l'un il assouvit une passion et pour l'autre,
il satisfait un caprice, une fantaisie. Le choix ne s'arrête pas là ...
L'ingéniosité des créateurs se manifeste parfois en des réalisations sur
prenantes d'où l'humour n'est pas toujours absent.
Dans une publication namuroise, nous ne pouvions ne pas citer l'emploi
inattendu du coq dans une société typiquement de l'endroit comme celle de
Moncrabeau.
Celle-ci qui se distingue par de multiples excentricités, possède un orchestre
unique en son genre dont l'originalité ne se limite pas au costume d'une éton
nante conception mais réside également dans la singularité des instruments
utilisés. Presque tous sont fabriqués par les musiciens eux-mêmes qui veu
lent justifier leur réputation. A côté d'instruments authentiques anciens et
modernes, il y a toute une gamme de mirlitons aux noms bizarres, au son
qui ne l'est pas moins et où le « coq » n'est pas du tout déplacé même s'il
a comme voisin « li vatche » ou « le cornet », casserole servant de tambour
ou le « Kriniki-violoncelle »...
Non moins insolite est la présence d'un immense cerf-volant représen
tant le coq wallon évoluant dans le ciel de Blankenberghe, le 17 juin 1982
(Voir les journaux).
Fallait-il qu'il fût bien audacieux et présomptueux notre espiègle régional
pour oser braver dans leur propre domaine les fauves au noir pelage !
Son caractère aventureux et sa vocation pour les sommets, lui avait déjà
valu naguère des honneurs peu communs. En 1783, en compagnie d'un mou
ton et d'un canard, il fut, en effet, le premier passager à effectuer l'ascen
sion en Montgolfière, réalisant ainsi le vieux rêve d'Icare et ouvrant la voie
aux humains. Le 2 août 1983, il fut hissé par une équipe d'alpinistes lié
geois au sommet de l'Himalaya, sur le mont Rakaposhi culminant à 7788
mètres. C'est un exploit de plus à mettre à son actif.
Sous Louis-Philippe, l'iconographie populaire connut un renouveau
avec la gravure sur bois et l'apparition des images d'Epinal. Celles-ci, sous
une forme attrayante, riches en coloris, présentaient des sujets variés dont
certains dénonçaient les abus de l'époque. Parmi ces petits chefs-d'œuvre
artistiques, il en est un qui se tailla un beau succès auprès des commerçants
qui le placèrent bien en évidence dans leur établissement.
Autour du modèle central représentant un édiice hybride, banque et
église, le tout surmonté d'un coq, gravitent quatre personnages de l'échelle
— 95 —
sociale, tous dépourvus d'argent mais non d'appétit. Ils s'en prennent furieu
sement au coq s'ils n'obtiennent satisfaction. Le frontispice de l'affiche
répond sans ambiguïté à ces mauvais payeurs : « Quand le coq chantera,
crédit on fera ». Ce symbole ne leurrait personne. Les menaces proférées
contre le coq n'atteignaient en réalité que le crédit tué par les clients désar
gentés.
Il est peu de domaine où le coq ne serve de prétexte sous forme d'apo
logie ou de satire à l'étude d'un personnage, d'un milieu ou d'une situation
précise. Que ce soit en littérature, au théâtre ou dans une discipline à voca
tion critique, le coq s'impose comme un symbole.
Les fables lui accordent un large crédit et le campent souvent dans une
attitude avantageuse.
Dans les légendes où il intervient, c'est lui qui dénoue les situations les
plus scabreuses. Son rôle dans les contes est plutôt de distraire en éduquant.
Le recueil d'Hubert Stiernet : Histoire du Chat, du Coq et du Trombone
(1888) en est un bel exemple.
Sous l'aspect d'une comédie jouée dans une cour de ferme, « Chante-
clerc » (de Rostand) dépeint l'éternelle destinée du Poète, tandis que « Le
Coq d'or » (de Rimski-Korsakof) donne une image férocement caricaturée
des tsars qui apparaissent sous les traits du pleutre et fainéant roi Dodon.
Le « Roman de Renart », œuvre collective, écrite entre 1171 et 1250
et enrichie au fil des générations qui suivirent par des apports nombreux,
est un recueil de contes ou « branches » auxquels la personnalité, les goûts,
les préoccupations des différents auteurs ont donné une animation variée,
sans ordre, ni suite. C'est une satire légère et malicieuse, parfois assez caus
tique qui d'après A.M. Schmidt, « tend à montrer sous une affabulation
animale, les hommes dans leur réalité cruelle et crue ». Etude des mœurs
du Moyen Age chevaleresque et courtois, elle bafoue la noblesse, la cheva
lerie, la justice, la religion et leurs institutions. Tous les « personnages »
ou presque sont affublés d'un surnom issu de la tradition populaire. Le coq
s'appelle Chanteclerc et son père Chanteclin. Le caractère hardi et vaniteux
vaut à notre héros quelques aventures humiliantes mais il s'en tire finale
ment avec honneur grâce à son sang-froid et à sa combativité.
Goethe rassembla la matière des nombreuses adaptations et composa
en 1794 une version modernisée sous le titre de Reineke Fuchs.
Si le rôle de Chanteclerc n'est guère modifié, l'auteur lui a forgé de
nouveaux surnoms : Henning, Kreyant, Kantert (chanteur) qui traduisaient
admirablement sa personnalité et le naturalisaient germanique sans
équivoque.
A propos de surnoms, certains de ceux-ci donnés à notre gallinacé furent
le fait d'une confusion. « En Gascogne, la phonétique amenait « gallus »
(coq) et « cattus » (chat) à se confondre en une même forme « gat ». Comme
— 96 —
il était impossible d'appeler par le même nom deux animaux domestiques
aussi dissemblables, le terme appuyé sur une famille plus nombreuse, en
l'espèce le chat, l'a emporté et linguistiquement a tué le coq, pour lequel
on a eu recours à des succédanés, tels que « faisan » ou « vicaire » (Dau-
zat, Les patois, p. 108).
Dans la région de Toulouse, l'ancien français « poul » désignait un jeune
coq (du latin pullus) qui dériva en poulet dans certains parlers d'oïl.
