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Solidarité - Proximité - Biodiversité Compte rendu du forum LE JARDIN DANS TOUS SES ÉTATS 1 er forum national du jardinage et de la citoyenneté 23 / 24 octobre 1997 - Lille

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Solidarité - Proximité - Biodiversité

Compte rendu

du forum

LE JARDIN

DANS TOUS

SES ÉTATS

1e r forum nationaldu jardinage et de la citoyenneté

23 / 24 octobre 1997 - Lille

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PRÉSENTATION

eux jours d’histoires d’amour avec la terre ont réuni àLille les 23 et 24 octobre derniers, près de 500 participants,afin de célébrer, par de nombreuses images et de mul-tiples témoignages, “le Jardin dans tous ses états”. La so-

lidarité, les échanges de proximité, la biodiversité urbaineont été les principaux points d’ancrage communs des

expériences du premier Forum du jardinage et de la citoyenneté.

Des “salons hors les murs” où l’on enterre ses préjugés sur son voisin,aux”cultures de la résistance”, tels des oasis où l’on retrouve sonjardin intérieur, des refuges naturels, derrière les maisons de Bruxelles,au convolage du sapin et de l’olivier à Aubervil-liers, des bombes de graines des guérilleros de New York aux lopinsastucieux de Lausanne... Les expériences aussi fortes que variéesont été, comme convenu, au rendez-vous de Lille. Vingt ateliers ontpermis d’approfondir les témoignages, d’échanger nos idées et d’amor-cer des débats de fond sur l’homme, son épanouissementet sa relation à l'autre et au monde, par le prisme original du jardin.

Autant dire qu’une restitution fidèle a posteriori de ce temps fortrelève de la gageure. Il manquera bien trop d’images, bien trop d'inti-mité, de passion, de ”témoignages sensibles” pour être dans le vraiton des deux journées. C’est la raison pour laquelle les rédacteurs du compte-rendu ne sesont pas attachés à suivre littéralement le propos et les séquences duForum, mais ont opté pour une formule synthétique et plus “journalis-tique” des échanges, au profit d'une sorte de plaidoyer et de gui-de du jardin dans tous ses états.Ainsi, plusieurs sujets d’ateliers ont été repris en un seul. Par ailleurs,certains témoignages perdent trop de sens à être résumés. C’est le casde la conférence de Pierre Rabhi, dont les propos choisis ont néanmoinsété repris pour alimenter différentes synthèses.En outre, des problèmes techniques d’enregistrement de salles nousont fait perdre toute trace de quelques précieux ateliers. Que lelecteur veuille bien nous en pardonner.

Chantier Nature et tous ses partenaires ont eu un réel plaisir à se rendreau service de la cause du jardin dans tous ses états. Après le Fo-rum et son compte-rendu écrit, une dynamique d’échanges, par lebiais de visites, d’expériences, de rencontres thématiques, d’échanges d’in-formations, doit s’enclencher conformément aux attentes ex-primées par de nombreux participants.L’équipe d’animation du Forum y pense. Elle devrait très bientôt mettreen œuvre des actions concrètes. Nous sommes gourmands de sug-gestions de votre part ! ...

En attendant, nous vous souhaitons une bonne lecture et de bonnes ins-pirations, jusqu’à nos retrouvailles... au prochain Forum? Qui sait...

Chantier Nature

S o m m a i r e

Présentation du compte rendu ..

Ouverture

Extraits de l'allocution d'ouverturede Marie Christine Blandin ..........

Résumé de l'intervention plénièrede Francis Charhon .....................

Expériences

Les plantages de Lausanne .........Les Green Guerillas .....................Les jardins d’aujourd’hui .............Le Centre Nature de Colombes ....L’opération Refuges Naturels du RNOB ...................................L’opération Chico Mendes ...........

Semer les couleurs de la vie plurielle ........................

Synthèse d'ateliers

Flux à créer, flux à bannir, jardinerla terre sans la détruire ...............Jardins pédagogiques, jardins d’éco-naissances ..............Malgré les racines perdues, retrouverle chemin du jardin au présent ....Le jardin support d’entraide et de solidarité ...........................Jardins en partage, fruits de l’initiative et du dialogue ........Jardiner toujours, encore, surtout … ................................

Synthèse

Le jardin dans tous ses états par Fran-coise Lenoble Prédinne ........

Remerciements ..........................

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C o m p t e r e n d u d u f o r u m

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C o m p t e r e n d u d u f o r u m

ouverture

Extraits de l’allocution d’ouverture

de Marie Christine BLANDIN, Présidente du Conseil régional

Nord-Pas de Calais

Résumé de l’intervention plénière

de Francis Charhon, Directeur Général de la Fondation de France

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l y a toujours eu unehistoire du jardin.Chaque civilisation a euses jardins, paysages

dans le paysage,architecture végétale

mêlée à la pierre.

Il y a toutes formes de jardins.Les jardins des monastères avec lesplantes médicinales, les fleurs, leslégumes et le verger, les jardins à lafrançaise ou à l’anglaise, les jardinsde Babylone, les jardins ouvriers de l’an-cien député-maire célèbre dans le Nord,l’Abbé Lemire d’Hazebrouck, les jardinsécologiques où se mêlent faune et floreluxuriante pour le plaisir des yeux etpour le maintien, voire la restauration, denotre patrimoine naturel, les jardinsconservatoires pour que les enfants etleurs enfants puissentbénéficier aussi desplaisirs des sens :l’acidité de la rhubarbe, l’âpreté de lagroseille à maquereau, l’amertume de laqueue de l’artichaut que l’on coupe,quand on se lèche les doigts, la fermetédu potiron et la fragilité de la fraise, l’ex-citation des narines aux senteurs de l’ori-gan ou de la marjolaine, ça a une autreallure que le petit bruit du sachet duMac’Do.

Il y a aussi les jardins de Cocagneoù s’allient jardinage et solidarité,ou encore les jardins communautaires,image de la réappropriation de l’espacepar les habitants.

ILe jardin a aussi plusieurs fonctions qui

ont eu une part d’inégale importance tout aulong de l’histoire, une fonction nourricière,financière, éducative, récréative et créative,environnementale et sociale. Une fonctionensoleillée d’échanges où l’on se plaîtà transmettre un savoir face à une volontécrépusculaire de maintien d’un pouvoir quine fait pas le poids.

De nos jours, dans une société qui se“tertiarise”, le jardin m’apparaît comme unmoyen de s’investir et de créer par soi-même,dans une continuité que nos civilisationsmodernes ont fragmentée, cassée, pulvérisée,un moyen de produire sainement duplaisir, des légumes, des couleurs et de laconvivialité. Un moyen d’organiser à sa guiseson propre espace, répondant à de vraisbesoins non satisfaits. Le jardin est le lieu oùla créativité de ses occupants peut encore

s’exprimer. Cesreconstitutionsminiatures sont

l’image de l’ingéniosité à construire avecla nature, ici une réserve d’eau, là un abricouvert de lierre, un auvent pour seprotéger du soleil, des plantations pour seprotéger du vent, une allée bordée de culotsde bouteilles étoilées pour faire fuir lestaupes.

Autant d’astuces et d’idées pourreconstituer dans un espace un microcosmerêvé.

Le jardin est aussi un vrai lieu.Et dans une société où tout s’indivi-dualise, il est avant tout un lieu par-tagé, un lieu de discussion etd’échanges. Échanges de savoir- faireet de pratiques des anciens aux nou-veaux, des plus âgés aux plus jeunes.Échanges culturels, l’aménagement etl’usage du jardin, le choix des fleurset des légumes traduisant des modesde vie et des cultures différentes.

Mon jardin idéal serait sans doutebordé de plantes grimpantes etde fleurs, légèrement bosselé, j’yplanterais de la menthe dans les creuxhumides, du thym sur les butes. Uneréserve d’eau pluviale assurerait mesbesoins en eau. Dans un petit coinderrière une palissade de boisapparaîtrait un tas de compost,amendement précieux pour le jardinageque je pratiquerais de façon la plusbiologique possible, dans un milieuurbain, où les quelques parcellesexistantes sont réservées depuis desmois et où la pression foncière et lesfaibles moyens des pouvoirs publicslimitent le développement de ces lieuxd’échanges et de créativité. D’aprèscertaines estimations, car lesstatistiques sont rares, si l’on prendl’exemple des jardins familiaux, surles 700 000 lopins existants en 1948,il en reste environ 130 000.

Ce qui m’amène à vous faire partde quelques pistes de réflexion et d’ac-tions possibles pour engager et accom-pagner le renouveau des jardins.

C o m p t e r e n d u d u f o r u m

o u ve r t u r e

Extraits de l’allocution d’ouverture de Marie Christine BLANDIN, Présidente du Conseil régional Nord-Pas de Calais

O u v e r t u r e

Une fonction ensoleillée d’échanges

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rapport au bâti, de leur mode d’utilisationet d’appropriation (publics ou privés,individuels ou collectif), du coût de leuraménagement et de leur entretien.Problème à aborder globalement dans lecadre d’une politique urbaine d’environne-ment. Nos voisins européens l’ont compris.A Rotterdam, par exemple, j’ai pu lire que30% de la surface des espaces verts sontconsacrés aux jardins familiaux. Les jardinsleur permettent de requalifier une partiede l’espace public en faveur de l’environne-ment et d’abaisser les coûts d’entretien.

Autre enjeu majeur, la réappropriationde l’espace par les habitants. Les jardinsfamiliaux sont des lieux d’échanges entreles habitants mais surtout ils développentle sentiment de responsabilisation vis-à-visdes autres, on jardine ensemble dans unespace partagé. L’exemple de réappropria-

tion des délaissésurbains à New Yorkl’illustre parfaitement..Dans notre région, nousexpérimentons depuisquelques mois ledéveloppement dejardins au pieds d’im-meubles, inspiré parl’expérience deLausanne. Déjà, unequarantaine d’habitants,sur un quartier lillois,s’implique dans lamise en oeuvredu projet appuyétechniquement par desassociations locales.Au delà d’une volontépolitique, la réussitedu renouveau desjardins passe aussi

par le soutien à ces associations.

Le développement et la remiseen valeur des jardins croisent troischamps d’investigation, les politiquesd’urbanisme, politiques d’environnementet les politiques de la ville. Ils reposentsur une multiplicité d’acteurs qu’il va falloirsensibiliser et “outiller” techniquement,financièrement. Un minimum de cadreméthodologique sur “qui fait quoi ? “ dansle domaine pourrait être un bon outil detravail pour les associations locales. Ilpourrait être enrichi par vos travaux etillustré des expériences présentées.

Je vous adresse donc tous mesencouragements à la poursuite de vostravaux pour que demain les jardinsregagnent nos villes et les enrichissentde toute leur poésie, au nom despoètes, des jardiniers, des gourmands,des scientifiques et de tous les enfantsqu’ils auront, au nom des bleuets, deslombrics, des hérissons et des coccinelles.

Je commencerai par le statut desjardins, qu’il s’agit, à mon sens, derevaloriser. Si les jardins sont souventqualifiés « de bric et de broc », parl’image de leurs abris qui peuventapparaître inesthétiques, je pense qu’ils’agit en partie du reflet d’une situation deprécarité. Investir dans l’aménagementd’un abri, en sachant que l’on peut êtredélogé sous la pression foncière, est unrisque difficile à assurer. A nos urbanistesd’en prendre de la graine et de donner unevéritable place au jardin dans la ville.Des efforts juridiques ont été engagésdans ce sens. Ils restent à poursuivre. Tropsouvent encore, les jardins sont des bouche- trous des zones non prévues pourl’édification. Dans notre région, on lestrouve notamment au pied des rempartsdes villes fortifiées. Ilssont aussi implantés surdes sols pauvres, qu’ilva falloir amender ettraiter avant d’espérerproduire. Nos jardinsont donc besoin dereconnaissance dans leschoix d’urbanisme et lesplans d’urbanisme.A notre niveau, laRégion a développéune prestation deconseil auprès descommunes sur l’intégra-tion de l’environnementdans les POS, laquestion du devenir desjardins familiaux estsouvent posée.

Très loin d’ici, à Hué, au Vietnam oùnotre région s’implique depuis 4 ans,où une délégation régionale travaillaitrécemment avec les paysagistes etarchitectes vietnamiens, nous noussommes de nouveau extasiés devant labeauté, l’harmonie, l’efficacité horticolemais aussi sociale des jardins développéssur les remparts de Hué dans la CitéInterdite, et je frémis quand j’entendscertains projets conçus dans des étageslillois qui voudraient “urbaniser” la citéinterdite d’Hué. Ce serait comme unéléphant dans un magasin de porcelaine.Les bétonneurs d’ici n’ont vraiment pasde leçon à donner à un peuple vietnamiencultivé, nourri de savoir-faire et de respectpour tous les équilibres. Pour ma part,je souhaite, au contraire, qu’avec laparticipation des associations, nousinstituions un jumelage, un échange, voireun concours émulateur entre nos jardiniersdu Nord-Pas de Calais et ceux de Hué,afin que ceux qui savent faire pousser deschicons rencontrent ici et là-bas ceux quiont domestiqué l’aubergine et qu’ensemblenous fassions face aux bétonneurs.

pédagogique sur ce thème, auprès dumonde enseignant. Nous envisageonségalement à terme une campagned’information sur les pratiques dejardinage, et d’ailleurs toutes vospropositions dans le domaine seront lesbienvenues. Les services de l’INRA m’ontrapporté que l’on utilise dix fois plus depolluants chimiques dans l’agriculturefamiliale que dans l’agriculture industrielleà m2 égal. Ensemble, construisons-nousune santé qui attire le regard.

