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Au l de la N°53 / 2013 LE JOURNAL DE LA SEINE EN PARTAGE Seine L’ASSOCIATION DE CEUX QUI AIMENT ET QUI PROTÈGENT LA SEINE

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Au l de laN°53 / 2013

LE JOURNAL DE LA SEINE EN PARTAGE SeineL’ASSOCIATION DE CEUX QUI AIMENT ET QUI PROTÈGENT LA SEINE

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Directrice de la publication et rédactrice en chef : Pascale Dugat

Maquette : Veocommunication / SahursRédaction : V. Brancotte, J.-L. Caffier

Imprimerie : Iropa / Saint-Etienne-du-Rouvray

Abonnement 4 numéros 15 € / anEditions Seine en partage. Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement sur quelques supports que ce soit le présent ouvrage (art L.122-4 et L.122-5 du code de la propriété intellectuelle) sans autorisation de l’éditeur.

4, rue du Pont Louis-Philippe 75004 ParisTél. 01 42 78 36 60 - www.seineenpartage.frAssociation loi de 1901 - Déclaration en sous préfecture de Provins (77) - N° 0773003154

Siret 411 126 703 000 12 – code APE 913 E

Ce document participe à la protection de l’environnement : il est imprimé par Iropa.

Ce document est imprimé avec des encres végétales.

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LES MEMBRES DU BUREAU

Président FondateurM. Yves JEGO,député de Seine-et-Marne, maire de Montereau-Fault-Yonne

Vice-présidents M. Hervé CHEVREAU, maire d’Epinay-sur-Seine (93)M. Arnaud RICHARD, député des Yvelines (78)M. Jacques-Henri SEMELLE, conseiller municipal de Montereau-Fault-Yonne (77)

Secrétaire généralM. Guy SIMONNOT, maire de Marnay-sur-Seine (10)

Secrétaire générale-adjointe Mme Anne-Marie ASHBROOK, présidente de l’association APURE (27)

TrésorierM. Jean DELAUNAY, maire adjoint de Conflans-Sainte-Honorine (78)

Trésorier adjointM. Frédéric MOLOSSI, président des Grands Lacs de Seine

LES MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION Tous les membres du Bureau sont membres du Conseil d’administrationM. Gérard ANCELIN, vice-président du Conseil général de l’Aube et maire de Nogent-sur-Seine (10)Mme France BERNICHI, adjointe au maire au Développement durable d’Alfortville (94)M. Alain CARLIER, vice-président de l’ADHF (75)M. Guy DOLLAT, vice-président du Syndicat de la Vallée de la Seine et maire de Périgny-la-Rose (10)M. Jean-Michel MAUREILLE, maire de Saint-Pierre d’Autils (27)M. Pierrick ROYNARD, président de l’association Les Amis de la Grenouillère (78)

Déléguée généralePascale DUGAT

Président M. Michel VALACHE, directeur d'entreprise

http://www.seineenpartage.fr/francais/journal-au-fil-de-la-seine/

Au fil de lan°53 / 2013

le journal de «la seine en partage» SeineL’ASSOCIATION DE CEUX QUI AIMENT ET QUI PROTÈGENT LA SEINE

32 Au fil de la Seine n°53

Pour défendre la Seine,pour valoriser votrecommune,pour préparer ensemble l’avenir

Nous sommes 386 communes rive-raines de la Seine. Nos problèmes sont les mêmes (luttecontre les inondations et la pollution,PPRI, aménagement de nos berges,développement du transport et dutourisme fluvial, etc.). Ensemble, nous pouvons nous faireentendre et faire respecter nos réali-tés, nos besoins, nos choix.

Télécharger sur le site internet de l’associa-tion le document PDFhttp://www.seineenpartage.fr/francais/for-mulaire-d-adhesion/?PHPSESSID=ae162cee20cba91fcc27e825eaac0b4c

REJOIGNEZ–NOUS

ADHEREZA LA SEINE EN PARTAGE

L’association qui regroupeles communes riveraines dela Seine de sa source à son

embouchure

Dans ce 53ème numéroA quelques jours de notre grand colloque d’automne qui aura lieu à l’Assemblée Nationale le21 novembre et qui aura

pour thème « La Seine, la loi et les élus », nous avons interrogé Maître Alexandre Faro, grand spécialiste du droit de

l’environnement pour savoir si, à ses yeux, la législation issue du Grenelle de l’Environnement était, comme le pensent

de nombreux élus riverains de la Seine, trop contraignante.

Pour lui, et il nous l’explique longuement, «  la règlementation est la seule manière de protéger l’environnement ».

Nous en débattrons donc avec lui.

L’eau est, évidemment, au cœur de toutes les réflexions sur la protection de l’environnement et notamment, bien sûr,

pour les riverains. Il y a maintenant des lois sur l’eau et des normes européennes à son sujet. On dit souvent que la

terre commence à manquer d’eau et que ce qu’on appelle désormais « l’or bleu » va devenir l’une des « denrées »

les plus précieuses parce que les plus rares de notre planète.

Nous avons interrogé à ce sujet Gérard Payen, l’un des meilleurs spécialistes de l’eau dans le monde et auteur d’un

livre récent « De l’eau pour tous ». Il réfute, preuves à l’appui, toutes les idées toutes faites et tous les préjugés trop

souvent véhiculés. Non, nous dit-il en substance, la terre ne manquera jamais d’eau, même quand il lui faudra faire

vivre dix milliards d’êtres humains. Le problème, selon lui, est ailleurs. C’est celui du traitement de l’eau, de sa « po-

tabilisation » que les pouvoirs publics n’ont jamais voulu mettre au premier rang de leurs priorités. Un beau sujet de

réflexion.

Sur ce même thème de la dépollution de l’eau, nous vous faisons visiter la station de Nandy, en Seine-et-Marne, vé-

ritable sentinelle de la qualité de l’eau de la Seine ainsi que le laboratoire de recherche d’EDF de Chatou où l’on

étudie d’une manière surprenante la formation des méandres de nos fleuves et de nos rivières.

Mais s’il faut protéger la Seine en tant que réservoir essentiel de notre écosystème, il faut aussi l’aménager en tant

que voie de transport majeure de nos régions et de leur développement. Nous vous présentons le Schéma de services

portuaires d’Ile-de-France préparé par Ports de Paris et qui dessine l’avenir de notre fleuve à l’horizon 2020-2025.

Enfin, notre série «  Les grands fleuves du monde » vous fera aujourd’hui descendre la Volga, le plus grand fleuve

d’Europe, la véritable frontière entre l’Est et l’Ouest, le berceau de l’âme russe.

Mais si le touriste s’émerveille devant les innombrables beautés des cathédrales et des monastères de l’époque des

tsars qu’il aperçoit du fleuve, s’il s’étonne devant le gigantisme des aménagements de l’époque soviétique, il ne

peut que déplorer à maintes reprises la dégradation de ce fleuve impérial qui bien souvent n’est plus qu’un égout à

ciel ouvert.

Bonne lecture.

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Jean-Louis Caffier : - Qui est responsable de quoiquand on parle d’eau et dedroit ou de réglementationsà respecter ? - Au niveau des décideurs cesont les communes qui ontune responsabilité en matièred’eau et donc d’assainissement.Ensuite tout est coordonné parles agences de bassin. Il y a sixagences de bassin qui se répar-tissent la France et qui sontchargées, entre autres, de pré-lever la taxe sur l’eau qui sertà financer les projets d’aména-gements ou de viabilisationdes cours d’eaux.

- les privés ne sont-ils pasresponsables ? je pense auxagriculteurs ou aux indus-triels qui peuvent aussi cau-ser des dégâts à l’environne-ment ?- C’est une vraie question. Lesprivés sont responsables maispas coupables, puisque, et c’estune spécificité française, la taxesur l’eau s’applique à tout lemonde sauf à l’agriculture. LaFrance est un pays historique-ment agricole et les politiques

ont décidé de ne jamais préle-ver la taxe sur l’eau auprès desagriculteurs qui sont les pre-miers utilisateurs et consom-mateurs d’eau en France. Donc,on est dans un système parti-culier : Tous ceux qui habitenten ville et prélèvent peu payentcette taxe mais les agriculteursqui prélèvent beaucoup ne lapayent pas.

- Bref, au bout du compte cesont quand même les élus quisont en première ligne en casde problèmes ?- Oui, les élus ont une compé-tence sanitaire. Ils doivent àleurs administrés de l’eau debonne qualité. C’est dans ce senslà : ils ne sont pas responsablesde la qualité du cours d’eau, enrevanche, ils sont responsablesde la qualité de l’eau qu’ils li-vrent à leurs administrés.

- donc si j’ai un problème avecl’eau de mon robinet je peuxme retourner vers le maire res-ponsable.- Et il faut savoir que les mairesdélèguent les pouvoirs en ma-

tière d’eau à des régies munici-pales ou intercommunales oualors, et c’est ce qu’on voit deplus en plus en France, vers desentreprises privées comme Veo-lia, Suez, Lyonnaise des eaux,etc…

LE PROBLÈME DESNITRATES ET DESPESTICIDES

- le droit de l’environnementen matière d’eau, ce n’est paspour le moins compliqué? onà l’impression qu’il y a de mul-tiples strates, de multiples ré-glementations aussi. - C’est compliqué sans l’être.C’est-à-dire qu’on est dans unpays qui a une particularité : ledroit de l’eau est ancien, bienplus que dans d’autres pays. Ona donc cette organisation parbassin. C’est-à-dire qu’il y a unecertaine cohérence à organiseret administrer le pays à cetteéchelle. Et les autorités de bassincentralisent beaucoup d’infor-mations sur la qualité des eaux,la végétalisation des berges,

alexandre Faro est l’un des avocats françaisles plus reconnus pour ses compétences et sonengagement dans le domaine de l’environnement au sens large.Proche de l’ONG « Ecologie sans frontière » qui avait lancé l’idée duGrenelle de l’Environnement, il a plaidé dans de nombreux dossiersmajeurs, du « Clémenceau » à « l’Erika ». Après avoir siégé dans legroupe 3 du Grenelle consacré à l’environnement et à la santé, il estmembre du groupe de travail sur la réparation du préjudiceécologique

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m° alexandre Faro :

Les lois et la sauvegarde de la nature

“la règlementation,seule manière de protégerl’environnement ”

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etc… On trouve beaucoup dechoses au niveau des agencesde bassin. Donc ce n’est pas undroit particulièrement com-plexe. Il faut savoir que cette or-ganisation a permis que laFrance soit en pointe sur l’as-sainissement des eaux. Parceque jusqu’au début des années50 on rejetait pratiquement toutce qu’on utilisait, toutes les eauxusées, dans les rivières. Et le vé-ritable fléau jusque dans les an-nées 70 c’était ça. Toute la ma-tière organique était jetée tellequelle dans le milieu et créaitde véritables problèmes sani-taires. Aujourd’hui, il y a une véritableobligation de traitement deseaux usées. On ne peut plus re-jeter, comme ça, dans la nature,c’est interdit. Donc on a amé-lioré de ce point de vue là, laqualité des eaux. La difficultéreste le secteur agricole. Ce sontles rejets de nitrate, par exem-ple, en Bretagne avec les alguesvertes qui s’en suivent. Donc là,on est dans quelque chose quin’est pas complètement mai-trisé. L’autre rejet émergeantconcerne les pesticides. Au-jourd’hui il y a une quantité depesticides ou d’herbicides quel’on retrouve dans les nappesphréatiques ou même dans leseaux affleurantes.

- est ce que la transposition dudroit européen complexifiel’ensemble  ? est-ce que c’estutile d’avoir au dessus de toutce dispositif qui semble fonc-tionner assez bien, de nou-velles directives ? - Oui, c’est nécessaire et c’est unebonne idée de le faire au niveaueuropéen, je suis pour. Et pourhomogénéiser il faut qu’on ait lemême standard partout en Eu-rope. Il faut savoir simplementque la plupart des directives enmatière d’eau ne fixent pas lemode d’emploi ou n’imposentpas aux autres Etats de processparticulier. Elles fixent des

normes. Ce sont ces normes quisont à atteindre. Si le niveau de nitrate autorisépar exemple n’est pas respecté,les sanctions arrivent. La Franceest régulièrement condamnéeparce qu’elle dépasse son tauxde nitrate dans les eaux. En juindernier, la Cour Européenne dejustice a donné quelques moisde sursis à Paris qui doit très ra-pidement recenser toutes leszones vulnérables aux nitrates.La France risque quelques di-zaines de millions d’eurosd’amende.

