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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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SOMMAIRE

I Introduction 4

1 Présentation générale 4

2 Les définitions des jeux de simulation 5

a Définition du jeu de rôle 5

b Définition du Grandeur-Nature 5

c Définition du Wargame 6

d Les à-côtés 6

3 Présentation historique 6

a La genèse 1952 – 1977 6

b L’âge d’or 1977 – 1989 8

c La crise de 1989-1995 9

d Le renouveau 1998 – 200… 10

II Qu’est ce que le jeu de rôle ? 11

1 Les grandes lignes du jeu de rôle 11

2 Pour les curieux 13

a Le matériel 13

b Le travail du joueur et du meneur de jeu 14

c Le style de jeu 14

d L’approche sociolinguistique : le langage des joueurs de jeux de rôle 15

3 Les vrais cousins du jeu de rôle 20

a Les « Grandeur-Nature » 20

b Les « jeux de rôle » sur ordinateurs 22

c Les wargames 23

d Livres interactifs 23

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4 Les faux amis 24

a Le jeu de rôle en formation professionnelle 24

b Le jeu de rôle en psychothérapie 24

III Etude comportementale 26

1 Les apports du jeu de rôle sur le développement de

l’individu

26

A Les aspects bénéfiques 26

a Le développement intellectuel 26

b Le développement de l’imagination 29

c La socialisation 30

B Les points faibles 31

a La classification par le « Profane » 31

b Les aspects problématiques du jeu de rôle 32

c Le détournement du jeu et ses vrais dangers 32

2 La polémique autour du jeu de rôle 34

a La polémique créée par les Médias 34

b Le jeu de rôle : ses hérauts, ses défenseurs 37

IV Conclusion 40

V Annexes

1 Petit lexique de termes rôlistes 4

2 Les joueurs célèbres 2

3 Glossaire des jeux les plus pratiqués 7

4 Feuille de personnage Joueur 4

5 Etude Casus Belli Echo lecteur 1995 3

6 Bibliographie 3

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I ) Introduction

1 ) Présentation générale

Pour le profane, le jeu de rôle englobe une multitude de jeux qui ne sont pas tous àclasser dans la catégorie des jeux de rôle. Il est plus juste, alors, de parler de jeux de réflexionet de simulation. En effet la nébuleuse du jeu de rôle comprend un grand nombre de loisirsdifférents qui sont souvent très éloignés du jeu de rôle en lui-même, mais qui parfoisinteragissent avec celui-ci selon l’envie des joueurs et leurs moyens.

: Liens les plus courants avec les autres jeux

Jeux de réflexionet de simulation

Jeu de Rôle(JdR)

GrandeurNature(GN)

WargamesLesautres

Jeu de rôleCréatif

Jeu de rôleDescriptif

Avecfigurines

Historiqueavec pions

Modélisme etCréation de

décors

Peinture desfigurines

Paintball

RPG surordinateur

Jeux deplateaux

Jeu de carte àcollectionner

(JCC)

Livre dontvous êtes le

héros

?

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Comme le montre le diagramme, le jeu de rôle n’est qu’une des trois grandes famillesdes jeux de simulation.

2 ) les définitions des jeux de simulation

a ) Définition du Jeu de Rôle

Définition de la FFJdR

En règle générale, les rôlistes éprouvent beaucoup de mal à définir le jeu de rôle entermes compréhensibles par des personnes ne l'ayant jamais pratiqué. La preuve en est ladiversité des définitions qu'ils donnent de leur propre loisir, à chacun d’eux correspond unedéfinition et des habitudes de jeu.

La Fédération Française de Jeu de Rôle a proposé aux internautes - membres ou nonde la fédération - de participer à la mise au point d’une définition du jeu de rôle. Celle-ci a étéélaborée dans le but d’être simple et généralisable au plus grand nombre de jeux de rôle.Toutefois, la richesse des thèmes abordés et des techniques de jeu est telle que cette définitionne peut être «la définition» de tous les jeux de rôle. Celle-ci est donc une définition parmi tantd’autres, qui a le mérite d’avoir été peaufinée par une vingtaine de rôlistes de tous horizons.

définition personnelle:

Le jeu de rôle est un jeu de société qui prend ses origines dans les contes au coin dufeu. Les spectateurs participent au conte en imaginant les actions des personnages. Le conteurmène le jeu en tenant compte de ces actions dans la suite de son récit. Ainsi l'histoire seconstruit grâce à l'imagination de l'ensemble des participants, c'est donc une sorte de conteinteractif.

Le jeu de rôle est un jeu de société dans lequel les joueurs incarnent des personnagesqui vivent une aventure. Une autre personne, le meneur de jeu, arbitre et anime la partie. Lejeu de rôle est avant tout fondé sur le dialogue entre le meneur de jeu et les joueurs. Lemeneur de jeu décrit une situation à ses joueurs et ceux-ci font réagir leur personnage enfonction de cette situation. Il n'y a pas de gagnant ou de perdant au sens propre du terme dansun jeu de rôle. En effet le but pour les joueurs est de réussir à résoudre l'énigme proposée parle meneur de jeu, celui-ci ayant pour but de mettre en scène (du mieux possible) ledéroulement de l'aventure. Le jeu de rôle est avant tout un jeu de société. En effet il n'est paspossible d'y jouer seul, il faut être au minimum deux. Le nombre idéal de participants est situéentre 4 et 8. Le jeu de rôle est avant tout un jeu de dialogue. Ce sont les interactions entre le(s)joueur(s) et le meneur de jeu qui permettent de faire évoluer les situations.

b ) Définition du Grandeur-Nature

Les «Grandeur-Nature» (GN) sont bien des jeux de rôle, mais on y joue «en chair eten os» avec reconstitution, costumes, etc. et non pas autour d'une table. Des «gendarmes etvoleurs» de grands, en quelque sorte. Qui n'a jamais joué aux gendarmes et aux voleurs ?

Les «soirées-enquête» (murder parties), sortes de huis clos où chacun joue un rôleprédéterminé. L'intrigue se déroule au fil de la soirée, souvent en costume.

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Les « killers » : vous devez «tuer» quelqu'un avec un pistolet à eau, pendant que vousêtes vous-même une victime potentielle. c ) Définition du Wargames

les wargames sont des jeux stratégiques ou tactiques permettant de simuler desconflits militaires.

Les wargames sont de deux types :♦ Les jeux situationnistes où les mouvements sont réalisés sur des cartes découpées en

section avec des pions représentant les troupes. Dans ces jeux, tous les aspects d’un conflitsont représentés ( du ravitaillement au combat).

♦ Les jeux avec figurines privilégiant l’aspect visuel et scénique du jeu.

d ) Les à-côtés

Les livres dont vous êtes le héros : l’interaction avec l'histoire est limitée à ce qui aété décidé lors de la rédaction du livre.

Les jeux de plateau ou de simulation, comme « Hero Quest » sont, en quelque sorte,une forme intermédiaire entre le wargame et le jeu de rôle ; l’on ne manipule plus d’arméemais un groupe de héros, ayant plus de marge de manœuvre et évoluant dans un univers leplus souvent clos (un donjon). Il a tendance à se dissoudre vers deux pôles, le jeu de rôle et lewargame. La création de jeu de plateau dit « familial » accentue ce phénomène.

NB : le terme jeu de plateau désignait au début le wargame avec figurines.

Les jeux de cartes à jouer et à collectionner (trading card games) comme «Magic!The Gathering». Vous possédez des cartes vous permettant de lancer des sorts, d’invoquer descréatures, etc. votre adversaire en fait autant, et vous devez tenter de passer ses barrages pourl'annihiler.

Les jeux d'aventure sur ordinateur, comme « Baldur’s gate » ou « Final Fantasy »improprement appelés «jeux de rôle». Là aussi, l'interaction est limitée à ce qu'ont prévu lesprogrammeurs du jeu.

3 ) Présentation historique

a ) la genèse (1952-1977)

Dans son ouvrage sur les jeux de simulation, Duccio Vitale (1984) présente une thèsevisant à faire « descendre » les wargames d’ancêtres nobles : les échecs, le go, et le« Kriespiel » prussien (1811) qui servit à la formation des officiers. Il précise également que,depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est surtout l’armée américaine, qui est à l’origine del’utilisation des wargames dans son état major, au point d’en entraîner une popularisationdans le domaine commercial des activités de loisir.

Le cinéma de masse fourmille alors de films mettant en scène l’héroïsme des GI et cen’est pas un hasard, si le premier wargame commercial, reconnu par les joueur « Tactics »,publié en 1952, prend pour thème les conflits de la Seconde Guerre mondiale. CharlesRoberts, son auteur, sera à l’origine de la première société de production de wargames

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identifiée en tant que telle : « Avalon Hill Company ». Entre 1958 et 1963 , il sort plusieurstitres qui balisent le domaine du wargame historique : la guerre de Sécession, l’époquenapoléonienne et la Seconde Guerre mondiale. Comme le précise Vitale, les ventes stagnent àun niveau peu élevé dans les années soixante (environ 100 000 exemplaires par titre) mais unmicro-milieu se constitue, relié par quelques revues spécialisées et des clubs de jeu. C’est dece milieu que sortiront les autres formes de jeux.

Dès la fin des années soixante, on assiste à l’introduction de plus de fantaisie dans leswargames. Tout d’abord on fait se rencontrer des armées d’époques différentes sur deschamps de bataille fictifs (une légion romaine peut ainsi affronter une Ost maya ou deschevaliers du Moyen-Âge). Puis peu à peu, l’idée vient, à certains wargamer (comme GaryGygax et Dave Arneson, les auteurs de Dongeons & Dragons), de faire évoluer sur un champde bataille des armées imaginaires, issues des mondes de l’heroic-fantasy comme l’œuvre deTolkien. On reste alors dans le cadre classique du wargame ( le cadre de jeu est toujours unecarte) mais les unités ne sont plus historiques. Les premiers jeux de plateaux (Boardgames)apparaissent, quand on décide de rompre avec le système de simulation propre aux wargames.Il peut s’agir d’une réduction d’échelle (passer de : 1 pion = 1 unité à 1 pion = 1 homme),d’une complexité de certains mécanismes de jeu, accordant plus de capacité d’action auxhéros… .Les jeux de plateaux de ce type annoncent la venue des jeux de rôles

Le jeu de rôle ludique naît au début des années soixante dix, aux Etats Unis. Commebeaucoup d’autres Américains et Anglais, depuis des décennies, Gary Gygax et Dave Arnesonsont amateurs de jeux d’histoire avec figurines. Ils ont l’habitude de s’affronter par arméesinterposées, dans le cadre de batailles historiques, au seul détail près qu’ils ne recréent pasl’Histoire mais essayent de faire mieux que l’Histoire. Passionnés par le Moyen-Âge, ilsfondent une petite maison d’édition, « Tactical Studies Rules » (TSR). Ils conçoivent unerègle de jeu, permettant de mettre en scène les conflits de l’époque médiévale, qu’ils intitulent« Chainmail ». Mais dans les usages bellicistes du Moyen-Âge, on préférait parfois le raptd’un noble ce qui permettait d’éviter la bataille. Pour les deux créateurs, le jeu capable desimuler cette situation reste encore à imaginer…

Ils sont donc amenés à s’éloigner du modèle des jeux historiques et cherchent alors àinventer des règles permettant de simuler de petites escarmouches de 5 à 10 soldats. Or dansles wargames de l’époque, chaque figurine représente entre 20 et 50 hommes et ne possèdeque deux ou trois caractéristiques. Dans leur approche, il leur faut déterminer, pour chaquefigurine, si le personnage qu’elle représente, sait grimper aux arbres, se dissimuler, progresseren silence pour surprendre un garde… la définition des protagonistes de l’histoire devientdonc plus dense, et pour que l’on puisse gérer tous ces détails, il est préférable que chaquefigurine soit jouée par un seul joueur. De plus dans certains cas, si les joueurs « attaquants »se montrent particulièrement brillants, il se peut que le côté « assailli » ne puisse pas réagir àl’attaque. c’est donc un arbitre qui va jouer cet autre camp et les événements aléatoires. Arrivéà ce stade, TSR s’aperçoit qu’elle a, entre les mains, un système de jeu original qui permet dereconstituer de nombreuses scènes épiques de roman (dont particulièrement celle d’un romantrès en vogue : le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien). Voulant insérer plus de fantaisiedans leur système fondé sur le Moyen-Âge, ils vont introduire des éléments de cette saga(magiciens, elfes, orques, monstres en tous genres …) afin d’obtenir un univers de jeuoriginal.

En 1974, TSR publie la première version de Dongeons & Dragons (D&D). le jeuremporte un succès immédiat : en moins d’un an, plusieurs petites maisons d’édition lancentchacune leur propre jeu reprenant le principe du « jeu de rôle » et les mécanismes de D&D.

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Dans les années qui suivent, les nouveaux jeux s’éloignent du thème médiéval et explorent lascience-fiction, le fantastique, l’aventure, le policier… Bref, pratiquement tous les thèmesabordés par la littérature.

Vers la fin des années 70, c’est la version « avancée » Advanced Dongeons & Dragons(AD&D) qui est publiée et diffusée dans le monde. Dongeons & Dragons reste en vente maissert désormais de jeu d’initiation pour AD&D.

En 1975, 750 000 exemplaires de jeux de rôle sont vendus aux Etats Unis (quasimentque des ventes de D&D).

b ) L’âge d’or (1977-1989)

la fin des années 70 voit l’arrivée du jeu de rôle en Europe. D’abord au Royaume Unipuis en France. D&D est vendu ,alors, sous le manteau devant la Sorbonne , puis enseptembre 1977 « L’Œuf Cube » ouvre ses portes, rue Linné, et en 1978 « Jeux thèmes », rueMonceau. Cette année là voit également l’apparition de la société « Jeux Descartes » filiale dugroupe de presse « Excelsior Publications ». Cette société prend une place importante dans ledéveloppement du jeu de rôle en France par ses importations de jeux étrangers (surtoutaméricains), la création de jeux purement français et la création d’un réseau de boutiquesspécialisées portant son enseigne. A cette époque, les quelques milliers de joueurs sont surtoutdes étudiants et les boutiques sont créées dans les villes universitaires.

En 1980, suite au succès d’un numéro spécial de Science et Vie ayant pour thème les« jeux de réflexion » , le groupe « Excelsior Publications » lance une revue consacrée auxjeux de réflexion (Echecs, Bridge… et jeux de simulation) : « Jeux et Stratégies ». le n°4 estconsacré en particulier au jeu de rôle et offre un jeu de plateau d’initiation dérivé de D&D. cenuméro est à l’origine de nombreuses vocations de joueurs. Le groupe de presse reprend aussile fanzine de l’éphémère Fédération Française des Jeux de Simulation Stratégique etTactiques (FFJSST) : son fondateur François Marcela-Froideval, parti aux Etats Unis pourtravailler avec Gygax , c’est Didier Guiserix (illustrateur et membre de l’équipe originelle)qui en devient le rédacteur en chef. Ce magazine, c’est « Casus Belli ». il est consacré à partégale aux wargames et aux jeux de rôle, mais c’est cette rubrique qui va, par la suite, devenirprépondérante.

En 1983, selon D. Guiserix, il y aurait 40 000 rôlistes. Ces joueurs ne sont plusseulement des étudiants mais aussi des collégiens ou des lycéens. D&D est officiellementtraduit et Jeux Descartes sort la traduction d’autres jeux dont celle de « L’Appel de Cthullu »fondé sur l’œuvre de H.P. Lovecraft. Ces traductions facilitent la diffusion du jeu de rôleauprès des joueurs maîtrisant mal l’anglais. cette année là, deux jeux francophones voient lejour (édité par Descartes) dont l’un, « Légende Celtique » connaît un succès d’estime maissurtout fait l’objet d’un mémoire de DESS à Landron en 1993. Il faut noter qu’à partir de cemoment, le « milieu » du jeu de rôle devient visible dans la société, grâce à l’apparitiond’association loi 1901 et d’articles informatifs dans la presse régionale.

De 1985 à 1988, le marché du jeu de rôle est en plein essor en France. Cette croissanceest provoquée essentiellement par deux phénomènes : tout d’abord, la parution d’un hors sériede Jeux et Stratégie, en 1984, qui propose un jeu de rôle complet : Méga. C’est le premier jeuen français commercialisé à plusieurs milliers d’exemplaires en une période aussi brève. Enoutre il utilise un autre circuit de distribution que les boutiques spécialisées (les kiosques àjournaux). Le second phénomène et sans doute le plus important est le développement des« livres dont vous êtes le héros » qui s’inspirent des jeux de rôle mais qui sont diffusés par de

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grands éditeurs (en particulier Gallimard). C’est surtout ce phénomène qui est à l’origine dudéveloppement du nombre de joueurs en France. Si l’on parlait de 40 000 rôlistes en 1983, onvoit peu à peu apparaître, dans la presse, les chiffres de 100 000 joueurs (Le Monde del’Education, décembre 1987), 200 000 pratiquants (le Figaro, 13 juin 1990 et Le Monde, 25juillet 1990) ou même 300 000 rôlistes (L’Humanité Dimanche, 16 juin 1990). Lesprofessionnels du milieu parlent alors de 400 000 joueurs. D’autre part, le nombred’associations est multiplié par 5 et de nouveaux éditeurs font leur apparition (Oriflam en1985 et Siroz Production en 1986).

Fin 1988, le jeu de rôle est promis à un bel avenir.

c ) la crise de 1989-1995

Cette crise est de deux natures. La première crise est avant tout financière avec ledéclin de l’intérêt du grand public et la fermeture de magazines et de maisons de production.La seconde crise amorcée en 1990, mais ravivée par la télévision en 1995 est da naturesectaire.

