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LE JOURNAL DE MARS Mardi 1 er mars : c’est parti pour la SENAFET Ce matin, c’est le lancement officiel de la Semaine Nationale de la femme tchadienne. Avant d’aller à la cérémonie, il me faut régler le problème de la coupure d’eau au centre culturel. C’est Bernard, le garagiste, qui m’explique toute l’affaire : l’installation que nous avons faite pour approvisionner en eau le centre n’est pas branchée comme nous le croyions sur le château d’eau du presbytère, mais viendrait directement du château de la STEE, dont un employé a découvert le pot aux roses en venant pour un relevé de compteur ! Le chef en personne s’est déplacé vendredi, a fait saisir notre robinet, a convoqué le curé dans les 72 heures, a menacé d’une amende de 50 000 à 800 000FCFA !!! Il a fait de belles sorties, éructant que c’est une honte que la mission catholique fasse des choses pareilles… Laissons le curé négocier, expliquer que nous avons fauté par ignorance, et croisons très fort les doigts pour échapper à l’amende… Au centre social, c’est l’affluence des grands jours, avec une foule de curieux essentiellement composée d’enfants et de jeunes. Les femmes sont en train de préparer les stands d’exposition. Comme il n’y a pas assez de produits fait mains (calebasses décorées, nappes, vêtements, beignets, jus d’oseille), on envoie Ashta chercher de la marchandise pour remplir les tables. Du coup, il y aura aussi du parfum, de la lessive, des savons, des vêtements pour enfants, des portes clés qui clignotent, etc… Même protocole que toute cérémonie tchadienne (l’ordre est respecté mais pas les horaires) : 7h : fin des installations 8h : arrivée des invités 8h10 : arrivée de Monsieur le Maire de Kélo 8h20 : arrivée de Monsieur le Sous Préfet 8h30 : arrivée de Monsieur le Préfet de la Tandjilé Ouest… Le préfet arrivera comme toujours en voiture, presque jusqu’à son siège, avec militaires à l’arrière du pick up. Le spectacle est assez étonnant en ce lancement de la semaine de la femme : devant un parterre d’officiels 100% masculin, des femmes debouts, et qui vont leur servir à boire. Une petite fille déclame un poème, la présidente Anne lit son discours, suivi de celui de Monsieur le Préfet. Puis les autorités passent devant les stands où elles sont fortement incitées à acheter, puis vont déguster des sirops de tamarin ou de savonnier

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LE JOURNAL DE MARS

Mardi 1er mars : c’est parti pour la SENAFET

Ce matin, c’est le lancement officiel de la Semaine Nationale de la femme tchadienne. Avant d’aller à la cérémonie, il me faut régler le problème de la coupure d’eau au centre culturel.C’est Bernard, le garagiste, qui m’explique toute l’affaire : l’installation que nous avons faite pour approvisionner en eau le centre n’est pas branchée comme nous le croyions sur le château d’eau du presbytère, mais viendrait directement du château de la STEE, dont un employé a découvert le pot aux roses en venant pour un relevé de compteur ! Le chef en personne s’est déplacé vendredi, a fait saisir notre robinet, a convoqué le curé dans les 72 heures, a menacé d’une amende de 50 000 à 800 000FCFA !!! Il a fait de belles sorties, éructant que c’est une honte que la mission catholique fasse des choses pareilles… Laissons le curé négocier, expliquer que nous avons fauté par ignorance, et croisons très fort les doigts pour échapper à l’amende…

Au centre social, c’est l’affluence des grands jours, avec une foule de curieux essentiellement composée d’enfants et de jeunes. Les femmes sont en train de préparer les stands d’exposition. Comme il n’y a pas assez de produits fait mains (calebasses décorées, nappes, vêtements, beignets, jus d’oseille), on envoie Ashta chercher de la marchandise pour remplir les tables. Du coup, il y aura aussi du parfum, de la lessive, des savons, des vêtements pour enfants, des portes clés qui clignotent, etc…Même protocole que toute cérémonie tchadienne (l’ordre est respecté mais pas les horaires) :7h : fin des installations8h : arrivée des invités8h10 : arrivée de Monsieur le Maire de Kélo8h20 : arrivée de Monsieur le Sous Préfet8h30 : arrivée de Monsieur le Préfet de la Tandjilé Ouest…Le préfet arrivera comme toujours en voiture, presque jusqu’à son siège, avec militaires à l’arrière du pick up.Le spectacle est assez étonnant en ce lancement de la semaine de la femme : devant un parterre d’officiels 100% masculin, des femmes debouts, et qui vont leur servir à boire.Une petite fille déclame un poème, la présidente Anne lit son discours, suivi de celui de Monsieur le Préfet. Puis les autorités passent devant les stands où elles sont fortement incitées à acheter, puis vont déguster des sirops de tamarin ou de savonnier que Jaqueline a préparé pour faire une démonstration de la transformation de produits.Ensuite, c’est la ruée des enfants sur les reste…Moi je suis un peu en dehors car parachutée photographe, chacune me tire par le bras pour prendre les autorités de face, ou pour prendre les stands, pour se faire prendre en photos entre copines… L’écran du numérique a toujours autant de succès !L’ambiance est très bonne, il ne reste plus que les femmes et les enfants. Les officiels sont partis sur le mot d’ordre : « aujourd’hui, c’est vous qui allez au marché ! ».Mayeul ayant pu se libérer et arrivant à ce moment là, je le présente à toutes les femmes du bureau. L’ambiance est à la plaisanterie, et elles n’hésiteront pas à le sermonner sur ces devoirs du jour (cuisine, vaisselle et compagnie). Je suis très

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fière de montrer que dans notre couple, les tâches sont équilibrées !! (enfin, en ce moment, la majorité des tâches incombe à Jean Baptiste….).

Je prends le relais de Nathanaël à la bibliothèque, mais ma journée portes ouvertes où la lecture est gratuite pour toutes les femmes n’aura aucun succès… dur dur de faire bouger les femmes malgré tout !

Pendant ce temps, Mayeul prépare le dossier du permis de construire… il faut presque harceler la Mairie pour faire tout dans les règles !Il faut aussi continuer à se dépatouiller avec les connaissances qui veulent parler affaires. Laurent, le chef de la chorale, qui arrive comme une fleur, expliquant qu’il vend des chaussures, mais qu’il peut aussi vendre des tôles. Quand Mayeul explique que pour ce type de chantier, l’entreprise va traiter avec des commerçants plus spécialisés et mieux équipés, on lui répond qu’ici en Afrique « la bonne soupe se partage en famille »…Miguel est de passage à Kélo et ils iront en visite guidée sur le chantier avec Mayeul.

De mon côté, je passe chez mon petit tailleur, un peu anxieuse à l’idée des résultats… et je suis positivement surprise. Bon, ce ne sont ni les tissus, ni les coupes occidentales, mais ça rend pas mal ! Babou a le feu vert pour commencer le travail sur la deuxième étoffe.A la bibli où je remplace Samuel toujours en mission avec l’OMS, il faut gérer une quasi-émeute entre l’absence d’eau et d’électricité, car tous les pères sont partis, personne n’allume le groupe électrogène, et je rends les dernières cartes d’abonnement à la lueur de la lune…

Deux nouveautés aujourd’hui au palmarès des prénoms qui sortent de l’ordinaire : Oméga et Permission.

Une nouveauté au palmarès culinaire : des bananes grillées (type allocos), avec des méga bananes en provenance de Centrafrique.

Mercredi 02 mars : 50% construction, 50% maintenance

Décidément, ce pays est plein de surprises!On crève de chaud toute la journée, idem la nuit, mais on se réveille la matin enrhumés…Et puis, on ne s’ennuie jamais : quand ce n’est pas le groupe électrogène qui est en panne, c’est la batterie, sinon c’est la voiture, ou l’ordinateur, quand ce n’est pas l’imprimante. Aujourd’hui comme hier, c’est le groupe électrogène. Ce sont des doses presque surhumaines de patience qu’il faut ici !!!Mine de rien, Mayeul passe pas mal de temps à régler tous ces tracas en –iques…

Au centre culturel, c’est le lancement du jeu concours Senafet : 20 questions sur les femmes (politique, écrivaine, héroïne, musiciennes, etc). Autant être de bonne humeur pour entendre les premières réflexions : « Si c’est que des questions de filles, ce n’est pas pour nous », « il n’y a que les 3 premiers qui sont récompensés ??! », « il faut recopier les questions ? qui va payer l’encre de mon stylo ? », voire des quasi-menaces : «- Vous allez favoriser les filles pour qu’elles soient gagnantes ! – C’est une note sur 20, difficile de tricher sur les résultats ! – oui, mais au Tchad, tout est corrompu –Moi, je ne suis pas corruptible ! – vous, vous êtes différente »…

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Bon, il y a toujours des râleurs, mais finalement, au fur et à mesure de la journée, tout le monde se mettra par petits groupes pour répondre au concours, et il aura une bonne ambiance.A nouveau, une expérience montrant que nous ne parlons pas la même langue, que nous n’avons pas les mêmes schémas de pensée, bref que nous ne sommes pas exactement sur la même longueur d’onde :Je leur explique que certains livres peuvent les aider pour répondre à certaines questions : par exemple pour répondre à la question « qui a écrit « Une si longue lettre » ? », quel est le livre que tu dois me demander ?Réponse : un livre qui m’aiderait à répondre à la question…Quand je vous disais qu’on avait toujours des surprises !!

Nous avons aussi une réunion sur le sport avec Mississipi et le coach. Là encore, il a fallu que je bataille pour que nous proposions des animations qui sont dans nos moyens. Pour le match Senafet de lundi, filles contre garçons, ils voulaient inviter les autorités, prévoir des sucreries pour les rafraîchir, etc. Tout ça alors que j’ai un budget zéro pour les activités sportives !C’est bien, ils veulent monter de belles choses, mais pour l’instant, nous n’en sommes pas là, et ce n’est pas le moment de dépenser de l’argent dans le protocole.

Sur le chantier, un peu délaissé par l’architecte au profit des garagistes et autres mécanos… les fondations ont été coulées, les poteaux élevés, les trous en train d’être rebouchés. Mathieu envoie balader d’un revers de main tous ceux qui viennent proposer de vendre des matériaux en s’improvisant fournisseur. Dialogue entre Mathieu et Mayeul :« J’en ai marre de ces vendeurs de chaussures qui proposent de vendre des tôles », « Bon, justement, il faut que je te présente Laurent,… qui vend des chaussures et voudrait vendre des tôles… Remercie-le, mais avec diplomatie, je le vois souvent ! » « Je vais appliquer la méthode chinoise alors : repasse demain, repasse demain »………

C’est le grand jour de lessive aujourd’hui, et je soupçonne Jean Baptiste de ne pas détester ça, parce que quand il s’installe dehors pour repasser, on discute plus que quand il est dans la cuisine, et il n’y a pas photo, parler, il aime ça !Mais il est toujours aussi attentif à notre intégration, et nous propose d’aller dans son village, pour nous présenter aux chefs coutumiers, pour voir le marché, qu’il nous explique tout ça, pour que nous « comprenions beaucoup de choses ». On va essayer de se prévoir une petite sortie bientôt, mais avec notre virée prévue à Ndjamena, ça ne va pas être pour tout de suite.

Nous avons la visite des deux frères, Cali et Issibey, qui viennent faire une petite partie de dames. Nous ne les avions pas vus depuis longtemps ceux là !Et puis, celle de Babou le tailleur, qui vient m’apporter mes vêtements couleur locale. Moi j’ai l’impression de ressembler à une bonne sœur dans ma robe ample : c’est sûrement confortable (cf. air qui circule), mais bon, je suis habituée à un peu plus… près du corps !Quant à Jean Baptiste, il trouve que ça fait très Afrique de l’Ouest…Quant à Mayeul, il trouve que ça fait très hippie…Dur dur d’essayer de se fondre dans la masse… n’y a t’il vraiment pas d’autre solution que le cirage noir ??

Jeudi 03 mars : Kaï… il fait chaud

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Pour ma part, c’est vraiment le premier jour où je commence à souffrir un peu de la chaleur. C’est assez curieux, on alterne dans la journée entre des moments où m’on se sent bien, et d’autres où on dégouline sans pouvoir s’arrêter. En fait, il y a un vent très chaud qui souffle. Donc quand on marche dehors, le vent nous sèche, mais dés qu’on s’arrête à l’ombre, on fait la fontaine.Le moment le plus difficile, c’est l’heure de la sieste après les déjeuner. C’est l’heure la plus chaude, et nous commençons à ressentir le besoin d’une sieste. Mais le fait de s’allonger sur un matelas chaud fait que nous nous réveillons trempés.Nous sommes allés nous présenter auprès de la Sœur Marie Thérèse la 3ème de nos voisines camerounaises. Elle revient de 6 mois d’Espagne où elle était partie se faire soigner. Elle trouve que la transition climatique est rude ! C’est sûr que nous avons eu beaucoup de chance d’arriver en décembre à la saisons fraîche et de nous faire doucement à la chaleur.

Mayeul profite de ses temps libres pour me donner de grands coups de main, soit en faisant la maquette du journal Avenir, nouvelle version plus « actuelle », soit en allant faire des cours d’anglais au centre. Au menu du jour, la traduction de Help, comme au bon vieux temps du lycée…Le journal Avenir est presque près et le comité de rédaction vient à la maison se faire prendre en photo. Ils sont sérieux comme des papes, et se mettent des lunettes sur le bout du nez pour faire plus sérieux !!

L’activité Senafet du jour au centre était une rencontre avec un groupement de femmes, le groupement Rassena, qui travaille avec les filles mères. Je ne sais pas pourquoi, j’avais un pressentiment que ça n’allait pas marcher, que je n’avais pas assez bien organisé le truc. Effectivement, elles sont arrivées à 16h (j’avais parlée de 15h), pensant que j’avais préparé un exposé et qu’elles ne seraient là que pour le débat. L’avantage étant qu’il n’y a jamais de problème… nous avons profité d’être ensemble pour se présenter mieux, pour discuter et préparer leur venue une prochaine fois…Ce n’est pas facile d’organiser les choses à l’avance, car ce n’est pas toujours facile de rencontrer les personnes pour préparer (cf. les multiples rendez-vous ratés avec le Dr Claver), parfois aussi du fait de la distance… Mais comment peut on faire sans téléphone ? Et puis, il y a aussi le problème de la ponctualité. Je n’ai toujours pas compris à quelle heure il fallait arriver…Ce que je ne comprends pas, c’est que les kélois ont l’air de comprendre eux, ils arrivent toujours ensembles !Par exemple, hier, Mayeul est arrivé au centre pour l’anglais à 17h10. Tout le monde était là et lui ont reproché son retard.Aujourd’hui, ils avaient RDV à 15h, Mayeul était présent, les autres sont arrivés en bloc à 16h…Je crois commencer à comprendre que ça dépend du moment de la journée : tôt le matin ou tôt dans l’après-midi, il y a du retard, on a dormi trop tard le matin, ou il fait encore trop chaud l’après-midi. En revanche, les rendez-vous de fin d’après midi ou de fin de matinée sont mieux respectés !Enfin, ce n’est qu’une supposition. Il nous reste tellement de choses à comprendre et à découvrir !

J’ai également fait un petit tour au CLAC où se tenait un exposé-débat sur la guerre de Sécession aux Etats Unis. Je suis arrivée au moment des questions qui tournaient autour de l’esclavagisme par les blancs, ce qui a amené à la colonisation et à la présence des blancs en Afrique aujourd’hui. Tous les regards

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se sont tournés vers la dépigmentée… Mais je n’ai pas eu le loisir de parler car les question fusent vite et passent d’un sujet à un autre. Il faudrait peut être qu’on aborde ce sujet un jour, peut être faudrait-il expliquer notre présence ici. Charlotte et Sébastien nous avait dit qu’au début, beaucoup pensaient qu’ils étaient venus pour s’enrichir. Certains ont peut être encore cette idée en tête ??