- sur le plan des réglementa-tions, n’y a –t-il pas carrémentinflation ? par exemple l’auto-risation d’une carrière pour unexploitant ça dure quatre foisplus longtemps en Francequ’en grande-Bretagne ? - Alors là on est passé dans unsujet général. C’est-à-dire la lé-gitimité de discuter actuelle-ment de la simplification dudroit administratif, du droit del’environnement. Mon point devu personnel : Je trouve que laréglementation ne tue pas ledroit de l’environnement mais,au contraire, est la seule ma-nière d’agir pour la protectionde l’environnement. Ce n’est pasparce qu’on va imposer descontraintes plus sévères ou desétudes d’impacts en amontqu’on va neutraliser l’activitééconomique. Par contre c’estvraiment la meilleure manièrede protéger l’environnement. Demon point de vue la simplifica-tion du droit de l’environnementn’est pas nécessaire. Les industriels le comprennenttrès bien, les politiques le com-prennent très bien. Alors, c’estvrai que ça retarde certains pro-jets mais bon, on parle de l’ave-nir aussi, de ce qu’on doit léguerà nos enfants. Donc c’est normalqu’on prenne du temps lorsqueque c’est un projet qui présentedes dangers pour l’environne-ment.

- l’uniCem, l’union nationaledes industries de carrières etmatériaux de construction,par exemple, dit : «  c’est tropcompliqué, c’est trop long, onest en danger face à la concur-rence internationale ». - Oui, mais toutes les entreprisesdisent ça, et Jean-Marc Ayraultaussi. On a un exemple vivant,c’est l’aéroport de Notre-Damedes Landes. Ce projet a 30 ansmais il n’aboutit toujours pas.En même temps, c’est aussi unbon exemple dans l’autre sens :Notre-Dame des Landes, enfinle site qui a été sanctuarisé pourla construction de cet aéroport,est devenu un ilot de biodiver-sité unique en France. Ontrouve des espèces là-bas qu’onne trouve pas ailleurs. Donc on comprend que tout estquestion d’équilibre et pour moiil n’y a pas trop de réglementa-tions. Les études d’impacts sontd’ailleurs issues des réglemen-tations européennes. Ce qui re-tarde les projets c’est la consul-tation du public, mais c’est unenorme internationale, laconvention d’Aarhus. Et puis en-suite les études d’impacts, quisont aussi des normes euro-péennes, s’appliquent de lamême manière aux autres EtatsEuropéens. Alors évidemmentsi on compare avec la Chine onest peut-être pénalisé mais si oncompare avec les autres pays eu-ropéens on est exactement aumême niveau

IL FAUDRAIT FAIREPAYER LA TAXE SURL’EAU AUXAGRICULTEURS

- Ca veut dire que ces lois, cesréglementations ont permisde réels progrès pour l’envi-ronnement ? est ce que vousle constatez ? - Oui, naturellement, c’est net.Mais surtout ce n’est pas parcequ’on dépose un dossier d’en-quête publique avec étude d’im-

pacts qu’on remet en cause leprojet. Cela répond d’ailleurs àla question précédente, ce n’estpas parce qu’on a descontraintes administrativesqu’un projet ne se fera pas. Parcontre on donne une connais-sance suffisante au public desimplications d’un projet. Lespersonnes concernées s’intéres-sent donc différemment et plusprécisément au projet. Alorsc’est sûr qu’on ne peut pas im-planter quelque chose de pol-luant aussi simplement qu’avantmais on est obligé d’intégrerl’impact environnemental dansle projet et ce n’est pas plus mal.

- donc pour vous protectionde l’environnement, protec-tion de l’eau et économie, dé-veloppement ce n’est pas in-compatible, ça peut se faire enmême temps ? - Non ce n’est pas incompatible !Regardons les régies munici-pales. On sait qu’il y a depuis leGrenelle tout un enjeu sur lespoints de prélèvement parcequ’on consomme beaucoup l’eaude source. Il n’y a pas que de

l’eau de pluie ou de la Seine. Etdonc autour des sites de prélè-vement la loi Grenelle 2 imposemaintenant aux agriculteurs decultiver de façon biologiqueetc… Donc, on voit bien quec’est un mal pour un bien. Onsait désormais que  cela coûtetrès cher de purifier une eau trèspolluée et les acteurs du Gre-nelle se sont dits : « est ce qu’ilne faut pas mieux, en amont,capter l’eau dans un endroit oùon ne l’a pas polluée ».

- pour éviter les conflits, lameilleure méthode serait des’entendre avant. est ce que çaaussi ça se développe, cette re-cherche de consensus. Çaexiste ? - Bien sûr que ça existe et par laforce des choses ! Il y a des tasde cabinets qui se sont d’ailleursspécialisés dans la concertation.Moi je suis en permanenceconfronté à des cabinets qui fontde la concertation. Alors sou-vent, c’est du Green Washing,c’est juste des mots, mais parfoisil y a une vraie recherche de so-lutions dans l’intérêt de tout le

monde parce qu’après il y a aussides questions de responsabilité. Prenons une carrière en fin devie qui se retrouve face à uneobligation de dépollution de sonsite ou une remise en état. Capeut plomber complètementson avenir. Donc si l’entreprisea bien géré son projet en amont,apporté les garanties financièreet autres, elle est gagnante.

- Que voyez-vous comme amé-lioration possible dans la re-forme du droit de l’environne-ment pour l’eau. Qu’est ce quimanquerait, qu’est ce quipourrait permettre des pro-grès supplémentaires?- Personnellement, je suis assezporté sur la répression. Les dé-lits de pollution d’eau me pa-raissent mal fichus, parce qu’ilssont difficiles à caractériser.C’est-à-dire qu’on exige d’ap-porter la preuve d’une atteinteaux espèces, faune et flore. Etça, c’est toujours très difficileparce qu’on n’a pas nécessaire-ment des poissons morts àmettre sur la table du tribu-nal  ! Il faudrait simplifier ces

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e réchauffement climatique a déjà des consé-quences sur les cours d’eau. Les dernières ob-servations et une étude approfondie en Franceconfirment une tendance lourde  : il devraitpleuvoir d’avantage là où il pleut déjà beau-coup et moins là où les gouttes sont rares. C’est la première étude d’une telle dimension :l’Office National de l’Eau et des Milieux Aqua-tiques (ONEMA) a examiné à la loupe le niveaudes rivières et des fleuves entre 1967 et 2007. Lesrésultats viennent d’être publiés. Ils sont basés surles données de 236 stations hydrométriques : « Latendance est clairement à la baisse sur de vastesportions du territoire de la métropole et en parti-culier sur le sud ». Les régions les plus concernéessont les Cévennes et le Massif Central. Desbaisses significatives ont également été enregistréesdans le Jura, l’Aquitaine et le pourtour méditer-ranéen. A l’inverse, les tendances sont positives dans tousles bassins de la moitié nord. Le problème, c’estqu’une augmentation du niveau des précipitationspourrait augmenter le risque de crues. On aconstaté quelques épisodes de ce type ces dernièresannées, notamment sur le bassin de la Somme,mais l’hiver dernier, l’Aube et la Haute Seine ontdébordé à une vitesse qui a surpris tout le monde. On connait parfaitement les conditions quipourraient provoquer une crue centennale dela Seine  : une importante et rapide fonte desneiges associée à de fortes pluies, à une satura-tion des sols et à un trop plein des lacs de déles-tage. Une hausse des précipitations dans la moi-tié nord, si elle était confirmée, favoriserait doncla crue que chacun redoute. Cette étude ne peut pas surprendre les experts cli-matologues réunis au sein du GIEC*. Dès leurspremiers rapports, il y a près d’un quart de siècle,ils annonçaient de fortes perturbations à venirsur les précipitations. En ce qui concerne la moi-tié sud, « les phénomènes vont être amplifiés parles vagues de chaleur qui vont se produire plus

fréquemment  » précise Thomas Stocker, viceprésident du GIEC. En 2003, la canicule enFrance avait provoqué  une hausse importantede la température de nombreux fleuves et ri-vières. Le gouvernement avait du en urgencerevoir les seuils tolérés pour le refroidissementdes centrales nucléaires surtout sur le Rhône.En cas de canicules plus nombreuses, les conflitsd’usage seraient inévitables. Cette tendance nefera pas disparaître les orages violents qui frap-pent les Cévennes, le Var ou très récemment lesPyrénées. L’autre grand phénomène aggravant mis enavant par les climatologues  porte sur la fonteaccélérée des glaciers dans le monde. Selon lesdernières études, la glace « éternelle » aura dis-paru dans les Pyrénées d’ici 15 à 20 ans. Lesconséquences seront importantes, mais ellessont encore imprécises. On remarque cependantque depuis quelques années, Barcelone a du im-porter de l’eau potable par bateau depuis Mar-seille ! Enfin, la montée des eaux des océans, estiméeaujourd’hui de 26 à 82 centimètres d’ici à 2100va provoquer de profonds changements sur l’en-semble des deltas. En France, le Rhône et la Ca-margue sont désignés zones à risques par lesspécialistes. Au printemps prochain, le GIEC va publier ledeuxième volet de son nouveau rapport. C’estun évènement très attendu car les experts vontpréciser les conséquences locales du réchauffe-ment. Les modélisations informatiques permet-tent désormais d’anticiper au plus près et ducoup, d’élaborer des solutions pour l’adaptationqui semble inévitable.

Jean-Louis Caffier

Groupe Intergouvernemental des Experts sur leClimat

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Climat et niveau des rivières :ça va monter et ça va baisser !

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délits. Ensuite, il faut régler leproblème agricole, c’est ça levéritable enjeu. Il faudrait ar-river quand même à fairepayer la taxe sur l’eau aux agri-culteurs de la même manièreque pour les particuliers. Et lessensibiliser aussi. Je ne veuxpas dire qu’ils sont complète-ment ignorants de la question,mais il faut les sensibiliser da-vantage aux méfaits des pesti-cides.

LA MÉDITERRANÉEDEVIENT UNE MERMORTE

- les industriels ont mieuxréussi leur transition  quel’agriculture pour des raisonsqui tiennent à l’environne-ment mais aussi aux intérêtsfinanciers, au model écono-mique. C’est moins cher defaire en amont c’est ça ?

- Oui, absolument. Les indus-triels en sont un bon exemple.Quand il a fallu assainir, c’estune politique qui s’est dérouléesur 10 ans. Et en 10 ans, on ne re-jette plus d’eaux usées. Les poli-tiques eux aussi trouvaient leurcompte là dessus. Les politiqueset les industriels se sont mis d’ac-cord pour créer une industrie dutraitement. D’ailleurs, la Franceest en pointe sur ces industries del’assainissement.

- donc en conclusion la Franceà travers sa réglementation, seslois, l’implication de certains etnotamment des industriels c’estplutôt bien face à nos voisinseuropéens ? - La France est plutôt bien saufsur les nitrates et les pesticides.C’est le seul point sur lequel onn’est pas bon. Le véritable enjeuaujourd’hui de l’assainissementc’est d’arriver à faire faire ce qu’on

réussit en France, dans tout le sudde la Méditerranée. Car si tousles pays du nord de la Méditerra-née rejettent des eaux plutôt pro-pres, les pays du Sud rejettent deseaux usées en très, très grandequantité. Donc on est en train defaire de la Méditerranée une mermorte. C’est un problème énormeet ça va à une vitesse très rapide…

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Jean-Louis Caffier : - vous dénoncez beaucoupd’idées reçues. pourquoi y-a-il tant d’idées fausses sur l’eaufinalement ? - Je pense qu’il y a des raisonsmultiples. Il y a beaucoupd’ignorance. Elle vient du faitque comme on est 7 milliardssur la terre on a au moins 7 mil-liards de problèmes d’eaupuisque chacun utilise de l’eautous les jours. On est tous « spé-cialistes de l’eau » mais on a toustendance à connaître nos pro-blèmes et à méconnaître ceuxdes autres. Donc il y a énormé-ment d’ignorance sur les pro-blèmes collectifs qui sont liés àl’eau.

