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Le livre des esprits 11x18

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Principes de l'enseignement par les Esprits supérieurs à l'aide de divers médiums sur l’immortalité de l’âme, la nature des esprits et leurs rapports avec les hommes; les lois morales, la vie présente et future ainsi que l’avenir de l’humanité. Le livre de référence pour comprendre ce qu'est le spiritisme. Les principes de la doctrine spirite.

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Allan Kardec

LE LIVRE DES ESPRITS

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Disponibles sur la libraire spirite :www.editions-philman.com

Cette édition a été réalisée avec la collaborationdu Centre Spirite Lyonnais Allan Kardec

http://www.cslak.fr

Imprimé en Europe — Dépôt légal : mai 2009ISBN : 978-2-913720-47-3 — EAN : 9782913720473

Chico XavierIl y a 2000 ansNosso LarLes messagersMissionnaires de la lumièreDans le monde supérieurLes ouvriers de la vie éternelleDans les domaines de la médiumnitéAction et réactionEntre la terre et le cielLibérationCinquante ans plus tardAvé ChristRenoncementPaul et Etienne

Léon Denis

Après la MortChristianisme et SpiritismeLe Problème de l’être et de la destinéeLa grande énigme (Dieu et l’Univers)Le génie celtique et le monde invisibleDans l’Invisible : Spiritisme et médiumnitéLe pourquoi de la vie

Allan Kardec tLe livre des Esprits

Le livre des MédiumsL’Evangile selon le Spiritisme

Le Spiritisme à sa plus simple expressionInstruction pratique sur les manifestations spirites

La Genèse, les miracles et les prédictionsCaractères de la révélation spirite

Oeuvres posthumesLe Ciel et l’Enfer

L’obsessionLa prière

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PHILOSOPHIE SPIRITUALISTE

LE LIVRE DES ESPRITS

contenant

Les principes de la doctrine spiritesur l’immortalité de l’âme,

la nature des Espritset leurs rapports avec les hommes,les lois morales, la vie présente,

la vie future etl’avenir de l’humanité

Selon l’enseignement donné par les Esprits supérieurs

à l’aide de divers médiums

Recueillis et mis en ordre par Allan Kardec

Pseudonyme de Hyppolite Léon Denizard RIVAIL

Édition complète conforme à l’originale.

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INTRODUCTIONÀ L’ÉTUDE DE LA DOCTRINE SPIRITE

IPour les choses nouvelles il faut des mots nouveaux,

ainsi le veut la clarté du langage, pour éviter la confusioninséparable du sens multiple des mêmes termes. Les motsspirituel, spiritualiste, spiritualisme ont une acception biendéfinie ; leur en donner une nouvelle pour les appliquer àla doctrine des Esprits serait multiplier les causes déjà sinombreuses d’amphibologie. En effet, le spiritualisme estl’opposé du matérialisme ; quiconque croit avoir en soiautre chose que la matière est spiritualiste ; mais il ne s’ensuit pas qu’il croie à l’existence des Esprits ou à leurs com-munications avec le monde visible. Au lieu des mots SPI-RITUEL, SPIRITUALISME, nous employons, pour désignercette dernière croyance, ceux de spirite et de spiritisme,dont la forme rappelle l’origine et le sens radical, et quipar cela même ont l’avantage d’être parfaitement intelli-gibles, réservant au mot spiritualisme son acceptionpropre. Nous dirons donc que la doctrine spirite ou le spi-ritisme a pour principes les relations du monde matérielavec les Esprits ou êtres du monde invisible. Les adeptesdu spiritisme seront les spirites, ou si l’on veut les spiri-tistes.

Comme spécialité, le Livre des Esprits contient la doc-trine spirite ; comme généralité, il se rattache à la doctrinespiritualiste dont il présente l’une des phases. Telle est la

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II Introduction

raison pour laquelle il porte en tête de son titre les mots :Philosophie spiritualiste.

IIIl est un autre mot sur lequel il importe également de

s’entendre, parce que c’est une des clefs de voûte de toutedoctrine morale, et qu’il est le sujet de nombreusescontroverses, faute d’une acception bien déterminée, c’estle mot âme. La divergence d’opinions sur la nature del’âme vient de l’application particulière que chacun fait dece mot. Une langue parfaite, où chaque idée aurait sareprésentation par un terme propre, éviterait bien des dis-cussions ; avec un mot pour chaque chose, tout le mondes’entendrait.

Selon les uns, l’âme est le principe de la vie matérielleorganique ; elle n’a point d’existence propre et cesse avecla vie : c’est le matérialisme pur. Dans ce sens, et par com-paraison, ils disent d’un instrument fêlé, qui ne rend plusde son, qu’il n’a pas d’âme. D’après cette opinion, l’âmeserait un effet et non une cause.

D’autres pensent que l’âme est le principe del’intelligence, agent universel dont chaque être absorbeune portion. Selon eux, il n’y aurait pour tout l’universqu’une seule âme qui distribue des étincelles entre lesdivers êtres intelligents pendant leur vie ; après la mortchaque étincelle retourne à la source commune où elle seconfond dans le tout, comme les ruisseaux et les fleuvesretournent à la mer d’où ils sont sortis. Cette opiniondiffère de la précédente en ce que, dans cette hypothèse,il y a en nous plus que la matière, et qu’il reste quelquechose après la mort ; mais c’est à peu près comme s’il nerestait rien, puisque, n’ayant plus d’individualité, nousn’aurions plus conscience de nous-mêmes. Dans cetteopinion, l’âme universelle serait Dieu et chaque être uneportion de la Divinité ; c’est une variété du panthéisme.

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Introduction III

Selon d’autres enfin, l’âme est un être moral, distinct,indépendant de la matière, et qui conserve son individua-lité après la mort. Cette acception est, sans contredit, laplus générale, parce que, sous un nom ou sous un autre,l’idée de cet être qui survit au corps se trouve à l’état decroyance instinctive et indépendante de tout enseigne-ment, chez tous les peuples, quel que soit le degré de leurcivilisation. Cette doctrine, selon laquelle l’âme est lacause et non l’effet, est celle des spiritualistes.

Sans discuter le mérite de ces opinions, et en neconsidérant que le côté linguistique de la chose, nousdirons que ces trois applications du mot âme constituenttrois idées distinctes qui demanderaient chacune unterme différent. Ce mot a donc une triple acception, etchacun a raison à son point de vue dans la définition qu’ilen donne ; le tort est à la langue de n’avoir qu’un motpour trois idées. Pour éviter toute équivoque, il faudraitrestreindre l’acception du mot âme à l’une de ces troisidées ; le choix est indifférent, le tout est de s’entendre,c’est une affaire de convention. Nous croyons pluslogique de le prendre dans son acception la plus vulgaire ;c’est pourquoi nous appelons ÂME l’être immatériel et indi-viduel qui réside en nous et qui survit au corps. Cet êtren’existerait-il pas, et ne serait-il qu’un produit del’imagination, qu’il faudrait encore un terme pour le dési-gner.

À défaut d’un mot spécial pour chacun des deuxautres points nous appelons :Principe vital le principe de la vie matérielle et orga-

nique, quelle qu’en soit la source, et qui est commun àtous les êtres vivants, depuis les plantes jusqu’à l’homme.La vie pouvant exister abstraction faite de la faculté depenser, le principe vital est une chose distincte et indé-pendante. Le mot vitalité ne rendrait pas la même idée.Pour les uns, le principe vital est une propriété de la

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IV Introduction

matière, un effet qui se produit lorsque la matière se trouvedans certaines circonstances données ; selon d’autres, etc’est l’idée la plus commune, il réside dans un fluide spé-cial, universellement répandu et dont chaque être absorbeet s’assimile une partie pendant la vie, comme nousvoyons les corps inertes absorber la lumière ; ce seraitalors le fluide vital, qui, selon certaines opinions, ne seraitautre que le fluide électrique animalisé, désigné aussi sousles noms de fluide magnétique, fluide nerveux, etc.

Quoi qu’il en soit, il est un fait que l’on ne sauraitcontester, car c’est un résultat d’observation, c’est que lesêtres organiques ont en eux une force intime qui produitle phénomène de la vie, tant que cette force existe ; que lavie matérielle est commune à tous les êtres organiques, etqu’elle est indépendante de l’intelligence et de la pensée ;que l’intelligence et la pensée sont les facultés propres àcertaines espèces organiques ; enfin que, parmi les espècesorganiques douées de l’intelligence et de la pensée, il enest une douée d’un sens moral spécial qui lui donne uneincontestable supériorité sur les autres, c’est l’espècehumaine.

On conçoit qu’avec une acception multiple, l’âmen’exclut ni le matérialisme, ni le panthéisme. Le spiritua-liste lui-même peut très bien entendre l’âme selon l’uneou l’autre des deux premières définitions, sans préjudicede l’être immatériel distinct auquel il donnera alors unnom quelconque. Ainsi ce mot n’est point le représentantd’une opinion : c’est un protée que chacun accommode àsa guise ; de là la source de tant d’interminables disputes.

On éviterait également la confusion, tout en se ser-vant du mot âme dans les trois cas, en y ajoutant un qua-lificatif qui spécifierait le point de vue sous lequel onl’envisage, ou l’application qu’on en fait. Ce serait alorsun mot générique, représentant à la fois le principe de lavie matérielle, de l’intelligence et du sens moral, et que

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Introduction V

l’on distinguerait par un attribut, comme les gaz, parexemple, que l’on distingue en ajoutant les mots hydrogè-ne, oxygène ou azote. On pourrait donc dire, et ce seraitpeut-être le mieux, l’âme vitale pour le principe de la viematérielle, l’âme intellectuelle pour le principe del’intelligence, et l’âme spirite pour le principe de notreindividualité après la mort. Comme on le voit, tout celaest une question de mots, mais une question très impor-tante pour s’entendre. D’après cela l’âme vitale seraitcommune à tous les êtres organiques : plantes, animaux ethommes ; l’âme intellectuelle serait le propre des animauxet des hommes, et l’âme spirite appartiendrait à l’hommeseul.

Nous avons cru devoir insister d’autant plus sur cesexplications que la doctrine spirite repose naturellementsur l’existence en nous d’un être indépendant de la matièreet survivant au corps. Le mot âme devant se produire fré-quemment dans le cours de cet ouvrage, il importaitd’être fixé sur le sens que nous y attachons afin d’évitertoute méprise.

Venons maintenant à l’objet principal de cette ins-truction préliminaire.

IIILa doctrine spirite, comme toute chose nouvelle, a ses

adeptes et ses contradicteurs. Nous allons essayer derépondre à quelques-unes des objections de ces derniers,en examinant la valeur des motifs sur lesquels ilss’appuient, sans avoir toutefois la prétention deconvaincre tout le monde, car il est des gens qui croientque la lumière a été faite pour eux seuls. Nous nous adres-sons aux personnes de bonne foi, sans idées préconçuesou arrêtées quand même, mais sincèrement désireuses des’instruire, et nous leur démontrerons que la plupart des

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VI Introduction

objections que l’on oppose à la doctrine proviennentd’une observation incomplète des faits et d’un jugementporté avec trop de légèreté et de précipitation.

Rappelons d’abord en peu de mots la série progressivedes phénomènes qui ont donné naissance à cette doctrine.

Le premier fait observé a été celui d’objets divers misen mouvement ; on l’a désigné vulgairement sous le nomde tables tournantes ou danse des tables. Ce phénomène,qui paraît avoir été observé d’abord en Amérique, ouplutôt qui s’est renouvelé dans cette contrée, car l’histoireprouve qu’il remonte à la plus haute antiquité, s’est pro-duit accompagné de circonstances étranges, telles quebruits insolites, coups frappés sans cause ostensibleconnue. De là, il s’est rapidement propagé en Europe etdans les autres parties du monde ; il a d’abord soulevébeaucoup d’incrédulité, mais la multiplicité des expé-riences n’a bientôt plus permis de douter de la réalité.

Si ce phénomène eut été borné au mouvement desobjets matériels, il pourrait s’expliquer par une causepurement physique. Nous sommes loin de connaître tousles agents occultes de la nature, ni toutes les propriétés deceux que nous connaissons ; l’électricité, d’ailleurs, multi-plie chaque jour à l’infini les ressources qu’elle procure àl’homme, et semble devoir éclairer la science d’une lumièrenouvelle. Il n’y avait donc rien d’impossible à ce quel’électricité, modifiée par certaines circonstances, ou toutautre agent inconnu, fût la cause de ce mouvement. Laréunion de plusieurs personnes augmentant la puissanced’action semblait appuyer cette théorie, car on pouvaitconsidérer cet ensemble comme une pile multiple dont lapuissance est en raison du nombre des éléments.

Le mouvement circulaire n’avait rien d’extraordi-naire : il est dans la nature ; tous les astres se meuvent cir-culairement ; nous pourrions donc avoir en petit un refletdu mouvement général de l’univers, ou, pour mieux dire,

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Introduction VII

une cause jusqu’alors inconnue pouvait produire acciden-tellement pour les petits objets, et dans des circonstancesdonnées, un courant analogue à celui qui entraîne lesmondes.

Mais le mouvement n’était pas toujours circulaire ; ilétait souvent saccadé, désordonné, l’objet violemmentsecoué, renversé, emporté dans une direction quelconque,et, contrairement à toutes les lois de la statique, soulevéde terre et maintenu dans l’espace. Rien encore dans cesfaits qui ne puisse s’expliquer par la puissance d’un agentphysique invisible. Ne voyons-nous pas l’électricité ren-verser les édifices, déraciner les arbres, lancer au loin lescorps les plus lourds, les attirer ou les repousser ?

Les bruits insolites, les coups frappés, en supposantqu’ils ne fussent pas un des effets ordinaires de la dilata-tion du bois, ou de toute autre cause accidentelle, pou-vaient encore très bien être produits par l’accumulationdu fluide occulte : l’électricité ne produit-elle pas lesbruits les plus violents ?

Jusque-là, comme on le voit, tout peut rentrer dans ledomaine des faits purement physiques et physiologiques.Sans sortir de ce cercle d’idées, il y avait là la matièred’études sérieuses et dignes de fixer l’attention dessavants. Pourquoi n’en a-t-il pas été ainsi ? Il est péniblede le dire, mais cela tient à des causes qui prouvent entremille faits semblables la légèreté de l’esprit humain.D’abord la vulgarité de l’objet principal qui a servi debase aux premières expérimentations n’y est peut-être pasétrangère. Quelle influence un mot n’a-t-il pas souventeue sur les choses les plus graves ! Sans considérer que lemouvement pouvait être imprimé à un objet quelconque,l’idée des tables a prévalu, sans doute parce que c’étaitl’objet le plus commode, et qu’on s’assied plus naturelle-ment autour d’une table qu’autour de tout autre meuble.Or, les hommes supérieurs sont quelquefois si puérils

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VIII Introduction

qu’il n’y aurait rien d’impossible à ce que certains espritsd’élite aient cru au-dessous d’eux de s’occuper de ce quel’on était convenu d’appeler la danse des tables. Il estmême probable que, si le phénomène observé par Galvanil’eût été par des hommes vulgaires et fût resté caractérisépar un nom burlesque, il serait encore relégué à côté de labaguette divinatoire. Quel est en effet le savant quin’aurait pas cru déroger en s’occupant de la danse des gre-nouilles ?