Enfin, les jardins ont une place àpart entière dans les politiquesd’environnement et de citoyenneté.En effet, ils présentent deux enjeuxmajeurs ;

Celui des espaces verts dans la ville,de leur étendue, de leur localisation par

O u v e r t u r e

Des pistes de réflexion Autre élément important dans unepolitique de promotion des jardins,l’information et la sensibilisationautour du jardinage respectueux del’environnement. Il est souvent déploréque les jardins aussi soient sourcesde nuisances chimiques pour notreenvironnement et notre santé, à causede l’usage immodéré de produits detraitement. L’information sur l’usage etle dosage des produits chimiques,la sensibilisation aux techniquesde jardinage respectueuses del’environnement sont à poursuivre etpermettez-moi de souligner le travaildébuté dans ce sens par l’association desJardiniers de France, dont nous avons lachance d’accueillir le siège dans notrerégion. La réalisation par leur soin d’uneaffiche “sol milieu vivant”, nous aamenés à concevoir ensemble une malle

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Jardins potagers autour de la cité impériale à Hué - VIETNAM Photo : Jean-Luc CORNU, Conseil Régional Nord-Pas de Calais

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C o m p t e r e n d u d u f o r u m

o u ve r t u r eSi tu te cherches dans les jardins, tu te trouves…

ans le cadre de sesinterventions dans ledomaine de l’environne-ment, la Fondation de

France a décidé de s’en-gager aux côtés de Chantier

Nature et du Conseil Régional du Nord-Pasde Calais pour permettre la tenue du forum”du jardin dans tous ses états”.

Ce forum s’inscrit pleinement dans l’espritdu nouveau programme que nous lançonscette année et qui s’intitule : “denouvelles natures à cultiver ensemble”.Lorsqu’elle a décidé de s’engager dans cenouveau programme, la Fondation, commeelle le fait dans chacune de ses actions,a souhaité répondre à une nouvelledemande sociale dont elle a estimé qu’elleétait insuffisamment prise en compteà ce jour.En témoignent les longues listes d’attentepour accéder aux trop rares parcelles dejardins familiaux, l’engouement pour lejardinage “hors-sol” sur le balcon de noscités, les chiffres de fréquentation desdifférents salons du jardinage,... il y a uneaspiration croissante et massive denos contemporains qui souhaitent nonseulement bénéficier d’une nature deproximité, mais avoir la possibilité de s’yimpliquer très concrètement par l’acte dejardiner.

Pourquoi cette aspiration? La progressiond’un mode de vie urbain, marqué par lesrythmes accélérés, l’isolement, unenvironnement et une alimentation de plusen plus artificiels, ne sont sans doute pasétrangères à ce phénomène.

Il y a indiscutablement une aspirationcroissante de nos contemporains audéveloppement des relations sociales,

Dà l’appropriation de leur cadre de vie,autant que de vivre en relation deproximité et de quotidienneté avec lanature.Dans ce contexte, des espaces naturelsque l’on peut cultiver ensemble, àproximité de chez soi, apparaissentcomme autant de lieux de liberté et decréativité où chacun peut se retrouver etretrouver l’autre.

Les jardins familiaux traditionnelsrépondent pour une part à la demanded’espaces naturels de proximité, mais onsait que leur nombre est aujourd’huiinsuffisant (on compte en moyenne deuxans de liste d’attente pour accéder à uneparcelle).

Par ailleurs, les jardins d’in-sertion ont contribué depuisles dix dernières années àapporter des solutions nouvelles, laFondation de France en a soutenu lar-gement le développement.

Mais nous sommes convaincus quebeaucoup d’autres pistes restent à explorerpour que les jardins, les espaces verts,les formes d’agriculture urbaine répondentde façon plus diversifiée :- à un public hétérogène : enfants,personnes en difficultés d’insertion,personnes d’origine étrangère, femmesseules,...

- à des objectifs variés : lien social,lien entre les générations, développementculturel, éducation à l’environnement,biodiversité...

Et pour ce faire, il nous semble importantd’intégrer la participation des habitants :- dès l’amont au moment de la définitiondes objectifs.- et plus tard à la gestion de ces espaces.

Mais, il ne s’agit pas seulementd’expérimenter sur le terrain, nous tenonsaussi à accompagner le mouvementassociatif :- En lui permettant de se former à cesnouveaux enjeux, à ces nouvellespratiques.

- En favorisant lamise en réseau, leséchanges, entre desassociations dont

l’angle d’approche diffère et qui peuvents’enrichir mutuellement et porter desprojets communs : les associations dejardins familiaux, les associations pour lapromotion de l’horticulture, celles quiinterviennent dans le champ de l’éducationà l’environnement, de la gestiondes espaces verts, de la promotionde modes de cultures biologiques, del’agriculture, des liens ville-campagne...

C’est pourquoi nous avons voulu soutenirce forum, lieu de formation et d’échangespour les associations et les collectivitéslocales.

Considérant le programme de ces deuxjournées, la diversité des expériences quiont été présentées, on ne peut douter quece forum aura suscité une plus grandecréativité dans notre manière d’envisagerle jardin en ville.

6 Si tu te cherches dans les jardins,tu me trouves…

Résumé de l’intervention plénière de Francis Charhon, Directeur Général de la Fondation de France.

Chacun peut se retrouver et retrouver l’autre

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• Les plantages de Lausanne,• Les Green Guerillas,

• Les jardins d’aujourd’hui,• Centre Nature de Colombes,

• L’opération Refuges Naturels du RNOB,• L’opération Chico Mendes,

C o m p t e r e n d u d u f o r u m

expériences

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Expérience

Plantagesà Lausanne

la réussite d’un jardinage de quartier

maginez une banale surface en gazon,à proximité d’immeubles locatifs,transformée en jardin où poussent fleurs,fruits, légumes et autres plantes

aromatiques ! Ce rêve est en train de seconcrétiser à Lausanne grâce à un projet

du Service des parcs et promenades qui prévoitl’aménagement de jardins potagers - « les plantages » -(à l’intention de leurs habitants) sur cinq terrainscommunaux dans divers quartiers de la ville.

Comme dans beaucoup d’autres villes de Suisse, lapossibilité de cultiver un terrain existe. Il faut s’adresserà l’Association des jardins familiaux, mais cela exige dela patience - les listes d’attente sont longues etl’Association ne parvient pas à répondre à toutes lesdemandes -, du temps - les parcelles louées sont detaille importante (entre 100 et 200 m2), ce quiimplique un entretien assidu - et des moyens -les parcelles sont souvent équipées d’unemaisonnette -, les jardins familiaux sontgénéralement situés en périphérie de la ville,ce qui oblige les utilisateurs à effectuerdes déplacements parfois importants.

La notion de « plantages », imaginée par le Service desparcs et promenades, se veut beaucoup plus modeste.Les parcelles à cultiver sont de taille plus petite etsont aménagées plus rudimentairement. Les lopins mis àdisposition ont une surface qui varie de 6 à 48 m2

(par multiple de 6) selon les vœux des utilisateurs.L’équipement se limite à quelques points d’eau etéventuellement à un coffre commun pour le rangementde l’outillage. La simplicité de la structure confère aux plantages uncaractère “nomade”, adapté à la ville, qui elle, estsoumise à une évolution constante de son domaine bâti.Les plantages ont cette capacité de s’installer danstous les interstices de la ville et de disparaître en cas denouvelles constructions. Les jardins familiaux, beaucoupplus structurés et “sédentarisés”, sont pratiquementimpossible à déloger.

Les plantages se distinguent des jardins familiaux aussipar leur accessibilité. Situés au pied des immeubleslocatifs d’un quartier, ils sont peu éloignés du domiciledes utilisateurs. La règle veut que l’on y vienne enquelques minutes à pied. Les bénéficiaires ont le choixd’y cultiver des légumes, des fleurs, des arbustes à baieset des herbes aromatiques, mais s’abstiennent de fairepousser des arbres et du gazon. Ils renoncent égalementà l’installation de tout élément construit. Les plantages ne se substituent donc en rien aux jardinsfamiliaux. Ils constituent simplement une offredifférente et complémentaire qui s’adresse à un autretype de public.

Les réflexions menées lors de l’élaboration du plandirecteur communal sont à l’origine du projet deplantages. Cette étude à l’échelle de la ville a permis demettre en évidence l’érosion et l’appauvrissement desespaces jardinés situés sur le domaine privé. Les jardins,insidieusement, sont remplacés par des places destationnement ou d’autres constructions. Le jardin« côté rue » disparaît au profit de la voiture. Lavégétation se banalise et se résume au « gazon - thuya -cotoneaster », incontournable triptyque de lavégétation urbaine. Ces atteintes, aussi minimes soient-elles, additionnées, permettent de mesurer lerétrécissement de surfaces vertes.

Pour remédier à cette réalité, le projet de plantagess’est imposé comme une expérience à tenter ; les butsà atteindre étant de diversifier la végétation en milieu

urbain, d’offrir la possibilité aux citadins de renoueravec les plaisirs du jardinage et de susciter unattachement particulier avec son environnementdirect. Loisirs de proximité, les plantagescontribuent aussi à l’animation du quartier endevenant un lieu de rencontres et d’échanges.

I

Une offre complémentaire à celle des jardins familiaux

Remédier à la disparition des jardins

Résumé de l’expérience présentée en plénière par Klaus HOLZHAUZEN, responsable de la

division études et projets de la ville de Lausanne.

Plantages à Lausanne8

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Contacts : Service des parcs et promenades de la ville de Lausanne

Chef de service : Marc Perrin

Responsable de la division études et projets :Klaus Holzhauzen

Responsable du projet des plantages : Yves Lachavanne

Pour promouvoir la pratique du plantage en ville,la Commune de Lausanne se propose de montrerl’exemple en mettant à disposition un certain nombrede terrains sans affectation particulière. Cinq terrainsde 1100 m2 en moyenne, dispersés dans la ville, ontété retenus, vu leur situation dans les quartiersdensément habités.

Afin d’être en concordance avec le caractère provisoiredes plantages et pour limiter les coûts de réalisation,l’aménagement et l’équipement des terrains se veulentsimples, modestes et fonctionnels ; l’essentiel étant quele confort nécessaire à une bonne pratique du jardinagesoit offert. Les travaux prévoient le labour du terrain,la création d’un réseau de cheminements, d’alimentationen eau et la pose de clôtures de protection sur lepourtour de la parcelle. Le crédit accordé en automne1995 par le Conseil communal pour l’ensemble de cestravaux se monte à 166 000 francs.

Le premier terrain, d’une surface d’environ 1 000 m2,a été aménagé en avril 1996 dans le quartier desLibellules, situé au nord de la ville. Deux autres ontsuivi en avril 1997. L’expérience s’est avérée fortconcluante, puisque les trois sites ont rapidement étéentièrement occupés. Près de 100 riverains, de tous âgeset de toutes conditions sociales, répondant à l’appel d’undépliant municipal intitulé « A deux pas de chezvous, un lopin de terre à cultiver, ça vous tente ? »ont pris possession de leur lopin de terre et nous avonsdéjà des listes d’attente. Chacun des utilisateurs s’estengagé à respecter quelques règles de mise à dispositiondes parcelles et à s’acquitter d’une modeste contributionde 3 francs par m2 et par an pour couvrir les fraisde consommation d’eau. Chaque locataire amène sespropres outils, ce qui renforce le caractère essentiel de laproximité des plantages, à moins de 5 minutes à piedsdes résidences des jardiniers.

Vu le succès de ces premières réalisations, nous allonspoursuivre l’expérience en réalisant encore un, voiredeux plantages durant l’hiver 1997/98. Si l’on évalueà 20 m2 en moyenne la surface cultivée par chaqueutilisateur, on peut estimer que les plantagescommunaux toucheront près de 200 Lausannois.

Un service public a avant tout pour mission degérer et d’entretenir les espaces verts publics.Mais il a également pour tâche, dans le cadred’une planification cohérente de l’environnementurbain de prendre en compte la surface verteprivée.

Des expériences concluantesdans divers quartiers

La promotion des plantagessur le domaine privé

Celle-ci constitue un potentiel important du tissu verturbain et apporte une contribution considérable à laqualité de vie à laquelle tout citadin aspire.

Par l’expérience des plantages, le Service des parcs etpromenades espère que les propriétaires et les gérantsprendront le relais en mettant à la disposition de leurslocataires les espaces résiduels qui verdissent le pied deleurs immeubles. Diverses actions de sensibilisationorientées vers le développement de plantages sur ledomaine privé seront menées. Elles pourront êtreaccompagnées d’un certain nombre de services offerts :conseils techniques, éventuel premier labour, mise àdisposition d’un règlement…

Les plantages en pied d‘immeuble.

9Plantages à Lausanne

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Expérience

GreenGuerillas

Rêves de jardinsdans une grande pomme

e nom des « Green Guerillas » ne vousest peut-être pas inconnu : peut-êtreavez-vous lu des articles sur nous,ou bien avez-vous vu le film

« Green Card » où Gérard Depardieuobtient son permis de séjour aux États

Unis grâce à Andie Mc Dowell. Alors, peut-êtrevous souvenez vous que cette dernière travaillaitpour les Green Guerillas.

Pour vous expliquer qui nous sommes et ce que nousfaisons, nous devons remonter un peu l’histoire.

La ville de New York City fut très lourdement touchéepar la crise économique des années 70 : taux dechômage très élevé, envolée des prix du mazout etde l’immobilier... La Une d’un grand journal del’époque témoigne de l’esprit du Président d’alors- le Président Ford - vis-à-vis de la plus grande villedu pays : le Président Ford s’adresse à New YorkCity : « Drop Dead ! », ce que nous pouvons traduirepar « Va mourir ! ».

L’une des conséquences fut que de nombreuxpropriétaires ont préféré purement et simplementabandonner leurs immeubles, laissant le soin à lamunicipalité de les prendre en charge. Maiscomme la municipalité n’avait pas les fondsnécessaires à leur entretien, et comme lesimmeubles étaient souvent sur le point de

L

Les Greens Guerillas

Au commencement était la pomme …

Présentation d’expérience plénière de Steve Frillman, Directeur Général des Green Guerillas, New York

s’écrouler, la ville a décidé de raser des centaines debuildings, laissant à la place des parcelles de terrainsvides, où s’amoncelaient les gravats. L’entretien dessquares était, pour ainsi dire inexistant à l’époque.Si bien que les habitants des quartiers les plusdéfavorisés n’avaient accès à aucun espace vert oùils pouvaient se sentir en sécurité.

Dans cette ambiance semblant vouée à la morosité,une femme, Liz Christy a voulu réagir : elle obtintl’aide de ses amis pour nettoyer ces parcellesabandonnées et créer des jardins communautaires,qui seraient vibrants, pleins de couleurs. L’unede leurs toutes premières actions fut de jeterdes bombes de graines à travers les grillages deces espaces. Ils ont continué avec de petites actionsici et là : ils ont planté des arbres, planté des fleurssur les rebords des fenêtres, peint des lierres sur lesfaçades des immeubles et ont commencé à parcourirNew York pour faire de nouvelles recrues. Quand ilsont été assez nombreux, ils ont pu tourner leurattention vers de plus grands espaces abandonnéspour les transformer en « jardins communautaires ».

