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Demeures historiques & Jardins 184 décembre 2014 11 Il n’est pas aisé de déterminer les sources d’inspiration de Jean Massart pour la création de son « jardin éthologique » d’Auderghem, qui avait un statut tout à fait particulier, n’étant ni un jardin botanique classique ni une réserve naturelle. En revanche, l’influence exercée par le botaniste sur l’art des jardins en Belgique se mesure clairement : elle fut importante et longue 1 . Par Odile De Bruyn * et Anne-Marie Sauvat ** Le Jardin expérimental Jean Massart à Auderghem (II) Les sources d’inspiraƟon En l’absence de toute information relative aux sources d’inspiration de Massart (et de son collaborateur Jules Buyssens) pour la création du « jardin éthologique » en 1922, on ne peut qu’émettre des hypothèses. Le tout premier jardin botanique intégrant – de façon encore assez limitée, il est vrai – le facteur du milieu dans son aménage- ment fut celui de Montpellier, créé en 1593 par Pierre Richer de Belleval à l’initiative du roi Henri IV. Ce jardin – en particulier sa « Montagne », tertre artificiel en gradins – constituait à l’époque un outil scientifique novateur et était précurseur dans sa façon d’appréhender le monde végétal, par la reproduction de différents milieux (pier- reux, sablonneux, ensoleillé, ombragé, humide, etc.). Même si le jardin des plantes de Montpellier subit des transformations au cours des siècles, le souvenir de ses ori- gines était encore bien vivant au XIX e et au début du XX e siècle, grâce aux descriptions qu’en avaient données Richer de Belleval lui-même 2 , mais aussi Olivier de Serres 3 ou Nicolas-Claude Fabri de Peiresc 4 . En 1854, Charles Frédéric Martins, directeur de l’institution, écrivait : « L’idée qui le [Richer de Belleval] préoccupa dans la disposition de ce Jardin, fut de placer les différents végétaux dans des conditions analogues à celles où ils se trouvent dans la nature. Il chercha donc à créer des stations végé- tales artificielles. Dans la lettre au Roi qui précède l’ Onomatologia, Belleval s’exprime ainsi : “J’ai exécuté vos ordres et fondé sous le nom de Jardin royal, un éta- blissement digne d’un grand empire. Il est divisé en plusieurs parties présentant cha- cune une exposition différente ; un monti- cule offre deux versants tournés l’un vers le Sud, l’autre vers le Nord. Il y a des lieux escarpés, des rochers, des sables expo- sés au soleil, d’autres ombragés, humides, inondés, ou d’un sol fertile ; on y trouve des buissons, des mares, des marais, dans lesquels les végétaux herbacés, les sous- arbrisseaux et les arbres prospèrent admi- rablement” » 5 (ILL. 1). Jean Massart pouvait difficilement igno- rer cette expérience « écologique » avant la lettre, même si elle remontait à plus de trois cents ans ! 6 Une remarque entre parenthèses apparais- sant pour la première fois dans la deu- xième édition du célèbre Manuel de flori- culture d’Adolphe Buyssens, frère de Jules, professeur d’horticulture, conférencier, publiciste horticole et comme Massart pho- tographe prolixe 7 , peut nous mettre sur la piste d’une deuxième source d’inspira- ILL. 1 – Vue perspective du jardin des plantes de Montpellier en 1596. Gravure (fac-similé) attribuée à Richer de Belleval (Extrait de Ch. MARTINS, Le jardin des plantes de Montpellier. Essai historique et descriptif, Montpellier, 1854, planche VIII. © Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles).

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Demeures historiques & Jardins 184 décembre 2014 11

Il n’est pas aisé de déterminer les sources d’inspiration de Jean Massart pour la

création de son « jardin éthologique » d’Auderghem, qui avait un statut tout à fait

particulier, n’étant ni un jardin botanique classique ni une réserve naturelle. En

revanche, l’infl uence exercée par le botaniste sur l’art des jardins en Belgique se

mesure clairement : elle fut importante et longue 1.