En tous cas, les questions qu’on nous a posées pour l’instant ne sont pas de cette nature, même si c’est l’incompréhension qui domine. Par exemple, la fois où pour me justifier de faire du soutien en maths j’ai parlé de mon diplôme d’ingénieur (pour une fois qu’il sert…), et que les jeunes m’ont regardé bouche ouvert en me demandant ce que je faisais là si j’avais ce diplôme. Ou les 2 fois où Mayeul a rencontré un homme qui travaille à la Mairie, qui à chaque fois l’interpelle pour lui dire avec un grand sourire que vraiment il n’arrive pas à saisir nos motivations. Tout ce qu’on a laissé là-bas, même la climatisation ! et ici, il n’y a rien… C’est compliqué à expliquer parce que d’un côté, on gagnait plus d’argent en France qu’ici, mais d’un autre côté en France, on n’aurait pas pu se payer une maison, une voiture et un cordon bleu pour la cuisine, comme nous avons ici. Ce n’est pas simple. Il faut expliquer que la maison et la voiture nous sont prêtés, que nous les rendons dans 2 ans, et que nous rentrons en France sans un sou en poche. Ce n’est jamais évident ces questions là, mais avec le temps, quand on se connaîtra encore mieux, on discutera et discutera encore. La palabre africaine…

Vendredi 04 mars : au tour de la voiture

Quand on disait qu’il y avait toujours un truc en panne ici !J’avais promis aux membres du comité des jeunes de les emmener en voiture chez Félicité Grâce pour qu’ils puissent lui présenter leurs condoléances à l’occasion du décès de son oncle chez qui elle vit à Kélo. Celui-ci a eu un accident de moto et était dans le coma depuis quelques jours.Donc, ils montent à l’arrière et nous roulons 50 mètres jusqu’à ce que le moteur s’arrête net. Impossible de redémarrer, on pousse, Yannick le bricolo triture dans le moteur, rien n’y fait. Coup de chance, Bernard le garagiste vient également à passer, rien n’y fait. Heureusement les mains sont nombreuses pour pousser la voiture jusqu’au garage de la mission. Finalement, panne électrique, intervention de Maccabie le meilleur garagiste de Kélo, changement d’une piède sur 2 dans le moteur…Et c’est Christian, un des prêtres, qui nous emmène chez Félicité. Les hommes sont dehors, sous l’arbre, les femmes dans la concession, sous une bâche. Nous saluons tout le monde, puis nous installons dehors. Féli nous rejoint, offre de l’eau, raconte les circonstances du décès, puis appelle la veuve, qui nous salue et reçoit les condoléances. L’ambiance est au silence, pas de pleurs ni de cris, comme ce que nous avons entendu pour les funérailles derrière chez nous. Sa femme est jeune, a 3 enfants, et son mari faisait vivre d’autres membres de la famille…

Il faut vite enchaîner sur les activités de l’après-midi, la réunion avec le comité de rédaction, le tour au centre social pour la Senafet et la conférence du juge de paix sur les violences faites aux femmes. Je trouve une foule dans la cour regardant les clips de musique de canal satellite. Le juge de paix ne peut pas venir, la conférence est annulée. Si j’avais su, je ne serais pas venue, car me voilà enrôlée pour acheter le pagne que les femmes vont porter pour défiler le 08 mars…

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Le soir, il y a une production théâtrale de la Troupe Etoile au centre, dans le cadre de la Senafet et au profit de la crèche Avenir.C’est l’occasion d’une bonne prise de tête entre les lecteurs qui crient au scandale parce qu’on ferme en conséquence la bibliothèque à 18h et qu’ils ont payé les 350F d’abonnement (=l’équivalent en France du « je paye mes impôts moi monsieur ! »), ceux qui on profité de la porte ouvert pour entrer avant l’heure et qui ne veulent pas ressortir pour payer le droit d’entrée « si c’est comme ça, la prochaine fois, on ne reviendra pas » « La charité chrétienne ma sœur, je n’ai pas les 50FCFA »… Il y a aussi les gras déjà bourrés qui te répondent oui et qui ne bougent pas d’un pouce en te regardant d’un air de défi.J’essaie d’améliorer ma patience, mais là j’avoue que ça me fait craquer, j’ai envie de leur hurler tous dessus, de les prendre par le collet pour les foutre dehors… Le ton de ma voix qui monte n’a bien évidemment aucun succès…Et il ne reste plus qu’à faire le tour de ceux qui se sont installés pour leur vendre les places à domicile !50F… d’accord, pour ceux qui n’ont pas beaucoup, ce n’est pas négligeable, on peut acheter 2 mangues avec. Mais on sait que l’argent sort pour le cinéma à 100F (les vidéos diffusées au quartier avec un son sur-saturé) ou la bière locale (et là, ça peut monter beaucoup plus).Alors, tout ça pour récolter 2350F… Monique et les puéricultrices sont sympas, remerciant chaleureusement l’équipe, expliquant que cela payera la bouillie d’une journée pour les bébés…Il y a un tel décalage entre l’énergie dépensée et la recette récoltée !

Mayeul de son côté a eu un autre pépin…Revenant de la Poste, il est passé devant la gendarmerie, comme d’habitude.Il la dépasse, se fait siffler par 2 gendarmes. Il revient sur ses pas, ceux-ci lui font signe de s’asseoir et pose devant lui le drapeau du Tchad, en lui demandant ce que c’est… Eux sont debout et dominent Mayeul de leur taille.

- C’est le drapeau du Tchad- français ou américain ?- français- et il n’y a pas de civisme en France ?- ?- on ne monte pas les couleurs en France ?- si, dans les casernes- et qu’est ce que vous faites quand on monte les couleurs ?- ça se passe uniquement dans les casernes, et ne concerne pas les civils- Et bien ici, on s’arrête quand on voit le drapeau descendre ! (là il faut

expliquer que le drapeau est au fond de la cour, et que quand on n’est pas prévenu, il n’y a pas de risque qu’on s’aperçoive que c’est la descente des couleurs…) Blabla, suivi d’un sermon sur le civisme, que ça ira pour cette fois, blabla….

Arrivage du courrier ce soir, avec tout pleins de bonnes lettres et d’un paquet : de quoi regonfler le moral !

Samedi 05 mars : c’est la crise

Journée bien chargée, sans temps de repos, entre les questionnaires du concours à corriger, le classement à faire, les lots à aller acheter à la librairie Mozart (y retourner, les journaux ne sont pas arrivés, revenir pour rien, ils ne seront là que

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lundi, se voir offrir deux vieux numéros pour le déplacement…), Anne Marie et Monique qui viennent lire les poèmes, le jury qui se réunit pour désigner les gagnants, les 3 heures de ménage à la bibliothèque, toujours sans eau, la visite de l’évêque de retour de Pala …Installation de la sono, début de l’animation pour la proclamation des résultats des 2 concours Senafet au centre culturel.

Lecture des poèmes par leurs auteurs, proposition de diffusion des textes sur Radio Effata et remise d’un petit cadeau (agenda ou calendrier).Réponses au questionnaire, classement, remise des cadeaux au gagnants (dernier numéro de mensuels accompagnés de produits de beauté ou savons).Voilà… aucune réaction, ni chaud, ni froid.Après, c’est l’hécatombe, morceaux choisis :« On attendait des radios ou des vélos, pas des brochures »« Madame, normalement, tous ceux qui ont la moyenne ont un bic »« Diffusé à la radio ? ce n’est pas la première fois que ça m’arrive »« Aider le technicien à ranger le matériel ????!!!!! » (suivi d’un demi-tour immédiat)« Les concours c’est pour s’enrichir »

Quand on sait que le dialogue suivant était :« Madame, pour le journal Avenir, le proviseur qui avait dit qu’il prêtait la photocopieuse du lycée pour la reproduction en 50 exemplaires ne veut plus, il n’a plus de cartouche. Comment on fait ? »

et que celui d’après était :Samuel : « Edouard ne vient jamais lors de sa permanence du samedi soir. Je lui ai proposé d’échanger avec celle que je fais le mercredi soir, mais il est parti sans me répondre. Comment on fait ? »

Et que le curé m’annonce que le directeur de la STEE n’est pas content parce que dans la lettre où je demandais un nouveau compteur pour un nouveau branchement, il n’y avait pas d’excuses. Or nous nous étions mis d’accord avec le curé pour que la lettre soit une pure lettre de demande formelle, et que les excuses soient formulées de vive voix…

Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!!!!!!!C’est trop pour moi tout ça !Je demande à Samuel de fermer le centre, et je ronge mon frein jusqu’à la maison, où je peux enfin exploser !Mais ils sont graves ces jeunes ou quoi !! Qu’est ce qu’ils ont à tout gâcher ? Ils participent, ça a l’air de les intéresser, et après, tout ce qu’il savent faire c’est critiquer.Ils ont un niveau d’exigence qui est complètement démesuré. Ils n’ont rien, leur vie n’est pas forcément palpitante, l’avenir pas forcément souriant, alors ils attende tout. Mais un tout qui leur tomberait dessus, comme ça !J’ai eu beau leur expliquer que ce que j’essayais de faire était de les aider à se cultiver, à se divertir de manière intelligente, à se former, que q’ils cherchaient la richesse monétaire, ce n’était pas dans un centre culturel qu’il fallait aller… peine perdue.Je dis ça sous le coup de l’énervement, il n’y en a que quelques uns qui ont fait les râleurs, mais comme les autres ne disent rien, c’est la minorité que j’ai tendance à retenir…

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Il y a un truc qui coince, ils ont trop eu l’habitude d’obtenir des trucs gratuitement, quitte à attendre longtemps. L’abonnement à 350F leur semble cher, un théâtre à 50 insurmontable. En revanche, pour une jeu concours organisé par un centre culturel qui vit des recettes mentionnées ci-dessus, les lots pour les gagnants devraient être une vélo à 80 000F ou une radio !!!

Ca me fait penser au coach de basket qui râlait parce que le terrain n’était qu’en latérite et pas en ciment. Quand Mayeul lui a dit que cimenter coûterait 10 millions, sa réponse a été : « bon, il faut attendre alors ». Attendre quoi ? attendre que quelqu’un, si possible une église ou une coopération étrangère, voire une ONG prenne l’affaire en main, et en charge le budget.Pourtant ce n’est pas comme si les ONG grouillaient à Kélo. L’église est à peu près le seul acteur de développement.Ce qui est regrettable, c’est que tout le monde y va de son couplet sur ce terrain qui n’est pas excellent, mais personne ne se bouge pour essayer de faire changer les choses. « On attend »….

Et c’est un peu la même chose au centre. Participer, il y a toujours foule. Critiquer, idem. Etre à l’initiative, personne, à part quelques jeunes peu nombreux et qu’on retrouve dans toutes les associations.

La grande réflexion sur le développement au niveau du Diocèse, c’est justement la participation pour éviter l’assistanat. Complètement d’accord, mais extrêmement difficile et épuisant à concrétiser. Si on reprend l’exemple du terrain de basket. Si on se lance à fond dans ce projet, si on monte un comité qui organisera des actions et tentera de récolter des fonds (et ça, ça nécessitera déjà beaucoup d’heures et de sueur), si on arrive à récolter 50 000, ce sera déjà énorme. Le budget prévisionnel est de 10 millions…Alors ? un intermédiaire entre les deux ?Ce qui devient sûr c’est que même si la participation est négligeable, il faut qu’elle existe, même si cela revient à se dépenser beaucoup pour un petit résultat financier. Sinon, ce sont les 2 blancs qui vont se bouger, il y aura un beau terrain qui sera apparu à Kélo, et puis plus rien…

Pas évident ces missions au Tchad. Il faut toujours avoir le moral au beau fixe et une bonne humeur indémontable pour prendre sur soi, dans presque toutes les situations. Aller au marché et avoir tous les regards sur soi, monter des activités et essuyer les critiques, être disponible 7j/7 pour répondre aux imprévus, toujours être à l’heure pour attendre, se faire arnaquer par la police, être toujours le blanc et l’étranger…Heureusement que nous sommes deux ! Mayeul est dans une phase où sa mission se passe bien, les chantiers comme les études, ce qui permet de me rééquilibrer…

Dimanche 06 mars : une bonne journée de repos après une semaine chargée

Nous allons à la messe au vicariat, histoire de voir d’autres têtes et de se changer les idées. Quelques problèmes de voiture qui tousse et de portail fermé à clé par les sœurs plus tard, nous y arrivons.Manque de pot, c’est la cérémonie de ce qu’ils appellent le 5ème temps fort pour les préparation au baptême, et la messe durera 3 heures.

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En revanche, le père Henri est souriant et drôle, et il y a une très bonne ambiance dans cette paroisse toute neuve, sur la route de Ndjamena.Il n’y a pas encore d’église, des sékos sont posés sur des poteaux en bois pour faire de l’ombre, et nous sommes tous assis sur des rangées de briques. Il n’y a pas l’électricité et quand une occasion du marché démarre et prend la route de la capitale, on n’entend plus rien.Henri parle en français, qqun traduit en zimé. Les chants sont rythmés, les femmes « youtoutent ». Henri nous présente à la fin, et demandent aux enfants de nous chanter un chant de bienvenue. C’est un tout petit qui se lève, et entraîne les autres : « Bonne – a, bonne arrivée… bienvenue ».Ce seront deux petites filles qui animeront les chants après la présentation de 2 jumeaux. Les animateurs de chants ici sont merveilleux à regarder, tout leur corps bouge, et c’est dans une danse qu’ils dirigent les chanteurs.

Bref, un bon moment, et nous saluons tout le monde à la sortie. Nous retrouvons quelques têtes connues comme le gardien de Bayaka, Jaqueline ou Berthe de la Senafet. Nous saluons la sœur Marie Angèle qui est en pleine réunion avec le comité de lutte contre le sida.

Nouveau problème de voiture pour partir : ce coup-ci, c’est l’accélérateur qui est bloqué. Ca fait rigoler Marie Angèle qui remarque que ça, c’est une voiture du diocèse… Bref, ça repart, et nous ferons une halte chez Maccabie, le meilleur garagiste de la ville… qui répare notre moteur avec une lame de rasoir Gillette et des élastiques noirs pour refixer le filtre. Et ça tient ! ça a l’air tellement simple, que je vais me mettre à la mécanique !!

Puiser l’eau, arroser, manger, se reposer, écrire du courrier… ça fait du bien de se poser !Et ne pas se plaindre puisque les visites n’ont commencé qu’à 17 heures… avec Cali et Issibey venus jouer aux dames, Aristide venu me rapporter les derniers résultats de la négociation sur le prix de la copie pour le journal Avenir, le catéchiste qui cherche un poste de menuisier venant trouver Mayeul à nouveau parce qu’il n’a pas été pris sur le chantier.

Lundi 07 mars : journée… variée !

