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Formation continue Le Japon dans la première moitié du XX e siècle Guerre russo‐japonaise, 1905 . Le Japon dans la première moitié du XX e siècle (CO-00843 CO15-1), formation donnée par Pierre-François Souyri le 11 avril 2016. Intervenant : Pierre-François Souyri est professeur à l'Université de Genève, responsable de l'unité de Japonais. Il a à l'origine effectué ses recherches sur la société du Japon médiéval, avant de s'orienter progressivement sur les périodes plus récentes. Il est spécialiste de la pensée politique et de la formation des sciences sociales dans le Japon moderne et contemporain. Il a publié depuis quelques années un nombres importants d'ouvrages de référence, tant sur le Japon médiéval que colonial, et est en particulier l'auteur d'une Nouvelle histoire du Japon. Dans son dernier opus, Moderne sans être occidental : aux origines du Japon d'aujourd'hui, paru en 2016 aux éditions Gallimard, se retrouve la trame de cette formation. Présentation : L'objectif de Pierre-François Souyri était de nous présenter l'histoire de l'ère Meiji jusqu'à la Seconde guerre mondiale, une période cruciale du Japon contemporain, qui a expérimenté des voies singulières de modernisation durant la dernière moitié du XIX e siècle et la première moitié du XX e . Il nous a présenté une nation à la fois isolée et assimilant de manière accélérée la modernité occidentale. Modernisé, le Japon impérial est devenu acteur d'une Seconde guerre mondiale moins connectée aux événements européens qu'on a l'habitude de la relater en occident. Support pédagogique : http://edu.ge.ch/co/content/fc-le-japon-dans-la-premiere-moitie-du-xxe-siecle-animee-le-11-avril-par 1 FC Histoire du japon / IntroducƟon

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Formation continue

Le Japon dans la première moitié du XXe siècle

Guerre russo‐japonaise, 1905 .

Le Japon dans la première moitié du XXe siècle (CO-00843 CO15-1), formation donnée par Pierre-FrançoisSouyri le 11 avril 2016.

Intervenant :Pierre-François Souyri est professeur à l'Université de Genève, responsable de l'unité de Japonais. Il a àl'origine effectué ses recherches sur la société du Japon médiéval, avant de s'orienter progressivement surles périodes plus récentes. Il est spécialiste de la pensée politique et de la formation des sciences socialesdans le Japon moderne et contemporain. Il a publié depuis quelques années un nombres importantsd'ouvrages de référence, tant sur le Japon médiéval que colonial, et est en particulier l'auteur d'uneNouvelle histoire du Japon. Dans son dernier opus, Moderne sans être occidental : aux origines du Japond'aujourd'hui, paru en 2016 aux éditions Gallimard, se retrouve la trame de cette formation.

Présentation :L'objectif de Pierre-François Souyri était de nous présenter l'histoire de l'ère Meiji jusqu'à la Secondeguerre mondiale, une période cruciale du Japon contemporain, qui a expérimenté des voies singulières demodernisation durant la dernière moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe. Il nous a présenté unenation à la fois isolée et assimilant de manière accélérée la modernité occidentale. Modernisé, le Japonimpérial est devenu acteur d'une Seconde guerre mondiale moins connectée aux événements européensqu'on a l'habitude de la relater en occident.

Support pédagogique :

http://edu.ge.ch/co/content/fc-le-japon-dans-la-premiere-moitie-du-xxe-siecle-animee-le-11-avril-par

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Résumé :

1. Le Japon en voie de modernisation

Jusqu'au XIXe siècle perdure au Japon un système féodal. C'est un pays en paix, replié sur lui-mêmedepuis 1630 et sa coupure avec l’occident. Depuis les années 1830, le gouvernement du Shogun estincapable de procéder à des réformes sociales nécessaires. Dès 1820, Russes, Français et Anglais sontprésents et tournent autour de l’archipel où ils cherchent à se ravitailler. Depuis l’annexion de la Californieet du fait de l’explosion de la chasse à la baleine dans le Pacifique, les USA sont également présents. Cettepression occidentale pour l’ouverture du Japon atteint son comble vers 1854 lorsque les baleinièresaméricaines sont repoussées par les batteries côtières japonaises. La plus grosse flotte de guerre réuniesà cette époque est envoyée : 7 navires de l’amiral Perry entrent dans la rade d’Edo, obligeant Le Japon àsigner un traité d’ouverture en 1854.

En 1858 sont signés des traités de commerce (avec la Suisse en 1864), des traités dits inégaux : le Japonn’est plus maître de ses droits de douanes à l’exportation, et doit négocier avec les occidentaux les taxes(dessaisissement des droits de douanes), de plus des ports sont déclarés ouverts (Yokohama...). Cestraités prévoient également le fait que les occidentaux ne peuvent être jugés que par des occidentaux s’ilscommettent des délits au Japon (privilège d’extra-territorialité). Ces traités de commerce (comme en Chine)sont un nœud autour duquel la diplomatie japonaise est obsédée : il lui faut tout au long du XIXe sièclerenégocier les traités inégaux, ce qui commence à se faire en 1899 avec l’Angleterre.

L’entrée du Japon dans le marché mondial produit des bouleversements, des tensions qui conduisent leJapon au bord de la guerre civile. Une génération de jeunes gens de statut samouraï (seigneur détenant unpetit fief) propose un certain nombre de réformes, mises en place dès 1865. Sakamoto Ryôma, unsamouraï, propose que le shogun se retire et soit remplacé par l’empereur, ainsi que la suppression desordres et statuts féodaux. Il souhaite la promotion des talents dans une logique anti-aristocratique, et quele gouvernement agisse selon l’opinion publique, c’est-à-dire organise de structures décisionnellesnouvelles, notamment en matière de fiscalité. Sakamoto est photographié à l’automne 67 à Nagasaki – undes premiers clichés pris par un japonais – et est assassiné en sortant du studio de photographie, quelquejours après la restitution des pouvoirs du shogun à l’empereur. Il a été considéré comme le « premier vraiJaponais » de l'ère moderne.

