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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Petit manuel des esprits forts / Ch. Beauquier

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Petit manuel des esprits forts/ Ch. Beauquier

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Beauquier, Charles (1833-1916). Auteur du texte. Petit manueldes esprits forts / Ch. Beauquier. 1906.

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Ch. BEAU4WER

Petit Manueldes!%£ps Forts

' Tout notre mal vient d'ânerte.

(MONTAIGNE.)

^SîM il^5 CENTIMES?}.' '/• Francài pan-if poste ; 20 cent. '

~ BESAiNÇONrïtPUIMBRIE'^J. MILLOT ET C'»3^

H>, Ru'o pambetla, 20.

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OUVRAGBS DU AIÊ^IK^UTKL'R

KSÏIIKTIQUK j

Philosophie de la Musique (Gemrï BAILI I

éditeur).La Musique et le Drame FISBACIJEI, <VI...,ti.Les Musiciens Franos-Comtoia, brocl

»

UISTOIRR, l'OUWjlK ET PIULOSOP."*

.-* :

Notice historique et pitto^-asqu ^r le *

L9S Dernières Campagne•« d *Jeéditeur). ?

La Déclaration de Fortone bro• 'ire.

La France divisée en "ftéjions, brochure.Petit Catéchisme PopuJaire d i JjJ>re-Pensc ir

(brochure de propagande).

TRAHI) IONS POP /-AIRES

Vocabulaire Etymologique des Provincialisme^usités dans le Doubs.

Chansons populaires recueillies en Franche-Comté

(Ernest LEROUX, éditeur).Blason populaire de Franche-Cor <L>:CHÇVV

LIER, éditeur).Les Mois en Franche-Comté '' ih-M' ^

NEUVK, éditeurs.)

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Cii. 1JEAUQU1KU

PETIT MANUEL

DES £;^^ESPRITS FORTS

Tout notre mal vient d'anerie.(MONTAIGNE.)

BESANÇON

IMPRIMERIE J. MILLOT KT Cia

20, RUE OAMBE'ITA, 20

1900

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PREFACE

En vérité, je vous le dis : ce n'est paspar des lois, pas même au moyen de cellequi a séparé l'Eglise de l'Etat, que l'oncombattra l'influence politique du clergéet qu'on l'empêchera d'amasser les ri-chesses dont il se fait et se fera long-temps encore une arme contre la Répu-blique.

Impuissantes et vaines sont les loiscontre les idées arriérées, contre l'igno-rance, les erreurs et les préjugés.

Le clergé dévalisera toujours les sim-ples qui croiront à l'immortalité del'âme, et à des récompenses ou à deschâtiments dans un autre monde.

C'est cette croyance habilement ex-ploitée qui a fait l'immense fortune.del'Eglise aux époques de foi universelle»

Tous ceux, nobles ou vilains, grandspropriétaires terriens, riches bourgeoisou commerçants qui croyaient auxpeines éternelles, s'empressaient de leur

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— 4 —vivant, ou à l'article de la mort, — après,unie existence consacrée aux seulesjouissances matérielles, — d'acheter le« salut de leur âme » en faisant dire desmesses ou en enrichissant des monas-tères.

De nos jours même, combien devieilles filles sans famille et sans utilitésociale, combien aussi de bourgeoiscossus et bigots meurent dans quelque« refuge » très catholique en léguant àl'Eglise toute leur fortune, sans hésiterà déshériter parfois quelque membreintéressant de leur parenté.

Bien que le nombre des sots crédulesdiminue de jour en jour, il y aura éter-nellement des faibles d'esprit, comme ily aura toujours, en dépit de l'hygièn

•.,

cU la médecine et de la chirurgie, desbosstis, des boiteux et des culs-de-jatte.

Tout ce que nous pouvons espérer,c'est du réduire au minimum le nombredes infirmités intellectuelles.

Et il n'y a pas d'autre moyen, puutarriver à un complet décrassement doscervelles, que la propagande par la pa-role et par l'écrit, par l'instruction, partous les moyens que la Raison et laScience mettent à notre disposition«pour fortifier les esprits ».

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— 5 —Ecoutons M. Fulbert, cet évêquo de-

Besançon au nom suggestif, qui invite lesfidèles à répandre la bonne parole, la pa-role religieuse « dans les revues, dansla presse quotidienne, dans des réunionspubliques ou privées, dans des conféren-ces diverses, selon les milieux ». Unparti, quel qu'il soit, nie peut triom-pher, en effet, qu'à condition de re-cruter sans cesse de nouveaux adhé-rents, et ces adhérents, il ne peut lesconquérir qu'au moyen d'une propa-gande active, persistante et judicieuse-ment organisée.

Notre ennemi, c'est le Prêtre, maisc'est surtout l'idée qu'il représente, etpour, en venir à bout, il n'y a qu'unmoyen, je le répète, c'est de tarir lasource où cette idée puise toute sa puis-sance et '% clergé toutes ses richesses ;

or cette source, c'est Vignorance, l'Igno-rance d'où naissent les croyances stu-pides, les erreurs, les superstitions né-fastes.

Et nous n'aurons raison de l'Igno-rance que par l'instruction laïque etréellement obligatoire, c'est-à-dire parle monopole de l'enseignement accordéà l'Etat républicain.

Voilà notre but. En attendant qu'il soit

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.-"

' — 6;—'- ;-atteint, nous espérons que ce petit livrefera tomber les écailles de quelquesyeux.

Nous commencerons par jeter un coupd'oeil sur les origines de la. religion chré-tienne.

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CHAPITRE PREMIER

LE JUDAÏSME

Le Judaïsme a eu pour fondateurMoïse, un personnage légendaire dontl'existence est des plus contestables. Sonnom n'a été cité par aucun des nom-breux historiens du temps où il étaitcensé vivre. 11 n'est question de lui quedans les récits, des Hébreux, de ce petitpeuple qui, à son apogée, n'a jamais

.•compté une population plus considéra-ble que la population actuelle de Paris.

Si ce Moïse, dont la Bible relate com-plaisamment les hauts faits, avait puchanger en sang les eaux du Nil, faireexterminer par un ange tous les enfantsd'Egypte, suspendre les flots de la merpour permettre aux Hébreux de passera pied sec, il est certain que les histo-riens de l'époque auraient rapporté cesfaits peu ordinaires. S'ils n'en ont pasparlé, c'est évidemment qu'ils ne les ontpas connus, et s'ils ne les ont pas con-

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nus, il n'est pas très hardi de supposerqu'ils ne se sont jamais produits.

Moïse a eu avec Dieu, sur le mont Si-naï, une interview^ comme on dirait au-jourd'hui. Dieu, on ne sait pourquoi,l'avait choisi pour confident et pour exé-cuteur de ses volontés, c'est du moinsce que dit Moïse.

C'est sur cette montagne, au milieu dutonnerre et des éclairs, que Jéhovah luiremit les Tables de la Loi, écrites de sapropre main I

Cette transmission directe est bien unpeu faite pour dérouter ceux qui pour-raient croire que Dieu est un pur esprit.Un pur esprit n'a pas de mains, un puresprit ne peut tenir dans ses doigts uneplume ou un style, et écrire sur des ta-bles de bois ou de pierre... Mais, pas-sons I

Nous sommes en droit de nous deman-der pourquoi, sur cet immense globeterrestre, Dieu est allé choisir un seulEgyptien, Moïse, et un seul peuple, lepetit peuple hébreu, pour se révéler àeux et pour leur promettre son aide et saprotection exclusifs ?

Cependant Dieu nous est représentécomme le, père de tous les hommes,comme veillant aux destinées de l'hu-

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inanité tout entière et non aux destinéesdes seuls chrétiens :

Aux petits des oiseaux il donne la pâture,lit sa bonté s'étend sur toute la nature.

Que dirions-nous si, par exemple,Dieu ne donnait la pâture qu'aux petitschardonnerets ?

Et c'était cependant un caprice injustecomme celui-là dont il se rendait cou-pable en consacrant uniquement sessoins au clan si peu nombreux d'Israël.

Il est vrai que, depuis la naissance deJésus, le Seigneur a joliment lâché lesJuifs ses favoris, ce qui ne témoigne pasd'une bien grande suite dans les idées.

Ils ont encouru sa colère, dira-t-on,pour avoir fait mourir son fils sur lacroix. Mais, puisque Dieu sait tout, ilsavait que les Juifs se conduiraient,de cette façon indélicate à l'égard deJésus ? Pourquoi ne les en a-t-il pas em-pêchés ? 11 a donc été leur complice ?...On n'en finirait pas si l'on voulait conti-nuer à raisonner sur ce thème. Aussi,pour plus de commodité, l'Eglise inter-dit le raisonnement.

C'est un mystère de plus à ajouter à

sa collection.Mais revenons au petit peuple juif.

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— 10 —Ces Hébreux, d'abord chéris du ciel,

ces élus de Dieu ont vraiment eu tortd'écrire leur histoire, car ils nous y ap-paraissent comme une bande d'affreuxpillards, de brigands sanguinaires nefaisant guère honneur à celui qui lesprotégeait. L'histoire sainte n'est qu'unrecueil de massacres, de rapts, de vols,de viols commis par ces bédouins primi-tifs, aussi féroces que les Touaregs, cesécumeurs du désert, leurs dignes des-cendants.

Sodomistes (Sodôme était une villejuive), incestueux, adultères, ils étalentdans leur Bible tous les vices et sansl'ombre de pudeur. Nous y apprenons,entre autres choses édifiantes, que lespères couchaient avec leurs filles (voyezLoth), et que le beau sexe ne dédaignaitpas de flirter avec les chevaux, les âneset les boucs.

On comprend que la lecture de la Biblesoit interdite aux fidèles. Si ce livre n'é-tait pas .saint et qu'il parût pour la pre-mière fois traduit en français, il seraitimmédiatement traduit de nouveau....,mais en police correctionnelle.

En résumé, ce qui différencie seule-ment les Juifs des chrétiens, sans parler<le la petite opération chirurgicale que

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—11 ™Ton sait, c'est que ces derniers croient àla divinité de Jésus-Christ et affirmentqu'il est le Messie annoncé par la Bible.

Les Juifs, à qui l'on ne fait pas pren-dre des Messies pour des lanternes,s'obstinent à l'attendre encore.