En tant que membres du personnel apostolique… nous allons en récollection à Bayaka avec les autres membres de l’équipe, à savoir le curé, l’abbé Innocent, les sœurs Marie Thérèse et Anne Marie (Pauline est partie depuis 10 jours, en théorie à Pala, mais personne ne sait où elle est…).Nous partons entassés dans une voiture car la nôtre a fait sa panne du jour, il ne se passe strictement plus rien quand on met le contact…Au programme, éléments de méditation donnés par le curé, réflexion perso. Il fait une chaleur de bête.Nous retournons dans le mini 4x4 des sœurs (d’après Mayeul, c’est le genre de voiture qu’ont Ken et Barbie…) à Kélo chercher le repas que Gilbert, le fils de JB et cuisinier des sœurs a préparé.Notre voiture est toujours au même endroit, Missisipi et les joueurs de basket arrosent le terrain en latérite pour le match de ce soir.Déjeuner à Bayaka, sieste, adoration, tout le monde transpire.Innocent, l’abbé nigerian a une drôle de personnalité : tout en rondeur physique, il est souriant, et passe son temps à se faire charrier par les sœurs qui l’asticotent d’autant que son français est exécrable. Et à côté de ça, un dur en ce qui concerne tout ce qui touche à la religion : quand j’ai demandé qu’est ce qui

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servait de vin de messe ici, vu qu’il n’y a pas de vin, il m’a repris en disant ce n’est pas du vin, c’est la sang du Christ…. Et je n’ai pas eu la réponse à ma question purement terre à terre. Dommage parce qu’au goût ça ressemble à du pineau des Charente… !

Retour à Kélo pour le match de basket garçons contre filles dans le cadre de la SENAFET. Un beau succès qui rattrape le négatif des derniers jours. Un monde fou autour du terrain, la présence du bureau Senafet, une bonne ambiance, des jeunes serviables, apportant le matériel, l’eau, etc.Une animation assurée par Théophile et Placide, les rois du micro. Décidément, je m’entraîne souvent à la parole en public ces derniers temps !Les filles ont gagné. Le coach a un peu trafiqué les résultats, les gars avaient pour consigne de ne pas trop faire les brutes, mais les 2 équipes ont bien joué.Ashta avec son mégaphone faisait les commentaires bis, interpellant les filles, et les hommes sur les droits de la femme. Mais quel boulot sur ce thème : par exemple, 2 questions de Théophile posées à Ashta : « On entend que la pratique du sport rend les filles stériles, est-ce vrai ? » ou « On dit aussi que les filles qui jouent au sport ne savent pas préparer la sauce, qu’en dites vous ? ».Mais le public, plutôt masculin, réagit bien ce soir, sauf le vieux bourré qui m’interpelle pour me dire que « je vais pleurer au lit ce soir ». Une sacrée bande de machos de la première heure ces tchadiens !

Mardi 08 mars : Journée internationale de la Femme

Ce n’est pas légalement un jour chômé, mais il est toléré que les femmes ne travaillent pas aujourd’hui.Le branle bas de combat est sonné plus tôt que d’habitude ce matin, j’ai rendez vous à 7h au centre social. Un murmure de désapprobation s’élève quand je rentre dans la cour où je distingue le mot pagne. En effet, je ne suis pas aux couleurs de la Senafet. Du coup, l’une des femmes me passe le pan de tissu qu’elles s’attachent autour des hanches, sur leur pagne, et cela me fait ma jupe. Une autre me prête le tissu qu’elle avait dans les cheveux et Ashta me fait une coiffure avec. Voilà… j’ai le pagne bleu que toutes les membres du bureau portent.Il y a foule, les gens commencent à se rassembler sur la place de l’indépendance. Des groupements de femmes arrivent en rang, sous leur bannière et en chantant. Il y les associations de quartier, les écolières, collégiennes, lycéennes, etc.Le comité se rend donc également en rang et en défilant sur la place, chantant en sara « nandgékéré djaradjébé », qui signifie de l’avant. Je ne suis pas sûre d’être à ma place, mais c’est trop tard pour se défiler (sans mauvais jeu de mot). En attendant le lancement de la cérémonie, nous nous rendons à l’hôpital pour féliciter et offrir un petit cadeau aux bébés nés le 08 mars. Ils sont 3, et que des garçons, ce qui déçoit beaucoup mes copines… Moi je suis bluffée par les salles de maternité. Mamans et bébés sont sur le même lit, le nourrisson dormant tout simplement dans un pagne de sa mère. On est loin de la surmédicalisation… En tous cas, les bébés, qui ont encore la peau très claire, dorment comme de bienheureux…Les salles voisines de chirurgie sont toujours plus difficiles. Ce coup-ci, il y a toute une famille, brûlée par l’incendie de leur concession. Il y a le papa, le petit garçon, un bébé de 3 mois…

Sur la place où nous revenons, toujours chantant et défilant, sous la houlette d’une grande cheftaine mama, il y a maintenant une foule dense et compacte

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mais qui s’ouvre devant nous. Nous prenons place au pied du podium. Enfin, arrêter de défiler…La cérémonie s’ouvre par un discours de la présidente, remarquable, qui évite les écueils de ce type de journée, en précisant bien qu’il ne s’agit ni de mépriser les hommes ni de proclamer la supériorité des femmes sur eux, mais elle insiste sur le rôle complémentaire qu’ils ont à jouer, notamment dans le foyer.Vient ensuite le discours du préfet. Après, c’est l’hymne du Tchad chanté par les petits du jardin d’enfants : Allons, à l’ouvrââge…Puis les poèmes, déclamés avec beaucoup de dynamisme par les élèves des différentes écoles de Kélo, chaleureusement applaudis par le public. Un public logiquement peu discipliné, mais pas retenu par des barrières. Ce sont donc les militaires qui avec des branchages dans les mains chicotent à tout va pour faire reculer les premiers rangs, essentiellement des enfants. Ashta, au micro d’animatrice, tente la méthode douce « essayons la démocratie au Tchad, reculez gentiment, sinon on sera obligés de passer à la dictature et de chicoter »… mais rien à faire sans chicote !Du coup, il y a des mouvements de panique, des nuages de poussière qui s’élèvent et quand ils retombent, il ne reste plus que quelques claquettes et autres tongs, et un ou deux petits qui pleurent parce qu’ils se sont fait renversés.Tous les arbres de la place se sont remplis de gamins qui ont grimpé aux branches. Il fait très très chaud. Nous sommes toutes debouts en plein soleil et la sueur nous dégouline sur tout le corps. Fin des discours, début du défilé. Surtout avoir l’air naturelle et oublier tous ces regards. Après 2 ou 3 petits tours, je m’éclipse, ras le bol !Je file au centre social boire un coup, finalement rejointe par le reste du groupe. Un groupe de musiciens traditionnels a suivi. Il y a parmi eux un genre de flutiste impressionnant dont les joues se gonflent comme celles d’un crapaud.L’ambiance est bonne, les gens que je connais et que je croise ont l’air contents que je sois habillée en femme tchadienne !!En revanche, j’ai assez donné, et je sèche le match de foot qui est sensé nous opposer aux vétérans, à savoir les personnes influentes de la ville. 5000 F d’amende pour ceux qui ne viennent pas…Et le soir, c’est la soirée récréative au Pili Pili, où l’on rentre sur invitation, attention ! Nous y allons avec Patricia, et j’arrive à faire rentrer Missisipi et le coach de basket, comme remerciements pour avoir organisé le match d’hier.Le jardin du restaurant est plein à craquer. Les femmes du comité placent les invités et les servent. Comme d’habitude, le 08 mars n’est pas vraiment un jour de repos pour la femme…Une boisson est offerte. On se tasse, ce qui nous permet de faire connaissance avec nos voisins de table, qui sont professeurs d’EPS au lycée, et maris de membres du comité.Il y a même un repas de prévu, et nous voyons passer devant nous un énorme plateau de salade de tomates, des bassines gigantesques de pain, puis une marmite plus que familiale portant au moins 5 cabris rôtis…Nous tentons de nous échapper discrètement à ce moment là, car il faut préparer nos affaires pour le voyage de demain. Nous avons bien cru passer le reste de la nuit au Pili Pili, car c’est bien sûr ce moment là où la voiture a décidé de faire des siennes une fois de plus…

Mercredi 09 mars : en route avec l’occasion du marché

Nous nous levons avant le soleil, avec comme objectif de partir pour Ndjamena à 6 heures. Comme la voiture n’est pas fiable, nous allons la laisser au vicariat, qui

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se trouve en face de la gare routière, et prendre un petit bus, qui s’appelle ici l’occasion du marché.Ca c’est le plan théorique, en pratique, notre voiture a une fois de plus refusé d’entendre raison. Après s’être énervés ½ heure, nous prenons nos sacs et partons à pied. Arrivés sur la rue principale, nous arrêtons deux clandos, les motos taxis de Kélo, montons à l’arrière et en direction du parc de stationnement !Nous y retrouvons JB qui, toujours fidèle à son rôle d’ange gardien, est déjà passé 2 fois voir si nous étions partis…Nous avons de la chance, il reste quelques places dans un minibus rouge, nous partons donc assez vite, entassés à 22+2 enfants, 4 par banquette.La route jusqu’à Bongor est bonne, en deux heures nous y sommes. Malheureusement pour nous, le chauffeur s’arrête pour faire réparer un bruit dans le pot d’échappement. Le mécanicien démonte tout, remonte tout, c’est bon, plus de petit bruit… vu que le bus ne redémarre plus !C’est bien, nous voilà à attendre pendant une heure ½ pour la réparation d’une nouvelle panne.Un musulman qui voyage avec nous engage la conversation. Très sympa, il est originaire du nord, mais vit depuis longtemps à Moundou. Il nous offre un jus d’oseille bien frais. Les vendeuses de carottes qu’elles portent sur un plateau posé sur leur tête nous assaillent, nous expliquant qu’elles cherchent de l’argent pour manger.Notre compagnon de voyage commence à nous gonfler : il parle en arabe aux filles, et on distingue le mot nazara tout le temps. Quand je lui demande, il nous explique qu’il est en train de leur dire que lui n’est pas un blanc et qu’il n’a pas d’argent comme ça à dépenser… Au final, lui achètera une carotte et pas nous.Ensuite, il nous gonfle sur la religion, nous expliquant que Jésus est un prophète qui n’est venu que pour sauver les juifs, alors que Mahomet est le seul qui soit venu pour sauver tous les hommes. Nous transformant en théologiens émérites, nous lui signalons qu’à notre connaissance, Jésus est venu pour sauver tous les hommes. Grand débat de marchand de tapis pour savoir « qui c’est qui a le meilleur prophète »... Ridicule !Nous repartons finalement. Entre temps, le soleil s’est largement réveillé et quand le bus se met en marche, nous avons l’impression que quelqu’un nous souffle de l’air d’un sèche cheveux… Nous sommes sur la dernière banquette et le coffre ferme mal, en plus du sèche cheveux, il y a donc toutes les vapeurs d’essence et toutes les poussières de la route. La route est moins bonne quand on se rapproche de Ndjamena et elle a achevé notre banquette qui s’est définitivement effondrée…Heureusement à 13h30, c’est la prière. Tout le monde descend prier et nous en profitons pour descendre un coca et tenter une réparation de la banquette.

Nous longeons maintenant le fleuve Chari, et sa vision est presque un mirage : des eux bleues, des plantations et des potagers verdoyants, des enfants qui jouent dans l’eau…Puis c’est l’arrivée enfin sur Ndjamena. Nous arrivons à 15h après 8h de route pour 500 km.

Mauvaise nouvelle, les volontaires DCC Julie et Amélie, chez qui nous devons aller ne répondent pas sur leur portable, et nous ne connaissons pas leur adresse. Un jus de fuit banane ou mangue pour se laisser le temps de réfléchir, puis Mayeul appelle Mathieu, l’entrepreneur, qui est justement à Ndjamena. Il habite par chance à 500 mètres et vient nous dépanner. Nous montons tous les 3 dans un taxi, faisons une pause chez lui, où il nous présente sa femme et ses huit enfants,

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dont un petit dernier tout mignon qui ne pleure pas quand il voit des blancs mais qui est tout sourire… jusqu’à ce que je le prenne dans mes bras, et que toute la famille se tire, qu’il se retrouve seul avec nous et qu’il hurle….Le taxi nous embarque ensuite jusqu’à la Procure où ils n’ont pas l’adresse cherchée, mais téléphonent à Patrick, l’autre DCC de Ndjamena, qui est au centre Emmanuel, propose qu’on le rejoigne, qu’il nous emmènera après chez les filles.Quel jeu de piste ! Cela nous permet de découvrir un peu la capitale, très étendue, un peu embouteillée. L’avenue Mobutu est une grande artère le lond de laquelle s’alignent les lycées, centre culturel français, ministères, place de l’indépendance, ONU, UNESCO, présidence (interdit de s’arrêter à cet endroit là), hippodrome, cathédrale. Il y a beaucoup de circulation, partout des petits bars ou restos. Tout cela est bien bien différent de Kélo !Au centre Emmanuel, qui est tenu par les mêmes sœurs que celles de mon ancien lycée…, nous faisons connaissance avec Monique la responsable, et même Amélie, suivie par Julie qui arrive et qui n’avait pas allumé son portable…J’agresse la sœur Monique avec mes questions sur le fonctionnement du centre, nous prenons donc RDV demain pour en parler plus longuement.

Ah le rythme trépidant des capitales… cradots et affamés, les filles nous emmènent directement au Musée National pour le vernissage d’une expo photo sur une tribu nomade du nord du Tchad.Cela fait bien longtemps que nous n’avons pas vu autant de blancs. Des jeunes ou des moins jeunes, il y en a quand même pas mal ici, et nous faisons connaissance avec un couple qui est là depuis plus de 30 ans. Lui est architecte et a travaillé sur un projet avec Jean Pierre, un archi de l’agence du XVè où Mayeul a bossé. Bilan, nous sommes invités samedi soir à boire un verre.Très mondain cette capitale ! Il y a même le ministre de la Culture qui vient faire un tour, le président du CCF également (centre culturel français).Nous avons perdu l’habitude du contact avec nos compatriotes, et nous n’accrochons pas du tout avec le comportement de certains.Voilà, nous arrivons chez les filles, à temps pour ressortir et boire un verre avec Mathieu et sa femme au bar Chamade.Ndjamena, c’est la capitale, mais ce soir, il y a coupure d’électricité et coupure d’eau. Finalement, c’est mieux à Kélo !!Dîner très sympa chez les filles avec également Antoine, DCC de Mongo et Patrick. Eglantine, bénévole ici pendant un an, habite désormais aussi la maison.Enfin, nous installons un grand dortoir dehors, et tout le monde au lit  après cette longue journée.

Jeudi 10 mars 2005 : première vraie découverte de la capitale

Comme nous sommes sans voiture, nous partons avec Julie pour la procure où se trouve son bureau.Ne pas oublier de mentionner un petit déj digne d’une capitale avec des bonnes baguettes et des yaourts…A la procure, nous faisons connaissance avec le père Serge, l’économe. Je laisse Mayeul tenter désespérément de se connecter à internet et file au centre Emmanuel pour le RDV avec Monique.Il est assez impressionnant ce centre, qui se présente comme un centre de formation pour les jeunes, en complément au collège ou au lycée. Ils proposent des cours, des devoirs, la plus grande bibliothèque de la ville (11 000 livres…), de l’improvisation, des projections, des expos, etc.Les locaux sont bien conçus et en parfait état. La sœur Monique qui est l’âme du lieu s’y investit à 100%, et ça marche du tonnerre !