Quelques-uns cependant, assez modestes pour conve-nir que la nature pourrait bien n’avoir pas dit son derniermot pour eux, ont voulu voir, pour l’acquit de leurconscience ; mais il est arrivé que le phénomène n’a pastoujours répondu à leur attente, et de ce qu’il ne s’étaitpas constamment produit à leur volonté, et selon leurmode d’expérimentation, ils ont conclu à la négative ;malgré leur arrêt, les tables, puisque tables il y a, conti-nuent à tourner, et nous pouvons dire avec Galilée : etpourtant elles se meuvent ! Nous dirons plus, c’est que lesfaits se sont tellement multipliés qu’ils ont aujourd’huidroit de cité, et qu’il ne s’agit plus que d’en trouver uneexplication rationnelle. Peut-on introduire quelque chosecontre la réalité du phénomène de ce qu’il ne se produitpas d’une manière toujours identique selon la volonté etles exigences de l’observateur ? Est-ce que les phénomènesd’électricité et de chimie ne sont pas subordonnés à cer-taines conditions, et doit-on les nier parce qu’ils ne seproduisent pas en dehors de ces conditions ? Y a-t-il doncrien d’étonnant que le phénomène du mouvement desobjets par le fluide humain ait aussi ses conditions d’être,et cesse de se produire lorsque l’observateur, se plaçant àson propre point de vue, prétend le faire marcher au gréde son caprice, ou l’assujettir aux lois des phénomènesconnus, sans considérer que pour des faits nouveaux ilpeut et doit y avoir des lois nouvelles ? Or, pour connaître

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Introduction IX

ces lois, il faut étudier les circonstances dans lesquelles lesfaits se produisent, et cette étude ne peut être que le fruitd’une observation soutenue, attentive et souvent fortlongue.

Mais, objectent certaines personnes, il y a souventsupercherie évidente. Nous leur demanderons d’abord sielles sont bien certaines qu’il y ait supercherie, et si ellen’ont pas pris pour telle des effets dont elles ne pouvaientse rendre compte, à peu près comme ce paysan qui pre-nait un savant professeur de physique faisant des expé-riences pour un adroit escamoteur. En supposant mêmeque cela ait pu avoir lieu quelquefois, serait-ce une raisonpour nier le fait ? Faut-il nier la physique, parce qu’il y ades prestidigitateurs qui se décorent du titre de physi-ciens ? Il faut d’ailleurs tenir compte du caractère des per-sonnes et de l’intérêt qu’elles pourraient avoir à tromper.Ce serait donc une plaisanterie ? On peut bien s’amuserun instant, mais une plaisanterie indéfiniment prolongéeserait aussi fastidieuse pour le mystificateur que pour lemystifié. Il y aurait au reste dans une mystification qui sepropage d’un bout du monde à l’autre, et parmi les per-sonnes les plus graves, les plus honorables et les pluséclairées, quelque chose d’au moins aussi extraordinaireque le phénomène lui-même.

IVSi les phénomènes qui nous occupent se fussent

bornés au mouvement des objets, ils seraient restés,comme nous l’avons dit, dans le domaine des sciencesphysiques ; mais il n’en est point ainsi : il leur était donnéde nous mettre sur la voie de faits d’un ordre étrange. Oncrut découvrir, nous ne savons par quelle initiative, quel’impulsion donnée aux objets n’était pas seulement leproduit d’une force mécanique aveugle, mais qu’il y avaitdans ce mouvement l’intervention d’une cause intelligente.

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X Introduction

Cette voie une fois ouverte, c’était un champ tout nou-veau d’observations ; c’était le voile levé sur bien desmystères. Y a-t-il en effet une puissance intelligente ? Telleest la question. Si cette puissance existe, quelle est-elle,quelle est sa nature, son origine ? Est-elle au-dessus del’humanité ? Telles sont les autres questions qui découlentde la première.

Les premières manifestations intelligentes eurent lieuau moyen de tables se levant et frappant avec un pied unnombre déterminé de coups et répondant ainsi par oui oupar non, suivant la convention, à une question posée.Jusque-là rien de convaincant assurément pour les scep-tiques, car on pouvait croire à un effet du hasard. Onobtint ensuite des réponses plus développées par les lettresde l’alphabet : l’objet mobile frappant un nombre decoups correspondant au numéro d’ordre de chaque lettre,on arrivait ainsi à formuler des mots et des phrases,répondant à des questions posées. La justesse desréponses, leur corrélation avec la question excitèrentl’étonnement. L’être mystérieux qui répondait ainsi,interrogé sur sa nature, déclara qu’il était Esprit ou génie,se donna un nom et fournit divers renseignements sur soncompte. Ceci est une circonstance très importante ànoter. Personne n’a donc imaginé les Esprits comme unmoyen d’expliquer le phénomène ; c’est le phénomènelui-même qui révèle le mot. On fait souvent, dans lessciences exactes, des hypothèses pour avoir une base deraisonnement, or ce n’est point ici le cas.

Ce moyen de correspondance était long et incommo-de. L’Esprit, et ceci est encore une circonstance digne deremarque, en indiqua un autre. C’est l’un de ces êtresinvisibles qui donna le conseil d’adapter un crayon à unecorbeille ou à un autre objet. Cette corbeille, posée surune feuille de papier, est mise en mouvement par la mêmepuissance occulte qui fait mouvoir les tables ; mais, au

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Introduction XI

lieu d’un simple mouvement régulier, le crayon trace delui-même des caractères formant des mots, des phrases etdes discours entiers de plusieurs pages, traitant les plushautes questions de philosophie, de morale, de métaphy-sique, de psychologie, etc., et cela avec autant de rapiditéque si l’on écrivait avec la main.

Ce conseil fut donné simultanément en Amérique, enFrance et dans diverses contrées. Voici les termes dans les-quels il fut donné à Paris, le 10 juin 1853, à l’un des plusfervents adeptes de la doctrine, qui déjà depuis plusieursannées, et dès 1849, s’occupait de l’évocation des Esprits :« Va prendre, dans la chambre à côté, la petite corbeille ;attaches-y un crayon ; place-le sur un papier ; mets lesdoigts sur le bord.» Puis, quelques instants après, la cor-beille s’est mise en mouvement et le crayon a écrit très lisi-blement cette phrase : «Ce que je vous dis là, je vousdéfends expressément de le dire à personne ; la premièrefois que j’écrirai, j’écrirai mieux. »

L’objet auquel on adapte le crayon n’étant qu’un ins-trument, sa nature et sa forme sont complètementindifférentes ; on a cherché sa disposition la plus commo-de ; c’est ainsi que beaucoup de personnes font usaged’une petite planchette.

La corbeille, ou la planchette, ne peut être mise enmouvement que sous l’influence de certaines personnesdouées, à cet égard, d’une puissance spéciale et que l’ondésigne sous le nom de médiums, c’est-à-dire milieu, ouintermédiaires entre les Esprits et les hommes. Les condi-tions qui donnent cette puissance spéciale tiennent à descauses tout à la fois physiques et morales encore impar-faitement connues, car on trouve des médiums de toutâge, de tout sexe et dans tous les degrés de développementintellectuel. Cette faculté, du reste, se développe parl’exercice.

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XII Introduction

VPlus tard on reconnut que la corbeille et la planchette

ne formaient en réalité qu’un appendice de la main, et lemédium, prenant directement le crayon, se mit à écrirepar une impulsion involontaire et presque fébrile. Par cemoyen, les communications devinrent plus rapides, plusfaciles et plus complètes ; c’est aujourd’hui le plus répan-du, d’autant plus que le nombre des personnes douées decette aptitude est très considérable et se multiplie tous lesjours. L’expérience enfin fit connaître plusieurs autresvariétés dans la faculté médiatrice, et l’on sut que les com-munications pouvaient également avoir lieu par la parole,l’ouïe, la vue, le toucher, etc., et même par l’écriture directedes Esprits, c’est-à-dire sans le concours de la main dumédium ni du crayon.

Le fait obtenu, un point essentiel restait à constater,c’est le rôle du médium dans les réponses et la part qu’ilpeut y prendre mécaniquement et moralement. Deux cir-constances capitales, qui ne sauraient échapper à unobservateur attentif, peuvent résoudre la question. La pre-mière est la manière dont la corbeille se meut sous soninfluence, par la seule imposition des doigts sur le bord ;l’examen démontre l’impossibilité d’une direction quel-conque. Cette impossibilité devient surtout patentelorsque deux ou trois personnes se placent en mêmetemps à la même corbeille ; il faudrait entre elles uneconcordance de mouvement vraiment phénoménale ;il faudrait, de plus, concordance de pensées pour qu’ellespussent s’entendre sur la réponse à faire à la questionposée. Un autre fait, non moins singulier, vient encoreajouter à la difficulté, c’est le changement radical del’écriture selon l’Esprit qui se manifeste, et chaque foisque le même Esprit revient, son écriture se reproduit. Ilfaudrait donc que le médium se fût appliqué à changersa propre écriture de vingt manières différentes, et surtout

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Introduction XIII

qu’il pût se souvenir de celle qui appartient à tel ou telEsprit.

La seconde circonstance résulte de la nature même desréponses qui sont, la plupart du temps, surtout lorsqu’ils’agit de questions abstraites ou scientifiques, notoire-ment en dehors des connaissances et quelquefois de laportée intellectuelle du médium, qui, du reste, le plusordinairement, n’a point conscience de ce qui s’écrit sousson influence ; qui très souvent même n’entend pas ou necomprend pas la question posée, puisqu’elle peut l’êtredans une langue qui lui est étrangère, ou même mentale-ment, et que la réponse peut être faite dans cette langue.Il arrive souvent enfin que la corbeille écrit spontané-ment, sans question préalable, sur un sujet quelconque ettout à fait inattendu.

Ces réponses, dans certains cas, ont un tel cachet desagesse, de profondeur et d’à-propos ; elles révèlent despensées si élevées, si sublimes, qu’elles ne peuvent émanerque d’une intelligence supérieure, empreinte de la mora-lité la plus pure ; d’autres fois elles sont si légères, si fri-voles, si triviales même, que la raison se refuse à croirequ’elles puissent procéder de la même source. Cette diver-sité de langage ne peut s’expliquer que par la diversité desintelligences qui se manifestent. Ces intelligences sont-elles dans l’humanité ou hors de l’humanité ? Tel est lepoint à éclaircir, et dont on trouvera l’explication com-plète dans cet ouvrage telle qu’elle est donnée par lesEsprits eux-mêmes.

Voilà donc des effets patents qui se produisent endehors du cercle habituel de nos observations, qui ne sepassent point avec mystère, mais au grand jour, que toutle monde peut voir et constater, qui ne sont pas le pri-vilège d’un seul individu, mais que des milliers de per-sonnes répètent tous les jours à volonté. Ces effets ontnécessairement une cause, et du moment qu’ils révèlent

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XIV Introduction

l’action d’une intelligence et d’une volonté, ils sortent dudomaine purement physique.

Plusieurs théories ont été émises à ce sujet ; nous lesexaminerons tout à l’heure, et nous verrons si elles peu-vent rendre raison de tous les faits qui se produisent.Admettons, en attendant, l’existence d’êtres distincts del’humanité, puisque telle est l’explication fournie par lesintelligences qui se révèlent, et voyons ce qu’ils nousdisent.

VILes êtres qui se communiquent ainsi se désignent eux-

mêmes, comme nous l’avons dit, sous le nom d’Esprits oude génies, et comme ayant appartenu, pour quelques-unsdu moins, aux hommes qui ont vécu sur la terre. Ilsconstituent le monde spirituel, comme nous constituonspendant notre vie le monde corporel.

Nous résumons ici, en peu de mots, les points les plussaillants de la doctrine qu’ils nous ont transmise afin derépondre plus facilement à certaines objections.

• Dieu est éternel, immuable, immatériel, unique,tout-puissant, souverainement juste et bon.

• Il a créé l’univers qui comprend tous les êtres animéset inanimés, matériels et immatériels.

• Les êtres matériels constituent le monde visible oucorporel, et les êtres immatériels le monde invisible ouspirite, c’est-à-dire des Esprits.

• Le monde spirite est le monde normal, primitif,éternel, préexistant et survivant à tout.

• Le monde corporel n’est que secondaire ; il pourraitcesser d’exister, ou n’avoir jamais existé, sans altérerl’essence du monde spirite.

• Les Esprits revêtent temporairement une enveloppematérielle périssable, dont la destruction, par la mort, lesrend à la liberté.

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Introduction XV

• Parmi les différentes espèces d’êtres corporels, Dieua choisi l’espèce humaine pour l’incarnation des Espritsarrivés à un certain degré de développement, c’est ce quilui donne la supériorité morale et intellectuelle sur lesautres.

• L’âme est un Esprit incarné dont le corps n’est quel’enveloppe.

• Il y a dans l’homme trois choses : 1° le corps ou êtrematériel analogue aux animaux, et animé par le mêmeprincipe vital ; 2° l’âme ou être immatériel, Esprit incarnédans le corps ; 3° le lien qui unit l’âme et le corps, principeintermédiaire entre la matière et l’Esprit.

• L’homme a ainsi deux natures : par son corps, il par-ticipe de la nature des animaux dont il a les instincts ; parson âme il participe de la nature des Esprits.

• Le lien ou périsprit qui unit le corps et l’Esprit estune sorte d’enveloppe semi-matérielle. La mort est la des-truction de l’enveloppe la plus grossière, l’Esprit conservela seconde, qui constitue pour lui un corps éthéré, invi-sible pour nous dans l’état normal, mais qu’il peut rendreaccidentellement visible et même tangible, comme cela alieu dans le phénomène des apparitions.

• L’Esprit n’est point ainsi un être abstrait, indéfini,que la pensée seule peut concevoir ; c’est un être réel, cir-conscrit qui, dans certains cas, est appréciable par les sensde la vue, de l’ouïe et du toucher.

• Les Esprits appartiennent à différentes classes et nesont égaux ni en puissance, ni en intelligence, ni en savoir,ni en moralité. Ceux du premier ordre sont les Espritssupérieurs qui se distinguent des autres par leur perfec-tion, leurs connaissances, leur rapprochement de Dieu, lapureté de leurs sentiments et leur amour du bien : ce sontles anges ou purs Esprits. Les autres classes s’éloignent deplus en plus de cette perfection ; ceux des rangs inférieurssont enclins à la plupart de nos passions : la haine, l’envie,

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XVI Introduction

la jalousie, l’orgueil, etc. ; ils se plaisent au mal. Dans lenombre, il en est qui ne sont ni très bons ni très mauvais ;plus brouillons et tracassiers que méchants, la malice et lesinconséquences semblent être leur partage : ce sont lesEsprits follets ou légers.

• Les Esprits n’appartiennent pas perpétuellement aumême ordre. Tous s’améliorent en passant par les diffé-rents degrés de la hiérarchie spirite. Cette amélioration alieu par l’incarnation qui est imposée aux uns commeexpiation et aux autres comme mission. La vie matérielleest une épreuve qu’ils doivent subir à plusieurs reprisesjusqu’à ce qu’ils aient atteint la perfection absolue ; c’estune sorte d’étamine ou d’épuratoire d’où ils sortent plusou moins purifiés.

• En quittant le corps, l’âme rentre dans le monde desEsprits d’où elle était sortie, pour reprendre une nouvelleexistence matérielle après un laps de temps plus ou moinslong pendant lequel elle est à l’état d’Esprit errant(1).

• L’Esprit devant passer par plusieurs incarnations, ilen résulte que nous tous avons eu plusieurs existences, etque nous en aurons encore d’autres plus ou moins perfec-tionnées, soit sur cette terre, soit dans d’autres mondes.

• L’incarnation des Esprits a toujours lieu dansl’espèce humaine ; ce serait une erreur de croire que l’âmeou Esprit peut s’incarner dans le corps d’un animal.

• Les différentes existences corporelles de l’Esprit sonttoujours progressives et jamais rétrogrades ; mais la rapi-dité du progrès dépend des efforts que nous faisons pourarriver à la perfection.

• Les qualités de l’âme sont celles de l’Esprit qui estincarné en nous ; ainsi l’homme de bien est l’incarnation

(1) Il y a entre cette doctrine de la réincarnation et celle de lamétempsycose, telle que l’admettent certaines sectes, une diffé-rence caractéristique qui est expliquée dans la suite de l’ouvrage.