Leur raisonnement, du reste, est irré-futable. « Jésus, disent-ils aux chrétiens,est, d'après vous, venu sur la tjrre pour« racheter les péchés des hommes, »mais Dieu, puisqu'il peut tout, ne pou-vait-il pas les racheter lui-même, avait-ilbesoin pour cela de sacrifier quel-qu'un ? »

Comme le fils du charpentier Josephleur paraissait un simple imposteur, ilsse sont emparés de lui, et pour mettre finà sa propagande socialiste et subversivede l'ordre établi, ils l'ont fait mourir. Onne parlait pas encore dans ce temps-làde liberté de la parole et du droit de réu-nion. Si Guesde ou Jaurès avaient vécusous le roi Hérode, ils auraient subi lesort du « Sauveur des hommes ».

Et il y a des gens pour nier le pro-grès !

Le Judaïsme a deux filles : la religion-chrétienne et là religion musulmane,

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— 12 —mais deux filles aussi ingrates, aussi dé-naturées que celle du roi Lear qui arra-chait les yeux à son père.

Les chrétiens et les musulmans ont. étéjadis ni sont encore les persécuteurs desjuifs.

L'histoire européenne et orientale estpleine des traitements féroces infligésaux sectateurs de la loi de Moïse. Ils ontété, parmi les peuples, des parias, deslépreux, de véritables souffre-douleurs.On les a traqués comme des bêtes fauves,dépouillés, crucifiés, brûlés partout, aunom d'un soi-disant Dieu de bonté et demiséricorde.

En Espagne, il n'était pas dé belle fêteoù l'on ne grillât, en manière de feu dejoie, quelques juifs dûment enrésinés etgoudronnés.

Pour les exterminer en tout repos deconscience, on les chargeait des crime?les plus épouvantables ; on les accusaitd'égorger des enfants et de les offrir ensacrifice à Jéhovah ; on les accusait d'em-poisonner les fontaines ; on les rendaitresponsables de la peste et de toutes lesépidémies.

II y a encore, chez les Musulnvui*, despays où l'on peutluer un juif comme ontue un chien, sans courir le risque d'être

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— 13 —poursuivi. Actuellement em Russie, oùdomine une secte chrétienne, les Juifssont massacrés sans pitié et sous le plusfutile prétexte.

Et cependant, Jésus-Christ était Juif(il existe plusieurs exemplaires de sonprépuce dans diverses églises). Ses dis-ciples, ses apôtres, de leur aveu même,étaient juifs et circoncis. Jusqu'audeuxième siècle, du reste, tous les évo-ques subirent la circoncision, qui estl'estampille, la marque de fabrique dujudaïsme.

Les chrétiens, à commencer par leChrist, sont donc tout simplement desrenégats, des apostats de la religionjuive.

La Bible, aujourd'hui encore la base dela religion chrétienne, le livre sacré parexcellence, a été dictée à Moïse par Dieului-même, le Dieu des Juifs.

Il n'y a pas l'épaisseur d'un cheveu de-différence entre le judaïsme et le chris-tianisme ; ils sont aussi absurdes l'unque l'autre, aussi enfantins, aussi bar-bares, et exploitent avec une égale impu-dence l'ignorance et la crédulité.

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CHAPITRE II

LE CHRISTIANISME

La religion chrétienne, quant aux:dogmes, est fondée sur le mépris de laraison et, qui plus est, elle s'en vante,elle s'en fait gloire.

Tous les Pères de l'Eglise, tous lesthéologiens se sont plu et se* plaisent à

.déclarer que ce qui constitue le vraichrétien c'est qu'il doit croire ce qu'ilne comprend pas et avec d'autant plusd'énergie qu'il le comprend moins.

Un homme dont le cerveau n'est pasdétraqué demandera : « Comment peut-on ajouter foi à ce qu'on ne sait pas, àce que l'intelligence ne peut saisir, à ceque personne au monde n'a jamais puexpliquer ? »

La théologie chrétienne répond : « Laraison et la foi sont aux antipodes ; cesont deux contradictions inconciliables ;il faut choisir entre elles. Le croyanj;doit abdiquer sa raison et triompher de-

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ses répugnances intellectuelles ; s'il necroit pas à l'absurde, il n'a pas le droitde se dire chrétien. »

Voilà une déclaration bien singulière,n'est-il pas vrai ? C'est pourtant la purethéorie orthodoxe. Que nos lecteurs,s'ils en doutent, interrogent leur curé ;

« l'homme de Dieu » (!) sera obligé dedéclarer que la Foi implique la renoncia-tion à toute espèce de raisonnement. S'ilprofessait une autre opinion, ce seraitun hérétique, et en d'autres temps,moins tolérants que le notre, on l'eûtbrûlé comme un simple fagot.

Il est absurde de supposer un être quiait pu faire quelque chose avec rien.

Il est inadmissible que cet être su-prême soit composé de trois personneset conserve néanmoins son unité.

On, ne comprend pas comment unefemme a pu mettre au monde un enfant-sans avoir connu d'homme et comment,ayant accouché, elle est pourtant demeu-rée vierge.

On ne peut imaginer que Jésus-Christ,en mille lieux à la fois et le môme jour,au même instant, s'introduise dans unpetit rond de pâte sèche pour être avalépar les dévots...

• Tout cela et bien d'autres dogmes en-

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core de la religion chrétienne choquentviolemment le moindre bon sens. Peuimporte. Il faut croire, et croire contretoute évidence, malgré les plus colos-sales impossibilités. Voici, du reste, cetteidée spirituellement exprimée dans laconversation suivante du maréchald'Hocquincourt avec le Père oratorienCanaye.

« Le diable m'emporte si je croyais àrien, dit le maréchal ; mais aujourd'huije me ferais crucifier pour la religion.Ce n'est pas que j'y voie plus de raison ;

au contraire, moins que jamais, mais jene saurais que vous dire, je me feraispourtant crucifier sans savoir pourquoi.

» — Tant mieux ! répond le religieux,tant mieux I Ce ne sont point des mou-vements humains, cela vient de Dieu.Point de raison, c'est la vraie religioncela. Point de raison ! Que Dieu vous afait, Monseigneur, une belle grâce !

Soyez comme des enfants, a-t-il dit. Lesenfants ont encore leur innocence, etpourquoi ? parce qu'ils n'ont point deraison. Bienheureux sont les pauvres

•d'esprit. Ils ne pèchent point : la raisonest qu'ils n'ont point do raison. Point deraison I Les heureux mots I Ils devraientêtre écrits en lettres d'or. Point de rai-

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son ! Que Dieu vous a fait, Monseigneur,une belle grâce l » (SaintrEvremond.)

En s'exprimant ainsi, le Révérend Pèreoratorien ne fait, on le voit^ que com-menter et paraphraser le mot célèbre etsi souvent répété de saint Augustin :

« Credo quia absurdum^ je crois parceque cela est absurde. » Si les dogmes re-ligieux étaient conformes à la raison,quel mérite y aurait-il à les croire ?

Sous une autre forme, Tertullien, une-des vives lumières de l'Eglise, a expriméla même pensée en parlant de ces dog-mes insensés : « Cela est certain, dit-il,parce que cela est impossible. »

A la bonne heure ! Voilà une glorifi-cation de l'absurde qui n'est pas banale !

Dans tous les actes de notre vie, nousfaisons usage de notre intelligence, denotre raison. Notre admiration et noséloges vont aux savants, aux gens d'es-prit, aux poètes, aux jurisconsultes,aux hommes d'Etat, à tous les grandsintellectuels. C'est une injure insuppor-table si l'on nous dit que nous avons lecerveau absolument oblitéré, que noussommes fous ou idiots...

Mais s'il est question de religion, c'estautre chose. Les théologiens et avec euxles croyants se déclarent, sans ejnharras,

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— 18 —parfaitement déraisonnables et ineptesret ils s'en vantent comme d'un rare mé-rite.

Pourquoi alors, pourrait-on leur de-mander, pourquoi votre Dieu nous a-t-il donné cette faculté qu'on nomme laRaison, si nous ne devons pas nous enservir ? Si cette raison n'est destinée qu'ànous induire en erreur dans la vie et àcompromettre les chances que nouspouvons avoir de jouir des félicités duParadis, il nous a donc fait un présentfuneste ?

A cet argument précis, ou bien ils nerépondront rien, ce qui es"t fort com-mode, ou bien ils vous feront une ré-ponse à laquelle vous ne comprendrezrien, ni eux non plus du reste.

Ils vous diront : « Ce que vous trouvezabsurde, et non à tort, c'est un mys-tère. Or, tout bon chrétien doit croireaux mystères. Dieu lui-même le pres-crit. Heureux encore une fois les pau-vres d'esprit, a dit Jésus-Christ, leroyaume des cieux leur appartient. »

Il suivrait de là que les meilleurschrétiens sont les plus bêtes, ce quisemblerait donner raison aux étymolo-gistes qui font venir crétin de chrétien.

Nos lecteurs ont pu voir, d'après^ les

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— 10 —opinions que nous venons de citer desplus illustres théologiens, que la théolo-gie est la science (?) la plus vaine, laplus creuse, la plus sotte qu'il y ait aumonde.

D'abord c'est bien à tort qu'on la qua-lifie de science, puisque ne démontrantrien et ne pouvant rien démontrer, ellen'a, par conséquent, pas le moindre titreà ce qualificatif.

Par définition et par étymologie, elles'intitule la « Science de Dieu » ou des« choses divines... » Seulement ellen'oublie qu'un point, qui n'est pourtantpas tout à fait négligeable, c'est de com-mencer par prouver l'existence de Dieu.

Qui dit science, dit notion positive, etnous nous demandons en vain quellessont les notions positives sur lesquellesdissertent à perte de vue les théolo-giens.

Voici quelques légers exemples desgraves matières qui font l'objet desétudes et des méditations de ces extra-ordinaires « savants » :

Jésus-Christ, fils de Dieu fait homme,participa-t-il de cette double nature di-vine et humaine ; en d'autres termes,était-il vraiment un homme tout en res-tant un Dieu ?

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•- 20 —Cette « importante » difficulté a divisé

Jes théologiens pendant de longues an-nées, pendant des siècles ; elle a été l'oc-casion de schismes et d'interminablesdiscussions et de persécutions sanglan-tes, comme du reste presque toutes lesautres questions dont nous allons parler.