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Bien sûr, les fonds viennent de France, par le biais d’une association.Tout cela me paraît bien différent du petit centre de Kélo, mais nous ne jouons pas dans la même cour et n’avons pas les mêmes moyens. Petit à petit, on va y arriver !Je prends un taxi pour retrouver Mayeul et Julie en plein cours d’Autocad. Julie est ingénieur aéronautique et découvre le métier de constructeur avec ardeur ! Nous luttons contre la déshydratation en sirotant un jus d’oseille chez Claudine, puis continuons vers l’ambassade de France. C’est marrant comme on se sent vite revenu à la maison : la climatisation donne une petit air d’hiver, la liste des documents à fournir nous rappelle les joies de l’administration française…Mayeul ne pouvant prouver sa nationalité française (paraît q’un passeport ne prouve pas la nationalité…), il faut qu’on se fasse envoyer de France le livret de famille, pour avoir le droit d’obtenir la carte consulaire.« Je vois bien que vous êtes français, mais ça ne suffit pas…. »En attendant le plus important est fait puisque nous sommes enregistrés comme résidents, et qu’ils pourront venir nous chercher en cas de crise.J’essaie de monter au service d’action culturel pour prendre RDV, mais ça n’est pas possible. Pour cela, il faut sortir, et passer une heure à essayer d’obtenir la ligne téléphonique pour obtenir un RDV… ce qui sera d’ailleurs impossible, vu les agendas chargé à cause de la semaine de la francophonie, les prochains rendez-vous ne sont qu’en avril ! Vive la France !Nous passons au cyber café de la poste, qui ne fonctionne pas, au cyber café de l’avenue de Gaulle, qui ne fonctionne pas… Laï c’est mieux !L’avenue de Gaulle est l’endroit chic, avec toutes les boutiques pour expats, où il y a de l’huile d’olive à 5000F, du nutella à 3000F et même des pommes ou des noisettes en poudre…C’est également là où il y a les pâtisseries et les bijouteries.Autre ambiance dans les locaux de la CMTS (genre de CAF) où je cherche à avoir des nouvelles du dossier de JB qui n’a pas touché ses allocs depuis presqu’un an.Heureusement, Julie connaît un employé qui note ma requête et me propose de revenir demain.La matinée est déjà finie, on a bien couru partout, on se croirait à Paris.Nous retrouvons les 3 filles pour déjeuner. Mayeul part ensuite en RDV avec Mathieu et le bureau d’études et fait le tour des quartiers Nord de Ndjamena à la recherche des claustras idéaux pour le chantier, avant d’être invité chez Djolba, l’ingénieur.De mon côté, je pars avec Julie voir les broderies des femmes de Farcha. Je suis un peu déçue parce qu’elles sont mises en vente par un groupe de femmes d’expatriés, et du coup, le lieu de vente n’a rien de pittoresque… Les broderies non plus ne sont pas extra, il y a juste quelques modèles pour enfants qui sont jolis.Nous rejoignons ensuite le reste de la bande (Patrick, Mayeul, Eglantine et Amélie) dans la concession de la tante de Zara qui est une lycéenne copine de Bonaventure lui même « ami des coopérants »… La sœur de Zara va se marier avec un sénégalais et l’a annoncé depuis Dakar à sa famille. Ce soir, c’est donc la remise de dot, mais aucun des deux futurs mariés ne sont là.Les femmes, en voiles multicolores et rarement dans des teintes sombres, sont assises dehors sur des tapis et remplissent la concession. Nous nous déchaussons et nous installons parmi elles. Patrick et Mayeul, eux, sont priés de rester avec les hommes qui sont… dans la rue. En fait, la remise de dot se passe côté hommes, les femmes attendent en écoutant de la musique et en dansant.Alors… chez les hommes, il y a eu la remise de la dot : les membres de la famille du mari apportent leurs présents à la famille de la femme, et les amis et invités

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assistent à l’inventaire qui est effectué. Les cadeaux peuvent varier entre des valeurs de 500 000 et 1 million de francs, ce qui est loin d’être négligeable. Modernité et délocalisation au Sénégal obligent, la dot de ce soir consiste essentiellement en un transfert d’argent effectué par Western Union… et complété par de la vaisselle.Quand tout est examiné et proclamé à tous, les hommes mangent puis rentrent chez eux.Chez les filles… ça papote au frais dans la cour. Dans une pièce, la musique est mise, et certaines femmes se mettent à danser de manière remarquable, tout en douceur. Ce sont des danses sensuelles, aucun homme n’est là, sauf le photographe qui arrivé avec son projecteur qui lui sert de flash et ne se gêne pas pour mater allègrement… C’est assez étonnant, le voile pendant la danse est rectifié, les pans qui tombent servent à souligner les hanches ou les fesses. C’est un moment féminin où nous avons l’impression qu’elles peuvent libérer leur féminité sans gêne.Le repas nous est ensuite apporté sur de grands plateaux. Nous nous asseyons autour, par groupes de 6 ou 8 et prenons à la main dans les plats. Il y a de la viande, de la salade de légumes et en dessert, un délicieux flan au caramel.Après le repas, la fête continue chez les femmes, mais nous les laissons entre elles, car nous sommes invités chez Ernest et Dominique pour le départ de cette dernière.

Ernest est l’assistant technique qui dépend de l’ambassade de France et travaille à la Direction de l’enseignement catholique, sous les ordres d’un tchadien… d’où un positionnement très intéressant…Sa femme Dominique repart en France pour éviter la saison la plus chaude. De toutes manières, c’est la fin des assistants techniques, en Afrique en général, et tout particulièrement au Tchad, donc le contrat d’Ernest s’arrête en août.Ils vivent dans la « résidence française » où vivent plusieurs coopérants français. Leur maison est très sympa, rempli d’ambiance africaine.Dominique a rangé ses affaires, et du coup, je repars avec pleins de stylos, trousses, feutres, règles, casquettes et peluches pour Kélo…Nous buvons le champagne (à mon avis les bouteilles de champ’ se compteront sur les doigts d’une main pendant ces 2 ans…), puis l’accompagnons à l’aéroport.C’est curieux, une fois rendus, de se dire que si nous embarquions nous pourrions être en France en moins de temps qu’il nous a fallu pour aller de Kélo à Ndjamena. Et pourtant, la France nous paraît si loin…Il y a quelques blancs qui retournent au pays, et d’autres qui viennent accueillir les arrivants. Nous faisons connaissance avec un hollandais qui travaille au CIRAD et connaît bien le père d’Antoine. Tout petit monde…Il est maintenant l’heure de rejoindre le dortoir improvisé dans la cour de la maison des filles.

Vendredi 11 mars 2005 : un ange gardien nommé Ernest

Comme nous ne sommes pas motorisés, pour cause de 504 défaillante, c’est un peu compliqué de bouger dans cette ville tellement étendue. Aujourd’hui, nous avons compris le coup : Mayeul a le vélo de Patrick et moi celui de Julie, ce qui nous permet d’être plus indépendants.Mayeul va au bureau de Patrick et Julie pour continuer à leur transmettre quelques trucs du métier et d’autocad. Avant ça, il prend son courage à 2 mains, et va risquer sa tête chez un coiffeur du quartier… qu’il arrête juste à temps !

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En effet, ici, ils rasent également le dessus de la tête, derrière le front, pour faire une belle implantation. Chez Mayeul, ça aurait fait un peu… bizarre !Très belle coupe… finie le négligé de l’architecte, maintenant on le prend pour un chirurgien militaire (authentique !!). Le point positif est que cela semble bien confortable par ces chaleurs.

De mon côté, je pédale dans toute la capitale, obligée d’accélérer pour être à la hauteur quand les lycéens qui passent à côté me proposent une course…Je me rends d’abord au CEFOD (centre d’édition et de formation sur le développement) qui propose tout un tas d’activité de la bibliothèque, aux formations, en passant par l’édition d’ouvrages sur le Tchad et sa culture.Je rencontre quelques personnes très accueillantes qui me renseignent sur les formations offertes aux bibliothécaires, et qui me proposent l’envoi d’un carton de revues.Je retrouve ensuite Ernest dans son bureau, au sous-sol de la cathédrale, dans sa caverne d’Ali Baba : du sol au plafond, des manuels scolaires… envoyés par les collèges et les départements, les écoles primaires et les villes de France, ainsi que par l’Armée, par le biais de la base Epervier présente à Ndjamena (un contingent qui tourne tous les 4 mois et qui ne sort pas de la base, dauf pour aller boulevard de Gaulle au restaurant et pour leur « projet Afrique » : une mise à disposition des militaires et de fonds pour construire un bâtiment à but éducatif et culturel). Je fais mon choix parmi certains livres destinés à être distribués, pour Kélo, et pour Bologo. Ernest enrichit mon carton avec des marqueurs, des stylos… Il est vraiment extrêmement précieux : il me dégote le RDV avec le responsable du SCAC (service de coopération et d’action culturelle) de l’Ambassade (celui là même qui m’a été refusé hier au téléphone pour cause de surbooking lié à la semaine de la francophonie), appelle son collègue chargé des affaires sportives (et je repars avec un ballon de volley, un de foot, un de basket et un de hand…), et accepte même de me faire un prix pour la reproduction en 60 exemplaires du Journal Avenir.Je lui bousille vraiment toute sa matinée, parce que pour préparer l’entretien de demain au SCAC, il m’emmène à la librairie La Source, seul bon fournisseur de Ndjamena. Là je fais mon choix et la sœur qui dirige la librairie prépare des factures pro format, pour que je puisse solliciter l’appui de l’ambassade, qui a des enveloppes dédiées à ce genre d’aides.Manuels scolaires à renouveler ou compléter, rayons littérature africaine à améliorer, je fais mon marché…Sur le chemin du retour, Ernest me parle du Tchad, des sommes d’argent massivement investies sans retour ou résultats, du découragement des services de coopération, et en conséquence du départ des assistants techniques.

A midi, nous sommes invités tous les 2 à aller déjeuner avec Mathieu, Djolba et leurs femmes, Laure et Elise. Comme ils ne font pas les choses à moitié, ils mettent nos vélos à l’arrière de leur pick-up et nous font descendre dans un des deux hôtels les plus chics, le Méridien…Le cadre est sympa, avec vue sur le fleuve Chari, la conversation intéressante, en revanche, la nourriture décevante : un buffet standard aux ¾ vide car il est un peu tard… Mathieu comme Djolba ont beaucoup voyagé en Afrique comme en Europe et leurs analyses d’entrepreneurs sont intéressantes. Les gens qui s’en sortent comme eux, sont de vrais touche à tout, très entreprenants.

Ils nous redéposent à la maison où après un petit repos, nous partons avec Julie profiter des merveilles de la capitale : petit tour sur le boulevard de Gaulle,

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passant devant des pâtisseries, des restaurants chinois ou libanais, des supermarchés avec des produits incroyables…, puis elle m’emmène chez Jérémie, le tailleur styliste de Ndjamena. Là, c’est vraiment différent de Kélo, ce n’est pas seulement un bon tailleur, mais aussi un créateur. Il est bien sûr plus cher, et a beaucoup de succès chez les expats, mais ça fait assez envie…C’est fou ce qu’on perd vite ses habitudes de citadin ! Toute cette animation, toutes ces possibilités nous étourdissent presque… et quand je demande à Julie si sur tel sujet je pourrai lui envoyer un message par radio, elle se moque gentiment en me rappelant l’existence du téléphone…La suite de la soirée va dans le même sens, puisque nous allons au Centre Culturel Français (CCF) pour assister à la projection du documentaire sur les Woodabés, ces nomades tchadiens, réalisé par Marie Laure de Decker, nous dont avions vu l’expo photo l’avant-veille. Le documentaire mettait en valeur la fête annuelle où les garçons se parent de leurs plus beaux atours, se maquillent abondamment de rouge ou de bleu, et dansent, devant les filles qui font le choix de leur fiancé parmi eux. C’est un peuple très pacifique qui vit avec ses troupeaux de vaches, ne mangeant pas leur viande, mais buvant abondamment leur lait.Le public tchadien réagit et commente en direct les images…Ernest, également présent, me présente Agnès qui coordonne les activités du CCF et RDV est pris pour demain.

Amélie pendant ce temps était au centre Al Mouna pour un concert de musique traditionnelle, de très bonne qualité paraît-il. Son seul regret est que pour ce concert gratuit, comme pour beaucoup d’autres animations proposées, il n’y ait que très peu de tchadiens. Le problème, plus que l’argent est surtout que l’insécurité la nuit rebute pas mal de monde.

Samedi 12 mars 2005 : le pire et le meilleur en condensé

La journée a bien commencé : laissant Mayeul aux constructeurs, je pars avec Ernest pour le RDV à l’ambassade. Il me facilite bien la tâche, expliquant que Kélo est une ville en pleine croissance, sans beaucoup de structures existantes. Je me positionne donc en relais dans la région, ce qui me permettrait de participer à certaines manifestations (pour lesquelles il y a du budget…) comme par exemple la semaine de la francophonie qui a lieu la semaine prochaine. Le SCAC donne également son feu vert pour les deux factures de la librairie. En une demi heure, c’est un bon coup de pouce pour le petit centre de Kélo !

J’attends ensuite devant l’ambassade que me rejoignent Mayeul et quelqu’un du CTAP (centre technique d’apprentissage et de perfectionnement, ceux qui vont gérer le collège de Mayeul une fois fini) qui vient nous chercher pour nous emmener là bas, à Farcha, au nord de la ville. Ca autorise une petite scène bien française : le gars de l’autre côté de la rue qui sort son portable pour me demander si je suis bien au rendez-vous. Evidemment, il attendait un homme, alors…Le CTAP est en plein quartier commerçant et musulman de Ndjamena. Deux signes révélateurs : il n’y a plus de bars et les femmes sont voilées. L’islam a l’air plus dur que vers chez nous, certaines femmes trop court vêtues auraient déjà reçues des jets de pierre. Les filles du CTAP viennent voilées et quittent leur voile, seulement une fois rentrée dans l’enceinte du centre.Le Frère Marek, le responsable, nous fait une visite du lieu : ateliers de mécanique, plomberie, froid (frigos et climatisation), informatique, soudure, hôtellerie. En plomberie, leur salle de TP est un salle d’eau grandeur nature avec

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un sol en planches pour que les apprentis puissent observer les canalisations et évacuations. En soudure, ils sont en train de fabriquer des sortes de fours pour faire sécher les tomates ou les mangues.Dans l’atelier de réparation électronique trône la TV du centre culturel de Kélo… ça fait un an qu’elle est là. Fabien, mon prédécesseur, est parti en France avec la pièce pour la changer, mais je suis sans nouvelle de lui. Le CTAP avait les références de la pièce, mais maintenant elles sont au Cameroun ou au Nigeria. J’ai comme l’impression que ça va être plus long que prévu…Mayeul et Marek discutent du chantier de Kélo, puis Edmond, le comptable et prof d’anglais technique (il vient du Cameroun, pays bilingue) nous redépose en ville, au bureau d’études pour Mayeul qui se fait « pomper » par ses 2 collègues, au Centre Culturel Français pour moi.Dur dur de tenir ses horaires ici, et j’ai raté Agnès avec qui j’avais rendez-vous. J’ai malgré tout de la chance car je tombe sur Amélie en pleine conversation avec Claire, qui est une volontaire internationale (VI, ce qui a remplacé la coopération) chargé de la semaine de la francophonie. Je suis arrivée trop tard pour me mettre en piste pour cette manifestation cette année, mais je vois avec elle les supports et autres matériels d’expo qui pourraient venir faire un tour à Kélo une fois la semaine de Ndjamena terminée. Ca serait une formidable occasion de monter une expo à Kélo !Je fais également un petit tour à la médiathèque du CCF qui me fait pâlir d’envie… Demandant des renseignements pour un abonnement aux vidéos, pour obtenir une dérogation sur la durée de l’emprunt, je sui envoyée chez le responsable. Celui ci est la personne que j’avais contacté avant de partir au Tchad et qui m’avait répondu de manière très sympa. Il me propose même un envoi de cartons de livres !Décidément, c’est le jackpot en ce moment… je suis vraiment bien reçue partout !