Le numéro de mars de Jeux et Stratégie publie un article alarmant sur le devenir du jeude rôle. Il est bientôt suivi par la société anglaise Game’s Workshop : « Chez nous le jeu derôle est épuisé. Selon nous, il a atteint son point maximum (…) ». en effet la difficulté detrouver de bon meneur de jeu et le désintérêt du grand public font chuter les effectifs desjoueurs, jusqu’au niveau antérieur de 50 à 100 000 joueurs ; seuls les spécialistes du jeu derôle continuent encore à jouer. La fin de l’année 1989 voit la disparition de Jeux et Stratégiepuis de deux autres revues (Chronique d’outre monde et Graal). Ces disparitions sont suiviespar celle de Siroz qui sera pourtant rachetée et rebaptisée Idéojeux ; elle sera relancée par lapublication d’un jeu de rôle à succès : In Nomine Satatnis / Magna Veritas de Croc. (il est ànoté que ce jeu est le premier à avoir été traduit en anglais pour le marché américain).

Cette crise est sans doute liée au phénomène de mode mais aussi, pourquoi pas, àl’apparition d’autres loisirs comme les jeux de cartes à collectionner (Magic : The Gathering)et l’expansion forte du jeu sur ordinateur. Dans son livre publié en 1997 , Didier Guiserixparle de 300 000 à 400 000 « acheteurs de jeux de rôle » dont environ 100 000 joueursréguliers.

La seconde crise survient après la profanation du cimetière juif de Carpentras en juin1990 puis au travers d’autres faits divers. Cette crise est provoquée par les médias« conservateurs » (Le Figaro, Aujourd’hui Madame). Ils reprennent les arguments du DrThomas Radecki, psychiatre président de la « National Coalition on Television Violence »proche de la Moral Majority ; il reprend, sous une approche scientifique, les argument de celobby sur la question : une jeunesse américaine, blanche et prometteuse, est en danger sousl’influence de la télévision, du cinéma, du rock et des jeux de rôle … En effet ces produits,qui par ailleurs font dériver de la « vraie foi » ne constituent-ils pas une « porte ouverte » versle satanisme, la drogue et la violence ?

De plus d’autres articles montrent la confusion du journaliste entre le jeu de rôle et lepsychodrame, utilisé en psychiatrie pour soigner les patients. Dès lors, l’avis d’un psychiatresera souvent sollicité pour conforter les propos du journaliste.

Dès lors, l’image sociale du jeu de rôle apparaît clairement : des jeux « bizarres »pratiqués par des jeunes gens de sexe masculin, lycéens ou étudiants, certes « intelligents »mais pouvant être un peu ou beaucoup « perturbés » …

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Dans l’affaire de Carpentras, après l’abandon de la piste d’extrême droite, c’est celledu jeu de rôle qui sera suivie pour la raison suivante : des jeux de rôle Grandeur-Nature sedéroulaient parfois dans ce cimetière ou aux alentours ; et cette nuit-là, les participants sansdoute plus atteints que la moyenne des joueurs ont « dérapé » et confondu réalité et jeu.

Cette théorie est reprise et amplifiée par le Dr Abgrall, psychiatre toulonnais, lors del’émission « Témoin N°1 » puis rejoint par un groupe de familles convaincues de ladangerosité du jeu de rôle, ils vont écumer les plateaux de télévision pour « mettre en garde »la population contre le « danger » des jeux de rôle. Le paroxysme de cette « politique desectarisation du jeu de rôle » est atteint le 11 octobre 1995, où, sous la houlette d’une MireilleDumas convaincue, les protagonistes se retrouvent pour dénoncer les dangers du jeu de rôlelors d’un « Bas les masques » qui indigne la communauté rôliste et dont Télérama critiqua lapartialité.

Il est à noter pour mémoire que Jacques Pradel, producteur et présentateur deTémoin N°1 est aussi le producteur de Bas les masques.

Le groupe de familles affiliées au Dr Abgrall comprend des parents dont les enfants,joueurs de jeux de rôle, se sont suicidés, sans raison apparente, et rejoint ainsi l’associationAméricaine B.A.D.D. (Bothered Against Dungeons and Dragon) qui accuse le jeu de rôle, leplus pratiqué au monde, d’être responsable d’une cinquantaine de suicides d’adolescents.

d ) le renouveau 1998 – 200…

Il semble que cette crise soit terminée à présent. Le milieu s’est restructuré et semblese maintenir à un niveau constant depuis 1995. Même si le jeu de rôle sur papier ne connaîtplus une croissance exponentielle, le développement des jeux de carte à collectionner et desjeux de rôle sur informatique apporte une bouffée d’oxygène aux éditeurs qui, sansabandonner le jeu de rôle, ne dépendent plus de ce marché pour exister.

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II ) Qu’est ce que le jeu de rôle ?

1 ) les grandes lignes du jeu de rôle

Il s’agit pour les joueurs, par personnages interposés, de vivre une aventure, de seconfronter à un scénario interactif proposé par l’un d’entre eux :le maître ou meneur de jeu.

La première réunion du groupe est fondamentale. En effet durant cette réunion, deuxdécisions capitales vont être prises. La première est le choix du jeu du commerce dont lethème convient à tout le monde. Le jeu est ensuite acheté en un ou plusieurs exemplaires (lemieux étant d’avoir deux livres de règle) et chacun lit les règles principales et la section decréation des personnages. La seconde décision est la désignation du meneur de jeu que l’ondésignera par la suite MJ ou MD les autres seront les personnages joueurs ou PJ.

Le(s) joueur(s) (PJ) : chaque joueur incarne un personnage. Ce personnageest défini suivant des caractéristiques telles sa force, son intelligence etc. L'ensemblede ces caractéristiques est noté sur une feuille de personnage et permet de définirl'individualité de celui-ci. C’est lui qui va interagir avec le scénario et résoudrel’énigme proposée par le MD

Le Meneur de Jeu (MD) : c'est à la fois l'arbitre, l'allié et l'opposant des autresjoueurs. Son but est de proposer et de mettre en scène une aventure intéressante. Ilincarne tous les personnages, que seront amenés à rencontrer les joueurs (lespersonnages non joueurs ou PNJ, les monstres …). Il fournit les descriptions des lieuxdans lesquels les joueurs évoluent et règle les conflits.

Le choix du MD est donc fondamental car en plus de lire l’intégralité des règles et leschapitres dédiés à l’univers de jeu, il va devoir, pendant un certain temps préparer lesscénarios et les faire jouer au groupe. Les joueurs, quant à eux, doivent lire le système decréation de personnage et les règles principales du jeu, comme les règles de combat, demagie …

Tout est prêt ou presque pour que la partie commence. Le MD va de son côté préparerle scénario et finir de comprendre les règles supplémentaires, alors que les joueurs vont, seulou en groupe, préparer leur fiche de personnage.

Le scénario, véritable cœur du jeu de rôle : le scénario présente l’intrigueimaginée par le MD. Sans être exhaustif, il présente, sous forme de trame, lesévénements incontournables et programmés de l’aventure, les PNJ, les pièges, ouencore les récompenses qui attendent les joueurs.

La fiche de personnage, poumon du jeu : si le scénario est le cœur du jeu, ilest toujours possible pour un meneur de jeu d’improviser totalement un scénario. Parcontre, sans fiche de jeu, il est impossible de jouer. La fiche reprend lescaractéristiques du personnage incarné par un joueur, ses points forts et ses faiblesses,ce qu’il sait faire ou ses phobies ou bien encore ce qu’il possède. Cette fiche synthétisetoutes les connaissances sur le personnage, et permet au joueur de l’interpréter de lameilleur façon possible. Les scores indiqués sur cette feuille ne sont là que pourfaciliter l’interaction avec les règles. C’est le joueur qui définit son personnage, lerendant plutôt intellectuel, manuel, bon ou caractériel.

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Une fois ces principes compris et maîtrisés, le jeu peut alors commencer. Le groupe seréunit autour d’une table. Le MD est à un bout de la table, son scénario caché par un paravent(l’écran du maître de jeu) et les joueurs de l’autre côté. Ils ont chacun leur fiche depersonnage, des dés de différents types, un crayon et une gomme. Est disposé sur la table dupapier vierge pour noter les information au cours du jeu, à manger et surtout à boire. A partirde ce moment, il n’y a plus de limite de jeu (en fait si : la fatigue et la fin du ou desscénario(s) ).

Le MD présente le début de son scénario que les joueurs ne connaissent pas : pour uneraison ou une autre, les joueurs sont mêlés à un événement qui va les entraîner dansl’aventure. Cet événement est présenté par le MD qui va décrire tout au long du jeu ce queperçoivent les joueurs (description des lieux, des personnages rencontrés, ce qui se passeautour d’eux …). Lorsque la description de la scène est terminée, c’est au tour des joueurs des’exprimer et d’indiquer au MD ce que leur personnage va tenter de faire. Ils décriventl’action de leur personnage respectif, comme s’ils étaient dans la peau du personnage. Enfonction de l’action, le MD va décider de son résultat; pour les actions faciles, il va déclarerqu’elle a réussi mais pour celles plus compliquées, il va demander de faire un jet de réussite,dont il déterminera le niveau de difficulté. Au travers d’un jet de dé modifié par lescompétences du personnage, le joueur va savoir si son action aboutit ou non (si le score du jetest au-dessus de la difficulté, le test est réussi sinon c’est un échec). Dans tous les cas, le MDindique les conséquences de l’action sur l’environnement et la réaction des éventuels PNJqu’il incarne. Il procède ainsi avec tous les joueurs, puis l’on passe à la scène suivante et ainside suite jusqu'à la fin du scénario. Le succès final de l’aventure dépend donc des décisionsprises à chaque action par les joueurs et aussi du facteur chance. L’échec d’une action nonprévue ou la direction prise par les joueurs peuvent les faire sortir de la trame du scénario etmettre dans l’embarras le MD en rallongeant le scénario ou en le raccourcissant.

A la fin de ce scénario, en fonction des actions de chacun, le MD va attribuer despoints d’expérience qui permettent aux joueurs d’améliorer leur personnage. Ainsi, lors de laprochaine partie, les personnages seront plus forts et donc plus à même de résoudre lescénario dont, en général, la difficulté augmente.

Exemple d'une partie de jeu de rôle:

- Jean incarne le personnage de John Wesson, un détective privé chargéd'enquêter sur le vol d'un bijou. - François est le meneur de jeu. Il n'incarne pas depersonnage en particulier.

Situation initiale :Le personnage de Jean (John Wesson) sait qu'il n'existequ'une personne dans la ville, capable de revendre le bijou qu'il recherche. Il indiquedonc au meneur de jeu (François) qu'il se rend chez ce receleur. (Le dialogue qui suitest typique d'une situation de jeu de rôle.)

Jean (alias John Wesson) : Je me rends chez Laurent Wilson le receleur dontmes contacts dans la pègre m'ont parlé. François (Meneur de Jeu) : Ok tu t'y rendsde quelle façon ? Jean : Euh . C’est loin de chez moi ? François : Assez oui. Environune heure à pied ou vingt minutes en voiture. Jean : Je ne préfère pas prendre mavoiture pour me rendre chez un malfrat. J'appelle un taxi. François : Très bien, unedemi-heure plus tard tu te retrouves devant la porte de l'immeuble de Wilson. Il y aun homme dans le hall, il te semble l'avoir déjà vu quelque part. Fais moi un jet de«connaissance de la rue ».

Ici intervient la notion de jet de dé qui se révèle très importante en jeu de rôle.Dans le cas de l'exemple, imaginons que Jean / John Wesson possède un score de

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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2 dés en « connaissance de la rue ». Le meneur de jeu va affecter une certainedifficulté à une action, ici se souvenir de l'endroit où il a vu cet homme. Françoisconsidère qu'il ne sera pas difficile pour John Wesson, un privé habitué des bas-fonds, de reconnaître le bras droit du dénommé Wilson. Il prévient donc Jean qu'ildoit faire un score de plus de 5 avec ses deux dés (ce qui n'est pas très difficile, siFrançois avait estimé que cette action devait être très difficile il aurait demandé àJean de faire un score supérieur à 10 avec deux dés).

Jean (jette deux dés et additionne le résultat) : j'ai fait 9. François : Tureconnais l'homme, d'après tes souvenirs ce doit être le principal collaborateur deWilson. On le dit impulsif et dangereux. Jean : Je me redresse pour lui montrer qu'ilne m'impressionne pas. Je rentre dans le hall. Je m'approche de lui en le regardantdroit dans les yeux. Et je lui dis que je veux voir Wilson. François (prenant une voixrauque) : Qu'est ce que tu lui veux à Wilson ? T'es qui d'abord ? La suite de cettepartie dépendra de la façon dont Jean / John va répondre à cet interlocuteur.

Le jeu de rôle est donc un jeu sans gagnant car chacun gagne un peu au cours du jeu.Le MD à la satisfaction d’avoir proposé un scénario amusant et les joueurs font progresserleur personnage. En fait le jeu de rôle est un jeu de coopération fondé sur le dialogue ou lesprotagonistes gagnent et perdent ensemble.

Il est à noter que certains groupes pratiquent un « jeu tournant » ; à chaque fin descénario, le MD devient joueur et un des joueurs le remplace pour le nouveau scénario. Cettepratique peut sembler déroutante car il y a toujours un personnage absent du jeu mais ceprincipe permet une baisse de travail du MD (en effet, il ne prépare pas tous les scénarios) etceci incite tous les joueurs à bien connaître les règles du jeu.

2 ) Pour les curieux

a ) le matériel

� Le matériel nécessaire : il faut au moins un livre de règle pour le groupe (ou au moins unexemplaire de chaque livre de règle s’il y en a plusieurs), des fiches de personnages (unepar joueurs, des dés (un set de dés par joueur ou au moins un pour deux) et enfin uncrayon et une gomme par joueur, et bien sûr un scénario préparé par le MD.

� Le matériel utile : un paravent ou écran du maître qui sert à cacher le scénario à la vuedes joueurs, il peut être vierge ou présenter des illustrations côté joueurs, et le résumé destables utiles durant le jeu, côté MD. Eventuellement des figurines représentant le grouped’aventuriers et les principaux PNJ ou monstres, du papier pour faire les plans et noter leséléments importants aux yeux des joueurs.

Le jeu de rôle est un jeu de « société » ; il n’est pas possible d’y jouer seul et deuxpersonnes représentent le minimum vital. L’idéal se situe entre quatre et six joueurs ainsiqu’un meneur de jeu. Le maximum de joueurs pour un meneur semble être de huit à dix maiscela commence déjà à devenir intenable. Cependant rien n’empêche de jouer avec plus departicipants si cela est possible (gestion de la partie par 2 MD avec chacun en charge ungroupe de 6 à 8 joueurs par exemple).

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b ) le travail du joueur et du meneur de jeu

� le joueur :

En dehors du temps de jeu, le joueur doit créer sa fiche de personnage et la maintenir àjour. Il doit pour cela noter l’expérience reçue au cours du jeu et utiliser les points qu’ilobtient, en retour pour rendre plus fort son personnage. En effet, un point d’expérience nereprésente pas toujours un point bonus dans un domaine : le système de règle précise lesmodalités d’augmentation des caractéristiques d’un personnage, le plus souvent par palier. Letravail du joueur consiste alors à « apprendre » les modifications de son personnage, pour queles nouvelles capacités puissent être utilisées rapidement au cours du jeu. Il arrive souvent,lorsque le groupe utilise des figurines, que les joueurs soient chargés de peindre les figurinesles représentant mais aussi celles utilisées par le meneur de jeu.

� Le meneur de jeu :

Son travail est triple durant la partie.� Il est le meneur de jeu et doit donc faire en sorte que les joueurs accèdent à toutes les

informations dont ils ont besoin, sans pour autant leur faciliter la tâche.� Il est l’arbitre du jeu et doit donc décider si l’action entreprise par les joueurs est conforme

ou non, déterminer les seuils de difficulté des actions et de leurs conséquences sur le jeu.Il n’influence pas le jeu mais peut parfois aider les joueurs, lorsque ceux ci sont bloquésou dans une situation critique. Cependant les joueurs peuvent, parfois, avoir une idée lesfaisant sortir du cadre prévu par le scénario et il doit, alors, improviser une nouvellebranche de l’intrigue.

� Enfin il est le metteur en scène de l’histoire et ce sont ses descriptions de scène, desdécors, des PNJ, ses dialogues (en prenant des tons et des accents différents) qui donnentvie au scénario et favorise la mise en place d’une ambiance de jeu.

De plus, lorsque la partie est finie, le meneur de jeu n’a pas pour autant fini detravailler.

En dehors des séances de jeu, le MD a deux tâches à accomplir : trouver un nouveauscénario et se documenter pour le rendre plus vivant. Trouver un scénario peut être aisé, grâceau nombreux scénario du commerce (parfois dangereux car certains, à la fois joueurs etmeneur de jeu, peuvent l’avoir aussi acheté) ou plus difficile s’il est créé de toute pièce.Toutefois, si le meneur de jeu joue avec plusieurs « cercles » de joueurs, il peut le réutilisertant que les joueurs ne risquent pas de se raconter l’histoire. Deuxièmement, le maître de jeudoit trouver de la matière pour rendre l’aventure plus vivante ,dans des ouvrages prévus à ceteffet (sous la forme de supplément au jeu) ou dans des œuvres plus générales tels romans,films , livres d’histoire… bref tout ce qui peut lui apporter des idées sur le thème du jeu.

c ) Le style de jeu

Ce qui va réellement différencier une table de jeu d’une autre et donc un cercle dejoueurs d’un autre ce sont l’âge et les goûts des joueurs. La définition du style de jeu est déjàabordée lors du choix du jeu en lui-même avec un système plus ou moins orienté « jeu »comme AD&D ou interprétation du « rôle » comme Vampire, la mascarade. Cette situation vaêtre encore approfondie avec le temps.