Par Odile De Bruyn * et Anne-Marie Sauvat **

Le Jardin expérimental Jean Massart à Auderghem (II)

Les sources d’inspira onEn l’absence de toute information relative aux sources d’inspiration de Massart (et de son collaborateur Jules Buyssens) pour la création du « jardin éthologique » en 1922, on ne peut qu’émettre des hypothèses. Le tout premier jardin botanique intégrant – de façon encore assez limitée, il est vrai – le facteur du milieu dans son aménage-ment fut celui de Montpellier, créé en 1593 par Pierre Richer de Belleval à l’initiative du roi Henri IV. Ce jardin – en particulier sa « Montagne », tertre artifi ciel en gradins – constituait à l’époque un outil scientifi que novateur et était précurseur dans sa façon d’appréhender le monde végétal, par la reproduction de différents milieux (pier-reux, sablonneux, ensoleillé, ombragé, humide, etc.).Même si le jardin des plantes de

Montpellier subit des transformations au cours des siècles, le souvenir de ses ori-gines était encore bien vivant au XIXe et au début du XXe siècle, grâce aux descriptions qu’en avaient données Richer de Belleval lui-même 2, mais aussi Olivier de Serres 3 ou Nicolas-Claude Fabri de Peiresc 4. En 1854, Charles Frédéric Martins, directeur de l’institution, écrivait : « L’idée qui le [Richer de Belleval] préoccupa dans la disposition de ce Jardin, fut de placer les différents végétaux dans des conditions analogues à celles où ils se trouvent dans la nature. Il chercha donc à créer des stations végé-tales artifi cielles. Dans la lettre au Roi

qui précède l’Onomatologia, Belleval s’exprime ainsi : “J’ai exécuté vos ordres et fondé sous le nom de Jardin royal, un éta-blissement digne d’un grand empire. Il est divisé en plusieurs parties présentant cha-cune une exposition différente ; un monti-cule offre deux versants tournés l’un vers le Sud, l’autre vers le Nord. Il y a des lieux escarpés, des rochers, des sables expo-sés au soleil, d’autres ombragés, humides, inondés, ou d’un sol fertile ; on y trouve des buissons, des mares, des marais, dans lesquels les végétaux herbacés, les sous-arbrisseaux et les arbres prospèrent admi-rablement” » 5 (ILL. 1).Jean Massart pouvait diffi cilement igno-rer cette expérience « écologique » avant la lettre, même si elle remontait à plus de trois cents ans ! 6

Une remarque entre parenthèses apparais-sant pour la première fois dans la deu-xième édition du célèbre Manuel de fl ori-culture d’Adolphe Buyssens, frère de Jules, professeur d’horticulture, conférencier, publiciste horticole et comme Massart pho-tographe prolixe 7, peut nous mettre sur la piste d’une deuxième source d’inspira-

ILL. 1 – Vue perspective du jardin des plantes de Montpellier en 1596. Gravure (fac-similé) attribuée à Richer de Belleval (Extrait de Ch. MARTINS, Le jardin des plantes de Montpellier. Essai historique et descriptif, Montpellier, 1854, planche VIII. © Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles).

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tion possible et même probable du tan-dem Massart-Buyssens : « Dans le nouveau jardin botanique de Dalhem [sic], près de Berlin, on a fait apporter des pierres des différentes montagnes 8 pour y installer les fl ores respectives de ces montagnes. Le jardin botanique d’Innsbruck a établi en miniature les huit massifs montagneux du Tyrol avec leur fl ore » 9. Le jardin botanique de Berlin-Dahlem, créé de 1897 à 1910 sous la direction du botaniste renommé Adolf Engler 10, et le jardin de rocaille de l’Université d’Innsbruck, aménagé de 1860 à 1878 par le professeur Anton Kerner, jouèrent un rôle pilote dans le domaine de la géographie botanique, tout comme le zoo d’Hambourg l’avait fait pour l’étude du comportement animal.