En Chine, le coq avait aussi une signification symbolique. Par le même
processus qui, dans l'ancienne France, faisait de « gallus » aussi bien « coq »
que « gaulois », la langue chinoise traduit par « Ki » les mots coq et bon
heur. L'oiseau fut donc, tout en restant le chantre annonciateur de la lumière,
le symbole du foyer et de la famille.
D'après la tradition, Bouddah, sentant sa fin proche, ordonna à tous
les animaux de comparaître devant lui afin de les récompenser. Douze seu
lement répondirent à l'appel, dont le coq. Chacun d'eux par ordre d'arri
vée, vit son nom associé à une année. L'an du coq vient de se terminer en
1981, cédant la place à celui du chien. Ce calendrier commencé en 2637 avant
J.-C. est toujours en vigueur au pays de Mao.
Le chant du coq acquérait lui aussi, selon les circonstances, un pouvoir
étonnant qui allait de la conjuration à l'incantation. C'était au moment précis
où la nuit vaincue cède la place au jour que devaient se réaliser des prodi
ges. Les mégalithes tournaient sur eux-mêmes, comme l'Eagle Stone située
près de Curbar en Grande-Bretagne et dédiée au dieu Aigle qui pouvait pro
jeter en l'air des pierres énormes.
Son instinct de divination le désignait en Norvège pour retrouver les
noyés. « On rame ça et là avec un coq dans le bateau et juste à l'endroit
où est le mort, le coq se met à chanter » (Mélusine, t. II, 1884-1885, col.
250-253).
Dans la région d'Epernay, les garçons consultaient Mars pour savoir
s'ils se marieraient dans l'année. « Ils se rendaient sur le seuil de leur demeure
au chant du coq, le bas de la chemise entre les dents » (R. Pinon, L'incan
tation à saint André, Liège, 1978).
Les jeunes filles exécutaient le même rite et demandaient au dieu de
leur faire voir leur futur époux pendant le sommeil.
Dans certaines fêtes du culte vaudou, lors d'une initiation ou de l'anni
versaire d'un « mystère », on sacrifiait un coq rouge ou quelque autre vola
tile, parfois un chevreau. La mise à mort s'accompagnait toujours d'un
cérémonial tendant à honorer l'animal. Celui-ci était peigné, parfumé,
apprêté comme pour un concours, mais il ne sera exécuté que s'il y consent,
c'est-à-dire qu'il devra donner l'impression par son comportement qu'il
« accepte » son sort. S'il se met à picorer, à glousser, à manifester qu'il n'a
— 97 —
pas peur, il perdra toute chance d'être épargné. Excuses trop subtiles pour
justifier le sacrifice.
De grandes cérémonies marquent le passage au solstice d'été. Elles se
déroulent en l'honneur de saint Jean-Baptiste considéré par les vaudouisants
comme « le soleil de justice ». On lui sacrifie un bélier. Deux coqs, un noir
et un rouge sont apportés en même temps que les drapeaux de même cou
leur ; ils symbolisent l'Esprit de la mort et du phallus (Guédé) et celui de
la guerre (Hogou). Ils ponctuent de leur chant les scènes les plus émouvan
tes de cette commémoration.
Le chant du coq a dans certains lieux des résonnances de pièces métal
liques et de billets qu'on froisse. Il est le support de l'illusion, l'espérance
est accrochée à un bec dont on attend un exploit.
Dans la région d'Ourthe-Amblève, les chanteries de coqs connaissent
depuis quelques lustres un regain de popularité. Elles rassemblent chaque
dimanche, d'octobre à Pâques, à peu près le même contingent de fidèles
qui viennent chercher dans ces temples profanes une heure de plaisir tran
quille, d'illusion prolongée jusqu'à l'émotion finale du parieur avec ses
espoirs, ses craintes, ses déceptions ou la joie du gagnant.
Face à 30 ou 40 coqs enfermés dans des loges grillagées, numérotées
en blanc, sont assis autant de personnages engoncés dans leur paletot fourré.
Imperturbables, ils marquent d'un trait sur une feuille quadrillée le nombre
de chants émis par leur vis-à-vis. Les propriétaires — les coqlîs — assistent
en spectateurs muets, le cœur serré, au comportement de leurs élèves. Dans
la salle, le plus grand silence est requis. Nul ne peut fumer, ni faire le moin
dre bruit, pas même tousser pour ne pas contrarier les bonnes dispositions
des concurrents. Ceux-ci ne répondent pas toujours aux espoirs de leurs maî
tres. Les uns baillent pendant toute l'épreuve, is bâyèt, comme on dit là-
bas, c'est-à-dire qu'ils ouvrent le bec sans émettre un cri ; d'autres font la
poule, fèt l'poye, c'est-à-dire qu'ils cessent de chanter et gloussent de la même
façon qu'ils appellent les poules. D'autres enfin, restent telles des couveu
ses sur les œufs, ce qui ne les empêche pas de participer activement à la com
pétition.
Dès que le déclic de la minuterie annonce la fin de l'épreuve, les mar
queurs apportent leur feuille de pointage au président qui confronte les résul
tats et proclame le vainqueur. Le titre revient évidemment à celui qui, dans
la demi-heure que dure la séance, aura chanté le nombre de fois indiqué
auparavant par son propriétaire, le minimum étant de trente coups au pre
mier tour, de vingt au second. Si ce chiffre n'est pas atteint, le coqlîne tou
che rien, s'il le dépasse, il peut gagner pour autant qu'il reste un prix après
avoir récompensé les parieurs dont le pronostic fut exact.
Les animaux récupérés par leurs propriétaires, réintègrent leur petite
cage en bois léger — appelé bot —, où ils attendent stoïquement leur trans
fert dans les loges pour une nouvelle démonstration.
— 98 —
Le coq, qui dans un challenge, surclasse ses adversaires, est consacré
champion. Son nom figure au palmarès des chanteries.
Une communion, une certaine complicité faite d'affection et de con
fiance réciproques s'établit entre le maître et son élève. Ce dernier connaît
la main qui le caresse, qui le nourrit ; il lui donne des coups de bec avec
douceur comme des bécots d'amoureux. C'est ainsi qu'il marque à sa façon
le contentement qu'il éprouve en compagnie de son mentor.
L'homme n'est pas insensible à cette sympathie animale. Les coqs de
concours ne sont jamais sacrifiés, même s'ils ne chantent plus. Leur immo
lation semblerait un acte immoral, indigne d'un véritable coqlî.