Mais depuis le tout début, leur action, plus que parla passion des plantes, était guidée par la passiondes humains. En effet, les Green Guerillas ont réaliséque la ville de New York, comme toutes les grandesconcentrations urbaines du monde, était truffée depersonnes pleines de talents. Les Green Guerillas sesont alors mis à soutenir des gens de tous horizonset de tous âges pour qu’ils travaillent ensemble àcréer leurs propres jardins communautaires. LesGreen Guerillas étaient là pour apporter aide etsoutien, mais c’était les gens du quartier qui serencontraient et décidaient ce qu’ils voulaient fairepour leur environnement. En général, c’est à l’aided’objets récupérés (des briques, des montants de lits,etc..) qu’ils posaient les premières bases de leursjardins.

Il n’a pas fallu longtemps pour que les résultats deleur travail se fassent sentir aux quatre coins dela ville. Leur premier projet de grande ampleur- en 1973 - a été l’aménagement d’un espace àl’angle des rues Bowery et Houston. Ce terrain,aujourd’hui dédié à la mémoire de Liz Christy, estmaintenant un jardin magnifique, comparable auxplus beaux espaces verts de New York. Le groupe debénévoles qui s’en occupe ne dépense pas plus de10 000 FF par an pour son entretien et sonembellissement. Ils reçoivent des dons en nature(plantes, matériel) d’une valeur d’une dizaine demilliers de francs. Ce jardin fait maintenant officede « jardin modèle », qui peut être visité, où l’onpeut apprendre des techniques de jardinage et

prendre des brochures d’information. C’estégalement un lieu de détente. Les Green Guerillasutilisent une section du jardin pour y rassemblerles dons en plantes et matériels et distribuer

ces biens de valeur entre les jardinierscommunautaires.

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Plus de 1000jardins communautaires

Aujourd’hui, New York compte plus de 1000 jardinscommunautaires à tous les coins de la ville. Vousserez véritablement surpris de découvrir des jardinsremarquables dans les quartiers les plus démunis : cesjardins vous inspireront, et vous ouvriront les yeux surla force qui peut unir les gens.

Depuis le début, les gens nous ont demandé à quoiressemble un jardin des Green Guerillas. Et nous avonstoujours répondu, “Cela ressemble à tout ce quevous pouvez avoir en tête. Cela peut ressemblerà votre famille, à vos voisins, à vos racines. Vous lepensez et nous vous aiderons à la mettre en pratique”.Les jardins communautaires de New York sont crééspar des groupes de gens divers et variés, qui serassemblent, luttent, transpirent et finalement créentune réalisation de leurs imaginations collectives.Et comme les jardins communautaires sont entretenuspar les gens du quartier, il y a toujours quelqu’unpour en prendre soin.

Les jardins communautaires sontutilisés comme des centresartistiques, culturels, éducatifs.

Que fait-on dans les jardins ? On célèbre le printemps etHalloween. On fait des festivals.On exprime des opinionspolitiques et des visionsartistiques. On crée des œuvresd’art à l’image de son jardin.On construit des créaturessympathiques. On se marie,mais on ne sait pas combiende temps les mariages durent.

Depuis le début, une chose estsûre : les enfants adorentjardiner dans les jardinscommunautaires.

Ils ont le courage de rêver en grand. Avec un toutpetit peu d’assistance de la part des adultes, ilsplantent, apprennent et grandissent en même tempsque le jardin.

Dans les quartiers défavorisés, bien souvent il n’y a pasde magasins qui vendent des fruits et légumes frais.Les jardiniers communautaires font pousser des fruitset légumes qu’ils distribuent ensuite à leurs voisins.Dans certains jardins, presque une tonned’aliments pousse chaque année. Certains jardinsont même des ruches qui produisent leurpropre miel.

Sinon, nous serons obligés de créer des jardins sur lestoits des immeubles. Nous le ferons si nous le devons,mais ce n’est pas un avenir idéal.

Je voudrais vous laisser avec une dernière image,celle d’une fresque qui surplombe un jardincommunautaire, peinte par des personnes sans abri,enfants et adultes. Cette illustration incarne ce que

nous avons appris à New York : notre travail renforcela planète Terre certes, mais, plus importantencore, en travaillant ensemble la Terre, nousrenforçons nos communautés.

Les jardins communautaires sont également utiliséspour faire de l’éducation à l’environnement : on peut yapprendre à créer des systèmes de compost pour recyclerles déchets alimentaires, ou faire des « workshops »(ateliers de travail) pour familiariser ses voisins auxproblèmes de l’environnement.

Malheureusement, la plupart des 750 jardins qui sontsur des terrains appartenant à la ville de New Yorkrisquent la destruction dans les quelques années à venir.Le plan d’occupation des sols que la municipalitéutilise pour établir ses plans de construction n’incluepas les jardins communautaires. Ils sont désignés comme« espaces vacants ».

Les Green Guerillas sont forcées de se battre pourpréserver un avenir aux jardins. Nous faisons descampagnes d’information et nous nous impliquons dansdes manifestations. Nous espérons convaincre lamunicipalité qu’elle devrait travailler avec nous pourpréserver les jardins.

Les Greens Guerillas

Dans un jardin communautaire de New York.

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es “jardins d’aujourd’hui” ont été lancésen 1986 par des gens qui n’étaient niécolos, ni travailleurs sociaux. Nousétions des militants, qui voulions

“nourrir le monde”. Tout simplement...Certains de nos voisins claquaient du bec et,

plutôt que de nous engager dans une logique de don,nous voulions les aider à s’auto-suffire.

Les gens en situation d’exclusion sont peu mobiles etdémobilisés. Nous sommes donc allés à leur rencontredans les immeubles, nous avons fait du porte-à-portepour présenter notre grand projet. Et là, surprise,autour d’un café, les habitants nous causaient qualitédes légumes, nous demandaient s’ils auraient le droit deplanter des fleurs; ils nous parlaient de plaisir. Bref,on a mesuré la valeur symbolique du jardin, qui passesouvent avant sa fonction productive. Nous avons doncremballé nos prétentions de refaire le monde et nousavons essayé de répondre, le plus finement possible,à ces différentes motivations des gens.

Aujourd’hui, l’association, avec le soutien du ConseilGénéral, des villes, de la Fondation de France et duMinistère de l’Environnement, gère cinq sites dejardins à Bordeaux et en Gironde. Et pas un deces sites ne ressemble à l’autre, même si l’onpeut distinguer quelques grandes catégories.

L

Les jardins d’aujourd’hui

Expérience

Les jardins

d’aujourd’hui

Comme des perches tendues…

Synthèse de la présentation d’expérience plénière d’Eric Prédine, Directeur de l’association

«Les jardins d’aujourd’hui».

Dans la cité des Aubiers, à vingt minutes en voituredu centre de Bordeaux, nous avons aménagé un grandespace qui s’inspire du modèle des Jardins Familiaux.Trente-sept parcelles, d’environ 150 m2 chacune,au pied des immeubles. Et bien tenues, pas du tout“zone”, malgré les craintes habituelles des décideurs.Ces jardins-là, pour les gens qui les cultivent, ce sontdes prolongements de la salle de séjour, le derniersalon où ils causent. Ce sont des lieux d’apprentissage de civilité etd’intégration. Dans ce quartier où les immigrés sontnombreux et où le taux de chômage est important,les jardiniers se rassurent sur leur identité et sereconnaissent mutuellement. Les pères qui jardinentsont valorisés, ce qui est rare pour un chômeur. Et lesespaces cultivés sont respectés, notamment par lesjeunes.

Autre type de “jardin d’aujourd’hui” : le jardincollectif, comme celui du “Grand parc” à Bordeauxque nous avons créé à la demande d’un groupe defemmes d’un centre social. Un petit coin de nature de2 500 m2 en centre-ville. Ici, l’objectif est d’intégrerdes personnes en situation d’exclusion non passeulement économique, mais sociale etpsychologique. Avec le souci, bien sûr, de nepas constituer un ghetto. Cela demande quelquescompétences. Les animateurs des jardins collectifssont des professionnels, rémunérés, qui y passentplusieurs demi-journées par semaine et en outre,font le lien avec les diverses structures sociales.Et puis, il nous est arrivé aussi de recréer des jardinsen zone rurale. Pourquoi ? Parce que, comme en ville,les gens qui n’ont plus rien à faire ont du mal à imagi-ner qu’ils pourraient jardiner, que cela leur ferait dubien et qu’ils pourraient en tirer quelques menuesressources...

Pour terminer, je voudrais répondre à la questionqu’on nous pose régulièrement : “mais que font-ils deleurs fruits et légumes tous ces jardiniers” ? Eh bien,certains les mangent, en réapprenant au passageà cuisiner. Mais le premier réflexe des gens les pluscassés, c’est d’offrir leur production. Je me souviensd’une femme qui vivait seule avec trois enfants et quiavait été dépannée par le Secours catholique. Sapremière part de récolte dans le jardin collectif, alors que ses ennuis financiers n’étaient pas terminés,elle est allée l’offrir au Secours catholique. C’est bienbeau de recevoir mais le plus beau, c’est de pouvoir

rendre. Cette dame avait besoin de se resituerpar rapport aux autres, de retrouver une valeur.

C’est à cela, d’abord, que nous voulons servir.

B V.

Retrouver une valeur

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Expérience

Le

Centre Naturede Colombes

Sésame, ouvre-toi !

uand on est chargé d’établir le compte rendu d’unegrande rencontre ayant pour thème le jardin« dans tous ses états », on serait bien tenté,pour résoudre le problème des illustrations

photos du document concerné, de tout trouverdans la boîte renfermant la centaine de photos

datant de la dernière visite au Centre nature de Colombes.

Sitôt la grille du centre franchie, on tombe dans l’enchantementdu lieu. Tout y est pour une version ré-actualisée d’ « Alibabaet les quarante voleurs » : les cactus à l’entrée (reconstitutiondu biotope méditerranéen), la grille qui ne s’ouvre pas dupremier coup, les jeunes beurs du quartier, Ali - ou plutôtAlain-baba bien sûr, mais surtout le trésor... l’or des ruches,des rivières de diamants verts petits et gros accumulés et parfoisétiquetés, des pierres maraudées aux quatre coins du globe etmises sous cloche pour les rendre précieuses encore.

Q

Présentation d’expérience plénière de Alain Spohn, animateur du Centre

La vraie histoire de ce jardin est, en réalité, tout autantromanesque. Il naît en 1936 sous l’appellation de jardinbotanique, grâce à Pierre de Salabert, un instituteur dont lapassion pour la botanique l’a amené à tenir une correspondanceassidue avec Pu-Yi, dernier empereur de Chine, directeur du jardinbotanique de Pékin. Le Centre nature ferme ses portes en 1962.Avant sa mort, Salabert signe avec la ville de Colombes un bailemphytéotique de mise à disposition du terrain, sous conditionque le jardin reste à l’usage des enfants du quartier. Vingt ans plus tard, Alain Spohn, alors instituteur retrouve dansla classe de Salabert les plans du jardin et sa correspondance.Grâce au travail acharné d’Alain Spohn et de quelques bénévolespour la plupart anciens élèves de Salabert, le Centre natureouvre ses portes en 1984, comme « équipement municipal àgestion associative ».

Campé sur ses 2 300 m2 en cœur d’agglomération, le Centre seveut à la fois lieu de détente et d’apprentissage.L’animateur du centre, parfois un membre de l’association,accueille des classes d’enfants pour une initiation générale parle biais de parcours ludiques, ou pour des animationssaisonnières. Il intervient aussi sur des domaines très précis,à la demande des enseignants. Parfois, il peut s’agir de chosestrès pointues, comme par exemple la mise au point d’un dispositifexpérimental sur la photosynthèse à l’intention des classesde 5ème ou de 4ème. Il est fréquent qu’un enseignant demandeà revenir avec sa classe et se débrouille tout seul.Le mercredi matin, enfants et mamans participent aux ateliersde jardinage. Chacun a son petit lopin de terre et garde sonterrain pendant un an. Les anciens sont mis à contributionpour apprendre aux nouveaux à faire des boutures de plantesaromatiques pour préparer l’hiver. Alain Spohn, quand il revient,vérifie que les nouveaux ont bien compris. En général celui quilui a expliqué est très fièr quand son « élève » répond bien ! Après l’école, des groupes de jeunes se retrouvent pour s’oc-cuper des ruches ou des aquariums, ou pratiquer le jardinage. Le rucher-école est une activité qui s’adresse à tous les publics.Pour les petits les abeilles du Caucase plutôt calmes, et pour lespersonnes âgées les plus féroces !Des sorties sont organisées le week-end pour les adultes surdifférents thèmes de découvertes : mycologiques, lichenologiques,arachnologiques…

Depuis peu, les ados du quartier qui autrefois franchissaientles grilles la nuit, viennent retaper des petites reines rescapéesdes encombrants dans un atelier du jardin ou tout simplementjouer au ping-pong, aux échecs...En mai-juin, les étudiants viennent y réviser leurs examens.En été, il n’est pas rare que les adhérents demandent la clépour y déjeuner en famille.

A deux pas à l’ouest de Paris ilest un jardin comme une cavernede trésors qui ne se fait pas prier,en vérité, pour vous ouvrir sesportes. Alain et ses chineurs nevous garderont pas en otage.Prévoyez cependant deux bonnesheures...

D H.

13Fabrication des casiers pour les ruches du Centre.

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es petits ruisseaux font les grandesrivières... C’est peut-être la deviseque l’association Réserves NaturellesOrnithologiques de Belgique a décidé de

suivre depuis 1991, en proposant auxBruxellois de transformer leur jardin policé

en véritable refuge naturel.