Ces expériences menées en pays germa-nophones ne pouvaient échapper à l’at-tention de Jean Massart, qui connaissait l’allemand 11, et de certains adeptes de l’association du Nouveau Jardin Pitto-resque, dont les frères Buyssens comp-taient, comme le professeur de botanique lui-même, parmi les principaux collabo-rateurs 12 et pour le bulletin de laquelle Adolphe écrivit des articles et réalisa de nombreuses photographies. La fl ore sau-vage, initialement étudiée sur site, était désormais introduite dans les jardins bota-niques, mais de surcroît, comme à Mont-pellier, les plates-bandes fi rent place à des reconstitutions de stations et de paysages en miniature. Cette scénographie pit-toresque était utile au scientifi que et au botaniste, elle ravissait l’amateur de jardins éclairé-botaniste et elle séduisait le visi-teur sensible aux nouveautés et avide de dépaysement.Une troisième source d’inspiration probable de Jean Massart fut le jardin des « Roches fl euries » à Genval. À partir de 1911, le géologue Ernest van den Broeck, conser-vateur honoraire du Musée royal d’Histoire naturelle à Bruxelles, avait établi dans sa propriété de campagne, outre un jardin alpino-japonais fort renommé, un espace que l’on pourrait qualifi er d’« écologique » : au moyen de roches authentiques et d’ori-

gine, qu’il connaissait parfaitement bien pour les avoir étudiées, il avait aménagé un ravin pittoresque rappelant certains coins de la Haute Belgique et l’avait orné de la fl ore caractéristique des milieux naturels de cette région 13 (ILL. 2). Jean Massart et Ernest van den Broeck se connaissaient bien, ne fût-ce que parce qu’ils avaient été désignés respectivement vice-président et président du conseil du Nouveau Jardin Pittoresque au moment de sa fondation en 1913.

Des in uences croisées et réciproquesSi Jean Massart a subi des infl uences diverses dans la conception de son jardin éthologique, ses idées ont constitué à leur tour une source d’inspiration importante pour de nombreux créateurs de jardin, en particulier au sein de la mouvance du Nou-veau Jardin Pittoresque.Déjà avant la création du jardin du Rouge-Cloître, le mouvement pour la rénovation dans l’art des jardins en Belgique avait clairement exprimé, par l’intermédiaire de son manifeste-programme publié en 1913, ses affi nités avec la pensée du botaniste : « Plus loin encore [dans le jardin de style néo-pittoresque], l’amateur d’excursions en pleine nature sauvage aura réservé un coin pour l’acclimatation de plantes indi-gènes, récoltées au cours de ses prome-nades. Le caractère décoratif d’une foule

ILL. 2 – Le ravin du Colebi à Falmignoul. Photographie ancienne, E Jean Malvaux. Ce genre de site a inspiré Ernest van den Broeck dans l’aménagement du ravin pittoresque de son jardin des « Roches fl euries » à Genval (Extrait de E. VAN DEN BROECK, E.-A. MARTEL, ED. RAHIR, Les cavernes et les rivières souterraines de la Belgique, t. II, Bruxelles, 1910, p. 934, fi g. 270).

ILL. 3 – Fond humide près de Rouge-Cloître dans la forêt de Soignes. Photographie ancienne, Ets Jean Malvaux.Cette photographie issue d’un livre de Jean Massart fut reproduite dans le manifeste-programme du Nouveau Jardin Pittoresque (Extrait de J. MASSART, , Bruxelles, 1912, p. 189, fi g. 195).

ILL. 4 – Rochers calcaires à Samson, sur la rive droite de la Meuse. Photographie ancienne.Comme la précédente, cette photographie issue d’un livre de Jean Massart fut reproduite dans le mani-feste-programme du Nouveau Jardin Pittoresque et servit de modèle pour l’aménagement de jardins pittoresques et « écologiques » (Extrait de J. MASSART, Pour la protection de la nature en Belgique, Bruxelles, 1912, p. 213, fi g. 226).