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Introduction XVII

du bon Esprit, et l’homme pervers celle d’un Espritimpur.

• L’âme avait son individualité avant son incarnation ;elle la conserve après sa séparation du corps.

• À sa rentrée dans le monde des Esprits, l’âme yretrouve tous ceux qu’elle a connus sur terre, et toutes sesexistences antérieures se retracent à sa mémoire avec lesouvenir de tout le bien et de tout le mal qu’elle a fait.

• L’Esprit incarné est sous l’influence de la matière ;l’homme qui surmonte cette influence par l’élévation etl’épuration de son âme se rapproche des bons Esprits aveclesquels il sera un jour. Celui qui se laisse dominer par lesmauvaises passions et place toutes ses joies dans la satis-faction des appétits grossiers, se rapproche des Espritsimpurs en donnant la prépondérance à la nature animale.

• Les Esprits incarnés habitent les différents globes del’univers.

• Les Esprits non incarnés, ou errants, n’occupentpoint une région déterminée et circonscrite ; ils sont par-tout dans l’espace et à nos côtés, nous voyant et nous cou-doyant sans cesse ; c’est toute une population invisiblequi s’agite autour de nous.

• Les Esprits exercent sur le monde moral, et mêmesur le monde physique, une action incessante ; ils agissentsur la matière et sur la pensée, et constituent une des puis-sances de la nature, cause efficiente d’une foule de phé-nomènes jusqu’alors inexpliqués ou mal expliqués, etqui ne trouvent une solution rationnelle que dans le spi-ritisme.

• Les relations des Esprits avec les hommes sontconstantes. Les bons Esprits nous sollicitent au bien, noussoutiennent dans les épreuves de la vie, et nous aident àles supporter avec courage et résignation ; les mauvaisnous sollicitent au mal : c’est pour eux une jouissance denous voir succomber et de nous assimiler à eux.

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XVIII Introduction

• Les communications des Esprits avec les hommessont occultes ou ostensibles. Les communicationsoccultes ont lieu par l’influence bonne ou mauvaise qu’ilsexercent sur nous à notre insu ; c’est à notre jugement dediscerner les bonnes et les mauvaises inspirations. Lescommunications ostensibles ont lieu au moyen del’écriture, de la parole ou autres manifestations maté-rielles, le plus souvent par l’intermédiaire des médiumsqui leur servent d’instruments.

• Les Esprits se manifestent spontanément ou sur évo-cation. On peut évoquer tous les Esprits : ceux qui ontanimé des hommes obscurs, comme ceux des personnagesles plus illustres, quelle que soit l’époque à laquelle ils ontvécu ; ceux de nos parents, de nos amis ou de nos enne-mis, et en obtenir, par des communications écrites ou ver-bales, des conseils, des renseignements sur leur situationd’outre-tombe, sur leurs pensées à notre égard, ainsi queles révélations qu’il leur est permis de nous faire.

• Les Esprits sont attirés en raison de leur sympathiepour la nature morale du milieu qui les évoque. LesEsprits supérieurs se plaisent dans les réunions sérieusesoù dominent l’amour du bien et le désir sincère des’instruire et de s’améliorer. Leur présence en écarte lesEsprits inférieurs qui y trouvent au contraire un libreaccès, et peuvent agir en toute liberté parmi les personnesfrivoles ou guidées par la seule curiosité, et partout où serencontrent de mauvais instincts. Loin d’en obtenir nibons avis, ni renseignements utiles, on ne doit en attendreque des futilités, des mensonges, de mauvaises plaisante-ries ou des mystifications, car ils empruntent souvent desnoms vénérés pour mieux induire en erreur.

• La distinction des bons et des mauvais Esprits estextrêmement facile ; le langage des Esprits supérieurs estconstamment digne, noble, empreint de la plus hautemoralité, dégagé de toute basse passion ; leurs conseils

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Introduction XIX

respirent la sagesse la plus pure, et ont toujours pour butnotre amélioration et le bien de l’humanité. Celui desEsprits inférieurs, au contraire, est inconséquent, souventtrivial et même grossier ; s’ils disent parfois des chosesbonnes et vraies, ils en disent plus souvent de fausses etd’absurdes par malice ou par ignorance ; ils se jouent dela crédulité et s’amusent aux dépens de ceux qui les inter-rogent en flattant leur vanité, en berçant leurs désirs defausses espérances. En résumé, les communicationssérieuses, dans toute l’acception du mot, n’ont lieu quedans les centres sérieux, dans ceux dont les membres sontunis par une communion intime de pensées en vue dubien.

• La morale des Esprits supérieurs se résume commecelle du Christ en cette maxime évangélique : Agir enversles autres comme nous voudrions que les autres agissentenvers nous-mêmes ; c’est-à-dire faire le bien et ne pointfaire le mal. L’homme trouve dans ce principe la règle uni-verselle de conduite pour ses moindres actions.

• Ils nous enseignent que l’égoïsme, l’orgueil, la sen-sualité sont des passions qui nous rapprochent de la natu-re animale en nous attachant à la matière ; que l’hommequi, dès ici-bas, se détache de la matière par le mépris desfutilités mondaines et l’amour du prochain, se rapprochede la nature spirituelle ; que chacun de nous doit serendre utile selon les facultés et les moyens que Dieu amis entre ses mains pour l’éprouver ; que le fort et le puis-sant doivent appui et protection au faible, car celui quiabuse de sa force et de sa puissance pour opprimer sonsemblable viole la loi de Dieu. Ils enseignent enfin, quedans le monde des Esprits, rien ne pouvant être caché,l’hypocrite sera démasqué et toutes ses turpitudesdévoilées ; que la présence inévitable et de tous les ins-tants de ceux envers lesquels nous aurons mal agi est undes châtiments qui nous sont réservés ; qu’à l’état

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XX Introduction

d’infériorité et de supériorité des Esprits sont attachéesdes peines et des jouissances qui nous sont inconnues surla terre.

• Mais ils nous enseignent aussi qu’il n’est pas defautes irrémissibles et qui ne puissent être effacées parl’expiation. L’homme en trouve le moyen dans les diffé-rentes existences qui lui permettent d’avancer, selon sondésir et ses efforts, dans la voie du progrès et vers la per-fection qui est son but final.

Tel est le résumé de la doctrine spirite, ainsi qu’ellerésulte de l’enseignement donné par les Esprits supé-rieurs. Voyons maintenant les objections qu’on y oppose.

VIIPour beaucoup de gens, l’opposition des corps savants

est, sinon une preuve, du moins une forte présomptioncontraire. Nous ne sommes pas de ceux qui crient harosur les savants, car nous ne voulons pas faire dire de nousque nous donnons le coup de pied de l’âne ; nous lestenons au contraire en grande estime, et nous serions forthonoré de compter parmi eux ; mais leur opinion ne sau-rait être en toutes circonstances un jugement irrévocable.

Dès que la science sort de l’observation matérielle desfaits, qu’il s’agit d’apprécier et d’expliquer ces faits, lechamp est ouvert aux conjectures ; chacun apporte sonpetit système qu’il veut faire prévaloir et soutient avecacharnement. Ne voyons-nous pas tous les jours les opi-nions les plus divergentes tour à tour préconisées etrejetées ? Tantôt repoussées comme erreurs absurdes, puisproclamées comme vérités incontestables ? Les faits, voilàle véritable critérium de nos jugements, l’argument sansréplique ; en l’absence de faits, le doute est l’opinion dusage.

Pour les choses de notoriété, l’opinion des savants faitfoi à juste titre, parce qu’ils savent plus et mieux que le

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Introduction XXI

vulgaire ; mais en fait de principes nouveaux, de chosesinconnues, leur manière de voir n’est toujoursqu’hypothétique, parce qu’ils ne sont pas plus qued’autres exempts de préjugés ; je dirai même que le savanta peut-être plus de préjugés qu’un autre, parce qu’unepropension naturelle le porte à tout subordonner au pointde vue qu’il a approfondi : le mathématicien ne voit depreuve que dans une démonstration algébrique, le chi-miste rapporte tout à l’action des éléments, etc. Touthomme qui s’est fait une spécialité y cramponne toutesses idées ; sortez-le de là, souvent il déraisonne, parce qu’ilveut tout soumettre au même creuset : c’est une consé-quence de la faiblesse humaine. Je consulterai doncvolontiers et en toute confiance un chimiste sur une ques-tion d’analyse, un physicien sur la puissance électrique,un mécanicien sur une force motrice ; mais ils me per-mettront, et sans que cela porte atteinte à l’estime quecommande leur savoir spécial, de ne pas tenir le mêmecompte de leur opinion négative en fait de spiritisme, pasplus que du jugement d’un architecte sur une question demusique.

Les sciences vulgaires reposent sur les propriétés de lamatière qu’on peut expérimenter et manipuler à son gré ;les phénomènes spirites reposent sur l’actiond’intelligences qui ont leur volonté, et nous prouvent àchaque instant qu’elles ne sont pas à notre caprice. Lesobservations ne peuvent donc se faire de la même manière ;elles requièrent des conditions spéciales et un autre pointde départ ; vouloir les soumettre à nos procédés ordinairesd’investigation, c’est établir des analogies qui n’existentpas. La science proprement dite, comme science, est doncincompétente pour se prononcer dans la question du spi-ritisme : elle n’a pas à s’en occuper, et son jugement quelqu’il soit, favorable ou non, ne saurait être d’aucun poids.Le spiritisme est le résultat d’une conviction personnelle

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XXII Introduction

que les savants peuvent avoir comme individus, abstrac-tion faite de leur qualité de savants ; mais, vouloir déférerla question à la science, autant vaudrait faire déciderl’existence de l’âme par une assemblée de physiciens oud’astronomes ; en effet, le spiritisme est tout entier dansl’existence de l’âme et dans son état après la mort ; or ilest souverainement illogique de penser qu’un hommedoive être un grand psychologiste, parce qu’il est un grandmathématicien ou un grand anatomiste. L’anatomiste, endisséquant le corps humain, cherche l’âme, et parce qu’ilne la trouve pas sous son scalpel, comme il y trouve unnerf, ou parce qu’il ne la voit pas s’envoler comme un gaz,en conclut qu’elle n’existe pas, parce qu’il se place aupoint de vue exclusivement matériel ; s’ensuit-il qu’il aitraison contre l’opinion universelle ? Non. Vous voyezdonc que le spiritisme n’est pas du ressort de la science.Quand les croyances spirites seront vulgarisées, quandelles seront acceptées par les masses, et, si l’on en juge parla rapidité avec laquelle elles se propagent, ce temps nesaurait être fort éloigné, il en sera de cela comme detoutes les idées nouvelles qui ont rencontré del’opposition, les savants se rendront à l’évidence ; ils yarriveront individuellement par la force des choses ;jusque-là il est intempestif de les détourner de leurs tra-vaux spéciaux, pour les contraindre à s’occuper d’unechose étrangère qui n’est ni dans leurs attributions, nidans leur programme. En attendant, ceux qui, sans uneétude préalable et approfondie de la matière, se pronon-cent pour la négative et bafouent quiconque n’est pas deleur avis, oublient qu’il en a été de même de la plupart desgrandes découvertes qui honorent l’humanité ; ilss’exposent à voir leurs noms augmenter la liste desillustres proscripteurs des idées nouvelles, et inscrits à côtéde ceux des membres de la docte assemblée qui, en 1752,accueillit avec un immense éclat de rire le mémoire de

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Introduction XXIII

Franklin sur les paratonnerres, le jugeant indigne de figu-rer au nombre des communications qui lui étaientadressées ; et de cette autre qui fit perdre à la France lebénéfice de l’initiative de la marine à vapeur, en déclarantle système de Fulton un rêve impraticable ; et pourtantc’étaient des questions de leur ressort. Si donc ces assem-blées, qui comptaient dans leur sein l’élite des savants dumonde, n’ont eu que la raillerie et le sarcasme pour desidées qu’elles ne comprenaient pas, idées qui, quelquesannées plus tard devaient révolutionner la science, lesmœurs et l’industrie, comment espérer qu’une questionétrangère à leurs travaux obtienne plus de faveur ?

Ces erreurs de quelques-uns, regrettables pour leurmémoire, ne sauraient leur enlever les titres qu’à d’autreségards ils ont acquis à notre estime, mais est-il besoin d’undiplôme officiel pour avoir du bon sens, et ne compte-t-onen dehors des fauteuils académiques que des sots et desimbéciles ? Qu’on veuille bien jeter les yeux sur lesadeptes de la doctrine spirite, et l’on verra si l’on n’y ren-contre que des ignorants, et si le nombre immensed’hommes de mérite qui l’ont embrassée permet de lareléguer au rang des croyances de bonnes femmes. Leurcaractère et leur savoir valent bien la peine qu’on dise :puisque de tels hommes affirment, il faut au moins qu’ily ait quelque chose.

Nous répétons encore que si les faits qui nous occu-pent se fussent renfermés dans le mouvement mécaniquedes corps, la recherche de la cause physique de ce phé-nomène rentrait dans le domaine de la science ; mais dèsqu’il s’agit d’une manifestation en dehors des lois del’humanité, elle sort de la compétence de la science maté-rielle, car elle ne peut s’exprimer ni par les chiffres, ni parla puissance mécanique. Lorsque surgit un fait nouveauqui ne ressort d’aucune science connue, le savant, pourl’étudier, doit faire abstraction de sa science et se dire que

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XXIV Introduction

c’est pour lui une étude nouvelle qui ne peut se faire avecdes idées préconçues.

L’homme qui croit sa raison infaillible est bien près del’erreur ; ceux-mêmes qui ont les idées les plus faussess’appuient sur leur raison, et c’est en vertu de cela qu’ilsrejettent tout ce qui leur semble impossible. Ceux qui ontjadis repoussé les admirables découvertes dont l’humanités’honore faisaient tous appel à ce juge pour les rejeter ; ceque l’on appelle raison n’est souvent que de l’orgueildéguisé, et quiconque se croit infaillible se pose commel’égal de Dieu. Nous nous adressons donc à ceux qui sontassez sages pour douter de ce qu’ils n’ont pas vu, et qui,jugeant l’avenir par le passé, ne croient pas que l’hommesoit arrivé à son apogée, ni que la nature ait tourné pourlui la dernière page de son livre.

VIIIAjoutons que l’étude d’une doctrine, telle que la doc-

trine spirite, qui nous lance tout à coup dans un ordre dechoses si nouveau et si grand, ne peut être faite avec fruitque par des hommes sérieux, persévérants, exempts depréventions et animés d’une ferme et sincère volontéd’arriver à un résultat. Nous ne saurions donner cettequalification à ceux qui jugent, a priori, légèrement etsans avoir tout vu ; qui n’apportent à leurs études ni lasuite, ni la régularité, ni le recueillement nécessaires ;nous saurions encore moins la donner à certaines per-sonnes qui, pour ne pas faillir à leur réputation de gensd’esprit, s’évertuent à trouver un côté burlesque auxchoses les plus vraies, ou jugées telles par des personnesdont le savoir, le caractère et les convictions ont droit auxégards de quiconque se pique de savoir-vivre. Que ceuxdonc qui ne jugent pas les faits dignes d’eux et de leurattention s’abstiennent ; personne ne songe à violenterleur croyance, mais qu’ils veuillent bien respecter celles

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Introduction XXV

des autres.Ce qui caractérise une étude sérieuse, c’est la suite que

l’on y apporte. Doit-on s’étonner de n’obtenir souventaucune réponse sensée à des questions, graves par elles-mêmes, alors qu’elles sont faites au hasard et jetées àbrûle-pourpoint au milieu d’une foule de questions sau-grenues ? Une question d’ailleurs est souvent complexe etdemande, pour être éclaircie, des questions préliminairesou complémentaires. Quiconque veut acquérir une scien-ce doit en faire une étude méthodique, commencer par lecommencement et suivre l’enchaînement et le développe-ment des idées. Celui qui adresse par hasard à un savantune question sur une science dont il ne sait pas le premiermot, sera-t-il plus avancé ? Le savant lui-même pourra-t-il, avec la meilleure volonté, lui donner une réponse satis-faisante ? Cette réponse isolée sera forcément incomplète,et souvent par cela même inintelligible, ou pourraparaître absurde et contradictoire. Il en est exactement demême dans les rapports que nous établissons avec lesEsprits. Si l’on veut s’instruire à leur école, c’est un coursqu’il faut faire avec eux ; mais, comme parmi nous, il fautchoisir ses professeurs et travailler avec assiduité.