Découvrir des sujets doués pour le chant, les conditionner en vue de
la performance est un art qui ne s'improvise pas. Il réclame beaucoup de
patience, de gentillesse et un sens aigu de l'observation.
Certains vous diront que chaque amateur possède un petit secret pour
développer les aptitudes des candidats surtout en ce qui concerne la régula
rité des coups de chant. Certes, l'alimentation joue un grand rôle. Pendant
la saison, une ou deux pincées de chanvre administrées une fois par semaine
dans un mélange de jaune d'œuf cuit dur et de feuilles d'orties fraîches
hachées finement, créent un état euphorique propice à stimuler l'humeur
joyeuse du sujet. Mais c'est par un contrôle quotidien du comportement
de leurs pensionnaires, en comptant les manifestations vocales de chacun
en un laps de temps déterminé, correspondant aux heures des concours que
les passionnés des chanteries peuvent prévoir le nombre de cocoricos qu'émet
tront leurs élèves et engager des paris sur ces probabilités. Cependant, mal
gré ces mesures qui devraient normalement assurer le succès, il arrive que
le concurrent ne réagit pas comme on le souhaite. Il reste un animal suscep
tible, capricieux, aux impulsions imprévisibles, donc le support rêvé, l'élé
ment de risque inhérent à tout jeu de hasard.
Aussi passionnants mais plus cruels sont les « jeux de coqs », qui, inter
dits en Belgique se pratiquent encore de nos jours en Amérique latine, aux
Antilles et plus près de nous, dans la Flandre française où ils jouissent d'une
grande popularité.
Ici, on exploite sans vergogne, le penchant belliqueux, bagarreur d'une
race de coqs, lesquels sont le produit d'une sélection régionale dite « Com
battants du Nord » pour les opposer dans des duels sanglants où la mort
est toujours au rendez-vous pour un des antagonistes.
Pour défendre leur situation face à l'hostilité de l'opinion et de l'auto
rité, les « Coqueleux » se sont constitués en fédération avec statuts et con
seil de discipline. Ils disposent même d'un journal « Le Coq gaulois » diffusé
à des milliers d'exemplaires.
Les « gallodromes » désignent Outre-Quiévrain, les endroits où se tien
nent les réunions. Ils rappellent par leur aspect les salles de boxe avec au
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centre, le «parc » surélevé comme le ring, mais entouré d'un large treillis
pour empêcher la fuite des concurrents. Car ici, point de dérobade possi
ble, il faut se battre, gagner ou mourir ... L'homme en a décidé ainsi au
nom de son plaisir ...
Les vaincus, même légèrement blessés, n'ont droit à aucune indulgence,
ils sont achevés. Telle est la loi inexorable des combats de coqs. Il est vrai
que ces derniers sont des lutteurs-nés, sacrifiant avec frénésie aux impul
sions de l'hérédité qui loin de s'atténuer avec l'âge, se font encore plus pres
santes, plus tyranniques. D'ailleurs, cette agressivité foncière est
régulièrement entretenue par les propriétaires par une alimentation appro
priée où le miel et les grains germes en constituent la base ordinaire, le sucre
imbibé de vin rouge ou de cognac le stimulant habituel avant l'entrée en
lice. Chaque coqueleu possède une recette personnelle pour amener ses pro
tégés à la forme voulue car seuls s'imposent les sujets les mieux condition
nés pour l'épreuve de vérité.
Les spectateurs sont venus nombreux et s'installent autour de l'enceinte
sur les chaises et sur les gradins. Dès qu'apparaît sur les ardoises le pro
gramme des rencontres, la foule réagit brusquement du geste et de la voix.
Les joueurs hurlent le nom de leur favori, le montant de la mise, ponctué
par un signe des doigts pour éviter toute confusion. Du regard, ils balaient
les groupes voisins cherchant la réplique sous forme d'un hochement de tête
approbateur ou d'un battement de paupières.
Le vacarme est à son comble, on se croirait à la Bourse. Les paris sont
engagés et tenus sur parole.
Mais aussi soudainement qu'il s'était produit le chahut s'arrête quand
les coqueleux, sur le parc, présentent leurs champions. Ils les déposent face
à face à quelques mètres l'un de l'autre.
La crête et les barbillons coupés, les plumes du cou hérissées leur font
une petite tête cruelle de rapaces. Ordinairement, la mort d'un combattant
ne survient qu'après une demi-heure de lutte sans merci. Mais pour abréger
les souffrances des antagonistes, assurent sans rire les coqueleux, on arme
leurs ergots d'une longue pointe d'acier de 52 millimètres. Grâce à ce stra
tagème, la décision est plus rapide et n'atteint presque jamais la limite des
six minutes réglementaires.
Les coqs de combat ne luttent pas avec leur bec ou leurs ailes, mais
bien à coups d'éperons qui est leur façon naturelle de frapper l'adversaire.
Les deux coqs s'observent un instant avec une antipathie réciproque
puis, pris d'une colère subite se ruent l'un sur l'autre ... Esquives et contre-
attaques se succèdent à un rythme effrayant. Les lames cliquètent,les plu
mes volent, le sang macule le parquet. Poitrail contre poitrail, les deux gla
diateurs s'éperonnent en plein vol et dans un ultime assaut, le plus adroit
porte dans les reins de son adversaire le coup fatal.
En cas d'issue incertaine, le jury décide souverainement.
— 100 —
Que penser de ce sport où l'on fait si peu de cas de la souffrance, de
la vie de ces pauvres bestioles soumises à l'instinct ? Comment admettre que
des gens qui se disent civilisés puissent prendre plaisir à leur agonie ? Et
cela pour une simple question de gros sous.
Ici, le coq évoque une idée de jugement. De son comportement, de son
caractère dépend son sort et celui de son adversaire. L'épreuve est le test
qui doit faire la décision.
Il n'est guère de contrée où un rocher, un bosquet, une rue, une mai
son, un lieu quelconque ne fasse allusion au coq dans son appellation. Celle-ci
trouve son origine dans les habitudes du volatile comme à Chairière et à
Aile, à la Pierre du coq qui servait de juchoir au Chantecler de la ferme
voisine ou encore comme à Huy, la Rue du Coq qui tient son nom de la
Maison du Coq, local où siégeaient les défenseurs des privilèges et franchi
ses de la ville, déjà connu sous ce nom en 1451, parce qu'il était sommé
d'un coq, symbole de la vigilance.