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de plantes sauvages de chez nous est mal-heureusement encore trop ignoré. Il en est pourtant qui constituent une ressource bien intéressante pour l’ornementation du jardin pittoresque. Ce coin de nature indi-gène est généralement l’un des endroits préférés de l’amateur. C’est pour lui l’évo-cation et le souvenir permanents de ses promenades favorites, c’est le rappel des délicates impressions éprouvées au cœur de la forêt, dans les prairies constellées de fl eurs, au bord des ruisseaux, dans le clair-obscur des pineraies, sur des coteaux rocheux, partout où la nature a disposé ses tableaux pleins de grandeur, de grâce ou de charme. C’est là qu’il s’efforcera d’éta-blir de petites stations végétales, afi n de reproduire, au point de vue des nécessités physiologiques de certaines plantes inté-ressantes, les conditions caractéristiques de quelques régions classiques : les sous-bois et les pineraies, les sables des dunes et les marais de Campine, avec leur fl ore originale ; les tourbières fangeuses de la haute Ardenne, avec leurs vestiges de la

fl ore glaciaire ; les roches et les terrasses calcaires du bassin de la Meuse ; la région psammitique ; les schistes, etc. Le culte de la végétation et de la fl ore indigènes commence, d’ailleurs, à se développer en Belgique d’une façon encourageante. Plu-sieurs associations se sont fondées pour faire apprécier le charme des beautés natu-relles ou l’intérêt scientifi que de certains sites et de certaines stations, et pour en demander la protection. Toute une litté-rature spéciale a vu le jour pour encoura-ger et vulgariser ces nouvelles tendances. Au point de vue botanique, il convient de citer, notamment, les excellentes rela-tions des excursions scientifi ques organi-sées sous la direction du savant professeur, M. Massart, et les remarquables ouvrages, si brillamment illustrés, de M. Massart lui-même : Nos arbres et Pour la protection de la nature en Belgique. Nous sommes heureux d’avoir obtenu l’autorisation de publier dans cette notice plusieurs clichés qui illustrent ces deux derniers ouvrages. Ces gravures montrent quelques exemples intéressants de sites naturels dont on peut s’inspirer pour créer d’agréables scènes pit-toresques dans le jardin sauvage » 14.Une photographie empruntée à Nos arbres, ouvrage édité en 1911, porte une légende signifi cative : « En pleine nature. – Une futaie assez claire au sol constellé d’Ané-mones Sylvie. Cette scène charmante du premier printemps peut être imitée dans les jardins. » Au-dessous de quatre vues repré-sentant respectivement un talus couvert de végétation avec affl eurement d’un banc gréseux, un fond humide dans la forêt de Soignes (ILL. 3), une fougeraie naturelle et

une falaise calcaire au bord de la Meuse (ILL. 4), on peut lire le texte suivant : « En pleine nature. – Quelques scènes dont on peut s’inspirer en créant un Jardin Pitto-resque (Illustrations des beaux livres de M. J. Massart : Nos Arbres et Pour la Protection de la Nature). L’Association Le Nouveau Jardin Pittoresque organise des excursions pour faire apprécier le charme de sem-blables tableaux naturels et de la fl ore sau-vage. » 15 Les photographies de paysages naturels de Jean Massart servirent donc de modèles pour l’aménagement de jardins pittoresques et « écologiques » (ILL. 5). Le professeur de botanique donna également des conférences et organisa des excursions pour les membres du mouvement 16.

Une postérité longueEn 1958, l’architecte de jardins Paul Dewit (1914-2007), ancien membre du conseil d’administration du Nouveau Jardin Pitto-resque alors dissout, créa le jardin alpin du domaine récréatif de Huizingen, apparte-nant à la Province de Brabant. « Het Bloe-mendal », d’une superfi cie de 5 hectares, est considéré comme la dernière création issue du courant néo-pittoresque. De l’aveu même de celui qui avait effectué un stage chez l’horticulteur genevois Henry Corre-von et travaillé dans le bureau de Jules Buyssens de 1935 à 1940, toutes les plan-tations de ce parc parsemé de gros blocs de roches provenant des Ardennes, des vallées de la Meuse, du Bocq et de la Moli-gnée furent « faites par associations éco-logiques », c’est-à-dire que les plantes de même sol et de mêmes conditions atmos-phériques furent regroupées, à l’instar de

ILL. 5 – Un coteau ardennais interprété en jardin moderne, création de Jules Buyssens pour les Floralies gantoises de 1923 (Extrait de , été 1923, p. 3. © Jardin botanique national de Belgique).