Le gouvernement décrète des réformes anti-féodales : il est désormais centralisé, unifié, les fiefs sontdissous et remplacés par des départements dirigés par des préfets. Les anciens seigneurs sontdédommagés, on leur donne 5 ans de revenus. La deuxième réforme est l’abandon des statuts sociaux, lesordres sociaux : les samouraïs, les paysans, les marchands, les artisans. Tous les Japonais sont placés surun plan d’égalité devant la loi. Le statut des samouraïs dissous, on fonde une armée impériale. Cetteréforme est mal vécue par les paysans, qui le vivent comme une corvée supplémentaires, d’où desrévoltes. L’école obligatoire est instaurée en 1871, tout en étant basée sur un tissu d’écoles déjà existant.60 à 80 % des garçons savaient déjà écrire, et 40% des filles en 1871. C'est un système d’écolesprimaires, de petites écoles, avec un corps de fonctionnaires créé dans le cadre d’écoles normales fondéesdès 1872, encadrant la jeunesse jusqu’à 12 ans. En 1879, l’université impériale de Tokyo est fondée. Vers1900, le système fonctionne, et plus de 90% des enfants savent lire et compter. Le Japon a d’ailleurs misen place plus tard un système d’éducation en Chine qui fait passer la Chine d’un pays majoritairementanalphabète à un pays alphabétisé entre 1849 et 1880.

La majorité des Japonais avait été formée au confucianisme et appréhenda la pensée occidentalesoudainement, dans le plus grand des désordres. Un grand mouvement associatif pour la liberté et ladémocratie se mit à réclamer à corps et à cri la démocratisation. C'était des classes moyennes : ancienssamouraïs, paysans riches, notables japonais. C'est un mouvement qui fait une sorte de révolutionculturelle, sans laquelle le programme de réforme de l’État aurait échoué. Si bien que les réformes ont étéun succès économique et social et qu’en 1889 est instaurée la première constitution du Japon, l’Empire duGrand Japon. C’est le premier pays non occidental à se doter d’une constitution moderne.

La mission Iwacula : la moitié du gouvernement japonais décide de faire le tour du monde, une grandmission de 1871 à 1873, dirigée par Iwacula Tomiomi. Ce sont des hommes qui veulent lancer la machinejaponaise économique, de manière à faire front un jour contre les occidentaux. Ils se rendent à San-Francisco, descendent le long des cotes mexicaines, traversent Panama et remontent jusqu'à Washington,puis passent en Angleterre, France, Belgique, Pays-bas, Allemagne, Suède, Russie, Autriche, et vont se

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refaire une santé en Suisse. De Marseille ils passent à Suez et regagnent le Japon. Ils veulent renégocierles traités inégaux, mais comment ? Les occidentaux les traitent de barbares.

La modernité japonaise est pensée en termes confucianistes. Les Japonais pensent comme lesoccidentaux, mais avec des catégories anciennes : cf. documents II et III, p. 12.

Image de 1889 : comme en Occident, en 1889 le port de la moustache est signe de modernité. Les glabresreprésentent le passé. Les uniformes sont copiés sur la cours de Napoléon II 20 ans plus tôt. Les damessont au centre, les femmes de l’empereur : pour la première fois, les femmes sont habillées à l’occidentale.

1890 : prescrit impérial sur l’éducation. Le kokutai : caractère fondamental de l’Empire : le japon est fondésur l’autorité des impériaux ancêtres, une autorité impérissable et éternelle : beauté, vertu, piété filialeforment la beauté politique (concepts confucianistes) : se comporter selon les règles forment la beauté,avec le beau, le bon, le juste.

Le Japon développe alors une idéologie impériale, à l’origine de dérives ultérieures, même si tout le mondene marche pas : document VI, critique d’un moine zen, arrêté et exécuté en 1910 pour complot contrel’empereur.

Une estampe de 1895, après la victoire contre la Chine et l’annexion de Taiwan : les Japonais habillés àl’occidental reçoivent des Chinois habillés en Mandchous : c'est la victoire de la civilisation contre laBarbarie.

Dans les années 1850-1870, toutes les technologies issues de la Révolution industrielle ont été importéesd’occident parfois plusieurs décennies après avoir été adoptée en Europe ou aux États-Unis. Dans lesannées 1900, il y avait 6 mois de décalage pour l’importation des technologies occidentales. Au XXe siècle,les Japonais inventent des technologies modernes sans décalage avec l’occident. Le retard est comblé.

2. L’empire du Grand Japon : émergence de l’état nation autour de l’empereur

Avec l’annexion de Taïwan en 1895, c’est la première annexion coloniale japonaise. → Le fameux maîtred’école éduque les indigènes taïwanais : imagerie de la « civilisation » éduquant le sauvage.

1900, c’est la date retenue du démarrage des industries lourdes, avec l’ouverture des aciéries Yawata,avec la construction de bateaux pour gagner la guerre contre la Russie, ce qui sera fait en 1905.

En 1902, coup de tonnerre, les Anglais proposent aux Japonais une alliance qui stoppe la Russie enMandchourie et en Corée, 3 ans après la sortie des traités inégaux. L’année 1902 marque la montée duJapon, qui devient un partenaire, en principe à égalité avec l’Angleterre.

La guerre de 1905 : pour la première fois dans l’histoire mondiale, une nation non occidentale vainc unenation occidentale avec des armes occidentales. Les Japonais font la preuve qu’ils sont supérieurs auxRusses dans tous les domaines, et que leurs réformes sont un succès. La victoire contre les Russes, c’estla victoire de l’esprit japonais et des capacités technologiques modernes contre un pays occidental. C'estl'époque de l'affirmation du nationalisme japonais (cf. texte VII p. 13 : Tokutomi Sôhô deviendra unpropagandiste de la guerre dans les années 30).

Cette guerre russo-japonaise est une boucherie monstrueuse, avec les premières tranchées, lors delaquelle on dénombre plus de morts japonais que russes (cf. texte XI p. 13, de la poétesse Yosano Akiko).