Nous avons dit que les Esprits supérieurs ne viennentque dans les réunions sérieuses et dans celles surtout oùrègne une parfaite communion de pensées et de senti-ments pour le bien. La légèreté et les questions oiseuses leséloignent, comme, chez les hommes, elles éloignent lesgens raisonnables ; le champ reste alors libre à la tourbedes Esprits menteurs et frivoles, toujours à l’affût desoccasions de se railler et de s’amuser à nos dépens. Quedevient dans une telle réunion une question sérieuse ? Il ysera répondu : mais par qui ? C’est comme si au milieud’une troupe de joyeux vivants vous alliez jeter ces ques-tions : Qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce que la mort ? Etd’autres choses aussi récréatives. Si vous voulez des

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XXVI Introduction

réponses sérieuses, soyez sérieux vous-mêmes dans toutel’acception du mot et placez-vous dans toutes les condi-tions voulues : alors seulement vous obtiendrez degrandes choses ; soyez de plus laborieux et persévérantsdans vos études, sans cela les Esprits supérieurs vousdélaissent, comme le fait un professeur pour ses écoliersnégligents.

IXLe mouvement des objets est un fait acquis ; la ques-

tion est de savoir si, dans ce mouvement, il y a ou nonune manifestation intelligente, et en cas d’affirmative,quelle est la source de cette manifestation.

Nous ne parlons pas du mouvement intelligent decertains objets, ni de communications verbales, ni mêmede celles qui sont écrites directement par le médium ; cegenre de manifestation, évident pour ceux qui ont vu etapprofondi la chose, n’est point, au premier aspect, assezindépendant de la volonté pour asseoir la conviction d’unobservateur novice. Nous ne parlerons donc que del’écriture obtenue à l’aide d’un objet quelconque munid’un crayon, tel que corbeille, planchette, etc. ; la manièredont les doigts du médium sont posés sur l’objet défie,comme nous l’avons dit, l’adresse la plus consommée depouvoir participer en quoi que ce soit au tracé descaractères. Mais admettons encore que, par une adressemerveilleuse, il puisse tromper l’œil le plus scrutateur,comment expliquer la nature des réponses, alors qu’ellessont en dehors de toutes les idées et de toutes les connais-sances du médium ? et qu’on veuille bien remarquer qu’ilne s’agit pas de réponses monosyllabiques, mais souventde plusieurs pages écrites avec la plus étonnante rapidité,soit spontanément, soit sur un sujet déterminé ; sous lamain du médium le plus étranger à la littérature, naissent

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Introduction XXVII

quelquefois des poésies d’une sublimité et d’une puretéirréprochables, et que ne désavoueraient pas les meilleurspoètes humains ; ce qui ajoute encore à l’étrangeté de cesfaits, c’est qu’ils se produisent partout, et que les médiumsse multiplient à l’infini. Ces faits sont-ils réels ou non ? Àcela nous n’avons qu’une chose à répondre : voyez etobservez ; les occasions ne vous manqueront pas ; maissurtout observez souvent, longtemps et selon les condi-tions voulues.

À l’évidence, que répondent les antagonistes ? Vousêtes, disent-ils, dupes du charlatanisme ou le jouet d’uneillusion. Nous dirons d’abord qu’il faut écarter le motcharlatanisme là où il n’y a pas de profits ; les charlatansne font pas leur métier gratis. Ce serait donc tout au plusune mystification. Mais par quelle étrange coïncidenceces mystificateurs se seraient-ils entendus d’un bout dumonde à l’autre pour agir de même, produire les mêmeseffets et donner sur les mêmes sujets et dans des languesdiverses des réponses identiques, sinon quant aux mots,du moins quant au sens ? Comment des personnes graves,sérieuses, honorables, instruites se prêteraient-elles à depareilles manœuvres, et dans quel but ? Comment trou-verait-on chez des enfants la patience et l’habileté néces-saires ? Car si les médiums ne sont pas des instrumentspassifs, il leur faut une habileté et des connaissancesincompatibles avec un certain âge et certaines positionssociales.

Alors on ajoute, que s’il n’y a pas supercherie, des deuxcôtés on peut être dupe d’une illusion. En bonne logique,la qualité des témoins est d’un certain poids ; or c’est icile cas de demander si la doctrine spirite, qui compteaujourd’hui ses adhérents par milliers, ne les recrute queparmi les ignorants ? Les phénomènes sur lesquels elles’appuie sont si extraordinaires que nous concevons ledoute ; mais ce que l’on ne saurait admettre, c’est la pré-

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XXVIII Introduction

tention de certains incrédules au monopole du bon sens,et qui, sans respect pour les convenances ou la valeurmorale de leurs adversaires, taxent sans façon d’ineptietous ceux qui ne sont pas de leur avis. Aux yeux de toutepersonne judicieuse, l’opinion des gens éclairés qui ontlongtemps vu, étudié et médité une chose, sera toujours,sinon une preuve, du moins une présomption en safaveur, puisqu’elle a pu fixer l’attention d’hommes sérieuxn’ayant ni un intérêt à propager une erreur, ni du temps àperdre à des futilités.

XParmi les objections il en est de plus spécieuses, du

moins en apparence, parce qu’elles sont tirées del’observation et qu’elles sont faites par des personnesgraves.

Une de ces objections est tirée du langage de certainsEsprits qui ne parait pas digne de l’élévation qu’on sup-pose à des êtres surnaturels. Si l’on veut bien se reporterau résumé de la doctrine que nous avons présentée ci-des-sus, on y verra que les Esprits eux-mêmes nous appren-nent qu’ils ne sont égaux ni en connaissances, ni en qua-lités morales, et que l’on ne doit point prendre au pied dela lettre tout ce qu’ils disent. C’est aux gens sensés à fairela part du bon et du mauvais. Assurément ceux qui tirentde ce fait la conséquence que nous n’avons affaire qu’à desêtres malfaisants, dont l’unique occupation est de nousmystifier, n’ont pas connaissance des communications quiont lieu dans les réunions où ne se manifestent que desEsprits supérieurs, autrement ils ne penseraient pas ainsi.Il est fâcheux que le hasard les ait assez mal servis pour neleur montrer que le mauvais côté du monde spirite, carnous voulons bien ne pas supposer qu’une tendance sym-pathique attire vers eux les mauvais Esprits plutôt que lesbons, les Esprits menteurs, ou ceux dont le langage est

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Introduction XXIX

révoltant de grossièreté. On pourrait tout au plus enconclure que la solidité de leurs principes n’est pas assezpuissante pour écarter le mal, et que, trouvant un certainplaisir à satisfaire leur curiosité à cet égard, les mauvaisEsprits en profitent pour se glisser parmi eux, tandis queles bons s’éloignent.

Juger la question des Esprits sur ces faits serait aussipeu logique que de juger le caractère d’un peuple par cequi se dit et se fait dans l’assemblée de quelques étourdisou de gens mal famés que ne fréquentent ni les sages, niles gens sensés. Ces personnes se trouvent dans la situa-tion d’un étranger qui, arrivant dans une grande capitalepar le plus vilain faubourg, jugerait tous les habitants parles mœurs et le langage de ce quartier infime. Dans lemonde des Esprits, il y a aussi une bonne et une mauvaisesociété ; que ces personnes veuillent bien étudier ce qui sepasse parmi les Esprits d’élite, et elles seront convaincuesque la cité céleste renferme autre chose que la lie dupeuple. Mais, disent-elles, les Esprits d’élite viennent-ilsparmi nous ? À cela nous leur répondrons : Ne restez pasdans le faubourg ; voyez, observez et vous jugerez ; lesfaits sont là pour tout le monde ; à moins que ce ne soità elles que s’appliquent ces paroles de Jésus : Ils ont desyeux et ils ne voient point, des oreilles et ils n’entendent point.

Une variante de cette opinion consiste à ne voir dansles communications spirites et dans tous les faits matérielsauxquels elles donnent lieu, que l’intervention d’unepuissance diabolique, nouveau Protée qui revêtirait toutesles formes pour mieux nous abuser. Nous ne la croyonspas susceptible d’un examen sérieux, c’est pourquoi nousne nous y arrêterons pas : elle se trouve réfutée par ce quenous venons de dire ; nous ajouterons seulement que, s’ilen était ainsi, il faudrait convenir que le diable est quel-quefois bien sage, bien raisonnable et surtout bien moral,ou bien qu’il y a aussi de bons diables.

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XXX Introduction

Comment croire, en effet, que Dieu ne permette qu’àl’Esprit du mal de se manifester pour nous perdre, sansnous donner pour contrepoids les conseils des bonsEsprits ? S’il ne le peut pas, c’est impuissance ; s’il le peutet ne le fait pas, c’est incompatible avec sa bonté ; l’une etl’autre supposition seraient un blasphème. Remarquezqu’admettre la communication des mauvais Esprits, c’estreconnaître le principe des manifestations ; or, dumoment qu’elles existent, ce ne peut être qu’avec la per-mission de Dieu ; comment croire, sans impiété, qu’Il nepermette que le mal à l’exclusion du bien ? Une telle doc-trine est contraire aux plus simples notions du bon sens etde la religion.

XIUne chose bizarre, ajoute-t-on, c’est qu’on ne parle

que des Esprits de personnages connus, et l’on se demandepourquoi ils sont seuls à se manifester. C’est là une erreurprovenant, comme beaucoup d’autres, d’une observationsuperficielle. Parmi les Esprits qui viennent spontané-ment, il en est plus encore d’inconnus pour nous qued’illustres, qui se désignent par un nom quelconque etsouvent par un nom allégorique ou caractéristique.Quant à ceux que l’on évoque, à moins que ce ne soit unparent ou un ami, il est assez naturel de s’adresser à ceuxque l’on connaît plutôt qu’à ceux que l’on ne connaîtpas ; le nom des personnages illustres frappe davantage,c’est pour cela qu’ils sont plus remarqués.

On trouve encore singulier que les Esprits d’hommeséminents viennent familièrement à notre appel, ets’occupent quelquefois de choses minutieuses en compa-raison de celles qu’ils ont accomplies pendant leur vie. Àcela, il n’est rien d’étonnant pour ceux qui savent que lapuissance ou la considération dont ces hommes ont jouiici-bas ne leur donne aucune suprématie dans le monde

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Introduction XXXI

spirite ; les Esprits confirment en ceci ces paroles del’Évangile : Les grands seront abaissés et les petits élevés,ce qui doit s’entendre du rang que chacun de nous occu-pera parmi eux ; c’est ainsi que celui qui a été le premiersur la terre peut s’y trouver l’un des derniers ; celui devantlequel nous courbions la tête pendant sa vie peut doncvenir parmi nous comme le plus humble artisan, car enquittant la vie il a laissé toute sa grandeur, et le plus puis-sant monarque y est peut-être au-dessous du dernier deses soldats.

XIIUn fait démontré par l’observation, et confirmé par

les Esprits eux-mêmes, c’est que les Esprits inférieursempruntent souvent des noms connus et révérés. Quidonc peut nous assurer que ceux qui disent avoir été, parexemple, Socrate, Jules César, Charlemagne, Fénelon,Napoléon, Washington, etc., aient réellement animé cespersonnages ? Ce doute existe parmi certains adeptes trèsfervents de la doctrine spirite ; ils admettentl’intervention et la manifestation des Esprits, mais ils sedemandent quel contrôle on peut avoir de leur identité.Ce contrôle est, en effet, assez difficile à établir ; s’il nepeut l’être d’une manière aussi authentique que par unacte d’état civil, on le peut au moins par présomption,d’après certains indices.

Lorsque l’Esprit de quelqu’un qui nous est personnel-lement connu se manifeste, d’un parent ou d’un ami parexemple, surtout s’il est mort depuis peu de temps, il arrive,en général, que son langage est en rapport parfait avec lecaractère que nous lui connaissions ; c’est déjà un indiced’identité ; mais le doute n’est presque plus permis quandcet Esprit parle de choses privées, rappelle des circons-tances de famille qui ne sont connues que del’interlocuteur. Un fils ne se méprendra pas assurément au

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XXXII Introduction

langage de son père et de sa mère, ni des parents sur celuide leur enfant. Il se passe quelquefois dans ces sortesd’évocations intimes des choses saisissantes, de nature àconvaincre le plus incrédule. Le sceptique le plus endurciest souvent terrifié des révélations inattendues qui lui sontfaites.

Une autre circonstance très caractéristique vient àl’appui de l’identité. Nous avons dit que l’écriture dumédium change généralement avec l’Esprit évoqué, etque cette écriture se reproduit exactement la mêmechaque fois que le même Esprit se présente ; on a constatémaintes fois que, pour les personnes mortes depuis peusurtout, cette écriture a une ressemblance frappante aveccelle de la personne en son vivant ; on a vu des signaturesd’une exactitude parfaite. Nous sommes, du reste, loin dedonner ce fait comme une règle et surtout commeconstant ; nous le mentionnons comme une chose dignede remarque.

Les Esprits arrivés à un certain degré d’épuration sontseuls dégagés de toute influence corporelle ; mais lors-qu’ils ne sont pas complètement dématérialisés (c’estl’expression dont ils se servent), ils conservent la plupartdes idées, des penchants et même desmanies qu’ils avaientsur la terre, et c’est encore là un moyen de reconnaissance ;mais on en trouve surtout dans une foule de faits de détailque peut seule révéler une observation attentive et soute-nue. On voit des écrivains discuter leurs propres ouvragesou leurs doctrines, en approuver ou condamner certainesparties ; d’autres Esprits rappeler des circonstancesignorées ou peu connues de leur vie ou de leur mort,toutes choses enfin qui sont tout au moins des preuvesmorales d’identité, les seules que l’on puisse invoquer enfait de choses abstraites.

Si donc l’identité de l’Esprit évoqué peut être, jusqu’àun certain point, établie dans quelques cas, il n’y a pas de

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Introduction XXXIII

raison pour qu’elle ne le soit pas dans d’autres, et si l’onn’a pas, pour les personnes dont la mort est plus ancien-ne, les mêmes moyens de contrôle, on a toujours celui dulangage et du caractère ; car assurément l’Esprit d’unhomme de bien ne parlera pas comme celui d’un hommepervers ou d’un débauché. Quant aux Esprits qui separent de noms respectables, ils se trahissent bientôt parleur langage et leurs maximes ; celui qui se dirait Fénelon,par exemple, et qui blesserait, ne fût-ce qu’accidentellement,le bon sens et la morale, montrerait par cela même lasupercherie. Si, au contraire, les pensées qu’il exprimesont toujours pures, sans contradictions et constammentà la hauteur du caractère de Fénelon, il n’y a pas de motifspour douter de son identité ; autrement, il faudrait sup-poser qu’un Esprit qui ne prêche que le bien peut sciem-ment employer le mensonge, et cela sans utilité.L’expérience nous apprend que les Esprits du mêmedegré, du même caractère et animés des mêmes senti-ments se réunissent en groupes et en familles ; or, lenombre des Esprits est incalculable, et nous sommes loinde les connaître tous ; la plupart même n’ont pas de nomspour nous. Un Esprit de la catégorie de Fénelon peutdonc venir en son lieu et place, souvent même envoyé parlui comme mandataire ; il se présente sous son nom,parce qu’il lui est identique et peut le suppléer, et parcequ’il nous faut un nom pour fixer nos idées ; maisqu’importe, en définitive, qu’un Esprit soit réellement ounon celui de Fénelon ! Du moment qu’il ne dit que debonnes choses et qu’il parle comme l’aurait dit Fénelonlui-même, c’est un bon Esprit ; le nom sous lequel il sefait connaître est indifférent, et n’est souvent qu’unmoyen de fixer nos idées. Il n’en saurait être de mêmedans les évocations intimes ; mais là, comme nous l’avonsdit, l’identité peut être établie par des preuves en quelquesorte patentes.