- vous écrivez aussi que l’eauest mal considérée voir mêmeméprisée. Ce sont des termesforts. C’est vraiment à ce pointlà ? - Oui, absolument. Il y a un pa-radoxe. Certains appellent l’eau« l’or bleu » comme si c’était unproduit à grande valeur écono-mique, alors qu’en fait c’est unproduit à très faible valeur éco-

nomique. A la tonne, c’est celuiqui a la plus faible valeur mar-chande. On achète une tonned’eau pour quelques euros. Pourle même prix, on ne peut pasavoir une tonne de n’importequel autre matériau, même pasune tonne de sable. Donc c’estun produit qui à une valeur ex-trêmement faible. Et cette valeurest très faible parce qu’en géné-ral, il y a de l’eau à peu près par-tout.

- et pourtant on se plaint, enFrance en tout cas, des pro-blèmes de prix. vous expli-

quez que personne ne com-prend rien à ce prix de l’eau,finalement ? - Je crois, et là les enquêtes lemontrent, que beaucoup de gensse plaignent du prix et le trou-vent trop cher car on trouve tou-jours qu’une prestation est tropchère quelque soit le sujet. Maisquand on demande aux genscombien ils payent pour l’eau,habituellement, ils ne savent pas.D’ailleurs le tarif de l’eau variebeaucoup d’un pays à l’autreparce que les règles pour l’établirne sont pas toujours les mêmes.Il y a des endroits comme en

on sait que l’eau est le premier élément indispensableà la vie, jusqu’à preuve du contraire. 4 milliards de Terriens nebénéficient pas aujourd’hui d’un accès correct à cette ressource.Et pourtant, l’eau ne manque pas. Alors pourquoi ça coincedans les tuyaux ? Expert internationalement connu, GérardPayen conseille le secrétaire général de l’ONU sur les questionsliées à l’eau. Dans son dernier livre, « De l’eau pour tous »il accuse l’ignorance d’être la première responsable de cettesituation intolérable. Pour lui, les idées reçues, les phantasmeset les contresens aboutissent, au mieux, à l’immobilisme et, aupire, à des actions vouées à l’échec.

“ il y a énormément d’eausur la planète mais...

… les politiques publiques n’ont pas misl’eau potable dans leurs priorités 

gérard payen :

Auteur de « De l’eau pour tous »et grand spécialiste des problèmes liés à l’eau

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France où on fait payer aux usa-gers la quasi totalité du coup duservice collectif. Il y des paysdans lesquels le prix de l’eau estlargement subventionné par lesbudgets publics. Donc c’est as-sez différent, on peut avoir desprix de l’eau extrêmement fai-bles dans certain pays parcequ’ils sont complètement sub-ventionnés. Le tarif de l’eau n’apas une grande signification auniveau économique.

- pour en revenir au problèmed’accès à l’eau, vous dites quece n’est pas un problème deressources ou de quantitémais alors quel est donc leproblème ? - Beaucoup de gens croientqu’une partie de la populationmondiale n’a pas d’eau potableparce que l’eau serait en quantitélimitée. Or, c’est totalementfaux. Dans mon livre, j’ai faitune carte où on voit un nombreimportant de pays où il y abeaucoup d’eau mais où unepartie importante de la popula-tion n’a pas d’eau potable, parceque la ressource en eau brute n’arien à voir avec l’eau potable.L’eau n’est potable que si il y ades professionnels qui l’ont pu-rifiée et qui l’ont transportéejusqu’aux points de canalisation.

La limite vient de ce que les po-litiques publiques n’ont pas tou-jours mis cette activité de ser-vice de l’eau potable dans leurspriorités. Pour que tout lemonde ait de l’eau potable il fautqu’il y ait la volonté que tout lemonde ait accès à de l’eau pota-ble. Ce qui veut dire qu’on s’or-ganise collectivement pour allerprélever de l’eau, la purifier et latransporter. Il y a des pays où ily a beaucoup d’eau mais où onn’a pas fait l’effort de la « pota-biliser » et de l’apporter à toutela population.

LA GESTION DESENTREPRISES PRIVÉESEST PLUSTRANSPARENTE QUECELLE DESORGANISMES PUBLICS

- on parle d’une populationmondiale de 7 milliards, de-main 8 puis 9 peut-être, voireplus, est-ce qu’il y a un seuilpour l’accès à l’eau ou est-cequ’il y en a vraiment assezpour 10 milliards d’habitants ?- Il y énormément d’eau sur laterre  ! On n’a pas de limite enmatière de quantité d’eau. Lesdifficultés sont locales. La popu-lation atteindra très certaine-

ment 10 milliards un jour maisles hommes ne sont pas équita-blement répartis sur la surfacede la Terre. Ils ont tendance às’installer dans les villes, cesvilles grossissent et donc il y ades endroits de grandes concen-trations, là où se posent des diffi-cultés sur l’alimentation en eaupotable. Parce qu’il y a des villesdans le monde qui croissent àune vitesse telle que les pouvoirspublics ont du mal à construireles infrastructures nécessairespour qu’en permanence il y aitsuffisamment d’eau potable danstous les domiciles de tous ceuxqui vont habiter dans ces villes.Mais il ne faut pas avoir peur del’avenir en matière d’eau potablequi ne représente qu’une toutepetite partie de l’eau que leshommes utilisent dans leurs ac-tivités. Au maximum 10%. Doncil y a toujours de l’eau pour fairede l’eau potable, la difficulté surles ressources en eau là où ellesdeviennent un peu insuffisantespar rapport à l’augmentation dela demande c’est surtout pourl’agriculture qui est le premierconsommateur. Ce sont les irri-gants qui souffrent le plus quandon vient à manquer d’eau.

- vous parlez beaucoup des so-ciétés privées qui dans le ca-

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dre de partenariat avec le pu-blic agissent sur l’eau. vousparlez de lobbies anti-privéqui accroitraient les difficultésplutôt que d’améliorer la si-tuation. pourquoi ? - Je n’en parle pas énormémentdans mon livre mais j’en parletout de même, effectivement,parce que parmi les idées reçuesil y a toutes celles qui sont liéesà la gestion des services publicspar des entreprises privées etc’est un sujet qui est biaisé dedeux façons. Il est biaisé, d’unepart, parce que ceux qui parlentd’entreprises privées sont surtoutdes gens qui sont opposés à cegenre d’entreprises, ce sont deslobbies. Et, d’autre part, il y a unphénomène assez étonnant c’estque la gestion par les entreprisesprivés ce fait avec beaucoup plusde transparence que la gestionpar les organismes publics. Latransparence amène l’informa-tion et il y a une espèce de bulled’information dans ce que fontles entreprises privées.

« LA SEINE VABEAUCOUP MIEUX »

- parlons de gouvernance. surles objectifs mondiaux qu’estce que vous espérez de cettenégociation, qu’est ce quevous défendez comme idées ? - La communauté internationale,c’est-à-dire les gouvernementsau sein des Nations-Unies, ontaujourd’hui sur la table un trèsgrand sujet. Ils discutent de cequ’ils vont faire lorsque les ob-jectifs du millénaire pour le dé-veloppement se termineront en2015. Ils sont en train de réfléchirà des objectifs mondiaux pourla période 2015 – 2030 en matièrede développement durable. Ledéveloppement durable c’est àla fois le développement social,environnemental et économique.Ça sera un très grand programme

qui aura plus d’ambitions queles objectifs du millénairepuisqu’il comportera tous lespays, riches et pauvres, pas uni-quement les pays en développe-ment. D’autre part, il cherche àviser tout ce qui est importantpour le développement durable.Dans ce contexte, il est à peuprès clair qu’il y aura un objectifpour l’accès à l’éducation, qu’il yaura un objectif pour l’amélio-ration de la santé, entre autres.Au total, on pense qu’il y auraune douzaine d’objectifs environet le grand débat pour ceux quis’intéressent à l’eau c’est : est-cequ’il y aura ou non un objectifpour l’eau  ? En ce qui meconcerne je fais la promotiond’un objectif pour l’eau qui com-porte aux moins trois cibles  :l’accès universel à l’eau potable,l’amélioration de la gestion dela ressource en eau et la gestiondes eaux usées, c'est-à-dire lamaitrise des pollutions des eauxpar l’homme. Le troisième sujetest un sujet que j’ai beaucouppoussé parce que j’ai découvertque dans la communauté inter-nationale c’était un sujet oublié.Il n’y a aucune politique mondialede la gestion des eaux usées et

de pollution des eaux. C’étaittrès bizarre quand je l’ai décou-vert parce qu’il n’y a qu’aucuneagence aux Nation-Unies quis’intéresse aux eaux usées. Maisl’idée fait son chemin. Et au-jourd’hui cette idée d’avoir unobjectif eau à trois composantesfait à peu près consensus. Dansla dernière réunion internationaleoù j’étais, à Budapest, de nom-breux gouvernements se sontréunies pour discuter d’une eaupost 2015.

- vous qui connaissez beau-coup de fleuves et de rivièresdans le monde, comment vala seine ?- Elle va beaucoup mieux qu’il ya quelques dizaines d’annéesgrâce à tous les efforts qui ontété faits justement pour maitri-ser la pollution rejetée par lesvilles et par les industries. Laqualité de l’eau de la Seine s’estnettement améliorée. Il y a beau-coup plus de poissons à Parisqu’il y en avait il y a vingt ans.En revanche, je ne suis pas cer-tain que les problèmes liés auxrejets agricoles soient complète-ment maitrisés.

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Editions Armand Colin,22 euros 50

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la station de nandy,

sentinelle de la qualité de l'eau de la seine

nstallée en bord de Seine aubout d'un ponton, la stationd'alerte de Nandy prélève et ana-lyse en continu l'eau du fleuve.A l'aide de deux séries de cap-teurs, placés à 10 cm et à unmètre sous l'eau, elle mesure entemps réel ou à intervalles dequelques minutes des paramè-tres tels que température, aci-dité, conductivité, taux d'oxy-gène dissous ou encoreradioactivité. Les mesures, re-çues au centre de télécontrôlede la Lyonnaise des Eaux à

Montgeron, permettent de dé-tecter toute anomalie ou pollu-tion, augmentation des ma-tières en suspension ou rejetindustriel intempestif. "Dèsqu'un seuil est dépassé sur unparamètre, l'alarme se dé-clenche, nous sommes prévenusimmédiatement et le protocoled'urgence se met en place " ex-plique Sonia Gogin, responsa-ble du pôle Environnement,Ressources en eau et Gestiondes milieux naturels chez Lyon-naise des Eaux.

L'enjeu est de taille. L'approvi-sionnement en eau potable del'agglomération parisienne dé-pend de la vitesse de réactiondes gestionnaires. En casd'alerte, ce qui arrive heureu-sement très rarement, le centrede Lyonnaise des Eaux avertitimmédiatement les centres decontrôle de tous les producteursd'eau situés en aval (Eau de Pa-ris, SEDIF, Veolia mais aussi lesservices de l'Etat et l'Agence del'eau Seine-Normandie) quimettent à leur tour en alerteleurs installations. "L'eau metentre deux et trois heures pouratteindre notre usine de produc-tion d’eau potable de Morsang-sur-Seine (91), qui est la pre-mière à l'aval de la station, cequi laisse largement le temps de

a nandy (seine-et-marne), à une quarantainede kilomètres en amont de Paris, une station d'alerte trèsparticulière analyse en temps réel la qualité de l'eau dans laSeine. Mise en place en 1989 et rénovée en 2006 parLyonnaise des Eaux, la station de Nandy est une sentinelleprécieuse pour toutes les stations d'eau potable qui pompent,en aval, l'eau du fleuve pour alimenter les robinets del'agglomération parisienne. Equipement stratégique desurveillance de l'eau, la station est un élément majeur de lacontribution du gestionnaire à la préservation de la ressourceet à l'amélioration de la qualité de l'eau de la Seine.

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prendre les mesures de sécuritéqui s'imposent" précise Sonia Gogin.

Si la station de Nandy, située enamont de l'agglomération pari-sienne, est la plus importantestratégiquement parlant, elle n'estpas la seule station de ce type. LeSedif analyse l'eau de la Seine àAblon-sur-Seine (Val-de-Marne),en amont de son usine d'eau deChoisy-le-Roi et la Lyonnaisepossède un autre point de sur-veillance à Ormoy, sur l'Essonne,en amont d'une prise d'eau quipourrait être utilisée en cas depollution en Seine à proximité del'usine de Morsang-sur-Seine.

Vigie de l'eau de la Seine, la sta-tion de Nandy est un outil im-portant et utile à tous de pro-tection de la ressource en eau.Elle est aussi, pour Lyonnaisedes Eaux, un poste avancé d'unepolitique globale de préserva-tion de la qualité de l'eau enSeine, qui va de la recherche àla sensibilisation.