Une légende motive parfois le choix. A Wérimont, les habitants qui
s'étaient cachés dans une grotte, lors de l'invasion des sans-culottes, furent
dénoncés par le cri « d'un coq qui avait été placé dans ce refuge pour le
sauver d'une mort certaine à cause de son remarquable plumage et de son
chant extrordianire ».(RAHIR, La cachette au Trou du coq, Touring C.B.,
p. 475, 1920).
Il y a encore d'autres exemples : La Haie du Coq (une hêtraie à Tour-
nay), la Ferme du Coq (à Wilboumont), mais nous ne pouvons que les citer.
Les performances vocales de nos gallinacés leur valaient d'être choyés
et gratifiés d'une flatteuse renommée. Ainsi, à Bertrix, on disait du coq du
Château des fées, dont la voix portait à cinq kilomètres, « qu'il chantait
comme un lombard »...
Au moyen Age, il était souvent fait mention dans les actes de succes
sion du « Saut du coq » ou « Vol du chapon ». Ces expressions désignaient
la pièce de terre entourant la maison d'un noble, sur la largeur que pouvait
traverser le vol d'un chapon.
Cette partie de l'héritage était considérée comme la meilleure et consti
tuait l'apanage du fils aîné.
Dans la vieille Ardenne, les paysans usaient de métaphores pour préci
ser l'allongement des jours :
De Noël au nouvel an, les jours croissent du saut (Straimont) ou de
la volée d'un chapon. (Rossart).
Aux Rois, d'un saut (Freux) ou d'un pas de coq (Stavelot).
Le lundi de Pâques, dans les villages ardennais, les enfants vont en
groupe, de maison en maison, pour récolter des œufs. Ils préfèrent ceux
— 101 —
qui sont coloriés parce qu'ils sont cuits et moins fragiles. Aussi leur dit-on,
avant la tournée : « Faudra battre la queue du coq », car les plus jeunes
étaient persuadés que c'était lui qui les pondait.
Cette conviction enfantine est sans doute une réminiscence d'une vieille
croyance très répandue au Moyen Age. On affirmait que le basilic naissait
d'un œuf de coq.
Le basilic était une espèce de lézard ayant la propriété de tuer par son
seul regard. Le langage populaire a d'ailleurs retenu l'expression : «lancer
des regards de basilic » pour qualifier un regard peu amical, voire menaçant.
En Amérique, existe en effet, un reptile appelé de ce nom, tout à fait
inoffensif et dont l'aspect répond parfaitement à la description qu'en fai
saient les sorciers. Le préjugé attaché à cet animal fabuleux est toujours bien
vivant chez les populations noires qui croient fermement que les vieux coqs,
à la fin de leurs jours, pondent un œuf. C'est cet œuf unique et diabolique
qui, par éclosion dans la chaleur du fumier, donnait naissance au redouta
ble basilic.
La persistance de cette mutation anatomique vient d'être attestée par
une information parue en mai 1983, dans le quotidien de langue anglaise
« China Daily » qui assure sans humour, qu'un coq d'un an aurait pondu
un œuf de taille exceptionnelle, pesant un peu plus de 160 grammes. «Le
coq, qui a apparemment changé de sexe, a été placé sous observation ». (Cité
par « Vers l'Avenir » du 25 juin 1983).
Dans le Morbihan, « d'après les légendes, la races des diables serait
née de l'œuf de coq ». (A. QUESNAY de BEAUREPAIRE, L'âme des Kor
rigans, p. 67, Paris, 1894).
Dans l'esprit des anciens, le rapprochement était inévitable entre le ser
pent doué lui aussi d'une vue extraordinaire et fascinante et le basilic, image
de Satan, supposé engendré par le coq.
Si le coq a de louables qualités qui lui ont acquis bien des amitiés, la
polygamie qu'il professe avec une constance incorrigible, a terni, chez cer
tains, sa belle réputation et en a fait le symbole de la virilité mais aussi de
la luxure.
A Compostelle, le luxurieux est représenté par un homme chevauchant
un coq. A Dinan (C. du Nd) et à Chaubigny (Vienne), on dit que les jeunes
gens prédisposés à ce vice, sont torturés par les démons-coqs.
En Bourgogne, une croyance tend à montrer une certaine connivence
entre les oiseaux réputés lubriques et leur faculté de divination dans le
domaine des amours secrètes. On dit : « Lorsque le coq répond au coucou,
une fille du pays allait être mère ».
Autrefois, quand les agriculteurs voulaient se renseigner sur le temps
à venir, ils regardaient le ciel, la végétation, mais aussi les animaux et tiraient
— 102 —
Pierre-Paul DUPONT
LE LIVRE DU PEINTRE
ALBERT
DANDOY
166 VUES
DE NAMUR
(1938-1941)
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L'ouvrage est en vente :
— à l'entrée de l'exposition de la Maison de la Culture à Namur;
— dans les agences du Crédit Communal de Belgique ;
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boulevard Pachéco 44, 1000 Bruxelles (tél. 02/214.43.08 ou
214.41.12); compte 057-6370330-16 (communication «Dandoy-
Namur»);
— et en librairie.
Le catalogue général des éditions du Crédit Communal est envoyé
sur demande.
Crédit Communal
de ces observations méticuleuses et répétées des déductions d'ordre pratique.
Le comportement du roi de la basse-cour, leur apprenait une foule
d'informations qui se sont perpétuées dans les dictons météorologiques.
En hiver, c'est signe de gelée quand le coq chante le soir.
En été, si on l'entend très tôt ou très tard, il annonce un changement
de temps ou des mauvaises nouvelles.
Si au cours de la journée, il chante sans raison apparente, l'orage n'est
pas loin.
Les éleveurs de volaille vous diront qu'un bon coq n'est jamais gras ;
que c'est trop de deux coqs dans le même poulailler ; que quand le coq chante
les poules pondent.
La sagesse populaire a repris ces remarques pour en faire des prover
bes applicables aux humains. Ceux-ci ont découvert dans le symbolisme de
l'oiseau, des vérités quotidiennes qui'ils expriment avec humour.
Quand une poule chante comme un coq, c'est signe que la femme est
maîtresse au logis.