C’est maintenant au tour de Patrick de venir nous chercher et de nous emmener déjeuner là où il habite, dans un presbytère, à Walhia, au sud de la ville, de l’autre côté du Chari. Nous longeons le fleuve où tout un commerce de bois et de briques s’est installé. Il y a sur les rives des potagers. Il y a aussi un restaurant connu pour sa spécialité de testicules de cabri… Nous n’avons pas été très enthousiastes pour goûter préférant traverser le fleuve et aller déjeuner chez lui. Nous y avons rencontré le père Georges, un polonais très chaleureux qui a passé beaucoup de temps au Cameroun, et qui nous a transmis pleins de recettes, des arachides sucrées en passant par le fromage blanc !On mange bien à Walhia, même de la pizza ! et… du chocolat côte d’or que Patrick en bon belge sait sortir au bon moment…

Nous reprenons la voiture pour repartir chez les filles. Nous sommes tous les 3 à l’avant du pick-up et Mayeul prend quelques photos par la fenêtre. A proximité du quartier Moursal, Mayeul sort le bras par la fenêtre et pose l’appareil sur le toit de la voiture pour prendre une photo d’ambiance de la rue. Heureusement que Patrick le prévient de l’arrivée d’une moto, car celle-ci double sur la droite et attrape le bras de Mayeul. Deux jeunes excités sont sur la moto, hurlant qu’il leur faut l’appareil et demandant pourquoi nous filmons les gens.Patrick réagit bien et accélère. La moto nous poursuit, fait une queue de poisson et nous barre la route. Ils descendent pour recommencer à nous crier dessus. Patrick redémarre, rebelote dans une plus petite rue. Là, chose curieuse, ils se calment d’un coup, le plus jeune nous sort sa carte d’agent des renseignements généraux, nous dit qu’il a la plaque de la voiture et qu’il va faire son rapport. Nous repartons interloqués… Est ce que c’est vrai ? C’est facile de se faire une

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fausse carte et il avait l’air tellement jeune. Ont-ils vus qu’ils n’auraient pas l’appareil ?? Nous espérons, surtout pour Patrick, qu’il n’y aura pas de suite, mais d’un autre côté, nous n’avons pas commis d’infractions. En tous cas, nous arrivons avec les jambes un peu molles chez les filles, en ayant fait attention de ne pas nous faire suivre.Moi, ce qui me fait peur c’est de savoir que nous ne sommes pas protégés par une loi, qu’il y a une sorte de non-droit, que si nous sommes à la merci de quelques excités, il n’y aura pas grand chose pour nous protéger.Nous nous remettons à coup de jus de citron… Patrick va quand même alerter un tchadien de la procure dont le boulot est de gérer tous les contentieux (quand il y a des accidents, des demandes d’argent, etc.).

Tout cela secoue un peu… visiblement il est dur de prendre des photos à Ndjamena. Julie s’est faite insultée une fois où elle prenait des vues du haut de l’étage du bâtiment qu’elle est en train de construire. Elle s’est faite entendre dire que « la prochaine fois, on revient avec des haches »…J’annule la visite du grand marché prévue avec Julie, et profite plutôt de la venue d’un kiné, Nodji, venu débloquer le dos d’Eglantine. Amélie et moi en profitons pour nous faire faire une petite séance de massage…Sauf que ce n’est pas très relaxant, et que je découvre à cette occasion que j’ai pleins de nœuds et de points douloureux dans le dos…

Nous sommes vraiment bien accueillis partout à Ndjamena, souvent invités, et des hôtes qui viennent même nous chercher en voiture. Pour l’apéro c’est Gérard Leclaire, l’architecte français installé ici, qui vient nous chercher en voiture pour nous emmener chez lui. Il habite dans une grande maison en face du ministère de l’administration du territoire, près du chic boulevard de Gaulle. L’intérieur est bien décoré avec certains de ses photos ou tableaux. Nous nous transportons dans un autre monde quand leurs amis arrivent. Un industriel qui met au point des briquettes combustibles en compactant les journaux récupérés, ou qui recycle les sacs plastiques pour en faire un liant pouvant servir pour faire des dalles de salle de bains. Un couple de français, dont le mari est militaire et chirurgien orthopédiste.A part Gérard, qui est arrivé ici avant les évènements et qui s’y plaît bien, les autres tiennent tous un discours décourageant. Tout le monde est désespéré par la chute de Ndjamena. Il y a 30 ans, il y avait l’eau et l’électricité, jamais une coupure. L’école était obligatoire, l’administration fonctionnait. Il y avait des régates et du ski nautique sur le Chari à Ndjamena…. Dés la sortie de la ville, c’était la brousse avec certaines ethnies dont les populations vivaient presque nues.Maintenant, c’est chute vertigineuse et corruption. Le chirurgien qui a bourlingué à travers le monde pense que c’est une de ses pires affectations. Sa journée finit tous les jours à 11 heures, faute de personnel et de moyen. Ne lui reste plus que le golf…Tout cela est assez pessimiste, et ce discours n’est pas le premier de ce genre qu’on entend sur le pays. Quel cynisme de la part des gouvernements… quand d’autres pays mettent tant d’années à essayer de se construire sur des bases solides, eux ont mis seulement quelques décennies à démolir un système qui, d’après ce qu’on entend, était plutôt correct. Quand on pense à l’école obligatoire et qu’on voit aujourd’hui les années presque blanches, ça fait rêver !Même Gérard, le plus enthousiaste, sent qu’il n’a plus sa place : des jeunes architectes tchadiens occupent le marché, mais avec un niveau très faible, et lui se coltine les contrôles fiscaux, les employés qui piquent les marchés puis qui portent plainte contre licenciement abusif… Pas évident tout ça !

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Leur ami qui développe des produits adaptés à la situation peste contre le manque de formation des entrepreneurs tchadiens, incapables de créer le marché et d’assurer le débouché de ces produits. C’est dommage, car le ramassage des ordures et l’assainissement sont vraiment des priorités. Il a mis au point un projet avec les enfants des rues pour que ceux-ci rapportent les sacs plastiques et les déchets. Près des points de collecte, une ONG devrait installer des postes d’alphabétisation et des centres de santé. A priori, ce sont ces gamins qui savent se débrouiller le mieux, car ils viennent d’acheter un camion.

Nous passons à nouveau dans une toute autre ambiance en retrouvant nos amis et en allant dîner chez les sœurs de Saint François Xavier (dont fait partie Sœur Monique la responsable du Centre Emmanuel). Là, j’entends une voix, je ferme les yeux, et je me retrouve automatiquement plus de 10 ans en arrière… puisque se trouve ici Marie Henriette Guiard, qui a été ma responsable au lycée, de la seconde à la terminale. Quand je vous disais que le Tchad était le centre du monde !Ca fait quand même bizarre de se revoir, même si elle n’a pas beaucoup changé. Il paraît que moi non plus… Du coup, nous nous échangeons tous les petits potins sur nos connaissances communes, à commencer par ma maman et mon frère Nicolas !Jamais je n’aurais imaginé me retrouver ici quand j’avais 15 ans !!

Dimanche 13 mars : de l’attente et de la route

Encore pire que chez nous puisque nous nous levons à 6 heures. Les filles nous font pleins de petites attentions et nous retrouvons des gâteaux maison pour le petit déjeuner.Julie se lève avec nous pour nous emmener à Dengué d’où partent les occasions. Dommage pour nous, un petit bus s’en va juste quand nous arrivons. Du coup, nous sommes les premiers voyageurs à monter dans une autre.Il est 7 heures du matin, et il faut maintenant attendre sous le cagnard que le bus se remplissent de voyageurs. Nous sommes deux, il en faut 22… Nous avons bien cru ne jamais y arriver, et nous partons à 11 heures. Le capital patience est à bout, surtout que rien ne nous est épargné : au dernier moment, nous partons, puis nous arrêtons parce que le mécano a oublié sa trousse à outils, qu’il va donc chercher chez lui… Enfin nous croyons que c’est le vrai départ, mais nous nous arrêtons au bout de 50 mètres, pour reprendre quelqu’un, un homme enturbanné de blanc. L’assistant du chauffeur lui fait de la place, envoyant un passager se tasser à l’arrière : « faites de la place pour un Zaghawa »… (ceux, archi minoritaires qui font partie de l’ethnie du président Déby).Bref, nous sommes trempés de sueur et nous partons enfin. Avec la poussière de la route, nous sommes bientôt tout collant de latérite et transformés en statues orange… Sur le bord de la route, des chameaux.Pause à Guelengdeng, à partir de là le goudron est en bon état. Pause repas pour le chauffeur, pause jus de mangue frais pour nous.Vue l’heure… nous annulons nos plans qui étaient de nous arrêter à Bongor déjeuner chez Vincent avant de repartir. Nous l’appelons pour lui donner rendez-vous à l’arrêt, que nous lui donnions juste le paquet de la procure de Ndjamena qui lui était destiné.Nous nous arrêtons encore plusieurs fois, pour boire, pour dépanner une autre occasion arrêtée sur le bord, ou simplement pour mater, comme lorsque tout le monde est descendu voir un véhicule accidenté, qui a fait un tonneau hier, dans un accident qui a fait 4 morts…

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Voilà Bongor et Vincent, avec qui nous avons juste le temps de discuter un peu et de boire un petit verre.Problème quand nous repartons, ils veulent que nous payons le trajet jusqu’à Kélo 2500F par personne (soit en 2 tronçons 6500, contre 5000 à l’aller). Comme nous sommes priés de descendre si nous ne payons pas, nous sortons les billets. Presque trop tard, car visiblement ils cherchent une place pour un gars important et commencent à embêter un petit gars qui a son ticket mais n’aurait pas payé assez. Comme d’habitude, tout le monde s’en mêle et ça dure 3 heures.Voilà… Djoumane, Batchoro, Kélo !Encore un peu de forcing pour récupérer son sac pour éviter les porteurs et l’argent qu’ils réclament, et nous sautons sur 2 clandos qui nous ramènent à moto chez nous.Il est 18 heures. Cela fait 11 heures que nous essayons de parcourir ces 465 km, et nous sommes complètement fourbus.Quel bonheur de retrouver une maison sale pour cause de tempête de sable, une voiture en panne, et l’eau coupée parce qu’un robinet est cassé et que l’eau coulerait à grands flots…Heureusement que JB nous a laissé dans le frigo un bon petit plat de capitaine froid !Grosse déconvenue quand nous nous rendons compte que le yaourt apporté de la capitale pour servir de ferment et de « yaourt mère » n’a pas survécu au voyage…

Lundi 14 mars : retour au boulot

Ca commence bien avec 3 appels sur le portable à 5 heures du matin. Quand je finis par décrocher, le gars n’ose même pas me dire son nom et raccroche…Nous avons l’impression d’être partis longtemps : Mayeul passe la matinée à réparer le robinet, s’occuper de la voiture, recevoir des gens pour entamer le chantier chez nos voisines de réfection de la chapelle.Quand on vous disait que la maintenance prend du temps : nous rentrons, le robinet est cassé. Mayeul va en acheter un ce matin, l’installe et le casse…Nous revenons avec une bougie pour le filtre à eau, celui-ci se met à fuir…Mayeul retente de démarrer la voiture avant de déjeuner, puis oublie les clés sur le contact… La batterie est maintenant vide ! Pfff… pauvre Mayeul, c’est sur lui que ça tombe tout ça !

Adamou le menuisier passe aussi nous voir. Cela faisait longtemps, et heureusement il prend plutôt bien le fait que l’évêque ne veuille plus travailler avec lui pour cause de travail mal fait.De mon côté, petit tour à la bibliothèque pour redémarrer la semaine, et m’apercevoir qu’il manque 500F dans la caisse…

Nous avions profité de la proximité de Samuel avec le Préfet (ce sont tous les 2 des Massas) pour lui faire obtenir un rendez-vous. Nous partons donc avec lui en fin de matinée en direction de la Préfecture. Nous attendons un peu car un ministre en voyage est venu se désaltérer chez le Préfet. Ils repartent rapidement : une voiture avec des militaires armés en tête, la voiture du ministre, la voiture des journalistes (poussés par les militaires car elle ne veut pas démarrer), puis la voiture armée de queue.Nous sommes invités à nous asseoir à l’ombre, dans le cercle du Préfet, en pleine réunion avec des responsables et des policiers, qui discutent des barrages de police. Normalement ce sont des contrôles mobiles, mais comme il n’y a pas de

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moyens, les militaires posent une chaise au centre du rond point, ce qui fait une sorte de barrage fixe.Nous sommes là, en plein milieu de la réunion… Nous écoutons un militaire, le grand père de Tap (ouvrier sur le chantier de Mayeul et coach de basket pour le centre), faire son rapport.Je m’imagine me rendant à un comité de pilotage dans un conseil municipal et que l’on me fasse entrer au milieu de la réunion précédente qui ne me regarde absolument pas…Le bureau du préfet est dehors, à l’ombre d’un manguier. Une table basse et quelques chaises. Les secrétaires son assis un peu à l’écart et accourent pour recevoir leurs ordres, et vont chercher parapheurs ou dossiers à l’intérieur. Bref, le Préfet est sympathique et ouvert. J’obtiens l’autorisation de publication pour le journal Avenir, et Mayeul en profite pour aborder la question de permis de construire. Sauf que le Préfet, comme la Maire d’ailleurs, ne sait pas quelles sont les formalités. Peut être du côté des Domaines ? Enfin, comme Mathieu est allé prévenir tout le monde du démarrage du chantier, ça devrait bien se passer, d’autant que ce chantier a la protection du Préfet, conscient du manque de structures d’enseignement et notamment techniques dans la région.

Quelle chaleur !Le brouillard est levé, et nous nous liquéfions et nous éventons…Nous découvrons un bon colis du XIVè, avec tout pleins de nouvelles et de cadeaux d’entreprises. Des calculatrices comme lots, ça va relever le niveau !!Quelle bizarrerie de pays… cet après-midi, on a frisé la liquéfaction, et puis le vent s’est levé et on a eu un orage, avec l’éclair qui n’a pas dû tomber très loin. On apprendra après coup que l’éclair a tué deux personnes assises sous un manguier.A notre bête question d’occidental qui ne comprend pas cette humidité soudaine en saison sèche et qui demande « c’est quoi cette pluie ? », Jean Baptiste, avec un bon sens d’ici, nous répond « une pluie qui ne sert à rien »…C’est marrant ici on sent l’odeur de la pluie avant de la voir, il y a comme une odeur de terre ou poussière mouillée.Mayeul continue la maintenance de la maison… le robinet neuf est déjà cassé. Le filtre à eau est mis en marche avec la bougie neuve achetée à Ndjamena, mais maintenant ça fuit. C’est quand même franchement casse pieds ces problèmes !Edouard ne venant pas, je bosse à sa place, et je rate la grande réunion d’explication à la troupe Etoile. D’après le compte rendu d’Anne Marie, le bureau a été remanié histoire de calmer le jeu.

En fin d’aprem, nous avons la visite de Pierre, le grand frère de Cali et Issibey qui vient me demander l’argent de l’inscription à l’école et des frais de dossier pour le concours d’entrée en 6ème de Cali. Tout cela est convenu, en échange du bon coup de main des 2 petits pour le ménage du samedi matin au centre.Il y a aussi Désiré qui passe, de retour du Cameroun, et qui vient chercher le règlement du concours d’écriture lancé par Planètes Jeunes et que nous avons pris sur internet lors de notre dernier passage à Laï.Dans un certain sens, la reprise après Ndjamena est difficile. Ce séjour nous a fait une bonne coupure, et nous avons vécu à un rythme plus proche de ce que nous connaissions en France. Il faut se refaire à Kélo, et ce qui aide bien ce sont les « bonne arrivée », ou les « vous êtes de retour ? on croyait que vous aviez disparu » des jeunes du centre culturel… Après la Senafet et Ndjamena, c’est la fin d’un cycle, il faut rembrayer sur autre chose !