La Corée est un royaume indépendant forcé de s’ouvrir au monde par le Japon. Le royaume refuse lesréformes, malgré un mouvement moderniste pro-japonais. Dès les années 1885, la monarchie coréennes’appuie sur la monarchie chinoise, les tensions se développent jusqu’à la guerre sino-japonaise, qui estune guerre pour la Corée. La victoire japonaise tourne mal en Corée, car elle demande l’appui de laRussie, le régime tsariste bloquant les réformes en Corée. La présence russe menaçant le Japon, la guerrecontre la Russie vise à faire partir les Russes de Corée, comme ils ont fait partir les Chinois de Corée en1895. Dès 1905, la Corée est privée de toute appareil diplomatique. Les puissances occidentales acceptentcette colonisation du Japon sur la Corée, en échange d’une ouverture du Japon et de la présenceaméricaine aux Philippines.

Une montée de la contestation ouvrière, des grèves, des patrons attaqués à la dynamites. Un des leadersanarchistes, Kôtoku Shûsui, est arrêté dans une affaire de complot contre l’empereur. Il est exécuté en1911. Certains de ses compagnons resteront enfermés jusqu’à leurs mort (1975).

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3. La démocratie de Taishô (1913-1925)

La démocratie se développe au moment de la participation du Japon à la 1ère Guerre mondiale, avec undoublement du PNB. À partir de 1918, l’industrie pèse plus que l’agriculture dans le PNB. Le basculementdu japon se fait dans ces années là. Cela se traduit par l’enrichissement général du Japon, avec la montéede couches moyennes urbaines, salariées, travaillant en bureau, dont une partie est féminine. Le salariatféminin monte en puissance, il est lié à la scolarisation des jeunes filles. La conséquence est la pousséedémocratique, avec un mouvement pour le suffrage universel masculin : on est dans un système censitaire.Puis rapidement ce mouvement touche la classe ouvrière, avec un suffrage universel masculin en 1925. Levote féminin a failli passer en 1923 au parlement. Émergence des moga, les modern gals, les jeunesmodernes et des féministes, dont deux figures se distinguent : Yamakawa Kikue et Hiratsuka Raichô : texteXIV. La progression dans les professions se fait dès les années 1900, et l’ouverture totale se fait après1945, y compris parmi les fonctionnaires.

À partir de 1915, le Japon devient agressif en Chine et impose son impérialisme. En 1919, il siège àVersailles pour la signature du traité et est désormais sur un pied d’égalité avec les pays occidentaux.

Avec le traité de Washington de 1922, le rapport 5-5-3 établit un équilibre dans le Pacifique en défaveurdes Japonais (5 navires américaines, pour 5 navires britanniques, pour 3 navires japonais). La marinejaponaise devient anti-américaine. De manière générale, c'est la montée d’un sentiment anti-occidentalimpérialiste. Le Japon est dans une position ambiguë de civiliser l’Asie à la manière occidentale, tout en semontrant insatisfait des relations avec l’occident.

4. La guerre (1931-1952)

La Seconde guerre mondiale est une vision américaine. Il y a d'autres perspectives possibles, avec lesguerres oubliées : URSS-Japon, Finlande-URSS...

De quelle guerre parle-t-on ? Quand commence-t-elle ? Quand finit-elle ?

La réalité manifeste d'une guerre mondiale n’apparaît qu’en 1941, avec des alliances floues et non fiablesauparavant, et des conflits sans liens.

Depuis les événements de Mandchourie de 1931, il y a une continuité d’un point de vue japonais, jusqu’à laguerre de la Grande Asie Orientale. La Guerre du Pacifique n’est pas liée par les Japonais aux guerresasiatiques. Un historien japonais parle de la guerre de 15 ans : 1931-1945.

Maintenant on évoque une guerre européenne d’un côté et une Asia Pacific War de l’autre.

Pour les Chinois, la guerre dure jusqu’en 49. Pour les Coréens, la guerre commence en 1945. Pour lesvietnamiens, c’est d’abord un conflit de colonisateur, avec les colons japonais en 1940, l’annexion en mars45 par le Japon, le retrait, puis le retour des Français : la guerre continue.

La dictature militaire japonaise s’impose dès 1931 et a pour but la lutte conte le communisme, c’est unedictature anti-communiste et anti-soviétique. Pourtant, le Japon ne fait pas la guerre à l’Urss, ce qui auraitsoulagé l’Allemagne nazi. Pourquoi ?

Des Russes blancs et juifs avaient fuit les Soviétiques en Mandchourie, et se sont retrouvés dans le campjaponais avec l’arrivée de l’armée rouge en 1945.

Pourquoi les Japonais font ils la guerre et contre qui ?

Les Japonais sont embarqués dans des conflits coloniaux, qui ne reçoivent pas un appui fort chaleureux auJapon, avec une critique intellectuelle d’un petit mouvement anti-colonial. Mais lorsque le Japon attaque lesUSA en 1941, les Japonais deviennent les porte-voix d’un mouvement anti-colonialiste contre les blancs,les impérialistes occidentaux, dans une guerre pour la libération de l’Asie. Dès 1943, les Japonaisperçoivent qu’il s’agit d’une guerre de défense de la patrie, de défense à outrance d’une patrie et dusystème impérial, menacée en son cœur même par l’appareil militaire américain.

Texte IX : Le but est d’enseigner que le monde n’est pas un monopole occidental.

Les Japonais font la guerre pour que le monde ne soit pas un monopole occidental. Il y a une fuite en avantidéaliste vers la guerre, parce qu’ils font la guerre aux blancs, c’est tout un ressentiment qui rejaillit à cemoment-là. Ils font la guerre en Chine et en même temps la guerre aux occidentaux. Terrible contradictionde cette guerre faite pour libérer les Asiatiques.

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Or personne n’a jamais pensé marcher sur Washington. Et dans le même temps les occidentaux, àcommencer par les Américains, disent qu’ils vont faire « remonter les Japonais dans les arbres ». LesAméricains ont fait une guerre à outrance, les Japonais ont fait une guerre de défense et ne comprennentpas la logique américaine car ils faisaient une guerre de colonisation en Asie et dans le Pacifique. LesAméricains veulent faire rendre gorge aux Japonais et prendre Tokyo.