LA QUALITÉ DE L’EAUDU… XVIIIÈME SIÈCLE

C'est dans ce cadre qu'une expé-rimentation de filtration natu-relle a été menée de 2008 à 2010,dans une ancienne gravière deSeine-Port (Seine-et-Marne) ap-partenant au Conseil régionald'Ile-de-France. Une expériencede pompage menée pendant sixmois dans la gravière, alimentéepar de l'eau naturellement filtréeprovenant de la nappe de Seine,a permis d'étudier les potentia-lités naturelles d'épuration etl'impact du pompage sur le mi-lieu. Les résultats se sont avérésencourageants : "Non seulementl'expérience n'a pas généré de pro-blèmes dans l'environnementmais elle a même été positive, ex-plique Sonia Gogin. Nous noussommes en effet aperçu que la cir-culation d'eau induite par le pom-page favorisait l'oxygénation de

l'eau et favorisait le développe-ment de plantes aquatiques supé-rieures au détriment des algues".

Un autre projet de recherche, leprojet ZHART (Zones humidesartificielles) mené en partenariatavec Suez Environnement ainsique des Centres de recherche etdes Laboratoires d’analyses pri-vés et universitaires, a pour butla création de zones naturelles"tampon" qui permettraient d'affi-ner le traitement de l'eau en sortiede stations d'épuration et d'élimi-ner les nouveaux polluants (per-turbateurs endocriniens, résiduspharmaceutiques, …) dont 20%ne sont pas arrêtés par les traite-ments classiques. Ce projet est ac-tuellement testé sur un site-pilote,la Zone Libellule mise en placepar Lyonnaise des Eaux en avalde sa station d’épuration de Saint-Just-Saint-Nazaire-de-Pézan(34).

Ces actions, et toutes celles quisont menées depuis une tren-taine d'années par les acteurs de

l'eau de l'amont à l'aval de laSeine, montrent des résultatspuisque la qualité de l'eau de laSeine ne cesse de s'améliorer,notamment en aval de l'agglo-mération parisienne, atteignantdepuis quelques années, entermes de macro-polluants et demétaux lourds notamment, unequalité qu'elle n'avait plusconnue depuis le XVIIIe siècle.

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C'est à la suite de gros épisodesde pollution qui se sont succédéau début des années 90 que leSIAAP, qui gère l'assainissementdes eaux usées de l'aggloméra-tion parisienne, a décidé de s'em-parer du problème des déchetsflottants. "Le Syndicat n'a pas di-rectement vocation à gérer cettepollution mais nous nous sommesaperçus que les macro-déchetsflottants étaient nombreux etavaient un impact visuel fort, no-tamment après des épisodes ora-geux qui provoquent l'arrivéemassive d'eau de pluie chargée deplastiques et de fragments végé-

taux" explique Patrick Fauvet, di-recteur des Réseaux au SIAAP.Pour récupérer ces déchets, dessortes d'entonnoirs flottants ontété imaginés. Installés à l'aval desdéversoirs d'orage, à l'extérieurde courbes accessibles en bateauet dans des sites où les déchetsavaient déjà tendance à s'agglu-tiner, les barrages sont constituésd'un bras soutenu par deux po-teaux profondément fichés dansle fond du cours d'eau et d'unsystème de chaînes qui capte toutce qui flotte à la surface de l'eau.Une fois par semaine, l'un desdeux bateaux spécialement équi-pés vient se positionner à l'avaldes barrages. Il suffit alors d'ou-vrir le fond de l'entonnoir pourque le courant pousse la cargai-son de déchets directement dansle bateau. Chaque année, 1900 tonnes dedéchets sont ainsi collectées. Larécolte est fluctuante, plus im-portante à Paris, où les barragessont situés au niveau du pontNational, du pont d'Austerlitz etdu pont de Garigliano, qu'ail-leurs et soumise aux conditionsmétéorologiques. Le printempsdernier, très pluvieux, a ainsi vuune augmentation significativedu poids de déchets collectésdans les barrages.

DE LA BOUTEILLE ENPLASTIQUE AUCASQUE À POINTE…

Ces déchets sont, pour 30%, desdéchets industriels et ménagersles plus divers - "de la bouteilleen plastique au casque à pointe"souligne Patrick Fauvet - et pour70%, des déchets végétaux. "Ré-cupérer les déchets végétaux per-met d'éviter des accumulationspeu esthétiques qui peuvent de-venir dangereuses si elles sont bru-talement reprises par le courant.C'est une sécurité aussi pour lanavigation". Une fois collectéspar les bateaux, les déchets sontemmenés dans un centre de trai-

tement adapté. Le coût du ra-massage est d'un million d'euroshors taxes pour les 27 barrages,auquel s'ajoute 0,5 million d'eu-ros pour la maintenance des ou-vrages.Parallèlement aux barrages flot-tants, et dans la même période,le SIAAP a également mis enplace dans la Seine des "îlots desurvie". Au nombre de six entreIssy-les-Moulineaux et Rueil-Malmaison, an aval de Paris, cesîlots d'oxygène sont créés par des"bulleurs" disposés au fond ducours d'eau, qui diffusent del'oxygène dans la Seine. Déclen-chés par une sonde dès que letaux d'oxygène dans l'eau dé-passe un seuil critique, ces diffu-seurs créent des zones de surviede plusieurs kilomètres de longdans lesquelles les poissons peu-vent venir respirer. Ils sont par-ticulièrement utiles et efficaceslors des épisodes de forte chaleuret d'orages violents qui provo-quent la prolifération des bacté-ries consommatrices d’oxygèneet la chute du taux d’oxygènedissous dans l’eau. Discrets dans le paysage, voireinvisibles, barrages flottants etîlots de survie contribuent de-puis vingt ans à améliorer la qua-lité de l'eau dans la Seine en lienavec la lutte contre la pollutionde l'eau et pour la préservationde la faune piscicole.

Virginie Brancotte

ue de la berge, la plateformesurmontée d'un treillis de boiset posée au milieu du fleuvecache bien son jeu... et ses dé-chets. Bien malin qui devineraque sous cet espèce de ponton,se cache un barrage flottant, undes vingt-sept redoutables piègesà macro-déchets mis en placepar le Syndicat interdépartemen-tal pour l’assainissement de l’ag-glomération parisienne (SIAAP)depuis les années 90 sur la Seineet la Marne, de Villeneuve-Saint-Georges et Joinville-le-Pont (Val-de-Marne) jusqu'à La Frette-sur-Seine (Val-d'Oise).

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de redoutables piègesà déchets

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terre au Japon et du dramatiqueTsunami qui a suivi. Les scienti-fiques ont parfaitement identifiéla plupart de ces courants. C’estdans le Pacifique que les déchetsse retrouvent les plus nombreux.Deux « circuits » ont été analysésdans la partie nord de l’océan.C’est là que se concentrent lesrestes des plastiques qui se pro-mènent légèrement en dessousde la surface. Puisque l’on sait oùils se trouvent, pourquoi ne pasles récupérer ? « C’est malheureu-sement impossible » regrette Jean-Louis Etienne. «  Ces courantss’étendent sur des centaines de ki-lomètres de large et des milliers dekilomètres de long. Aucun bateaumême équipé de filets géants nepeut intervenir. Les déchets sonttrop nombreux et trop dispersés.Si l’on veut vraiment agir, c’est à lasource qu’il faut le faire, mais cequi a été rejeté ne sera pas repê-ché ! »

NOUS SOMMES TOUSDIRECTEMENTCONCERNÉS

Les déchets les plus visibles nesont pas forcément les plus dan-gereux. Les plastiques se dégra-dent très lentement dans lesocéans et se transforment en ob-jets beaucoup plus petits. C’estvrai partout dans le monde etc’est en Méditerranée qu’a étémenée la mission scientifique laplus poussée sur la question.Responsable de cette étude bap-tisée « Med », Bruno Dumontetse dit « effaré » par les résultats.« A certains endroits, les micro-plastiques sont aussi présents quele plancton ! Et de nombreux pois-sons ne font pas la différence. Ilsavalent ces minuscules morceauxqu’ils ne peuvent pas digérer. Lagrande majorité ne survit pas. En-core pire, nombreux de ces pois-sons sont mangés par les oiseaux.On retrouve les mêmes petitesbilles dans l’estomac des oiseauxmorts. »«  C’est cela qu’il faut mettre enavant », insiste Isabelle Autissier.« Il faut expliquer et réexpliquersans relâche que ces déchets de

plastiques nous concernent direc-tement. L’équilibre des océans estfragile. Jeter un plastique dans laSeine, c’est polluer à coup sûr lesocéans, et donc menacer des es-pèces. A l’arrivée, c’est mettre endanger une ressource indispensa-ble à notre alimentation. »

IL Y A DESALTERNATIVES

On peut classer les solutions endeux catégories. Il y a d’abordl’innovation. Aujourd’hui, il estpossible de trouver des alterna-tives au plastique. De nom-breuses entreprises se lancentdans la chimie verte car la de-mande de produits respectueuxde l’environnement augmentesans cesse. En Bretagne parexemple, la société Algopack estparvenue à produire un matériauà base d’algues quiremplace très bienle plastique. Autreexemple, la sociétéNovamont (héri-tière de la très pol-luante Montedison)utilise des chardonsoriginaires de Sar-daigne pour propo-ser un « plastique »biodégradable. La seconde catégo-rie de solutions doitservir d’encourage-ment à la première !Il s’agit de revoir lesnormes, d’imposerle changement parla réglementation.Les possibilités sont

nombreuses. Elles vont mêmejusqu’à l’interdiction. C’est cequ’ont lancé il y a dix ans les or-ganisateurs du Festival du Ventde Calvi : les sacs plastiques ontété interdits dans tous les super-marchés corses. Très critiquée àl’origine cette initiative fait au-jourd’hui l’unanimité sur l’île. « lly a dix ans, cela n’intéressait per-sonne » se souvient Serge Orru,fondateur du Festival du Vent.« Nous avons mis des fabricantsen difficulté mais ils ont bien étéobligés de s’adapter. Aujourd’hui,ils ne le regrettent pas ! » Selon les organisateurs du « Fes-tiventu », on est passé en Francede 17 milliards de sacs plastiquesdans les supermarchés il y a dixans à 600 millions aujourd’hui.

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l y a quelques années, une idéemal interprétée avait fait croirequ’un nouveau continent entiè-rement composé de plastiqueavait surgi quelque part au mi-lieu du Pacifique ! Il ne s’agissaitque d’une image pour attirer l’at-tention sur les déchets mais l’af-faire avait mal tourné. La« légende » laissait même enten-dre qu’on pouvait marcher sur ce« septième continent ». Or, aucunsatellite n’a jamais pu prendreune photo ! En fait, l’expressionne venait pas du monde scienti-fique mais d’une extrapolationdont personne n’a retrouvé l’ori-

gine. Cette curieuse histoire acontribué à décrédibiliser leschercheurs qui n’y étaient pourrien ! C’est d’autant plus regretta-ble que les océans n’ont jamais étéautant impactés par les plas-tiques venus des vrais continents.Ce sont les fleuves qui amènentla plupart de ces déchets. « On ne se rend pas bien comptede cette présence du plastiqueen  mer » souligne Jean-LouisEtienne. « Il y en a partout. Lorsde mon expédition de six mois surl’île de Clipperton, possessionfrançaise perdue à 1.300 kilomè-tres des côtés chiliennes, nous

avons ramassé cinq tonnes de dé-chets de plastique. Il y avait detout, des poubelles, des sacs, dessceaux, des filets de pêche, de lavaisselle, des chaussures. On acompté des centaines de tongs…mais pas une seule paire com-plète  » sourit l’explorateur quiprépare une mission d’observa-tion autour de l’Antarctique,Polar Pod. Les déchets voyagent au bon grédes courants et rien ne semblepouvoir les arrêter. On vient en-core de le constater en repérantsur les côtes de Californie lesrestes du dernier tremblement de

la pollution par les plastiques menace l’équilibre desocéans. La lutte s’organise, notamment en associant les citoyens, avecdes opérations comme « Berges Saines » ou « Halte aux sacsplastiques » lancée il y a 10 ans en Corse. Le Festival du Vent de Calvien avait fait le thème principal de sa 22ème édition.