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Ce soir, nous avons du monde pour le dîner : les 5 pères (le curé, Henri, Innocent, Christian et Nathanaël le séminariste) et les 2 sœurs (Anne Marie et Pauline, Marie Thérèse étant à Laï). A part Pauline qui est toujours aussi paresseuse et insupportable (Jean Baptiste, apporte moi l’eau… qui est à 30 cm d’elle…), le repas est plutôt sympa. Les discussions tournent autour d’un chrétien venu à la retraite de carême et que les autres ont dénoncé comme sorcier… ou sur le fameux centre de médecine chinoise de Douala (où Samuel est allé) qui opérait le diagnostic à l’aide de 6 bobines de mobylette… !!

Le curé m’apporte des nouvelles de notre infraction de la STEE. Discours mielleux de leur part (on comprend, on réduit la peine, c’est bien parce que c’est vous, etc.), mais on a quand même une amende de 50 000FCFA, plus les consommations, plus les frais d’ouverture et de pose du compteur. Heureusement le curé est ouvert, et veut bien prendre en charge une partie des frais. Parce que sinon, on va directement être dans le rouge au centre culturel…

Que calor, je tape à l’ordinateur, il est 21 heures et je dégouline. La pluie a apporté du frais mais c’est remonté en flèche aussitôt après…

Mardi 15 mars : Le bonheur de revenir au boulot après une absence

La voiture étant toujours en rade, c’est Henri qui dépose Mayeul sur le chantier, emmenant la sœur Anne Marie visiter également ce qui est devenu la grande attraction de Kélo ! Mathieu est toujours à Ndjamena et Bedoumbaye, le jeunot conducteur de travaux a laissé passer une boulette. Les gaines d’électricité ont été installées dans des poteaux porteurs… qui du coup portent nettement moins !Il va falloir refaire. Sinon, le chantier avance malgré tout.

Au centre culturel, l’argent n’est pas revenu. Edouard non plus, qui sèche depuis samedi soir. Il y a un truc qui cloche !Les jeunes du journal me font un très bon accueil avec mes photocopies de l’ambassade. Je suis toute fière de leur annoncer mes 60 exemplaires à 10 000F. Ils applaudissent et me serre la main, puis m’annoncent que pendant ce temps là, ils ont « lutté fatigué » (= lutté jusqu’à en être fatigué, le fatigué est très courant ici) pour avoir une aide à l’hôpital, qui a fini par leur faire 30 exemplaires à 2500F, c’est à dire beaucoup mieux que moi… Humilité…505ème inscription aujourd’hui, un garçon prénommé Bonheur.

Mayeul se penche maintenant sur le petit chantier de réhabilitation de la chapelle de nos voisines. Il reçoit un petit entrepreneur, Enock, pour faire le devis. A l’origine, il était venu en visite pour demander pourquoi il n’avait pas été embauché sur le chantier du CEGT alors que tous ses apprentis qu’il a formé l’ont été… Du coup, le petit chantier tombe bien pour cet entrepreneur très sympa, qui passe me voir à chaque fois à la bibli : « Bonjour Madame Mayeul… est ce que Monsieur Mayeul est au bureau ? »…

Nous commençons à comprendre que nous vivons ici pour de bon : le frigo n’a plus de petits trésors gastronomiques de France, les bonbons à la pomme verte « effet frigo » ont été engloutis, le shampoing est fini et nous devons passer au bidon de 2 litres à l’avocat en provenance du Cameroun !Des petits signes qui ne trompent pas !!

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Enfin, un petit coup de fil de Bruxelles… avec notre réseau qui est saturé, ça devient difficile de nous joindre. Tout ça à cause du Maire qui a demandé trop d’argent pour l’installation de l’antenne sur le territoire communal. En conséquence, l’antenne est hors de la ville, un peu trop loin.

Mercredi 16 mars : tranches de vies

Mayeul fait pas mal de connaissances dans le monde du BTP. Enock, l’entrepreneur qui va s’occuper du chantier des sœurs, vient régulièrement le voir, et l’invite à aller chez lui et lui raconte son histoire. Il a pas mal étudié, notamment au Nigeria puis a monté un entreprise avec quelques salariés. Ca marchait pas mal, il avait de gros contrats avec les ONG ou l’Union Européenne. Une fois, au début d’un chantier, il a avancé 2 millions de francs de matériaux, puis n’a plus jamais eu de nouvelles du maître d’ouvrage. Peut être de l’argent détourné. Sauf que pour lui ça a signifié la faillite de sa boîte et le licenciement de ses employés. Tout est fragile ici, personne n’est hors de portée de tels imprévus.Enock montre à Mayeul le résultat du test de dépistage du VIH qu’il vient de faire : négatif. C’est qu’il a deux femmes, une au village, et une étudiante à Ndjamena, et il n’est pas tout à fait sûre de celle de Ndjamena…

Il y a aussi Elie qui passe souvent voir Mayeul, l’ancien jardinier des canadiens qui habitaient là où nous vivons. Il n’a vraiment pas été gâté par la vie, ses mains et ses pieds sont totalement montés à l’envers. Il se fait fabriquer au centre handicapés de Moundou des chaussures adaptées avec des bouts de tongs qui amortissent les chocs. Il y a 10 ans, un ami lui a présenté sa sœur, et il l’a épousé, puis ont eu une petite fille. 3 ans plus tard, l’ami est parti avec la femme… La justice l’a condamné mais la femme est toujours avec lui. Elie a eu la garde de sa fille, mais depuis peu, sa belle-mère a demandé à ce qu’elle vive avec sa mère pour qu’elle apprenne à faire la cuisine, à préparer la sauce comme on dit ici.Sa fille, dixit Elie, est bien brune, alors que lui est « un peu noir »…Du coup, il vit seul, essaye de faire de l’élevage de poules, canards, pintades, mais se fait souvent voler ses bêtes. Il cherche des petits boulots à droite à gauche, notamment pour sa fille, dont ses professeurs ont dit qu’elle était intelligente, qu’il fallait qu’elle fasse ses études, qu’elle pourrait trouver un bon mari et que ça aiderait le papa. En attendant, il s’inquiète pour la période de soudure, vu les prix du mil qui grimpent en flèche.On se dit souvent qu’ici, il s’agit plus de survie que de vie…En revanche, on ne comprend pas bien son cours de biologie, quand il nous explique que quand il y a beaucoup de soleil, la poule pose ses œufs sur le sol : le sol est chaud, la poule est chaude ; c’est trop chaud pour les œufs, et ça devient de l’eau à l’intérieur…

Au centre culturel, grand débat avec un jeune sur les possibilités de faire ses études en France, du coût de la vie et de l’illégalité des sans papier.L’après midi, c’est le grand retour d’Edouard après 3 jours d’absence… (le samedi ? grand silence… le lundi ? c’était la retraite… le lundi ? j’étais fatigué). En revanche, l’erreur de caisse de 500F vient de lui, je préfère que ce problème soit résolu.Puis c’est le comité des jeunes, où nous réglons les détails d’utilisation du matériel audio, l’organisation des débats, la constitution d’une équipe de foot, etc.

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Pour une fois, c’est bien efficace. Il y a juste Samuel qui parfois m’horripile avec ses commentaires macho. Il voit 2 filles qui arrive à la réunion nue tête, et il les interpelle en leur disant qu’elles sont nues. Je lui raconte ce qui s’est passé au vicariat, le service d’ordre qui a dit que les filles devaient avoir la tête couverte parce que la Vierge Marie elle a toujours quelque chose sur la tête.Et bien, il ne perçoit pas l’ironie, et me répond que parfaitement, d’ailleurs la Vierge est apparue au Cameroun à 3 jeunes filles pour dire qu’il fallait que les filles portent un mouchoir de tête. Au secours… je lui réponds qu’à mon avis, la Vierge a mieux à faire que de s’occuper des mouchoirs de tête !!

Nous avons ensuite une discussion à propos de Marie Angèle qui s’occupe des malades du Sida. D’après Samuel, c’est de l’argent perdu, seule compte la prévention. Ce qu’il dit est intéressant, comme c’est dans la lutte contre le Sida qu’il y a aujourd’hui de l’argent, certaines personnes se mettent dans des associations de malades alors qu’elles ne le sont pas. D’autres refusent de venir témoigner du Sida à Kélo, parce qu’on y offre pas assez d’argent en échange.La solution de Samuel me laisse rêver, il faudrait prendre l’argent destiné à l’accompagnement des malades et s’en servir pour payer des dots et aider les jeunes filles à se marier. Le rapport ? pour moi aucun.Ce genre de discussion me perturbe pas mal, il n’y a pas de politiquement correct, ce qui fait qu’on entend parfois des énormités qui dites en France vaudrait illico à leur auteur des assignations en justice de la part de la LDH ou autre. Et c’est là où une fois de plus, le fossé immense qui nous sépare est tellement palpable que c’en est difficile de discuter. Heureusement qu’Anne Marie était là aussi, et qu’elle arrive, en tant qu’africaine, mieux que moi à faire passer certains messages.

Mayeul, de retour du centre ville, se voit une nouvelle fois interpellé par les gendarmes, le chef cette fois.

- Alors, il paraît que c’est vous qui ne connaissez pas le civisme ?(rapport à la fois où Mayeul ne s’est pas arrêté dans la rue quand les militaires baissaient les couleurs)

- …- Pourtant ; c’est vous les français qui nous avez apporté le drapeau et qui

nous avez appris à le respecter. Qu’un drapeau chiffonné, c’était la nation qui chiffonnée…

Bon, Mayeul s’est excusé à nouveau, dit qu’il n’était pas au courant, qu’il n’avait pas vu le drapeau qui était baissé au fond de la cour.L’entretien s’est fini sur un ton cordial, mais quelle affaire !!!

Jeudi 17 mars : grmlgrml de 504

Chapeau bas à Mayeul qui garde une patience d’ange vis à vis de l’épave qui essaye de nous servir de voiture…C’est fou ce qu’il passe comme temps à aller chercher Maccabie le garagiste qui vient, tripote 2-3 trucs, change 1-2 pièces, puis s’en va, ça marche. Joie, bonheur, Mayeul peut enfin aller sur le chantier, monte dans la voiture.. qui ne redémarre pas. Et ce scénario se répète…Un tantinet gonflant sur les bords…

Pendant ce temps, je réunis mes bibliothécaires et leur fait un cours bien « sermonneux » sur l’anticipation, la communication et la gestion des impossibilités à venir travailler. D’après Mayeul, je ressors mon frais passé de consultante !

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Ce n’est pas évident de gérer une équipe parce que le travail passera toujours après les évènements, genre funérailles. C’est fou ce que les morts paralysent la vie des vivants ici !Super bilan : nous finissons la réunion à 12h, en ayant bien insisté sur ce point. A 15 heures, Edouard n’est pas au rendez-vous pour sa permanence et n’a pas prévenu. Efficace mes méthodes, non ?Depuis hier et jusqu’à demain, les jeunes n’ont pas cours : personne ne sait très bien si les profs sont en journée pédagogique ou en grève. Ce qui est sûr, c’est que pour compenser les grèves des 3-4 premiers mois, les vacances de Pâques ont rétréci pour se transformer en un long week end.Mayeul retrouve cet après midi son groupe de conversation en anglais, avec des niveaux tellement disparates que l’exercice n’est pas évident.

Vendredi 18 mars :

Miracle pour Mayeul qui arrive à aller en voiture jusqu’au chantier. Mathieu est enfin arrivé de Ndjamena, le gros porteur avec le matériel aussi. Le rythme du chantier est bon et la dalle va bientôt être couléeA la bibliothèque, je commence à me demander si Edouard ne se fout pas de moi… j’étais prête à l’excuser croyant qu’il était à une « place mortuaire » de son cousin, mais Samuel l’a vu ce matin en train de prendre des photos à l’inauguration d’un nouveau marché dans le quartier Pagré…Ce même Samuel qui me demande d’envoyer un mail à un évêque camerounais qu’il a rencontré à Ndjamena dans le cadre d’un séminaire où il lui demande de l’aide pour être admis à l’université.Je veux bien lui envoyer, mais je doute qu’il obtienne ce qu’il souhaite. Je me rends compte que ça doit être difficile d’être un jeune tchadien, vu le presque impossible accès à l’éducation puis à l’emploi. Ce n’est pas rare que les jeunes reviennent parce que tel ou tel prof n’est pas venu…

Un vendredi tout normal, avec une réunion des journalistes d’Avenir. Comme prévu, écrire le journal est une partie de plaisir, la vente et la diffusion passionnent moins. Ils ont l’idée d’une tombola avec des billets peu chers, d’une part pour faire quelques rentrées d’argent et d’autre part pour faire connaître le journal, dont le dernier numéro remonte à plus d’un an. Et pour les lots ? « ah ça, c’est vous Madame »… bien sûr !Heureusement que de gentils salariés français harcèlent leurs CE et m’envoient des cadeaux d’entreprise !!Le soir nous avons la visite de Danga Désiré qui participe à un concours de rédaction de scénarios sur le VIH en Afrique. Nous lui tapons son texte et essayons ensemble de le peaufiner. Ce serait impossible de faire cela pour tous, mais il fait partie de ceux parmi les plus motivés et qui ont du potentiel, alors il faut lui donner un coup de pouce, d’autant que son style est assez bon et percutant.Nous sommes surpris d’apprendre qu’il habite seul dans une concession et qu’il se débrouille pour ses repas… Son père travaille dans la zone du pétrole à Doba, et toutes sa famille est avec lui. Danga a l’air tout dépité de rentrer chez lui et de se retrouver seul, il faudra que nous l’invitions à manger un de ces jours.

Samedi 19 mars : péripéties africaines à la pelle

Debout aux aurores pour un décollage immédiat.Bien sûr tout ceci est purement théorique. Maccabie le garagiste devait venir à 7 heures pour triturer le moteur et nous permettre de démarrer. Il arrive en retard,

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envoie quelqu’un lui chercher des outils, et se met au boulot. Changement des bougies, nettoyage d’autres pièces, ça n’en finira jamais avec cette voiture.Voilà, ça démarre, nous embarquons les 9 acteurs de la troupe Etoile à l’arrière et en route. Les comédiens qui partent produire à Laï sont visiblement ravis et chantent debout à l’arrière du pick-up. Le bonheur, la voiture n’a jamais aussi bien marché…. jusqu’à la préfecture, soit à une distance de 300 mètres de chez nous.Décidément, c’est l’école de la patience.Nous poussons cette foutue caisse, sous les gentilles moqueries des passants qui se moquent de la joie bruyante mais vite stoppée des comédiens !Impossible d’emprunter une voiture du presbytère, elles sont toutes occupées. L’occasion du marché ? OK pour nous, mais les jeunes n’ont pas les 2000F nécessaires par personne. Louer une voiture à un commerçant ?Nous partons à un petit groupe pour traverser la ville pour demander au gérant du dépôt de bières et sucreries, qui n’est pas au magasin, mais à la maison, une maison en dur qui trône au milieu du quartier. Le gérant en question est à la toilette et nous rongeons notre frein sous le boucarou avant de la voir revenir tout pomponné, ceinturé et bretellé. Ca aurait été avec plaisir, mais sa voiture est également en panne…….Retour à la case départ et de nouveau marche forcée jusqu’à la maison. Là, coup de bol, un beau pick-up vert est garé devant chez nous. C’est Djolba, du bureau d’études, qui arrive de Ndjamena et qui propose de mettre voiture et chauffeur à notre disposition si nous prenons en charge le carburant aller et retour. Nous expliquons à la Troupe Etoile que nous assurons l’aller mais que chacun se débrouillera pour le retour et en route.Le voyage se déroule sans souci, c’est tellement agréable une voiture sûre !La voiture ne fait pas tout, et nous crèverons quand même en passant sur la série de petits ponts en bois branlants, où des clous gros comme ça dépassent des traverses…Nous arrivons aux rives du Logone à plat, les jeunes sautent dans une pirogue et nous laissent en plan avec le pneu crevé et sans un mot pour le chauffeur. Merci… (Il paraît que c’est courant. Jérémie, à qui nous racontions cet épisode nous a dit que les fois où il avait pris des passagers, gratuitement, et qu’il avait eu un problème mécanique, les gens prennent leurs sacs et se cassent sans un mot…).Bref, nous montons dans la pirogue avec le chauffeur et les pneus (ah oui, parce que celui de secours était aussi crevé…), le laissons en ville pour les regonfler, et continuons sous le soleil jusqu’à la maison des garçons.Avec tout ça, il est bien tard et nous filons directement à la procure, sinon tout ce voyage n’aurait servi à rien. Avec toutes ces dépenses pour la voiture, nous sommes à sec et il faut impérativement que nous passions à notre « banque »…Voilà, c’est chose faite, et les pauvres Marco et Rosana ont le privilège de voir deux blancs dégoulinant et crachant leur bile sur la 504 qui ne marche jamais !