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En effet les tables de jeu se constituent en général par affinités, car tel joueur préfèreles scénario d’action avec beaucoup de combat, tel autre préfère les scénario d’enquêtepolicière ou encore, tel autre préfère les jeux historiquement corrects, où l’on ne mélange pasles armes du XIème siècle avec les armures du XIIIème. Par conséquent, assister à une partie dejeu de rôle ne montre qu’un des aspects que peut prendre le jeu. De même qu’il est courant dechanger de temps en temps de jeu, il est conseillé de changer de groupe, de club…afin deconnaître un maximum de joueurs et de manières de jouer, pour avoir le choix de jouerdifféremment selon son envie.

Sans faire de distinction stricte, une des grandes disparités entre les manières de jouervient de l’âge des participants. Néanmoins, cette distinction provient aussi de l’habitude dejouer des joueurs :

� Les plus jeunes jouent surtout pour se défouler. Les scénarios sont courts, simples et lesadversaires sont des monstres horribles que l’on découpe rapidement en rondelles.

� Autour de 14/16 ans, les joueurs commencent à rechercher les éléments qui enrichissent lejeu (énigmes, scénario non linéaire…) sans toutefois ralentir le rythme de l’action.

� Entre 17 et 20 ans, on apprécie plus les scénarios d’enquête et de négociation. La culturegénérale des joueurs permet de jouer, de manière crédible, des scénarios historiques oudans des décors exotiques.

� Après 20 ans, on commence à rechercher le plaisir du récit et des personnages fouillés etinterprétés le plus justement possible. La part « rôle » du jeu se fait plus importante quecelle du « jeu ». Plus on va vers 25 ans et plus cette façon de jouer devient importante etplus on rencontre de joueuses qui semblent apprécier cette manière de jouer .(il est à noterqu’environ 20 % de la population rôliste est composée de femmes).

� Après 30 ans, si le joueur n’a pas arrêté pour cause de vie familiale, les habitudes de jeuont complètement changé. On joue en général en couple avec des amis ou avec descollègues curieux mais qui, après la première démonstration, décident de jouerrégulièrement. On rencontre rarement ces joueurs car , peu sensibles aux modes etsuffisamment expérimentés pour préparer leur propre scénario, il ne fréquente querarement les boutiques spécialisées et quasiment jamais les conventions de jeu.

L’on voit donc que le style de jeu, même s’il est influencé par le jeu lui-même, estsurtout le reflet de deux caractéristiques fondamentales des joueurs : l’âge et le type descénario utilisé.

d ) l’approche sociolinguistique : Le langage des joueurs de jeux de rôles

Toute sous culture développe un vocabulaire spécialisé qui lui est propre, qui peutdésorienter et tromper les personnes extérieures ; et le monde du jeu de rôle n'échappe pas àcette règle. Toutefois il ne serait pas judicieux de rapprocher ce langage de celui que peutengendrer la pratique d'un sport par exemple. Dans le cas d'un sport, il est aujourd'hui possible

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d'acquérir le vocabulaire technique qui s'y rapporte, sans pour autant le pratiquer activement.Il suffit pour cela de se procurer des ouvrages traitant de ce sujet.

Pour le jeu de rôle cet apprentissage est plus complexe. Il n'existe aucun ouvragetraitant du sujet et la transmission de ce langage ne se fait que de rôliste à rôliste. C'estpourquoi la maîtrise du dialecte parlé par les rôlistes peut être, à mon sens, révélateur duniveau de l'intégration d'un individu dans le groupe. Le langage des rôlistes peut être perçucomme un « patois ». Les structures grammaticales restent les mêmes qu'en français mais levocabulaire, lui, est particulier. On observera également que la pratique de ce patois engendrela création d'expressions figées et de mots composés qui ne répondent à aucune règle desyntaxe. Afin de comprendre certaines de ces expressions ou certains des mots qui serontutilisés dans le reste de ce dossier, il est important de garder à l'esprit que l'origine des jeux derôle est américaine. Aussi on trouve (tout au long des exemples) des expressions et des termesanglais (francisés ou non) ainsi que des éléments de la culture anglo-saxonne. Cetteomniprésence de l'anglais a conduit au développement d'un patois qui mélange allègrementlangue anglaise et langue française. Mais le mélange de deux langues n'est pas la seulecaractéristique de ce patois. On distingue trois dimensions qui permettent de le structurer. Lapremière dimension (ou premier axe) est technique, la seconde (deuxième axe) est culturelleet la troisième, qui transcende les deux autres, concourt à la création d'un univers deréférence.

On peut représenter l'acquisition de ce patois (qui reflète la socialisation d'un membredans le groupe) par le graphique ci-dessous :

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L'évolution d'un individu par rapport à l'axe 1 (langage technique) reflète saconnaissance des principes du jeu de rôle ainsi que celle des différents systèmes de règles.L'évolution d'un individu par rapport à l'axe 2 (connaissance de l'univers du jeu) reflète lamaîtrise que celui-ci a du background d'un jeu. Sur le graphique sont représentés deux typesde flèches : les plus fines représentent l'univers d'un jeu en particulier, alors que les plusépaisses représentent une famille d'univers (exemple : AD&D, Rêve de dragon et JRTMpossèdent tous les trois des univers de jeu distincts mais ils font tous partie d'une mêmefamille d'univers, à savoir le médiéval fantastique). L'évolution d'un individu par rapport àl'axe 3 (création d'un univers de référence) est la résultante d'une évolution sur les deux autresaxes. La création d'un univers de référence est la dernière étape de l'apprentissage du patoisdes rôlistes. L'évolution sur cet axe implique une progression corrélative sur les deux autres.

La dimension technique du patois rôliste

La dimension technique du patois rôliste regroupe les termes ayant trait aux principesde base du jeu de rôle ainsi que ceux qui font référence à des systèmes de règles particuliers.On classera ces termes en trois catégories.

La première regroupe les termes et expressions servant à exprimer des conceptsspécifiques aux jeux de rôle. On trouvera dans cette catégorie des locutions telles que : - Faireun jet de (nom de la compétence) On exprime par cette expression l'idée suivante : faire un jetde dé et le comparer au score que l'on possède dans cette compétence pour savoir si l'actiontentée est réussie. Le type de dé est déterminé par les règles du jeu. - Faire un critique : dansde nombreux jeux de rôle, le fait de réussir particulièrement bien un jet de dé est appelécritique. Avoir la chance de faire un critique peut avoir des conséquences radicales sur le restede la partie. On considère le critique comme un " super jet ". Autour d'une table de jeu, il estfréquent que la réussite d'un jet de façon critique soit accompagnée de cris de joie et de gestesde soulagement. Note : les critiques fonctionnent dans les deux sens. Ils peuvent être positifscomme négatifs, quoi qu'il en soit, ils impliquent toujours des résolutions extrêmes.

La seconde catégorie regroupe les abréviations courantes. Dans l'univers du jeu de rôleles abréviations sont très répandues. On peut considérer qu'elles font partie intégrante dulangage puisque les joueurs ne prennent même plus le temps de les traduire lorsqu'ilss'expriment oralement.

Certaines notions sont communes à la grande majorité des jeux, ainsi on retrouverafréquemment des abréviations du type :• D6, D10, D100 : pour dé à 6 faces, dé à 10 faces ...• FOR, DEX, POU : pour Force, Dextérité, Pouvoir.

Dans le cas de FOR, DEX et POU il est intéressant de constater que même leséditeurs de jeux de rôle ne prennent plus la peine d'écrire en toutes lettres les mots que cesabréviations représentent. On retrouve donc sur les fiches de personnages des abréviationsque seuls les rôlistes sont en mesure de comprendre.

La troisième catégorie regroupe les locutions techniques qui renvoient à des principesspécifiques à un jeu ou à un système de règle. On trouvera, par exemple, dans cette catégoriel'abréviation SAN qui désigne la caractéristique de santé mentale dans le jeu de rôle L'appel

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de Cthulhu ou tout autre terme technique inventé par les auteurs d'un jeu en particulier. Ceslocutions sont les plus difficiles à acquérir puisque, pour toutes les connaître, il faudraitconnaître tous les systèmes de règles.

La constitution d'un univers de référence

La première locution qu'il est intéressant d'étudier dans le cadre de la constitution d'ununivers de référence commun est celle de « rôliste ». Par ce terme les joueurs de jeux de rôlese définissent et se reconnaissent. Ce vocable générique, qui désigne le groupe, a pour lesjoueurs de jeux de rôle un aspect positif. Il définit l'autre comme semblable, il l'intègre dansune catégorie de pairs.

Le fait de dire de quelqu'un qu'il « est rôliste » (dans la bouche d'un autre rôliste) estun compliment. Cette expression pourrait être synonyme de « il me comprend » ou de « noussommes semblables ». La constitution d'un univers référentiel commun est l'étape ultimed'intégration dans le groupe des rôlistes. Un individu qui adhère à ce référentiel est en mesurede comprendre le plus grand nombres de rôlistes, il aura pour cela assimilé les conceptsrégissant les jeux de rôle (langage technique des règles) et acquis une large connaissance desunivers de jeux (vocabulaire). La formation d'un univers de référence est donc assujettie à lamaîtrise des deux premières dimensions du patois rôliste (technique et culturelle). On constatecependant que la troisième dimension (référentielle) englobe et transcende les deux autres. Eneffet un individu peut apprendre à maîtriser les dimensions techniques et culturelles de cepatois de façon autonome. Il va acquérir cette maîtrise de la langue au contact des autresrôlistes mais cet apprentissage n'est pas un apprentissage de groupe. Il relève del'accomplissement de soi de manière individuelle. A l'inverse, le développement d'un universde référence est, par essence, un phénomène collectif. Il ne saurait exister sans la présence dugroupe, il doit donc être considéré comme un fait social. Le jeu de rôle est avant tout fondésur l'interaction entre les joueurs, de la même façon, la construction d'un univers de référenceest lui aussi le fruit des interactions entre les différents joueurs. Cependant cette interaction sesitue à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l’activité. L'exemple le plus flagrant de la portéecollective de ce référentiel est la création d'un humour rôliste. Cette forme d'humour s'appuiesur les trois dimensions du langage que nous avons étudiées. On rencontrera des expressionshumoristiques telles : Backstaber un beholder.

Cette plaisanterie, très connue des rôlistes, est proprement incompréhensible pour lespersonnes extérieures au groupe. Elle s'appuie sur les deux premières dimensions du patoisrôliste mais n'est vraiment compréhensible que grâce à la troisième dimension, à savoir ladimension référentielle. Afin de comprendre la signification de cette plaisanterie nousl'analyserons en fonction des trois dimensions.

Un Beholder ou Tyrannœilendormis : sans doute le seul momentpour le surprendre !

Tiré du Film Donjon & Dragonde Courney Salomon (Paramount 2001)

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La dimension technique

Elle intervient au travers du terme « backstaber ». Le terme « backstab » désigne unecapacité spéciale, que possèdent les voleurs dans le jeu de rôle AD&D. Cette capacité leurpermet de s'approcher discrètement d'une cible dans le but de l'assommer ou de la poignarder.On notera que le terme anglais (backstab) a été francisé pour en faire un verbe.

La dimension culturelle

Elle apparaît au travers du terme « beholder ». Un beholder est une créaturefantastique, que l'on retrouve dans de nombreux univers médiévaux fantastiques. Cettecréature ressemble à une boule de chair d’un mètre de diamètre environ, flottant au-dessus dusol. Elle possède un énorme œil central ainsi que de multiples petits tentacules, au boutdesquels sont situés de petits yeux. Le beholder a donc une vision panoramique. A la lumièrede ces traductions, on comprend pourquoi il est comique de penser réussir à poignarder(backstaber) un beholder, puisqu’il n'est pas possible de s'approcher de cette créature, sansqu'elle ne s'en aperçoive. Cette plaisanterie fait partie d'un univers référentiel car les termesutilisés se sont, avec le temps, émancipés de leur caractère technique (le terme backstab estdevenu une expression courante pour signifier que l'on souhaite supprimer un adversairegênant) ou culturel (on conseillera aux personnages paranoïaques, qui vérifient sans cesse s'iln'y a personne dans leur dos, de se faire greffer des yeux de beholder). Ces termes fontdésormais partie d'un vocabulaire commun à tous les rôlistes.

L'univers de référence commun au groupe ne s'est pas simplement formé engénéralisant des termes à caractère technique ou culturel. En effet le patois rôliste faitégalement souvent référence à des films, des bandes dessinées, des séries télévisées, desromans etc. La connaissance de cette « culture de l'imaginaire » permet de saisir tous les sous-entendus qui parsèment les discussions des rôlistes. Ainsi la lecture de certaines œuvres (ex :Le seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien) ou le spectacle de certains films (ex : La Guerredes Etoiles de George Lucas) font également partie de l'apprentissage du rôliste. Lesréférences à ces «classiques» sont incessantes durant les parties de jeux de rôle. Si les joueursde jeux de rôle affectionnent particulièrement cette «culture de l'imaginaire» c'est parce quec'est, en son sein, qu'ils trouvent leurs sources d'inspiration. Voir un film de science-fiction oulire un roman policier permet au joueur de jeux de rôle de trouver des idées qui luipermettront, soit de créer un scénario, s’il est meneur de jeu, soit d'incarner un personnageintéressant, s’il est joueur. On voit donc que les rôlistes ont une perception du mondedifférente. Toute situation peut être source d'inspiration pour un rôliste, et c'est cetteperception du monde qui différencie les rôlistes des non rôlistes. Un joueur de jeux de rôleapprochera les œuvres littéraires ou cinématographiques en cherchant à y relever les idéesintéressantes, de façon à les réutiliser durant de futures parties de jeux de rôle. Il apparaît alorsque devenir rôliste implique une socialisation par étapes (acquisition des différentesdimensions du langage puis adhésion à un univers de référence commun). On peut ainsi parlerd'une carrière du rôliste en tant qu'apprentissage et évolution chronologique.

Au vue de cette approche sociolinguistique on se rend compte, que l'intégration, dansle groupe social, des joueurs de jeux de rôle implique un processus de socialisation.L'acquisition du patois rôliste se fait par étapes successives et le niveau d'intégration d'unindividu, dans ce groupe, peut être mesuré, entre autre, à la maîtrise de ce patois. Si cetteintégration se fait par étapes, c'est qu'il existe une hiérarchie dans ce groupe social. Cette

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hiérarchie implique que l'identité culturelle du rôliste relève d'une construction sociale. Ainsion pourra chercher à définir les différentes étapes de cette construction et à mettre à jour unecarrière du rôliste.

3 ) Les vrais cousins du jeu de rôle

a ) les Grandeurs-Natures

Le « jeu de rôle Grandeur-Nature » ou « Grandeur-Nature » est apparu en France en1983.sans être un jeu de rôle classique, il fut néanmoins organisé à ses début par des rôlistessur table, désireux de vivre leurs aventures au grand air. Les premiers essais ne furent pas desplus brillants mais l’expérience anglaise permit de rattraper le retard. En effet, contrairement àune partie sur table, le Grandeur-Nature nécessite une solide logistique (nourriture, couchage,autorisations, sécurité …) ainsi que des armes inoffensives (en latex moulé) et des costumes.

Devant le travail préparatoire colossal par rapport au jeu sur table et le contrôlepermanent du jeu, les joueurs ont dû s’organiser et se structurer au sein d’associations.Chaque club testait ses règles de jeu, ses systèmes de simulation…mais participait aux GNd’autres associations pour découvrir de nouveaux concepts de jeu et échanger des idées.

Au bout de quelques années, seule une poignée d’associations a subsisté, regroupantentre 10 000 et 15 000 amateurs. Ces passionnés, forts de leur savoir faire, ont réussi à rendrele Grandeur-Nature loisir autonome par rapport au jeu de rôle.

Comme le jeu de rôle, le Grandeur-Nature répond à trois principes de base :• Le lieu• Le type de scénario• La sophistication de la mise en scène

Le lieu est important car il sert de cadre à l’aventure et influe sur le nombre departicipants.

Les parties en intérieur regroupent de 20 à 60 personnes, pour une aventure souventbasée sur une intrigue politique, personnelle ou policière. Le jeu se déroule exclusivementdans la maison / château / appartement qui sert de cadre. Toute personne en dehors du cadreest en dehors du jeu.

Les parties en extérieur, quant à elles, réunissent de 40 à 250 participants qui sontrépartis en groupes rivaux et le scénario est basé sur la résolution du conflit par la diplomatie,la ruse ou l’intimidation. Il se peut aussi qu’il y ait plusieurs groupes d’aventuriers parcourantle même « trajet » et rencontrant une foule de protagonistes.

Comme le jeu de rôle sur table, le scénario est soit linéaire soit ouvert.� Le scénario linéaire balade les joueurs de lieu en lieu, à la rencontre de PNJ qui vont leur

décrire leur point de vue et chercher à les empêcher de découvrir la vérité, dans le cadred’une enquête policière par exemple.

� Le scénario ouvert, quant à lui, propose une interaction totale entre tous les joueurs qui ontchacun leur propre but et motivation. Le jeu sera riche en intrigues au gré des alliances quise nouent et se dénouent.

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Les organisateurs représentent un quart à un tiers des participants. Ils fournissent donc untravail énorme avant et pendant une partie de Grandeur-Nature. Pour cette raison, ilsn'organisent en général qu'une à quatre rencontres par an. Ils doivent :♦ Rédiger les règles de jeu♦ Préparer un scénario à la fois intéressant et gérable, compte tenu du lieu choisi et du

nombre de participants♦ Préparer les descriptions des rôles qu'ils proposeront aux joueurs : passé du personnage,

motivations, connaissance ou possession particulière qui pourront leur servir durant lejeu...