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“ jeter un plastique dans la seinec’est polluer les océans

Le Festival du Vent de Calvi tire la sonnette d’alarme

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multiples (rivières en tresses), il a choisi de don-ner de la cohésion à ses berges en y plantant dela luzerne.

PRÉDIRE LA DIVAGATION D’UN CHENAL

Le calibrage de l'installation, la mise en placedes instruments de prise de vue et de mesureainsi que le développement de la luzerne ontdemandé près de neuf mois. Ce temps de pré-paration pour "faire entrer la nature dans le la-boratoire" selon les mots du chercheur, a étésuivi d'expérimentations exploratoires avant depouvoir enfin effectuer les premières mesures. Quatre essais, chacun d'une durée de trois à sixsemaines, ont été menés. Chaque essai étaitconstitué de cycles alternant bas débit (25 litrespar minute pendant 5 minutes, à l’échelle de lamaquette) et haut débit (90 litres par minutependant 30 minutes). Au fur et à mesure de cescycles simulant l’alternance des périodesd’étiage/crue, la rivière initialement rectiligneprit une forme sinusoïdale après la formationdes barres sédimentaires alternées. Ce sont les"scans", des relevés topométriques 3D à 8 mil-lions de points pris à intervalles de temps régu-liers, qui ont permis au chercheur de réaliserune analyse spatio-temporelle des phénomènes,et en particulier la transition des barres alter-nées vers les méandres. A partir de ces obser-vations, une modélisation mathématique est encours de développement. "Nous savions déjà beaucoup de choses sur le pro-cessus de "méandrement" mais qui provenaientd'une approche purement géologique basée surl'observation et moins sur la quantification. L'ob-jectif final de notre étude est de développer descodes de calcul qui puissent reproduire, voire àterme, remplacer une expérience en laboratoire,qui puissent prédire la divagation latérale d'un

chenal et la formation des méandres dans la na-ture, dans un contexte réel" explique DamienPham Van Bang. Si, de nos jours, ces prédictions ne seraient guèreapplicables aux cours d'eau français qui sontquasiment tous canalisés, elles le deviendraientpotentiellement lorsque des projets visant la re-végétalisation des berges ou la re-naturalisationdes cours d’eau seront engagés. Ainsi, le sujetde recherche et la méthodologie développée parDamien Pham Van Bang offrent des perspec-tives passionnantes aussi bien au point de vuede la démarche scientifique que des applicationssur le terrain. Réalisée en partenariat avec l'Ins-titut de physique du globe de Paris (IPGP), cettepremière étude en France pourrait donner suiteà de nouvelles expérimentations, en modifiantcette fois la pente du modèle, les débits d'eauintroduits ou la forme du canal initial. Objec-tifs  : enrichir la base de données quantitativeset alimenter les modèles de l’ingénieur sur cetétonnant phénomène qu'est le "méandrement"naturel des cours d'eau.

* Au 1er Janvier 2014, les 8 CETE, le CERTU, leSETRA et le CETMEF fusionnent pour donnernaissance au CEREMA

** Le Laboratoire d’Hydraulique Saint-Venant estune unité de recherche de l’Université Paris-Est,commune à trois organismes  : l’Ecole des PontsParisTech,-EDF R&D et Cetmef/CEREMA). Ellea été créée début 2008, et compte actuellement19 chercheurs ou ingénieurs-chercheurs perma-nents, 5 post-doctorants et 10 doctorants. Voir :http://www.saint-Venant-lab.fr

*** M. Tal & C. Paola (2010) : Effects of vegetationon channel morphodynamics: results and insightsfrom laboratory experiments, Earth Surface Pro-cesses and Landforms, Vol. 35(9), pp 1014-1018.DOI: 10.1002/esp.1908

Topométrie 3D après 6h15min d’écoulement: (a) forme en plan (caméra placée à 6m de haut); (b)mesure locale par projection de Moiré; (c) résultats des mesures 3D.

es rivières ne savent pas filer droit. Même surterrain plat, il faut qu'elles serpentent, creusantici, accumulant là pour former des courbes etdes méandres. Pour étudier ce phénomène,mieux comprendre les processus physiques àson origine et les modéliser mathématique-ment, Damien Pham Van Bang a conçu, misau point et exploité la maquette d'une rivièresur laquelle il observe et quantifie les transportsde sédiments en jeu dans le "méandrement".Damien Pham Van Bang est ingénieur de re-cherche du Centre d'études techniques mari-times et fluviales (Cetmef*) au Ministère del'Ecologie, du Développement Durable et del’Energie (MEDDE). Il travaille au Laboratoired’Hydraulique Saint-Venant** sur le site EDFR&D de Chatou (78).Au cours du méandrement, la rivière devientsinueuse car les berges se déplacent latérale-ment. Les conséquences de ces mouvementspeuvent être importantes, en termes morpho-logiques mais aussi en termes géopolitiques.Les mouvements du fleuve Amazone ont ainsiprovoqué des tensions entre les pays d'Amé-rique du Sud dont il marque les frontières. Pluslocalement, la divagation d’un cours d’eau peutgénérer des contentieux entre propriétaires ouagriculteurs puisque la diminution d’une sur-

face (érosion localisée sur une berge) s’accom-pagne d’une augmentation (dépôt sédimen-taire) sur l’autre rive. Enfin, le phénomène peutégalement être préjudiciable au fonctionnementdes usines ou d’installations nécessitant un accèsà la rivière (rejet/pompage) puisque cet accèsest lui-même menacé par le déplacement de larivière.Pourquoi une rivière ne peut-elle rester recti-ligne et tranquillement à sa place? "Parce qu'unerivière droite s'écoulant sur un fond sableux estinstable par nature, explique Damien Pham VanBang. Cette instabilité s'exprime dans un premiertemps à l'interface du fond et de l'eau où secréent, sous l’effet du courant, des barres sableusesalternées. Une fois ce premier processus enclen-ché, l'instabilité se déplace au niveau des bergesqui se courbent progressivement et peuvent mêmese refermer en laissant des bras morts".Si le MEDDE a chargé Damien Pham Van Bangd'étudier ce phénomène, c'est pour mieux com-prendre le fonctionnement de rivières naturellescomme la Loire ou la morphodynamique desbaies comme la Baie de Somme ou la Baie duMont-Saint-Michel où la divagation latérale deseaux modifie sans cesse le milieu. Le "méandre-ment" étant difficile à étudier in situ pour desraisons d’échelle de temps, d'espace et de varia-

bilité des conditions natu-relles, le chercheur a fait lechoix de créer au Labo.Saint-Venant un modèleréduit de cours d'eau. Re-prenant un protocole pro-posé par d'autres collègueschercheurs en 2010*** puiscréant finalement son pro-pre protocole, DamienPham Van Bang a construitun lit artificiel de 12 m delong sur 2 m de large posésur un substrat de 25 cmde sable. Fort de l'expé-rience de ses prédécesseursqui voyaient leurs modèlesperdre leur caractère à che-nal unique au profit d’uneconfiguration à chenaux

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Comment les méandres viennent aux rivières

Expérimentation sur le méandrement de rivière à berges végétalisées: a) vue vers l’amont; b) vue versl’aval (D. Pham Van Bang, Labo. Saint-Venant – CEREMA, F-78401 Chatou).

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et membre de «  Fishing TeamFrance » : « Le street-fishing, c’estune pêche en mouvement, il fautse déplacer pour trouver le pois-son, c’est une traque ». Le pêcheur ne reste pas en placebien longtemps, il chasse litté-ralement le poisson. Si ça nemord pas à un endroit, il va allertenter sa chance un peu plusloin. Et pour cause, la Seine regorgede poissons alors qu’elle étaitqualifiée de biologiquementmorte dans les années 70. Lesprogrès, notamment dans l’as-sainissement de l’eau, ont permisaux poissons de revenir en nom-bre dans le fleuve. A tel pointqu’au dernier recensement on acompté 36 espèces de poissonsdifférentes. La plupart du temps, les passantsdemandent, interloqués, au pê-cheur, ce qu’il fait là. «  Ils sontvraiment étonnés d’apprendrequ’il y a autant de poissons dansla Seine, et je ne vous parle pasdes plaisantins qui rient dans no-tre dos. Et ils pêchent quoi ? Despoubelles ? ». Pour Olivier Ago-gué autre membre de la « TeamPlus Fishing », le fleuve est, mal-gré la pollution, un réel écosys-tème: «  C’est vrai, qu’il y a desdéchets qui flottent, parfois on re-monte du fond des choses in-croyables comme un fer à friserou un chargeur de téléphone por-table. Mais est-ce que ce n’est pasle lot de toutes les grandes villes ?Et malgré tout ça, on voit que lanature arrive à trouver sa place,son chemin. Dans la Seine, il y36 espèces de poissons, mais il n’ya pas que ça. C’est un écosystèmecomplet. Il y a des mollusques, deslarves, des coquillages, des moulesd’eau douce, des anodontes, il y amême des éponges au fond de laSeine qui viennent se fixer sur lescarcasses de vélo ou de caddies je-tées au fond du fleuve. La vie re-prend ses droits. La pêche, c’estune sorte de contact avec la na-ture dans la ville, en tout cas c’est

comme ça que je le ressens quandje vais pêcher ». Et puis Paris, c’est aussi le patri-moine. Olivier Agogué, tou-jours, raconte  : «  Moi ce quej’adore c’est pêcher dans Paris in-tramuros, j’habite dans le 92, j’aila Seine en bas de chez moi, maispour autant je vais quand mêmepêcher dans Paris parce c’est pro-bablement le seul endroit classéau Patrimoine de l’Unesco où onpeut pécher. Etre à Paris à 6heures du matin quand il n’y apersonne avec le lever de soleilsur Notre-Dame c’est fantastique.Les quais sont un monument àeux tout seuls. »

LA RÈGLE DU « NO KILL »

Les « street-pêcheurs » seraient-ils des amoureux de la nature ?En tous cas ce ne sont pas destueurs de poissons. En « street-fishing », on pratique le principedu «  no kill » c’est à dire quechaque poisson pêché est, aprèsune ou deux belles photos, relâ-ché dans l’eau. Des nouveaux systèmes permet-tent de ne pas trop gravementblesser le poisson. Il n’est d’ail-leurs pas impossible de repêcherle même poisson plusieurs fois. De toute façon la consommationdes poissons pêchés à Paris estinterdite par un arrêté préfecto-ral. Si la Seine est plutôt propre,les limons sont chargés en mé-taux lourds et en PCB. Ce quiinfecte les poissons. Le «  no kill  » n’est pas la seulerègle. La pêche, comme lachasse, a ses propres saisons quidépendent des poissons pêchés.Les « streets-fishers  », qui pê-chent les carnassiers « sont sou-mis à la législation sur la ferme-ture du Brochet c’est à dire que lapêche est interdite du 1er févrierau 1er mai. C’est fait pour proté-ger le brochet pendant sa périodede reproduction » nous préciseOlivier.

Pour pêcher en bonne et dueforme il faut aussi avoir un per-mis. Comme la plupart descours d’eau, la Seine est une eaupublique. A Paris et en Ile deFrance il vous en coutera 73 eu-ros pour pêcher avec une canne.On peut y ajouter différents tim-bres pour pêcher avec plusieurscannes et sur l’ensemble du ter-ritoire national. Pour favoriserla pratique, les AAPPMA (As-sociations agréées de pêche etde protection des milieux aqua-tiques) qui sont les associationsque gèrent les baux de pêche,proposent des permis moinschers pour les femmes et surtoutun permis pour les 12 – 18 ansà 15 euros, ainsi qu’un permismoins de 12 ans à seulement 3euros. Enfin pour ceux qui vou-draient simplement essayer, ilexiste des cartes journalières ouhebdomadaires. On peut se les procurer dans lesAAPPMA de chaque zone depêche. A l’union des pêcheursde Paris et de la Seine (l’UPP)ou à l’AAPPMA du 92 par exem-ple. On peut aussi directementl’acheter sur internet. Pratique. Attention, le défaut de permisde pêche vous fait encourir uneamende de troisième catégoriepouvant aller jusqu'à 450 euros.De toutes façons comme l’af-firme Olivier Agogué, chargéd’étude marketing éditorial chezCanal+ dans le civil, « le pécheur

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Depuis quelques années, lesbords de Seine de la capitale etd’Ile de France voient affluer en

nombre une nouvelle générationde pêcheurs bien décidés à tra-quer les poissons partout où ils

se cachent. Selon la Fédérationinterdépartementale de pêche,ils seraient plus de 3000 à prati-quer ce nouveau sport urbainsur la Seine. Mais attention, cette pêche là n’aplus grand chose à voir avec cellede papy, assis sur son fauteuilpliant à l’ombre d’un arbre.Comme nous l’explique RégisAdami, restaurateur dans la vie

ils se retrouvent au bord de la seine au petitmatin, à la pause déjeuner ou le week-end. Ils sont jeunes,étudiants ou actifs. Le bonnet ou la casquette sont de rigueur,tout comme l’inévitable combo Jean-baskets. Mais,contrairement aux apparences, ils ne sont pas là pour unesession de Skateboard ou de BMX. Non, ce sont des pêcheurs ou plutôt des « street-fishers »!