Après un repas réparateur (comme Blouze et Jean Baptiste ont travaillé ensemble, on mange bien aussi à Laï…), direction le fleuve. Ca, c’est vraiment quelque chose qui manque à Kélo.C’est beaucoup plus tranquille qu’à Léré, toute la ville ne vient pas assister à notre baignade. Ce n’est pas l’incognito à 100%, mais comme eux aussi se baignent et profitent de l’eau, ça passe mieux.Moi j’opte pour le bain avec des vêtements, c’est aussi plus simple.Il y a beaucoup de courant, l’eau est donc bien propre, et ça fait un bien fou.

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De retour à la maison, il y a des visiteurs, un ancien volontaire en poste à Doba de 1998 à 2000 et sa femme, accompagnés par l’inévitable Joseph de Bongor et son chauffeur Eloi.C’est intéressant d’avoir sa vision du Tchad 5 ans plus tard. Ce qui l’a le plus frappé, c’est le meilleur état des routes et l’arrivée en masse du portable !Ce soir, c’est l’anniversaire de Bertrand et nous sortons fêter ça tous ensemble à la Citadelle, un des bars de Laï. Moyen le coca et la bière température ambiante…Il y a du monde sur la piste qui scintille sous les guirlandes clignotantes, le coupé-décalé est toujours autant à la mode !En revanche, quand on prend du recul tout cela est un peu tristoune et on sent que nous avons devant nous les seules occupations proposées ici, et en premier lieu l’alcool. Les bouteilles de bière de 65 cl ne se boivent jamais à l’unité, ils les enfilent les unes après les autres. Une fille vient s’asseoir à notre groupe à côté d’Eloi, boit ainsi à l’œil toute la soirée, ils dansent un slow puis partent ensemble à l’auberge. Ils n’ont pas échangé un mot, ça coule de source, c’est évident, et ça se passe comme ça. La fille n’est pas une prostituée, mais personne n’a rien à faire de mieux pour s’occuper. J’ai une boule qui se forme dans l’estomac, tout le monde connaît par cœur les problèmes du sida et sa prévention, mais entre la théorie et le quotidien, il y a plus qu’un fossé. Et pour finir de ma déstabiliser, la fille revient vers nous et nous montrer les livres qu’elle a sur elle : une bible et un autre ouvrage religieux. Je ne suis pas sûre qu’en 2 ans nous ayons compris même 1% de ce qui se passe ici, de la culture, des habitudes et des croyances, surtout vis à vis de la religion. Pour l’instant, nous avons plus l’impression que la religion ne se vit pas, on en parle seulement, avec en plus quelques doses de superstitions. Mais nous sommes peut être à mille lieues de la vérité !

Dimanche 20 mars : villégiature laïoise

Nous décollons un peu tard, finissant par être réveillés par les cris des enfants de Blouze et par Bitchi le chien qui vient nous lécher la tête au travers de la moustiquaire.Finalement, la représentation de la troupe est annulée, le message n’aurait pas été passé. Nous nous rabattons sur un monopoly maison fabriqué par Jérémie et Bertrand et adapté au contexte local : c’est le monopolaï… les gares sont les bars, la rue de la Paix la Procure, Belleville c’est la pirogue, Faubourg Saint Honoré le bac, et on construit des cases, pour 5 cases, c’est l’auberge.Le tout en se pourléchant les babines avec la spécialité de Blouze, les « sandwichs », qui tiennent plus du samoussa que du jambon-beurre… Ca nous rappelle la France, les pauses déjeuners et le « fooding » !!Il fait tellement chaud, que c’est l’heure de la baignade, un excellent moment passé avec les enfants (ceux de Blouze : Flo la grande et une copine, Nadine, Madji, la petiote et le voisin, le filou Denis). On dira ce qu’on voudra, mais c’est dur de résister à ces petites trognes frisées, avec leur sourire et leurs grands yeux. Et leurs rires quand on s’amuse à les faire sauter dans l’eau, et leur trouille quand j’apprends aux filles à faire la planche. Nous faisons un peu attraction, et tous les enfants à la baignade finissent par nous rejoindre.Les « plages » sont assez organisées de manière officieuse : en amont les enfants, puis les garçons, puis les femmes qui lavent leur linge. Nous allons côté garçons. Au début les jeunes filles en veulent pas se baigner, puis finissent par nous rejoindre. Il faut dire que la plupart des hommes se baignent tout nus, mais on n’est pas obligés de les fixer non plus !Finalement, ça crève de lutter contre le courant, et nous sommes presque instantanément secs une fois sortis, c’est l’avantage.

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Nous rentrons à temps pour le matche de foot Kélo contre Lai, ça tombe bien !Comme d’habitude, une foule de gens se pressent le long du terrain, et les forces de l’ordre s’en donnent à cœur joie pour chicoter les premiers rangs. Devant nous, un petit bonhomme se fait marcher dessus et hurle… C’est vrai que sans cordon de sécurité c’est difficile, mais là il n’y a même pas de limites, ce qui fait qu’à chaque passage d’un militaire, on se prend un nouveau coup pour reculer encore plus.Les autorités sont là, même notre Préfet et Ashta, en tant qu’ancienne présidente de la Ligue. Très sympa ce Préfet, qui descendant du podium pour encourager les joueurs vient nous saluer et réclamer une visite du chantier à Mayeul.Sur le terrain, les joueurs se donnent à fond. Avec le sable, la poussière et la chaleur, ce n’est pas une sinécure. 3-0 pour Kélo, les supporters qui ont fait le déplacement crient de joie. Les kakous montent sur les motos qu’ils ont loué pour venir à Laï et se mettent à parader autour du terrain, à fond la caisse ou sur place, en tournant. L’un d’entre eux perd le contrôle de sa machine, et se renverse contre une quinzaine de vélos qui tombent et s’entremêlent. Les hooligans, tous les mêmes !!

Nous les laissons à leurs actes de bravoure et partons squatter de nouveau le bureau d’Ambroise à la radio pour tenter à nouveau internet. Pas de chance depuis 2 mois. Maintenant c’est Yahoo qui nous bloque en nous disant que nous avons envoyé trop de messages, et Outlook qui ne fait plus passer les pièces jointes.

Lundi 21 mars : coincés à Laï

Nous passons un message radio pour prévenir Kélo et Jean Baptiste de notre retour dans la matinée. Pas de pot, Théophile, le garagiste de Laï qui devait nous emmener et en profiter pour faire un diagnostic de la voiture, ne peut finalement plus partir aujourd’hui mais demain matin.Bon bon bon…Alors en route pour le bureau d’Ambroise et la connection internet, qui ne marche pas vraiment une fois de plus.La troupe Etoile est toujours là, et la curé d’ici propose de mettre à leur disposition voiture+chauffeur pour rentrer aujourd’hui et éviter ainsi qu’ils manquent une matinée de plus au lycée. A condition que je paye l’aller retour en carburant et bac. Pas question, le marché était clair qu’ils se débrouillaient pour le retour. Nous n’avons que Théophile demain matin à leur proposer, si ça ne leur convient, pas ils se débrouillent.

Bon… un gros coup d’internet, profitons-en, et une bonne après-midi passée avec les enfants dans l’eau du Logone. Les vacances à Laï !

Mardi 22 mars : ça s’achète où de la patience ?

Théophile le garagiste nous avait dit 6 heures du matin. Nous avions déjà des doutes hier soir car il a croisé Ambroise et lui a parlé de 8 heures.Bref, nous nous levons, pas de Théophile au garage. Il arrive enfin, mais doit mettre de l’ordre avant de partir, part chez lui se changer, va à la Procure, etc, etc…Les comédiens de la troupe Etoile sont prêts, nous aussi. Les deux responsables de la troupe sont partis au cabaret boire la cauchette, l’alcool local… Nous nous morfondons chez les garçons. L’ambiance est assez morose.

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Nous quittons enfin Laï, il est 10h15, mieux que l’occasion du marché !Il faut encore aller chercher un gars et un sac de mil, puis se planter au bord du fleuve pour attendre le bac, qui bien sûr est de l’autre côté.Maintenant, il n’y a plus assez d’eau et le moteur n’est plus utilisé, le bac avance avec des pousseurs et des perches, et ça met un bout de temps pour remonter le courant !Finalement, une pirogue vient chercher le câble, l’emporte sur la rive, les pousseurs arrivent à la nage, et tout le monde hâle le bac.Enfin !! et maintenant, comme la voiture est bonne, il ne reste plus que ¾ d’heure de route sans aucun problème technique.Nous arrivons à Kélo, et croisons pleins de gens qui se sont inquiétés de notre absence. Visiblement, tous mes messages radios ne sont pas passés, personne ne savait trop où nous étions. Le plus embêtant ce sont les parents des comédiens qui nous tiennent pour responsables du retard de leurs rejetons. Il va falloir leur expliquer que le marché était clair à la suite de la panne de notre voiture : nous les emmenions avec le pick-up du bureau d’études, mais à chacun ensuite de se débrouiller pour le retour. Ils jouent les grands, mais ne sont pas plus cohérents et responsables que des petits…

Nous retournons chacun à nos occupations délaissées : moi je vais apprendre des nouveaux jeux aux jeunes et assister au premier entraînement de volley, maintenant que nous avons un coach. Mayeul, lui, s’occupe du chantier des sœurs, et doit hausser le ton d’une part contre elles qui se sont précipitées et ont commencé le chantier sans lui, sans rien organiser, et d’autre part contre les ouvriers, complètement torchés sur le chantier.C’est incroyable cette histoire de cauchette. Que beaucoup boivent parce qu’il n’ont rien à faire de leurs journées, ça peut se comprendre, mais que certains arrivent bourrés sur leur lieu de travail, ça !! A moins que les périodes d’oisiveté s’enchaînent sur les courtes périodes d’activité, et que des mauvaises habitudes et dépendances soient prises…Mayeul en parle à Marie Thérèse, la supérieure, qui lui dit qu’elle connaît l’entrepreneur, ayant fait sa connaissance… en prison ! (mais pour un fait mineur… une histoire de vélo). Toujours 20/20 en communication !

Mercredi 23 mars : il paraît que c’est normal…

… qu’une période de découragement apparaisse à la fin du troisième mois. Ce n’est plus vraiment le tout début, mais on trouve que les choses ne vont pas assez vite. En l’occurrence aujourd’hui, nous avons eu plus d’une occasion de râler contre ce « foutu pays ».Il y a d’abord Bienvenue, un comédienne de la troupe Etoile, qui vient me trouver pour dire qu’un des leurs est au poste de gendarmerie où il a passé la nuit. Ils seraient venus l’arrêter hier au centre culturel (à un moment où je n’y étais pas). Motif : ils avaient prévu de jouer au centre culturel de Laï et de faire payer l’entrée 100F. Une autre troupe de Kélo, la troupe Avenir avait profité du déplacement des footballeurs pour venir également à Laï et comptait produire gratuitement chez le gouverneur. D’après ce qu’ils me disent, Avenir est moins organisé qu’Etoile, ils leur empruntent souvent leurs décors et leurs sketchs sont moins aboutis. Bref samedi soi à Laï, ils ont décidé de jouer ensemble, mais la dispute est intervenue après car ceux de la troupe Avenir ont réclamé une part des recettes. Etoile a proposé de soustraire ses dépense, puis de diviser en 2. Avenir a contesté le montant total (d’après eux il y aurait eu plus de 300

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personnes…) et déclaré qu’ils ne voulaient pas de leur argent, qu’ils sauraient bien comment le récupérer à Kélo. D’où l’intervention de la brigade, qui sur la parole d’un jeune va arrêter un autre jeune et lui fait passe la nuit au poste, à 3 jours du bac blanc.Je ne comprends pas cette manie de faire intervenir les uniformes si vite, sans discuter avant. Les discussions sont rudes ici, le ton monte extrêmement vite.Bref, Samuel se met sur le coup, Hassan est libéré et une confrontation est prévue demain matin.En arriver là pour si peu… et je ne sais pas ce que la rencontre de demain pourra donner, personne n’a de preuve de ce qu’il avance.

Pendant ce temps là, Mayeul essaie de réorganiser le chantier des sœurs géré par Enock l’entrepreneur et de gérer le problème des ouvriers alcooliques. Mathieu arrive sur ces entrefaites et luis raconte les dernières histoires du chantier. Ce même Enock, vexé sans doute par le refus de Mathieu de prendre des sous traitants, colporte des bruits au quartier comme quoi Mathieu lui a volé ce qui aurait du être son chantier.Parallèlement, Mathieu a du refuser une livraison de 500 briques dont 200 étaient cassées. Les gars des briques se sont énervés, sont revenus à 10, menaçant physiquement Mathieu et lui assurant que personne d’autre à Kélo n’acceptera de lui vendre des briques. On ne sait pas trop ce qui se trame, mais il y a l’air d’avoir de la jalousie pour ce quelqu’un venu de Ndjamena et il y aurait une sorte de conspiration contre lui.Nous ne connaissons pas l’exacte réalité. Pour l’instant, Mathieu ne se laisse pas démonter, connaît son pays et les ficelles.Mayeul et lui vont essayer de jouer la carte du Préfet à fond, qui semble très intéressé par le chantier et qui a déjà demandé à Mathieu de le prévenir au moindre problème, qu’il ne voulait pas que l’ouverture de premier collège technique ne soit retardé.C’est presque incompréhensible. Nous avons l’impression que dés qu’il y a quelque chose qui avance, ceux qui n’y participent pas sont jaloux et font tout pour mettre des bâtons dans les roues des autres. Ce qui fait que beaucoup de choses reculent au lieu d’avancer.Et puis toutes ces mesquineries, ces rumeurs, le fait que tout le monde se mêlent de tout et donne sa version…

A cela se rajoute le fait que nous n’avons pas l’impression encore d’avoir fait plus ample connaissance avec grand monde.Le coup fatal est porté innocemment par Jean Baptiste qui propose que nous achetions la boule au marché une fois par mois pour que nous goûtions les plats d’ici… « parce que Charlotte et Sébastien, ils sortaient souvent et allaient manger la boule chez les gens, mais vous vous ne sortez jamais ». Je ne pense pas que nos prédécesseurs connaissaient tout Kélo en 3 mois, et Jean Baptiste a reconnu que nous n’en étions encore qu’au début, mais sa gentille intention est mal tombée aujourd’hui ! D’un autre côté il n’a pas tort, nous n’avons pas encore appris à faire les visites comme cela se pratique ici. Il faut que nous sachions nous inviter nous même.Nous allons essayer de nous booster pour sortir plus alors, mais je ne sais pas à quel moment, les journées sont déjà bien remplies ??!!