Avec un sérieux qui serait du dernier•comique s'il était simulé, les docteurs del'Eglise se demandent encore « si le filsde Dieu étant Dieu lui-même a toujoursexisté ou si Dieu le père l'a tiré dunéant ? »

Grave question, en effet, car si la con~substantialité (voilà un mot, imposant)•du fils avec le père existe, la ViergeMarie sevtrouve être à la fois la mèrede Dieu le père et de Dieu le fils ; end'autres termes elle aurait accouché dedeux jumeaux, sans s'en douter, dontl'un aurait été le père de l'autre !!!

Vous comprenez combien il importeau, bonheur cle l'humanité d'être exac-tement renseigné sur la nature de cetaccouchement peu banal.

Je poursuis l'examen de quelques au-tres intéressants problèmes, dont lessavants théologiens ont entrepris la so-lution :

« S'il existe en Jésus-Christ deux per-

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sonnes, un homme et un Dieu, doit-ilavoir deux volontés ? »

Peut-il, par exemple, vouloir faire unebêtise comme homme et le contrairecomme Dieu ?

Cruelle énigme l

Il paraît que les conciles ont décidéque Jésus-Christ a deux volontés.

Grand bien lui fasse ! Il y a tant degens qui n'en ont pas !

Nous mentionnerons un autre pointd'une extrême importance, sur lequelles théologiens, en leur particulier ouréunis en conciles, se sont disputés jus-qu'à en venir aux coups — et le sujet envalait la peine, comme vous l'allez voir.Il s'agissait de savoir comment est com-posée la Sainte-Trinité, quelle est sa na-ture.

Voici la solution lumineuse de ce pas-sionnant problème :

« Il y a le premier Verbe, l'exemplaireperpétuel de toutes choses' engendrées.

» Ensuite le second Verbe, ou verbeproféré.

» Puis le Fils, ou monde sensible, ouesprit du monde.

» Le tout, c'est le monde entier, lequelmonde est fils de Dieu ! »

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— 22 —Cette explication est parfaitement lim-

pide, comme vous voyez.« Voilà pourquoi votre fille est

muette ! »Les théologiens vous expliqueront

encore, et avec la même clarté,, com-ment Dieu, à un moment donné de lamesse, transforme les parties solides deson corps en farine cuite et son sang unvin, sans que le goût du vin soit changé,sans même qu'il perde son alcool ; à cepoint qu'avec le sang de Jésus-Christ, loprêtre pourrait congrûment se pochar-der, s'il en buvait en quantité suffisante.

Ces diverses transformations, qui lais-sent bien loin derrière elles les trucs lesplus famuix de Robert-IIoudin, s'ap-pellent du joli nom de transsubstantia-tion.

Inutile de dire que notre pauvre es-pèce humaine, qui se passionne tou-jours pour ce qu'elle comprend lemoins, s'est déchirée à belles dents,s'est éventrée à beaux coups de sabre,s'est brûlée à beaux bûchers flambants,à propos de cette mirifique inventionadoptée par les uns et contestée par lesautres, qui trouvaient la transsubstan-tiation encore plus difficile à croirequ'à prononcer.

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-- os __Je ferai remarquer en passant que

jamais les savants, mathématiciens ougéomètres, ne se sont égorgés pouravoir proclamé que deux et deux fontquatre et que la ligne droite est le pluscourt chemin d'un pointa un autre.

Je pourrais encore parler de la façondont les docteurs de la foi expliquent lanature des anges, des archanges et desprincipautés, vous exposer ce qu'est,d'après eux, la grâce suffisante, conco-mitante et nécessitante, mais je vous faisgrâce de toutes ces grâces, bien que ledix-septième siècle se soit pris aux che-veux à leur sujet.

J'en ai assez dit pour que vous com-preniez maintenant, amis lecteurs, quelcrédit il convient d'accorder aux élucu-brations de Messieurs les théologiens,qui, tout en interdisant aux croyants l'u-sage de la raison, emploient le peu quileur en reste à couper des cheveux enquatre et à peser des grains de poussièredans des balances de fils d'araignée.

Ces arguties bizarres, ces distinctionsextrasubtiles, ces abstractions de quin-tessence, ces prétentieuses niaiseries,ce double et triple galimatias, voilà cequi constitue cet art de déraisonner àfroid qu'on appelle la théologie.

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, — 24 —Cette prétendue science, qui n'est

qu'une colossale aberration de l'esprithumain, ne saurait mieux être compa-rée qu'à l'astrologie du moyen âge.

Les astrologues soutenaient que les-millions et les milliards d'astres qui.peuplent le ciel ont une influence di-recte sur les destinées des hommes.Pour connaître celte destinée, il suffit,de déterminer exactement le moment dela naissance d'un être humain, concor-dant avec le lever, le coucher ou l'appa-rition dans les signes du zodiaque d'unedes innombrables étoiles qui constellentle ciel. ' '

De là des calculs sans fin et des diva-gations ineptes dans un jargon d'appa-rence scientifique.

La croyance universelle à ces billeve-sées constitue une des pages les plushumiliantes de l'histoire de l'esprit hu-main.

Nous en dirons autant de la théologie.Heureusement qu'elle est destinée à dis-paraître à bref délai.

Comme l'astrologie a été tuée parl'astronomie, comme l'alchimie a ététuée par la chimie, la théologie seratuée par la philosophie rationaliste. Elleagonise déjà depuis longtemps. Le Par-

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— 25 —lement, qui n'est cependant pas trèsvoltairien, a supprimé, il y a plusieursannées, les chaires de théologie catholi-que dans les facultés. Avec la séparationdes Eglises et de l'Etat disparaîtra l'en-seignement officiel de la théologie pro-testante. Ce reliquat de la vieille scolas-tique du moyen âge détonait, en effet,ridiculement, dans notre enseignementmoderne, qui n'avance rien qu'il nepuisse prouver, tandis que les théolo-gfens, ces fumistes, enseignent ce qu'ilsne savent pas, — bien mieux, ce qu'ilsne peuvent pas savoir J

§ 1". — Le Catholicisme

Pendant longtemps, comme nous l'a-vons dit, les chrétiens ne se sont distin-gués des Juifs qu'en ce qu'ils croyaientà la divinité de Jésus, personnifiant leMessie annoncé par la Bible (1). En de-hors de ce point de doctrine, leurs dog-mes et leur culte étaient absolument lesmêmes. Ils priaient ensemble dans le« Temple » et les uns comme les autresse faisaient circoncire.

C'est l'apôtre saint Paul qui, du fatrasdes nombreux évangiles contradictoires

(i) En hébreu, Christ signifie Messie.

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— 26 —et plus ou moins apocryphes, a tiré laformule caractéristique du christia-nisme: Il a soutenu et fait adopter défi-nitivement que le charpentier Jésus estfils de Dieu et qu'il est mort pour sau-ver les hommes du péché originel.

Ce brave saint Paul a négligé de nousexpliquer pourquoi toute l'humanité,avant la venue de Jésus, c'est-à-dire du-rant des milliers et des milliers d'an-nées, a été vouée à tous les supplices del'Enfer, et pourquoi, un beau jour, Dieus'est imaginé d'envoyer son fils sur laterre et de le faire mourir pour racheterles péchés du monde :

peccdta mundi.11 semble qu'il a tarde bien longtemps,et qu'avec sa toute puissance il n'avaitpas besoin de cette mise en scène pourarriver au même résultat.

Ces contradictions stupéfiantes, etl)ien d'autres encore, n'ont pas été ad-mises d'emblée, on le pense bien, etsans révolter les consciences.

Aussi, pendant les premiers siècles duchristianisme, les sectes dissidentes fu-rent-elles innombrables, et innombra-bles aussi, par suite, les hérésies admet-tant tel ou tel dogme et repoussant lesautres.

Ce n'est qu'au quatrième siècle dès

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— 27 —.

notre ère que, pour mettre fin à ces in-terminables disputes, s'est assemblé leconcile de Nicée, lequel a fixé définiti-vement la doctrine.

Le catholicisme, c'est-à-dire le chris-tianisme orthodoxe, date seulement decette époque.

Jusque-là Dieu a donc pris un cruelplaisir à laisser patauger et s'embourberles chrétiens dans toutes les fondrièresde l'hérésie. Il s'obstinait à leur refuserses lumières pour pouvoir plus sûre-ment les damner et les faire griller aufeu de l'enfer, comme s'ils pouvaientêtre coupables de ne pas croire à desdogmes qu'il n'avait pas encore psi misde fixei.

Vraiment, si un simple particuliermanifestait une pareille méchanceté, iln'en faudrait pas davantage pour qu'ilfût l'objet de la haine et du mépris detous.

Donc, à partir du concile oecuméniquede Nicée, les chrétiens, dénommés de-puis catholiques, furent tenus de croire àJésus à la fois homme et Dieu, à la Tri-nité, c'est-à-dire à un Dieu en trois per-sonnes, et à d'autres balivernes qui fu-rent successivement ajoutées au Credopendant le .cours des siècles.

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— 28 —Or, toutes ces belles inventions n'a-

vaient môme pas le mérite de ia nou-veauté, car personne n'ignore que nomsoulement au point de vue des dogmes,ou articles de foi, mais môme au point-de vue des rites et des formules, la reli-gion catholique, prétendue « révélée »,n'offre absolument rien de nouveau.

Elle a emprunté le plus grand nombredes éléments dont elle est formée àtoutes les religions qui l'ont précédée, et.principalement au paganisme, auquelelle succédait directement.

Mille ans avant Jésus-Christ, la croixétait déjà un signe religieux. '

Les Assyriens comme les chrétiensavaient pour symbole de la divinité un-poisson.

Les Perses pratiquaient le baptême, etl'eau lustrale des Romains jouissait desmêmes propriétés que notre eau bénite.

Les religions de l'Inde, de plusieursmilliers de siècles plus anciennes, con-naissaient des dieux incarnés dans laforme humaine et des vierges quiavaient enfanté sans avoir eu de rap-ports charnels avec les hommes.

Les légendes de Jésus, de Marie, cellesdes saints sont empruntées, traits pourtraits, à des religions plus anciennes. La,,

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— 29 —biographie de Jésus est à peu de chosesprès celle du Bacchus indien combinéeavec celles d'Apollon, de Pythagore,d'Osiris et de Mithra, tous personnagesplus ou moins fantastiques qui ont eu lecaractère do faiseurs de miracles, quisont nés d'une vierge, qui ont été aimésdes femmes et que les femmes ontpleures, qui ont subi le martyre et sontressuscites.