Le RNOB mène un combat de premier plan poursauvegarder les sites d’intérêt biologique, accédant austatut de réserve naturelle. En règle générale, le RNOBachète les terrains afin de garantir leur protectiondurable et efficace, puis elle les gère selon des méthodesfavorables au maintien et la diversification de leur fauneet de leur flore.Dans la capitale du pays, d’autres formes d’actions pour labiodiversité doivent être envisagées. Bruxelles est uneville verte, si l’on compare son potentiel en espaces vertsà celui d’autres villes d’Europe. Les jardins des particulierss’additionnent naturellement à ce potentiel, pour peuque leurs propriétaires soient sensibilisés aux enjeux dela biodiversité urbaine et aux moyens de contribueractivement à la favoriser chez eux. D’où l’idée d’impliquerle grand public dans cette action, là où les citoyens onttoute latitude pour agir.Concrètement, le RNOB met à disposition deux «experts»l’une biologiste, l’autre paysagiste, pour conseiller surplace les habitants qui souhaitent contribuer à cetacte de citoyenneté écologique sans pour autantremettre en cause l’ensemble des usages qui fontl’attrait du jardin pour toute la famille. Bien aucontraire, l’observation des premiers hôtesà poils, à plumes ou à pétales constitue unloisir supplémentaire de proximité pour lespetits et les grands !

La taille du jardin importe peu pour bénéficier de ceservice gratuit. Le postulant reste libre de s’inspirer despremiers éléments de réflexion apportés par le RNOB.Car il ne s’agit pas de moraliser le jardinage ni de dicterun plan d’aménagement à suivre au pied de la lettre.« Nous apportons ce qu’il faut pour que les gens puissentamorcer quelque chose de nouveau et découvrir petit àpetit leur jardin d’une autre manière. Chacun développerasa personnalité et sa sensibilité dans le jardin sauvage »,précise Nadine Palmaerts. Souvent, il s’agit encorede tempérer son ardeur à tondre le dimanche et d’ap-prendre à laisser la nature faire un bout du travaild’embellissement du jardin.Une fois la dynamique enclenchée, les prosélytes sontrapidement curieux de savoir comment ça se passe chezles autres. Aussi, le RNOB organise une rencontre une foispar an : la bourse aux graines et aux plantes sauvages.Un bulletin bimensuel, « Herbes folles », permet d’an-noncer les activités organisées par le RNOB sur le thèmedu jardin sauvage, d’échanger les expériences, toutautant que de connaître l’histoire de la princesse trans-formée en plantain lancéolé, ou encore, la recette dumousseux à base de sureau... Là où il y des plantes indi-gènes, il y a du plaisir !Enfin, les bonnes volontés sont récompensées par le label« Refuge naturel », posé en front-à-rue de la maison. Unemanière de préciser au passant « qu’il se passe quelquechose de sympa côté jardins, même à Bruxelles ! ».

Après 6 ans de fonctionnement, l’impact est positif : plusde 500 personnes ont bénéficié des conseils de Nadine.Une évaluation qualitative sur les jardins est aujourd’huien cours.

L’opération s’étend en France, en cheminant un peu à lafaçon des plantes. En effet, c’est dans le Nord-Pas deCalais, aux portes de la Belgique que l’idée a trouvé unprolongement par l’opération « Nos jardins naturels »portée par Chantier Nature depuis un an. A noter qu’enFrance, l’association « Ponema » sensibilise elle aussile public depuis 1989 à la protection de la faune et dela flore des jardins sauvages.

La biodiversité des jardins des particuliers est unvéritable enjeu. En France on estime que 12 millions deménages entretiendraient un jardin autour de leurpavillon, auxquels s’ajoutent 500 000 personnes

allocataires d’une parcelle dans les jardins familiaux.Le cumul des surfaces ainsi recensées représenteraitplus d’un million d’hectares. Comparativement, lesparcs naturels régionaux et nationaux et lesréserves naturelles totalisent 350 000 hectares.L’union fait assurément la force de maintenir lavie sauvage et de nous rendre heureux !

D H.

La biodiversité du plaisirExpérience

Refugesnaturels

Réserves NaturellesOrnithologiques de Belgique

L

Refuges Naturels

La ville entre dans la campagne

Présentation d’expérience plénière de Nadine PALMAERTS,

Le temps des colonies ?

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Expérience

Chico MendesDe la mémoire

à une vie nouvelle

e champ d’action de l’opération “ChicoMendès”, c’est la friche qui tâche,ou qui pue. Pas polluée en profondeur,mais sale, laide, repoussante, inutile.

Le Nord - Pas de Calais ne manque pas de cesespaces dénaturés, comme l’est à une autre échellela forêt amazonienne. En mémoire de Chico Mendès,ce “seringueiro” (récolteur de latex) brésilien assassinéparce qu’il s’opposait au déboisement forcené, lafédération Nord Nature a décidé, en 1990, d’agir pourrendre vie à des morceaux de territoire.

L

Synthèse de la présentation d’expérience plénière de Gérard Lefèbvre, chargé de mission de l’opération «Chico Mendes».

Depuis, l’opération “Chico Mendès”s’est déployée dans trente communes.Toujours sur le même modepartenarial, qui constitue unesorte de “marque de fabrique”.

Une association locale repère un siteà réhabiliter. Ce terrain doit faire aumoins un hectare pour qu’il soitpossible d’y recréer des milieux quiressemblent à de petits écosystèmes: une vraie prairie, des haies ou desbosquets, une mare... La communeconcernée accepte de mettre le siteà la disposition de l’association,qui coordonnera toutes les actionsentreprises. Et les écoles locales sontinvitées à participer à la conceptionet à la réalisation du programme deréhabilitation, avec l’aide de lastructure de coordination “ChicoMendès”.

Les enfants rois

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D’autres partenaires peuvent se joindre au projetd’aménagement mais les élèves et les enseignants,impliqués et responsabilisés dès l’abord, en serontforcément les piliers. Et c’est dans le domainepédagogique que les résultats de l’opération sont lesplus probants. Un espace “Chico Mendès” donne à desenfants la possibilité de développer toutes les qualitésliées à la prise d’initiative. De leur côté, les chargésde mission de l’opération ont élargi la palette de leursanimations : à l’approche strictement scientifique,ils ajoutent désormais des aspects ludiques, sensoriels,artistiques, etc. Sur le plan écologique, on peut dire que la restaurationde biotopes et d’équilibres fondamentaux, comme lescycles biogéochimiques ou les chaînes alimentaires,participent du maintien de la biodiversité. En matièrepaysagère, les transformations sont évidemment plusvisibles et plus spectaculaires. Au bout de six annéesd’existence, 20 000 arbres avaient déjà été plantés surles 85 hectares concernés...

Mais qu’en est-il de l’objectif de sensibilisation dupublic et de l’appropriation des sites par la populationlocale ? C’est assez difficile à estimer. Sur les dixsites réhabilités depuis plus de cinq ans, quatreprésentent une certaine forme d’autogestion, dansdes conditions conviviales. Ce pourcentage de 40 %,qui peut paraître faible, s’explique par la taille dessites et par leur localisation, souvent péri-urbaine,qui les rend difficiles à “investir” ou à fréquenterquotidiennement.

L’association réfléchit donc à de nouvelles formes d’im-plication des populations proches, par le biais detemps forts annuels et au moyen d’un “club” créé en1997. Les espaces “Chico Mendès” ont encore beau-coup de richesses à dévoiler. A chacun de les découvrirou de les imaginer...

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otre premier jardin queMohamed, du haut de ses4 ans, a appelé « Notrejardin de Nous » a été créé,fin 94, à la suite d’une

pétition des habitants. Il vit,adossé à un pavillon, entre une

rue où alternent petits et moyens immeubles,une impasse et un abri-poubelle aménagée en“jardin suspendu” ; de l’autre côté le jouxte unterrain de dimensions restreintes pour faire dubasket et du ping-pong, séparé par quelquesbornes du parking. Ce jardin fait 12 m x 13 m,sans parler des murs et grillages squattéspar des plantes grimpantes...Et cette réalisation prend des dimensionsgrandioses lorsqu’on considère que la Villed’Aubervilliers, qui avait racheté tout le terrainoccupé par un immeuble devenu un « taudis »,a offert spontanément une aide logistiqueet matérielle quand « l’idée citoyenne » estnée de transformer un sol remblayé par desgravats en jardin avec jeux, arbres et parterresfleuris.

Après deux ans de vie, un deuxième projet dejardin prend forme : soucieuse de créer un lieude mémoire vivante de la Commune, la Mairied’Aubervilliers a racheté une ferme du 18ème

siècle ; une restauration partielle a été réalisée,elle va se poursuivre : à l’arrière - un terrainen friche ! Son utilisation nous est promiseà condition que nous nous trouvions d’autrespartenaires pour mener à bien à notre projet.En février de cette année, le chantier adémarré, depuis mars, deux jeunes travaillentavec nous - leur permettre une formation enhorticulture fait partie de notre projet.« Financements pluriels », voire « hybridationentre public et privé » - comme dit notre Maire -ont rendu notre aventure possible. Même notreterrain a quasiment doublé sans qu’il y aitbesoin de faire d’autres actes administratifsavec la Ville. Appelé « une oasis dans une ville », ce deuxièmejardin a été conçu par notre collégiale de gensd’origines diverses qui a opté pour le jardinbiologique, un lieu d’apprentissage où nousn’agissons pas contre la nature. Le sens mêmede notre association y trouve racine. Et mêmesi ce n’est pas possible de créer un « biotopeen harmonie avec le paysage environnant »,notre jardin, situé en plein cœur de la ville,mais bien protégé, sera un petit exempled’écologie en milieu urbain, un microcosme quiouvre la fenêtre sur le monde.

N

Hi i d j di

Intervention plénière d’Ortrud ROCH, Association « Autour de vous » Aubervilliers

A l’entrée en descendant, à gauche : le jardinde Babylone, 4 terrasses miniatures surmontéesdu mûrier pleureur venu de Chine. Le cheminmène vers la clairière surmontée d’une pergolaconstruite d’après une miniature persane danslaquelle grimpent plusieurs plantes vivaces etannuelles ; deux murets se prolongent pourformer deux parcelles à part : l’une d’elles seral’étang. Dans cette partie du jardin, il y a unchâssis de pré-culture professionnel, et uneserre à venir.

Situé à l’arrière de la ferme, le terrain estlimité, à gauche, par un hangar industriel,à droite par un mur ancien et, en face, par unmur en parpaings. Là, un portillon ouvre sur unautre terrain tout en longueur attenant à l’école: les pays du froid trouveront leur place autourde la mare et de la réserve naturelle à venirau loin de notre chalet en bois du nord, posé le27 octobre 1997 ; il y aura un aquarium etune serre à papillons tropicaux. La surface au solde ce jardin fait 450 m2.Les deux jardins sont situés à proximité ouen pleine zone dite « sensible », mais de« nature » différente.

Il y a un va et vient entre ces deux jardins,- soit à pied en 20 minutes qui peuvent serallonger de beaucoup, parce que, lorsqu’on serencontre, on ne se limite pas au « çava-çava »de politesse, mais on se parle, - soit àbicyclette, en quelques minutes.

Lorsque, sur le chemin, on aperçoit Houda,13 ans, et Yousra 4 ans, circuler en bicyclette,il nous arrive de jouer aux vieux combattants,en nous rappelant les temps héroïques où nosbicyclettes, de plus en plus en mauvais état,partaient en pièces détachées. Aujourd’hui, çanous faire rire, tous, même les ex-coupables :« Ça aussi, ça vient du jardin », dit Samir17 ans.

Pendant la saison, je suis la récolte des oliviersau jour le jour avec un voisin d’escalier quivient du sud de la Tunisie, quitte à cequ’on s’arrête un bon moment dans l’escalier...

Derradj de son vrai nom, appelé « Moustache »par tous les enfants, me raconte qu’il travailledur afin d’acquérir d’autres champs d’oliviersdans son pays natal. Lui qui est obligéd’aller loin pour avoir le plaisir de travailler laterre a beaucoup de sympathie pour moncompagnon Alain et pour moi qui exerçons,d’une façon régulière, le geste du travail de laterre, sur un petit lopin en ville, rescapédu bitume - en restant imperméables auxéchos des ragots de bistrot du coin qui nousparviennent.

Pour certaines gens « d’ici », l’ignorancede la nature se mêle à un mépris total detout ce qui touche à la terre : beaucoup de nosvoisins sont d’Afrique du Nord, comme Miloudqui vient de Zarzis, du sud tunisien, làoù lorsque l’avion décolle, on survole unemer d’oliviers.

Cette image revient lors de nos conversationsdans le jardin où les espèces florales quipoussent nous font souvent voyager sur place.Nous finissons par imaginer un olivier ici,à Aubervilliers, avec nous ; il n’y a pasquinze jours qui passent et notre olivier arrive,voyageur clandestin, dans sa motte de terrebeige du sud tunisien. L’olivier est mis enpot pour pouvoir mieux le protéger le tempsde son acclimatation. Et c’est le défilé desvoisins ....

Les papiers administratifs pour obtenir dessubventions sont discutés dans le jardin.C’est Ridha qui trouve la réponse à « objectifsfixés » d’une des demandes de subvention :« L’intégration des espèces différentes dansun jardin - la coexistence entre l’olivier etle sapin - nous enseigne comment on peutvivre ensemble ».

Au mois de décembre de l’année 96, nousparticipons au « Forum départemental deprévention des toxicomanies », une expositionoù l’on nous offre suffisamment d’espacepour montrer nos projets réalisés et à venir.Panneaux de photos, de peintures, de texteset de poèmes, un vrai jardin d’hiver livré parles Espaces Verts dans lequel nous accrochonspeintures de fleurs faites par les enfants etpar les adolescents qui viennent dans notre

H i s t o i r e d e j a r d i n s

semer les couleurs

La coexistence entrel’olivier et le sapin …

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jardin, sont exposés selon le leitmotiv « Développerla créativité prévient du danger de la toxicomanie ». Au beau milieu, sur la table de présentation, trônenotre olivier : à côté de lui, dans un grandcaisson transparent (une urne électorale prêtéepar les Relations Publiques de la Ville d’Aubervilliers)un seul noyau d’olive posé sur du sable de l’oasisd’Ourgla du sud algérien, ramené pour nous par unami et voisin touareg. Sur une fiche technique posée à côté on peut lireque ce noyau d’un olivier de culture provient derécentes fouilles près d’Amman, il a 5000 ans. A la fin de l’exposition, l’olivier partira passer l’hiveren pension dans les serres municipales d’où ilrejoindra, triplé de volume, notre nouveau jardin.Alain Dailliet, Directeur des Espaces Verts, sechargera personnellement de sa taille qui fera denotre olivier un vrai arbre : il a même fait deuxpousses qui feront d’autres arbres qui partiront,sans doute, un jour pour d’autres jardins. Et ces nouvelles sont parvenues jusqu’àZarzis en Tunisie.