Jeudi 24 mars : on se prépare à recevoir de la visite

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Julie et Eglantine arrivent de Ndjamena samedi avec Vincent, récupéré à Bongor, Anne Sophie et peut être Grégoire arrivent de Pala. Un week-end de Pâques DCC se profile à l’horizon.Nous ne sommes pas très équipés pour autant de monde, donc Jean Baptiste est mandaté pour l’achat d’une grande natte au marché, sur laquelle on pourra dormir et Mayeul part en quête de moustiquaires.D’après nos infos, on pouvait en trouver à l’hôpital, mais le stock de l’hôpital central est épuisé (a priori, un don de l’Unicef d’il y a deux ans, qui étaient distribués gratuitement au début puis vendu). Emile, la personne handicapée qui passe souvent voir Mayeul, était là et l’a accompagné au petit hôpital du quartier Pagré, mais sans plus de résultat. On verra au marché demain.

Pendant ce temps, Samuel vient me faire le compte rendu de la confrontation au poste pour l’histoire de la troupe Etoile. Le « jugement » a été assez juste : les gendarmes ont estimé que personne n’avait de preuve, puisque l’argent gagné n’avait pas été compté en présence des 2 parties le soir même. La troupe Etoile a donc partagé en 2 la somme qu’elle indiquait avoir perçue pour la donner à la troupe Avenir… Eric le responsable était là et tenait des discours vengeurs, sur les suites à donner au quartier. J’ai du essayer d’être bien persuasive pour lui suggérer de laisser tomber l’affaire.

Vacances forcées cet après-midi puisque c’est jeudi saint pour les catholiques. Le centre culturel est fermé. En attendant, cela est bien pratique car me laisse le temps de téléphoner à une heure correcte, d’une part à Ernest pour prendre des nouvelles du don de livres de l’ambassade de France, et d’autre part à Monsieur Massra, d’un groupe de musique rencontré au CCF de Ndjamena, pour essayer de les convaincre de venir se produire en concert à Kélo.

Puis c’est la messe et le lavement de pieds, avec une belle chorale ngambaye. Mayeul s’éclipse à 18h sur le demande des pères pour mettre le groupe électrogène de la mission en marche, et moi idem pour aller à la réunion du comité de rédaction du journal Avenir.Incroyables ces jeunes journalistes… ils sont supers pour écrire des articles, couvrir des évènements, interviewer certaines personnes, mais ils ont aussi certaines attitudes qui m’énervent.Par exemple, je leur montrais les cadeaux d’entreprise reçus de France et qui serviront de lots pour la tombola destinée à financer le journal. A chaque objet : « les jumelles ? ah ça c’est pour la rédaction !… Les calculatrices ? il en faut une pour le trésorier… »« Et à propos des cadeaux pour la rédaction ? »Je me suis improvisée moralisatrice et ai fait un beau cours sur l’abus de pouvoir.Idem quand j’ai essayé d’expliquer que je voudrais que le ton soit plus positif, moins agressif, plus constructif ; que des phrases type « ceux qui ont du sang sur les mains vivent aujourd’hui dans le luxe » ne font pas forcément avancer les choses. Quand j’ai dit que l’incident des troupes de comédiens à Laï n’était vraiment pas digne de figurer dans le journal, ils m’ont rétorqué que si, c’était ça qui intéressaient.Oui, mais si pour une fois, on pouvait arrêter de médire et de ragoter sur les comportements des autres ??

Ah dans un tout autre ordre… vu que nos premiers efforts de jardiniers n’ont rien donnée, nous nous lançons dans la production maison, avec la fabrication du fromage blanc. Il faut être indulgent c’était un premier essai, assez surprenant au goût, mais on s’y fait. C’est forcément plus « parfumé » que les Calin et autre

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sveltesse. Si on y arrive, ça serait bien car c’est on ne peut plus simple : acheter du lait entier non bouilli au marché, le laisser quelques heures au soleil pour qu’il caille, verser le tout dans un torchon pour egoutter…

Vendredi 25 mars : Branle bas de combat

Une journée avec un rythme presque parisien (excepté la sieste qui devient presque quotidienne). Mayeul commence avec la visite prévue du Préfet sur le chantier. Mathieu a prévu arachides et boissons, tous les chefs de terre (les autorités traditionnelles) sont là… mais le préfet ne viendra pas retenu ailleurs. Une fois les denrées finies, les chefs de terre retourneront chez eux, sans un coup d’œil au chantier !Au centre culturel, les élèves sont à J-4 des épreuves du bac blanc, alors c’est soutien scolaire en maths à gogo.Et puis, le nombre d’invités ne cesse de grossir pour ce WE, nous serons finalement 8. Jean Baptiste cherche des moustiquaires dans toutes la ville et s’active aux fourneaux, moi je vais en ville faire quelques courses. Il y a de l’espoir ! nous sommes toujours autant regardés quand nous sortons, mais le fait de rencontrer de plus en plus de têtes connues et de s’arrêter pour discuter rend l’affaire nettement plus supportable. Odile, mon homonyme de la librairie, les femmes du centre social, celles de la Senafet, Ména et Jaqueline, etc.Jean Baptiste avait raison quand il disait que nous n’avions pas encore appris à faire les visites : je croise Cali qui justement me reproche gentiment notre absence de visite chez eux. Le problème c’est que nous ne connaissons aucune des adresses, mais on va s’y mettre fissa fissa…Pendant que Mayeul bosse sur le chantier des voisines, je me mets pour la première fois à faire de la cuisine, en l’occurrence un gâteau au chocolat. Ca fait tout drôle de n’avoir fait ça depuis si longtemps ! C’est amusant et ça fait bien rire JB car il y a des gestes qui ne peuvent être les mêmes entre chez nous et ici, comme par exemple, le fait de casser les œufs et de séparer jaune et blanc. Ici les œufs sont tellement petits qu’avec ma méthode c’est l’échec assuré. Il faut juste percer un petit trou au sommet et laisser s’écouler le blanc. 24h/24 d’apprentissage ici…

Et puis c’est vendredi Saint, donc il y a une cérémonie religieuse. A l’africaine : ça dure 3 heures, et l’atmosphère recueillie ne dure pas bien longtemps. Après le récit de la mort de Jésus, la chorale chante « ce n’est qu’un au revoir »…. Et la procession devant la croix qui s’éternise finit par provoquer une forte dissipation, chacun de mettant sur la pointe des fesses pour mieux voir le pourquoi de l’hilarité.Comme à son habitude, le service d’ordre vient engueuler enfants braillards et jeunes mamans, surveille les tenues, mais ne s’offusque en rien d’un sein qui sort pour l’allaitement. Nous n’avons pas les mêmes interdits !!

Dernier petit cours de soutien en maths pour aujourd’hui, les ln et autres exp commencent à me gonfler, et ce n’est pas fini, puisque les examens, dont le bac blanc, sont prévus à partir de mardi.

Samedi 25 mars : de 2 à 11

Comme tous les matins, l’entrepreneur du chantier des sœurs vient faire sa petite visite. Vraiment un drôle de gars, dont on ne connaît pas bien le « côté obscur ». On a su par la suite qu’il avait fait de la prison, non pas pour une histoire de vélo, mais pour une histoire d’argent sur un chantier. On ne sait pas

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bien à quoi il joue avec Mathieu et le chantier du CEGT sur le quel il n’a rien à faire. Ce matin, il a encore été raconter des histoires à Mayeul, comme quoi il aurait mieux faire de venir avec lui pour la visite des chefs de terre, que ça aurait pu calmer les affaires car Mathieu les auraient grugé en ne leur remettant que 3 billets de 2000 au lieu des 30 000. Ca se serait passé le soir, chacun aurait reçu 3 billets et comme ils ne savent pas compter.Qu’est ce que c’est que ces histoires encore, c’est vraiment fatiguant que tout le monde se mêle de tout et tue son oisiveté à colporter de sales rumeurs voire à en inventer !!

De mon côté, c’est plus physique mais dans une meilleure ambiance. Cali et Issibey sont là comme tous les samedi matin, Samuel aussi et Bienvenue vient donner un coup de main. Profitant de toute cette main d’œuvre, c’est la grande opération de salubrité, ménage et feux avec les feuilles des manguiers qui tombent à la pelle (serait-ce l’hiver ??).

Pour JB aussi c’est le coup de feu, sans mauvais jeu de mot… Finalement, Jérémie et Bertrand viennent aussi ce WE, et Grégoir vient avec Kisito un ami de Pala, nous serons donc 11, et il faut vite vite aller au marché pour racheter quelques verres et autres victuailles !C’est marrant il y a une ambiance grand nettoyage de printemps ce matin, car de nombreuses femmes s’activent aussi dans la mission pour que tout soit bien propre pour Pâques.

Sinon, je croise Théophile le rédac’chef du journal Avenir, qui s’arrache les cheveux sur les articles mal écrits des journalistes…Il y en a un qui me met hors de moi, ça s’appelle « Vision sur le centre culturel », et ça parle de problèmes entre les jeunes, entre les bibliothécaires, de dirigeants qui détourneraient de l’argent pendant les réunions paroissiales (de qui parle t’il ?), bref, un vrai torchon pour 2 raisons : je ne sais absolument pas de quoi il parle, et 2/ je vois que mon cours de morale de jeudi soir n’a servi à rien. Je ne vois toujours pas l’intérêt de publier ce genre de brûlot peu fondé… s’il y a des problèmes que je ne connais pas, je trouve ça plus intéressant de venir m’en parler et qu’on les règle ensemble, plutôt que de balancer ça dans un journal, pour qu’une fois de plus tout le monde s’en même et vienne envenimer l’affaire (à condition qu’il y en ait une…). C’est plutôt marrant que ce soit un journaliste dont le journal ne vit que grâce au centre qui écrive cela.Bref, une petite réunion avec ce monsieur s’impose !

Et voilà, les voitures arrivent en procession, la petit 4x4 rouge d’Anne Sophie, avec Grégoire et Kisito, la 205 de Vincent qui arrive de Bongor avec Eglantine et Julie, puis le bon gros pick-up de Jérémie qui arrive avec Bertrand, de Bongor également.C’est sympa de se retrouver presque tout. Ceux de Bongor ont profité de la proximité du Cameroun pour apporter des ananas, avocats, pastis ou jus de pomme. Que des denrées inconnues ici !Je les plante à 15h pour cause de sauvetage en maths express, spécial J-3. Les garçons m’empruntent le filet et le ballon de volley et se font vire rejoindre par des petits gars qui ne savaient pas quoi faire.Mayeul, lui, emmène les filles à Bayaka, visiter la ferme expérimentale et acheter les derniers fruits (soi-disant des petits pamplemousses mais en fait des oranges…), puis rendre visite à la sœur Colette, toute contente d’avoir des visites, de français en particulier.

Page 35: LE JOURNAL DE JANVIER - ddata.over-blog.comddata.over-blog.com/xxxyyy/0/03/10/69/documents-wor…  · Web viewPendant ce temps, Mayeul prépare le dossier du permis de construire

Jean Baptiste se lâche pour le dîner et nous fait des brochettes de poisson avec une présentation digne des meilleurs 4*, tout le monde est jaloux…Ce soir c’est la fiesta, nous quittons la maison pour aller fêter ça au Pili Pili, où il y a une soirée spéciale organisée par les jeunes de Authentic number One…. On paye l’entrée, on attend une boisson et un plat de viande, puis ensuite les boissons sont en promo.Il y a une bonne ambiance ce soir, on commence à connaître quelques têtes et à saluer plusieurs personnes. Tous sur la piste, à 10 blancs, c’est discret, mais nous sommes assez vite noyés dans la masse.

La nuit est courte, nous rentrons par vagues successives, et le chiot d’Anne So et Grégoire a le don d’énerver les chiens furieux des sœurs qui s’en donnent à cœur joie toute la nuit…

Dimanche 27 mars : Pâques en folie

Aïe, les cloches en provenance directe de Rome nous réveillent un peut tôt, à 6h30, 7h puis 7h30.La messe de Pâques, ça ne rigole pas : 80 baptêmes et autant de premières communions, ça commence à 7h30, ça finit à 11h15 ! Avec quelques petites surprises bien sûr par rapport à ce qu’on connaît : une procession des offrandes avec une danse, des baptisés largement arrosés et qui repartent dans l’allée centrale, les gens se jetant sur eux pour leur éponger le front et avoir ainsi un torchon mouillé d’eau bénite…Bon, vers la fin, les annonces et encore des chants, ça commence à gonfler !

Après la messe, c’est toute la famille de Jean Baptiste qui arrive ; la grande Mariette, puis Prudence, Viviane, Jeannette, Christian et François, le cousin. On leur lit une petite histoire, on leur raconte l’histoire et la tradition des œufs de Pâques (avec une petite carte du monde pour jouer à Mme le prof…), puis c’est la chasse aux œufs. Ca marche bien, quel que soit l’âge !Et nous sommes bien contents de commencer à sympathiser avec eux.Le petit Christian boîte de la moitié du corps, ce qu’on avait pas remarqué les premières fois où nous l’avons vu. Anne Sophie nous conseille d’investiguer un peu, ça pourrait être une conséquence du neuro-palu.

Repas pascal : un bon poisson… sauf que préparé depuis hier, il a un peu fermenté !En revanche, notre tentative de fromage blanc qui avait raté hier (le lait n’avait pas caillé au soleil et je l’avais remis en bouteille et au frigo) a en fait réussi : en le sortant ce matin, il y avait un bon fromage blanc.Avec mon gâteau au chocolat, et en entrée foie gras de Vincent et vin rouge de Julie, ça fait un repas de fête plus que correct !

Grande première cette après-midi, nous avons été invités à la sortie de la messe à aller visiter 2 familles qui fêtent le baptême de l’un des leurs. C’est Claire, une jeune de 20 ans en 1ère L, qui vient nous chercher à la maison pour nous conduire chez elle, au quartier Djebang.C’est chouette, elle nous fait découvrir un quartier totalement inconnu de nous, passant par des rues entières de cabarets. Elle habite dans la grande concession de son père, fonctionnaire agricole, muté tous les 3 ou 4 ans. Il est catholique mais polygame, sa deuxième femme étant musulmane. Il y a donc au moins une vingtaine d’enfants dans la concession. C’est amusant, j’y retrouve plusieurs têtes connues du centre culturel, mais je ne savais pas qu’il y avait des liens de

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parenté entre eux. J’y retrouve Deglemine, et Rachel, qui se trouve être sa femme… (mariage en 3ème, bébé de 1 an ½).Nous sommes accueillis comme des rois. Claire nous a préparé un plat de spaghettis en viande, puis nous offre des bonbons et du jus d’oseille. Le seul hic est qu’il est 17 heures, et qu’il faut se forcer un peu pour lui faire honneur.

Nous continuons chez Célestin, un jeune de terminale. Dans la concession, une TV a été installée et tous les voisins regardent une série nigériane, style des feux de l’amour… Nous avons eu une petite peur, mais finalement ils n’avaient prévu que des boissons et des arachides. Ouf pour nos estomacs !Nous revenons par l’hôpital et le marché, ce qui fait que nos « étrangers » auront eu un bon aperçu de la ville.Les garçons de Laï, Pala et Bongor auront pendant ce temps fait honneur à la pétanque du centre culturel…