Le dogme capital du christianisme,celui même qui constitue, on peut ledire, son essence, le dogme de la Ré-demption, est emprunté à des théogo-nies primitives.

Ce sacrifice d'un être vivant et inno-cent, dans le but d'en sauver d'autres,est une tradition qu'on rencontre sou-vent, dans les premiers âges de l'huma-nité. C'est ainsi qu'aux origines fabu-leuses de l'histoire grecque nous voyonsdes jeunes gens et des jeunes filles del'île, de Crète offerts comme victimeexpiatoire au Minotaure qui les dé-vorait. C'est ainsi qu'Iphigénie futimmolée en Aulide pour calmer le cour-roux des dieux et permettre aux vais-seaux grecs d'appareiller pour Troie ;c'est ainsi que dans l'histoire

.

sainte,Jephté sacrifie sa fille pour accomplir

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un voeu, etc., etc. Nous pourrions accu-muler les légendes de ce genre. Lestraditions populaires de toutes les na-tions foisonnent de ces récits où l'on voitdes innocents sacrifiés pour se rendrefavorables des Dieux ou en expiation decrimes qu'ils n'ont pas commis.

Cette doctrine, dont la sauvagerieexcuse l'immoralité, est encore celle descatholiques modernes. N'a-t-on pas en-tendu, il n'y a pas si longtemps, un do-minicain, prêchant à la cérémonie funè-bre des victimes du bazar de la Charité,déclarer que Dieu avait voulu la mort deces pauvres femmes, confites, pourtanten dévotion, pour racheter les péchés dusiècle ?

Ce discours, qui a soulevé l'indigna-tion de tous les gens sensés, est cepen-dant conforme à la plus pure orthodoxiecatholique.

Que penser d'une religion qui admetune aussi répugnante et aussi injustemonstruosité ?

* *En résumé, le catholicisme, comme-

toute chose, a eu des commencementsconfus, incertains, timides ; puis, par lasuite des temps, ses croyances, sorj

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— 31 —culte, se sont peu à peu constitués, et lenombre do ses dogmes s'est notablementaugmenté. Il n'est pas dit qu'il ne s'aug-mentera pas encore, puisque, de 1854 à1870, deux nouveaux articles ont étéajoutés à son Credo : l'immaculée con-ception et l'infaillibilité du pape.

Comment ces changements, commentcet accroissement continu peuvent-ilss'accommoder avec une « révélation »de la religion faite par Dieu lui-même Y

Je laisse à ces farceurs de théologiensle soin de l'expliquer.

§ 2. — Le Protestantisme

Il convient de déclarer, pour rendrehommage à la vérité, que la religionprotestante est, de toutes les religionsmodernes, la moins grossière, la moinsimmorale, celle enfin qui répugne lemoins à la raison.

En nous exprimant ainsi, nous n'en-tendons pas viser le protestantisme or-thodoxe qui ne vaut pas mieux quele catholicisme ; mais il y a protestantset protestants, comme il y a fagots etfagots (bien qu'en qualité d'hérétiques,ils le sentent tous, le fagot). Nos élogesrelatifs ne s'adressent qu'aux « libé-

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raux » de l'Eglise réformée, à ceux quiont répudié la plupart des dogmes en-fantins du christianisme et dont ladoctrine, plutôt philosophique que reli-gieuse, s'avance jusqu'aux avant-postesdu rationalisme.

Ces huguenots-là ne croient ni à la« transsubstantiation, » c'est-à-dire à laprésence réelle du corps de Jésus dansl'hostie, ni à la divinité de ce mêmeChrist, ni aux Ecritures saintes en tantqu'inspirées par Dieu lui-même, ni auxmiracles, ni au pouvoir qu'aurait leprêtre de remettre les péchés par laconfession et l'absolution, ni'aux saints,ni à l'Immaculée-Conception, ni à l'in-faillibilité du pape, et encore moins àtous ces fétiches du Coeur saignant deJésus, du coeur de Marie, etc., etc.

Chaque protestant se fait la croyancequ'il lui plaît, par une libre interpréta-tion de la Bible. C'est même là le carac-tère particulier de cette religion et cequi la distingue le plus de la religioncatholique. Cetlo dernière, en effet, im-pose des croyances toutes faites qu'ilest défendu d'examiner et qu'il faut ac-cepter sans choix, en bloc.

Le catholicisme est une religion d'es-sence lyranniquo, tandis que le prote's-

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— 33 —tantisme est une religion presque delibre examen.

La différence est encore plus tran-chée peut-être si l'on considère les mi-nistres des deux cultes.

En général, les pasteurs de la religionréformée, quelle que soit la secte k la-quelle ils appartiennent, sont bien supé-rieurs à la moyenne des prêtres catho-liques. Tandis que ces derniers ont faitce voeu de célibat et de chasteté, si diffi-cile à observer, les pasteurs sont, pourla plupart, d'excellents pères de famille,très attachés à leurs devoirs conjugauxet qui scandalisent bien rarement lesfidèles par leur inconduite ou par desvices contre nature, ce qui arrive tropsouvent aux membres séculiers ou régu-liers de l'Eglise catholique, apostoliqueet romaine.

Il convient d'ajouter qu'alors que laplupart de nos curés sont des rustres,très peu dégrossis, les pasteurs se re-crutent le plus souvent dans une classedéjà affinée par l'éducation, ce qui leurdonne un avantage marqué au pointde vue des manières, une plus grandedélicatesse de sentiments et une pluslargo envergure de pensée.

• Tandis que dans leurs sermons les

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— 34 —prêtres catholiques traitent le plus sou-vent des questions de dogme, des sub-tilités théologiques parfaitement incom-préhensibles pour leur auditoire,commepour eux-mêmes du reste, les pasteursprotestants, qui n'ont pas à déraisonnersur la Grâce, sur la Foi, sur les peineséternelles, sur la Virginité de Marie,sur la transformation de Jésus en pâtealimentaire, etc., etc., se cantonnentdans le domaine d'une morale accessibleà tous et s'efforcent simplement derendre

•meilleurs ceux qui les écoutent.

Leur éloquence est naturelle, souventtouchante : on sent qu'ils/parlent nonpas pour parler, comme nos prêtres enchaire, mais pour convaincre.

Joseph de Maislro ayant l'intentionde se moquer du pasteur protestant, ena fait le plus bel éloge lorsqu'il a dit :

« C'est un monsieur chargé de tenir a

» son public des discours honnêtes. »Et ne vaut-il pas mieux paraître un

« monsieur » comme vous et moi, un ci-toyen sérieux, raisonnable et moral,que de s'affubler d'une robe de femme,de se coiffer d'un tourne-vis, de débiteravec emphase des paroles vides de senset d'afficher la prétention de représen-ter, sous ces apparences grotesques,^ un

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— 35 —Dieu tout puissant, créateur du ciel et dela terre.

Le protestantisme, comme tout lemonde le sait, est né des abus de la re-ligion catholique.

Il s'en fallut alors de peu que le ca-tholicisme tout entier ne s'effondrât souscette formidable poussée. Si « le bras sé-culier, » si les monarchies de l'Europeméridionale n'avaient pas pris partipour elle, la religion catholique n'exis-terait plus aujourd'hui qu'à l'état desouvenir.

La Réforme constitua incontestable-ment un notable progrès dans le déve-loppement de l'esprit humain. La mo-rale de la nouvelle religion, plus rap-prochée de la morale dite évangôlique,eut Une influence indéniable pour l'a-mélioration dos moeurs. Aujourd'huiencore, les protestants, en général, ontde la morale une conception plus noble,plus sévère, plus élevée que les catho-liques. Cela tient sans doute à ce queleurs pasteurs, n'exerçant pas, commenos prêtres, le métier de blanchisseursde consciences, chacun tient à ne pastrop salir la sienne, ce qui est à peu prèsindifférent à ceux qui se confessentparce qu'ils savent où se faire nettoyer.

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— 36 —Pour montrer la façon dont les protes-

tants comprennent leurs devoirs mo-raux, nous nous bornerons à citer unseul exemple, mais bien caractéristique :

Tandis que les chefs de la catholicité,le pape> les archevêques, les évoques,ainsi que tout le menu fretin sacerdotalont laissé, indifférents et muets, massa-crer les Arméniens, écraser les Boers,massacrer les juifs, les plus hautescomme les plus humbles personnalités<le l'Eglise réformée n'ont cessé de flétrirces hontes criminelles et d'obséder lesgouvernements sanguinaires de leursprotestations indignées. '

Nous ne pensons pas que ce soit pourne pas être taxé de « protestant » que leclergé français ne proteste pas contre ceshorreurs. S'il se tait, c'est par lâcheté,par intérêt, pour ne pas se mettre malavec les puissants du jour. Il n'est plus,le temps où les évoques, y compris lepape, l'évoque de Rome, avaient le cou-rage de se dresser contre les rois et lesempereurs pour parler au nom de l'hu-manité, au nom du droit et de la justice.

En résumé, si les vieux protestants,les orthodoxes, aussi bornés et plusfanatiques encore que les plus dévotscatholiques, doivent être mis avec eux

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— 37 —dans le même sac, il est juste de faireune exception en faveur des protestantslibéraux, dont les articles de foi sont ré-duits au minimum.

La religion de ces derniers, épurée dela plupart des superstitions du christia-nisme, est une espèce de déisme ressem-blant beaucoup à celui du Vicaire Sa-voyard de Jean-Jacques. Ce sont presquedes libres-peiiseurs qui m'ont pas le cou-rage de leur opinion, des libres-penseurshonteux. Dans tous les cas, nous nousplaisons à reconnaître qu'ils sont, en gé-néral, républicains.

Nous sommes persuadé qu'au fur et àmesure des progrès de la science, à forcede diminuer leur vieux stock de préju-gés traditionnels, ils finiront par jeterleur Bible par dessus le» moulins etviendront carrément grossir les rangsdes esprits forts.

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CHAPITRE III

LE CULTE

§ i". — Les PrêtresLes prêtres no sont pas ce qu'un vain peuple pense :Notre crédulité fait toute leur science.

(YOLTAtBE.)