Pour les dirigeants de Tokyo en 1931, le mal absolu est les soviétiques, parce que c’est l’ancienne Russie,l'ennemi géopolitique, et parce que c’est l’idéologie communiste. L’antagonisme est géostratégique,aggravé par l’idéologie. Le Japon est terrorisé par l’unification de la Chine en une puissance nationale anti-japonaise. L’idéal est de mettre en place en Chine un régime pro-japonais. L’idée des Japonais est l’unitéde l’Asie contre les Anglo-saxons. Il y a donc 3 ennemis : l’URSS, la Chine réunifiée, les Anglo-saxons.

Le Japon ne s’est jamais donné les moyens de gagner.

L’armée de terre anti-communiste fait la guerre en Chine. L’armée de mer ronge son frein jusqu’en 1941,est obnubilée par les anglo-saxons depuis le traité 5-5-3. Ces deux armées sont en conflit.

À qui faire la guerre ? L'option nord

L’expansion en Mandchourie parait une réponse à la crise économique des années 30 : la Mandchouriecomprend des terres vides, fertiles, des matières premières. Elles est occupée en 1931-33. Le Japon y faitémigrer les paysans appauvris, avec 1 million de Japonais qui émigrent là-bas. Ainsi, le Japon tient àdistance l’URSS et affaiblit en même temps un gouvernement chinois éventuellement anti-japonais.

Les Japonais claquent la porte de la SDN en 1933, ce qui les isole complètement au niveau international.Le Japon est seul et doit se trouver de nouvelles alliances, alors que l’URSS est en train de redevenir unepuissance industrielle, et pense à contenir la menace communiste avec une alliance avec les Italiens etAllemands, internationale fascisante contre le Komintern. L’un des éléments est de se porter assistancemutuelle pour se porter secours en cas d’agression contre Staline, clause secrète du pacte anti-komintern.

Les nazis hésitent entre les Japonais et le régime nationaliste de Tchang-kai-Tchek, qui est un régimefascisant. Lors des massacres de Nankin, c’est un dirigeant nazi qui ameute les occidentaux contre lesmassacres des troupes japonaises contre les Chinois.

Tokyo se rend compte que la guerre contre la Chine est impossible : le bourbier chinois est une expressionjaponaise reprise par la suite à propos du Vietnam. La politique de la terreur ne fonctionne pas, fait monteren puissance le sentiment national chinois. Alors même que dans le même temps, Staline s’appuie plutôtsur les nationalistes chinois contre les communistes chinois.

Juillet 38 au lac Khalkal : bataille entre japonais et armée rouge. Les Japonais avaient un complexe desupériorité contre l’armée rouge, mais se rendent compte qu'en 1938, l'URSS a rattrapé son retard. ÀNomonhan, bataille sérieuse et oubliée en août 1939 : peut-être plusieurs dizaines de milliers de morts.Cela ne se passe pas très bien, sans correspondants étrangers, avec le black-out de Moscou et de Tokyo.L’armée rouge dirigée par Joukov inflige une défaite aux Japonais, de mai à septembre 1939. La défaiten’est pas tellement rapportée dans la presse. L’armée est surclassée dans tous les domaines, malgrél’armée rouge qui a été désorganisée par les purges de Moscou. En Sibérie ça se passe bien pour lesSoviétiques, malgré la médiocrité de cette même armée en 1940 en Finlande ou au début de la guerrecontre l’Allemagne. Surtout, les Japonais ne veulent pas poursuivre jusque vers Moscou. L’armée de terrejaponaise parait moins forte qu’il n’y parait. L’option nord se termine. Or les Japonais apprennentqu’Allemands et Soviétiques ont conclu un pacte, qu’Hitler n’a transmis aucune information aux Japonais.Et les Allemands n’ont jamais appuyé les Japonais durant leurs batailles contre l’armée rouge. Le pacteanti-komintern n’a jamais fonctionné.

En 1938-39, le premier ministre japonais ne sait plus contre qui faire la guerre. En avril 1941, Matsuda va àBerlin et lui dit qu’ils vont signer un pacte de non-agression avec les Soviétiques. Les Japonais vont doncsigner un pacte de non agression avec l’URSS, ce qui les arrange par rapport à l’aide des soviétiques auxnationalistes chinois. Deux mois plus tard, ils voient que les nazis attaquent l’URSS.

Les Japonais n’ont jamais été alliés des Allemands. Ils ne comprennent rien aux rapports internationaux. Ilspensaient même que les Allemands, par nationalisme occidental, allaient rejoindre les Américains aprèsPearl Harbour.

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À qui faire la guerre ? L'option sud

L’option sud se met en place en 1941, dès l’effondrement des puissances coloniales, françaises ethollandaises au printemps 1940, et que les Anglais ont d’autres chats à fouetter dans l’Asie du Sud-est : lesJaponais se disent qu’il y a quelque chose à faire en Chine en prenant les Chinois à revers, en passant parle Tonkin, et par le sud. Les autorités françaises collaborent avec les Japonais en Indochine. De plus il n’y adu pétrole qu’en Indonésie.

Faut-il attaquer ou pas les USA ? La marine veut montrer à la l'armée de terre comment on fait la guerre.Elle est devenue une des marines les plus puissantes au monde, avec les porte-avions, devenus unespécialité japonaise. La marine pousse une guerre contre les Américains. Yamamoto affirme qu’il faut 6mois pour gagner, car au bout de 6 mois l’industrie américaine va répliquer, estimant que les Américainsvont négocier. Mais ils ne comprennent pas les USA.

La guerre dans le Pacifique

L’armée japonaise se lance dans une guerre étonnante : de décembre 41 à juillet 42, le Japon progressesur tous les fronts, jusqu’à Midway. Le rapport de force est équilibré, avec une guerre technologiquecomplexe. Une forme d’hybris, de fureur héroïque, s’empare de l'armée japonaise. Yamamoto dit qu’il fautnégocier, mais personne ne veut négocier. Mais le rapport de force se renverse entre fin 42 et début 43. Lecode japonais est craqué en 1942. Yamamoto est descendu en plein vol grâce à ce code. Et en mêmetemps c’est une guerre ancienne, dans les climats tropicaux. C’est donc la logistique qui l’emporte. À partirde l’automne 1943, les Américains sont supérieurs en ravitaillement, et en logistique.