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la dernière modeparisienne :

Preuve du bon état de la Seine

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est utile et responsable. Parmi lesstreet-fishers que je connais ouque je croise, il y en a aucun quin’a pas son permis de pêche ». Enfin pour pêcher, le permis nesuffit pas il faut aussi du maté-riel. Il faut compter entre 150 et200 euros pour vraiment se lan-cer. Vous trouverez multitude deconseils sur Internet. Sinon vouspouvez vous rendre au templedes pêcheurs parisiens le maga-sin Des poissons si grands, DPSGpour les intimes, dans le 7emearrondissement ou vous trouve-rez tout l’attirail nécessaire desvrais « street-fishers ». Le maga-sin ne désemplit pas depuisquelques années. Le proprié-taire, Marcelo D’Amore, assuremême que la boutique a aug-menté son chiffre d’affaire de15% en 3 ans. Preuve encore unefois du succès de la pêche enville. On trouve aussi du maté-riel très compétitif dans les Dé-cathlons, notamment des kitspour enfants à partir de 30 eu-ros. Le nouvel engouement pour le« street-fishing » est une preuve

supplémentaire du bon état denotre fleuve, la Seine. Ludiqueet facile d’accès, la pêche en villerapproche les habitants de leurfleuve. Un dernier conseil, on ne dit ja-mais bonne pêche à un pêcheur,même « street-fisher », apparem-ment ça porte malheur.

Christopher Kilian

Liens utiles : - www.cartedepeche.frpour votre permis

- www.pecheursdeparis.frl’AAPPMA de Paris

- www.pecheenseine.comle forum pour tout savoir

- www.plus-fishing.com retrouvez les parties depêche et les conseils de laTeam Plus Fishing

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Au fil de la Seine n°53

Culture sÉQuanaise

Aussi fou que cela puisse paraître, il y ades brochets à Paris. Le poisson estcependant rare dans la capitale car laSeine parisienne est canalisée. Pour sereproduire il a besoin de zoneprotégée, principalement des prairiesinondées qu’il ne trouve évidemmentpas au bord des quais parisiens.Heureusement, tous les ans, l’Uniondes pêcheurs de Paris et de la Seinerelâche de jeunes brochets. Etapparemment le carnassier se plaît deplus en plus dans la ville lumière. La preuve, les « street-fishers » enattrapent de plus en plus !

DES BROCHETS À PARIS !

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audebec, la ville du mascaret, avait, depuis1987, son Musée de la Marine de Seine. Créédans la veine des écomusées qui avaient alors levent en poupe, il présentait, dans un bâtimentancien qui tournait malheureusement le dos aufleuve, les différents aspects de la navigation enSeine en mettant l'accent sur les activités dis-parues ou en voie de disparition. Avec le nouveau MuséoSeine et son futur bâti-ment à l'architecture contemporaine largementouverte sur le fleuve, exit la nostalgie. Les thé-matiques du nouvel espace à la scénographierésolument moderne, seront axées sur leshommes et les activités d'aujourd'hui. Le longd'un parcours calqué sur le ruban sinueux duméandre de Bretonne, des décors, des objetsmis en scène, des témoignages audio ou encoreune immense carte présenteront un fleuve "mul-tiple et changeant" pour ses aspects géomorpho-logiques, "à la croisée des mondes", de l'Antiquitéà aujourd'hui, "unique et complexe" avec le mas-caret et les difficultés de la navigation, "dyna-mique et généreux" autour des thèmes du fran-chissement et de la pêche et "attirant" en termede loisirs. La dernière séquence, intitulée "Etdemain?", sera consacrée aux hommes et auxfemmes qui font le fleuve d’aujourd’hui et dedemain.

Ouvert sur le fleuve, MuséoSeine sera aussiune porte vers le petit patrimoine de la Basse-Seine avec un projet d'application cartogra-phique à télécharger pour continuer la baladedans les villages, à la découverte d'un graffitide batelier ou d'une balise de Seine.

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Caudebec-en-Caux

La première pierre de MuséoSeine, le futur Muséede la Seine normande de Caudebec-en-Caux, en Seine-Maritime, a été posée le 5 septembre dernier. Le nouvel espace, conçu par laCommunauté de communes Caux vallée de Seine comme unevitrine de la Basse-Seine, de ses hommes et de ses paysages,ouvrira ses portes au printemps 2015.

Une campagne de collecte de fonds estorganisée par la Communauté decommunes et le Parc naturel régionaldes Boucles de la Seine Normande avecla Fondation du Patrimoine pourrestaurer six bateaux destinés à intégrerle futur musée. Ce programme concerneen particulier la gribane « le Joble »,dernière gribane de Seine, et le canotautomobile « Le Maguy ».http://www.fondation-patrimoine.org/

le programme« je donne pour un Bateau »

ouvrira en 2015le muséoseine

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portuaires sur le réseau aux évo-lutions des filières utilisatrices,poursuivre l’optimisation du re-port modal vers le fluvial et leferroviaire afin de réduire les ca-mions sur les routes, améliorerl’insertion des ports dans leurenvironnement urbain et naturelet enfin favoriser l’acceptabilitédes ports en renforçant les liensavec les territoires.L'objectif d'adaptation de l'offreà l'évolution des filières a permisde définir vingt-et-une actionsprincipales, parmi lesquelles ledéveloppement de plateformesmultimodales et de ports urbainspour la filière produits valorisa-bles, le développement de nou-velles escales pour les paquebotsfluviaux de croisière ou encore ladensification du réseau de portspublics à usage partagé et lapoursuite du développement duconcept de cloud containing(système informatique centraliséde circulation des conteneurs surles voies d'eau).

RENFORCER LESLIENS AVEC LESTERRITOIRES

Autre axe prioritaire identifié,l’optimisation du report modalvers le fluvial et le ferroviaire re-pose autant sur la prise deconscience par les entreprisesdes enjeux du report modal quesur la création d’une offre logis-tique connectée au fluvial. Leplan définit onze actions princi-pales, fondées sur les spécificitésdes différentes filières, céréales,granulats ou produits valorisa-bles.L'amélioration de l’insertion ur-baine et environnementale desports, et notamment des portsurbains, a également été au cœurde la réflexion dans les ateliers.L'intégration paysagère, architec-turale et environnementale desnouveaux ports ainsi que la priseen compte de l’environnementdans la conception et l’exploita-

tion des équipements ont étéidentifiés comme des axes prio-ritaires. Ces enjeux se traduisentdans le plan d'actions par treizeactions principales qui vont de lamise à disposition d'équipes d'ar-chitectes paysagistes pour ac-compagner l'insertion des portsdans leur environnement urbainet naturel à la mise en place de

suivis faunistiques et floristiques,la réhabilitation des berges entechniques végétales ou le déve-loppement de frayères. La pour-suite et l'élargissement de ladémarche "Sable en Seine 2" estune autre des actions phares decette partie du plan.Le quatrième enjeu prioritaireretenu visait à favoriser l’accepta-bilité des ports en renforçant lesliens avec les territoires. Cet ob-jectif a donné lieu à la définitiond'actions pédagogiques, de com-munication mais aussi d'aména-gements publics en lien avec lescollectivités locales. Ce sont parexemple l'installation de pan-neaux pédagogiques sur lesports, l'aménagement d'itiné-raires piétons/cyclistes et l'orga-nisation d'une réunion annuellepour présenter l'activité des portset la mise en œuvre du Schémade services portuaires.

Présenté le 15 octobre dernier àtous les acteurs concernés, leSchéma de services portuaires sedécline finalement en trois docu-ments : le Schéma de servicesportuaires d'Ile-de-France, unplan d'actions détaillé par filièreset un Plan d'action détaillé parport. Ces trois documentsconstituent désormais un cadre

de réflexion et de travail pourPorts de Paris mais aussi un réfé-rentiel commun à tous les utili-sateurs et les partenaires desports de la Région parisienne.

Virginie Brancotte

une démarche prospective à l'horizon 2020-2025 pour Ports de Paris

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laboré selon une démarcheconcertée, le Schéma et son pland'actions ont donné lieu à troisphases de concertation succes-sives. La première, en janvier2012, s’est déroulée au sein desateliers de travail qui ont planchésur les diagnostics et les enjeux.En novembre, une secondephase a débuté avec des ateliersterritoriaux chargés d'identifier

des axes de développement et dedéfinir les enjeux au niveau ter-ritorial. Enfin, la troisième phase,une concertation publique enligne, a permis d'améliorer et depréciser le contenu du plan d'ac-tions en recueillant les avis etcontributions des participantsaux ateliers mais aussi d'un pu-blic plus large. En tout, ce sontplus de trois cents personnes,

collectivités territoriales, entre-prises, associations, syndicats,services de l’État, partenaires etexperts, qui ont participé aux dif-férentes étapes de la concertationet à l'élaboration du Schéma et deson plan d'actions. Dès le lancement de la démarchede réflexion, Ports de Paris avaitdéfini quatre objectifs priori-taires : Adapter l’offre de services

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le schéma de services portuaires d'ile-de-France

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le schéma de services portuaires a été présenté parPorts de Paris le 15 octobre dernier au Palais d'Iéna. Le document, quioffre une vision prospective du réseau portuaire à l'horizon 2020-2025,s'est appuyé sur un diagnostic des enjeux techniques, économiques,environnementaux et territoriaux propres aux différentes filières, desconteneurs aux produits recyclables, des croisières à la logistiqueurbaine. Après une phase de concertation menée en 2012, le Schéma a donné naissance à un plan d’actions, véritable feuille de route desannées à venir pour Ports de Paris et ses partenaires.

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Quand La Seine en Partageouvre ses portes

a dernière « Portes ouvertes » de la saison orga-nisée par notre association a permis aux adhé-rents de « La Seine en Partage » de découvrir lesnouvelles initiatives séquanaises d’Andrésy, deConflans-Sainte-Honorine et de Poissy.A Andrésy, ils ont pu découvrir, sur l’ile de Nandyla nouvelle passe-à-poissons, les panneaux pé-

dagogiques en bordure de la Seine, les œuvresdu sculpteur Bruno Lémée, en bois flottant, et lamaison des insectes. A Conflans, capitale histo-rique de la batellerie, les nouveau aménagementsdes bords de Seine, les fascines en technique vé-gétale. A Poissy l’exposition consacrée à la Seineet à ses métiers. Une bien belle journée.

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Les hôtes de la journée, heureux d’ouvrir les portes de leurs berges à nos adhérents. De gauche à droite Dalila Yacef-Boureboune, directrice des services techniques à Andrésy, Alain Mazagol, adjoint en charges des travaux et espacesverts à Andrésy, Jean Delaunay, adjoint aux affaires fluviales à Conflans-Ste-Honorine, Anne-Marie Ashbrook, associa-tion APURE, Mélanie Ledrue, chargée de mission SMSO, Mathieu Gicquel, subdivision de Pontoise VNF, Patrice Cha-maillard, directeur général VNF, Jean-Michel Garcia, développement, économie à Conflans-Ste-Honorine

Vue de l’exposition organisée à Poissy sur « LaSeine et ses métiers ».

A gauche Mme Katia Dracouli, adjointe au maire à l'environnement, à droiteMme Françoise Carcasses, coordinatrice des services techniques.

Le petit bateau qui sert de ferry pourgagner l’ile de Nandy.

Un des innombrables bateaux-logements de Conflans

Les panneaux pédagogiques qui expliquenttout aux enfants… et à leurs parents.

Les fascines en technique végétale

Au cœur de l’exposition, sur de grands panneaux, la série d’articles publiée dans « Au fil de la Seine » sur « Les grandsfleuves du monde »

La fameuse passe-à-poissons de l’ile deNandy.

La maison des insectes.