Chez les peuplades primitives dansl'antiquité ou à notre époque, le prêtreest l'homme qui conjure le mauvais sort,qui prévoit l'avenir, qui guérit les mala-dies au moyen de prières, d'incanta-tions, de formules ou de remèdes dont ila le secret ; c'est aussi lui qui commandeaux éléments, « qui fait la pluie et lebeau temps ».

En un mot il cumule les fonctions desorcier et de médecin.

Ces pouvoirs extraordinaires, il s'ef-force de faire croire qu'il les tient d'êtresInvisibles, d'esprits bienfaisants ou mal-faisants avec lesquels seul il est en rap-port. Et pour appuyer son dire, commeil est plus intelligent, plus savant, plus

,malin que les autres, il se livre à des

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jongleries, à des escamotages, à destours de passe-passe où ses compagnonsne voient que du feu, ce qui lui donnela réputation d'un être surnaturel.

Supposez Robert. Itoudin chez les sau-vages, ils en feraient immédiatement unsorcier, un prêtre, môme un Dieu.

Ce sont ces jongleurs, ces imposteurs,ces faiseurs de tours et de miracles, ces« thaumaturges » qui, dans leur propreintérêt, dans l'intérêt de leur ambitionet de leur bien-être, ont été partout lesfondateurs des religions.

A mesure que leur influence s'est ac-crue, que leur pouvoir s'est étendu, ilsse sont donnés comme les porte-voix,comme les truchements de la divinité.Ils ont parlé en son nom aux craintifsmortels et leur ont donné des ordres.

Alors que dans la tribu sauvage toutle monde peine et sue pour se procurerla nourriture quotidienne par la chasseet par la pêche, le prêtre-sorcier vit sansrien faire.

On le comble de présents pour se lerendre favorable ; on lui apporte du gi-bier et des fruits. Los viandes des sacri-fices offerts à la divinité, c'est lui qui lesconsomme en secret.

Ses loisirs, il les consacre à affiner

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son intelligence, à réfléchir, à étudiercertains phénomènes dont il parvient àpénétrer les causes, et de cette sprte, ilarrive à se donner une supériorité réellesur les misérables brutes que sont sescompagnons à peine sortis des limbesde l'animalité.

Dès le commencement de l'histoire,ces primitifs exploiteurs de l'ignorancen'ont pas tardé à se trouver en rivalitéavec un autre pouvoir, celui des chefsguerriers, des rois qui conduisaient lespeuplades à la victoire et leur procu-raient des esclaves et un riche butin.

Mais ces deux puissances n'ont pastardé à comprendre que l'union faisantla force, elles avaient tout intérêt à s'en-tr'aider et à ne pas se faire concurrencedans leur entreprise d'exploitation de lasottise des peuples.

C'est ainsi que dans les temps les plusreculés, quand les prêtres ne sont pasrois eux-mêmes, on voit s'allier le pou-voir spirituel avec le pouvoir temporel,le trône avec l'autel, le sabre avec le gou-pillon, comme nous disons aujourd'hui.

Le prêtre et le roi sont les deux vis dumôme pressoir qui exprime du peupleson sang, sa sueur et son argent.

L'histoire n'est pleine que de l'entente

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ou des rivalités de ces deux puissances :l'Eglise et la Monarchie. Que la royautédisparaisse, emportée par l'ouragan dela Révolution, c'est à la bourgeoisie, quilui succède, que vont les prêtres.Commel'aiguille aimantée se tourne vers le fer,l'Eglise est toujours attirée par l'argent.C'est son pôle naturel.

Le prêtre, se donnant comme le re-présentant de Dieu sur la terre, commeson interprète et son confident, a vouluqu'on le crût supérieur au reste de l'hu-manité.

Pour mieux en imposer aux masses,il a, ainsi que son allié le soldat, revêtuun costume bizarre ; il s'est mis à parlerune langue incomprise du vulgaire, et,pour montrer qu'il n'a rien do communavec les autres hommes, faits pour soreproduire, il a prononcé solennelle-ment un voeu contre nature, le voeu dechasteté, et s'est condamné au célibat.

Malheureusement pour nous, pournos femmes, pour nos filles et pour nossoeurs, l'habit ne fait pas le moine, ot,en dépit de tous ses voeux de chasteté,en y joignant ceux d'humilité, de so-briété et de pauvreté, le prêtre n'en estpas moins souvent paillard, orgueilleux,gourmand et cupide.

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— 42 —Les âmes les plus croyantes, les jeunes

ouvrières dévotes, les nobles daines, quibaisent pieusement les anneaux desévoques, ne peuvent s'empêcher de sou-rire lorsqu'elles entendent affirmer quejamais prêtre n'a succombé aux tenta-tions de la chair.

* *A l'origine, les prêtres, se modelant

sur les apôtres, n'étaient pas ce qu'ilssont aujourd'hui. Mais ies temps héroï-ques, où les chrétiens, humbles et pau-vres, ne cherchaient à convertir lespaïens que par l'exemple de leurs vertus,'n'ont pas duré de longues années. « Vousavez reçu gratuitement mes dons, disaitJésus à ses disciples, vous devez lesdonner de même. »

Et fidèles à ces instructions, les apô-tres des premiers temps, les confesseursde la foi, répandaient généreusement lesprières, baptisaient, administraient lessacrements, secouraient les affligés et lesmourants sans rien demander on rému-nération de leurs services.

Mais quand l'Eglise fut devenue puis-sante, quand elle eut solidement établisa domination sur les âmes, elle songeaà exploiter sa situation pour s'enrichir.

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— 43 —Grâce au pouvoir que les prêtres s'é-

taient arrogé de « lier et de délier »,c'est-à-dire de condamner ou d'absoudreles pécheurs, ils stipulèrent, à leur béné-fice, des conditions onéreuses pouroctroyer aux pénitents l'absolution.

Ils établirent un tarif gradué d'aprèslequel on pouvait se racheter des plusgrands crimes pourvu qu'on y mît leprix. Ce moyen, pour vivre on paix avecsa conscience, consistait à acquérir desindulgences.

Et de ces indulgences, il y en avaitpour toutes les bourses ; indulgencesde quarante jours, de dix ans, de vingtans, de cent ans ; il y en avait même deperpétuelles pour les grosses fortunes.

C'est pourquoi vous voyez assez sou-vent, heureusement moins souvent

•qu'autrefois, d'immenses richesses lé-guées aux prêtres pour des fondations•de messes et de prières à perpétuité.

Au seizième siècle, le commerce desindulgences atteignit un degré de scan-dale qui n'a pas été dépassé depuis. Onavait fini par les vendre dans les foires,comme les marchandises défraîchies etavariées que les camelots étalent surnos marchés. On les criait au rabais ;

« Achetez, achetez des indulgences,

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— 44 —hurlaient des moines débraillés et sans-vergogne ; pour douze sols qui ne vou-drait faire sortir du purgatoire sa mère,son père ou sa femme ? Achetez ! ellessont merveilleuses ; elles effacent lespéchés les plus épouvantables ; ellessont capables de remettre même le violde la sainte Vierge, s'il était possible H »

Voilà par quels délicats bonimentsles vendeurs d'indulgences attiraient lafoule et arrivaient à écouler leur mar-chandise illusoire.

Il faut dire, à la louange de notretemps, que d'aussi grossiers procédésne pourraient plus être employés sanssoulever le dégoût. Mais le commercedes choses saintes, notamment celuides indulgences, pour se faire d'unefaçon un peu plus décente, ne s'en pra-tique pas moins ouvertement, tous lesjours et dans d'énormes proportions.Encore maintenant des indulgences sontattachées aux chapelets, aux médailles,aux croix, aux images, à toutes sortesd'objets de piété, gris-gris,-amulettes etfétiches aussi grotesques que ceux usitéschez les peuplades anthropophages.

Rome, Lourdes, la Salette, Paray-le-Monial, etc., Rome surtout, ont la spé-cialité do ces bazars religieux, de ces

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— 45 —boutiques à treize sous de la dévotion ;grands dépôts, magasins centraux quiapprovisionnent toute la chrétienté.

Depuis le plus humble desservant devillage jusqu'au pape, tout le mondereligieux se livre au commerce de cettemarchandise frelatée et en tire quelqueprofit.

Parmi ces négociants en choses sain-tes, les uns végètent, tandis que d'autresplus ingénieux font d'immenses for-tunes : ces derniers sont les Dufayel,les Gôraudel, les Dubonnet du métierqui ont su inventer et lancer à force deréclames certaines spécialités. Ainsi,celui qui a trouvé a la dévotion à saintAntoine de Padoue » est certainementun mercanti de génie. Ce sont des mil-lions qui s'engouffrent dans les troncsdes chapelles où ce saint vend ses grâceset ses faveurs à beaux deniers comp-tants.

Le Louvre et le Bon Marché rappor-tent pour sûr moins à leurs administra-teurs et à leurs actionnaires que l'ex-ploitation dos chapelets, rosaires, mé-dailles, bouteilles d'eaux miraculeusesde Lourdes ou de la Salette et autresobjets indulgenciés, pour employer lejargon des dévots.

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— 40 —Mais ce n'est pas seulement à ces arti-

cles que se borne le commerce reli-gieux ; il en tient bien d'autres dans sesboutiques : l'Eglise fait payer les bap-têmes, les mariages, les enterrements,des prix variés selon la fortune présu-mée et la vanité des clients.

Il y a des mariages et des funéraillesqui coûtent plusieurs milliers de francs,en dépit de la soi-disant égalité chré-tienne. Les cérémonies les moins dispen-dieuses grèvent encore lourdement labourse des pauvres gens, qui se plai-gnent amèrement d'être écorchés,mais qui n'inspirent de compassion à.

personne, puisque la taxe qu'ils consen-tent à payer est absolument volontaire.

Voulez-vous des dispenses de faire-maigre, de jeûner, des dispenses pourvous marier entre parents ; voulez-vousfaire casser votre mariage religieux,etc., etc. ? Vous n'avez qu'à mettre Hmain à la poche et passer au guichet :

il ost toujours ouvert pour recevoirvotre argent.

Un article rare, qui se rencontre seu-lement dans la boutique papale aurayon de pure vanité, c'est le « titre denoblesse. » Si vous êtes incurablementatteint de la maladie des grandeur^

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_ 47 —

vous pouvez, moyennant plusieurs bil-lets de mille, vous faire nommer princeou comte romain.