La situation militaire s’aggrave : à partir du moment où les Japonais comprennent que les Américainsveulent détruire le régime impérial japonais, une guerre de défense héroïque est organisée : tai atari,gyokusai, kamikazes. Le but est de faire peur, de faire craquer les Américains. Et les Américains craquentsouvent. La logique japonaise est arithmétique : si on perd 10 soldats, les Américains vont en perdre 7, etils vont craquer.

Dans la réalité, le soldat japonais ne meurt pas en héros, mais noyé ou affamé. Les convois sont coulés, etles soldats ne reçoivent plus leur renfort. Les Américains remportent la victoire du point de vue industriel.Un nombre incroyable de Japonais est mort sans combattre : des centaines de milliers de soldats sontnoyés dans leurs navires envoyés sans capacité de défense et coulés par l'ennemi. Et des dizaines demilliers morts affamés dans leurs îles du Pacifique : 700000 morts de faim : 1 soldat sur 5. C’est unecatastrophe militaire dans des proportions considérables. Les Japonais ne se battent plus, ils ne sont plusen capacité de se battre, malgré la propagande.

La fin de la guerre ?

À Yalta, Staline dit qu’il a besoin de 3 mois avant d’aller au Japon : du 8 mai au 8 août, jour de l’interventionsoviétique.

À Potsdam, les alliés s’entendent pour la capitulation complète du Japon.

L’empereur demande : qu’est-ce qui est prévu pour le kokutai ? Les états-majors disent que c’est sansdoute la fin de l’institution impériale et l’empereur dit : on continue.

Les bombardements occidentaux sur le Japon sont terribles, les Américains ont inventé le napalm, fontflamber les villes japonaises : 100000 morts en une nuit à Tokyo le 10 mars 1945. Cela renforce ladétermination japonaise à résister, avec une propagande contre les barbares américains. Le 6 août, c'estHiroshima, le 8 août, l'attaque soviétique, le 9 août Nagasaki, et l’empereur se demande ce qu’il va faire dukokutai. Les Japonais sont encore en Mandchourie, avec une armée de Terre intacte, prête à se batte,l’armée du Kuantoung. En quelques jours, l’armée du Kuantoung se désintègre contre l’armée rouge. Lesofficiers japonais s’enfuient face aux Soviétiques, terrorisés par l’armée rouge, laissant leurs soldats surplace. Les soldats se rendent tout de suite, capitulent : 700000 prisonniers en 8 jours. L’idéologie impériales’effondre. Seuls 60000 de ces prisonniers rentreront au pays, les autres mourant dans les campssoviétiques. L’empereur décide d’arrêter. Les Japonais pensent que les Soviétiques vont arriver lespremiers au Japon. Les atrocités commises par les soviétiques sont épouvantables. L’armée rouge est undéferlement de violence sur la Mandchourie.

Les bombes atomiques ont-elles mis fin à la deuxième guerre mondiale ? Les Américains ne sont pas dansune logique de guerre froide, ils sont obnubilés par la destruction de l’appareil de guerre japonais, jusqu’en1947. Le projet Manhattan a coûté une fortune invraisemblable, ils veulent voir l’effet que ça fait. Et bien

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sûr, il faut impressionner les Russes. Mais c’est surtout l’effondrement de la dernière armée, celle duKuantoung, qui fait basculer les Japonais dans l’acception de la défaite.

Dès 1945, En Asie, partout l’état de guerre s’impose, sauf au Japon. Est-ce une guerre mondiale ? Lesobjectifs sont très différents, les Japonais n’ont pas l’impression qu’il y ait eu une symétrie entre l’Europe etle Pacifique. Du côté Japonais, tout est d’une irrationalité folle.

6. Après-Guerre (1945-1952) : le démontage d’un empire

La capitulation

La capitulation du 15 août 1945 est signée le 2 septembre.

Le 14 août 1945 court le bruit que l’empereur va faire une déclaration. Comme il n'en a jamais faitauparavant, les Japonais ne connaissent pas sa voix. Donc on sait que quelque chose d’important va sepasser. Écoute pieuse du discours par les Japonais, qui ne comprennent rien de cette langue archaïsanteet pompeuse, avec des formules vides. L'empereur dit soudain : il va falloir accepter l’inacceptable.Certains sont humiliés d’avoir perdu, d’autres honteux, d’autres en colère. Le plus grand nombre estsoulagé, surtout du fait qu’ils ne vont pas mourir : c’était à ça que le discours de la propagande lespréparait. Le sacrifice général de la population était préparé. Donc le choc de la défaite acceptée est aussiun soulagement.

Le Japon invaincu est confronté à la capitulation le 2 septembre dans la rade du Missouri. Il s’agit d’unedéfaite américaine, car les Japonais ont dit que l’empereur ne signera pas. C’est le ministre des affairesétrangères qui signe, même pas le 1er ministre.

Fin septembre, 400000 soldats américains sont au Japon, avec la mission de démanteler l’armée etd’arrêter des hauts responsables : une quarantaine sont arrêtés dès septembre.

Kyodatsu : l’état de sidération, d’hébétement

État de sidération totale en août et septembre : les villes japonaises sont totalement détruites, avec l’effetterrible du napalm. Les gens sont dans la rue, ils sont tous perdus, les familles se cherchent. État deTokyo : plus une ville debout. Les américains ont vitrifié le Japon. État de sidération vu le soulagement dene pas mourir, et en même temps, personne ne dit rien.

Deux journaux japonais : « 15 août 45 : il fait chaud, l’empereur a parlé, j’ai de la fièvre. » « L’empereur aparlé, la guerre est terminée, ouf. » (modèle du aïku)

La question de l’empereur

L'occupation du Japon se fait petit à petit.