“Tchin-tchin”, un des voisins qui travaille avec safemme et quelques ouvriers de la couture dans unatelier de notre immeuble entre tous les matins et,souvent le soir dans notre jardin, où il passe delongs moments. Une des dames d’ici qui a du malà retenir les noms d’origines étrangères lui a colléce surnom qui lui est resté.

Un matin, il s’attarde longuement devant un rosiergrimpant en fleurs juste à côté du bambou plantéadulte. Je le vois respirer profondément, les yeuxfermés : - « Je suis chez moi. », me dit-il. Je ne lui avaisjamais vu ce sourire-là.

Lorsque nos « potimarrons du Japon » sont mûrs,sa femme vient en cueillir un. Ses ciseaux decouture ont vite fait le tour des feuilles de plantesconsidérées, ici, comme mauvaises herbes ou herbes« sauvages ». Un de leurs amis nous explique laqualité de ces ingrédients dans une bonne soupecambodgienne. Elle a été excellente, d’après lesnouvelles du lendemain.

Depuis, Alain et Miloud qui pratiquent comme sujetde conversation favori la complainte sur la qualitédes produits de la nature - du melon à la pastèque -concluent : - « Tant pis, nous mangerons, ici nos potimarronsdu Japon ».

Une autre espèce de bambou plantée en bacsur l’abri-poubelles attire « Tchin Tchin ». Il medemande s’il peut avoir une petite pousse.Moi, j’avais repiqué cette espèce, il y a 3 ans dansun autre jardin, chez des amis ; je lui proposed’y aller avec lui : il y a largement de quoi se servir.Je n’ai jamais assisté à une déplantation aussiprécise et rapide : nos amis n’ont pas le temps denous offrir un verre, la camionnette, fenêtre arrièreouverte, le bambou et nous sommes déjà sur lechemin du retour. « Tchin-Tchin » lâche dans le silence : - « Quinze ans sans bambou »Je finis par lui répondre : - « Amené en France par un réfugié politique deChine, repiqué par quelqu’un né en Prusse Orientale,et ramené ‘’chez lui’’ par un Cambodgien ! ».Depuis, nous nous saluons encore pluschaleureusement quand il pleut : c’est si bon pourle bambou.

C’est Sekou - le père de Mohamed et de Fanta - quinous donne des leçons de savoir-faire de sonvillage au Mali ; il n’a pas oublié les gestesenseignés par son père. Sekou a déjà participé aux travaux du premierjardin, les premières plantes commandées à Parisont été transportées dans sa camionnette, lemâchefer pour le jardin de rocaille a connu saDeux-Chevaux, il a participé au film sur le premierjardin, où il nous a montré comment semer lescacahuètes. Sekou n’a pas besoin de mètre pourrepiquer « gombos » et « tagètes nématocides »à la bonne distance ...En se promenant sous la pergola dans laquellegrimpent fleurs et légumes - les cucurbitacées yfont le plus bel effet - il conclut que Dieu est dansle jardin. Il est vrai qu’un dieu qui apprécie lanature a de quoi se réjouir en cette saisonautomnale, les graines de « Terre de Semence »choisies pour leurs origines, leurs noms évocateurset -parfois- leur taille offrent l’abondance.

Au départ de notre aventure, deux fleurs ont faitplus pour la survie de notre univers floral que touteinitiation à la culture du jardinage. En premier : l’étoile d’Arabie !

Les enfants ont couru annoncer « Notre étoiled’Arabie est en fleur », les hommes qui avaient jus-qu’alors hésité sont entrés dans le jardin. Ala controverse - étoile d’Arabie et étoile de David -nous avons répondu par un des poèmes de notrevidéo-film (le texte français y est répété en arabe) : “Les étoiles du ciel“de la terre ou de la mer“n’appartiennent à personne“C’est moi, c’est toi“qui appartient à leur fleur fragile et qui en rêve…”

Le nom de la deuxième fleur appelée aussitôt« ma fleur d’Afrique » pose le problème du nom ditscientifique rebutant pour toute sensibilité : c’estle cas de la plupart des espèces florales venuesd’ailleurs : Depuis que l’Europe s’est faitecolonisatrice, éminents botanistes et simpleshasseurs de plantes devenus leurs « inventeurs »ont donné, dûment latinisés, leurs noms propresou ceux des personnes qu’ils en jugeaientdignes pour qu’elles aient droit d’entrée dans lescénacles scientifiques. Elles se trouveront ainsi cataloguées dans un bottinmondain mais ayant perdu, pour les générations jar-dinières, le sens vécu des noms imagés qu’elles por-tent dans les langues populaires du monde divers. Pourtant, ce sont bien les gens du peuple qui sontheureux de conserver ces noms poétiques et fiersde les transmettre, parce qu’ils font partie deleur culture profonde.

Permettez moi de faire, ici, une parenthèse d’ordrelinguistique : le terme consacré pour désigner lesnoms communs des plantes est « vernaculaire » ;nous ne l’employons pas quitte à paraître moinslettrés : la racine latine « vernaculus » veut dire :indigène, domestique, esclave né dans la maison.

Penser ensemble les jardins de demain, c’est aussifaire des jardins où les noms et leur sens et lespays des espèces qui nous enrichissent nousseront connus.

Ceux qui fréquentent nos jardins, connaîtront lesorigines et les périples de nos espèces, qu’ils’agisse de l’abricot ou de l’ail, de l’épinard ou dela pomme, de l’oignon ou de la vigne, tousétrangers bien assimilés. Qui sait, peut-êtrequ’un jour, un des habitants de notre commune

qui aura visité notre oasis, portera un toast àla santé de son voisin tunisien, descendantdes Phéniciens qui ont implanté la vigne surles Côtes Barbaresques.

Je vous remercie au nom de notre collégiale de gensd’origines diverses.

Et la coexistence avec le bambou ?

Histoire de jardins 17

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• Flux à créer, flux à bannir,comment jardiner la terre sans la détruire

• Jardins pédagogiques, jardins d’éco-naissances,• Malgré les racines perdues …

retrouver le chemin du jardin présent• Le jardin support d’entraide et de solidarité,

• Jardins en partage, fruits de l’initiative et du dialogue• Jardiner toujours, encore, surtout …

C o m p t e r e n d u d u f o r u m

synthèsed’ateliers

18

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Synthèse d’ateliers

flux à créer,flux à bannir

Comment jardiner la terre

os aïeux n’étaient pas concernés par laquestion de la protection des ressourcesposée par les activités de jardinage.Un souci général d’économie a entraîné

ceux-ci à adopter ce qu’on pourrait qualifieraujourd’hui de « bonnes attitudes écologiques

». Celles-ci se sont malheureusement perdues à causede l’évolution de la fonction du jardinage depuisplusieurs décennies.

Aujourd’hui, jardin et respect des ressources de la terrene vont malheureusement plus systématiquement de pair.Et l’on parle de « jardinage durable » presque commed’un enjeu politique porteur d’avenir, à l’antithèse despratiques jugées « irresponsables » mais bien souventinvolontaires du « jardinage pavillonnaire ».

La pratique du jardinage est à coup sûr marquée parl’évolution des mentalités. Avant les années 60,le jardinage fonctionne quasi-exclusivementselon une méthode traditionnelle detransmission des savoirs entre lesgénérations. Ce savoir paysan imité depère en fils se caractérise par le souci dene rien gaspiller ni dépenser : récupérerl’eau, recycler la matière organique,éviter l’achat de matières fertilisantes...

N

C’est dans les années 60-70 que le jardin évolue jusqu’àatteindre le rang des pratiques de loisirs. La ressourceen eau vient du robinet et arrose copieusement le gazon,dont la surface augmente de 50% au fur et à mesure dudéveloppement de l’habitat pavillonnaire. La ressourcevégétale, au lieu de retourner nourrir la terre, vientembarrasser la poubelle une fois fanquée flanquée duqualificatif technocratique de « déchet vert ». Lesjardineries s’adonnent au commerce fleurissant desfertilisants minéraux. Le moindre insecte est présumécoupable et tué sur le champ.Aujourd’hui, le jardinage pose de sérieux problèmes. Leprix de l’eau a doublé dans de nombreuses localités et lamatière organique collectée coûte environ 500 Francs latonne à éliminer... La chaîne alimentaire de nombreusesespèces est coupée.

D’après Jean-Paul Thorez, journaliste spécialisé dans lejardinage « écologiquement correct », aujourd’hui employéà l’Agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie, un nouveau processus de prise de consciences’opère. Mieux, le jardin peut se révéler dès aujourd’huicomme un excellent support pour le public afin de respecterde l’environnement. Et de citer des exemples précis danslesquels les collectivités peuvent jouer un rôle moteur,comme comme par exemple la distribution ou la ventepour un prix modique de silos à compost aux habitants,à l’image de ce que fait le district de Rouen.

Le net retour du potager - 70 % des jardiners en possèdentun contre 50 % seulement en 85 - permet d’attendre deseffets positifs sur la réduction de consommation d’eau(diminution des surfaces engazonnées) et des déchetsdevenus à nouveau utiles pour amender le sol. Moins deflux, c’est moins de transports, moins d’infrastructures etplus d’économie pour la collectivité publique !

Enfin, le cas préoccupant des flux animaux dont lesbiotopes s’appauvrissent, fait l’objet de nombreusestentatives d’information et de sensibilisation du grandpublic. De nombreux exemples d’initiatives ont déjà étédétaillés ça et là, prônant l’implantation de mares, de haiesvives, de prairies fleuries et de vergers comme composantesessentielles d’une faune et d’une flore naturelles retrouvéesjusqu’au cœur de nos villes. Par exemples clubs « Connaîtreet protéger la nature » (CPN) interviennent un peu partouten France pour redonner droit de cité à tous les insectes,notamment par l’aménagement d’abris qu’ils affectionnent.Ces mêmes insectes, tels que la coccinelle, participerontà la lutte biologique contre les indésirables, ou comme

l’abeille, favoriseront le transport du pollen à bon port.

C’est donc un nouvel art de jardiner tout en douceuret plein de bon sens pratique écologique etd’échange d’astuces, qu’il s’agit de cultiver.Un défi qui ne manque certes pas de relief.

D H.

Un peu d’histoire…

L’art de jouer avec les flux

19flux à créer, flux à bannir

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Synthèse d’ateliers

Jardinspédagogiques,

jardins d’éco-naissances

l y a bien longtemps, le premier homme quiprétendit aux connaissances en man-geant le fruit défendu d’un jardin bienconnu aurait mieux fait - a-t-on long-

temps cru - de rester dans l’ignorance de lasaveur des pommes... Il eut été dommage d’en

rester là. Par chance, Newton nous démontra qu’àl’évidence, il n’était rien de tel qu’une bonne pomme enpleine poire, à défaut d’un bon bain chaud, pour éclairerl’humanité ! Ou en tout cas, pour aiguiser notre savoir etstimuler notre l’intelligence...

En organisant trois ateliers autour du jardin et de sesproduits, comme supports du savoir, ou comme outilsd’éducation à l’environnement, de nombreux témoignagesd’expériences ont validé tous les bienfaits, pour fairepousser l’esprit des petits et des grands, d’un boutd’Eden dans la cour d’école, ou sur la friche d’à côté.

En attente de cette terre promise, de nombreuses activitésd’éveil peuvent être organisées. C’est ainsi que l’as-sociation Côté jardins a enclenché ses premières actionsde sensibilisation des enfants dans un contexte où «il a fallu parler du jardin sans terre ». Brigitte Paganelli,avec d’autres membres de l’association, a imaginé des jeuxd’exploration appelant les cinq sens. A partir dequelques produits du jardin cachés dans un sac, de petitstatonnements suggéraient aux enfants des couleurs,faute de connaître le nom du légume touché, donton retracera plus tard l’origine, puis l’histoirejusqu’à notre assiette pour aboutir à démontrer« l’ enrichissement de la biodiversité du monde»... Ce n’est qu’après le succès de ces premières

I

initiatives que des jardins sont nés dans l’école, pourmener des activités botaniques plus pratiques.

Didier Catry, animateur de l’association « La brouette deJarDinier », déploie d’autres astuces pour - comme il futdit de lui - « passer deux fois dans l’école : semer lesavoir, puis récolter le plaisir ». L’on serait resté sur safaim si « Jardidier » n’avait pas créé ses « jardicaisses »pleines de bonne terre patouillable à loisir. Une fois dansla cour ou dans la classe, le « jardin voyageur » resteraquelques mois puis reprendra la route.L’interprofession des semences potagères et florales et del’horticulture, elle aussi, « laboure le terrain » bien avantles grosses gelées : l’absence de clientèle pour demain.Un enfant qui reste devant sa console quand papa va aujardin ne présage rien de bon pour l’avenir du semencier.Le GNIS trouve une parade peut-être efficace maissûrement utile : passer le message par l’école. Desrencontres avec les enseignants ont permis de juger leurmotivation certaine pour les activités de jardinagescolaire, mais aussi leurs contraintes : ils n’ont pasforcément la main verte et buttent sur le problème desvacances scolaires ; quelles sont les espèces rapides etfaciles à cultiver ? que faire quand on n’a pas de jardin ?...Le GNIS, grâce à un partenariat de l’éducation nationalediffuse plus de 100 000 fiches techniques en réponse auxdemandes des enseignants, et des catalogues présentantl’éventail des cultures possibles à l’école. A la demande del’éducation nationale, le GNIS a répondu également,au besoin d’introduire le jardinage dans un cadrepédagogique pluridisciplinaire et conforme auxprogrammes officiels. Par le biais des « Jardithèques »,l’interprofession a capitalisé de nombreuses actions dejardinage expérimentées par les enseignants. Ces recueilsde témoignages, agrémentés de séries diapos, présententles prolongements pédagogiques du jardinage sur desactivités musicales, d’expression corporelle, de chant.

Mais rien n’est mieux qu’un lopin. L’existence d’un terraindéploie presque à l’infini les possibilités d’activités, d’at-tendus pédagogiques, de liens humains et de prises deconscience. Tout cela dépend, bien sûr, de la surface etdes caractéristiques de l’espace concerné... et de lamotivation des promoteurs ! On ne changera plusl’homme : avoir du bien suscite toujours plus deconvoitises, appelle la gourmandise. Soit dit en passant,il fut un peu question de cela dans le propos de notreconférencier du soir. Pierre Rabhi, à partir de l’exempled’un module de formation à l’agroécologie qu’il avaitintitulé jadis, non sans audace, « L’agriculture biologiquecomme facteur d’autonomie » avec pour sous-titre« La pauvreté en tant que valeur de bien-être », a montrétoute la difficulté « de pouvoir trouver l’équilibre dans

une société de l’avoir, du toujours plus, qui entretientune frustration permanente, qui empêche l’être de

s’épanouir ».. Mais pour le coup, voilà un héritagede patrimoine foncier qui monte à la tête aubon sens du terme. Jugez plutôt …

20

Jardiner sans terre …

… ou avec.