Une poule ne devrait pas chanter devant le coq. (Laisser le mari pren
dre la décision).
Malheureuse maison et méchante où le coq se tait et la poule chante
(mauvais ménage que celui où la femme gouverne ...).
C'est sans doute dans les receuils de prédictions que l'on fait la plus
grande consommation de symboles. Tous les événements annoncés de même
que les personnages, les dates et les circonstances sont soigneusement enve
loppés de brume et n'apparaissent que sous forme de paraboles, de méta
phores, d'allégories, dans un contexte qui les rend tout bonnement
indéchiffrables ou qui permet une multitude d'interprétations.
Dans la plupart des prophéties, qui ressurgissent lors de chaque cham
bardement en Europe, le coq tient la vedette car il représente la France répu
blicaine. Opposé à l'Aigle (Empire) et au Lys (Bourbon), il caractérise plus
particulièrement la famille des Bourbons-Orléans, en rappel de la cocarde
tricolore prise par ses princes depuis la Révolution.
Mais les traducteurs en clair de ces textes sybillins, pour justifier la vrai
semblance de leurs révélations, donnent au coq un sens plus large et l'appli
quent même à tout personnage qui n'a rien fait de bien sensationnel mais
dont certaines particularités sont en relation avec l'oiseau comme Victor-
Emmanuel, parce que les Piémontais portaient la plume de coq.
Tout ceci n'et pas bien sérieux ...
Certes, nous n'avons pas épuisé le sujet, à peine avons-nous parlé de
l'animal lui-même ... Rendons lui donc justice en citant les quelques vers
— 103 —
débordant de lyrisme, que lui a dédiés le poète Delille ;
« Le coq, père, amant, chef heureux
Qui, roi sans tyrannie et sultan sans molesse
A son sérail ailé prodiguant sa tendresse
Aux droits de la valeur joint ceux de la beauté.
Commande avec douceur, caresse avec fierté
Et fait pour les plaisirs, et l'empire et la gloire
Aime, combat, triomphe et chante sa victoire.
Marcel PIGNOLET
Si vous êtes amateur
de livres anciens,
visitez la librairie
«AU VIEUX QUARTIER
11, rue des Fripiers NAMUR
— 104 —
SEISMES AU PAYS DE LIEGE
Le séisme qui ravagea le pays de Liège dans la nuit du 7 au 8 novembre
1983 fut accueilli par beaucoup avec la stupéfaction qu'engendre un coup
de tonnerre dans un ciel serein. Se souvenait-on encore que la terre avait
tremblé chez nous pour les dernières fois en 1938 et 1965 ?
Certes dans les régions minières on gardait souvenance des ébranlements
et de leurs fissurations provoquées périodiquement un peu partout par les
tassements des terrains truffés de galeries abandonnées et s'effondrant à la
longue. Mis à part les spécialistes recueillant, grâce à leurs sismographes,
les plus faibles secousses ressenties et enregistrées scientifiquement, le sou
venir d'un tremblement de terre en Belgique s'était bel et bien estompé.
Le séisme du 8 novembre 1983 nous a mis sans ménagement en face
des cruelles réalités qui accompagnent ce genre de catastrophes.
Des dommages d'importances diverses ont été enregistrés dans la région
liégeoise : les localités les plus endommagées furent la commune de Saint-
Nicolas, avec ses anciennes voisines de Montegnée et de Tilleur et la ville
de Liège, tant en son centre, que sur les hauteurs de la rive gauche de la
Meuse, en particulier dans l'antienne commune de Glain, dans les quartiers
du Laveu et de Burenville.
Les journaux à l'époque ont fourni d'amples relations des faits et rap
pelé l'efficacité des services de secours et d'assistance. Au total des dégâts
énormes mais seulement la mort de deux personnes.
Quant aux caractères spécifiques du cataclysme (magnitude, effets en
fonction de la géologie et de la topographie locales, répliques, etc.) ils ont
fait l'objet d'une systématique spécialisée (1).
Une lecture nous a amené à la découverte toute fortuite de trois évoca
tions de tremblements de terre survenus dans la même région en 1781, en
1692 et en 1456. Nous croyons intéressant d'en raviver le souvenir parce
qu'elles figurent dans des ouvrages, qui ne sont pas, faut-il le dire, des livres
familiers aux géophysiciens.
(1) CAMELBEEK et DE BECKER, dans Bulletin de la société belge d'astronomie, de météorologie etde physique du globe (ciel et terre).
105 —
Les deux premières mentions proviennent d'un Abrégé de la vie de Saint-
Hadelin publié en 1788 par un chanoine de Visé. Celui-ci y consigne des
faits étranges survenus à Franchimont (2) en 1692 :
« en suite d'un grand tremblement de terre, cette fontaine mira
culeuse [dédiée à Saint-Hadelin] tarit entièrement, le peuple alarmé
eu [t] recours à l'intercession de son glorieux patron (3) : le curé
du lieu chanta la messe en son honneur, après laquelle on fit pro
cession accompagnée du Saint Sacrement jusqu'à la source, où l'on
redoubla de prières ».
. Puis pour étayer son assertion et emporter la conviction des lecteurs
qui auraient mis en doute son propos, l'auteur de YAbrégé renchérit et fournit
lui-même la deuxième attestation du phénomène sismique. Il poursuit en
effet en ces termes : «II ne serait pas nécessaire d'aller chercher des faits
arrivés dans des temps reculés, il n'y a que sept ans environ [donc en 1781]
que la même chose arriva ; tous les paroissiens peuvent en rendre témoi
gnage. Cette fontaine porte de nom du saint (4) ».
La troisième relation d'un cataclysme au pays de Liège est extraite d'un
manuscrit conservé à la Bibliothèque de la ville de Liège et provenant de
celle du Chevalier de Theux. L'essentiel de son contenu concerne les statuts
synodaux de l'évêché de Liège en 1288 (5), mais, comme il arrive souvent,
ce genre de manuscrit contient des Memoranda, c'est-à-dire des additions,
sans rapport avec le texte principal, consignées pour mémoire, parce qu'elles
sont dignes d'intérêt.