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XXXIV Introduction

Au reste, il est certain que la substitution des Espritspeut donner lieu à une foule de méprises, et qu’il peut enrésulter des erreurs, et souvent des mystifications ; c’est làune difficulté du spiritisme pratique ; mais nous n’avonsjamais dit que cette science fut une chose facile, ni qu’onpût l’apprendre en se jouant, pas plus qu’aucune autrescience. Nous ne saurions trop le répéter, elle demandeune étude assidue et souvent fort longue ; ne pouvantprovoquer les faits il faut attendre qu’ils se présententd’eux-mêmes et souvent ils sont amenés par les circons-tances auxquelles on songe le moins. Pour l’observateurattentif et patient, les faits abondent, parce qu’il découvredes milliers de nuances caractéristiques qui sont, pour lui,des traits de lumière. Il en est ainsi dans les sciences vul-gaires ; tandis que l’homme superficiel ne voit dans unefleur qu’une forme élégante, le savant y découvre des tré-sors pour la pensée.

XIIILes observations ci-dessus nous conduisent à dire

quelques mots d’une autre difficulté, celle de la divergencequi existe dans le langage des Esprits.

Les Esprits étant très différents les uns des autres aupoint de vue des connaissances et de la moralité, il est évi-dent que la même question peut être résolue dans un sensopposé, selon le rang qu’ils occupent, absolument commesi elle était posée parmi les hommes alternativement àun savant, à un ignorant ou à un mauvais plaisant. Lepoint essentiel, nous l’avons dit, est de savoir à qui l’ons’adresse.

Mais, ajoute-t-on, comment se fait-il que les Espritsreconnus pour être supérieurs ne soient pas toujoursd’accord ? Nous dirons d’abord qu’indépendamment dela cause que nous venons de signaler, il en est d’autres quipeuvent exercer une certaine influence sur la nature des

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Introduction XXXV

réponses, abstraction faite de la qualité des Esprits ; ceciest un point capital dont l’étude donnera l’explication ;c’est pourquoi nous disons que ces études requièrent uneattention soutenue, une observation profonde, et surtout,comme du reste toutes les sciences humaines, de la suiteet de la persévérance. Il faut des années pour faire unmédiocre médecin, et les trois quarts de la vie pour faireun savant, et l’on voudrait, en quelques heures, acquérirla science de l’infini ! Qu’on ne s’y trompe donc pas :l’étude du spiritisme est immense ; elle touche à toutes lesquestions de la métaphysique et de l’ordre social ; c’esttout un monde qui s’ouvre devant nous ; doit-ons’étonner qu’il faille du temps, et beaucoup de temps,pour l’acquérir ?

La contradiction, d’ailleurs, n’est pas toujours aussiréelle qu’elle peut le paraître. Ne voyons-nous pas tous lesjours des hommes, professant la même science, varierdans la définition qu’ils donnent d’une chose, soit qu’ilsemploient des termes différents, soit qu’ils l’envisagentsous un autre point de vue, quoique l’idée fondamentalesoit toujours la même ? Que l’on compte si l’on peut, lenombre des définitions qui ont été données de la gram-maire ! Ajoutons encore que la forme de la réponsedépend souvent de la forme de la question. Il y auraitdonc de la puérilité à trouver une contradiction là où iln’y a le plus souvent qu’une différence de mots. LesEsprits supérieurs ne tiennent nullement à la forme ; poureux le fond de la pensée est tout.

Prenons pour exemple la définition de l’âme. Ce motn’ayant pas d’acception fixe, les Esprits peuvent donc,ainsi que nous, différer dans la définition qu’ils en don-nent : l’un pourra dire qu’elle est le principe de la vie, unautre l’appeler étincelle animique, un troisième direqu’elle est interne, un quatrième qu’elle est externe, etc.,et tous auront raison à leur point de vue. On pourrait

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XXXVI Introduction

même croire que certains d’entre eux professent des théo-ries matérialistes, et pourtant il n’en est rien. Il en est demême de Dieu ; ce sera : le principe de toutes choses, leCréateur de l’univers, la souveraine intelligence, l’infini,le grand Esprit, etc., etc., et en définitive, ce sera toujoursDieu. Citons enfin la classification des Esprits. Ils for-ment une suite non interrompue depuis le degré inférieurjusqu’au degré supérieur ; la classification est donc arbi-traire, l’un pourra en faire trois classes, un autre cinq, dixou vingt à volonté, sans être pour cela dans l’erreur ;toutes les sciences humaines nous en offrent l’exemple ;chaque savant a son système ; les systèmes changent, maisla science ne change pas. Qu’on apprenne la botaniquepar le système de Linné, de Jussieu ou de Tournefort, onn’en saura pas moins la botanique. Cessons donc de donneraux choses de pure convention plus d’importance qu’ellesn’en méritent, pour nous attacher à ce qui est seul vérita-blement sérieux, et souvent la réflexion fera découvrir,dans ce qui semble le plus disparate, une similitude quiavait échappé à une première inspection.

XIVNous passerions légèrement sur l’objection de certains

sceptiques au sujet des fautes d’orthographe commises parquelques Esprits, si elle ne devait donner lieu à uneremarque essentielle. Leur orthographe, il faut le dire,n’est pas toujours irréprochable ; mais il faut être bien àcourt de raisons pour en faire l’objet d’une critique sérieuse,en disant que puisque les Esprits savent tout, ils doiventsavoir l’orthographe. Nous pourrions leur opposer lesnombreux péchés de ce genre commis par plus d’unsavant de la terre, ce qui n’ôte rien de leur mérite ; mais ily a dans ce fait une question plus grave. Pour les Esprits,et surtout pour les Esprits supérieurs, l’idée est tout, laforme n’est rien. Dégagés de la matière, leur langage entre

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Introduction XXXVII

eux est rapide comme la pensée, puisque c’est la penséemême qui se communique sans intermédiaire ; ils doiventdonc se trouver mal à l’aise quand ils sont obligés, pour secommuniquer à nous, de se servir des formes longues etembarrassées du langage humain, et surtout del’insuffisance et de l’imperfection de ce langage pourrendre toutes les idées ; c’est ce qu’ils disent eux-mêmes ;aussi est-il curieux de voir les moyens qu’ils emploientsouvent pour atténuer cet inconvénient. Il en serait ainside nous si nous avions à nous exprimer dans une langueplus longue dans ses mots et dans ses tournures, et pluspauvre dans ses expressions que celle dont nous faisonsusage. C’est l’embarras qu’éprouve l’homme de génies’impatientant de la lenteur de sa plume qui est toujoursen arrière de sa pensée. On conçoit d’après cela que lesEsprits attachent peu d’importance à la puérilité del’orthographe, lorsqu’il s’agit surtout d’un enseignementgrave et sérieux ; n’est-il pas déjà merveilleux d’ailleursqu’ils s’expriment indifféremment dans toutes les langueset qu’ils les comprennent toutes ? Il ne faut pas en conclurede là pourtant que la correction conventionnelle du lan-gage leur soit inconnue ; ils l’observent quand cela estnécessaire ; c’est ainsi, par exemple, que la poésie dictéepar eux défierait souvent la critique du plus méticuleuxpuriste, et cela malgré l’ignorance du médium.

XVIl y a ensuite des gens qui trouvent du danger partout,

et à tout ce qu’ils ne connaissent pas ; aussi ne manquent-ils pas de tirer une conséquence défavorable de ce que cer-taines personnes, en s’adonnant à ces études, ont perdu laraison. Comment des hommes sensés peuvent-ils voirdans ce fait une objection sérieuse ? N’en est-il pas demême de toutes les préoccupations intellectuelles sur uncerveau faible ? Sait-on le nombre des fous et des

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XXXVIII Introduction

maniaques produit par les études mathématiques, médi-cales, musicales, philosophiques et autres ? Faut-il pourcela bannir ces études ? Qu’est-ce que cela prouve ? Par lestravaux corporels on s’estropie les bras et les jambes, quisont les instruments de l’action matérielle ; pour les tra-vaux de l’intelligence on s’estropie le cerveau, qui estl’instrument de la pensée. Mais si l’instrument est brisé,l’esprit ne l’est pas pour cela : il est intact ; et lorsqu’il estdégagé de la matière, il n’en jouit pas moins de la pléni-tude de ses facultés. C’est dans son genre, commehomme, un martyr du travail.

Toutes les grandes préoccupations de l’esprit peuventoccasionner la folie : les sciences, les arts, la religionmême fournissent leur contingent. La folie a pour causepremière une prédisposition organique du cerveau qui lerend plus ou moins accessible à certaines impressions.Étant donné une prédisposition à la folie, celle-ci prendrale caractère de la préoccupation principale qui devientalors une idée fixe. Cette idée fixe pourra être celle desEsprits chez celui qui s’en est occupé, comme elle pourraêtre celle de Dieu, des anges, du diable, de la fortune, dela puissance, d’un art, d’une science, de la maternité, d’unsystème politique ou social. Il est probable que le fou reli-gieux fût devenu un fou spirite, si le spiritisme eût été sapréoccupation dominante, comme le fou spirite l’eût étésous une autre forme suivant les circonstances.

Je dis donc que le spiritisme n’a aucun privilège sousce rapport ; mais je vais plus loin : je dis que, bien com-pris, c’est un préservatif contre la folie.

Parmi les causes les plus nombreuses de surexcitationcérébrale, il faut compter les déceptions, les malheurs, lesaffections contrariées, qui sont en même temps les causesles plus fréquentes de suicide. Or, le vrai spirite voit leschoses de ce monde d’un point de vue si élevé ; elles luiparaissent si petites, si mesquines auprès de l’avenir qui

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Introduction XXXIX

l’attend ; la vie est pour lui si courte, si fugitive, que lestribulations ne sont à ses yeux que les incidents désa-gréables d’un voyage. Ce qui, chez un autre, produiraitune violente émotion, l’affecte médiocrement ; il saitd’ailleurs que les chagrins de la vie sont des épreuves quiservent à son avancement s’il les subit sans murmure,parce qu’il sera récompensé selon le courage avec lequel illes aura supportées. Ses convictions lui donnent donc unerésignation qui le préserve du désespoir, et par consé-quent d’une cause incessante de folie et de suicide. Il sait,en outre, par le spectacle que lui donnent les communi-cations avec les Esprits, le sort de ceux qui abrègentvolontairement leurs jours, et ce tableau est bien fait pourle faire réfléchir ; aussi le nombre de ceux qui ont étéarrêtés sur cette pente funeste est-il considérable. C’est làun des résultats du spiritisme. Que les incrédules en rienttant qu’ils voudront ; je leur souhaite les consolationsqu’il procure à tous ceux qui se sont donné la peine d’ensonder les mystérieuses profondeurs.

Au nombre des causes de folie, il faut encore placer lafrayeur, et celle du diable a dérangé plus d’un cerveau.Sait-on le nombre de victimes que l’on a faites en frap-pant de faibles imaginations avec ce tableau que l’ons’ingénie à rendre plus effrayant par de hideux détails ? Lediable, dit-on, n’effraye que les petits enfants ; c’est unfrein pour les rendre sages ; oui, comme Croquemitaineet le loup-garou, et quand ils n’en ont plus peur, ils sontpires qu’avant ; et pour ce beau résultat on ne compte pasle nombre des épilepsies causées par l’ébranlement d’uncerveau délicat. La religion serait bien faible si, faute decrainte, sa puissance pouvait être compromise ; heureuse-ment il n’en est pas ainsi ; elle a d’autres moyens d’agir surles âmes ; le spiritisme lui en fournit de plus efficaces etde plus sérieux, si elle sait les mettre à profit ; il montre laréalité des choses et, par là, neutralise les funestes effets

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XL Introduction

d’une crainte exagérée.

XVIIl nous reste à examiner deux objections ; les seules

qui méritent véritablement ce nom, parce qu’elles sontbasées sur des théories raisonnées. L’une et l’autre admet-tent la réalité de tous les phénomènes matériels etmoraux, mais elles excluent l’intervention des Esprits.

Selon la première de ces théories, toutes les manifesta-tions attribuées aux Esprits ne seraient autre chose quedes effets magnétiques. Les médiums seraient dans un étatqu’on pourrait appeler somnambulisme éveillé, phé-nomène dont toute personne qui a étudié le magnétismea pu être témoin. Dans cet état, les facultés intellectuellesacquièrent un développement anormal ; le cercle des per-ceptions intuitives s’étend hors des limites de notreconception ordinaire. Dès lors, le médium puiserait enlui-même et par le fait de sa lucidité, tout ce qu’il dit ettoutes les notions qu’il transmet, même sur les choses quilui sont le plus étrangères dans son état habituel.

Ce n’est pas nous qui contesterons la puissance dusomnambulisme dont nous avons vu les prodiges et étu-dié toutes les phases pendant plus de trente-cinq ans ;nous convenons qu’en effet beaucoup de manifestationsspirites peuvent s’expliquer par ce moyen ; mais uneobservation soutenue et attentive montre une foule defaits où l’intervention du médium, autrement que commeinstrument passif, est matériellement impossible. À ceuxqui partagent cette opinion, nous dirons comme auxautres : « Voyez et observez, car assurément vous n’avezpas tout vu ». Nous leur opposerons ensuite deuxconsidérations tirées de leur propre doctrine. D’où estvenue la théorie spirite ? Est-ce un système imaginé parquelques hommes pour expliquer les faits ? Nullement.Qui donc l’a révélée ? Précisément ces mêmes médiums

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Introduction XLI

dont vous exaltez la lucidité. Si donc cette lucidité est telleque vous la supposez, pourquoi auraient-ils attribué à desEsprits ce qu’ils auraient puisé en eux-mêmes ? Commentauraient-ils donné ces renseignements si précis, silogiques, si sublimes sur la nature de ces intelligencesextra-humaines ? De deux choses l’une, ou ils sont lucidesou ils ne le sont pas : s’ils le sont et si l’on a confiance enleur véracité, on ne saurait sans contradiction admettrequ’ils ne sont pas dans le vrai. En second lieu, si tous lesphénomènes avaient leur source dans le médium, ilsseraient identiques chez le même individu, et l’on ne ver-rait pas la même personne tenir un langage disparate niexprimer tour à tour les choses les plus contradictoires. Cedéfaut d’unité dans les manifestations obtenues par lemédium prouve la diversité des sources ; si donc on nepeut les trouver toutes dans le médium, il faut bien leschercher hors de lui.