♦ Gérer toute l'infrastructure et l'intendance : location du site ou demandes d'autorisation,assurance, sécurité du site, fourniture de costume (très rare) pour certains participants peudébrouillards, nourriture et campement pour tout le monde ; contrôle et motivation desarbitres et des "joueurs infiltrés"

De plus durant le jeu, les organisateurs se doivent de suivre le déroulement du scénario :♦ Deux ou trois responsables jouent des personnages qui participent indirectement à l'action.

Ils peuvent ainsi rencontrer tous les participants, suivre et relancer l'action ou intervenirdans tous les cas de problème.

♦ Des membres de l'organisation participent également à l'action, mais en tant qu'arbitres :ils sont présentés en début de jeu aux autres joueurs. Cette forme d'interventionnisme tendà disparaître.

♦ Enfin des membres de l'organisation, ou des joueurs préférant cette fonction, assument lerôle de "faux joueurs". Mêlés aux autres participants, ils connaissent certains ressorts duscénario. Ils sont chargés, sans se trahir, de lâcher quelques informations, de jouer unescène qui fait avancer l'histoire, ou de faire remarquer un détail qui échappe à tous, afinque le groupe qu'ils accompagnent ne sorte pas du scénario, ou ne bute pas trop longtempssur un obstacle, une énigme (les groupes interagissant, le retard de l'un d'eux peut bloquertous les autres).

Chaque joueur qui s'inscrit à un GN connaît le thème du jeu. Il reçoit un questionnaire sur sesgoûts et ses personnages types préférés, ce qui permet aux organisateurs de lui attribuer unpersonnage qu'il se sent capable d'interpréter. On demande toujours aux joueurs de venir avecle costume qu'ils porteront durant le jeu.Quelque temps avant la partie, chaque joueur reçoit un descriptif du personnage qu'il va jouer,après un bref portrait (son passé lointain et récent, sa personnalité), on indique la raison pourlaquelle il est là, ses buts ou missions à réaliser durant le jeu, des renseignements divers, sestalents particuliers, pistons ou autres influences, etc.Durant la partie, le joueur va discuter, observer, chercher dans l'assistance les personnagesavec qui interagir afin d’arriver à ses fins.

A la fin du jeu, les organisateurs réunissent en général les participants pour leurraconter les ressorts de l'aventure qu'ils viennent de jouer, et pour les pousser à discuter entreeux du jeu. Chacun peut ainsi voir s'il a bien joué, s'il n'a pas négligé des pistes ou desoccasions de mieux faire.

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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b ) Les "jeux de rôle" sur ordinateur

Les premiers jeux sur ordinateur (en fait sur console), apparus vers 1976, étaient desjeux d'adresse très primitifs. Quelques années avant, dès l'apparition des jeux de rôle, desétudiants américains eurent l'idée d'utiliser les gros ordinateurs de leur université pourdévelopper des jeux inspirés de Donjons & Dragons. Dans ce jeu, et à l'époque, on n'imaginaitguère d'autres scénarios que des aventuriers explorant, à la recherche d'un trésor, lessouterrains d'un château peuplé de créatures sauvages ou monstrueuses. Ces premiers jeux(l'un des plus connus fut Zorg) étaient en mode texte: la page d'écran décrivait le décor de lasalle ou du couloir, et ne proposait au joueur qu'un choix limité : combattre le monstreprésent, fouiller la pièce, ou partir vers une autre pièce par l'une des issues : porte, couloir,passage secret.

Au début des années 80, avec la démocratisation des PC et de l'Apple II, des jeuxinspirés de Zorg firent leur apparition dans le public. Les premiers, toujours en mode texte,étaient nommés "jeux d'aventure". Comme dans les livres interactifs, le texte décrivait ce quiarrivait au personnage du joueur dans la scène, et lui proposait deux ou trois choix : partirdans une direction A ou B, ou rester sur place et explorer, combattre, discuter.

La structure de ces jeux était une arborescence fixe, une sorte de labyrinthe. Une foisle "meilleur parcours" connu, on pouvait le répéter exactement. Le premier progrès fut deremplacer le texte par des dessins.

Puis poussé par leur pratique du jeu de rôle sur table, des informaticiens parvinrent às'affranchir de cette arborescence : le personnage pouvait se promener à sa guise sur un terrainvu de haut, rencontrer des gens ou des monstres qui bougeaient en temps réel, combattre, fuir,discuter, explorer, être blessé et se soigner, toujours en temps réel.

Enthousiastes, et afin de le distinguer des jeux d'aventure, ils nommèrent ce type dejeu « jeu de rôle » : une appellation qui laissait perplexes les rôlistes sur table, qui cherchaientoù était le « rôle ». Mais l’appellation est restée pour cette famille de jeu.

Avec les capacités croissantes des machines (mémoire puissante et rapidité) etl'avènement du CD-ROM et d'Internet, chaque année voit les « jeux de rôle » sur ordinateur serapprocher régulièrement des caractéristiques du jeu sur table... sauf des principales : lacapacité du MJ à improviser, celle des joueurs à imaginer des solutions non prévues au départ,et surtout la petite touche de théâtralité qui pointe dans les dialogues, le plaisir et l'ambiancede la discussion autour de la table.

Mais il faut bien admettre qu'entre un très bon jeu sur ordinateur et une table de jeu oùles participants jouent sans imagination ni humour un scénario simpliste... on peut trouver lepremier plus attirant !

Dans l'esprit des joueurs, il s'agit en tout cas de deux loisirs différents, comme le sontjeu sur table et Grandeur-Nature. Certains n'aiment que l'un, ou que l'autre, beaucoupapprécient les deux pour des raisons différentes, et ne les considèrent pas comme concurrents.

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c ) Les Wargames

S'ils sont à l'origine du jeu de rôle, les jeux d'histoire ont suivi leur propre évolution, eton ne peut confondre l'un et l'autre. Les wargames sont des jeux de société classiques : unplateau de jeu, des pions, deux adversaires et que le meilleur gagne !

Leur originalité est de faire partie des jeux de simulation : leur règle n'a pas été conçueà partir d'un principe ludique abstrait, mais en synthétisant au mieux tous les facteurshistoriques, qui ont compté dans le déroulement de batailles simulées par chaque jeu. A lalimite, les meilleurs wargames peuvent servir d'exercice à des officiers étudiant la stratégie etla tactique, et inversement les meilleurs concepteurs de wargames, aux Etats-Unis, ont parfoisété engagés par l'armée américaine en tant que conseillers stratégiques.

Bien que le terme "jeux d'histoire" se répande en français, on l'utilise encore pourdésigner plus spécialement les jeux avec figurines, le terme "wargame" désignant quant à luiles jeux de bataille sur un plateau de jeu avec des pions.

Il y a tout de même deux excuses pour qui confond jeu de rôle et jeu d'histoire

� L'un et l'autre utilisent des figurines (mais des centaines pour une partie de jeu d'histoire,juste une dizaine sur une table de jeu de rôle, et encore, à l'occasion).

� Le jeu de rôle débouche parfois sur une bataille de figurines. Ceci sera alors joué avec lematériel et les règles d'un jeu avec figurines. Mais ce genre de rapprochement, fréquent autout début du jeu de rôle, est devenu rare : les goûts et les motivations des rôlistes et deswargameurs divergent, en général, complètement.

d ) Les livres interactifs

Publiés chez le très populaire éditeur Penguin en 1982 par deux Anglais, SteveJackson et Ian Livingstone, les "Livres dont vous êtes le héros", traduits en France dès 1983par Gallimard, ont lancé une mode, suivie d'un succès fulgurant partout dans le monde.

Le principe : un roman, mais où, avant la lecture, on vous demande de créer unpersonnage (ou de prendre connaissance de celui prévu). Durant le récit, vous incarnerez cepersonnage, héros de l'histoire : le livre s’adresse donc au lecteur.

Selon vos choix, vous serez mené, de chapitre en chapitre, vers des développementstrès différents du récit. Si une branche de ce roman, construit en arborescence, est uneimpasse, vous aurez la possibilité de reprendre l'histoire un peu avant, et d'essayer un autrechoix.

Excellente initiation aux jeux de rôle (on y trouve quelques règles génériques au JDR),le livre interactif n'en a évidemment pas l'ouverture ni la convivialité. Gros succès de librairiedurant plusieurs années, les collections de livres interactifs ont presque toutes disparu, sauf enFrance la collection initiale, "les Livres dont vous êtes le héros", de Gallimard.

Une nouvelle forme, plus ludique et plus graphique, a fait son apparition chezHachette début 1997: la collection Quasar, qui comprend des livres-jeu à jouer seul (la sérieSolo) et d'autres à jouer en groupe (la série Saga). L'originalité est que les personnages crééspour jouer l'un de ces livres peuvent être récurrents.

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4 ) les Faux amis

a ) Le jeu de rôle en formation professionnelle

Le jeu de rôle est un jeu de simulation, et l'un des objectifs premiers de la simulation,depuis les jeux de guerre des élèves officiers de l'armée prussienne jusqu'aux pilotesmodernes, est la formation et l'entraînement. En demandant aux participants d'imaginer, devisualiser chaque situation où les place le scénario, le jeu de rôle ludique peut égalementdevenir un excellent outil pédagogique

Les premiers à l'utiliser furent des animateurs de formation professionnelle, de deuxfaçons :

� Jeu de rôle ludique à but pédagogique et de communication

Un scénario de jeu de rôle place un groupe de personnages face à des problèmes àrésoudre. Il faut sans cesse trouver les meilleures solutions, choisir les options les plusefficaces ou les plus rapides, mais aussi attribuer à chacun les tâches les plus adaptées auxtalents de son personnage, collaborer quand c'est utile. Bref, il s’agit de mettre en évidencedes qualités et une certaine combativité qu'un directeur attend de ses employés dans le cadrede leur travail.

Le plaisir du jeu est une motivation puissante pour redonner à une équipe le goût del'obstacle surmonté, pour faire passer de façon attractive la découverte de nouvellestechniques... à condition que le meneur de jeu/animateur soit également ludographe,c'est-à-dire créateur de jeu. Il doit en effet intégrer à son jeu de rôle un "jeu dans le jeu" afinde faire passer les connaissances qu'il veut inculquer aux participants, le tout sans nuire à sonenseignement par des règles trop ardues.

Rien de tel également pour restaurer (ou instaurer) une communication entre descollaborateurs habituellement repliés sur leur travail. Les participants agissant dans le jeu autravers de personnages, les blocages causés par un rapport hiérarchique ou une timiditénaturelle s'oublient, et le dialogue s'établit plus rapidement que par d'autres types derencontres. Seul handicap, on ne fait jouer à chaque partie qu'une poignée de personnes.

� Jeu de situation

A l'opposé du cas précédent, le jeu de situation penche plutôt du côté thérapeutique queludique. Il s'agit de décoincer des rapports grippés dans un service ou entre divers servicesd'une entreprise.

La méthode la plus simple consiste à demander au groupe de remplir une tâche habituelle,mais à chacun d'assumer le rôle d'un autre des collaborateurs impliqués. Le meneur de jeudemande à chacun ce qu'il fait, et annonce les conséquences. Les participants peuvent alorsréaliser les problèmes de leurs collaborateurs, et voir que leur tâche n'est pas si simple.Le meneur de jeu doit avoir de véritables talents d'animateur, de bonnes données depsychologie et avoir étudié au préalable le fonctionnement de l'entreprise concernée.

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b ) Le jeu de rôle en psychothérapie

Il existe depuis les années 20 et les travaux de Moreno, des techniques de psychothérapie degroupe nommées "jeux de rôle". Des patients sont réunis autour d'une table par lepsychothérapeute, qui va les pousser par le biais d'un récit ou de personnages imaginaires, àse raconter, se heurter, afin de casser leurs blocages et de leur faire révéler des élémentsinconscients. Le thérapeute fait un travail paradoxal, puisqu'il manœuvre les participants pourfaire monter la tension, tout en maîtrisant le groupe pour éviter les débordements.

Ces jeux de rôle-là n'ont rien de ludique, et on comprend que ceux qui les pratiquents'inquiètent, en entendant le terme "jeu de rôle", s'ils imaginent que des jeunes jouent uneversion édulcorée de cette technique de psychothérapie.

Le terme original anglais est à cet égard plus explicite. Dans ''role playing game sontjuxtaposées les deux facettes du jeu :• « game » c'est le jeu avec des règles,• « play » c'est à la fois le jeu de l'enfant avec son jouet et celui de l'acteur, du musicien.

Autrement dit, il s'agit d'un jeu de société où l'on joue... à jouer un rôle. Un doublesens difficile à traduire.

II ) Etude comportementale

1 ) Les apports du jeu de rôle sur le développement de l’individu

Instructif pour ceux qui veulent y jouer avec sophistication, défoulant pour les autres,facteur de communication pour tout le monde, le jeu de rôle présente des avantagesintéressants qu'on peut chercher à développer et des inconvénients et difficultés dans sapratique, qui est - il faut le reconnaître plus complexe qu'une partie de 421.

A ) les aspects bénéfiques

a )Le développement intellectuel

Catégories socioprofessionnelles

Si le jeu de rôle a connu un tel succès depuis plus de vingt ans, c'est qu'il répond à uneattente du public. Un public aux origines et aux âges trop variés pour qu'il s'agisse d'un simplephénomène de génération. Car, si la majorité des joueurs se situe entre 15 et 25 ans(22 % deLycéens ; 38,5 % d’étudiants (sondage Casus Belli Echos 1995)), environ un tiers d'entre euxcontinuent à jouer dans la vie active (30 % d’actifs), et jouent encore à plus de 40 ans. Danscette dernière tranche d’âge, il est à noter que la répartition de l’effectif se fait en deux blocs :

* cadre et professions intellectuelles supérieures (38,5 %)* Ouvriers et employés (37,5 %)La quasi-totalité de l’effectif étant salarié.

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Chez les lycéens, la grande majorité des joueurs est en filière scientifique alors que lesprincipaux cursus universitaires sont les études de sciences sociales, de physique-chimie et lesétudes de droit (Laurent Trémel, Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia les faiseurs demondes ; PUF). Il est à noter qu’un fort pourcentage des étudiants est en école d’ingénieur oude commerce même si lors de son étude, Laurent Trémel n’en tient pas compte.

De plus le sondage casus Belli Echos de 1995 montre que les joueurs sontmajoritairement issus d’un milieu socioprofessionnel élevé (60 % des pères sont cadres ouprofessions intellectuelles supérieures ; 32 % chez les mères). Une autre partie de ce sondage(profession des grands parents) montre que les parents des joueurs ont connu dans leurmajorité une mobilité sociale ascendante, de manière quasi symétrique pour le père et la mère(50 % des « fils » d’ouvriers dans l’industrie ou l’artisanat sont devenus cadres) ce qui est àl’opposé de l’ouvrage de Claude Thélot (1982) et de l’enquête de l’INSEE de 1993 repris parLaurent Trémel (69 % des enfants se maintiennent dans la position de leurs parents alors que6 % peuvent espérer atteindre la « classe supérieure »). Cet héritage socioprofessionnelpermet-il aux joueurs, de part leur activité, de suivre le même exemple que leurs parents, laquestion est toujours en suspens. (Voir annexe 4)

Activité des rôlistes (CBE 95)

sans réponse

Collégien

Lycéen

Etudiant

Actif

Profession des actifs (CBE 95)

Cadres et professionsintellectuelles supérieures

ouvriers et employés

divers

0

10

20

30

40

50

60

70

Filière scientifique Filière scienceéconomique

Filière lettre

Etude secondaire

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De l’utilité de la lecture

Etre un bon joueur ou un bon meneur de jeu suppose de bien connaître les règles, maisaussi les menus détails triviaux de la vie de tous les jours, dans l'univers qui sert de thème aujeu. Une partie de ces informations « encyclopédiques » est en général fournie en annexe desrègles, mais la plupart des joueurs vont par la suite chercher, dans les encyclopédies ou leslivres d'histoire, les détails qui pourront leur servir à mieux placer l'ambiance (par l'emploid'un vocabulaire historique), ou à mieux sortir d'une difficulté du jeu par une utilisationastucieuse de leur environnement.

Si la France est sans doute le pays qui a le plus publié de jeux de rôle originaux dequalité, force est de constater que les jeux leaders sont, en général, d'origine américaine. Lesrôlistes les plus passionnés (un sur cinq environ) n'hésitent pas à se lancer, même avec unniveau d'anglais moyen, dans la lecture des jeux ou de leurs suppléments en versionanglo-saxonne, dans la mesure où certains de ces produits ne seront traduits en français quebien plus tard ou le plus souvent jamais.

Beaucoup de jeunes ne savent pas lire une carte ou un plan, visualisent mal leséchelles, les orientations, les distances. Les joueurs de JdR utilisent et recopient fréquemmentdes cartes et des plans, et leur utilisation devient naturelle.

Souvent, la première rencontre des jeunes avec le jeu de rôle passe par les "Livres dontvous êtes le héros". On a pu voir dans des collèges des élèves instables et ayant des difficultésà lire, s'organiser, mettant leur nom au crayon sur la page de garde à la suite de la liste déjànotée, afin de prendre leur tour dans la file des lecteurs de ces livres qui ne repassaient quebrièvement par la bibliothèque du collège. Mais encore au sein d’un même cercle de joueursles nouveaux romans ou « source book » (entendons par là, ouvrage de référence sur un sujetparticulier) passent de mains en mains afin que chacun puisse les connaître, s’en inspirer lecas échéant mais surtout acquérir en même temps que le groupe un nouveau pan de la culturecommune.