C'est ainsi qu'on y lit (f° 161) la notation suivante en latin : elle fait
état non seulement d'un tremblement de terre à Liège le 26 août 1456, mais
aussi du passage d'une comète accompagnée d'une épidémie et d'un ren
chérissement des vivres. En voici la traduction :
« En l'an du Seigneur 1456, le 26 août, vers deux heures après
minuit, survint un grand tremblement de terre dans la ville de Liège,
que ressentit quelqu'un étendu au lit et qui redoutait la destruc
tion de sa maison. La même année, au mois de juin survint une
comète dans la ville de Liège et alors s'ensuivirent une épidémie
et une période de hausse des prix des céréales (6) ».
Evidemment devant pareil laconisme et cette regrettable imprécision,
impossible d'estimer une quelconque magnitude ni de supputer l'importance
des dégâts.
(2) Franchimont, province de Liège, canton de Spa.
(3) En réalité la paroisse de Franchimont tient saint Martin pour titulaire.
(4) Abrégé de la vie de Saint-Hadelin, Liège, chez M.-J. Morrens, 1788, pp. Nous devons la connais
sance de ces deux témoignages à l'article de M.-L. HOUZIAUX, Franchimont et le culte de Saint-
Hadelin, dans Le Guetteur Wallon, 57° année, 1981, p. 118.
(5) Les statuts synodaux de Jean de Flandre, évêque de Liège, 16 février 1288 publiés par E. SCHOOL-
MEESTERS, Liège, 1908 (PUBLICATIONS IN-8° DE LA SOCIETE DES BIBLIOPHILE LIEGEOIS,
N° 39).
(6) « Anno Domini millesimo quadringentesimo quinquagesimo sexto, mensis augusti die XXVI circa
secundam horam post mediam noctem, fuit terremotus magnus in civitate Leodiensi, quem quidam
in lecto jacens sensiit et timebat domum suam casuram. Et eodem anno mensis junii fuit cometa
in civitate Leod., tuncque etiam fuerunt pestilentia et caristia. » Ibid., p. XXVI.
— 106 —
Le fait seul compte : la terre a tremblé plusieurs fois au pays de Liège.
Rien de neuf donc sous le soleil ... (7) et, de l'avis des vulcanologues, une
région qui a subi un tremblement de terre en connaîtra hélas ! d'autres
encore, sans qu'on puisse toutefois en prévoir l'échéance.
François JACQUES
(7) On peut toujours consulter : L. TORFS, Fastes des calamités publiques dans les Pays-Bas particu
lièrement en Belgique, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris-Tournai, 1862.
A paraître en 1986, un numéro spécial de la revue
Le Guetteur Wallon
(Namur)
1965 - 1984
TABLE GENERALE
par
Jean BOVESSE
— 107 —
NOTES DE TOPONYMIE NAMUROISE
Table des Notes de I à CC
Chaque mention est suivie de deux nombres : le premier indique la
tomaison (de la 44e année, 1968, à la 61e année, 1985) ; le second indiquele fascicule.
Adugeoir, agougoir « chantoire » 51, 1
Agimont 58, 3
Amée, à Jambes 60, 4
Anhaive, à Jambes 60, 4
Anhée 60, 4
Annevoie 50, 1
La forêt d'Arche 52, 3
Arche, à Maillen 52, 2
Arquet 59, 4
Balâtre 57, 4
Bariban 48, 2
Barvaux 57, 2
Baubouyète, à Andenne 53, 4
Beauraing et Biran, Biron 54, 2
Béez 57, 2
Bernaconin, pays lointain 47, 1
Beuzet, Buzet, Buzin 57, 1
La forêt de Biert 52, 2
Billward, à Namur 49, 4
Bioul 59, 2
Bizonzon, à Gesves 60, 4
Blaimont 54, 4
Boigelot 53, 2
Boignée 57, 1
Bomel, à Namur 47, 3
Bonsin 57, 1
Boquet, à Temploux 47, 2
Bothey 54, 4
Bowe, Bauwe, Ba(u)wète 54, 1
Bretigney et Bricgniot 51, 4
Breuil, Bru, Bri 49, 4
Brumagne, à Lives 59, 2
Buley, à Namur 59, 4
Buzet, Buzin, cf. Beuzet
Canevaux 51, 1
Celle, Selle « bois » 50, 4
Celles 50, 2
Chauveau 51, 1
Chestruvin, à Onhaye 57, 1
Ciney 53, 4
Cognelée 57, 4
Les Condruses 52, 3
Couvin 56, 4
Crupet 56, 4
Dèfe, Dewe, Doive, Douve, Duve 51, 1
Denée 56, 4
Le diable 48, 1
La Dodaine 59, 4
Doische 56, 4
Dourbes 56, 4
Dréhance 56, 4
Emines 60, 2
Erande, à St-Gérard 56, 3
Ermeton, Hermeton 56, 3
Ernage 53, 4
Erpent 53, 4
Eve, Evelette 56, 3
Faulx 58, 3
Felenne 56, 3
Ferooz, à Beuzet 56, 3
Finnevaux 50, 4
Fir « fief » 52, 4
Fitvoie, à Yvoir 54, 1
Flîme, à Andenne 53, 3
Flostoy 53, 2
Floye, Floyon, Flavion 58, 2
Flun, à Weillen 56, 3
Focant 56, 2
Focroûle 58, 2
Folie, Foliette 56, 1
Fooz 58, 3
Freyir et Freux 57, 2
Furfooz 54, 1
Galop, Galoperie 59, 4
Gau 56, 1
Gazelle, à Mettet 60, 2
Géronsart 61, 2
Gerpinnes 52, 4
Gimnée 57, 4
Godinne 56, 1
Goesnes 60, 4
Gothaine, à Dhuy 56, 2
Gourdinne 58, 3
Haillot 54, 2
Haltine 57, 2
Hastedon, à St-Servais 55, 1
Hastimolin, à St-Servais 48, 1
L'Herbatte, à Moscou ? 47, 1
Herbeumont, à Marche-les-Dames 56, 1
Hermeton, cf. Ermeton
Heuvi, à Namur 44, 1
Hileau, Ileau 56, 1
Houdremont 58, 2
Hour 54, 2
La Hourquinette 49, 3
Houx 54, 2
— 108 —
Hubinne, à Hamoir 56, 2
Hun, à Annevoie 61, 2
Dérivés en -ta 46, 1
Jallet 54, 3
Jambes 50, 1
Jannée, à Pessoux 61, 2
Jaspe 57, 2
Jaspe (compléments) 58, 2
Jassogne, à Crupet 61, 2
Jausse, à Faulx-les-Tombes 61, 2
Jauvelan, à Sorinne 54, 3