Jardins pédagogiques,jardins d’éco-naissances

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Avec l’association Chico Mendès, grâce à un bailpluriannuel passé avec la commune, les usufruitiersen herbe s’exerceront au diagnostic scientifique et àbien d’autres expériences de découverte de la nature,mais pas seulement. Du jardin sera tiré la glaise aveclaquelle l’enseignant pourra développer des activitésartistiques, et stimuler l’imaginaire des élèves. Avec l’association Espace Naturel RégionalNord-Pas de Calais, les classes d’enfants partent à lareconquête de friches, étudient l’histoire des lieux,définissent un projet d’aménagement, rencontrentles élus locaux pour présenter leurs propositions.La perspective peut aboutir à l’appropriation dusite par les enfants pour réaliser le projet. L’éveilest déjà loin : place à l’imagination responsableet citoyenne !.

Toutes ces associationséditent des fichespédagogiques et autresoutils didactiquesqui permettent à l’en-seignant, en repre-nant les mots d’AlainSpohn, du Centre natu-re de Colombes, de «grailler pendant aumoins un mois »et parfois d’alimen-ter le programmeofficiel sur toutel’année.

Souvent, le jardinà l’école dépasselargement son rôle desupport originalpour accomplir leprogramme officiel.L’Office Central deCoopération à l’Ecole, un mouvement pédagogiquesoutenant une philosophie s’appuyant sur « desvaleurs de solidarité, d’entraide, de droit à l’erreur »,s’attache à mettre en œuvre une pédagogie deprojet, par laquelle la réalisation d’actions pour l’en-vironnement, étroitement liées au jardinage mène àl’éducation à la citoyenneté. Travaillant encollaboration étroite avec les Jardiniers de France,l’OCCE forme les enseignants dans ce sens et meten place des animations scolaires partant dujardinage pour aborder le respect de l’environnementet réaliser de nombreuses actions sur les lieuxpublics. L’OCCE tient ainsi le pari d’impliquer lesparents, de susciter l’action collective desenseignants, par des opérations dont l’envergureconditionne la mobilisation de tous, dans la logiqued’un véritable « projet d’école » ouvert aux parents.

Cette notion de respect de l’environnement, partant dujardinage, est omniprésente à toutes les expériencesdécrites lors du forum. Elle suppose certainement que cerespect s’applique envers le public. Cette évidencen’est pas si facile à traduire dans les actes, comme l’asouligné Benoî Laurent, du réseau national Ecole et nature.L’attraction d’une terre meuble, le pouvoir de flattertous nos sens, l’émerveillement face au vivant qui émergede presque rien... Tout cela invite à bien plus qu’un retournostalgique aux leçons de choses de nos jeunes années.L’éducation par l’environnement conçue comme uneéducation pour l’environnement, transcende le savoir pouraborder la nécessaire compréhension du fonctionnementde notre écosystème Terre. Mais il s’agit aussi bien dene pas rater l’occasion de permettre aux enfants de

« ressentir ». Savoir, comprendre, mais surtout, nourrircette sensation de faire partie du milieu, queDominique Cottereau résumera par le terme évocateur« d’éco-naissance ».

De nombreux acteurs du jardin auxquels se joignentdavantage d’enseignants, s’efforcent aujourd’hui d’enfavoriser l’expression. Un mouvement est en marche,mais n’est pas à l’abri d’une norme arbitraire et absurde,allant jusqu’à défendre de goûter le moindre légumecultivé par les enfants. Il pourrait être regrettable quedes appareils institutionnels puissent interdire, parun malencontreux manque de tact, de porter jusqu’au

palais de nos enfants le fruit de ce précieux travail.Apprendre à parler la bouche pleine de saveurs,

c’est bon pour préparer l’avenir !

D H.

21Jardins pédagogiques,

jardins d’éco-naissances

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Synthèse d’ateliers

Malgré les racinesperdues …

Retrouver le chemin

du jardin au présent

humanité, au cours de son histoire,a considérablement modifié sonrapport à la terre nourricière.D’un lien sensible, fondé sur le

vivant et à partir duquel s’est créésa culture, l’homme a progressivement

introduit un mode de relation reposant sur unedominante minérale stigmatisée par le charbon,l’acier, l’engrais, etc.

Pierre Rabhi, en retraçant le parcours de sonexpérience étirée sur deux cultures et marquée parle contraste des lieux de vie qui ont jalonné sonhistoire (d’abord l’oasis, aux portes du désert, puisles grandes agglomérations métropolitaines, puisla campagne cévenole), a pu décrire toutes cesruptures entre l’homme et son milieu et nousretracer ce « lien sensible » perdu, dont le jardin,aujourd’hui, traduit la nostalgie, mais aussi quelquepart un moyen de ré-instaurer ce contact vital.

Pour Pierre Rabhi, il importe de se tenirà distance du modèle dominant,« incapable de demander à la terre denous nourrir sans la détruire ».

L

D’autres expériences ont permis d’aborder plusieursquestions liées à notre relation à la terre. Peut-onencore retrouver nos « lieux d’attache » avec celle-ci,sans l’étouffer ? Ce lien peut-il se restaurer dansl’univers contemporain, bousculé d’activités,étriqué dans un univers bétonné ? Comment se« raccrocher » au jardin ou retrouver la mainverte quand on nous l’a coupée, parfois depuisplusieurs générations ?

Pour Patrick Masquelier, directeur de l’associationJardiniers de France , « il y a, certes, une différenced’expérience entre le jardinier citadin et le rural.Cependant, le jardin, même sur un balcon, permetde retrouver ses racines ». Patrick Masquelierenseigne la gestion harmonique, qu’il définitcomme « une gestion de l’espace par l’homme,mais qui tient compte à la fois de la nature etde l’homme ». Un atelier consacré à la gestiondifférenciée du jardin a permis de détailler lesfondements de cette approche harmonique, qui laisseune large part à l’évolution naturelle du milieu etde ses composants, mais aussi au temps à respecterpour que le vivant puisse faire son œuvre. En outre,selon lui, il est tout à fait possible d’adapter laculture d’un potager en fonction de son mode de vie.Lui-même cultive 6 000 m2 de jardin sans pouvoiry consacrer trop de temps. Toutes ses récoltes sontterminées à la mi-juillet grâce à diverses astucestechniques. La facélie, qu’il sème comme engraisvert avant de partir en vacances, occupera utilementtoute la surface jusqu’au début de l’automne.

Patricia Beuscher, elle, n’a renoncé à rien : ni à sonmétier prenant de journaliste, ni à son ancienneferme en Touraine. Pas plus qu’au bonheur departager la beauté d’un magnifique jardind’ornement avec ses invités et à la culture d’unpotager de 450 m2 ! Une méthode lui permetde concilier le tout en 15 jours de présence par an.Elle est résumée dans son premier livre : « Le beaujardin du paresseux » (bientôt ré-édité).

Il existe donc bien des méthodes pour que l’hommepuisse - disons le ! - être heureux dans son jardin

et restaurer ce lien avec la terre, sans devoirs’y aliéner. Il reste qu’il n’est pas à la portéede tout le monde de reprendre le chemin dela terre sans connaissance pratique. Y aller« au feeling » en actionnant son système« D » est certes plus indispensable que labrouette pour hasarder ses premiers pas

dans cette nouvelle relation intime.

22 Malgré les racines perdues …

Gérer le temps

Partager le savoir

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Mais il est des initiés qui ont le jardinage dans lapeau et qui l’offrent inlassablement en partage.

C’est ainsi qu’au sein de l’association des Jardiniersde France, 200 professeurs et conférenciersparcourent l’hexagone pour communiquer auxjardiniers des connaissances techniques et permettreà tous la pratique du jardinage aux meilleuresconditions économiques. L’association édite unerevue bimestrielle « Pour nos jardins » et une afficheune fois par an pour répondre à l’attente deconnaissances plus scientifiques sur le sol, lalumière, etc. Un service de conseil a égalementété mis en place.

La transmission des savoir-faire est égalementau centre de l’association Terre vivante, qui s’at-tache depuis 17 ans à promouvoir les techniques dejardinage biologique et un mode de vie plus écolo-gique auprès du public le plus large. Tout acommencé en 1980 avec la création de lapremière revue de jardinage et de l’écologiepratique : les Quatre saisons du jardinage. Puis, l’ac-tivité s’est diversifiée avec l’édition de livres sur lejardinage, la cuisine, l’alimentation, la sante, lanature...

La revue s’est avérée être unexcellent outil d’information etd’échange entre jardiniersgrâce à ses articles pratiqueset à ses rubriques interactiveset conviviales : forum deslecteurs, troc, courrier. uncourrier très volumineux, avecdes témoignages mettantà jour des trésors de savoir-faire. Pour l’association, l’idéeest venue de ne pas laisserses oeufs dans le même panierde l’écrit. Il fallait en outreêtre en mesure de présenterdes réalisations concrètes,simples et efficaces dans lesdomaines du jardinage bio,de l’habitat et du mode devie écologiques. Le projetd’un centre écologique, quipermette à un large publicde découvrir un grand nombre

de ces réalisations a vu le jour et s’est concrétisé,avec l’aide de moyens financiers importants, maisaussi grâce à un travail bénévole intense et quine s’est jamais démenti, malgré une phase de miseà flot critique. Aujourd’hui, ce lieu d’information, deformation et de transmission de savoir-faire esten passe de réussir son pari et attend notre visite.

« Je jardine mon espace sensible, en jardinant tonespace sensible, pour construire notre jardin idéal,afin de se rencontrer en son cœur »... Ce brin depoésie buccolique, rapporté par Benoî Laurent(réseau Ecole et Nature), peut caractériser deuxconstantes chez tous les intervenants : la sensibilitéqu’exhale leur témoignage et la mise en avant devaleurs vitales qui n’ont pas de prix. Quel que soitle niveau de résistance face aux excès du mondemoderne et quelle que soit la variété des modesd’échanges et d’entraide entre jardiniers, c’est biencet « humus intérieur », que le jardin invite à générerpour enrichir nos consciences et notre équilibre,qui est mis en jeu, parfois sur quelques petits mètrescarrés de cultures menacés par les bétonneurs...

23

Le jardin intérieur

Malgré les racines perdues …

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mateurs d’explications toutes faiteset de recettes universelles, passezvotre chemin... Les participantsaux deux ateliers axés sur l’entraide

et la solidarité l’ont dit et répété :il n’y a pas de “modèle” d’insertion par le

jardinage. Non seulement la “mise en fiche” estdifficile, tant la diversité des pratiques est grande,mais il n’est pas sûr qu’elle soit souhaitable.

Trop souvent, le problème est pris à l’envers, sedésolent les acteurs de terrain. La première question àse poser n’est pas : “Comment on fait un jardin d’in-sertion”, ou pire : “Comment on le finance ?”.L’essentiel est de se demander ce que l’on veutfaire, avec qui et dans quel but ? Plusieurs expériences en France affichent clairementla couleur verte de l’espoir et un objectif de“re-socialisation”. Ces initiatives sont menées avec“des gens très cassés par la vie” : des chômeursde trop longue durée, des allocataires du RMI ou despersonnes handicapées, comme dans l’association“Jardiner sans voir”, qui veut permettre à des exclus-ne répondant pas aux canons de la santé ou de laperformance physique- d’être acteurs et“d’étonner les autres”. La mêmephilosophie sous-tend le mouvementdes “Community Garden”, implantés dansle nord post-industriel et déshérité

A

Le jardin support d’entraide et de solidarité

de l’Angleterre. Trévor Graham, de la fondation“Groundwork”, est venu en donner témoignage :on peut se (re)mettre debout en travaillant laterre. Des habitants pauvres ont décidé d’embellirleur paysage quotidien, des artistes se sont joints àdes enfants, des jardiniers pur jus ont lancé une pro-duction de légumes...A Somain, près de Douai, dans le Nord, les terrainslaissés libres par la désaffection de cités minièresou le vieillissement des populations sont réinvestispar des écoliers, des jeunes en difficulté, desallocataires du RMI. L’affaire est partie, en 1988,d’une apostrophe au club Léo Lagrange : “Plutôtque de quémander des légumes, cultivez-les avec ceuxqui en ont besoin !”. L’association a saisi la balleau bond et a lancé “Les jardins dans la ville”.

A Roubaix, l’association AME Services s’est appuyéesur deux traits et attraits du “coin de terre” : soninscription dans la culture ouvrière et lareconnaissance sociale qu’il autorise, par-delà lescatégories socio-professionnelles. Par l’entremised’un réseau de structures sociales de proximité,des parcelles ont été attribuées à des chômeurs delongue durée, “des gens qui ne sont plus dans uneproblématique de formation et d’emploi”. Depuisdix ans, les jardins sont cultivés mais les aléas n’ontpas manqué. L’une des difficultés majeures est deconcilier la démarche d’insertion, souvent interprétéepar les travailleurs sociaux comme provisoire outemporaire, et le temps nécessaire à l’acquisition detechniques, à la constitution d’un groupe, à sonouverture sur l’extérieur...Toutes ces expériences ont une finalité identique :permettre à des personnes en situation précairede gagner en autonomie et de redevenir, tant soitpeu, actrices. Mais, insiste Eric Prédine, directeurde l’association “Les jardins d’aujourd’hui”, unestructure “ne peut pas tout réussir à la fois : quedes gens se nourrissent, qu’ils soient plus solidaires,qu’ils deviennent de bons jardiniers, qu’ils setransforment en bons citoyens, qu’ils s’entendentbien entre ethnies, etc”. Pour sa part, il distinguedeux objectifs, qui correspondent à deux démarchesdifférentes. Le premier relève franchement de la lutte contre l’ex-clusion : on cherche à constituer une dynamique degroupe autour d’un jardin pour répondre à des pro-blèmes d’isolement, de sociabilité, de relégation. Lesecond tend vers la qualité de la vie et s’adresse sans

doute à des gens moins marginalisés : il s’agit derecomposer des réseaux de voisinage et

de favoriser une responsabilisation d’uncertain nombre d’habitants par rapport àleur environnement.