Selon une autre opinion, le médium est bien la sourcedes manifestations, mais au lieu de les puiser en lui-même, ainsi que le prétendent les artisans de la théoriesomnambulique, il les puise dans le milieu ambiant. Lemédium serait ainsi une sorte de miroir reflétant toutesles idées, toutes les pensées et toutes les connaissances despersonnes qui l’entourent ; il ne dirait rien qui ne soitconnu au moins de quelques-unes. On ne saurait nier, etc’est même là un principe de la doctrine, l’influenceexercée par les assistants sur la nature des manifestations ;mais cette influence est tout autre que celle qu’on supposeexister, et de là à ce que le médium soit l’écho de leurspensées, il y a fort loin, car des milliers de faits établissentpéremptoirement le contraire. C’est donc là une erreurgrave qui prouve une fois de plus le danger des conclu-sions prématurées. Ces personnes ne pouvant nierl’existence d’un phénomène dont la science vulgaire nepeut rendre compte, et ne voulant pas admettre la pré-

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XLII Introduction

sence des Esprits, l’expliquent à leur manière. Leur théo-rie serait spécieuse si elle pouvait embrasser tous les faits,mais il n’en est point ainsi. Lorsqu’on leur démontre jus-qu’à l’évidence que certaines communications dumédium sont complètement étrangères aux pensées, auxconnaissances, aux opinions même de tous les assistants,que ces communications sont souvent spontanées etcontredisent toutes les idées préconçues, elles ne sont pasarrêtées pour si peu de chose. Le rayonnement, disent-elles, s’étend bien au-delà du cercle immédiat qui nousentoure ; le médium est le reflet de l’humanité tout entière,de telle sorte que, s’il ne puise pas ses inspirations à côtéde lui, il va les chercher au dehors, dans la ville, dans lacontrée, dans tout le globe et, même dans les autressphères.

Je ne pense pas que l’on trouve dans cette théorie uneexplication plus simple et plus probable que celle du spi-ritisme, car elle suppose une cause bien autrement mer-veilleuse. L’idée que des êtres peuplant les espaces, et qui,étant en contact permanent avec nous, nous communi-quent leurs pensées, n’a rien qui choque plus la raison quela supposition de ce rayonnement universel venant detous les points de l’univers se concentrer dans le cerveaud’un individu.

Encore une fois, et c’est là un point capital sur lequelnous ne saurions trop insister, la théorie somnambulique,et celle qu’on pourrait appeler réflective, ont été imaginéespar quelques hommes ; ce sont des opinions individuellescréées pour expliquer un fait, tandis que la doctrine desEsprits n’est point de conception humaine ; elle a étédictée par les intelligences mêmes qui se manifestent,alors que nul n’y songeait, que l’opinion générale mêmela repoussait ; or nous demandons, où les médiums ont étépuiser une doctrine qui n’existait dans la pensée de personnesur la terre ; nous demandons en outre par quelle étrange

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Introduction XLIII

coïncidence des milliers de médiums disséminés sur tousles points du globe, qui ne se sont jamais vus, s’accordentpour dire la même chose. Si le premier médium qui paruten France a subi l’influence d’opinions déjà accréditées enAmérique, par quelle bizarrerie a-t-il été chercher ces idéesà 2 000 lieues au-delà des mers, chez un peuple étranger demœurs et de langage, au lieu de les prendre autour de lui ?

Mais il est une autre circonstance à laquelle on n’apoint assez songé. Les premières manifestations, en Francecomme en Amérique, n’ont eu lieu ni par l’écriture, ni parla parole, mais par les coups frappés concordant avec leslettres de l’alphabet, et formant des mots et des phrases.C’est par ce moyen que les intelligences qui se sontrévélées ont déclaré être des Esprits. Si donc on pouvaitsupposer l’intervention de la pensée des médiums dans lescommunications verbales ou écrites, il ne saurait en êtreainsi des coups frappés dont la signification ne pouvaitêtre connue d’avance.

Nous pourrions citer nombre de faits qui démontrent,dans l’intelligence qui se manifeste, une individualité évi-dente et une indépendance absolue de volonté. Nous ren-voyons donc les dissidents à une observation plus attenti-ve, et s’ils veulent bien étudier sans prévention et ne pasconclure avant d’avoir tout vu, ils reconnaîtrontl’impuissance de leur théorie pour rendre raison de tout.Nous nous bornerons à poser les questions suivantes :Pourquoi l’intelligence qui se manifeste, quelle qu’ellesoit, refuse-t-elle de répondre à certaines questions sur dessujets parfaitement connus, comme, par exemple, sur lenom ou l’âge de l’interrogateur, sur ce qu’il a dans lamain, ce qu’il a fait la veille, son projet du lendemain,etc. ? Si le médium est le miroir de la pensée des assis-tants, rien ne lui serait plus aisé que de répondre.

Les adversaires rétorquent l’argument en demandant àleur tour pourquoi des Esprits qui doivent tout savoir ne

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XLIV Introduction

peuvent dire des choses aussi simples, selon l’axiome :Quipeut le plus peut le moins ; d’où ils concluent que ce nesont pas des Esprits. Si un ignorant ou un mauvais plai-sant, se présentant devant une docte assemblée, deman-dait, par exemple, pourquoi il fait jour en plein midi,croit-on qu’elle se donnât la peine de répondre sérieuse-ment, et serait-il logique de conclure de son silence, oudes railleries dont elle gratifierait le questionneur, que sesmembres ne sont que des ânes ? Or, c’est précisémentparce que les Esprits sont supérieurs qu’ils ne répondentpas à des questions oiseuses et ridicules, et ne veulent pasêtre mis sur la sellette ; c’est pourquoi ils se taisent oudisent de s’occuper de choses plus sérieuses.

Nous demanderons, enfin, pourquoi les Esprits vien-nent et s’en vont souvent à un moment donné, et pour-quoi, ce moment passé, il n’y a ni prières, ni supplicationsqui puissent les ramener ? Si le médium n’agissait que parl’impulsion mentale des assistants, il est évident que, danscette circonstance, le concours de toutes les volontés réu-nies devrait stimuler sa clairvoyance. Si donc il ne cèdepas au désir de l’assemblée, corroboré par sa proprevolonté, c’est qu’il obéit à une influence étrangère à lui-même et à ceux qui l’entourent, et que cette influenceaccuse par-là son indépendance et son individualité.

XVIILe scepticisme, touchant la doctrine spirite, lorsqu’il

n’est pas le résultat d’une opposition systématique inté-ressée, a presque toujours sa source dans une connaissanceincomplète des faits, ce qui n’empêche pas certaines gensde trancher la question comme s’ils la connaissaient par-faitement. On peut avoir beaucoup d’esprit, del’instruction même, et manquer de jugement ; or, le pre-mier indice d’un défaut dans le jugement, c’est de croirele sien infaillible. Beaucoup de personnes aussi ne voient

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Introduction XLV

dans les manifestations spirites qu’un objet de curiosité ;nous espérons que, par la lecture de ce livre, elles trouve-ront dans ces phénomènes étranges autre chose qu’unsimple passe-temps.

La science spirite comprend deux parties : l’une expé-rimentale sur les manifestations en général, l’autre philo-sophique sur les manifestations intelligentes. Quiconquen’a observé que la première est dans la position de celuiqui ne connaîtrait la physique que par des expériencesrécréatives, sans avoir pénétré dans le fond de la science.La véritable doctrine spirite est dans l’enseignementdonné par les Esprits, et les connaissances que cet ensei-gnement comporte sont trop graves pour pouvoir êtreacquises autrement que par une étude sérieuse et suivie,faite dans le silence et le recueillement ; car dans cettecondition seule on peut observer un nombre infini defaits et de nuances qui échappent à l’observateur superfi-ciel, et permettent d’asseoir une opinion. Ce livren’aurait-il pour résultat que de montrer le côté sérieux dela question, et de provoquer des études dans ce sens, ceserait déjà beaucoup, et nous nous applaudirions d’avoirété choisi pour accomplir une œuvre dont nous ne pré-tendons, du reste, nous faire aucun mérite personnel,puisque les principes qu’il renferme ne sont pas notrecréation ; le mérite en est donc tout entier aux Esprits quil’ont dicté. Nous espérons qu’il aura un autre résultat,c’est de guider les hommes désireux de s’éclairer, en leurmontrant, dans ces études, un but grand et sublime : celuidu progrès individuel et social, et de leur indiquer la routeà suivre pour l’atteindre.

Terminons par une dernière considération. Des astro-nomes, en sondant les espaces, ont trouvé, dans la répar-tition des corps célestes, des lacunes non justifiées et endésaccord avec les lois de l’ensemble ; ils ont soupçonnéque ces lacunes devaient être remplies par des globes

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XLVI Introduction

échappés à leurs regards ; d’un autre côté, ils ont observécertains effets dont la cause leur était inconnue, et ils sesont dit : Là, il doit y avoir un monde, car cette lacune nepeut exister, et ces effets doivent avoir une cause. Jugeantalors de la cause par l’effet, ils en ont pu calculer les élé-ments, et plus tard les faits sont venus justifier leurs pré-visions. Appliquons ce raisonnement à un autre ordred’idées. Si l’on observe la série des êtres, on trouve qu’ilsforment une chaîne sans solution de continuité depuis lamatière brute jusqu’à l’homme le plus intelligent. Maisentre l’homme et Dieu, qui est l’alpha et l’oméga detoutes choses, quelle immense lacune ! Est-il rationnel depenser qu’à lui s’arrêtent les anneaux de cette chaîne ?Qu’il franchisse sans transition la distance qui le sépare del’infini ? La raison nous dit qu’entre l’homme et Dieu ildoit y avoir d’autres échelons, comme elle a dit aux astro-nomes, qu’entre les mondes connus, il devait y avoir desmondes inconnus. Quelle est la philosophie qui a comblécette lacune ? Le spiritisme nous la montre remplie par lesêtres de tous rangs du monde invisible, et ces êtres ne sontautres que les Esprits des hommes arrivés aux différentsdegrés qui conduisent à la perfection : alors tout se lie,tout s’enchaîne, depuis l’alpha jusqu’à l’oméga. Vous quiniez l’existence des Esprits, remplissez donc le vide qu’ilsoccupent ; et vous qui en riez, osez donc rire des œuvresde Dieu et de Sa toute-puissance !

ALLAN KARDEC

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PROLÉGOMÈNES

Des phénomènes qui sortent des lois de la science vul-gaire se manifestent de toutes parts et révèlent dans leurcause l’action d’une volonté libre et intelligente.

La raison dit qu’un effet intelligent doit avoir pourcause une puissance intelligente, et des faits ont prouvéque cette puissance peut entrer en communication avecles hommes par des signes matériels.

Cette puissance, interrogée sur sa nature, a déclaréappartenir au monde des êtres spirituels qui ont dépouillél’enveloppe corporelle de l’homme. C’est ainsi que futrévélée la doctrine des Esprits.

Les communications entre le monde spirite et lemonde corporel sont dans la nature des choses et neconstituent aucun fait surnaturel ; c’est pourquoi on entrouve la trace chez tous les peuples et à toutes lesépoques ; aujourd’hui, elles sont générales et patentespour tout le monde.

Les Esprits annoncent que les temps marqués par laProvidence pour une manifestation universelle sontarrivés et, qu’étant les ministres de Dieu et les agents desa volonté, leur mission est d’instruire et d’éclairer leshommes en ouvrant une nouvelle ère pour la régénérationde l’humanité.

Ce livre est le recueil de leurs enseignements ; il a étéécrit par l’ordre et sous la dictée d’Esprits supérieurs pour

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XLVIII Prolégomènes

établir les fondements d’une philosophie rationnelle,dégagée des préjugés de l’esprit de système ; il ne renfermerien qui ne soit l’expression de leur pensée et qui n’aitsubit leur contrôle. L’ordre et la distribution méthodiquedes matières, ainsi que les remarques et la forme dequelques parties de la rédaction sont seuls l’œuvre de celuiqui a reçu mission de le publier.

Dans le nombre des Esprits qui ont concouru àl’accomplissement de cette œuvre, plusieurs ont vécu àdiverses époques sur la terre où ils ont prêché et pratiquéla vertu et la sagesse ; d’autres n’appartiennent, par leurnom, à aucun personnage dont l’histoire ait gardé le sou-venir, mais leur élévation est attestée par la pureté de leurdoctrine, et leur union avec ceux qui portent des nomsvénérés.

Voici les termes dans lesquels ils ont donné par écrit,et par l’intermédiaire de plusieurs médiums, la missiond’écrire ce livre :

« Occupe-toi avec zèle et persévérance du travail quetu as entrepris avec notre concours, car ce travail est lenôtre. Nous y avons posé les bases du nouvel édifice quis’élève et doit un jour réunir tous les hommes dans unmême sentiment d’amour et de charité ; mais avant de lerépandre, nous le reverrons ensemble, afin d’en contrôlertous les détails.

Nous serons avec toi toutes les fois que tu le deman-deras et pour t’aider dans tes autres travaux, car ce n’est làqu’une partie de la mission qui t’est confiée, et qui t’a déjàété révélée par l’un de nous.

Dans le nombre des enseignements qui te sontdonnés, il en est que tu dois garder pour toi seul jusqu’ànouvel ordre ; nous t’indiquerons quand le moment deles publier sera venu ; en attendant, médite-les, afin d’êtreprêt quand nous te le dirons.

Tu mettras en tête du livre le cep de vigne que nous

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Prolégomènes XLIX

t’avons dessiné(1), parce qu’il est l’emblème du travail duCréateur ; tous les principes matériels qui peuvent lemieux représenter le corps et l’esprit s’y trouvent réunis :le corps, c’est le cep ; l’esprit, c’est la liqueur ; l’âme oul’esprit unis à la matière, c’est le grain. L’homme quintes-sencie l’esprit par le travail et tu sais que ce n’est que parle travail du corps que l’esprit acquiert des connaissances.

Ne te laisse pas décourager par la critique. Tu trouve-ras des contradicteurs acharnés, surtout parmi les gensintéressés aux abus. Tu en trouveras même parmi lesEsprits, car ceux qui ne sont pas complètement dématé-rialisés cherchent souvent à semer le doute par malice oupar ignorance ; mais va toujours ; crois en Dieu,et marche avec confiance : nous serons là pour tesoutenir, et le temps est proche où la vérité éclatera detoutes parts.

La vanité de certains hommes qui croient tout savoiret veulent tout expliquer à leur manière fera naître desopinions dissidentes ; mais tous ceux qui auront en vue legrand principe de Jésus se confondront dans le même sen-timent de l’amour du bien, et s’uniront par un lien fra-ternel qui embrassera le monde entier ; ils laisseront decôté les misérables disputes de mots pour ne s’occuperque des choses essentielles, et la doctrine sera toujours lamême, quant au fond, pour tous ceux qui recevront lescommunications des Esprits supérieurs.

C’est avec la persévérance que tu parviendrasà recueillir le fruit de tes travaux. Le plaisir que tu éprou-veras en voyant la doctrine se propager et bien comprisete sera une récompense dont tu connaîtras toute la valeur,peut-être plus dans l’avenir que dans le présent. Net’inquiète donc pas des ronces et des pierres que des incré-

(1) Le cep ci-dessus est le fac-similé de celui qui a été dessiné parles Esprits.

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L Prolégomènes

dules ou des méchants sèmeront sur ta route ; conserve laconfiance : avec la confiance tu parviendras au but, et tumériteras d’être toujours aidé.

Souviens-toi que les Bons Esprits n’assistent que ceuxqui servent Dieu avec humilité et désintéressement etqu’ils répudient quiconque cherche dans la voie du ciel unmarchepied pour les choses de la terre ; ils se retirent del’orgueilleux et de l’ambitieux. L’orgueil et l’ambitionseront toujours une barrière entre l’homme et Dieu ; c’estun voile jeté sur les célestes clartés, et Dieu ne peut se ser-vir de l’aveugle pour faire comprendre la lumière.”

SAINT JEAN L’ÉVANGÉLISTE,SAINT AUGUSTIN, SAINT VINCENT DE PAUL,

SAINT LOUIS, L’ESPRIT DE VÉRITÉ,SOCRATE, PLATON, FÉNELON,

FRANKLIN, SWEDENBORG, ETC., ETC.