Les nouveaux aménagements des bords de Seine à Conflans

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Tout le monde a entendu parler des fameux « Bateliers de laVolga » mais on a parfois oublié que la Volga en question étaitsurtout le plus grand fleuve d’Europe. Mieux, elle est la véri-table frontière entre l’Est et l’Ouest, entre la vieille Europe etl’Asie des steppes immenses. Mieux encore, elle est le bou-levard grand ouvert entre le Nord des Vikings blonds et le Sudméditerranéen des popes orthodoxes.

’est sur les bords de la Volga, à Kazan, qu’en 1552 Ivan le Terriblefinit par chasser les tribus tatares et mongoles de Gengis Khan qui,depuis le XIIIème siècle, dominaient la région. C’était déjà par la Volgaqu’était remontée la foi chrétienne (version orthodoxe) depuis By-zance jusqu’à la Baltique.« Grande muraille » entre l’Est et l’Ouest, axe essentiel de commu-nication entre le Nord et le Sud, la Volga qui parcourt toute la Russie(on devrait dire « toutes les Russies ») n’est pas seulement, commele prétend la tradition, « la mère des cinq mers », mer Baltique, merBlanche, mer d’Azov, mer Noire (qu’elle rejoint par tout un jeu de ca-naux) et mer Caspienne. Elle est aussi, et avant tout, « la mère de laRussie », comme le Nil pour l’Egypte ou le Gange pour l’Inde. Lesvieux Russes l’appellent d’ailleurs « matouchka », la petite mère. Elleest la Sainte-Patronne de la Sainte Russie. Le fleuve fondateur, lefleuve unificateur dans les flots duquel se reflète l’histoire du pays,c’est-à-dire, au fond, toute l’âme du pays. Les moujiks et les grandsducs disaient « Qui ne connait pas la Volga ne peut rien comprendreà l’âme russe ».Cela dit –et avouons-le tout de suite- si la Volga a peut-être façonnél’histoire et l’âme russes, la Russie et plus encore l’Union soviétiquene lui en ont guère été reconnaissantes. Peu de fleuves du mondeont été aussi maltraités que la Volga qui n’est plus aujourd’hui, pourl’essentiel, qu’une suite d’immenses lacs artificiels et de gigan-tesques barrages bordée d’innombrables complexes industriels quisemblent parfois, vus du fleuve, un peu à l’abandon.Moscou voulait dompter la Volga pour produire de l’électricité et irri-guer les étendues semi-désertiques. Les centrales fonctionnent à

plein régime mais les steppes sont toujours arideset la Russie a peut-être

perdu son âme.

La Volga prend sa source dans les forêts de sapins des collines duValdaï, au nord de Moscou, au sud de Saint-Pétersbourg. C’est à 230mètres d’altitude. Ce n’est pas bien haut. Et elle va parcourir 3.700kilomètres pour se jeter dans la Caspienne. Autant dire qu’elle vamusarder, perdre son temps, divaguer, zigzaguer, changer de direc-tion bien souvent. Si son débit varie d’une saison à l’autre c’est parceque plus de 70% de son eau provient de la fonte des neiges. La Volgaest un fleuve de printemps qui se réveille avec les premières fleursde la toundra, quand elle perd elle-même l’épaisse couche de glacequi la paralysait.Mais commençons par le commencement. Le Valdaï, c’est la Russieéternelle telle que l’imaginent les lecteurs des nouvelles de Tchekhov.Un univers de forêts, de lacs et de marais envahis de mouches. Onaperçoit quelques fois un ours qui déambule et on entend, souvent,le soir, les loups. Parfois, une clairière de blés éblouissants. De tempsen temps, sur un sentier boueux, une babouchka sans âge, enhaillons, au fichu coloré, ou un vieillard en casquette râpée, à l’im-mense barbe blanche, plié en deux par les années. Ils sortent de lanuit des temps et vont sans doute, l’un et l’autre, vers un de ces in-nombrables monastères de la région, perdus l’hiver dans les neiges,l’été dans les brumes de chaleur.

C’est ici o1ue se trouventles sources de l ’âme populaire russeLa source de la Volga est à côté du village de Voronovo, une poignéed’isbas déglinguées mais aussi une cathédrale, La Transfigurationdu Sauveur. Quelques dizaines de mètres plus loin, un marais auxeaux putrides et une minuscule chapelle, Saint Nicolas-le-Miraculeux.Le grand fleuve prend naissance dans ce marais et la chapelle enremercie Dieu. A côté, sur un bloc de pierre couvert de mousse, onpeut lire : « Pèlerin russe, prête ton attention à la source de la Volga.C’est ici que naissent la pureté et la grandeur de la terre russe. C’estici que se trouvent les sources de l’âme populaire russe. Garde-lesen toi ». On a tout compris.La minuscule chapelle, perdue au milieu de nulle part, ne désemplitpas. On vient y faire baptiser les nouveaux nés, les femmes stérilesviennent y prier pour avoir un enfant, des familles de « moujiks » ysupplient Dieu de leur accorder un miracle. Pendant près d’un siècle

tout cela fut interdit. Ils priaient en cachette. Dieu les a exhaus-sés. Ils reviennent dans leur chapelle remercier Dieu d’avoirchassé les Bolcheviks. Ils ont gardé en eux les sources del’âme populaire russe.Au début, bien sûr, la Volga n’est qu’un petit torrent s’élar-gissant peu à peu, sautant de rapide en rapide, de lac enlac, au milieu de la forêt. C’est charmant… l’été, mis à partles mouches et les moustiques. Ce n’est qu’à partir de Rjev que le fleuve devient navigable.Mais c’est à Tver que les choses commencent à être sé-

rieuses. Sur les vieilles cartes, la ville s’appelle encore Kalininedu nom de Mikhaïl Ivanovitch Kalinine, un des chefs de la Révolu-

tion d’octobre qui fut président du Soviet Suprême de 1937 à 1946.Depuis qu’il n’y a plus de Soviet suprême ni même de soviets toutcourt, la ville, fondée en 1135, a retrouvé son nom d’autrefois.

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VOLGADES BATELIERSSAINTE-PATRONNE DE LA SAINTE RUSSIE

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Mais Tver n’a retrouvé pour autant ni le charme ni l’importancequ’elle a eus pendant quelques siècles quand elle était l’étape destsars entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Ne reste pratiquement quele palais Poutievoï construit en 1784 pour la Grande Catherine. Etles marchés d’aujourd’hui semblent bien modestes à côté de ce quefut si longtemps le centre commercial de Tver. On continue car laroute est longue.On traverse Ivankovo et le premier grand barrage. A Doubna, onaperçoit le Canal de Moscou. A Ouglitch, c’est un autre barrage. ARybinsk qui s’est appelée un temps Andropov du nom de Iouri Vla-dimirovitch Andropov, ancien patron du KGB et éphémère successeurde Brejnev comme secrétaire général du Parti et donc maitre del’URSS de 1982 à sa mort en 1984, encore un barrage et un lac ar-tificiel. On a quitté les forêts, les isbas, l’univers des babouchkas, des popes,des ours et des loups. On est entré dans les plaines, le monde so-viétique ou ce qu’il en reste avec ses centrales électriques, sesusines, ses villes industrielles. La Volga semble soudain bien triste.

Laroslavl, les couleurs de Samarkand et de Boukhara Mais le miracle de « Matouchka » se produit et on arrive enfin à Ia-roslavl. Là, le touriste peut de nouveau se régaler d’autre chose quede cités lépreuses, de barrages et d’usines à l’abandon. Ce ne sontplus les ruines de l’Union soviétique, c’est de nouveau la Russie éter-nelle.Iaroslavl est l’une des villes les plus anciennes de Russie. Elle a étéfondée en 1030 (un siècle avant Moscou) par le prince Iaroslav-le-sage et si, bien sûr, elle est devenue, elle aussi, par endroits, un cen-tre industriel un peu délabré, elle a conservé quelques-uns des plusbeaux souvenirs de l’âge d’or de la Volga. « Vaut le voyage », diraientles guides.

C’est ici qu’on commence à comprendre ce que fut la Volga des ri-chissimes commerçants qui, grâce au fleuve, pouvaient, au XVIème,XVIIème et XVIIIème siècles, faire la navette entre l’Asie centrale etla Baltique, chargeant de tous les trésors de l’Orient leurs caravanesde chameaux du désert, puis leurs bateaux de la Caspienne, puisleurs péniches de la Volga halées par les fameux bateliers.Il suffit d’ailleurs de regarder les coupoles dorées de l’église de LaNativité, de l’église de L’Epiphanie, de la cathédrale de L’Annonciationou du monastère de La Transfiguration du Sauveur pour deviner queces marchands voyageurs étaient allés jusqu’à Samarkand et Bou-khara et qu’ils en étaient revenus les yeux éblouis par tous les verts,par tous les bleus, par tous les ors des mirages de l’Asie centrale.Le ciel d’Iaroslavl est une forêt de dômes, de coupoles, de clochersen forme de bulbe, d’oignon, de trèfle aux couleurs étincelantes. Toutsemble d’or, d’émeraude, de saphir. Une multitude de couronnes im-périales.Hélas, quand on regarde le fleuve, on s’aperçoit que, pas plus quel’Union soviétique d’hier, la Russie d’aujourd’hui n’attache la moindreimportance à la protection de la nature, à la sauvegarde de l’eau. LaVolga est un égout à ciel ouvert, toutes les usines déversent dans lefleuve leurs ordures, leurs déchets et tous les produits pollués et pol-luants dont elles veulent se débarrasser. Même chose, avec une odeur pestilentielle, à Kostroma, là où laVolga commence à s’élargir au-delà du raisonnable. Pourtant la ville,fondée en 1152, a su sauver, elle aussi, quelques trésors de la SainteRussie, comme le célèbre monastère Saint Hypati, là où, en 1613,les nobles vinrent chercher Michel Romanov pour en faire le premiertsar de la nouvelle dynastie. Nouveau barrage à côté de Kiniéchma. La ville est lugubre, sinistre.Ici on ne pense ni à Ivan-le-terrible ni à la Grande Catherine, maisplutôt à Staline, et presque au goulag. On est passé résolument deTolstoï ou Tchékhov à Dostoïevski, voire même à Soljenitsyne. Impos-sible d’imaginer qu’au milieu du XIXème siècle, ces murs de briqueslézardés étaient les hôtels particuliers des riches et même richis-

les grands Fleuves du monde

simes commerçants de la Volga et que, dans ces usines abandon-nées depuis longtemps, on tissait « le plus beau lin de toutes les Rus-sies ». C’était à Kiniéchma qu’on conditionnait aussi le caviar de laCaspienne qui partait vers la table du tsar. Maintenant, dans les bis-trots de la ville, on se contente d’un hareng et de trois cornichons,avec un verre de vodka frelatée.La Révolution des bolcheviks avait préféré à la ville des grands bour-geois la ville voisine d’Ivanovo parce que c’était là que les « ouvrierset paysans » avaient créé le premier soviet de l’histoire. Sur la grandplace du bled un monument dérisoire (et récent) affirme aujourd’huiencore : « Jamais le prolétariat ne laissera dilapider les acquis ducommunisme ». Les touristes le prennent en photo, un sourire auxlèvres. Les passants se contentent de hausser les épaules.