Besoin de temps…

24

Synthèse d’ateliers

Le jardin

support d’en-

traide et

de solidarité

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A côté de ces diverses initiatives, généralementcentrées sur l’auto-production et menées par desprofessionnels du travail social, s’inscrivent desactivités qui tentent d’articuler visées sociales etactivités économiques. C’est le cas des “Jardins deCocagne”, animés en Franche-Comté par Jean-GuyHenckel. Ici, on se situe entre jardinage etagriculture, du côté du maraîchage biologique,pratiqué sur des terrains de un à dix hectares. Lescultivateurs, bien sûr, sont des personnes “en rupturede lien social”. Les encadrants mettent plutôten œuvre des compétences techniques. Lesconsommateurs sont invités à se comportercomme des “adhérents”, mobilisés autour d’unprojet original et “sensé”.

Dans tout le pays, trente-cinq grands jardins dece type sont en activité et forment le réseau“Cultivons la solidarité”. Mais Jean-Guy Henckeln’a aucune intention, lui non plus, de “livrer” desjardins clé en mains : “Nous ne voulons pas devenirle Mac Donald de l’insertion par l’économique.Chaque fois, il faut réinterpréter le local et faireun jardin qui tienne le coup”. On a envie d’écrire :qui colle aux semelles.

Encore une fois, rien n’est plus important quede savoir où l’on va. Et il n’est pas interdit,par exemple, de “cibler” les publics de telle outelle action. L’animateur des “Jardins de Cocagne”plaide pour la clarté des engagements : on nepeut pas faire miroiter un retour rapide àl’emploi à une personne qui vit en foyerd’hébergement depuis quinze ans.

Le nombre de contrats de travail à la sortien’est d’ailleurs pas le seul critère d’évaluationpossible de ces démarches. En bien des cas, c’estla notion d’utilité sociale qui doit être prise encompte. Car le travail de la terre, s’il ne résoud pastout, a en général un effet très positif sur le moralde ceux qui le pratiquent. Et “ceux qui vont biendans leur tête coûtent moins cher à la société queceux qui vont mal”.

B V.

Des consommateurs-adhérents

25

Le jardin support d’entraide et de solidarité

Jardins familiaux d’insertion à Roubaix.

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Synthèse d’ateliers

Jardins en partage

Fruit de l’initiative

et du dialogue

ous les cultivateurs et paysagistesamateurs ne produisent pas decitrouilles mais certaines histoires dejardins ressemblent vraiment à

des contes de fées. Prenez cellede “Côté jardin”, à Lyon. Sous-titre :

“tous pour un jardin et un jardin pour tous”.Romanesque, non ? Dans les rôles principaux :trois ou quatre habitants, démunis de tout : d’argent,de compétences et même de terrain. Rien d’autrequ’un rêve, en partage. Au bout de l’aventure :un magnifique jardin collectif, un potagerbiologique et convivial, cultivé par plus de 80personnes résidant dans cinq quartiers de Lyon.Vous en voulez d’autres ? A Grenay, dans lePas-de-Calais, des anciens confient progressivementleurs lopins à de jeunes filleuls. A Hergnies, dansle Nord, un agriculteur bio à la retraite anime unatelier de jardinage grandeur nature.Générique de fin et retour à la réalité. L’expériencelyonnaise, pas plus que ses sœurs et cousines,n’échappe aux difficultés de l’initiative et de l’ac-tion collective.Dans le domaine particulier du jardinage, le premierproblème, c’est le terrain. La question foncièrese pose à tous coups. On peut l’esquiver, commeces jardiniers de Créteil qui aménagent de mini-espaces dans des chariots de supermarchés...On peut aussi feindre de l’ignorer commetous ceux qui, un jour, ont investi une friche,un délaissé urbain, un ancien champ pour yplanter un cabanon et des légumes. A Nantes,il y a huit ans, des ouvriers migrants ont ainsi

T

“squatté” un espace sans se préoccuper d’autresrègles que celles de la cohabitation. Pourtant, aujour-d’hui, les occupants demandent que leur jardin soit“reconnu”, craignant d’en être dépossédés à la foispar la Ville et par des riverains du quartier.Pour échapper à cette précarité, ou à des modesde location de courte durée, la condition de baseest de constituer une association type Loi de 1901,soulignent les représentants des Jardins Familiaux.Les institutions, on le sait, ont horreur des chaisesvides. Une commune qui peut identifier uninterlocuteur sera plus encline à créer un espacede jardins familiaux, en utilisant son droit depréemption, en prenant une déclaration d’utilitépublique, voire en réservant l’espace dans son Pland’Occupation des Sols (classement en zone NaJ).

Eric Prédine, directeur des “Jardins d’aujourd’hui”,a plus d’une fois été frappé par le manque deconfiance des élus ou des techniciens à l’égard deshabitants. “C’est très sympa, me disaient-ils, mais çava être vandalisé en cinq minutes. Ils doutent dela civilité des habitants-jardiniers”. Certains porteursde projets (et d’illusions) se heurtent même à unefranche inertie. Daniel Keller qui veut créer “lesjardins d’Eole” sur un terrain SNCF à Paris, parlede “jardins électoraux”, qui n’ont de réalité que letemps des campagnes...A Lille, l’association “Chantier-Nature” a pourtantobtenu l’adhésion de la municipalité, de l’Office HLM,de la Région et de la Délégation Interministérielleà la Ville, pour créer des jardins en pied d’immeubles,premières traductions concrètes d’une “charte dedéveloppement durable” établie avec les habitantsdu quartier Concorde. Après un diagnostic et unephase de concertation conduite par un sociologue,un groupe d’une quarantaine de personnes s’estinvesti dans la création de ces jardins, dont leconcept est très proche des “plantages” suisses.La Fondation de France et la société Marks andSpencer ont parrainé l’initiative.A Hem, près de Roubaix, il a fallu qu’un atelier"cadre de vie'' mène un travail de fond pendantplusieurs années, qu’une association d’habitantsse crée et qu’un chantier-école produise desréalisations concrètes (terrains de jeux, plantations),pour que l’initiative trouve un début dereconnaissance aux yeux des élus.A l’inverse, il est vrai, on peut aligner quelquesexemples de (bonne) volonté municipale restée

“pendante”. Ainsi, la commune de Sailly-sur-la-Lys (Pas-de-Calais) se réfère-t-elle chaquefois que possible aux principes du "jardinageécologique". Mais malgré une approche tout ensouplesse et de gros efforts de communication,le message passe difficilement auprès des

particuliers.

Faire ses preuves

26 Jardins en partage

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A plus grande échelle, Nantes mise sur lasensibilisation à l’environnement. Partant d’unesituation de relative pénurie de terrains à cultiver,la Ville s’est engagée à libérer mille nouvellesparcelles dans les deux ans, explique Philippe Burban,chargé du programme. Au passage, elle souhaitediversifier la fonction de ces jardins : créer des pôlesd’activités économiques, ouvrir des lieux derencontre, lancer une démarche d’insertion.Bref, répondre à cette demande d’un habitant,paradoxale en apparence mais riche de significations :“J’aimerais jardiner dans un espace où on neferait pas que jardiner”.

Ah, la concertation ! elle peuts’avérer lourde à organiser,elle peut être chère mais ellen’a pas de prix ! Autrementdit, comme l’a affirmé uneparticipante, “tout projet faitsans concertation, notammentdans les quartiers difficiles,est voué à l’échec”. Et unehabitante d’un de ces quartiersd’élever encore la barre del’exigence : “La concertation,c’est la générosité. On ne doitpas être un public, on n’est pasdu bétail. Celui qui fait de laconcertation pendant les heuresde bureau et qui est payé,c’est un technocrate qui vit surle dos des autres. Je veux qu’onm’explique certaines procéduresmais pas qu’on me traite aveccondescendance. C’est unebagarre culturelle. On est un partenaire, on n’estpas un public visé”.

Bigre... Sans vouloir pinailler, disons quand même

que la reconnaissance d’une parole et d’une capacitéd’initiative n’est pas un sauf-conduit. “La questionde l’appropriation demeure”, note Michel Brulin,responsable du développement social urbain à Hem.Une appropriation dans la durée : le temps, sinécessaire à l’élaboration, à la maturation, àl’émergence d’un projet, peut se révéler assassinune fois que l’opération est réalisée.Et une appropriation durable, à travers un

« Par dessus les clôtures

27Jardins en partage

fonctionnement ouvert, équilibré, équitable... Dansla friche jardinée de Nantes, Jean-Yves Petiteau,sociologue, voit un espace où s’invente unedémocratie, “où s’ajuste une attente de rencontrerl’autre, pas forcément d’en devenir ami, mais aumoins de le connaître”. Le bilan que tire Jean-MarcParry de la gestion du “jardin écologique” de Lilleest plus nuancé. Les conflits d’usage autour de cetespace, entre jardiniers et marginaux, entrepromeneurs et prostitué(e)s, ont été très marqués.Faut-il planter une clôture, comme conditionde l’appropriation ? “Le jardin est de la sphère du privé, conclut Eric

Prédine. Grilles, murs et haies sont le marquagede cette intimité. Une de nos convictions, c’estqu’il faut clôturer pour marquer où on est maisqu’il faut aussi favoriser la pénétration desnon-jardiniers. Car le plus passionnant dans lesjardins, c’est ce qui se passe par-dessus lesclôtures, les palabres avec les gens du dehors...”.

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Synthèse d’ateliers

Jardiner

toujours,

encore …

Surtout !

« hortithérapie », vousconnaissez ? Pour éviterles fausses pistes, autantpréciser que cela n’a rien

à voir avec l’élaborationde tisanes de mémé pour

dormir sans cachets ou l’application decataplasme aux orties sur les jambesde bois !

Cette idée très simple dont le nomnous provient d’outre manche peut êtrerésumée selon la définition d’Allison Ryan,directrice de Horticultor and Therapy,comme « le jardinage médium favorableà un stimulant de valeur pour ceux quiont besoin d’être encouragés à atteindreun objectif physique et mental, et aussiune méthode de réinsertion dans lacommunauté sociale ».On le devine : beaucoup de gens pratiquentl’hortithérapie sans vraiment le savoir,en allant quelques minutes dans le jardinpour évacuer le stress de la journée.Mais le traitement ne s’attaque pas qu’auxeffets indésirables de notre époquemoderne.

Le travail du jardinier, en développantla créativité et en stimulant les sens,constituerait une véritable thérapiepour les gens perturbés physiquement oumentalement.Pour Pierre-Jean Deleplanque, membrede l’association « Jardiner sans voir »,éducateur en institut médico-éducatifaujourd’hui retraité, les possibilitésde l’hortithérapie sont très étendues,au point d’y consacrer toute une carrière,et même au delà ! C’est ainsi que Pierre-Jean a pu mettre ses compétences

L

d’horticulteur au service du développementdes sens et des connaissances depersonnes non voyantes. Il lui a falludéfinir un programme d’apprentissage,avec toutes les progressions envisagées.Puis est venue la construction de la serre,véritable havre d’accueil et de convivialité,où les éducateurs eux-mêmes venaientchercher du réconfort « quand ils n’étaientpas bien dans leur peau »... Les animationsse sont succédées pour favoriser ledéveloppement cognitif des jeunesaveugles par des manipulations « dermo-optiques » (entendez par des yeux au boutdes doigts), particulièrement riches dansla pratique du jardinage. Les activitésd’hortithérapie de Pierre-Jean ontégalement permis de matérialiser lesprogrès manuels des enfants aux yeux desfamilles. Un atout indéniable pour rassurerles proches, souvent désemparés devantle handicap. Par la suite, Pierre Jean a animé desateliers pour personnes âgées en milieuhospitalier, à partir d’activités connexesdu jardin, telles que la fleuristerie. Uneoccasion pour ces personnes de renvoyerl’ascenseur au personnel de soin pardes cadeaux faits main.

L’association les « Jardins de l’espérance »

de la Ciotat développe des activités d’éveilnotamment auprès du même public, àpartir d’un terrain prêté depuis 1995 parun propriétaire privé. Cette associations’est donnée pour objectif de « réaliser etgérer des jardins pédagogiques favorisantl’intégration d’enfants handicapés oumalades au sein d’ateliers pédagogiquespour tous ». L’accent est mis sur la volontéde « mixer » les publics. Les enfantsvoyants et non voyants ont d’ailleurscontribué activement à aménager ce jardinde 370 m2, dont une partie est restée natu-relle pour découvrir la faune et la florespontanées de la Méditerranée et l’autretransformée en potager. Tout autour,un parcours tactile et olfactif en U baptisé« l’ABCD’herbe des touchés et dessenteurs » permet aux non voyants detoucher et sentir des plantes sur unparcours débutant par les plantescommençant par « a », puis « b » etainsi de suite. Une petite corde tenduele long du parcours, le « fil d’Ariane »permet un déplacement autonome de l’en-

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Suivre le fil d'Ariane

fant non voyant, qui peut associer le tou-cher et la senteur du végétal, inscrit enbraille, sur un morceau de tissu cousu à lacorde.

En Angleterre où l’hortithérapie fait l’objetde recherches par des centres d’étudespécialisés, ce sont les fonds collectés parla loterie nationale qui, paradoxalement,permettent aujourd’hui à certains projetsde voir le jour au profit de personnesmalades ou handicapées à qui la chancen’a pas vraiment souri. C’est dans ce cadreque l’association Groundwork TamiseValley a pu mener une nouvelle initiative,les « Illing gardens », confortée parl’existence récente d’un centre d’étude del’hortithérapie géré par cette mêmestructure, dont l’objet est axé surl’amélioration de l’environnement. Làencore, sur une friche de la compagnied’électricité abandonnée à l’ouest deLondres, des personnes handicapées ontcréé un jardin, qui accueille des groupesde personnes atteintes de différentshandicaps, pour une thérapie « active »(expression artistique, éducation à l’en-vironnement) ou « passive » (détente,contemplation, éveil des sens...). Quandles personnes sont trop malades ou àbout de force, les hortithérapistes quittentleur base pour se rendre à domicileaccompagnés d’un paysagiste, dont lamission consistera à suggérer desaménagements qui faciliteront l’accès aujardin mais aussi pour en renforcer l’attraitesthétique. Toute une gamme d’outilsspéciaux a été inventée pour en faciliterl’usage. Les échanges entre les jardinierssont favorisés par parution d’unepublication régulière et un système d’en-traide entre les gens malades encorevalides.