Nota— Les principes contenus dans ce livre résultent, soit desréponses faites par les Esprits aux questions directes qui leur ontété proposées à diverses époques et par l’entremise d’un grandnombre de médiums, soit des instructions données par eux spon-tanément à nous ou à d’autres personnes sur les matières qu’ilrenferme. Le tout a été coordonné de manière à présenter unensemble régulier et méthodique, et n’a été livré à la publicitéqu’après avoir été soigneusement revu à plusieurs reprises et cor-rigé par les Esprits eux-mêmes. Cette seconde édition a pareille-ment été de leur part l’objet d’un nouvel et minutieux examen.

Ce qui est entre guillemets à la suite des questions est laréponse textuelle donnée par les Esprits. Ce qui est marqué parun autre caractère, ou désigné d’une manière spéciale à cet effet,comprend les remarques ou développements ajoutés par l’auteur,et qui ont également subi le contrôle des Esprits.

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1

LE LIVRE DES ESPRITS

LIVRE 1LES CAUSES PREMIÈRES

CHAPITRE 1DIEU

Dieu et l’infini — Preuves de l’existence de Dieu —Attributs de la Divinité — Panthéisme

Dieu et l’infini1. Qu’est-ce que Dieu ?

« Dieu est l’intelligence suprême, cause première detoutes choses(1). »

2. Que doit-on entendre par l’infini ?« Ce qui n’a ni commencement ni fin : l’inconnu ;

tout ce qui est inconnu est infini. »

3. Pourrait-on dire que Dieu c’est l’infini ?« Définition incomplète. Pauvreté de la langue des

(1) Le texte placé entre guillemets à la suite des questions est laréponse même donnée par les Esprits. On a distingué par unautre caractère les remarques et développements ajoutés parl’auteur, lorsqu’il y aurait eu possibilité de les confondre avec letexte de la réponse. Quand ils forment des chapitres entiers, laconfusion n’étant pas possible, on a conservé le caractère ordinaire.

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2 Livre 1 - Causes premières

hommes qui est insuffisante pour définir les choses quisont au-dessus de leur intelligence. »

Dieu est infini dans ses perfections, mais l’infini est uneabstraction ; dire que Dieu est l’infini, c’est prendre l’attributpour la chose même, et définir une chose qui n’est pasconnue par une chose qui ne l’est pas davantage.

Preuves de l’existence de Dieu4. Où peut-on trouver la preuve de l’existence de Dieu ?

« Dans un axiome que vous appliquez à vos sciences :il n’y a pas d’effet sans cause. Cherchez la cause de tout cequi n’est pas l’œuvre de l’homme, et votre raison vousrépondra. »

Pour croire en Dieu, il suffit de jeter les yeux sur lesœuvres de la création. L’univers existe, il a donc une cause.Douter de l’existence de Dieu, serait nier que tout effet a unecause, et avancer que rien a pu faire quelque chose.

5. Quelle conséquence peut-on tirer du sentiment intui-tif que tous les hommes portent en eux-mêmes del’existence de Dieu ?

« Que Dieu existe ; car d’où lui viendrait ce sentiments’il ne reposait sur rien ? C’est encore une suite du principequ’il n’y a pas d’effet sans cause. »

6. Le sentiment intime que nous avons en nous-mêmesde l’existence de Dieu ne serait-elle pas le fait del’éducation et le produit d’idées acquises ?« Si cela était, pourquoi vos sauvages auraient-ils ce

sentiment ? »Si le sentiment de l’existence d’un être suprême n’était que

le produit d’un enseignement, il ne serait pas universel, etn’existerait, comme les notions des sciences, que chez ceuxqui auraient pu recevoir cet enseignement.

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Chapitre 1 - Dieu 3

7. Pourrait-on trouver la cause première de la forma-tion des choses dans les propriétés intimes de la matiè-re ?« Mais alors quelle serait la cause de ces propriétés ? Il

faut toujours une cause première. »Attribuer la formation première des choses aux propriétés

intimes de la matière, serait prendre l’effet pour la cause, carces propriétés sont elles-mêmes un effet qui doit avoir unecause.

8. Que penser de l’opinion qui attribue la formationpremière à une combinaison fortuite de la matière,autrement dit au hasard ?« Autre absurdité ! Quel homme de bon sens peut

regarder le hasard comme un être intelligent ? Et puis,qu’est-ce que le hasard ? Rien. »

L’harmonie qui règle les ressorts de l’univers décèle descombinaisons et des vues déterminées, et, par cela même,révèle la puissance intelligente. Attribuer la formation pre-mière au hasard serait un non-sens, car le hasard est aveugleet ne peut produire les effets de l’intelligence. Un hasardintelligent ne serait plus le hasard.

9. Où voit-on dans la cause première une intelligencesuprême et supérieure à toutes les intelligences ?« Vous avez un proverbe qui dit ceci : “À l’œuvre on

reconnaît l’ouvrier.” Eh bien ! Regardez l’œuvre et cher-chez l’ouvrier. C’est l’orgueil qui engendre l’incrédulité.L’homme orgueilleux ne veut rien au-dessus de lui, c’estpourquoi il s’appelle esprit fort. Pauvre être, qu’un soufflede Dieu peut abattre ! »

On juge la puissance d’une intelligence par ses œuvres ;nul être humain ne pouvant créer ce que produit la nature, lacause première est donc une intelligence supérieure àl’humanité.

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4 Livre 1 - Causes premières

Quels que soient les prodiges accomplis par l’intelligencehumaine, cette intelligence a elle-même une cause, et plus cequ’elle accomplit est grand, plus la cause première doit êtregrande. C’est cette intelligence qui est la cause première detoutes choses, quel que soit le nom sous lequel l’homme l’adésignée.

Attributs de la Divinité10. L’homme peut-il comprendre la nature intime deDieu ?« Non ; c’est un sens qui lui manque. »

11. Sera-t-il un jour donné à l’homme de comprendre lemystère de la Divinité ?« Quand son esprit ne sera plus obscurci par la matière

et que, par sa perfection, il se sera rapproché de lui, alorsil le verra et il le comprendra. »

L’infériorité des facultés de l’homme ne lui permet pas decomprendre la nature intime de Dieu. Dans l’enfance del’humanité, l’homme le confond souvent avec la créature dontil lui attribue les imperfections ; mais à mesure que le sensmoral se développe en lui, sa pensée pénètre mieux le fonddes choses, et il s’en fait une idée plus juste et plus conformeà la saine raison, quoique toujours incomplète.

12. Si nous ne pouvons comprendre la nature intime deDieu, pouvons-nous avoir une idée de quelques-unesde ses perfections ?« Oui, de quelques-unes. L’homme les comprend

mieux à mesure qu’il s’élève au-dessus de la matière ; il lesentrevoit par la pensée. »

13. Lorsque nous disons que Dieu est éternel, infini,immuable, immatériel, unique, tout-puissant, souverai-

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Chapitre 1 - Dieu 5

nement juste et bon, n’avons-nous pas une idée com-plète de ses attributs ?« À votre point de vue, oui, parce que vous croyez tout

embrasser ; mais sachez bien qu’il est des choses au-dessusde l’intelligence de l’homme le plus intelligent, et pourlesquelles votre langage, borné à vos idées et à vos sensa-tions, n’a point d’expressions. La raison vous dit en effetque Dieu doit avoir ces perfections au suprême degré, cars’il en avait une seule de moins, ou bien qui ne fût pas àun degré infini, il ne serait pas supérieur à tout, et parconséquent ne serait pas Dieu. Pour être au-dessus detoutes choses, Dieu ne doit subir aucune vicissitude, etn’avoir aucune des imperfections que l’imagination peutconcevoir. »

Dieu est éternel ; s’il avait eu un commencement il seraitsorti du néant, ou bien il aurait été créé lui-même par un êtreantérieur. C’est ainsi que de proche en proche nous remon-tons à l’infini et à l’éternité.

Il est immuable ; s’il était sujet à des changements, les loisqui régissent l’univers n’auraient aucune stabilité.

Il est immatériel ; c’est-à-dire que sa nature diffère de tout ceque nous appelons matière, autrement il ne serait pasimmuable, car il serait sujet aux transformations de la matière.

Il est unique ; s’il y avait plusieurs dieux il n’y aurait niunité de vues, ni unité de puissance dans l’ordonnance del’univers.

Il est tout-puissant, parce qu’il est unique. S’il n’avait pasla souveraine puissance, il y aurait quelque chose de pluspuissant ou d’aussi puissant que lui ; il n’eût pas fait touteschoses, et celles qu’il n’aurait pas faites seraient l’œuvre d’unautre Dieu.

Il est souverainement juste et bon. La sagesse providentielledes lois divines se révèle dans les plus petites choses commedans les plus grandes, et cette sagesse ne permet de douterni de sa justice, ni de sa bonté.

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6 Livre 1 - Causes premières

Panthéisme14. Dieu est-il un être distinct, ou bien serait-il, selonl’opinion de quelques-uns, la résultante de toutes lesforces et de toutes les intelligences de l’universréunies ?« S’il en était ainsi, Dieu ne serait pas, car il serait

l’effet et non la cause ; il ne peut être à la fois l’un etl’autre.Dieu existe, vous n’en pouvez douter, c’est l’essentiel ;

croyez-moi, n’allez pas au-delà ; ne vous égarez pas dansun labyrinthe d’où vous ne pourriez sortir ; cela ne vousrendrait pas meilleurs, mais peut-être un peu plusorgueilleux, parce que vous croiriez savoir, et qu’en réalitévous ne sauriez rien. Laissez donc de côté tous cessystèmes ; vous avez assez de choses qui vous touchentplus directement, à commencer par vous-mêmes ; étudiezvos propres imperfections afin de vous en débarrasser, celavous sera plus utile que de vouloir pénétrer ce qui estimpénétrable. »

15. Que penser de l’opinion d’après laquelle tous lescorps de la nature, tous les êtres, tous les globes del’univers seraient des parties de la Divinité, et consti-tueraient, par leur ensemble, la Divinité elle-même ;autrement dit de la doctrine panthéiste ?« L’homme ne pouvant se faire Dieu, veut tout au

moins être une partie de Dieu. »

16. Ceux qui professent cette doctrine prétendent ytrouver la démonstration de quelques-uns des attributsde Dieu. Les mondes étant infinis, Dieu est, par celamême, infini ; le vide ou néant n’étant nulle part, Dieuest partout ; Dieu étant partout, puisque tout est partieintégrante de Dieu, il donne à tous les phénomènes dela nature une raison d’être intelligente. Que peut-on

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Chapitre 1 - Dieu 7

opposer à ce raisonnement ?« La raison ; réfléchissez mûrement, et il ne vous sera

pas difficile d’en reconnaître l’absurdité. »Cette doctrine fait de Dieu un être matériel qui, bien que

doué d’une intelligence suprême, serait en grand ce quenous sommes en petit. Or, la matière se transformant sanscesse, s’il en était ainsi Dieu n’aurait aucune stabilité ; ilserait sujet à toutes les vicissitudes, à tous les besoins mêmede l’humanité ; il manquerait d’un des attributs essentiels dela Divinité : l’immuabilité. Les propriétés de la matière nepeuvent s’allier à l’idée de Dieu, sans le rabaisser dans notrepensée, et toutes les subtilités du sophisme ne parviendrontpas à résoudre le problème de sa nature intime. Nous nesavons pas tout ce qu’il est, mais nous savons ce qu’il ne peutpas ne pas être, et ce système est en contradiction avec sespropriétés les plus essentielles ; il confond le créateur avec lacréature, absolument comme si l’on voulait qu’une machineingénieuse fût une partie intégrante du mécanicien qui l’aconçue.

L’intelligence de Dieu se révèle dans ses œuvres commecelle d’un peintre dans son tableau ; mais les œuvres de Dieune sont pas plus Dieu lui-même que le tableau n’est le peintrequi l’a conçu et exécuté.

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CHAPITRE 2ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE L’UNIVERS

Connaissance du principe des choses — Esprit et matière —Propriétés de la matière — Espace universel

Connaissance du principe des choses17. Est-il donné à l’homme de connaître le principe deschoses ?« Non, Dieu ne permet pas que tout soit révélé à

l’homme ici-bas. »

18. L’homme pénétrera-t-il un jour le mystère deschoses qui lui sont cachées ?« Le voile se lève pour lui à mesure qu’il s’épure ; mais

pour comprendre certaines choses, il lui faut des facultésqu’il ne possède pas encore. »

19. L’homme ne peut-il pas, par les investigations de lascience, pénétrer quelques-uns des secrets de la natu-re ?« La science lui a été donnée pour son avancement en

toutes choses, mais il ne peut dépasser les limites fixéespar Dieu. »

Plus il est donné à l’homme de pénétrer avant dans cesmystères, plus son admiration doit être grande pour la puis-sance et la sagesse du Créateur ; mais, soit par orgueil, soitpar faiblesse, son intelligence même le rend souvent le jouetde l’illusion ; il entasse systèmes sur systèmes, et chaque jourlui montre combien d’erreurs il a prises pour des vérités, et

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Chapitre 2 - Éléments généraux de l’univers 9

combien de vérités il a repoussées comme des erreurs. Cesont autant de déceptions pour son orgueil.

20. En dehors des investigations de la science, est-ildonné à l’homme de recevoir des communications d’unordre plus élevé sur ce qui échappe au témoignage deses sens ?« Oui, si Dieu le juge utile, il peut révéler ce que la

science ne peut apprendre. »C’est par ces communications que l’homme puise, dans

certaines limites, la connaissance de son passé et de sa des-tinée future.

Esprit et matière21. La matière est-elle de toute éternité comme Dieu, oubien a-t-elle été créée par lui dans un temps quel-conque ?« Dieu seul le sait. Cependant, il est une chose que

votre raison doit vous indiquer, c’est que Dieu, typed’amour et de charité, n’a jamais été inactif. Quelque éloi-gné que vous puissiez vous représenter le début de sonaction, pouvez-vous le comprendre une seconde dansl’oisiveté ? »

22. On définit généralement la matière : ce qui a del’étendue ; ce qui peut faire impression sur nos sens ; cequi est impénétrable ; ces définitions sont-ellesexactes ?« À votre point de vue, cela est exact parce que vous ne

parlez que d’après ce que vous connaissez ; mais la matièreexiste à des états qui vous sont inconnus ; elle peut être,par exemple, tellement éthérée et subtile, qu’elle ne fasseaucune impression sur vos sens ; cependant c’est toujoursde la matière, mais pour vous ce n’en serait pas. »

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10 Livre 1 - Causes premières

— Quelle définition pouvez-vous donner de lamatière ?« La matière est le lien qui enchaîne l’esprit ; c’est

l’instrument qui le sert et sur lequel, en même temps, ilexerce son action. »

À ce point de vue, on peut dire que la matière est l’agent,l’intermédiaire à l’aide duquel et sur lequel agit l’esprit.

23. Qu’est-ce que l’esprit ?« Le principe intelligent de l’univers. »

— Quelle est la nature intime de l’esprit ?« L’esprit n’est pas facile à analyser dans votre langage.