Les curés et les fabriciens des églii'sneuves qu'on bâtit ou des vieilles qu'onrépare vous fourniront, à des prix va-riés, la satisfaction de voir votre nomflamboyer sur les vitraix peints ou surles piliers du choeur. La basilique duSacré-Coeur de Montmartre a payé sesarchitectes et ses entrepreneurs rienqu'en exploitant cette corde de la vanité.

Je n'ai pas encore parlé du trafic desmesses, qui est cependant le genre dtcommerce le plus pratiqué par les mar-chands de prières. Rien n'est plusscandaleux et plus comique à la fois !

Pour 30 sous (prix du diocèse de Paris),un'curé, affublé d'un costume spécial,vous donnera la représentation symbo-lique du crucifiement de Jésus-Christ etfera descendre le fils de Dieu clans unehostie qu'il avalera ensuite on la mouil-lant d'un peu de vin. Et il s'engagera à

se livrer à cet exercice autant de foisque vous le désirerez, à condition, bienentendu, que vous le rémunérerez exac-tement. Chacune de ses messes a le pou-voir, selon qu'elle est plus ou moinschèrement payée, d'abréger proportion-

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— 48 —nellement le séjour d'une âme au purga-toire.

Ce métier de libérateur d'âmes moyen-nant finance est un si bon métier quebeaucoup de prêtres, à qui on a payéd'avance beaucoup plus de messes qu'ilsn'en peuvent dire, écoulent leur stock,au rabais, à des confrères moins favo-risés.

Si nous n'étions pas tous au courantde ces pratiques commerciales et qu'onnous les rapportât comme usitées chezles Talapoins, nous ne voudrions pas ycroire.

Il nous faudrait encore parler descurés, qui, pour leur comptcparticulierou soi-disant pour en faire bénéficier j

dos oeuvres pieuses, vendent de l'huile, [

du vin, des liqueurs spiritueuses (j'allais \

dire a spirituelles »), des fruits, des lé- i

gumes, des montres, etc., le tout sans î

payer patente bien entendu, au détri- l

ment des vrais commerçants à qui ils ;

font ainsi une déloyale concurrence.Il nous faudrait citer les congréga- \

lions qui, alors qu'elles existaient, ven^ ,daient des produits pharmaceutiques, {

des elixirs de toutes sortes à base d'al-cool, qui tenaient des hôtels garnis, des j

agences de voyage, qui s'établissaient j

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— 49 —entrepreneurs de spectacles, de con-certs... On a dit dernièrement, à laChambre dos députés, qu'en Chine lescongrégations allaient parfois, ad majo-rem Dei gloriam, jusqu'à commanditer,sinon tenir des maisons de prostitu-tion !... Mais nous avons peine à croireque l'amour du lucre les pousse jusque-là.

Quelle conclusion tirer de ce mercan-tilisme effréné de l'Eglise ?

En faisant ainsi argent de tout, en per-mettant avec de l'or d'acheter des partsde Paradis, de libérer des âmes du Pur-gatoire, la religion catholique devraits'apercevoir qu'elle déshonore positive-ment son Dieu : sa justice est donc vé-nale, puisqu'il pardonne pour de l'ar-gent. Il n'est pas un magistrat sur terrequi ne se trouverait mortellement ca-lomnié si on l'accusait d'une pareilleinfamie.

D'un autre côté, cette religion, fondéepar un Dieu né dans une étable, filsd'un modeste charpentier, est devenuesans conteste une religion de gens ri-ches... Car, il n'y a pas à le nier, si pourêtre admis parmi les élus, il faut fairedes sacrifices d'argent les gueux, lesprolétaires seront seuls irrémédiable-

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— 50 —

ment condamnés aux peines éternelles,car seuls ils n'auront pas eu le moyen dese racheter.

Bien qu'à la honte de notre civilisationl'influence du prêtre soit encore aujour-d'hui beaucoup trop considérable, il con-vient pourtant de constater que la crisesubie actuellement en France à peu prèspar toutes les branches du commerce n'apas épargné le commerce particulier desprières, des indulgences et du rachatdes âmes du purgatoire.

A Paris, en ce commencement de siè-cle, il y a vingt-cinq pour cent des en-fants qui ne sont pas baptisés, vingt-cinq pour cent de mariages qui ne sontpas célébrés à l'église et vingt pour centd'enterrements civils.

De plus, chaque année, une cen-taine de prêtres, honteux du métierqu'on leur fait faire, s'évadent des sémi-naires et des presbytères en faisant cla-quer les portes, et rentrent dans la vieordinaire.

Quant à ceux qui restent par bêtise,par fourberie ou faute d'énergie suffi-sante pour conquérir une nouvelle situa-tion sociale, ils font si bien toucher dudoigt leur simplicité d'esprit, leur char-latanisme ou leur incrédulité, que tou>

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— 51 —

les jours ils dégoûtent de la religionquelque âme sincère.

Comment en serait-il autrement lors-qu'on voit ces humbles, ces représen-tants d'un Dieu né dans une écurie, en-flés de morgue et d'arrogance, se fairedonner du Monseigneur, de la Gran-deur, de YEminence"; ne fréquenter queles riches, s'asseoir dans les villages à latable des châtelains et n'implorer leciel que pour régner sur la terre par lapuissance et par la fortune ?

Combien ne voyons-nous pas de cesserviteurs du Dieu fils de Joseph le char-pentier, aspirer à la croix, non pas à lacroix douloureuse que Jésus portait surses épaules, mais à celle qui s'attacheimmodestement sur la poitrine ?

Comment peut-on avoir confiancedans la sincérité des prêtres, lorsqu'onles surprend, eux qui recommandent laprière pour obtenir du ciel les remèdesà tous nos maux, s'en allant sonner à laporte des médecins les plus en renomet fréquentant en troupe les stations bal-néaires au lieu de demander la guérisonde leurs maladies à Dieu, aux saints etaux diverses Notre-Dames qui ont la spé-cialité des cures impossibles ?

Comment peut-on affirmer leur désin-

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— 52 —téressement quand on constate qu'ilsl'ont argent de tout, qu'ils vendent desdispenses de tout, qu'ils trafiquent demesses, de parts de Paradis, de l'absolu-tion des péchés, que sais je encore?

On ne peut naître, ni mourir, ni se ma-rier sans leur payer quelque somme.

Le prêtre vit de l'autel, absolumentcomme l'aubergiste, écorcheur du voya-geur ; il n'y a de différence entre eux quel'orthographe du mot.

Certes, il serait injuste de dire que lesprêtres sont notoirement plus mauvaisque les autres hommes. Non, mais ils nesont pas meilleurs. Et ce qui ne sauraitleur être pardonné, c'est leur hypocrisie,c'est de se faire un piédestal de vertusque la plupart du temps ils ne possèdentpas.

Ce qu'on ne saurait leur pardonner,c'est de faire croire à un pouvoir qu'ilsn'ont pas, à un pouvoir imaginaire ; c'estd'entretenir chez les esprits faibles desespérances chimériques et de leur extor-quer ainsi de l'argent, procédé .malhon-nête qui tombe exactement sous le coupde l'article 405 du Code pénal, définis-sant l'escroquerie.

Nous espérons que dans un tempsprochain, le métier de prêtre sera aussi i

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— 53 —discrédité que celui de somnambule oude tireuse de cartes.

Nous avons, dans notre code pénal,un article qui punit d'un an d'empri-sonnement au moins, sans compterl'amende, quiconque aura extorqué desfonds à autrui en faisant croire à unpouvoir ou à un crédit imaginaire, ou enfaisant naître Vespérance ou la crainted'un succès, d'un accident, ou de toutautre événement chimérique.

C'est en vertu de cet article que sontpoursuivis les sorciers, les somnam-bules, les devins, les tireuses de carteset autres escrocs de diverses espèces.

Or, on est en droit de se demanderpourquoi les religieux, prêtres ou moi-nes, qui promettent ce qu'ils savent nepouvoir tenir, qui assurent l'exemptionde l'enfer ou la sortie du purgatoiremoyennant finance, qui font verser dansle tronc de saint Joseph ou de saint An-toine de Padoue, de l'argent pour la gué-rison des maladies, pour la récupérationd'objets perdus, pour conclure de beauxmariages ou pour réussir aux examens,etc., etc., on se demande pourquoi, envertu de quelle immunité ces menteurs,ces fourbes, ces escrocs, selon la défini-tion du Code, échappent aux justes lois ?

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„ 54 —Cependant il n'est pas besoin d'un

grand effort cérébral pour comprendrequ'il n'y a pas la moindre différence en-tre l'escroquerie religieuse et l'escroque-rie laïque. Dos deux côtés, ce sont exac-tement les mêmes procédés.

Si je voulais citer les faits d'escroque-rie bien caractérisés dont se rendentjournellement coupables les sorciers re-ligieux, cette brochure serait trop courtepour les contenir.

Dans toutes les églises de France, ondit des messes payées pour les âmes dupurgatoire, alors qu'il est impossible deprouver : 1° qu'il y a des âmes ; 2° qu'el-les survivent à notre corps ; 3° qu'il y aun purgatoire ; 4° que Dieu, tel que lareligion le définit, peut laisser fléchir sasuprême justice par l'argent versé auxprêtres.

Malgré l'impuissance absolue où sontles escrocs religieux de faire la preuvedes faits qu'ils avancent, ils ne laissentpas de demander à tout bout de champaux fidèles de l'argent pour le salut desâmes des trépassés. Si ce n'est pas làfaire croire à un crédit imaginaire et àune puissance chimérique capable defaire naître et de diriger les événements,je ne sais plus ce que parler veut dire.

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__ 55 —Quand nous aurons un gouvernement

radicalement républicain, un ministèreréellement radical, nous espérons bienque le ministre de la justice s'empresserad'enjoindre à ses substituts et procu-reurs de poursuivre les escrocs religieuxau même titre que les escrocs laïques.Rt en agissant de colle sorte, il n'auramême pas le mérite d'innover, il ne feraque suivre l'exemple donné par des paysqui passent pour beaucoup plus reli-gieux que la France.

Ainsi, en Italie, dans cette Italie deRome et de la papauté, on a vu plusd'une fois condamner des religieux quivendaient des objets bénits soi-disantmiraculeux.