Jeumont 53, 1
Jodion, à Soye 53, 3
Keumiée 56, 1
Lait Beurré 52, 1
Languette 49, 3
Laris, Laury 51, 1
Léchère, Leuchère 52, 3
Leignon 59, 3
Lesves 59, 3
Lez-Fontaine, à Natoye 54, 3
Libenne, à St-Gérard 54, 3
Libois, à Evelette 54, 3
Liernu 56, 1
Liesse, à Rhisnes 54, 3
Lives 59, 3
Livot 50, 4
Lôrichou 54, 4
Loyabe, La Hiaupe 50, 3
Lu, Luc 52, 1
Le nom de saint Lupicin 48, 4
Lustin 54, 4
Mannoy, à Floreffe 55, 4
Marcelle 45, 1
Maredret 51, 4
Melet, à St-Germain 58, 1
Membre 58, 3
Menhir est-il un toponyme wallon ? 46, 4
Merlemont 53, 1
Merlemont (addenda) 54, 4
Meux 47, 4
Mignelotter 50, 2
Mirchy, à Franc-Waret 47, 4
Mohiville 53, 1
Moignelée et la Molignée 60, 2
Mont-de-Sara, à Spy 55, 4
Mornimont 59, 3
Morville 59, 3
Mossia 55, 1
Type Mouchenière 44, 3
Mouffrin, à Natoye 55, 4
Namur 50, 1
Naninne 55, 3
ERRATUM — 46e année, 1970, n° 1, p. 32
Navière 48, 3
Dérivés de néflier 44, 2
Les Noelles (Noëls) 49, 1
Oupil, Wopillon (Wépion), Wopilhere 48, 2
La Pairelle 47, 3
Le Paradis et l'Enfer 48, 3
Patignies 58, 1
Péchène 52, 4
Pepinfontaine et la légende du roi Pépin 46, 3
La Piconète 48, 4
Poilvache, à Houx 50, 3
Prandjêre, Prandj'lou 52, 3
Praulc Pralète 55, 3
Presgaux 55, 3
Rhisnes 55, 3
Roly 59, 3
Ronet, a Flawinne 55, 4
Rouillon, à Annevoie 58, 2
La Sambre 57, 3
Samson 49, 4
Sautour 53, 1
Sautour (addenda) 55, 4
Schaltin 59, 3
Scoton 55, 3
Scrépia 45, 4
Scu (de poule) 55, 2
Serpont 55, 2
Serville 60, 2
Silenrieux 59, 3
Sinsin 58, 1
Skeuve, à Natoye 57, 3
Pont Spalaux, à Namur 51, 1
Spasse, à Gesves 55, 2
Spontin 56, 2
Ster (Stè, Stiè) 52, 1
Strud, Stud, Struyaux 58, 1
Les Tahans, à Godinne 57, 4
Tahier, à Evelette 57, 4
Tailfer, Taillefer 49, 3
Temploux 47, 2
Terne (Tiène, Tène) 45, 2
Trehet 51, 4
Treignes 53, 2
Velaine 60, 2
Verenne « verrerie » 50, 2
Vokaing, à Namur 59, 4
Vresse 55, 4
Walgrappe, à Profondeville 55, 2
Wespin 52, 2
Wépion, Wopilhere, cf. Oupil
Yvoir 55, 2
: Au lieu de clocotia, lire clicotia.
Jules HERBILLON
Cette « Table » témoigne de l'extraordinaire travail effectué par Mon
sieur Jules Herbillon, depuis 1968, au profit du « Guetteur wallon ». Nos
lecteurs disposent ainsi d'une mine d'informations dont la valeur scientifi
que n'est plus à démontrer. A l'auteur, qui vient d'entrer dans sa 90e année,
nous adressons nos plus vifs remerciements pour sa longue et fidèle colla
boration. A lui, toute notre sympathie et tous nos vœux.
— 109 —
Comptes rendus
P. DULIEU, E. BORGERS, Namur, Coll. Cités de Belgique, éd. Artis-Historia, Bruxelles, 1985.
130 pages et 115 illustrations ... voici un très bel album qui ne manquera pas de réconci
lier les amoureux de la cité du Bia Bouquet avec une société de consommation tant décriée
aujourd'hui ! En effet, suivant l'originale formule commerciale adoptée par Artis-Historia,
le livre est vendu à un prix modique et l'ensemble des illustrations que l'on colle soi-même
s'échange contre les famex points dentelés qui se découpent sur des produits de grande con
sommation. De la sorte, les curieux tableaux mosans, les anciens bâtiments namurois et les
coins typiques du Champeau s'obtiennent concrètement en consommant des biscuits, de la graisse
à frites, de l'amidon, du chocolat et de la poudre à lessiver ...
Composé dans un style très accesible, le texte de Pierre Dulieu s'est attaché à faire revivre
le brillant passé de la ville du Confluent tout en attirant l'attention du lecteur sur les avatars
d'une cité qui, depuis César jusqu'à Napoléon constitua l'enjeu central de multiples stratégies
et joua un rôle prépondérant dans les manœuvres subtiles de l'équilibre européen. L'évolution
urbaine est envisagée suivant quatre étapes chronologiques : des origines au déclin carolingien,
Namur sous les comtes, la place forte de l'Europe et la ville moderne. Une histoire vive et colorée
fourmillant d'anecdotes et d'épisodes pittoresques qui représentent en quelque sorte le contre
point des grands événements historiques. Dans son dernier chapitre, l'auteur n'oubliera pas
d'analyser la très récente réaction contemporaine qui, avec l'attrait des vieux quartiers, a entraîné
une prise de conscience généralisée, cette dernière ayant heureusement permis de stopper in
extremis le processus de dégradation qui a mutilé tant d'autres villes de Wallonie. Les prises
de vue représentent une part capitale de cet ouvrage. Dues au talent d'Eric Borgers, les photo
graphies originales et variées s'éloignent du chromo habituel et sont autant de témoignages
remarquables permettant de faire apprécier la somptuosité des paysages, les chefs d'œuvre mécon
nus des musées, l'élégante beauté des vieilles demeures sans oublier les riches heures des tradi
tions populaires et du folklore.