Le 27 septembre, Mac Arthur convoque l’empereur du Japon, qui ne s’est jamais fait convoquer parpersonne depuis 2000 ans. Mac Arthur ne sait pas comment se tenir. Il demande à l'empereur de l’aider àmaintenir l’ordre, l’empereur dit d’accord. Une photo où les deux hommes scellent leur pacte en 2secondes, alors que l’empereur pensait qu’il allait être arrêté. Ils ne se reverront plus. Tout le discours sur lareconnaissance des crimes de guerre japonais est biaisé par cette rencontre Mac Arthur-empereur. Orl’empereur du Japon avait le regard sur tout, même s’il n’avait pas d'impact direct sur les opérations. Le 14août, c’est l’empereur qui dit « on arrête », alors que les officiers cherchent à continuer. Mac Arthur diraaprès-guerre que l’empereur était un pantin. Les Américains veulent pendre Hiro-Hito. Mac Arthur minimiseson pouvoir. L'empereur, en réalité, veut seulement sauver sa peau.

La nouvelle constitution

Un mois après la présence américaine, les opposants politiques japonais sont toujours en prison. LesAméricains demandent l’ouverture des prisons, contre le 1er ministre qui démissionne. Ce sont presque lesmêmes au pouvoir qui ont collaboré à la guerre et à ses objectifs. Donc la relation est conflictuelle entreAméricains et Japonais.

Mac Arthur est un Républicain opposé à l’administration démocrate, mais obsédé par le démantèlement del’armée japonaise. Il veut démontrer qu’il peut maintenir l’ordre vis-à-vis des Soviétiques. Mac Arthur estentouré d’un staff de démocrates trentenaires, qui rêvent d’une démocratie idéale au Japon, à mettre enplace sur les ruines de l’empire. Ils comprennent vite qu’il faut faire face à un gouvernement japonais fait deconservateurs. Les Américains tiennent les Japonais avec l’empereur : si vous ne voulez pas faire des

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réformes, on arrête l’empereur, si bien que les Japonais acceptent les Réformes. Même s’il y a quelquesalliés, ce sont surtout des Américains.

Les Américains réformistes rétablissent les libertés civiles en octobre. La participation des femmes à la viepublique est décrétée, ainsi que la liberté syndicale et une forme de libéralisation de l’enseignement, laséparation de l’état du shinto, qui n’est plus la religion unique du Japon. Toutes ces mesures sont prises ennovembre-décembre 1945.

La démocratisation est engagée. Dès janvier 46, il y a toute une effervescence politique. Les partispolitiques conservateurs d’avant-guerre sont reconstitués, les anciens partis socialistes se réunifient. Lenombre de syndiqués croît en flèche. Le 1er janvier 1946, les Américains demandent à Hiro-Hito de faireune déclaration pour dire à son peuple qu’il n’est pas un « amatsimi-kami », donc qu’il n’est pas unemanifestation divine, il ajoute que c’est un concept creux fondé sur des mythes. C’est un « dieu » quidémissionne en direct à la radio. Mais Mac Arthur dit à Washington qu’il faut maintenir l’empereur pour quele Japon ne s’effondre pas. Ce qui devient la position américaine.

Les Américains demandent aux Japonais de créer une nouvelle constitution. Les conservateurs japonaischangent 3 virgules à la constitution de 1889. Les Américains finissent par pondre une nouvelle constitutionen 3 jours, d’une radicalité totale : article 9 : « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre ». L’arméejaponaise est dissoute à jamais. L’État japonais ne peut plus faire la guerre. Les Américains font fuiter letexte dans les journaux, les Japonais sont contents d’être débarrassés du militarisme. Un sondage donne75% de la population d’accord avec la Constitution. Pour certains, cela donnait un nouveau statutinternational au Japon. Il s’agit bien d’une leçon de guerre qui crée un pacifisme japonais. C’est le refusabsolu de l’armée belliqueuse, que les conservateurs japonais actuels n’ont jamais osé abandonnée, àlaquelle ils n’osent pas s’attaquer. Les interventions actuelles dans le cadre international sont doncanticonstitutionnelles.

Le tribunal international de Tokyo

900 officiers japonais ont été exécutés : c'est une épuration légère. Une quarantaine d’officiers sont jugés àTokyo. Le juge soviétique ne parle ni japonais ni anglais, et il n’y a pas de traduction. Les Soviétiquesmontent leur propre tribunal à Kabarovsk. Le tribunal juge par ailleurs selon un principe de rétroactivité delois écrites en 1945. À Tokyo, ces jugements n’ont pas été acceptés. Pour les Japonais il s’agit du tribunaldes vainqueurs contre les vaincus, il n’a aucune crédibilité. Or l’empereur n’est même pas convoquécomme témoin.

Les grandes réformes

Elles sont imposées par les réformistes démocrates américains avec l’assentiment de la populationjaponaises, malgré l’opposition des conservateurs japonais.

Elles s’appuient sur une épuration qui vise l’armée, dissoute par les Américains, et les dirigeants politiquesnationalistes, arrêtés puis relâchés, mais interdits de se représenter. L'épuration vise l’appareiléconomique, les grands zaibatsu, trusts économiques (Mitsubishi…). Les Américains ne touchent pas à labureaucratie d’état. En Allemagne, les cadres ont été liquidés. Tandis qu’au Japon, la bureaucratiejaponaise reste en place avec la bénédiction des Américains. Elle a même des trous de mémoire, oubliantque la guerre était perdue. Il y a donc une continuité des années 20, libérales, aux années 30,conservatrices, puis aux années 40-50. IL y a une pérennité des structures administratives. Un ministreactuel est le fils d’un ministre du développement de la Mandchourie.

Les réformes du travail : semaine de 42 heures, reconnaissance de l’activité syndicale ; réforme agraire :les terres sont données aux paysans, si bien que le Japon crée une petite paysannerie qui constitue un fiefélectoral du parti conservateur. Réforme de l’éducation : la grandeur de la culture japonaise remplace lagrandeur de l’état. La démocratie est mise en avant aux dépends des anciennes confucéennes. Lesfemmes ont les mêmes droits que les hommes dès 1946.