A Florence, il s'est rencontré des ju-ges pour punir des escroqueries quisont honteusement pratiquées cheznous, au grand jour, sous l'oeil de ma-gistrats bénévoles : une religieuse ita-lienne s'est vue condamner parce qu'elleavait vendu très cher à une femme unscapulaire qu'elle devait coudre dans ladoublure des vêtements de son maripour l'obliger à garder la fidélité conju-gale.

Quand surgirontrils les bons juges, lesMagnaud libres-penseurs, qui feront

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— 56 —respecter par les escrocs de l'Eglise laloi depuis trop longtemps impunémentviolée ?

I 2. — Le Pape

Pas n'est besoin d'être un bien pro-fond psychologue pour constater quel'homme porte en lui-même l'instinctd'une servilité pour ainsi dire congéni-tale.

On prétend qu'en nous l'amour de laliberté est un sentiment inné, naturel.Quelle erreur ! Comme le chien,l'homme ne demande qu'à obéir, à êtrerudoyé, maltraité, et il lèche avec amourla main qui le mène rudement.

Ce fait, aussi humiliant qu'incontesta-ble, ressort de toutes les pages de notrehistoire, laïque ou religieuse.

Jetons simplement les yeux autour denous.

Ne voyons-nous pas dans les foules unbesoin irrésistible d'exalter, d'acclamer,de diviniser un personnage quel qu'ilsoit, aujourd'hui celui-ci, demain celui-là, selon les circonstances ?

Les tyrans les plus cruels, les plusfourbes, les plus immoraux ont été in-distinctement acclamés, qu'ils fussentrois, empereurs ou papes.

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— 57 —

C'est justement, en vertu de cet appétitde servitude, en vertu du goût invétérépour l'abaissement, l'humiliation, la vé-nération stupide, qu'il y a pu avoir etqu'il y a des rois, des papes et des em-pereurs.

Quand on songe à l'admirationqu'excite encore aujourd'hui ce malfai-teur qui se nomme Napoléon Ier ; quandon pense que parcourant un champ debataille au galop de son cheval qui fou-lait des blessés et des mourants, ceux-cise redressaient une dernière fois pourcrier : « Vive l'Empereur ! » on ne peutvraiment pas soutenir que le sentimentqui fait l'homme libre et fier soit unsentiment inné.

C'est ainsi que s'explique la souve-raineté pontificale, comme toutes lesautres souverainetés.

Ce nom de « pape », papa, c'estrà-direpère, désigna tout d'abord les chefs de laprimitive Eglise, les évêques.

Grâce à des intrigues, à des luttes lon-guement poursuivies, à travers les siè-cles» les évêques de Rome finirentpar s'af-fubler du titre de « souverains pontifes ».

Leur autorité, d'abord purement spi-rituelle, devint temporelle au moyen del'acquisition de nombreux territoires.

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— 58 —

Los mauvais germes forcément conte-nus dans tout pouvoir absolu, ne pou-vaient manquer de se développer dans lasouveraineté pontificale, ce qui suffiraità démontrer qu'elle ne peut être d'insti-tution divine.

Toutes les turpitudes, tous les excès,les vices, les abus qu'on a pu reprocherà certains rois ou à certains empereurs,se retrouvent, et souvent encore exagé-rés, dans l'histoire des papes.

Il faudrait n'avoir jamais ouvert unlivre d'histoire pour ignorer qu'il y eutdes pontifes, des vice-Dieu qui furentdes empoisonneurs, des assassins, desvoleurs, des pédérastes et des inces-tueux.

De ces deux mots, Vice et Dieu, le pre-mier seul peut leur convenir.

En dépit de tous ces crimes, de toutesces souillures, tel était l'abrutissementdes masses, qu'ils n'en restèrent pasmoins des pontifes souverains et incon-testés, aussi longtemps qu'il leur plut del'être, et qu'ils n'en furent pas moins vé-nérés comme des représentants directsde la Divinité sur la terre.

Il suit de là que Dieu fut le complicedes Borgia, des Jean XII, des Léon X,et, par le fait, aussi criminel qu'eux. Il

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a bien, en effet, été leur complice, puis-que, tout-puissant, il n'a pas révoqué,destitué, anéanti ces infidèles serviteurs,et leur a laissé, au contraire, le pouvoirexorbitant de « lier et de délier » et dediriger les consciences de toute la chré-tienté.

Lorsqu'un ministre garde des fonc-tionnaires qui pillent, volent et rançon-nent le public, si, le sachant, il les cou-vre de son autorité, il est aussi coupablequ'eux.

Si le régime parlementaire avait étéinstitué dans le gouvernement des âmes,jamais Dieu n'aurait pu résister aux in-terpellations que lui auraient attirées sesministres, les papes.

Il serait injuste de ne pas reconnaîtreque parmi tous les papes qui se succé-dèrent depuis le onzième siècle jusqu'àSarto, il y en eut d'intelligents et d'hon-nêtes, si toutefois on peut rester honnêteen laissant croire à des troupeaux d'es-prits faibles qu'on est supérieur à l'hu-manité et qu'on parle au nom d'un Dieu.

Dans les siècles de barbarie, le clergé,seul dépositaire de l'instruction et ayantacquis un certain degré de culture intel-lectuelle, était forcément supérieur à cesquasi sauvages qui furent nos ancêtres,

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— 60 —les Francs, Ostrogoths ou Visigoths. A

ce titre, les clercs, avec le pape à leurtête, rendirent d'incontestables services,et corrigèrent un peu la férocité de po-pulations ignorantes et bestiales.

Ce furent les temps héroïques de lapapauté, durant lesquels elle mit parfoissa redoutable autorité morale au servicede la justice et de l'humanité. Mais cestemps-là ne durèrent pas plus que lamodestie et l'humilité de ceux qui s'inti-tulaient « les serviteurs des serviteurs deDieu ». L'ambition du pouvoir, la soif desrichesses et des jouissances matériellesne tardèrent pas à gangrener jusqu'auxmoelles l'Eglise et ses chefs. Les scan-dales qu'ils étalèrent cyniquement à tousles yeux furent tels qu'une révolutionfinit par éclater, provoquée par le moineLuther, et qu'une religion nouvelle sedressa devant l'Eglise romaine, « cettegrande Prostituée, » comme l'appelaientles protestants.

Depuis cette époque, les papes échau*dés se sont un peu mieux surveillés, etont cessé, en apparence du moins, d'af-fliger le monde chrétien du spectacle deleurs faiblesses et de leurs déborde-ments.

On imagine difficilement qu'aujour-;

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— 61 —

d'hui un nouveau Borgia pourrait impu-nément et sans faire courir des risques àla religion, empoisonner une longue sé-rie de personnages et coucher avec safiile au su et au vu de toute la sociétéromaine.

Au point de vue. des moeurs, les papesmodernes se tiennent beaucoup mieux,c'est incontestable, que leurs prédéces-seurs, mais ils sont aussi présomptueux,aussi ambitieux, aussi autoritaires, aveccependant des différences dans l'habileté.Le plus fin, le plus politique aété l'avant-dernier évoque de RomeLéon XIII.

Au lieu d'imiter la conduite mala-droite de Pie IX, auquel il succédait,qui, avec son Syllabus, son Imma-culée-Conception et son Infaillibilité,jeta un défi au bon sens et à la raison,Léon XIII s'efforça au contraire do mo-derniser la Religion et de la rendre ac-ceptable par la démocratie.

C'est à lui qu'on doit le soi-disant ral-liement des dévots à la République etl'institution du socialisme chrétien.

Ce fut lui qui souffla c-nr les yeux deSpuller avec son esprit nouveau, et dansle trombone de Lavigerie pour en fairesortir le chant de la Marseillaise.

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— 62 —Malgré toute son habileté, Léon XIII,

qui a su pourtant faire tomber à sespieds l'empereur Guillaume et le roid'Angleterre, n'est pas arrivé à consom-mer l'union impossible qu'il avait tentéeentre la République française.et l'Eglisecatholique, accouplement aussi mons-trueux que celui de la carpe et du lapin.

Son successeur, l'ex-gondolier Sarto,ne se pique pas de finesse, lui : C'est unesprit simple et droit incapable do dissi-muler ses sentiments.

Aussi, d'emblée, a-t-il, en mettant lespieds dans le plat, provoqué en Francela séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Ce faisant, il a montré que la<barquede SaintPierre ne se manoeuvre pascomme une gondole.

La religion chrétienne ne se relèverapas de ce coup de massue et le pouvoirpontifical lui-môme s'effondrera au mi-lieu des innombrables schismes qui vontse produire.

C'en est fait de la tyrannie pontificale ;

le flot monte qui submergera la souve-raineté spirituelle, comme il a submergédéjà, dans une grande partie de l'Eu-rope, le pouvoir temporel des despoteslaïcs.

Les sciences et le libre examen ren-

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— 63 —verseront les vieilles idoles religieuses,et l'on peut prévoir que dans un avenirprochain, « la raison finira par avoirraison. »

Après avoir parlé des prêtres, qui sontles ministres du culte, nous abordons leculte lui-môme.

Une de ses premières manifestationsest :

§ 3. — La prièrePour peu qu'ont y réfléchisse, la prière»

est non seulement illogique, mais abso-lument injurieuse pour la divinité,quelle quelle soit, à qui elle s'adresse.

Puisque Dieu est; souverainementjuste, puisqu'il sait tout, puisqu'il pénè-tre au fond de nos coeurs et nous jugenon seulement sur nos actes, mais surnos, intentions, il est tenu, sous peine dementir à son essence même, de nous pu-nir ou de nous récompenser « selon nosmérites, » soit dans cette vie, soit dansl'autre,, Dès lors, à quoi bon le prier ?

Pensons-nous donc qu'il est accessibleà la vanité, et que les louanges peuventchanger ses déterminations ? Ce serait lerabaisser au niveau de l'humanité ; ceserait lui faire jouer lo rôle ridicule ducorbeau do la fable vis-à-vis du renardlouangeur.

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_ 64 —La prière est donc non seulement inu-

tile, mais, nous le répétons, insultantepour Dieu.

Si l'on veut maintenant considérer cequi fait l'objet habituel de nos prières, onsera forcé de nous donner raison.

Généralement, on prie Dieu pour enobtenir une faveur : les conscrits pieuxet leurs parents, quand nous avions laconscription, lui demandaient de fairesortir de l'urne un bon numéro"; les mé-decins pieux lui demandent de leur fairegagner de l'argent ; les cultivateurs despays où domine la sécheresse réclamentla pluie, et peux des pays où il pleut tropprient pour que la pluie cesse.