Un scénario étant une histoire que les joueurs découvrent et modifient, il ne sert qu'unefois avec un groupe donné. Lors de la partie suivante, il faudra en proposer un nouveau. Lesmeneurs de jeu, qui jouent régulièrement, sont donc obligés de faire feu de tout bois : le plussimple est d'acheter des scénarios tout faits proposés dans le commerce. Mais il n'en paraît passuffisamment pour suivre le rythme de jeu. Le MD doit alors écrire ses propres histoires, puisen formaliser la trame pour s'y référer en cours de jeu. Qu'il s'agisse de notes et de schémas oude textes rédigés, il fournit donc un travail d'écriture important

L'adaptation de scénarios ou de livres

Lorsqu'il a l'angoisse de la feuille blanche, ou des doutes sur ses capacités à imaginerdes intrigues rocambolesques, le Maître du jeu peut créer ses scénarios en panachant desidées glanées dans diverses sources (romans, BD, films, documents historiques, encyclopédieset souvent à partir de scénarios tirés d’autres jeux). Une fois ces idées rhabillées et renduescohérentes par un argument original, il y a peu de chance que les joueurs ne devinent qu'ilsbutent sur une situation qu'ils ont parfois lue ou vu récemment !

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Dans ce travail, on constate que de nombreux MJ en profitent pour s’approprierquelques tournures d'écriture chez les auteurs qui les inspirent.

Il est à noter que l’interaction auteurs de roman – auteurs de jeux de rôle (autant pourles règles que pour les scénarios) est importante. Citons Margaret Weis et Tracy Hickman quiécrivent régulièrement des scénarios pour AD&D et des romans d’héroïque Fantaisie à succès(comme le cycle Les Portes de la mort (7 volumes) ou LanceDragon issu directement del’univers d’AD&D).

Mais n’oublions pas que certains jeux de rôle sont directement tirés de roman commele jeu de rôle des terres du milieu (J.R.R. Tolkien), Elric et Hawkmoon (de MichaelMoorcock) ou encore l’Appel de Cthulhu (de HP. Lovecraft). Et inversement, de nombreusesmaisons d’édition demandent à des auteurs d’écrire des romans ayant pour cadre leur jeu derôle principal comme (Shadowrun, Vampire la mascarade, AD&D …).

Le calcul mental

Nous avons de moins en moins l'occasion de pratiquer le calcul mental, et pourcertains jeunes, c'est une activité cérébrale inconnue. Pourtant, lorsqu'en cours de jeu, unpersonnage a un pourcentage de chance de réussir son escalade "égal à trois fois sadextérité, plus 8 points de bonus dus à son équipement, plus 5 autres points dus au fait qu'il adéclaré agir avec précaution, moins 10 points de malus parce qu'il pleut", il ne lui faut engénéral que deux ou trois secondes pour annoncer son score sous peine de ralentirconsidérablement le jeu (imaginez pour la résolution d’un combat , il faut un jet de dés paraction et chaque période de jeu de 5 secondes peut en contenir de 1 à 5 par joueur).

b ) Le développement de l’imagination

D'une bonne partie de jeu de rôle, les joueurs gardent le souvenir d'une sorte de film enrelief et "odorama" dont ils auraient été les acteurs principaux. Ce sont des moments qu'onaime vivre, qui rendent bavards les moins loquaces, et dont on se remémore après coup lesmeilleurs passages.

Lorsque le MD leur a fait jouer un scénario du commerce, un des plaisirs des joueursest de comparer leur aventure avec un autre groupe ayant joué le même scénario : leur façonde résoudre un problème, de faire face à une situation. Ils enragent parfois après eux-mêmes,lorsqu'un indice important leur a échappé et a fait bifurquer le récit, dès le début, dans unedirection différente, bien moins passionnante que celle prévue au départ !

Lorsque le scénario a été conçu par le MD, les joueurs motivés peuvent s'amuser àjouer les "coauteurs", en y ajoutant leur touche. Au lieu de suivre l'intrigue en tentant de ladénouer au plus vite et au plus simple, ils peuvent en saisir les meilleures idées, les scènes lesplus palpitantes, les situations les plus riches en possibilités, et se lancer dans des actions(cohérentes avec leur personnage) qui vont rajouter des intrigues secondaires, des chapitres

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imprévus par le MD (article Le Monde 13 octobre 1988 de Thierry Billard et PhilippeBernard ; article de La Croix du 18 et 19 octobre 1998 de Marion Marcout).

Il n'est pas rare que, au cours d'une aventure particulièrement riche enrebondissements, l'un des participants prenne des notes en cours de jeu, et en écrive le récitpar la suite, profitant des possibilités d'édition offertes par la micro-informatique pour en"imprimer" un exemplaire pour chaque joueur...

D'abord le MD.Il fait vraiment œuvre de scénariste. Il n'imagine pas seulement l'histoire, il doit en

plus lui donner un rythme en alternant scènes d'enquête et d'action. Il doit aussi y insuffler uneâme, un thème motivant, de l'originalité, des personnages secondaires, amis ou ennemis, auxpersonnalités travaillées, certains avec des caractères nuancés, d'autres d'un seul bloc...

Metteur en scène, il doit par son ton, ses gestes, faire passer l'ambiance de la scène,l'attitude des personnages qu'il joue (une soirée mondaine, une tempête nocturne dans uneforêt, la panique lors d'un incendie, etc.).

Conteur, il doit fournir en un minimum de mots la description de chaque scène, en yglissant les indices qui vont permettre aux joueurs d'avancer sans que ces indices soient nitrop voyants, ni trop noyés dans d'autres détails superflus.

Durant le jeu, à la fin de la partie, et dans les jours qui suivent, lorsque les joueurs luien reparleront, il aura alors la sanction de son public: a-t-il bien maîtrisé la partie ? Sonscénario était-il entraînant, bien mené ? Les joueurs ont-ils joué sans voir le temps passer, ouse sont-ils ennuyés ? En reparlent-ils entre eux comme on commente un bon film, oudécortiquent-ils son intrigue en critiquant les incohérences? Ont-ils tous pris du plaisir à jouer,ou bien seuls les plus vieux (ou les plus jeunes) ont-ils accroché au thème de l'aventure ?

Et le rôle des joueurs ?

Leur tâche est plus facile. La préparation du personnage, même si on prend le tempsde lui donner un peu de corps, reste rapide. Par contre, au cours du jeu, l'attitude des joueursest importante. En donnant à leurs personnages quelques traits saillants (un léger accent, depetites manies, des expressions types), ils vont déjà ajouter une coloration à la partie. Maissurtout c'est de leur présence d'esprit, de leur curiosité, de leur motivation à résoudre lescénario que naît le rythme de l'aventure

Tous les joueurs ne se valent pas, et pour un MJ, un groupe de joueurs rodés et enforme, cela signifie un jeu fluide, une exploration des diverses pistes, peut-être des initiativesimprévues, sur lesquelles il devra improviser, mais qui lui apportent un élément de surprise. Sien plus certains joueurs sont aussi à l'occasion MJ, ils lui faciliteront le travail, en lui évitantsi possible des situations qu'ils savent lourdes à gérer. Au contraire, avec des "patates decanapé", des joueurs passifs, il faudra insister lourdement sur les bonnes pistes sous peine deles voir patauger. Des PNJ travaillés avec amour seront ignorés, des scènes censées donnerlieu à des tirades dignes de Cyrano seront jouées en deux phrases et une poignée desecondes... On retrouve ici la répercussion du public sur la prestation des acteurs de théâtre,ou plus encore de café-théâtre.

A l'inverse, avec la meilleure volonté du monde, de bons joueurs ne pourront rendrepassionnant un scénario mal ficelé ou mal mis en scène si c'est le MJ qui manque depanache...

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c ) La socialisation

Jeu, pédagogie, travail, l'ordinateur est partout. La page humoristique d'un magazinede micro informatique avait reproduit douze fois le même dessin, un homme devant sonécran, avec chaque fois une légende différente : comptable au travail, musicien au travail,dessinateur au travail, artisan au travail, homme en train de s'instruire, homme en train de sedistraire...

Si l'on ajoute le temps passé devant l'ordinateur et celui devant la télévision; il devientprimordial de se ménager des activités d’où l'écran cathodique est absent ! Car on voitapparaître, chez les plus jeunes, ce réflexe conditionné : si ce n'est pas sur un écran, c'estforcément moins intéressant. Le jeu de rôle arrive très bien à faire mentir cette tendance.

Le jeu de rôle étant une activité « statique » se déroulant autour d’une table et dont leprincipe d’interaction entre les individus est avant tout verbal, il est possible pour desadolescents « physiquement handicapés» de se socialiser. En outre, il est possible à un groupede joueurs disparates de se rencontrer dans un club de jeu ou une convention et ainsi departager leurs expériences propres.

Tout cela pour dire que le jeu de rôle est le point de rencontre entre la lecture d'unlivre, la vision d'une fiction télé (actes solitaires et relativement passifs), la vision d'un film aucinéma ou d'une pièce de théâtre entre amis (sortie conviviale mais qui peut vite se révélercoûteuse) et la participation à de tels spectacles en tant qu'acteur : ce qui soudain, même enamateur, implique un investissement en temps, en travail et en talent, particulièrementimportant.

En fait, le jeu de rôle permet de concilier l'envie de moments de convivialité, qui semanifeste d'ailleurs dans d'autres jeux, avec le goût pour les histoires et l'aventure desgénérations précédentes, dont les loisirs principaux étaient la lecture, le cinéma ou les sériestélé. Cette culture a suscité bien des vocations d'écrivain et/ou de metteur en scène (voirannexe 2), vocation contrariée par des études et des carrières plus terre à terre. Cettegénération, frustrée dans ses envies, a trouvé dans le jeu de rôle l'occasion de continuer às'exprimer. Car que voit-on, autour d'une table de jeu réunissant un Maître de jeu qui joue,depuis plusieurs années, et rédige lui-même ses scénarios, et des joueurs expérimentés d'âgesdivers : un film sans décor ni costume mais un film tout de même.

B ) Les points faibles

a ) La classification par le « Profane »

Nous sommes prêts à investir des trésors de curiosité et d'apprentissage dans lesdomaines qui nous passionnent, mais nous avons souvent tendance à mettre une étiquette surtout ce qui n'est pas de notre domaine, sans y consacrer plus qu'un vague regard.

Le jeu de rôle va à l’encontre de ce principe de part sa diversité (tant du jeu lui-mêmeque par les différentes interprétations qui en sont faites par les joueurs). Un premier coup

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d’œil sur une table de jeu ne suffit pas à saisir ce qui se passe. Un deuxième non plus. Untroisième, cherchant un repère familier vers le livret de règle, ne fait qu'ajouter à la perplexité.

On relève alors trois sortes d'attitudes : la curiosité, la personne s'approche et n'hésitepas à distraire un joueur pour demander "à quoi jouez-vous ?" ; la fuite, la personne n'insistepas et part avec un haussement de sourcil, ou le collage de la première étiquette venue àl'esprit : "c'est un jeu de petits soldats", "c'est un wargame, comme dans le film du mêmenom", "c'est un genre de théâtre", "c'est un genre de jeu de questions"… .

Il faut reconnaître un certain courage à celui qui cherche à comprendre, car plusieursobstacles peuvent le décourager :� Il est facile de saisir l'intérêt du jeu en y jouant, beaucoup plus difficile en se le faisant

expliquer� N'ayant pas forcément réfléchi avec le recul nécessaire à leur passion, les rôlistes ne

savent pas par quel bout commencer leurs explications, et mêlent confusément les thèmes,les règles des jeux qu'ils préfèrent, et le plaisir du jeu en général ; l’intéressé est, dans cecas, soit intrigué au point de jouer ou de suivre la partie, soit horrifié et il prend la fuite enclassant ce loisir dans les « jeux de fou ».

� Les thèmes, justement, font partie de la culture d'une fraction de la population, dont lesplus vieux avaient au maximum l'âge étudiant vers 1980, et se sont frottés à lascience-fiction, au fantastique et surtout à l'heroic-fantasy, genre typiquement anglo-saxonentré en France avec le succès du Seigneur des anneaux. Tout un référentiel qui manque àla génération nourrie de Club des Cinq, de Maigret ou d'Arsène Lupin, ce qui n'aide pas àla compréhension du jeu, souvent caché par son thème.

b )Les aspects problématiques du jeu de rôle

Le jeu de rôle est un cocktail de principes ludiques de natures diverses, dont la finalitéest de réaliser une sorte de récit. Comprendre comment ça marche, comment jouer, commentbien jouer, demande de saisir ces quatre ou cinq grands principes l'un après l'autre, et d'enfaire la synthèse, puis de voir comment cela s'applique dans les divers cas de figures du jeu.

Ces grand principes s'assimilent facilement en jouant une partie avec des joueurs. Maissans aucun modèle autour de soi, on reste tout aussi facilement perdu devant les règles. On vamême être tenté de comprendre de travers en voulant trop rapprocher les règles qu'on litd'autres jeux que l'on connaît.

Une partie dure de 4 à 8 heures. Il faut au MD de 2 à 4 heures pour préparer lescénario du commerce ; de 6 à 12 heures pour concevoir un scénario original à partir desources diverses. Et il vaut mieux prévoir deux à quatre soirées pour lire et comprendre unerègle lorsqu'on découvre un jeu nouveau. Le jeu de rôle est gourmand en temps, et il vautmieux le savoir.

Se plaisant à jouer les mystérieux (langage, lecture …), les rôlistes se retrouventparfois un peu plus isolés qu'ils ne le désireraient des groupes dont ils font partie : milieuscolaire, fac…

Un isolement qui, s'il n'est pas perçu et tempéré par les intéressés eux-mêmes, peut lesfaire passer pour des marginaux et leur valoir méfiance ou hostilité. Mieux vaut éviter à cessituations de se développer, car non seulement être coupé des autres est toujours néfaste, mais

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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en plus, le groupe peut attirer, à son grand dam, des gens fascinés non par le jeu, maisuniquement par la marginalité (ce sont ces individus qui sont dangereux).

Pour un joueur qui s'investit dans le jeu de rôle, la découverte de ses possibilités estune source d'enthousiasme apparemment intarissable qui peut durer plusieurs mois, périodequi inquiète parfois ses proches. Mais, passé ce délai, le joueur mordu commence à prendre savitesse de croisière, à jouer un peu moins, et à retrouver ses autres centres d'intérêt, àcondition qu'il ait d'autres centres d'intérêt ! C'est le moment d'en (re)trouver, sous peine de levoir se polariser uniquement sur le jeu de rôle pour une durée indéterminée. Notons que lemeneur de jeu consacre forcément plus de temps à cette passion que les "simples joueurs" quià chaque partie arrivent et mettent les pieds sous la table.

Lorsque les joueurs scolarisés ne disposent pas d'une longue période pour jouerensemble une partie complète, surtout dans les premiers temps, ils la fractionnent en quatre oucinq morceaux d'une heure (le midi par exemple) afin de vivre pleinement leur loisir. C‘estune mauvaise chose, le jeu n'ayant pas alors un début ni une fin bien définis, les discussionsou la réflexion autour du jeu continuent durant les heures de cours et nuisent à laconcentration. Ce phénomène est surtout présent chez les jeunes joueurs (collégiens) ; maisles joueurs néophytes plus âgés (lycéens ou plus particulièrement étudiants) arrivent à mieuxgérer cette situation.

c ) Le détournement du jeu et ses vrais dangers

Comme on l'a vu plus haut, le jeu de rôle mêle et superpose divers principes de jeu.Lorsqu'ils viennent juste de découvrir le jeu de rôle, ou lorsqu'ils sont hors de tout contrôle(parents, encadrement, ou plus généralement opinion d'autres groupes de rôlistes), des joueurspeuvent être tentés de se réapproprier certains principes qui les ont séduits, et d'abandonner lecadre du jeu et des règles pour ne garder que l'aspect "se raconter des histoires dont on est lehéros". Dans ce cas, s'ils se contentent de réinventer le monde où se déroulent les aventures, ladémarche est plutôt créative. Elle peut être problématique si un groupe décide de modifieraussi les règles, voire des les abandonner.

On sort alors du cadre du jeu de rôle, et la réalité du jeu (la référence commune surlaquelle les joueurs se fondent pour estimer à l'avance les conséquences de leurs actions dansle jeu) cesse d'être celle d'un jeu ou d'une œuvre littéraire publiés et donc connus etsusceptibles d'être critiqués, mais peut devenir celle du meneur de jeu ou d'un joueur plusexpansif. On est alors plus du tout dans un jeu de rôle ludique, mais on revient plutôt dans lejeu mimétique des enfants. Ce jeu se déroulant souvent dans l’univers réel mais reprenantsouvent les mécanismes des romans de science fiction peut aboutir à toute les bavures etparfois au meurtre ( article Le Monde du 29 janvier 1997 de Marie-Claude Decamps et deLibération du 10 juin 1994 de J-H A. ; article Télérama 30 novembre 1994 de VincentLeurch).

Il est donc important d'insister sur le respect des règles, même si elles ne sont pastoujours parfaites, même si on ne s'en sert pas en permanence et aussi sur le debriefing cettediscussion de fin de partie entre joueurs et MD, où celui-ci leur indique les indices et lespistes qu'ils ont manqués ou au contraire bien choisis, qui replace l'aventure jouée dans lecadre du jeu (le joueur a-t-il bien géré les possibilités de son personnage, le groupe a-t-ilutilisé la meilleure tactique dans telle ou telle scène? ) Et surtout il marque la fin de la séance,la fin du jeu.

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2 ) La polémique autour du jeu de rôle

a ) la polémique crée par les Médias

L’image négative du jeu de rôle, véhiculé par certains médias, provient d’uneméconnaissance du sujet. Fait divers dramatique, mise en accusation dans certaines affaires(Istres, Carpentras ou encore Toulon…), émissions de vulgarisation versant dans lesensationnel, tout est bon pour présenter le jeu de rôle comme sulfureux. Paradoxalement, ilest peu connu des journalistes voire confondu avec le jeu de rôle thérapeutique du professeurMoreno.