La guerre froide et la marche arrière

Avec le début de la Guerre froide, la montée en puissance du parti communiste japonais inquiète, qui faitjusqu’à 12% des voix. Les Américains s’appuient désormais sur les plus conservateurs avec la marchearrière dès la fin des années 40 : les Red purges ont été vécues comme des coups de poignards dans ledos par des réformateurs japonais, alors qu’on est en plein maccarthysme aux USA.

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Avec la guerre de Corée en 1950, le Japon est désormais la base arrière de la guerre menée contre lesSoviétiques, et bénéficie de retombées économiques. En 1952, le Japon a retrouvé la production de 1937.

En octobre 51, la grande conférence de San Francisco a pour but de remettre le Japon sur la scèneinternationale. Les Russes, les Chinois et les Coréens ne sont pas invités. Les Américains annoncent auxJaponais que la Corée va devenir indépendante. Le premier ministre Yoshida est littéralement enlevé pourêtre emmené sur un porte-avions sur la rade de San Francisco pour signer un traité de défense nippo-américain. Yoshida signe. Le Japon aurait pu devenir un pays neutre, mais devient une puissance qui subitla sujétion de la puissance américaine. Depuis, le Japon reste bloqué sous le parapluie nucléaireaméricain. Les bases américaines grêlent le territoire japonais. Au moment de Fukushima en 2011, lesAméricains ont imposé qu’il y ait un conseiller américain au conseil des ministres japonais. Le problème,c’est que le Japon reste un pays vassal des États-unis.

7. La mémoire : Les trois trésors

C'est une expression sino-japonaise désignant 3 choses importantes, fondamentales. Ici, une appellationironique constituant un blocage de la mémoire.

Unité 731

Durant la guerre, le but de cette unité était d’apporter des méthodes et des médicaments nouveaux sur lefront dans une perspective logistique, médicale. Un programme scientifique avait également pour objectifde développer des armes biologiques et chimiques. Cette unité officielle de l’armée japonaise, sous ladirection de médecins militaires, décide de faire des expériences directement sur les humains, pour allervite, pour gagner du temps, et soi-disant pour sauver des vies humaines. Des expériences sont faites surdes prisonniers de guerre chinois, mandchous, russes, qu’on appelle des buches. Ils servent égalementd’entraînement pour les médecins militaires japonais. Chirurgie et dissection à vif. 3800 à 4000 personnesvont périr de mort atroce dans ces unités. Le nombre de victimes indirectes est impossible à déterminer.« Grâce à ça », des progrès scientifiques sont accomplis. Toutes les archives japonaises sont brûlées enaoût 45, on estime que 30 à 40000 personnes sont impliquées dans le système.

Les Américains apprennent cela en 1945 et demandent aux chefs de l’unité 731 de donner leursdocuments, avec en échange le black-out. L’agent orange a été mis au point par l’unité 731 et le chefmédecin a fait des conférences jusque dans les années 50 aux États-unis.

Tout a été fait de manière propre et ordonnée, avec la demande de Tokyo. Et les membres de l’unité 731passaient une guerre tranquille. Les dirigeants de l’unité 731 ont presque tous réintégré des unités demédecin et ont dirigé des hôpitaux ou des unités chirurgicales : voir le dirigeant de la croix verte japonaise,qui fut dissoute dans les années 80 à cause du scandale du sang contaminé. Les prisonniers étaient bientraités, et au final, tous sont morts. Il n’y a donc pas de témoins. C’est très difficile de savoir la vérité :empoisonnement des eaux, etc. Certains ont parlé. Dans les années 80, des interviews sont sortis.Personne ne nie l’existence de la 731. On discute de son ampleur et de sa légitimité. D’autre part, desAméricains ont fait des tests des années 50 aux années 80 de leur côté.

Les armes bactériologiques ont été utilisées, mais sans résultat. Les Américains n’ont pas été victimes. IshiiShirô, le chef de l’unité a peut-être été décoré par les Américains.

Ce sont des historiens japonais qui ont été intéressés par ce qui s’était passé et ont prouvé l’importance dela Barbarie du système.

Le massacre de Nankin

En juillet 1937, la résistance à Shanghai est importante, et brusquement le front chinois s’effondre, etl’armée japonaise fonce sur la capitale Nankin. Les soldats qui vont prendre Nankin se retrouvent sanslogistique, sans munition et sans nourriture. Ils rentrent dans Nankin sans avoir tiré un coup de fusil, maissans avoir mangé. Les soldats japonais se jettent sur Nankin et raflent la nourriture, avec viols, massacresde jeunes nationalistes armés rapidement en civils. La situation échappe à l’état-major japonais. Du 7décembre 1937 jusqu’en février 38, les massacres sont courants autour de Nankin : les morts vont de30000 à 400000 morts, chiffre officiel chinois. La vérité doit être autour de 150000 morts. Les autoritésjaponaises sont effarées par l’ampleur de la chose et du déchaînement contre les femmes en particulier.

Quelques photos fausses paraissent dans la presse occidentale. Les Japonais nient le massacre sur labase de ces faux. C’est après la guerre que certains parlent. L’affaire de Nankin reste un nœud qui

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cristallise la violence de l’armée impériale, un massacre de masse sur la capitale chinoise, une affaired’abord oubliée avec les communistes chinois, affaire qui est ressorti dans les années 80, quand dessurvivants se sont mis à parler. Au Japon, une frange négationniste parle d’une propagande communistechinoise.

Il n’y a aucune pression américaine sur ces questions.

Les femmes de réconfort

Après le massacre de Nankin, et pour des raisons liées à l’hygiène (maladie vénériennes), l’arméejaponaise a décidé d'encadrer le comportement de ses soldats vis-à-vis des femmes des pays occupés encréant des maisons de réconfort. Dans un tel système organisé, le fait de passer au bordel devenaitobligatoire. Les filles étaient parfois sur place avant les médicaments. Une mentalité magique s'estdéveloppée : les relations sexuelles protégeaient les soldats de la mort au front. Le bordels étaient doncnécessaires avant de monter à l'assaut.