Pour vous, ce n’est rien, parce que l’esprit n’est pas unechose palpable ; mais pour nous c’est quelque chose.Sachez-le bien, rien, c’est le néant, et le néant n’existepas. »

24. L’esprit est-il synonyme d’intelligence ?« L’intelligence est un attribut essentiel de l’esprit ;

mais l’un et l’autre se confondent dans un principe com-mun, de sorte que pour vous c’est une même chose. »

25. L’esprit est-il indépendant de la matière, ou n’enest-il qu’une propriété, comme les couleurs sont despropriétés de la lumière, et le son une propriété del’air ?« L’un et l’autre sont distincts ; mais il faut l’union de

l’esprit et de la matière pour intelligenter la matière. »— Cette union est-elle également nécessaire pour lamanifestation de l’esprit ? (Nous entendons, ici, paresprit le principe de l’intelligence, abstraction faite desindividualités désignées sous ce nom).« Elle est nécessaire pour vous, parce que vous n’êtes

pas organisés pour percevoir l’esprit sans la matière ; vossens ne sont pas faits pour cela. »

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Chapitre 2 - Éléments généraux de l’univers 11

26. Peut-on concevoir l’esprit sans la matière, et lamatière sans l’esprit ?« On le peut, sans doute, par la pensée. »

27. Il y aurait ainsi deux éléments généraux del’univers : la matière et l’esprit ?« Oui, et par-dessus tout cela Dieu, le créateur, le père

de toutes choses ; ces trois choses sont le principe de toutce qui existe, la trinité universelle. Mais, à l’élément maté-riel, il faut ajouter le fluide universel qui joue le rôled’intermédiaire entre l’esprit et la matière proprementdite, trop grossière pour que l’esprit puisse avoir uneaction sur elle. Quoique, à un certain point de vue, onpuisse le ranger dans l’élément matériel, il se distingue pardes propriétés spéciales ; s’il était matière positivement, iln’y aurait pas de raison pour que l’Esprit ne le fût pasaussi. Il est placé entre l’esprit et la matière ; il est fluide,comme la matière est matière, susceptible, par ses innom-brables combinaisons avec celle-ci, et sous l’action del’esprit, de produire l’infinie variété des choses dont vousne connaissez qu’une faible partie. Ce fluide universel, ouprimitif, ou élémentaire, étant l’agent qu’emploie l’esprit,est le principe sans lequel la matière serait en état perpé-tuel de division, et n’acquerrait jamais les propriétés quelui donne la pesanteur. »— Ce fluide serait-il celui que nous désignons sous lenom d’électricité ?« Nous avons dit qu’il est susceptible d’innombrables

combinaisons ; ce que vous appelez fluide électrique, flui-de magnétique, sont des modifications du fluide univer-sel, qui n’est à proprement parler qu’une matière plus par-faite, plus subtile, et que l’on peut regarder comme indé-pendante. »

28. Puisque l’esprit est lui-même quelque chose, ne

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12 Livre 1 - Causes premières

serait-il pas plus exact et moins sujet à confusion dedésigner ces deux éléments généraux par les mots :matière inerte et matière intelligente ?« Les mots nous importent peu ; c’est à vous de for-

muler votre langage de manière à vous entendre. Vos dis-putes viennent presque toujours de ce que vous ne vousentendez pas sur les mots, parce que votre langage estincomplet pour les choses qui ne frappent pas vos sens. »

Un fait patent domine toutes les hypothèses : nous voyonsde la matière qui n’est pas intelligente ; nous voyons un prin-cipe intelligent indépendant de la matière. L’origine et laconnexion de ces deux choses nous sont inconnues. Qu’ellesaient ou non une source commune, des points de contactnécessaires ; que l’intelligence ait son existence propre, ouqu’elle soit une propriété, un effet ; qu’elle soit même, selonl’opinion de quelques-uns, une émanation de la Divinité, c’estce que nous ignorons ; elles nous apparaissent distinctes,c’est pourquoi nous les admettons comme formant deux prin-cipes constituants de l’univers. Nous voyons au-dessus detout cela une intelligence qui domine toutes les autres, qui lesgouverne toutes, qui s’en distingue par des attributs essen-tiels : c’est cette intelligence suprême que l’on appelle Dieu.

Propriétés de la matière29. La pondérabilité est-elle un attribut essentiel de lamatière ?« De la matière telle que vous l’entendez, oui ; mais

non de la matière considérée comme fluide universel. Lamatière éthérée et subtile qui forme ce fluide estimpondérable pour vous, et ce n’en est pas moins le prin-cipe de votre matière pesante. »

La pesanteur est une propriété relative ; en dehors dessphères d’attraction des mondes, il n’y a pas de poids, demême qu’il n’y a ni haut ni bas.

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Chapitre 2 - Éléments généraux de l’univers 13

30. La matière est-elle formée d’un seul ou de plusieurséléments ?« Un seul élément primitif. Les corps que vous regar-

dez comme des corps simples ne sont pas de véritables élé-ments, mais des transformations de la matière primitive. »

31. D’où viennent les différentes propriétés de la matiè-re ?« Ce sont des modifications que les molécules élémen-

taires subissent par leur union et dans certaines circons-tances. »

32. D’après cela, les saveurs, les odeurs, les couleurs,le son, les qualités vénéneuses ou salutaires des corps,ne seraient que les modifications d’une seule et mêmesubstance primitive ?« Oui, sans doute, et qui n’existent que par la disposi-

tion des organes destinés à les percevoir. »Ce principe est démontré par le fait que tout le monde ne

perçoit pas les qualités des corps de la même manière : l’untrouve une chose agréable au goût, un autre la trouve mau-vaise ; les uns voient bleu ce que d’autres voient rouge ; cequi est un poison pour les uns est inoffensif ou salutaire pourd’autres.

33. La même matière élémentaire est-elle susceptible derecevoir toutes les modifications et d’acquérir toutes lespropriétés ?

« Oui, et c’est ce que l’on doit entendre quand nousdisons que tout est dans tout(1). »

(1) Ce principe explique le phénomène connu de tous les magné-tiseurs, et qui consiste à donner, par la volonté, à une substancequelconque, à l’eau, par exemple, des propriétés très diverses : ungoût déterminé, et même les qualités actives d’autres substances

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14 Livre 1 - Causes premières

L’oxygène, l’hydrogène, l’azote, le carbone et tous les corpsque nous regardons comme simples ne sont que des modifica-tions d’une substance primitive. Dans l’impossibilité où noussommes jusqu’à présent de remonter autrement que par lapensée à cette matière première, ces corps sont pour nous devéritables éléments, et nous pouvons, sans que cela tire àconséquence, les considérer comme tels jusqu’à nouvel ordre.— Cette théorie semble donner raison à l’opinion deceux qui n’admettent dans la matière que deux pro-priétés essentielles : la force et le mouvement, et quipensent que toutes les autres propriétés ne sont quedes effets secondaires variant selon l’intensité de laforce et la direction du mouvement ?« Cette opinion est exacte. Il faut ajouter aussi selon la

disposition des molécules, comme tu le vois, par exemple,dans un corps opaque qui peut devenir transparent, etréciproquement. »

34. Les molécules ont-elles une forme déterminée ?« Sans doute, les molécules ont une forme, mais qui

n’est pas appréciable pour vous. »— Cette forme est-elle constante ou variable ?« Constante pour les molécules élémentaires primi-

tives, mais variable pour les molécules secondaires qui nesont elles-mêmes que des agglomérations des premières ;car ce que vous appelez molécule est encore loin de lamolécule élémentaire. »

puisqu’il n’y a qu’un élément primitif, et que les propriétés desdifférents corps ne sont que des modifications de cet élément, ilen résulte que la substance la plus inoffensive a le même principeque la plus délétère. Ainsi l’eau, qui est formée d’une partied’oxygène et de deux d’hydrogène, devient corrosive si l’ondouble la proportion d’oxygène. Une transformation analoguepeut se produire par l’action magnétique dirigée par la volonté.

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Chapitre 2 - Éléments généraux de l’univers 15

Espace universel35. L’espace universel est-il infini ou limité ?« Infini. Suppose-lui des bornes, qu’y aurait-il au-

delà ? Cela confond ta raison, je le sais bien, et pourtantta raison te dit qu’il n’en peut être autrement. Il en est demême de l’infini en toutes choses ; ce n’est pas dans votrepetite sphère que vous pouvez le comprendre. »

Si l’on suppose une limite à l’espace, quelque éloignéeque la pensée puisse la concevoir, la raison dit qu’au-delà decette limite il y a quelque chose, et ainsi de proche en prochejusqu’à l’infini ; car ce quelque chose, fût-il le vide absolu,serait encore de l’espace.

36. Le vide absolu existe-t-il quelque part dans l’espaceuniversel ?« Non, rien n’est vide ; ce qui est vide pour toi est

occupé par une matière qui échappe à tes sens et à tes ins-truments. »

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...

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction IProlégomènes XLVII

LIVRE 1LES CAUSES PREMIÈRES

Chapitre 1 - Dieu 1Dieu et l’infini (1) — Preuves de l’existence de Dieu (2) — Attri-buts de la Divinité (4) — Panthéisme (6)

Chapitre 2 - Éléments généraux de l’univers 8Connaissance du principe des choses (8) — Esprit et matière (9)— Propriétés de la matière (12) — Espace universel (15)

Chapitre 3 - Création 16Formation des mondes (16) — Formation des êtres vivants (17)— Peuplement de la terre. Adam (19) — Diversité des raceshumaines (20) — Pluralité des mondes (21) — Considérationset concordances bibliques touchant la création (22)

Chapitre 4 - Principe vital 27Êtres organiques et inorganiques (27) — La vie et la mort (29)— Intelligence et instinct (31)

LIVRE 2MONDE SPIRITE OU DES ESPRITS

Chapitre 1 - Des Esprits 35Origine et nature des Esprits (35) — Monde normal primitif (38)— Forme et ubiquité des Esprits (38) — Périsprit (40) — Diffé-rents ordres d’Eprits (41) — Échelle spirite (42) — Progressiondes Esprits (51) — Anges et démons (56)

Chapitre 2 - Incarnation des Esprits 60But de l’incarnation (60) — De l’âme (61) — Matérialisme (66)

Chapitre 3 - Retour de la vie corporelle à la vie spiri-

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Table des matières 481

tuelle 70L’âme après la mort, son individualité. Vie éternelle (70) —Séparation de l’âme et du corps (72) — Trouble spirite (76)

Chapitre 4 - Pluralité des existences 79De la réincarnation (79) — Justice de la réincarnation (80) —Incarnation dans les différents mondes (81) — Transmigrationprogressive (88) — Sort des enfants après la mort (92) — Sexeschez les Esprits (94) — Parenté, filiation (94) — Similitudes phy-siques et morales (96) — Idées innées (100)

Chapitre 5 - Considérations sur la pluralité des exis-tences 102

Chapitre 6 - Vie spirite 114Esprits errants (114) — Mondes transitoires (117) — Perceptions,sensations et souffrances des Esprits (120) — Essai théorique sur lasensation chez les Esprits (125) — Choix des épreuves (132) —Relations d’outre-tombe (141) — Rapports sympathiques et antipa-thiques des Esprits. Moitiés éternelles (146) — Souvenir del’existence corporelle (149) — Commémoration des morts, funé-railles (154)

Chapitre 7 - Retour à la vie corporelle 157Préludes du retour (157) — Union de l’âme et du corps. Avorte-ment (161) — Facultés morales et intellectuelles (165) — Influen-ce de l’organisme (167) — Idiotisme, folie (169) — De l’enfance(172) — Sympathies et antipathies terrestres (176) — Oubli dupassé (177)

Chapitre 8 - Émancipation de l’âme 184Le sommeil et les rêves (184) — Visites spirites entre personnesvivantes (191) — Transmission occulte de la pensée (193) —Léthargie, catalepsie, morts apparentes (194) — Somnambulis-me (195) — Extase (199) — Seconde vue (201) — Résumé théo-rique de somnambulisme, de l’extase et de la seconde vue (203)

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482 Table des matières

Chapitre 9 - Intervention des Esprits dans le mondecorporel 210Pénétration de notre pensée par les Esprits (210) — Influenceocculte des Esprits sur nos pensées et sur nos actions (211) —Possédés (215) — Convulsionnaires (218) — Affection desEsprits pour certaines personnes (219) — Anges gardiens.Esprits protecteurs, familiers ou sympathiques (221) — Pressen-timents (233) — Influence des Esprits sur les événements de lavie (234) — Action des Esprits sur les phénomènes de la nature(239) — Les Esprits pendant les combats (242) — Des pactes(244) — Pouvoir occulte. Talismans. Sorciers (245) — Bénédic-tion et malédiction (247)

Chapitre 10 - Occupations et missions desEsprits 249

Chapitre 11 - Les trois règnes 259Les minéraux et les plantes (259) — Les animaux et l’Homme(261) — Métempsycose (270)

LIVRE 3LOIS MORALES

Chapitre 1 - Loi divine ou naturelle 275Caractères de la loi naturelle (275) — Connaissance de la loinaturelle (276) — Le bien et le mal (280) — Division de la loinaturelle (285)

Chapitre 2 - I. Loi d’adoration 287But de l’adoration (287) — Adoration extérieure (288) — Viecontemplative (289) — De la prière (290) — Polythéisme (294)— Sacrifices (296)

Chapitre 3 - II. Loi du travail 300Nécessité du travail (300) — Limite du travail. Repos (302)

Chapitre 4 - III. Loi de reproduction 304Population du globe (304) — Succession et perfectionnement

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Table des matières 483

des races (304) — Obstacles à la reproduction (306) — Mariageet célibat (307) — Polygamie (308)

Chapitre 5 - IV. Loi de conservation 309Instinct de conservation (309) — Moyens de conservation(309) — Jouissance des biens terrestres (312) — Nécessaire etsuperflu (314) — Privations volontaires. Mortifications (314)

Chapitre 6 - V. Loi de destruction 318Destruction nécessaire et destruction abusive (318) — Fléauxdestructeurs (320) — Guerres (323) — Meurtre (324) —Cruauté (325) — Duel (327) — Peine de mort (328)

Chapitre 7 - VI. Loi de société 331Nécessité de la vie sociale (331) — Vie d’isolement. Vœu desilence (332) — Liens de famille (333)

Chapitre 8 - VII. Loi du progrès 335État de nature (335) — Marche du progrès (336) — Peuplesdégénérés (339) — Civilisation (343) — Progrès de la législa-tion humaine (345) — Influence du Spiritisme sur le progrès(346)

Chapitre 9 - VIII. Loi d’égalité 349Égalité naturelle (349) — Inégalité des aptitudes (349) — Iné-galités sociales (350) — Inégalités des richesses (351) —Épreuves de la richesse et de la misère (353) — Égalité desdroits de l’homme et de la femme (354) — Égalité devant latombe (356)

Chapitre 10 - IX. Loi de liberté 358Liberté naturelle (358) — Esclavage (359) — Liberté de penser(360) — Liberté de conscience (361) — Libre arbitre (363) —Fatalité (365) — Connaissance de l’avenir (372) — Résuméthéorique du mobile des actions de l’homme (374)

Chapitre 11 - X. Loi de justice, d’amour et

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484 Table des matières

de charité 379Justice et droits naturels (379) — Droit de propriété. Vol (382)— Charité et amour du prochain (383) — Amour maternel etfilial (386)

Chapitre 12 - Perfection morale 388Les vertus et les vices (388) — Des passions (394) — Del’égoïsme (396) — Caractères de l’Homme de bien (400) —Connaissance de soi-même (401)

LIVRE 4ESPÉRANCES ET CONSOLATIONS

Chapitre 1 - Peines et jouissances terrestres 405Bonheur et malheur relatifs (405) — Perte des personnes aimées(411) — Déception. Ingratitude. Affections brisées (414) —Unions antipathiques (415) — Appréhension de la mort (417)— Dégoût de la vie. Suicide (418)

Chapitre 2 - Peines et jouissances futures 425Néant. Vie future (425) — Intuition des peines et des jouis-sances futures (426) — Intervention de Dieu dans les peines etrécompenses (427) — Nature des peines et jouissances futures(428) — Peines temporelles (437) — Expiation et repentir (440)— Durée des peines futures (444) — Résurrection de la chair(453) — Paradis, enfer, purgatoire (455)

Conclusion 461

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Du même auteur

L’Evangile selon le SpiritismeLe Livre des Médiums

Le Ciel et l’EnferLa Genèse

Œuvres posthumesLa Prière

Le Spiritisme à sa plus simple expression

Disponibles sur la librairie spirite :

www.editions-philman.com

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