Il apparaît au travers de ces témoignagesque les idées et les opportunités d’accèsau jardin pour tous ne manquent pas,malgré le peu de moyens disponibles et lecaractère parfois éphémère des projets, quitient aussi à une motivation particulièrecommune à chaque intervenant concernédirectement ou indirectement par lamaladie. Ici, la volonté et la générositédes cœurs priment sur les questionsfinancières. Tous les intervenants se défendent bien decantonner les effets de leur projet au seulrang d’activité occupationnelle, ou commeune compensation légitime donnée àmoins chanceux qu’eux. L’hortithérapierecherche l’épanouissement mental etmoral des personnes, pour lesquelles lejardin apparaît, non seulement comme unauxiliaire de cure, mais aussi commeun lieu privilégié de décloisonnement,de restauration des échanges sociaux etd’entraide réciproque.

Le cœur, surtout.

Jardiner toujours,encore… Surtout

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Le jardin dans tous ses états

Compte rendu du forum

Synthèse

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- Le jardin est le lieu d’une nouvelleproductivité qui ne tourne pas à fondsperdu. C’est la productivité de l’échangeoù l’être, le faire et le donner ou offrirsont indissociables. C’est le lieu dudroit au plaisir retrouvé où être, faireet échanger se tricotent avec gourmandiseet fête (à l’ombre des rosiers en fleurs).

- Le jardin c’est le stop au béton.C’est un nouveau regard sur le natureldégageant spontanéité, créativité, rêve,poésie et imaginaire. C’est l’expressiond’un ras-le-bol à l’envahissement duminéral. C’est le désir de retrouver la terre,la nature et surtout de se réinscrire dansla chaîne du monde du vivant, deretrouver le rythme des saisons et doncde retrouver un rythme à soi, partagéavec les autres.

Surprise ! Surprise ! le jardin est lelieu du partenariat possible :

- Entre tous ceux qui font laville (état, région, département,aménageurs ...) cette fois-ci avec leshabitants mais aussi avec les entreprisesprivées. Ces dernières sont en attentede bons dossiers malins.

- Entre les individus eux-mêmes,le fameux lien social que nous évoquonssi souvent.

Eh oui ! le jardin participe à unepolitique globale d’aménagement duterritoire qui, en trouvant du sens,indique un nouveau sens vers de nouvellesvaleurs où chaque jardinier a sa propreplace dans l’élaboration de cette politiqueglobale.

Les mots clefs qui émergent commeune ritournelle sont bien : convivialité,partage, échanges, nouvelle productivité,art de vivre, qualité de vie.

Le jardin est un lien de transmission.D’une façon très claire une règle sedégage, celle d’apprendre en faisantaussi bien pour les porteurs de projets, lesjardiniers en herbe, les enfants quigrandissent en même temps que lesjardins, eux mêmes futurs formateursdes générations suivantes. Surtout lejardin, ici, est symbole de l’ouverture àl’extérieur dont il est question : ce closqui soulève en effet tant de dualité et quisuivant le sens que l’on veut bien y mettresignifie aussi bien exclure, s’exclure queintégrer et s’intégrer. Et c’est bien“se juger au pied de son chou et nonpas au pied de son ghetto de préjugés”dont il est question.

A travers cette réinscription dansle chaîne du monde du vivant, c’est sa“niche écologique” que l’homme retrouve.On redécouvre le respect de soi-même,le respect des autres : connaître, sereconnaître, valoriser son image auprès desoi, auprès des autres, voici d’autresmots-clefs qui se répètent sans cesse.Ce bout de lopin de terre “naturel” est lelieu où l’on fabrique ensemble un autresystème de valeurs en harmonie avecl’autre, en harmonie avec le mondedu vivant.

Le jardin apparaît pour l’ensemble desmembres de ce congrès comme un lieuessentiel d’apprentissage à la démocratie.Ainsi donc le jardin - outil de lien socialest un acquis du forum, un droit à l’art devivre pour tous et à une qualité de vie oùse voient en perspective les tendances desannées à venir : jardiner mieux, pluspropre au bénéfice du « jardin terre » etde sa préservation.

h bien oui ! il nous fautmarquer cette pause,cette synthèse pourmûrir ce que nous avons

entendu et rebondir.

Un premier constat important sedessine, celui de vivre un moment clef dansl’histoire des jardins dans tous leurs états.En effet, l’instant de la confrontation desexpériences est dépassé, loin derrière nous.C’est comme si un consensus s’était déjàétabli, tant les participants étaient aumême diapason. La qualité de l’écouteétait si grande les uns vis à vis des autresque l’on avait l’impression de l’entendre.Tous étaient tendus vers un « vers »,dans un sens, dans une direction avecdes valeurs partagées.

Une dynamique est en marche, nous ensommes les acteurs, devenons les témoins.

Autour de cet espace extérieur àreconquérir ou à conquérir, de son jardinintérieur avant tout, dont nous avonsbeaucoup parlé : satisfaire à l’être plus qu’àl’avoir. En reprenant les expressionsde Pierre Rabhi, c’est bien de l’humusintérieur, dont il est question à composterensemble avec l’aide de tous, c’est aussiretrouver son oasis intérieur et extérieur ;c'est marquer son territoire sous le regardde l’autre pour mieux le découvrir,c’est installer les clôtures à palabres oùchacun peut discuter au dessus touten ouvrant la cage aux oiseaux.

Mais, qu’est-ce donc, que ce "jardin"dont nous avons parlé ?

- Le jardin est avant tout un lieu deparole où l’on renoue des liens, où l’on seréapproprie un environnement que l’onveut de qualité, où l’on se fabrique sonséjour extérieur sans télévision mais avecsa “serre” (au sens initial, serrer lesplantes) à faire visiter aux autres.

E

S y n t h è s e

Par Françoise Lenoble-Prédine - Terroirs de demain.

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- être à l’écoute des habitants, - répondre à leurs attentes et non pas

aux siennes propres,- connaître ses limites, - ne pas susciter de plus grandes

frustrations “les gens sont suffisammentdans la mouise”,

- garder le plaisir de faire, seule façonde convaincre et de se ressourcer.

En résumé : - apprendre en faisant- rassurer, - être professionnel,- cultiver le rêve, l’imaginaire,- revendiquer le plaisir. Surtout ! comme un martelage, une

petite musique, comme une ritournelleque l’on retrouve partout, redisons:

Quel est le sens ? Qu’est-ce qui fait le sens ? Quels sont les objectifs simples ? Pourquoi ? Allant vers quoi ? Quel est le cadre de la négociation ?

Une fois toutes ces interrogationsréglées il faut “mettre un pilote dansl’avion”. En effet, la mise en œuvre, l’in-terface entre les élus et les habitants doi-vent être minutieusement établies.Pas d’amateurisme, seul un professionnelpeut mettre en perspective le projet.Il faut alors :

- retricoter la confiance partout, - prendre le temps d‘investir dans l’im-

matériel (le temps de la palabre), - tricoter ensemble les règles pour

mieux les intégrer (la démocratie enquestion).

Après, l’expérience prouve que toutvient. Le mouvement dont nous sommestous les acteurs :

- actons le,- revendiquons le ,- disons le ,- convainquons,- faisons avec pragmatisme et

ouverture à l’autre. Ces “plantages” à planter et à

enraciner du côté des services espacesverts. Ces “jardins d’aujourd’hui” quidéfrichent aussi ces jardins de demain.Ces jardins “Chico Mendès” qui nousentraînent vers un nouveau regard sur notepatrimoine naturel oublié. Ces “GreenGuerillas” qui nous font lancer ces boulesde graines dans tous les espaces délaissés.Ces refuges naturels pour regarder lehérisson passer ou le têtard conquérir sonfutur espace corporel. Ces politiquesespaces verts en marche se préoccupantd’une gestion plus naturelle et desaspirations des habitants à l’acte defriches au pied de chez soi. Cet art dejardiner en devenir pour cultiver peut-êtreavant tout son jardin intérieur etparticiper à la survie de notre jardinterre. Ces jardins de nos amis étrangersqui apportent de l’eau à notre moulin...Il nous faut tous ensemble, chacun àsa place, ne pas trahir ce mouvementen marche.

- Apprenons en faisant. - Faisons savoir. - Diffusons. - Racontons. - Palabrons. - Participons aux lois, initions les.

Ce fut le congrès d’une découverte,d’un consensus, d’un désir de faire,d’un plaisir à rebâtir à cinq minutesde chez soi. Sachons entretenir cecompost réactivité. Ne loupons pas letournant. Comment ?

Reprenons la palabre, réinvestissonsdans l’immatériel en amont du matériel,nous construisons et nous consolidonsainsi la démocratie.

C’était bien le sujet n’est-ce pas ?

Le jardin devient aussi le lieu de l’ap-prentissage à la liberté mesurée. Surtout !garder son indépendance et la garantir, pasun jardin ne ressemble à l’autre et n’estmodélisable. Le seul garant de cette libertéest de mettre dans le coup tout le monde :les élus, les aménageurs, les voisins, lestravailleurs sociaux, les voisins, les entre-prises privées, les vieux, les jeunes et lesenfants. La multiplication des partenariatspublics et privés devient une règled’or. D’autant plus que le jardin devient lelieu de convergence des désirs de tous.

Le jardin est aussi un lieu de débatpour ce nouveau regard, ce nouveausavoir-faire, celui de jardiner plus naturelmpliquant un effort de la part de tous

et en particulier des services espaces verts.Et enfin, le jardin devient un lieude fabrication de pépinières de projetset d’expérimentations.

Attention ! Nous avons tous consciencede ce moment historique en recensantles acquis : c’est possible ; ça existe ;c’est reconnu ; ça peut se faire. Maisaussi en analysant les fragilités.Attention, risque ! Le stop au béton restele pot de terre contre le pot de fer.La “déglingue” des quartiers a permisla reconquête d’espaces délaissés oudes espaces dits verts en pied d’immeublesdans les quartiers défavorisés. Maiscomme à New York, quand ces délaissésdeviennent des lieux agréables à vivre,ces jardins resteront-ils ou susciteront-ilsde solides appétits du côté des promoteursune fois l’image de marque du quartierredressée ? Dans quelle mesure le « stopau béton » est-il possible ?

Toutes ces interrogations noussont utiles pour maintenir la vigilance.Rien n’est en effet à jamais gagné. Toutest à conquérir de jour en jour. Aussi,les intervenants ici le soulignent, ilaut faire du pragmatisme un outil de

défense et d’adaptabilité et chercher enpermanence, inlassablement le dialogue.Mais comment donc vaincre toutesces résistances pour la pratique de jardinsdans tous leurs états ? La petite boulede neige est en marche, dégageons devantelle les obstacles. Les élus, nous l’avonsvus peuvent être convaincus. Les servicesverts, on peut les rassurer. La place onpeut la trouver quand on veut, quand onpeut. La maintenance c’est possible.La gestion, oui, quand on garde lamotivation.

En écoutant les porteurs de projetsune méthode se dessine :

- relever les manches,- faire de ses bêtises un plus et

rebondir en conséquence,- surtout garder contre vents et

marées pragmatisme et adaptabilité. Les maîtres mots en sont :

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REMERCIEMENTSTous nos remerciements à nos partenaires

ainsi qu'au Ministère de l'Environnement et de l'aménagement du Territoire

Remerciement spécial à la Fondation Roi Baudouin, qui a contribué aux frais de déplacement de nos amis belges.

A nos amis et partenaires qui nous ont accompagnés dans la réflexion et l’organisation de ce temps de rencontre:

- Eric PRÉDINE, les Jardins d’Aujourd’hui- Isabelle WALZAK et Patrick MASQUELIER,

les Jardiniers de France- Les animateurs du Centre Terre Vivante

- Benoî LAURENT et Roland GÉRARD,du réseau Ecole et Nature

- Sophie BERNIER, de la Fondation de France.- Edith BOUQUIN, paysagiste

- Mireille LEMAHIEU, paysagiste,- Françoise PREDINE, Terroirs de Demain

- Jean-Guy HENCKEL, les Jardins de Cocagne- Daniel CEREZUELLE, sociologue

- Sandrine JAMON, Conseil Régional NPDC- Alain SPOHN, Centre Nature de Colombes

- Steve FRILLMAN, Green Guerillas- Jette ABEL

- Gérard LEFEBVRE, Chico Mendès- Nadine PALMAERTS, R.N.O.B.

- Philippe BURBAN, ville de Nantes- Klaus HOLZHAUZEN,

Lausanne service Parcs et Promenades- Yannick BOUCHER, Journaliste

Pierre RABHI, Agriculteur, éleveur et écrivain,amitiés appuyées

A toutes celles et ceux qui ont animé des ateliers et témoigné de leur expérience de terrain, qui ont présenté leurs actions sur des stands.

(leurs coordonnées sont mises en valeur dans le livret des participants)

A ceux qui ont participé à l’organisation logistique du Forum :

R é d a c t i o nBertrand Verfaillie (B V.)Dominique Hays (D H.)

Klaus HolzhauzenSteve FrillmanRégine Pattyn

Françoise Lenoble Prédine

Maquette et réalisationEmmanuel CauDidier Vanhille

I m p r e s s i o nV. G. Impressions

(imprimé sur papier recyclé)

Chantier Nature, 16 place Cormontaigne - 59 000 LilleTél : 03 20 17 11 77 - Fax : 03 20 17 11 70 Valeur 80 F

- Affaires Publiques (Hélène, Patricia et Sandrine)- Stéphane LAISNEZ et toute l’équipe du Nouveau Siècle

- VertTige (03 20 30 84 38)

- Le Syndicat d’Initiatives de Marchiennes (03 27 90 58 54)- Les Jardins de Sylvie, Marchiennes (03 27 91 27 72)

- Les Anges Gardins

Remerciements enfin, au lapin, à la carotte et au nain de jardin.Association "Le Cirque du bout du Monde" (Fabien LAUDE : 03 20 79 53 87)

Crédits photos :Chantier Nature (page 9, 11, 13, 21, 25, 27 et 31)

Conseil Régional Nord-Pas de Calais (page 5)Autour de vous (page 17 et 23)

Chico Mendes (page 15)