Evidemment, le puriste pourra toujours regretter au passage quelques négligences : une
coquille malheureuse dans le commentaire d'un plan du 17e siècle (ill. n° 12), la confusion
entre une herse et un pont-levis (ill. n° 20), une erreur sur le prénom du peintre Bodart (fig.
4) et sur la date du premier rassemblement international de chorales (p. 104), une prise de vue
peu adéquate à sa légende (ill. n° 49), ... mais ce sont là des vétilles qui n'enlèvent rien à la
qualité d'un volume prestigieux dont le succès ne s'est d'ailleurs guère fait attendre puisque
en fort peu de temps le premier tirage de 100.000 exemplaires fut épuisé.
J. WILLEMART
Jean-Paul GUIBBERT, Pour que vive le folklore, dans « Le Courrier de l'Unesco », Paris,
avril 1985, pp. 23-27.
Dans cet article, l'auteur lance non seulement un cri d'alarme pour que soit préservée une
part importante du patrimoine de l'humanité mais il s'attache à nous expliquer le sens des démar
ches que l'Unesco a entreprises depuis quelques années et les mesures proposées pour promou
voir et protéger le folklore.
Transmis par la tradition orale, assimilé par imitation ou apprentissage, le folklore (ou
les folklores ?) est à l'image de l'homme : il échappe à toute définition stricte et ses domaines
sont malaisés à cerner. Transposé, adapté ou modifié, il peut également être sujet à l'oubli,
— 110 —
à la caricature et au pillage. L'art semble avoir eu un peu plus de chance que le folklore fait
remarquer l'auteur ; longtemps remisé dans les greniers de la culture, ce dernier témoigne néan
moins d'une vitalité qui prouve son existence véritable. Ses pouvoirs poétiques et pédagogi
ques, sa force symbolique en font un des instruments privilégiés de la création, de l'éducation
et de la transmission des valeurs. Dans un monde de plus en plus uniformisé par la technologie
moderne, malgré le nivellement des genres de vie, les hommes découvrent enfin aujourd'hui
la nécessité de retrouver leurs racines et de conserver leur identité.
Cependant les problèmes que pose une éventuelle législation internationale sont multiples :
reconnaître le droit du folklore à l'existence est une chose, encore faudrait-il résoudre à la satis
faction de tous les problèmes techniques de la définition, de la récolte des divers matériaux
et de leur conservation. Une fois recueilli, le folklore devra être difusé par tous les moyens
afin de permettre sa connaissance et son étude. Mais cette dernière ne devra pas se limiter à
une approche unilatérale et artificielle, il faudra replacer les traditions dans leur contexte res
pectif pour mieux pouvoir les échanger et les comparer. Il conviendra également d'éviter une
utilisation abusive et caricaturale qui dégraderait les données originales pour les soumettre à
une fin prédéterminée (comme cela a eu lieu par le passé, dans les régimes facistes et nazis).
Enfin le folklore ne pourrait exister sans agents transmetteurs, ceux-ci devront donc être pro
tégés au sein de leur pays et de leur propre comunauté. La prochaine Conférence Générale
de l'Unesco devra agir avec une certaine souplesse. Pour ne pas figer le folklore, il faudra per
mettre les exceptions et les cas particuliers, et se garder de catégoriser à l'excès au risque de
provoquer des pertes irrémédiables. Enfin le Comité d'experts gouvernementaux qui vient de
se réunir en janvier 85 a abandonné l'idée d'une réglementation jugée trop contraignante et
a préféré la formule d'une recommandation internationale où seraient énoncés des principes
que les Etats membres de l'Unesco pourraient adopter dans le cadre d'une loi nationale ou
d'une autre façon.
J. WILLEMART
Jacques DE DECKER, La Grande Roue, Paris, Grasset, 1985, 216 pages.
Voici un roman qui, par sa structure même, est d'une incontestable originalité. Cette ori
ginalité apparaît à la seule vue de la table des matières :
Elisabeth et Sabine
Sabine et Patrick
Patrick et Brigitte
Brigitte et Bruno
Bruno et Georges
Georges et Perséphone
Simone et François (1)
François et Arnold
Arnold et Zoé
Zoé et Elisabeth
Autrement dit, au lieu de chercher l'unité d'action et de centrer le récit sur un seul person
nage ou sur un couple ou sur un triangle, Jacques De Decker a imaginé dix histoires différen
tes dans lesquelles, chaque fois, deux personnages sont aux prises. Mais, chaque fois, le second
personnage du récit précédent devient le premier personnage du récit suivant et assure la liai
son. Et ainsi de suite jusqu'au bout, où le dernier personnage du dernier récit (l'infirmière
Elisabeth) était le premier personnage du premier récit. La boucle est donc bouclée ou, si l'on
préfère, la grande roue a fait son tour complet.
En principe, les dix récits se situent à Bruxelles, ville natale de l'auteur, mais le romancier
se permet, de temps à autre, une petite incursion sur les bords de la Meuse namuroise et nous
apprend que la femme d'un des onze personnages était fleuriste à Namur.
Nous ne serons sans doute pas le seul lecteur à ressentir une préférence secrète pour le
(1) Perséphone est un surnom de Simone. Il n'y a donc pas de rupture dans l'enchaînement.
— 111 —
huitième récit où le vieux peintre Arnold explique au collégien François pourquoi il peint :
Quoi que l'on fasse, l'art n'est jamais rien d'autre que le reflet de soi, une lampe témoin, si
tu veux, un voyant qui nous révèle l'état de notre âme. Théoriquement cet artiste a peint trois
fois le même paysage (une chapelle au milieu des champs, quelque part dans le Namurois),
mais il s'agit, en fait, de trois tableaux absolument différents, puique le véritable sujet n'était
pas la chapelle, mais l'état d'âme du peintre : la première fois, il peignit l'allégresse dont il
rayonnait de partout ; la seconde fois, la tristesse qui l'envahissait ; la troisième fois, une rési
gnation assez heureuse.
On peut évidemment se demander si Jacques De Decker n'a pas mêlé à ce chapitre un
petit brin d'amour filial, quand on sait que son père (à qui ce roman est dédié) fut un artiste
peintre auquel Arsène Soreil consacra jadis une étude.
André DULIERE
— 112 —
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