On peut s’étonner, alors, qu’une activité faisant l’objet d’autant d’articles (le premierparu en 1980 dans la presse spécialisé en jeu de réflexion, suivi en 1984 dans la presse localeet en 1988 dans la presse nationale- plus de 110 articles) soit tant méconnue. En fait,l’investissement, en temps et en ressource, considérable pour tenter d’apprécier la valeur dujeu de rôle, empêche son étude approfondie ou sa diffusion à grande échelle (des étudesuniversitaires sont menées mais peu diffusées). Seul le milieu professionnel tente d’expliquer,en toute connaissance de cause, ce loisir mais son point de vue est suspecté de subjectivité.

Alors pour parler de ce sujet dans un article ou une émission, l’on se repose sur desrumeurs, des suppositions, des idées préconçues et surtout sur les échos américains, ceux duDocteur Radecki, de la National Coalition on Television Violence et de la BotheredAgainst Dungeon and Dragon (inquiétés par Donjons et Dragons), qui accusent le jeu derôle d'être responsable d'une cinquantaine de suicides d'adolescents. Sur les 51 cas recenséspar le B.A.D.D. en l’espace de cinq ans, 28 seraient peut-être liés à une pratique du jeu de rôledevenue obsessionnelle.

Et effectivement, si l’on regarde le jeu de rôle sous cet angle, on peut le qualifier dejeu dangereux et modelant des psychopathes.

Incitations à la violence, au vol, au meurtre, au suicide... « pathologie déclenchée parle jeu de rôle » (Dr Jean Marie Abgrall) trempées dans le vitriol, certaines plumes attribuentau jeu de rôle des termes habituellement employés pour évoquer une tragédie humaine.Jamais un jeu n'avait suscité un tel déferlement de qualificatifs

Les attaques combinent articles relatant des faits divers de joueurs (suicides,agressions, mises en cause dans la profanation de cimetière …) et études de fond. Ilsmélangent allègrement jeu de rôle, Grandeur-Nature, Killer, ou toutes autres activités plus oumoins semblables.

Ainsi pour l’affaire de Carpentras, L’express présente les jeux de rôle comme suit : « ils s’inspirent de satanisme, de légendes médiévales, mais aussi d’un fatras idéologique ous’entremêlent croix celtiques et délire nasillons. Bref, un culte de l’horreur susceptible dedéraper à tout moment… » (l’express du 4 mai 1995 : « les trois mystères de Carpentras »).Des joueurs sont mis en cause dans cette affaire et Paris Match titre : Carpentras, Celle quiose témoigner (9 mai 1996 de JM Bourget) : « à cette époque, des adolescents de Carpentrasse livraient à des distractions dangereuses ; les jeux de rôle. Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990,les joueurs ont profané le cimetière juif (…) et déterré le corps de M. XXXXX ».

Il semble aujourd’hui, pour bon nombre de personnes, y compris le lieutenant Jean-Hugues Matelly, adjoint au commandant de la section d’enquête de Nîmes, en charge de cetteaffaire et joueur lui-même, que le jeu de rôle n’a été qu’un bouc émissaire utile à unesurenchère médiatique qui s’est terminée par la mise en examen de 4 skinheads néo-nazis ( LeMonde du 2 août 1996).

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Cette affaire grandit après l’agression d’un professeur, à Istres, en mai 1995, seul acteréellement imputable à un joueur de jeu de rôle en France (le Figaro des 10 et 20 mai 1995 ;Le Point 20 mai 1995 ; Le Monde 12 mai 1995), relance le débat autour du jeu ; ces troisarticles décrivent un adolescent au-dessus de tout soupçon mais auquel la pratique du jeu derôle a fait perdre la tête jusqu’à commettre l’irréparable. Dans ce cas précis, les responsablesde l'établissement ont donné aux élèves et aux parents toute l'information nécessaire, et ontorganisé le débat entre élèves joueurs et non joueurs sur ce qui s'était passé. Cette analyselucide et objective a permis au club de jeu de rôle de continuer son activité avec l'assentimentde tous.

De plus représentant la plus grande part des fait divers, il y a le suicide mais jusqu’iciaucun lien tangible n’a été trouvé entre suicide et jeu de rôle ( des non joueurs se suicident ettous les joueurs ne se suicident pas). Cependant le cas de Christophe Maltese qui pratiquait, ilfaut le rappeler, une forme de Grandeur-Nature sans cadre ni règle pose problème. Mais faut ilpour autant interdire le jeu de rôle et brûler les livres comme le prônent ses parents ? (le Pointdu 20 mai 1995 ; Femme Actuelle du 26 août 1996 : interview de Vincent Maltese).

Ce qui est en cause, c'est la pratique d'un jeu par des individus présentant desdifficultés de contact avec autrui. Un adolescent fragilisé par un milieu familial instable peut,en jouant des personnages, se trouver pris dans les « mailles de l'imaginaire ». Tous les mauxsont généralement attribués à une innovation modifiant un mode de vie ou de communicationet entraînant une perte de l'influence des parents sur leurs enfants. C'est le cours normal deschoses. Les parents supportent mal que leurs enfants leur échappent.

Par le jeu de rôle, l’on peut considérer que le joueur est en danger, à (image d'un jeunetoxicomane, s'il vit dans un milieu familial difficile). Jouer un rôle peut alors conduire « àune identification radicale » et l'adolescent peut se couper du réel.

En revanche, les spécialistes interrogés s'accordent pour considérer que l'exercice dujeu de rôle, dans de bonnes conditions, fait considérablement évoluer les adolescents. Joueurs,ils découvrent leur propre personnalité en incarnant des personnages successifs. Meneurs dejeu, ils font travailler leur imaginaire, lisent, effectuent des recherches... une démarche donton les accuse bien souvent d'être incapables. Bruno Bettelheim énonce la même idée en cestermes : « Les aventures simulées dans ces jeux de fiction, où le hasard a sa part, permettentaux enfants d'édifier leur personnalité. »

En définitive, c'est donc au joueur et à son environnement de prendre le recul suffisantpour apprécier la valeur de cette forme particulière de jeu qu'est le jeu de rôle. La définitiondu jeu, selon Jean Cocteau, résume parfaitement cette conclusion. Le jeu, «c’est apprendrejusqu'où on peut aller trop loin ».

Citons enfin : « en 17 ans d’existence du jeu et plus de 200 000 pratiquants, deuxagressions de professeur et un cas de suicide posent problème. Statistiquement donc, R.A.S.Pas plus de suicide que chez les footballeurs (…) » (Le Monde 30 juillet 1996).

Symptôme d'un loisir qui monte, la sortie du magazine Casus Belli en kiosque en 1985avait amorcé dans la presse généraliste une série d'articles informatifs sans parti pris sur le jeude rôle, ce nouveau et étrange loisir. Puis les projecteurs étaient partis ailleurs, et le jeuretombé dans la pénombre.

En 1993, la mort d'un adolescent, dans un internat d'Amiens, tué par le pistolet àgrenailles dérobé à ses parents la veille, fut classée un peu trop vite et sans que desresponsabilités aient été clairement définies. Pour ses parents, non seulement il ne pouvait pass'agir d'un suicide, et même si c'était le cas, ils étaient persuadés que le jeu de rôle, que lejeune homme pratiquait à outrance, était la cause de son geste.

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En butte à de nombreux obstacles et pour en savoir plus, ses parents ont alors faitappel aux médias pour manifester leur désarroi : d'abord la presse puis la télévision locale,jusqu'à des émissions comme Témoin N°I (Télérama du 25 septembre 1996) et surtout Bas lesMasques du 11 octobre 1995 (Attention jeux dangereux) émission qui se servit d'eux plusqu'elle ne les servit, en délivrant un message aussi alarmiste qu'outrancier : en gros, les jeuxde rôle pouvaient parfois être aussi dangereux qu'une secte. Cette émission fut dénoncéecomme une vision partiale et déformée par certains magazines télé (Télérama mettra en doutel’intégrité journalistique de cette émission), épinglée dans le courrier des lecteurs par desmères de joueurs exaspérées par le portrait du joueur présenté. Elle n'en avait pas moinsdélivrée sa propagande dans des millions de foyers confiants... il faut noter que les parentsMaltese présents, lors de cette émission, et voulant dénoncer une certaine pratique du jeu derôle ont vu leur message plus ou moins déformé lors du montage de l’émission (4 heuresd’enregistrement pour 1 heure et 15 minutes de diffusion).

Le jeu de rôle est un, des derniers "trucs de jeunes" à la mode. C'est-à-dire le dernierphénomène en date condamné en bloc sur simple rumeur, motivant des projets de loi devantl'Assemblée, faisant suite en cela aux jeux sur informatique, aux skateboards (souvenez-vous,c'était le fléau national des années 80), aux bandes dessinées, au rock'n roll et aux automobilessi l'on remonte jusqu'à James Dean...

Difficile à expliquer et peu visuel, le jeu de rôle sur table et le jeu de rôle Grandeur-Nature sont presque systématiquement confondus dans la plupart des reportages, surtout dansun but "décoratif", ce qui ne fait qu'obscurcir le sujet.

L'effet médiatique engendre lui-même les problèmes qu'il dénonce. Des gensangoissés se croient pris à leur insu dans des jeux de rôle, des délinquants invoquent un jeu derôle pour expliquer un larcin, des jeunes perturbés attirés par l'image sulfureuse prêtée au jeude rôle se mettent à y jouer... à leur manière, souvent peu orthodoxe

Le jeu de rôle semble cristalliser des hantises ou des fantasmes puissants. Lorsque celase produit chez des personnes ayant un certain pouvoir audiovisuel, on peut assister à desdérapages graves. Ainsi, le 12 juin 1997, TF 1 a diffusé une fiction policière (dans la série Lejuge est une femme) qui était un "'décalque" assez transparent de l'affaire de la profanation deCarpentras, du moins telle qu'elle avait été "expliquée" dans Témoin N°l, désignant commecoupables des enfants de notables pris dans un jeu de rôle ayant lui-même"dérapé". Les vraiscoupables de la profanation ayant été découvert et jugés début 97, la diffusion de cette fictionprenait donc un caractère "révisionniste" grave (Télé 7 jours jeudi 12 juin 1997). II s'agissaitclairement de nier la chose jugée et de désigner le jeu de rôle et les joueurs à la vindicte dutéléspectateur. Or la productrice de cette fiction étant 1a même que celle de Témoin N°l et deBas les masques, on peut difficilement croire à un hasard...

Bref, le jeu de rôle serait donc bien un phénomène de société. Une célébritécaricaturale dont ce jeu de société se passerait bien !

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b ) Le jeu de rôle : ses hérauts, ses défenseurs

Le jeu de rôle a aussi ses bons articles dans les médias. Dans la presse généraliste oulocale, on pouvait aussi trouver des articles échappant à la caricature à la mode. Citons LaVie, le Point, l'Humanité ou, plus récemment, Femme Actuelle (la liste étant trop longue, voirla revue de presse de la FFJdR). Il est à noter que c'est souvent la presse régionale qui fut lamoins encline à relayer la "diabolisation" du jeu de rôle, pour une raison simple : plus prochedu terrain, chaque quotidien a souvent un journaliste habitué à couvrir les manifestations dejeu, qui depuis des années connaît suffisamment les jeux de rôle et les joueurs pour faire le trientre les faits et les hypothèses douteuses...

Le jeu de rôle a également ses propres hérauts : trois magazines en kiosque lui sontconsacrés (Casus Belli, Dragon Magazine, Backstab).

� Casus Belli. Lancé en avril 1980, Casus Belli doit son nom latin (qui signifie "motif deguerre") à son premier sujet de prédilection, les jeux de guerre (wargames) et les jeux dediplomatie, qui céderont progressivement la place aux jeux de rôle. Commencé comme lebulletin de la Fédération des jeux de simulation, fondé par François Marcela-Froideval,Casus Belli fut ensuite édité puis racheté par le groupe Excelcior Publication (Science &Vie), à l'époque où le magazine généraliste Jeux & Stratégie, du même groupe, dépassaittoutes les espérances de vente. D'abord distribué dans les boutiques de jeu, Casus Bellipasse en kiosque en 1985, pour son numéro 34, puis il devient mensuel en février 1996.Le magazine propose des critiques de jeux de rôle publiés dans le commerce, desscénarios prêts à jouer, des conseils techniques de jeu, et un panorama de l'activité rôlisteen France et dans les pays francophones (manifestations, clubs).

� Dragon Magazine. Créé en août 1991, ce bimestriel est la version française du Dragonaméricain, magazine officiel de TSR l'éditeur de Donjons &Dragons. Utilisantjudicieusement l'énorme iconographie de TSR Dragon Magazine se veut moins unmagazine sur le jeu de rôle que sur l'imaginaire en général. C'est effectivement la seulerevue en couleur pour les lecteurs de romans de science-fiction et de fantastique. Cetteapproche, qui mêle des textes et illustrations du Dragon US et une bonne part de créationfrançaise, concilie ainsi l'attente de deux publics entremêlés : les rôlistes et ceux qui lelisent pour le plaisir ou pour l'information sur les publications littéraires.

� Backstab. Ce magazine sur le jeu de rôle est né début 1997. Proche de Casus Belli, il s'endistingue par des critiques plus brèves laissant plus de place au visuel.

Plusieurs magazines consacrés aux jeux informatiques ou aux jeux de cartes àcollectionner proposent en outre une rubrique régulière sur les jeux de rôle.

Enfin, quelques radios locales proposent des émissions "bien installées". Uneexpérience des plus intéressantes date des débuts du jeu en France. Durant quelques mois, en1983, France Inter a diffusé une émission hebdomadaire de jeu de rôle en direct. PhilippeManœuvre actuel rédacteur en chef du magazine Rock & Folk, y animait chaque soir avecDaniel Riche, une émission de musique et de science-fiction, Intersidéral : Le vendredi, uneheure durant, l'émission devenait Intersidéral, le jeu. Deux auditeurs, reliés par téléphone,étaient projetés dans le jeu de rôle animé par Philippe Manœuvre. Magie de la radio,l'imagination suppléait à l'absence d'image. Grâce au fond sonore (prêt à être interchangé

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instantanément en fonction des actions des joueurs) préparé par le réalisateur Patrice Cresta,le jeu fut parfois plus épique qu'autour d'une table. On retrouvait en cela l'ambiance desfeuilletons radio des années 60 (Tintin, Blake &Mortimer... )..

Ludologues et sociologues.

Pour Jean-Marie Lhôte (Histoire de jeux de société, Flammarion 1994), le jeu de rôleest tout autant un jeu qu'une nouvelle approche du récit. Pour résumer son propos, les hérosdes récits antiques étaient les dieux, ceux du moyen âge étaient des héros surhumains.

Avec le roman arrive le héros très humain, d'abord à la troisième personne dusingulier, puis plus près de nous à la première( avec les livre dont vous êtes le héros). A cetteappropriation progressive du récit par le lecteur, le jeu de rôle propose une suite logique : agireffectivement sur le récit et le destin du héros que l'on incarne.

La règle du jeu intervient alors comme un cadre, un référentiel qui aide à structurerl'organisation à la fois de la partie et du récit. Pour certains créateurs de jeu, les règles sontune sorte de langage commun, qui permet, alors que chacun arrive avec son imaginaire, de"rêver" ensemble et que cela reste cohérent. Laurent Tremel connaît bien le jeu de rôle pouren avoir lui-même publié un aux temps héroïques des débuts. Ayant cessé depuis longtempsde le pratiquer, auteur d'une étude sociologique dans le cadre du Musée des Arts et TraditionsPopulaires, il peut les regarder avec le recul nécessaire. Pour lui, en dehors d'un niveauscolaire minimum, rien ne distingue le jeune rôliste des autres jeunes de son âge. Sorti du jeu,il partage les mêmes goûts et les mêmes références que ceux de sa classe d'âge, mais aussi lesmêmes angoisses sur son avenir...

Tout au plus peut-on distinguer une partie des rôlistes pour qui le jeu est un exutoireface à la pression des études, à l'attente scolaire des parents ;pour eux le jeu de rôle est unefaçon efficace de s’évader.

L'avis des psychothérapeutes.

L'attitude des psychothérapeutes dépend de leur connaissance du jeu. Ceux qui leconnaissait avant d'endosser la blouse du praticien ne pensent généralement pas qu'il puisseavoir une influence déterminante sur la perception du réel ou sur des pulsions morbides.D'autres sont réservés ou hostiles, une hostilité en général basée sur une méconnaissance dujeu de rôle ludique, sur lequel il n'existe quasiment pas d'étude scientifique. Le fait qu'il existeune psychothérapie nommée "jeu de rôle", décrite en 1920 par Moreno, contribue à semer letrouble.

Pourtant, pour le Dr Chantal Bonnes-Magdalena (psychiatre à Sainte-Anne, à Paris,interrogée par La Croix), « si certains jeunes ont commis des violences, c'est qu'ils étaient parailleurs déjà fragilisés sur le plan psychologique. Sur le plan psychiatrique, on ne peut pasdire aujourd'hui que le jeu de rôle favorise le passage à l'acte » ou encore dans le JournalInformation Médecin (26 octobre 1994) : « Dans un jeu de rôle on peut concrétiser unepensée, la réaliser, voir ce que l’on ressent alors. Mais ceci n’induit aucune pathologie ».