De Gorki à SakharovEt on arrive à Nijni Novgorod. Là encore, là aussi, les cartes ontquelques chamboulements politiques de retard puisqu’elles conti-nuent, le plus souvent, à appeler la ville… Gorki, comme au tempsde l’URSS qui avait voulu honorer ainsi le grand écrivain natifde l’endroit, Aleksei Maksimovitch Pechkov, ditGorki, père du « réalisme socialiste » et du mi-sérabilisme littéraire et surtout ami de Lénineet de Staline.Nijni Novgorod a de la chance. Elle est auconfluent de la Volga et de l’Oka. C’est peut-être pour cela que pendant quelques siècles laville fut le théâtre de la foire la plus importantede toute la Russie, et même sans doute de toutel’Europe. C’était la grande rencontre commercialeentre l’Occident et l’Orient. Théophile Gauthier etAlexandre Dumas, entre autres, voulurent voir de leurs yeux cesfoules de marchands aux yeux bridés et aux tenues étonnantes ayanttraversé les steppes de l’Asie centrale pour venir ici troquer leursépices, leurs tapis, leurs pierres précieuses contre de l’argenterie etdes verroteries à la mode. On ne le sait pas toujours mais c’est iciqu’eut lieu l’Exposition universelle de 1896. Souvenirs, souvenirs…oubliés.Les fils des khans, des rajas ou des mandarins ne viennent plus àNijni Novgorod et l’odeur de l’encens s’est dissipée depuis belle lu-rette. Novgorod qui fut longtemps interdite aux étrangers est désor-mais une grande ville banale et… occidentale, avec ses gratte-ciel,ses avenues au carré, ses restaurants de « cuisine rapide » et sesmagasins de grand luxe de la rue Bolchaïa Pokrovskaïa qui font ou-blier le vieux kremlin et les vieilles églises que les autorités viennentde faire repeindre sans doute avec l’espoir d’attirer quelques tou-ristes. Les guides locaux, eux, préfèrent emmener les étrangers voir en ban-lieue une HLM minable où vécut en résidence surveillée, de 1980 à1986, Andreï Sakharov, le père de la bombe H soviétique mais surtoutl’un des grands défenseurs des Droits de l’homme en URSS et prixNobel de la Paix 1975. L’appartement en rez-de-chaussée est au-jourd’hui un petit musée. On est passé de Gorki à Sakharov…La Volga entre dans la République des Maris. Un curieux peuple queces Maris. Ils sont 700.000, parlent une langue proche du finnois,pratiquent une religion étonnante que certains qualifient de paga-

nisme et ont su, au fil des siècles,résister à l’Islam, à l’orthodoxie et à larussification qu’ont tenté de leur imposer lestsars et le régime soviétique. Ils adorent Iouma, leDieu-créateur et des dizaines d’autres dieux qui habitent dans desforêts sacrées et auxquels ils sacrifient des oies. Ils ont un Grandprêtre, l’écrivain Louzykaine, et tout un clergé formé de « Kartes »qui organisent régulièrement, dans les forêts, des cérémonies un peumystérieuses pour vénérer « l’énergie cosmique ».Mais les aménagements de la Volga leur ont joué un mauvais tour.En 1980, quand fut décidée la construction du barrage de Tchebok-sary des dizaines de milliers de Maris furent expulsées de leurs terreset de leurs forêts sa-crées.

Les Tatares et les Mongols sont revenusOn pénètre alors en République ta-tare (ne surtout pas dire « tartare »,adjectif réservé aux steaks). Et toutchange brutalement. Ivan-le-Terri-ble avait bien chassé « la Horded’or » des Tatares et les Mongols detoute la région et les avait repoussésloin au-delà à l’est de la Volga… mais ilssont revenus.Kazan, la capitale de la République autonome du Tatarstan, est unesuperbe ville, avec la muraille de briques blanches de son kremlindatant du XVIème siècle, l’un des plus beaux kremlins de Russie,classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, sa cathédrale de L’An-nonciation de la même époque, éblouissante de blancheur et dontles coupoles sont si bleues qu’elles se confondent avec la couleur

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SAINTE-PATRONNE DE LA SAINTE RUSSIE

LA VOLGADES BATELIERS

des peuples » mais le nom de la gigantesque bataille qui permit àl’armée soviétique de stopper l’avancée des troupes d’Hitler et, sansdoute, de faire basculer le sort de la guerre.La ville est, bien sûr, envahie de souvenirs, de monuments, de mu-sées, de sites historiques qui rappellent à tous les coins de rue lessix mois (juillet 1942, février 1943) de la bataille épouvantable entreles hommes du maréchal Timochenko et les troupes du maréchal VonPaulus.Mais, au cours de la visite, on apprend que Tsaritsyne (l’anciennom de Volgograd, avant qu’elle ne s’appelle Stalin-grad) a toujours été un champ de bataille, tant saposition stratégique sur les bords de la Volga estimportante. En 1589, les Russes et les Tataress’y étaient affrontés. En 1919 c’est encore là que« les Rouges » commandés –du moins selonl’histoire officielle de plus en plus contestée- parStaline durent mener une bataille acharnéecontre « les Blancs », les cosaques du généralKrasnov.Aujourd’hui, on a l’impression que les autoritéset les habitants de Volgograd veulent oublier Sta-lingrad et sa bataille. Entre « la place des Mortsau Champ d’Honneur », « le musée de la Défensede la Ville-héroïque », « l’allée des Héros », « laplace de Ceux qui ont lutté jusqu’à mort » et la statue de « La Mère-patrie qui appelle », ils préfèrent parler du développement de l’in-dustrie pétrolière et des nouveaux projets de productionmétallurgique. Rares sont ceux qui osent évoquer les vrais problèmesde Volgograd : le manque d’eau potable pour les habitants et la pol-lution de la Volga.

Astrakhan, capitale du caviar et de tous les traficsOn repart et on croise le Canal du Don qui relie la Volga à la MerNoire. Bien sûr, on pense aux Cosaques qui pendant quelques siè-cles, envahirent, ravagèrent et pillèrent toute la régiontout en guerroyant avec les Tatares et les Mongols,avant de se mettre au service du tsar. L’une de leurs« spécialités » était d’ailleurs de descendre de leurs che-vaux pour arraisonner les bateaux qui remontaient la Volga char-gés de cargaisons précieuses. Les Cosaques du Don étaient surtoutdes « bandits de grand fleuve ». En fait, ici, on devrait plutôt penseraux centaines de milliers de prisonniers politiques que Staline en-voya, en 1950, creuser ce canal.Et on arrive enfin –car le voyage a été bien long- à Astra-khan, la capitale mondiale du… caviar, surtout depuis quel’Iran des ayatollahs a fermé sa boutique. Astrakhan avec un« h » contrairement à la fourrure du même nom qui vient d’iciet qui a perdu son « h » et quittant les bords de la Volga.Mais Astrakhan sur les bords du delta est peut-être aussi, d’unecertaine manière, la capitale de toute l’Asie centrale qui ne com-mence pourtant qu’en face, de l’autre côté de la Caspienne. Il paraitqu’il y a plus de 140 ethnies et nationalités différentes dans cette

ville « de tous les trafics ». Des Ouzbeks, des Tatares, des Kazakhs,des Kalmouks, des Perses, des Ukrainiens, des Tchétchènes, des Tzi-ganes, des Azéris, des Arméniens, Allemands (de la Volga) etc. etmême quelques Russes C’est un immense bazar, une Tour de Babel.On parle toutes les langues, dans des costumes bariolés mais tousdifférents, on prie tous les Dieux, on vend et on achète n’importequoi, des oeufs d’esturgeon, en effet, mais aussi des armes, de ladrogue, de faux papiers, des tapis, des épices, des bijoux… Un

charme fou !Ceux qui connaissent bien Astrakhan rappellent que

le delta de la Volga estl’une des plus impor-tantes réserves natu-relles de la planète.Tous les oiseaux vien-nent s’y reposer ets’y reproduire. Leshommes auraientfait la même chose.Ils ajoutent que laCaspienne est aussile plus grand lac dumonde et que la

Volga a été piégée encroyant se jeter dans une vraie mer ouverte au monde. Les hommesl’ont peut-être été aussi. D’ailleurs les premiers à être venus ici ontinstallé leurs tentes au bord de la Caspienne. Aujourd’hui, par la fautedu limon que déverse la Volga, Astrakhan est à plus de cent kilomè-tres de ce lac immense.

Pascale Dugat.

du ciel, le monastère Saint Jean-Baptiste, du XVIIème, ou l’égliseSaint Pierre-Saint Paul, chef d’œuvre de l’architecture baroque.Le guide (officiel) vous dira que Kazan est l’une des plus belles villesrusses, que Tolstoï et Lénine ont étudié ici, que le ténor Chaliapineet Gala Dali sont nés ici, que pendant la guerre c’est ici que Stalinefit replier toutes les industries militaires menacées par l’avancée destroupes d’Hitler et qu’avec ses puits de pétrole et de gaz la régionde Kazan est devenue « l’Arabie saoudite de la Russie ».Il oublie de préciser que Kazan, en russe, signifie… chaudron. Autantdire qu’ici, alors que la Volga s’élargit à perte de vue, tout bouillonne.On est toujours en Russie mais le drapeau de la république tatareflotte à côté de celui de la fédération russe, on reparle tatare ce quifut interdit pendant des décennies et on s’aperçoit que les visagesaux pommettes saillantes et aux yeux bridés osent relever la tête.On s’aperçoit surtout que si Moscou a fait restaurer les vieilles églisesque l’URSS avait décapitées de leurs clochers, partout, désormais,ce sont des minarets qui s’élèvent. Avant l’effondrement de l’URSS,il y avait 17 mosquées au Tatarstan dont une seule à Kazan. Au-jourd’hui, il y a plus de 1.200 mosquées à travers la république au-tonome dont 44 rien qu’à Kazan. On faisait semblant de parcourirvaguement le Capital de Marx, on lit maintenant avec dévotion leCoran. Et si le Tatarstan n’a pas osé, comme certains de ses paysfrères et voisins, revendiquer officiellement son indépendance, il lavit au quotidien. Les commissaires politiques partis, les muftis ont remplacé lespopes. Ici, on quitte le monde russe pour entrer dans un autre uni-vers, celui qu’avaient voulu détruire et les tsars et Lénine, Staline ouBrejnev. Ici, il n’y a pas que l’odeur du pétrole pour faire penser auxpays d’Arabie, il y a aussi le chant du muezzin…Après Kazan c’est encore un barrage, celui de Samara avec son lacde retenu, le lac de Kouïbychev. C’est le plus grand lac artificiel d’Eu-rope, 550 kilomètres de long, 6.450 km2 de superficie, avec le ren-fort des eaux de la Kama qui rejoint ici la Volga. La traversée n’en finit pas. Les marins du bateau évoquent avec nos-talgie l’époque « d’avant », avant Eltsine, avant Gorbatchev, quandles comités d’entreprise offraient aux employés les plus méritantsune croisière sur la Volga et que c’était la fête permanente à bord,avec accordéon, balalaïka et que la Vodka coulait à flots. Les rarestouristes d’aujourd’hui n’ont pas remplacé les foules de bons travail-leurs et les bateaux, poussifs et rouillés, semblent appartenirà une époque révolue.Après Oulianousk (l’ancienne Simlbirsk rebaptisée Ou-lianousk en hommage à Vladimir Illitch Oulianov, dit Lé-nine, et à laquelle on n’a pas encore osé redonner sonancien nom) et Togliatti, on arrive à Balakovo. Parmi

les touristes, quelques Allemands enloden et chapeau tyrolien semblentsoudain particulière-ment émus. Poureux, c’est un pèle-rinage. Jadis onappelait toute cetterégion, de Balakovojusqu’à Saratov« l’Allemagne de laVolga ». Il y a mêmeeu, pendantquelques années,une « République auto-nome des Allemands de laVolga ». Ces Allemands de la Volga avaient été invités au XVIIIèmepar la Grande Catherine à venir coloniser et développer cette région.Gardant leur langue et leurs traditions, ils s’y étaient bien implantés.Mais, deux siècles plus tard, en 1942, quand les chars d’Hitler fon-cèrent vers les puits de pétrole russes, Staline, de peur que ces Al-lemands de la Volga ne collaborent avec l’envahisseur nazi, les fitdéporter beaucoup plus à l’est, en Sibérie ou au Kazakhstan, quandil ne les fit pas massacrer. Après la déstalinisation, ils purent quitter leur exil lointain. Après lachute du Mur de Berlin, certains gagnèrent et découvrirent leur trèsancienne patrie. Aujourd’hui, quelques-uns viennent visiter la régionde leurs grands et arrière grands parents.On passe au large d’Engels et de Marx, villes qui ont su se faireoublier au point que personne n’a eu l’idée de les rebaptiser et, trèscurieusement, il semble même que l’ère soviétique n’ait pas affectéla région. On retrouve les paysages d’antan et leurs plaines de bléflamboyantes qui vont bien au-delà de l’horizon. Ici, la Volga a étéépargnée. Et c’est un énième lac artificiel de 600 km de long. Inter-minable.

Volgograd sera toujours StalingradMais on nous annoncel’arrivée à Volgograd(la ville de la Volga).Là, chacun s’étonnetoujours qu’en 1961les autorités sovié-tiques de Moscou, dansleur obsession à es-sayer de faire oublier ladictature, le goulag, lesprocès, aient voulu chan-ger le nom de la ville. CarVolgograd c’était… Stalin-

grad. Or Stalingrad, dans lamémoire collective, ce n’est pas

un hommage rendu au « Petit père

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