ILL. 7 – Le jardin alpin de Huizingen. Photographie de Paul Dewit, 1958 (Coll. Jean-Pierre Dewit et Antoinette Timmermans).

ILL. 6 – Le jardin alpin de Huizingen. Photographie de Paul Dewit, 1958 (Coll. Jean-Pierre Dewit et Antoinette Timmermans). Ce jardin est actuellement en cours de restauration.

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ce qu’avait fait Jean Massart à Auderghem plus de trente ans auparavant 17 (ILL. 6-7).

La rencontre de la science et de l’artOutre son caractère « écologique », le jardin de Jean Massart était remarquable et tout à fait unique en son genre par la rencontre en un même lieu et l’union parfaite de la science et de l’art qu’il réalisait et permet-tait. C’est à Jules Buyssens que l’on doit l’aménagement du jardin éthologique sur le plan artistique. Le botaniste et l’archi-tecte-paysagiste se connaissaient fort bien : en effet, en 1913, ils avaient tous deux été nommés vice-présidents du conseil du Nouveau Jardin Pittoresque, dont le second était une cheville ouvrière 18. Ils devinrent également membres, respectivement en 1922 et 1923, du comité de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes 19.Dans un article du premier numéro du bulletin du Nouveau Jardin Pittoresque, qui préfi gure en quelque sorte la création du jardin du Rouge-Cloître, Jean Massart défi nit les rapports unissant la science et l’esthétique pittoresque dans le domaine de l’art des jardins : « Tout amateur de jar-

dins est, ou devient amateur de botanique. Même s’il avait commencé par ne s’attacher qu’à la beauté des fl eurs qu’il cultive, il ne peut pas s’empêcher de s’intéresser petit à petit à la façon dont ces jolies plantes ont été obtenues par la sélection, aux milieux dans lesquels vivent celles qui viennent d’être importées de pays lointains, et aux procédés par lesquels on pourrait combi-

ner les particularités intéressantes de ces dernières aux caractères avantageux et dûment constatés de celles qui sont depuis longtemps l’honneur et la grâce de nos cultures. Insensiblement, sans même qu’il s’en doute, le jardinier, qui n’était d’abord qu’un bon observateur, sent naître en lui le désir d’expérimenter : il essaie un nou-veau mode de culture ou de multiplication,

ILL. 8 – Plan du jardin éthologique par Jules Buyssens, s.d. (Archives du Jardin Massart).

ILL. 9 – Ponton de l’ancien jardin éthologique, aujourd’hui zone humide du Jardin Massart, février 2013 (Photo O. De Bruyn).

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il cherche à créer de nouvelles variétés, ou même il introduit dans son jardin des espèces sauvages non encore employées pour l’ornementation. Quel genre de jar-din se prête le mieux à ces expériences ? Ce n’est certes pas celui dont les plates-bandes, tirées au cordeau, seront troublées par le moindre changement, … mais plutôt celui qui, dans son désordre apparent, ne souffrira d’aucune perturbation, d’aucune innovation. De plus, c’est évidemment dans un jardin comme celui-ci que les plantes sont cultivées dans les conditions les plus favorables, les plus rapprochées de celles qu’elles rencontrent dans la nature, puisque les terrains peuvent y être variés à l’infi ni : ici, on établit un rocher calcaire ; là, un rocher schisteux ; à côté, il y a une pièce d’eau ; ailleurs, l’ombre épaisse d’un sous-bois formé de quelques grands buis-sons ; même le marécage et la sablière ne sont pas exclus d’un jardin pittoresque bien compris. Enfi n, la multiplicité, tout à fait imprévue, des plantes qui trouvent place dans un jardin de ce genre est encore un avantage inappréciable pour des études botaniques. Rien d’étonnant donc à ce que les botanistes aient salué avec joie l’an-nonce d’une rénovation de l’art des jardins, dans le sens d’un retour vers la Nature » 20.Le plan du jardin éthologique établi par Jules Buyssens (ILL. 8) et quelques vestiges conservés sur place (pontons, rocailles, etc.) (ILL. 9-11) sont les uniques témoins actuels de sa dimension artistique.