Et, pour Olivier Ginoux, pédopsychiatre cité par le Journal Information Médecin (26octobre 1994), « Le jeu de rôle permet à un adolescent de faire des expériences sans risque :expérience de la mort, de la bagarre, d’une situation extrême… et même de l’immortalité,puisqu’il est possible de créer de nouveaux personnages. Il peut ainsi expérimenter desqualités qui ne sont pas les siennes »

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Si la pratique du jeu de rôle ne présente, en elle même, aucun risque, lorsqu’elle estencadrée au sein de limite bien établie, tant physique que psychique, il ne reste donc plusqu’un seul facteur dangereux, que l'on retrouve aussi dans la musique, le sport et autresactivités : l'influence du groupe avec lequel on partage cette activité.

Difficile pour les parents de savoir quelle attitude adopter, lorsque leurs enfants jouentau jeu de rôle. Une bonne source d'information peut être le vendeur d'une boutiquespécialisée, qui peut montrer les divers jeux, présenter des joueurs, donner un avis critique etdes conseils.

Enfin, discuter du jeu avec ses enfants est une évidence, avec quelques restrictions : ilne s'agit pas de s'immiscer dans leur monde, juste de percevoir leur vision du jeu. Et il fautéviter de se focaliser sur les thèmes : chaque génération a ses héros, de préférence ceux quichoquent les parents. S'opposer sur ce point ne fait qu'accentuer les choses !

Même s'ils n'utilisent pas en classe le jeu de rôle tel qu'on le pratique autour d'unetable, les enseignants, qui connaissent bien ce type de jeu, en adaptent souvent avec succèsquelques-uns des mécanismes, pour proposer à leurs élèves une approche originale etmotivante sur un sujet ardu (le plus évident est la découverte de l'histoire).

De nombreuses ludothèques se sont créées, mettant à disposition des jeux destinéesaux très jeunes (5 à 8 ans). Ces enfants grandissant, les ludothèques suivaient le mouvementen acquérant par la suite des jeux de société plus matures. Refusant de devenir un clubd'adultes, beaucoup ont fixé une limite d'âge supérieure à leurs adhérents, souvent vers 12 ou14 ans. Or aujourd'hui, voyant le désarroi et l'ennui de nombreux ados, elles préfèrentremonter ces limites d'âge et continuer à entretenir l'intérêt ludique des jeunes. Aussi, lesresponsables de ludothèques, soit parce qu'ils en ont entendu parler dans les médias, ou dansune boutique, soit parce qu’il y a une demande des joueurs, sont de plus en plus nombreux às'intéresser au jeu de rôle, et à envisager de le faire figurer parmi leurs activités (citonsnotamment la ludothèque de Boulogne-Billancourt pour son travail sur les jeux de rôle,l’initiation des jeunes et sa grande convention annuelle).

Mais, hormis ceux ou celles qui disposent du conseil d'une bonne boutique spécialisée,les professionnels du jeu se trouvent parfois déroutés devant leur premier jeu de rôle. L'A.L.F.(Association des Ludothèques de France) a organisé des séminaires d'information sur ce sujetet les participants y arrivaient avec des demandes très variées. Après réflexion, il semble quele jeu de rôle soit peu adapté à la pratique en ludothèque, sauf si celle-ci dispose de petitessalles isolées (problèmes liés au bruit). Et même ainsi reste le problème du meneur de jeu. Siquatre joueurs veulent faire une partie de Monopoly, il suffit de sortir la boîte. S'ils veulentjouer au jeu de rôle, il faut trouver un meneur de jeu, et que celui-ci ait sous la main unscénario qu'aucun des quatre ne connaît... C'est faisable, mais cela ne s'improvise pas.

Pour ces raisons, il apparaît que la meilleure solution pour pratiquer le jeu de rôle enludothèque est de trouver d'abord un ou plusieurs meneurs de jeu (dans les clubs de la région)ou bien de les former, puis d'organiser des journées "jeu de rôle", une fois par mois parexemple.

Pourquoi y a-t-il peu de joueuses ? Pour certaines d'entre elles, le problème ne se posepas : elles jouent dans des clubs mixtes et n'imaginent pas que, dans d’autres lieux, l‘arrivéed’une joueuse soit l'événement de l'année. Dans un club déjà essentiellement masculin, lestypes de scénarios joués sont plus virils pour ne par dire machos, avec une pointe de "gore" aupassage, qui ne séduit guère les amatrices. Dans des groupes mixtes ou plus âgés, lesscénarios sont plus orientés sur l'enquête, où une approche fine des personnages non joueurspeut se révéler payante. Ce genre apparemment motive plus volontiers les joueuses. C'est dansles groupes de plus de 25 ans que l'on rencontre le plus de joueuses.

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V ) Conclusion

Avec plus de vingt ans d'existence, plus de sept cents jeux publiés, plus de huitmillions de joueurs de par le monde, le jeu de rôle est certainement plus qu'une modepassagère.

Selon les âges et les goûts, certains joueurs l'utilisent comme un simple loisiroccasionnel, d'autre en font une passion, d'autres encore s'expriment et s'épanouissent enl'utilisant comme un média, proche du métier de conteur.

Il reste, malgré certains aspects déroutants de prime abord, un moyen decommunication, d’apprentissage, de culture et de socialisation bien plus important que tousles jeux de société existants. Mais justement, parce qu’il est si riche de potentialité, il peut êtremal utilisé au même titre que d’autre média comme la télévision.

La pratique du jeu de rôle, même lorsqu’elle évoque des thèmes choquants, ne peutprésenter de réel danger que pour la personne déjà victime de troubles psychiques latents ourévélés. Pour les autres, la pratique du jeu peut être considérée dans tous ses aspects commebénéfique. Le besoin de convivialité de notre monde moderne, le besoin de s’évader dumonde réel souvent sordide, le désir de n'être plus spectateur passif de distractions lui valentla curiosité et l'intérêt de plus en plus de gens.

Malheureusement, pendant des années, plutôt que de chercher une information simpleet objective sur le sujet, c’est une certaine information journalistique, à la recherche dusensationnel, qui a prévalu. Cependant les médias, d'abord hostiles au jeu, tendent maintenantà relativiser ou à revoir complètement leur attitude. Cette mutation de la vision extérieure dujeu de rôle s’accompagne maintenant d’une transformation interne du milieu rôlistique, par lavolonté des joueurs d’ouvrir leur vision du jeu, de sortir de l'image d'un «cercle d'initiés », quiplaît aux plus jeunes.

Dans le même temps, arrivent, en position de décideurs et de parents, des générationsnourries aux thèmes (souvent anglo-saxons) les plus propices au jeu de rôle. De ce fait,l'incompréhension liée à ces thèmes et qui fausse la vision du jeu, s'estompe progressivement.

Dans un monde de plus en plus technologique, le jeu de rôle peut être une façonmoderne de retrouver l'art du conteur, un bon prétexte pour, à la fois, faire travailler sonimagination, nourrir une curiosité pour ses sources historiques, ou simplement se retrouverentre amis autour d'une table, comme tout bon jeu de société.

L’étape suivante du jeu de rôle se trouve sans doute au niveau informatique ; Déjà desjeux comme Baldur’s Gate présente un scénario ouvert et non linéaire où l’action principalepeut être entrecoupée de quêtes secondaires plus ou moins importantes. Mais c’est surtoutl’apparition des jeux de rôle en ligne où le joueur interagit, au moyen de son avatar virtuel,avec des milliers d’autres (comme l’exemple du film Avalon ) qui va démocratiser le jeu derôle. Dans un futur proche, ce genre de jeu sera remplacé par la réalité virtuelle immersive oùl’on se connectera à un monde imaginaire «réel » pour jouer seul ou en groupe.

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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Les AnnexesLes AnnexesLes AnnexesLes Annexes

Image TSR AD&D

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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Petit lexique de termes rôlistesAD&D

prononcé "adédé" : Acronyme de "Advanced Dungeons and Dragons", un jeu de rôleaméricain, le plus connu et le plus joué.

Background

Mot anglais désignant l’environnement dans lequel les personnages évoluent (géographie,géopolitique, personnages, science, etc…). Il désigne également l'historique (le passé) dupersonnage.

Campagne

Succession de scénarios visant à la réalisation d’un but par l’équipe de personnages. Unscénario trop complexe ou trop long est découpé en plusieurs scénario représentant desbuts intermédiaires et jouables en une séance de jeu. La campagne est l’ensemble de cesscénarios.

Classe

La classe du personnage est synonyme du métier du personnage (guerrier, magicien, etc.).

Critical ou Critique

Mot anglais. Cf. réussite critique.

D ou Dé

(nombre de faces) : Abréviation désignant le nombre de faces des dés utilisés dans unepartie de jeu de rôle. D4, D6, D8, D10, D12, D20, D30, D100.

Echec total

Cf. fumble.

Echec Critique

Cf. fumble.

Ecran

Cf. paravent.

Extension

Complément d’informations sur un jeu visant à préciser son fonctionnement ou à enrichirl’univers de jeu.

Feuille de personnage

Document sur lequel sont écrites les caractéristiques du personnage joué (son apparence,ses capacités physiques et intellectuelles, et ses biens).

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Fumble

Mot anglais signifiant un échec total lors de l’accomplissement d’une action, unemaladresse.

GN

Acronyme de Grandeur-Nature.

Grandeur-Nature

Raccourci de langage employé pour jeu de rôle Grandeur-Nature, un cousin du jeu de rôlesur table, qui se joue sur pied. On y joue son personnage soi-même, comme un acteur dethéâtre ou de cinéma (mais sans être limité par un script).

Grosbill

Adjectif qualifiant un joueur dont les personnages accumulent les biens et lescompétences au-delà du raisonnable, dans le seul but d’être LE plus fort, LE plus riche,LE plus célèbre…

JdR

Acronyme de Jeu de Rôle.

MJ ou MD(J)

Acronyme de Meneur de Jeu ou Maître de Jeu. La personne qui coordonne la partie.Certains jeux ont un terme spécifique pour désigner le MJ : Maître du Donjon, Gardien duRêve, Conteur, Arbitre, etc…

Module

Cf. Extension.

Niveau

Valeur quantifiant la maturité globale du personnage (savoir, sagesse, puissance, etc…).

Paravent

Plaquette cartonnée disposée sur la table entre le MJ et les joueurs afin de cacher à ceux-cile scénario de l’aventure qu’ils jouent.

Perso

Cf. PJ.

PJ

Acronyme de Personnage Joueur. Un personnage joué par un joueur. (PC en anglais).

PNJ

Acronyme de Personnage Non Joueur. Un des personnages joué par le MJ. (NPC enanglais).

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Point d’expérience

Permet de quantifier l’expérience acquise (la bonification) d’un personnage durantl’aventure.

Réussite critique

Réussite particulièrement exceptionnelle lors de l’accomplissement d’une action.

Rôliste

Joueur de jeux de rôle.

Roleplay

Mot anglais désignant les moments d’une partie de jeu de rôle où un joueur incarne ausens théâtral son personnage.

Thème

Il désigne l’ambiance et le contexte du jeu dans lequel évoluent les personnages. Lesthèmes sont aussi variés que notre culture : une époque de notre Histoire (Moyen-Âge), unfilm (Star Wars), un livre (Stormbringer de Moorcock), ou alors un univers fantastiquecréé uniquement pour y jouer.On distingue plusieurs thèmes récurrents dans les jeux de rôle : le Médiéval – Fantastique(Conan ou le Seigneur des Anneaux), Fantastique classique (vampires, loup garou…), lefantastique retourné (ou l’on incarne des vampires…),Histoire réaliste mêlée de légende(Pendragon), Science-fiction « Western » (Star Wars), Science-fiction « Space Opera »(tiré par exemple d’Asimov ou de la BD Valérian), Ciberpunk (inspiré de Blade runner),combat de robots (Meckwarrior…), Aventure moderne, espionnage (James Bond),Aventure historique sous toutes ses formes (Pirates, Mousquetaires…).80 % des joueurs jouent sur le thème du Médiéval – Fantastique.

Scénar

Cf. scénario.

Scénario

Trame générale de l’aventure, où sont définis les personnages que les PJ sont susceptiblesde rencontrer et les lieux qu’ils pourront visiter. Il sert de base à l’histoire qui peut évolueren fonction des actions entreprises par les PJ durant la séance de jeu.

Semi-réel

Synonyme de grandeur-nature utilisé dans le sud de la France.

Supplément

Cf. extension.

XP

Cf. Point d’expérience.

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Eux aussi ils jouent !Et oui, malgré ce que peuvent dire certains journalistes, ou ce que laissent à penser certaines émissions detélévision, le jeu de rôle n'est pas une secte de satanistes-pilleurs de tombes-suicidaires-dérangés (rayez la

mention inutile). J'en veux pour preuve certaines personnalités publiques, parfaitement saines d'esprit, qui jouentou ont joué aux jeux de rôle.

CazaLe célèbre dessinateur, illustrateur, auteur de bandes dessinées, apporte son soutien à la FFJdR.

Lionel JospinLe Premier Ministre était, dans sa jeunesse, un grand joueur de jeux de réflexion et de simulation, et il aaussi essayé les jeux de rôle.

Christian LehmannEcrivain, rôliste, ancien créateur de "Chroniques d'Outre-Monde", collaborateur occasionnelde Chaosium et auteur de Tant pis pour le Sud .

Tous les autres !

• Jason Alexander (Seinfeld)• Bare Naked Ladies (groupe)• Jeff Bezos (PDG d'Amazon.com)• BillyZeKick (groupe)• Biohazard (groupe)• Steven Brust (auteur)• Bruce Campbell (Evil Dead)• Claudia Christensen (Babylon 5)• River Cuomo (chanteur de Weezer)• Vin Diesel (The Fast and the Furious, Pitch Black, Il faut sauver le soldat Ryan, Voix

du Geant de Fer)• Lexa Doig (Andromeda, Jason X)• Dream Warriors (groupe)• Emilio Estevez (Young Guns, Stakeout, The Outsiders)• Lou Ferrigno (L'Incroyable Hulk) joue à Warhammer• James Franco (Freaks and Geeks)• C.S. Friedman (auteur)• Bill Gates (Microsoft)• Matt Groenig (createur des Simpsons et de Futurama)• GWAR (groupe)

• Peter Jackson (de Bad Taste au Seigneur des Anneaux)• Matthew Lillard (Scooby Doo)• George Lucas (Est-il besoin de le présenter ?)• Craig McCracken (createur Power Puff Girls, Dexter's Lab)• Marcy Playground (groupe)• Metallica (groupe)

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• Jason Mewes (Mallrats, Clerks, Dogma, Chasing Amy, Jay and Silent Bob StrikeBack)

• Mike Meyers (Wayne's World, Austin Powers, etc.)• Tom Morello (guitariste de Rage Against the Machine)• Todd Pratt (joueur de baseball des New York Mets)• Sam Raimi (réal. Spiderman, Evil Dead, Hercules, Xena, etc.)• Rush (groupe)• Michael Sheard (Mr Bronson de Grange Hill, Admiral Ozzel de Star Wars)• Stephen Lea Sheppard (The Royal Tenenbaums, Freaks and Geeks)• Armin Shimmermann (Deep Space 9, Buffy)• Kevin Smith (Mallrats, Clerks, Dogma, Chasing Amy, Jay & Silent Bob Strike Back)• Jon Spencer (Blues Explosion et Boss Hogg bands)• Steven Spielberg (Est-il besoin de le présenter ?)• Quentin Tarantino (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, etc.)• Jacques Villeneuve (champion du monde de F1)• Wil Wheaton (Star Trek TNG, Stand By Me)• Joss Whedon (Buffy et Angel)• Robin Williams

Liste tirée de la FFJdR

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Les thèmes

Les grands thèmes sont les suivants.

� Médiéval fantastique. Dans des contrées où la civilisation varie entre l'Antiquité et leMoyen Age, les légendes sont vraies, les géants et tarasques ou les demi-dieux peuventsurgir au détour du chemin, les magiciens peuvent avoir des pouvoirs efficaces. On peutêtre proche de Conan le barbare ou des Chevaliers de la Table ronde, s’infiltrer dans lemonde de l'Iliade et l'Odyssée, ou dans celui inspiré du Seigneur des anneaux. Lesépoques se télescopent, les contrées sont imaginaires. Des BD récentes, comme LesLégendes des Contrées oubliées de Chevalier et Ségur, ou la Quête de l'Oiseau du temps,de Le Tendre et Loisel, ont à la fois profité de la popularité des jeux de rôle, etdurablement influencé les univers de jeu

� Fantastique classique. Les personnages, contemporains, sont confrontés à des créatureset des phénomènes surnaturels « classiques », c'est-à-dire tirés de la littérature ou deslégendes, du folklore : vampires, fantômes, loups garous Les références vont deFrankenstein ou Dracula aux romans de Stephen King en passant par H.P. Lovecraft.

� Fantastique « retourné ». Depuis les romans de Ann Rice et le jeu Vampire on a inverséles rôles : les personnages sont les vampires, en butte aux persécutions des humains quiles traquent, et aux rivalités internes.

� Histoire réaliste mêlée de légende. Légendes celtiques, Hurlements, Pendragon sont desjeux qu'on ne peut classifier de médiéval fantastique, car leur toile de fond est une périodehistorique ,décrite avec un maximum de réalisme, sauf pour un point : les légendes y sontvraies, Merlin l'enchanteur y dispose des pouvoirs que lui attribue le roman du roi Arthur,et la Tarasque risque vraiment de sortir du fleuve si on la dérange.

� Science-fiction « western ». A dire vrai, cette catégorie bizarre ne correspond qu'à unseul jeu, Star Wars (La guerre des étoiles). Bons contre méchants, courses poursuiteséchevelées, le style des scénarios s'inspire effectivement plus du western que des romansde science-fiction.