Ces lupanars n'ont pas été considérés comme un crime en soi, sauf que vers 1990, un certain nombre deCoréennes ont affirmé qu’elles avaient été enlevées pour servir de femmes de réconfort contre leur gré.Des recherches sont faites au Japon dans les années 90. Des études sortent et l’ampleur du phénomènefrappe : on parle de 200000 femmes, dont les 2/3 sont des Coréennes, avec des filles entre 14 et 18 ans. Ilfallait qu’elles soient vierges, pour ne pas être contaminées, avec l’obligation d’avoir des rapports protégés.En fait, l’état japonais a planifié le rapt, la tromperie et le viol de milliers de jeunes filles. C’était donc desesclaves sexuelles, souvent des paysannes enlevées dans des conditions atroces.

Ces femmes ont parlé, la plupart ne sont pas rentrées chez elles, se sont suicidées ou sont devenues devéritables prostituées après-guerre. Il s’agit bien d’un esclavage d’état. L’état japonais a fini par nier saresponsabilité. Or les stations étaient gérées par l’armée, les escouades étaient dirigées par des militaires.En décembre 2015, le gouvernement japonais a décidé de verser 1 milliards de yen à 46 femmes deréconfort coréennes encore en vie, sous la pression américaine. Mais l’affaire n’est pas close.

Sur cette affaire de mémoire, ce sont des Japonais qui ont effectué les recherches. Dans les cercles dupouvoir, avec cette continuité de la bureaucratie d’état, les faits sont encore niés. Voir l’influence du NihonKaigi dans l’appareil d’état (le 1er ministre Abé Shinzo en est membre).

L'éducation

Au Japon, il y a un manuel d’histoire unique. L’importance du manuel est d’autant plus important que lesjeunes japonais réécrivent le manuel (apprentissage complexe de l’écriture). Avant guerre, ces manuelscommençaient avec l’âge des dieux jusqu’à l’époque actuelle. Après guerre, il fallait noircir certaines lignesdes manuels du passé, en effaçant toutes les mentions nationalistes. À la rentrée 1946, mise en place d’unmanuel intitulé « la marche en avant » : un début sur la préhistoire, et une histoire essentiellementéconomique, sociale et culturelle. Les Japonais retiennent donc qu’il y a une grande culture. Dans lesannées 50, un comité pour l’éducation se charge de voir que le manuel est compatible avec la vérité etvérifie tous les manuels qui sont vus par des historiens et validés par l’état. Mais ce comité a été vu commeun contrôle de la pensée, une censure. Avec la course contre le temps des profs d’histoire, l’ordrechronologique est suivi, et donc on ne parle jamais du contemporain, et donc des sujets qui fâchent. Lesprofs n’avaient jamais le temps de parler de la guerre. Dans les années 90, le terme invasion de la Chine aété remplacé par progression japonaise en Chine.

Chronologie

Le Japon en voie de modernisation

• 1854 : traité de paix et d’amitié avec les USA

• 1858 : traités de commerces (traité inégaux)

• 1868 : proclamation d’un nouveau gouvernement impérial réformateur

• 1871 : réforme anti-féodales

• 1889 : constitution de l’empire du Grand Japon

• 1895 : victoire du Japon contre la Chine

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L’empire du Grand Japon

• 1895 : Annexion de Taiwan

• 1899 : renégociation des traités inégaux

• 1900 : naissance d’une industrie lourde

• 1902 : alliance militaire anglo-japonaise

• 1904-1905 : guerre russo-japonaise

• 1907 : premier pic de contestation ouvrière

• 1910--1911 : affaire du complot de lèse-majesté

La démocratie de Taishô (1913-1925)

• Accélération de l’industrialisation

• Montée des couches moyennes urbaines

• Mouvement pour le suffrage universel

• Naissance d’un mouvement féministe

• Émeutes du riz (juillet-septembre 1918)

• Effervescence sociale

• Mouvement pour le kaizô (la reconstruction) = réformisme social

• Droit de vote masculin en 1925, 1ères élections en 1928

• 1925--1928 : nouvelles lois répressives

Le Japon colonial et victorieux

• 1915 Les 21 demandes à la Chine

• Le Japon à Versailles du côté des vainqueurs

• Mars 1919 : mouvement Manse en Corée

• 4 mai 1919 : mouvement du 4 mai en Chine

• 1922 - -: traité de Washington. Régime du 5 5 3

• 1928 : opérations dans le Shandong et en Mandchourie

La guerre

• 1931-1945 : la guerre japonaise

• 1931-1952 : la séquence complète (Mandchourie, Chine, Pacifique...)

• 1941-1945 : la guerre américaine

• 1931 ou 1937-1949 : La guerre chinoise

• 1945-1953 : la guerre coréenne

• 1940-1975 : la guerre vietnamienne

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Bibliographie

Ouvrages, revues :

Asie-Pacifique, l'autre guerre mondiale, 1931-1945, L'histoire n°413-414.

Pierre-François Souyri, Moderne sans être occidental: Aux origines du Japon aujourd'hui, Gallimard, 2016.

Pierre-François Souyri, Nouvelle histoire du Japon, Perrin, 2010.

Pierre-François Souyri [dir.], Japon colonial, 1880-1930 : Les voix de la dissension, 2014.

Pierre-François Souyri, Constance Sereni Delespaul, Kamikazes, 2015.

Sites :

Institut culturel Meiji :https://meijibunka.wordpress.com/2016/01/30/lepopee-meiji-1-le-japon-force-de-souvrir-au-monde

Fascinant Japon :http://www.fascinant-japon.com [Nombreuses contributions de spécialistes et journalistes, historiques, culturelles, touristiques]

Révolution industrielle au Japon :http://www.japansmeijiindustrialrevolution.com [Les sites de la révolution industrielle de l'ère Meiji, classés au patrimoine de l'UNESCO]

MIT Vizualising cultureshttp://ocw.mit.edu/ans7870/21f/21f.027/home/vis_menu.html[Magnifique mise en perspective de documentation visuelle, centrée sur le Japon moderne]

Reenvisioning Japanhttp://humanities.lib.rochester.edu/rej/[Nombreuses sources utiles, par l'Université de Rochester]

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