À suivre...* Docteur en Histoire** Architecte-paysagiste ABAJP

1 Nous exprimons notre gratitude à l’égard des per-sonnes ayant mis des documents ou des informa-tions utiles à notre disposition : Joseph De Gryse, Jean-Pierre Dewit et Antoinette Timmermans.

2 Onomatologia, seu Nomenclatura stirpium quæ in Horto regio monspeliensi recens constructo coluntur, Montpellier, 1598.

3 Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Paris, 1600, lieu sixième, chapitre XV, p. 606.

4 Lettres de Peiresc, publiées par Ph. TAMIZEY de LARROQUE, t. VII, Paris, 1898, p. 948-950, lettre CCC-CXII adressée à Charles de l’Écluse, 27 février 1604.

5 Ch. MARTINS, Le jardin des plantes de Montpellier. Essai historique et descriptif, Montpellier, 1854, p. 16.

6 Un bon article synthétique (avec bibliographie) sur le jardin botanique de Montpellier (signé U. von RATH) se trouve dans l’Encyclopedia of Gardens. His-tory and Design éditée par le jardin botanique de Chicago sous la direction de C. A. SHOEMAKER, t. II, Chicago-Londres, 2001, p. 907-910.

7 Sur Adolphe Buyssens, voir O. DE BRUYN, « Jules Buyssens (1872-1958). Regard inédit sur sa vie et son œuvre (I) », dans : Demeures historiques & Jardins, n° 172, décembre 2011, p. 17-20 ; A.-M. SAUVAT, « Le jardin pittoresque du Musée van Buuren. Entre richesses horticoles et décors naturels », dans : Bruxelles-Patrimoines, n° 009, décembre 2013, p. 58.

8 Pyrénées, Alpes, Apennins, Balkan, Caucase, Hima-laya et Appalaches.

9 A. BUYSSENS, Manuel de fl oriculture, 2e éd. complè-tement remaniée et considérablement augmentée, Vilvorde, s.d., p. 130-131. La première édition, qui date de 1909, ne comporte pas la remarque en question. La deuxième et la troisième édition ne sont pas datées, tandis que la quatrième fut publiée en 1933. Comme il est question du « nouveau » jardin botanique de Dahlem (inauguré en 1910), on peut penser que la deuxième édition date des années 1910.

10 H. WALTER LACK, « Berlin-Dahlem, Botanischer Gar-ten », dans : Encyclopedia of Gardens. History and Design, dir. C. A. SHOEMAKER, t. I, Chicago-Londres, 2001, p. 132-134.

11 S. DENAEYER-DE SMET, J.-P. HERREMANS, J. VERMANDER, « Jean Massart, pionnier de la conservation de la nature en Belgique », dans : Nature Conservation. Concepts and Practice, dir. D. GAFTA et J. AKEROYD, Berlin-Heidelberg, 2006, p. 32. Jules Buyssens, quant à lui, avait effectué un stage en Allemagne après ses études et connaissait très probablement aussi l’allemand. Voir « Un jardin zoologique à Bruxelles », dans : Bruxelles-Exposition. Journal de l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1910, 2e année, fasc. 5, 2 mai 1909, p. 54-55.

12 Voir la liste des « principaux collaborateurs » de l’asso-ciation dans : Le Nouveau Jardin Pittoresque, 1ère année, janvier-avril 1914, nos 1 et 2.