� Science-fiction « space opera ». Cette plus vaste famille correspond à 1a science-fictiondes années 50 à 70. Exploration des espaces infinis, découverte de civilisationsextraterrestres, exploration de planètes surprenantes, conflits galactiques... Les auteurs deréférence sont A.E. Van Vogt, Isaac Asimov, Rober Heinlein, ou la BD Valérian, deChristin et Mézière

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� Cyberpunk. Le cyberpunk, terme qui commence à se répandre, correspond à un thème descience-fiction récent (une dizaines d'années) né dans les romans de William Gibson(Neuromancien) ou de Walter Jon Williams (Câblé) et Bruce Sterling (Les mailles duréseau). La toile de fond est un futur proche (XXIe siècle où les méga corporations, sortesde super multinationales, ont supplanté en pouvoir les gouvernements). Cette société estrégie par des lois mercantiles, bercée par les shows télévisés, où les héros sont desmarginaux, des chasseurs de prime (comme le héros du film Blade Runner)ou des piratesqui explorent les systèmes informatiques mondiaux en connectant leur ordinateurdirectement sur leur cerveau...

� Combats de robots. Inspirés des dessins animés américains et japonais, ces jeux sont peurépandus en France.

� Aventure moderne, espionnage. Indiana Jones, James Bond... Divers jeux traitent del'aventure moderne. Mais ils sont difficiles à jouer. Seul James Bond a connu durant untemps un bon succès.

� Aventure historique sous toutes ses formes. Pirates, Trois Mousquetaires...

Il faut savoir que le médiéval fantastique fédère 80% des joueurs.

D'abord parce qu'il supporte moins de contraintes que le monde moderne on peut ypourchasser le « méchant » dans une poursuite échevelée à cheval. Dans un jeu moderne, lamoindre poursuite en voiture entraînerait l'intervention de la police, des accidents... Et puisl'aventure est à quelques pas. Qu'un bois soit « maudit », et les villageois n'y vont pas. S'ilsdemandent aux aventuriers de l'explorer, ceux-ci peuvent y trouver une vraie sorcière, ou unmonstre, ou une bande de brigands protégés par la réputation du bois. En tout cas, c'est uneplongée dans l'inconnu, dans un lieu où peut-être personne n'a mis le pied depuis desgénérations ; le mystère rôde... à deux ou trois heures de marche à pied.

Et même en ville, les structures médiévales (urbaines et sociales) sont plus faciles àmettre en scène pour le meneur de jeu qu'une cité moderne avec toutes ses ramifications.

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Les jeux les plus pratiqués

Depuis 1974, plus de 700 jeux ont vu le jour ! Près d'une centaine sont trèscouramment pratiqués de par le monde. En France, un sondage du magazine Casus Belli a faitressortir la pratique régulière d'une cinquantaine de jeux dont une moitié de façon tout demême marginale (autour du millier d'amateurs).

Les jeux les plus pratiqués se répartissent en trois groupes (création française ou jeuxanglo-saxons traduits, il sont tous disponibles en français).

� Les 2 « locomotives »

Fréquemment joués par plus de 40% des joueurs, ces deux jeux sont les grandsstandards.

� Advanced Dungeons & Dragons (alias AD&D alias "Donjons et Dragons"). Genre : Médiéval fantastique

Pour jouer en tant que MD il faut se procurer les trois livres de base : Guide du Maître(25 €), Manuel du joueur (25 €), Manuel des monstres (30 €), sans oublier l'écran du MD (9€), des fiches de personnages (11 €) ou photocopier la fiche générique du manuel des joueurs,des dés à 4, 6, 8, 10, 12 et 20 faces, et au moins un scénario. Coût total : environ 110 € !

Mais c'est le jeu le plus "auberge espagnole". On joue comme on aime, de l'ambianceGrèce antique à celle de la Renaissance en passant par Conan ou les chevaliers de la Tableronde... Les scénarios sont nombreux, dans le commerce (de 8 à 15 €) et dans le magazineCasus Belli.

� L'Appel de CthulhuGenre : Fantastique

Succès immense en France (autour de 60 000 exemplaires vendus pour la 5e édition),bien plus qu'aux Etats-Unis d'où il provient.

Le jeu mêle l'époque de la Prohibition et des incorruptibles (années 20, aux USA etdans le monde entier) et le fantastique vaguement rationalisé de l'écrivain HP Lovecraft. Onest aussi tout à fait dans la BD de Tardi, Adèle Blanc-Sec. Un surnaturel façon « malédictiondes pharaons » peut toujours faire irruption. Son système de jeu, un des meilleurs compromisentre simplicité et réalisme, en a fait un grand standard. Plus tourné vers l'enquête que l'actionà coup d'épée, c'est le premier jeu à avoir rencontré un réel succès auprès des joueuses.

Pour jouer, il faut se procurer le livre de règles (la dernière version explique très biencomment jouer, et contient des scénarios pour débutants) (30 €), 2 dés à 10 faces, 1 dé à 8faces, 3 dés à six faces, et éventuellement l'écran du MD (11 €).

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� Le « peloton de tête »

Quatre jeux distancent le gros du peloton d'une courte tête.

� WarhammerGenre : Médiéval Fantastique

Proche de AD&D, Warhammer est plus orienté Renaissance dans son ambiance, pluscohérent dans ses règles, moins cliché dans ses archétypes. Bref, il est anglais au lieu d'êtreaméricain. Pour jouer, il suffit du livre de règles (25 €) qui contient un long scénario, del'écran du MD (6 €), et des diverses sortes de dés (4, 6, 8, 10, 12, 20 et 100 faces). Son coûtréduit ne suffit pas à expliquer son succès constant. Ce jeu qui n’est plus publié par sonéditeur Anglais, Games Workshop, a été repris par Jeux Descartes qui continue à publier sesscénarios.

� INS/MVGenre : Aventure contemporaine chez les anges ou les démons

In extenso : In Nomine Satanis / Magna Veritas. Des anges ou des démons s'incarnentdans des humains juste au moment de leur mort violente, et soudain, un "miracle" les faitsortir indemnes de l'accident. Leur mission, lutter contre les manœuvres de "ceux d'en face"grâce à des super pouvoirs variés. Conçu pour être joué au second degré, c'est aussi un jeu desuper héros sans en avoir l'air. « For mature readers » (« pour lecteurs mûrs »), comme disentles Américains.

Pour jouer, il suffit du livre de règles (25 €), de l'écran (15 €), et de dés.

� Star WarsGenre : Science-fiction « western »

Le jeu de la Guerre des Étoiles, la saga de Georges Lucas, est aussi le seul jeu descience-fiction qui prospère en France ! On y incarne bien sûr des membres de l'Alliancerebelle en lutte contre l'Empire, mais on peut très bien sortir de ce schéma contraignant. Lesystème est assez simple (quoiqu'en cours de jeu, des situations difficiles à gérer puissentapparaître). Pour jouer, il faut le manuel de règles (30 €), l'écran du MD (12 €) et des désdivers (surtout des dés 6). Les suppléments sont très nombreux.

� VampireGenre : Fantastique « retourné »

Directement inspiré des romans de Ann Rice, dont fut tiré le film Entretien avec unvampire, ce jeu a renouvelé le genre en faisant entrer dans le jeu de rôle une nouvellecatégorie de joueurs, plutôt modernes et dandys, voire « cold wave » (tels les amateurs desgroupe Cure ou dead Can Dance). Les interactions entre personnages priment sur l'aventure.On y incarne donc des vampires modernes, errant dans les rues nocturnes de nos grandescités, luttant pour des sphères d'influence. Pour jouer... il faut s'y retrouver dans de trèsnombreuses publications d'utilité variable (description des principales villes, pays ou les clansde vampires).

Le livre de règles de Vampire coûte 40 € et le guide des joueurs 25 €.

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� Le « gros du peloton »

� Cyberpunk et ShadowrunGenre : Cyberpunk

Le mot "cyber", qui fleurit tant à la télévision, a ici le sens qu'on lui donne danscertains récents romans de science fiction : le monde du XXIe siècle est surtout dirigé par lesmultinationales, le show-business est roi, et les gens branchés le sont vraiment : ils entrentdans les univers virtuels des ordinateurs planétaires grâce à des câbles directement connectéssur leur cerveau !

On y joue aussi bien des chasseurs de primes (comme Harrison Ford dans le filmBlade Runner), que des individus au cerveau greffé de puces électroniques (comme dansJohnny Mnemonic) ou des journalistes et artistes qui tentent de conserver des espaces deliberté dans cet univers également proche de Brazil et de 1984.

Grande différence entre les deux jeux cités : le premier est assez réaliste et désespéré(ambiance Blade Runner), le second mêle au cyberpunk la réapparition des races oubliées(elfes, trolls, dragons).

� Rêve de DragonGenre : Médiéval onirique

Un des premiers jeux de création française (vers 1985), et un des rares succèsdurables, même si ce ne fut pas un best-seller. Son médiéval se teinte d'Alice au pays desmerveilles et de situations qui ne dépareraient pas Pantagruel de Rabelais. Son système estassez complexe, et il existe une version simplifiée, Oniros moins difficile d'accès pour ledébutant.

� Le Jeu de Rôle des Terres du MilieuGenre : Médiéval fantastique

JRTM, le Jeu de Rôle des Terres du Milieu est LE jeu officiel tiré du Seigneur desAnneaux et de Bilbo le Hobbit de Tolkien. Son système est un peu lourd et compliqué, maisquand on aime Tolkien, on fait l'effort. D'ailleurs, certains le trouvent encore trop simple etpassent à Rolemaster, le même système, mais encore plus détaillé, et qui n'est plus limité àl'univers de Tolkien.

� RuneQuestGenre : Médiéval fantastique

Encore un jeu médiéval, plutôt tendance antiquité et mythologie, sur le même systèmede règles que l'Appel de Cthulhu. Un noyau dur d'aficionados assure sa survie. La principale

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qualité de RuneQuest est de se jouer dans un monde très détaillé, cohérent et riche enlégendes vivantes.

� NephilimGenre : Fantastique

Un jeu basé sur les grands thèmes de l'occulte, dans l'esprit du Pendule de Foucault, deUmberto Eco. On y joue, à diverses époques de l'histoire mais plutôt de nos jours, desNephilim, créatures issues du fond des âges, à la recherche de l'Agartha ou accomplissementsuprême. Pour joueurs cultivés !

� Elric et HawkmoonGenre : Médiéval fantastique

Ces deux jeux sont inspirés de l’œuvre de l'Anglais Michael Moorcock, très lue enFrance. Le premier est un jeu médiéval fantastique, le second se déroule dans un futur dont leniveau technologique est redescendu à un niveau proche de celui de la Renaissance. Ces deuxjeux un peu "noirs" utilisent le même système de règles que l'Appel de Cthulhu et RuneQuest

� AmbreGenre : Médiéval fantastique

Tiré de l’œuvre de Zelazny, les Princes d'Ambre (10 romans!), c'est un jeu plus orientésur l'ambiance et le dialogue, puisqu'il se joue sans dés ! Pour joueurs cultivés et amateurs desromans (assez populaires, il faut le dire).

� James BondGenre : Aventure moderne, espionnage

Très bon jeu, inspiré des films, avec un système de règles très simple et efficace. Maisil se heurte à un écueil : un groupe de rôlistes, c'est en général quatre à six joueurs. Et quatre àsix espions qui se déplacent de concert, ce n'est pas très crédible ! Et s'ils agissent séparément,tandis que le MD joue une scène avec un joueur, les autres s'ennuient dans la cuisine. Bref untrès bon jeu, mais qui va bientôt disparaître en raison de problèmes fonctionnels.

� MaléficesGenre : Fantastique

Autre jeu en fin de longue carrière, c'est pourtant un des meilleurs : les personnages ymènent l'enquête sur des phénomène mystérieux au début du siècle. Système simple,fantastique « à la française » (les scénarios sont en général inspirés de légendes ou demystères de nos régions), nombreux scénarios. C'est un excellent jeu d'initiation. Seul défaut :la magie, omniprésente, n'est détaillée que dans un supplément séparé, à acheter donc enmême temps que les règles.

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� Les jeux pour débuter

Dans la liste qui précède, seuls deux jeux commencent, pour les débutants, par unedécouverte du jeu de rôle, guidée pas à pas, et vraiment pédagogique l'Appel de Cthulhu, et ladernière version de Star Wars.

Si leurs thèmes vous conviennent, ce sont donc les jeux les plus recommandés,d'autant que l'Appel de Cthulhu est, on l'a vu, celui qui convient autant aux joueuses qu'auxjoueurs. Et Star Wars est d'autant plus facile à mettre en scène pour le meneur de jeu que sesjoueurs ont probablement en tête les images des films.

Sans prétendre qu'ils sont « faciles », deux autres jeux peuvent être préférés pourdécouvrir le jeu de rôle : d'abord Donjons et Dragons (plus précisément Ad&D3 c'est-à-direAdvanced Dungeon d Dragons version 3). Disponible en français, AD&D3 reste le standard leplus joué ce qui augmente vos chances de rencontrer des joueurs et d'obtenir des conseils.Ensuite JRTM le Jeu de Rôle des Terres du Milieu : si vous avez été séduit par la forced'évocation et la richesse des romans de Tolkien, vous serez suffisamment motivé pour fairel'effort d'apprentissage de ce jeu ardu.

Un cas à part : Basic ou Méga.

Vous avez pu remarquer que divers jeux utilisaient des variantes du même système derègles, popularisé par l'Appel de Cthulhu. Ce système s'appelle le Basic Role Playing. Lemagazine Casus Belli a publié un numéro hors série intitulé Basic, qui reprend ce corpus derègles, accompagné de réponses détaillées aux problèmes qui se posent aux débutants oudurant les premiers mois de jeu, ou encore aux joueurs qui veulent devenir meneur de jeu sanstrop de difficultés. Sorte de couteau suisse du jeu de rôle, il offre en outre deux univers(médiéval fantastique, et fantastique contemporain) pour le prix d'un magazine. Retiré deskiosques, il reste disponible en boutique spécialisée et auprès de l'éditeur.

Méga est un jeu de Space Opéra dont le système de jeu est très détaillé. Difficile audébut, sa souplesse d’utilisation est impressionnante. Un jeu à essayer après Basic ! (lui aussipeut être trouvé dans les boutiques spécialisées ou auprès de l’éditeur).

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Etude Casus Belli Echo lecteur 1995

Activité des rôlistes PourcentageSans réponse 2

Collégien 5Lycéen 22Etudiant 38,5

Actif 31,5

Profession des actifs pourcentageCadres et professions intellectuelles supérieures 38,5ouvriers et employés 37,5divers 24

Activité des rôlistes (CBE 95)

sans réponse

Collégien

Lycéen

Etudiant

Actif

Profession des actifs (CBE 95)

Cadres et professionsintellectuelles supérieures

ouvriers et employés

divers

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Répartition des joueurs lycéens

Etude secondaire PourcentageFilière scientifique 70

Filière science économique 15Filière lettres 8

Dans son étude, Laurent Trémel n’indique pas la répartition des étudiants dans ces cursusmais sous-entend qu’ils sont majoritaires.

0

10

20

30

40

50

60

70

Filière scientifique Filière scienceéconomique

Filière lettre

Etude secondaire

Science sociale Physique Chimie Droit Divers

Etude universitaire

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Origine des parents des joueurs :

Origine des grands-parents des joueurs :

Projet de carrière des joueurs :

25

10

60

10

0

10

20

30

40

50

60

Ouv

riers

et

empl

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essi

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Cad

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sion

sin

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San

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Profession du Père

34

13

3226

0

5

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20

25

30

35

Ouv

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Profession de la Mère

35

4

1822 21

0

5

10

15

20

25

30

35

Ouvriers etemployés

Professionintermédiare

Cadres etchef

d'entreprise

Artisans etagriculteur

Sansréponse

Profession du grand père paternel

30

3

1822 24

0

5

10

15

20

25

30

Ouvriers etemployés

Professionintermédiare

Cadres etchef

d'entreprise

Artisans etagriculteur

Sansréponse

Profession du grand père maternel

Projection dans les catégories INSEE

51

1510

30

3 5 Sans réponse

Agriculteur

Ouvrier et Employé

Profession intermédiare

Cadre

Commerçant

Chef d'entreprise

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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Bibliographie

Ouvrages

Gildas Sagot , Gallimard 1986

Jeux de rôle

Jean-Hugues Matelly , Les Presse du Midi 1997

…Istres, Toulon, Carpentras… Jeu de rôle Crime ? – Suicides ? – Sectes ?

Didier Guiserix, Bornemann 1997

L’univers du jeu Le livre des jeux de rôle

Laurent Trémel, PUF 2001 (sociologie d’aujourd’hui)

Jeux de rôle, jeux vidéo, multimédia les faiseurs de monde

Valérie Pomel (Vice présidente et responsable de la revue de presse),

Revue de presse de la FFJdR (réunion de 110 articles sur le sujet)

Cette revue comprend tous les articles utilisés plus un certain nombre d’autres.

Jeux de rôle

Advanced Dungeons & Dragons , TSR 2e et 3e édition

Vampire la mascarade , White Wolf Game Studio & Hexagonal 3e édition

Warhammer le jeu de rôle fantastique , Games Workshop Ltd & Jeu Descartes 1986

Star Wars le jeu de rôle , West End Games –Lucasfilm & Jeu Descartes 1988

Mega 3e édition, Laelith 1ere &2e édition & Ciber Age de Casus Belli

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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Wargames avec figurines

Warhammer Battle , Epic 40k , de Games Workshop

Mordheim & Warmaster

Mechwarrior : dark Age de wizkids

Les jeux de plateaux

Herosquest , Space Crusade, les Héros de l’œil Noir …

Magic the Gathering de Wizard of the Coast

Les magazines

Jeu de rôle :

Casus Belli

Dragon Magazine Français et US

Bakstab

Dxp

D20 magazine

Wargames et figurines :

Ravage

White Dwarf

Codex Arcanium

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Le « jeu de rôle » : moyen d’expression ou phénomène névrotique ?

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