13 O. DE BRUYN, « Jules Buyssens (1872-1958). Regard inédit sur sa vie et son œuvre (II) », dans : Demeures historiques & Jardins, n° 173, 1er trimestre 2012, p. 18-20. Voir également G. Steenebruggen, « Sou-venir des Roches Fleuries à Genval », dans : Chro-niques. Bulletin trimestriel du Cercle d’Histoire de Rixensart, n° 18, avril 1994, p. 2-28.

14 A. VAN BILLOEN, Le Nouveau Jardin Pittoresque. Asso-ciation Nationale pour la Rénovation dans l’Art des Jardins. Son programme, Bruxelles, 1913, p. 15-16.

15 A. VAN BILLOEN, Le Nouveau Jardin Pittoresque, entre p. 4 et 5.

16 L. BOSCHE, « Le Jardin expérimental Jean Massart », dans : Le Nouveau Jardin Pittoresque, hiver 1926, p. 122. Sur les infl uences croisées et réciproques entre Massart et Le Nouveau Jardin Pittoresque, voir B. NOTTEBOOM, « Een neutraal beeld bestaat niet. De fotografi e van Jean Massart », dans : Recollecting Landscapes. Herfotografi e, geheugen en transforma-tie 1904-1980-2004, dir. P. UYTTENHOVE, Gand, 2006, p. 22-37 ; B. NOTTEBOOM, « De verborgen ideologie van Jean Massart. Vertogen over landschap en (anti-)stedelijkheid in België in het begin van de twintigste eeuw », dans : Stadsgeschiedenis, 1, 1e jaargang, 2006, p. 51-68 ; B. Notteboom, « Ouvrons les yeux ! ». Steden-bouw en beeldvorming van het landschap in België 1890-1940. Proefschrift ingediend tot het behalen van de graad van Doctor in de Stedenbouw en de Ruimtelijke Planning, Universiteit Gent, 2008-2009, Gand, 2009, p. 403-439.

17 Archives Jean-Pierre Dewit et Antoinette Timmer-mans, fonds Paul Dewit, notes sur le jardin alpin de Huizingen. Cf. H. VAN DEN BOSSCHE, « De alpen-tuin “Het Bloemendal” in het Provinciaal Domein van Huizingen. Apotheose van een tuinenbeweging en beschermd monument », dans : Monumenten & Landschappen, 22/4, juillet-août 2003, p. 10-27.

18 Sur Jules Buyssens, voir A.-M. SAUVAT, «En route pour un nouveau printemps. Étude historique avant res-tauration d’un jardin privé», dans : Restauration(s) et conservation, dir. P. DUMONT et B. VANDER BRUG-GHEN, Bruxelles, 2011, p. 74-89 ; O. De Bruyn, « Jules Buyssens (1872-1958). Regard inédit sur sa vie et son œuvre (I-IV) », dans : Demeures historiques & Jardins, n° 172, 4e trimestre 2011, p. 16-22 ; n° 173, 1er trimestre 2012, p. 17-24 ; n° 174, 2e trimestre 2012, p. 16-21 ; n° 175, 3e trimestre 2012, p. 12-16 ; A.-M. SAUVAT, « Le jardin pittoresque du Musée van Buuren. Entre richesses horticoles et décors naturels », op. cit., p. 56-87.

19 Bulletin trimestriel de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes, 3e année, n° 3, 3e trimestre 1922 ; 4e année, n° 2, 2e trimestre 1923.

20 J. MASSART, « La Science », dans : Le Nouveau Jardin Pittoresque, 1ère année, janvier-avril 1914, nos 1 et 2, p. 45.

ILL. 10 – Quelques-uns des bassins artifi ciels développés entre l’étang voisin du site et les mares centrales, mars 2013. Les rochers signalés sur le plan de Buyssens sont recouverts par le tapis herbeux. Bien que largement envahi, le gué en rocaille est encore visible à l’arrière-plan (Photo A.-M. Sauvat).

ILL. 11 – Zone de rocaille peu perceptible mais dont quelques éléments sont encore émergents sous le tapis herbeux qui s’est développé au fi l des ans (Photo A.-M. Sauvat).