Mais, comme dit le proverbe, ce quifait le bien de- l'un fait le malheur del'autre : le conscrit no tire un bon nu-méro qu'au détriment de son voisin quiaurait pu avoir cette chance ; le médecinne voit prospérer ses affaires qu'à condi-tion qu'il y ait beaucoup de malades ; lesagriculteurs qui obtiendraient 'de lapluie par leurs prières nuiraient auxcultivateurs d'autres régions qui, pourd'autres produits, ont besoin de séche-resse, etc., etc.

Il suit de là qu'adresser à Dieu une deces prières qui, exaucée, entraînerait ÎP

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^malheur ou la ruine d'autrui, c'est luifaire injure, puisque c'est le supposer«capable d'injustice.

Il faut vraiment ne pas avoir de sensmoral pour demander à Dieu des « fa-veurs », ce mot seul impliquant UV.Ôchose en soi injuste, car il signifie ce àquoi l'on n'a pas droit. Comprend-onDieu souverainement juste et souverai-nement bon se laissant influencer pardes prières, par des paroles flatteuses,par des louanges, pour accorder à quel-qu'un ce qu'il n'a pas mérité ?

Comme, du reste, il ne peut contenterà la fois tous ceux qui l'assiègent deleurs prières contradictoires, on est bienforcé d'admettre que la meilleure solu-tion pour lui est de se boucher les oreil-les,. C'est pour cela sans doute qu'on voitdes trains de pèlerins réduits en capilo-tade ou des églises s'effondrer sur lesfidèles en priôros...,

Mais ce n'est pas tout. Les croyantsvont encore bien plus loin dans leur fa-çon basse et méprisante de concevoir ladivinité. Pour déterminer Dieu à leuraccorder co qu'ils désirent, ils n'hésitentpas à faire sur lui dos tentatives de cor-ruption 111 Et quand je parle de Dieu,j'entends également les saints qui pas-

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— 66 —sent pour servir d'intermédiaires entre-les hommes et la divinité.

On donne de l'argent aux prêtres pourdire des messes en faveur dos âmes dupurgatoire ; les chapelles où sont ado-rés saint Antoine de Padoue, saint Jo-seph et tant d'autres saints réputés pourleur influence auprès de Dieu, voientleurs troncs se remplir d'argent ; on.achète des indulgences, comme auxtemps qui ont précédé la Réforme ; onachète des permissions de faire gras,des licences de se marier aux époquesprohibées par l'Eglise, etc., etc.

Tous ces commerces scandaleux ontété déjà suffisamment signalés pour qu'ilsoit besoin d'insister.

En résumé, ces pratiques, du plus-grossier fétichisme, prouvent avec la der-nière, évidence que les croyants, quoi-qu'ils en disent,, ne comprennent pasDieu comme un Etre suprême, infini-ment bon et infiniment juste, mais qu'ilsb ravalent même au-dessous de la mora-lité moyenne de l'humanité.

En effet, chez tout peuple civilisé, unhomme puissant qui se laisse fléchir pardes prières et par des présents doit en-courir le mépris public. Si c'est un juge,comme Dieu en est un, on l'appelle pré-

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— 67- —varicateur, vénal ; si c'est un fonction-naire, on l'appelle concussionnaire, etil est exposé à toutes les sévérités IÏUCode pénal.

Un Dieu qui se rendrait coupable desforfaitures dont les croyants le suppo-sent capable, mériterait d'être condamnéau bagne sans circonstances atténuantes.

Tout cela est une preuve entre milleque l'homme, impuissant à rien com-prendre de ce qui est au-dessus de sonintellect, naturellement borné, s'est faitun Dieu à son image, et l'a doté, sanss'en apercevoir, de ses infirmités, de sesvices, do ses faiblesses les plus coupa-bles.

Toutes les religions sont plus oumoins tombées dans ces enfantines con-tradictions.

§ 4. — La Messe

Personne n'ignore que les religionsprimitives, concevant Diou comme unêtre humain, ont institué les offrandescomme moyen de l'adorer et d'en obtenirdes faveurs.

Les Juifs étaient persuadés que Jého-vah se délectait à l'odeur des chairs d'a-gneau ou de mouton grillées et que par-

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— 68 —dessus tout il appréciait les sacrificeshumains, .-r témoin ce malheureux pèreAbraham, qui voulut immoler son filspour être agréable à Dieu. .-.•'.

Les chrétiens, héritiers du bagage re-ligieux des Juifs,, n'ont pas renié cettetradition ; mais; ^pour différencier leurculte d'avec celui des Hébreux, ils ima-ginèrent de remplacer la viande des ani-maux de boucherie'par celle du Christlui-même,, du Christ^Dieu changé enhomme et devenant chair et sang aumoment de la consécration de l'hostiepar le prêtre. v

La messe n'est autre chose que la r'e-'présentation figurée, avec ou sans.mu-sique, do ce drame sanglant.

En effet, dans la messe, où office divin,Jésus, sous la forme humaine, «' s'offreon sacrifice à Dieu son père, et se donneà manger aux fidèles » (sic).

Quelle invention bizarre de cerveauxdétraqués que ce Dieu comestible qui,heureux d'être avalé et digéré, s'incarnechaque jour et à chaque instant dansdès milliers d'hosties, partout où Toncélèbre une messe I

' « Ce saint sacrifice » étant considérécomme le moyen le plus efficace de s'at-tirer les bonnes grâces de Dieu lo père,

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les prêtres en ont fait naturellement unobjet de trafic. La messe tarifée à diffé-rents prix — il y en a pour toutes, lesbourses — est. la monnaie avec laquelleon délivre les âmes des supplices duPurgatoire.

La représentation du sacrifice divin,très simple dans les commencementsdu christianisme, s'est agrémentée par lasuite des siècles de toutes sortes d'acces-soires. Aujourd'hui, c'est une véritablereprésentation théâtrale, dont la musi-que est la partie la plus appréciée,; —car, en dehors des chants, le public n'ypeut rien comprendre, toutes les parolesde ce drame étant empruntées au latinet parfois au grec. Les gestes, les alléeset .venues dos prêtres, leurs attitudes,leurs génuflexions forment une panto-mime, mais pou expressive, — c'est uneespèce de danse sacrée, dont le sens s'estperdu, même pour les acteurs.

Grâce à la musique et au décor, grâceaux brillants costumes des prêtres offi-ciants, on a pu dire, sans exagération,que la messe est l'opéra de ceux qui nopeuvent pas aller au théâtre, l'opéra despauvres.

C'est dans la mise en scène que detout temps a brillé le culte catholique.

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— 70 —

% 5. — La Confession

L'usage de la confession remonte àune assez haute antiquité.

Dans le principe, les Juifs, à certainesfêtes solennelles, se confessaient les unsaux autres.

Les chrétiens, qui ont emprunté auxJuifs, comme nous l'avons déjà dit,presque tous leurs dogmes et tousleurs rites, n'eurent garde d'oublier laconfession, dont ils surent tirer un mer-veilleux parti pour dominer les hommesen connaissant leurs plus secrètes pen-sées. /

Ce furent naturellement encore lesprêtres qui se réservèrent de pénétrerainsi au fond de l'âme des fidèles.

Pour s*assurer ce privilège inouï,ils affirmèrent qu'ils avaient reçu deDieu le pouvoir de « remettre les pé-chés. »

On se demande^ avec stupéfaction,comment ceux qui vont à confesse nose tiennent pas le raisonnement sui-vant, d'une simplicité pourtant élémen-taire :

« Puisque Dieu sait tout> il connaîtaussi bien que moi tous mes péchés (ilsavait même d'avance que jo les com-

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— 71 —mettrais); à quoi bon, dès lors, les luiconfesser par l'intermédiaire d'un per-sonnage quelconque, laïc ou prêtre ?

» Et puisque, le repentir est la condi-tion absolue de la remise desdits pé-chés, je n'ai besoin de personne pourme repentir. C'est affaire entre Dieu etmoi.... »

Il y a belle lurette que les protestantsont compris la justesse de ce raisonne-ment et qu'ils ont supprimé, dans leurnouvelle religion, la confession auricu-laire.

Ils se confessent directement à Dieu,ce qui est un peu moins absurde, tout-en l'étant encore suffisamment, puisqueDieu, par définition môme de ses attri-buts, n'ignore aucune des pensées de sescréatures...

Et ceux qui se confessent directement-ou par l'intermédiaire d'un prêtre nefont autre chose qu'avouer des actes ré^préhensibles déjà connus de Dieu, au-quel ils s'adressent.

Une des plus hautes autorités de l'E-glise, saint Jean Chrysostome, n'est pasd'un autre avis que les protestants, puis-qu'il disait au peuple dans sa cinquièmehomélie :

« Confessez-vous continuellement à

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— 72 —Dieu ; avouez vos péchés, vous les cèle-riez en vain à Celui qui connaît touteschoses. »

Seulement, cet excellent Chrysostomene semble pas avoir compris dans quelle-grossière contradiction il tombe, puis-qu'il est parfaitement inutile d'avouerà Dieu, soit directement, soit indirecte-ment, ce qu'il connaît déjà.

C'est ce qu'on appelle vulgairementporter de l'eau à la rivière.

Nous avons dit que la confession estimmorale. Rien n'est plus facile à dé-montrer.-

Pour que nos lecteurs en fussent, àtout jamais convaincus, ils n'aiiraientqu'à lire l'examen des cas de consciencetels qu'ils sont énumérés dans les ou-vrages des plus célèbres confesseurs,notamment des Jésuites.

Ils y verraient, au point de vue desmoeurs, et en co qui concerne particu-lièrement les rapporte entre garçons etfilles ou entre époux, les détails les plusrévoltants, les plus cyniques que l'ima-gination la plus dépravée ait jamais puinventer.

Le journal la liaison a publié jadis desextraits des Diaconales, le livre officiel,classique qui est mis entre les mains des

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— 7.3 —élèves de Saint-Sulpice pour les prépa-rer à confesser, quand ils seront prêtres.C'est un recueil de questions ordurièresà faire rougir les corps de garde. Le seulfait de les avoir publiées dans un journala valu à l'éditeur d'être poursuivi et con-damné on police correctionnelle 1

Et ce sont cependant les questionsqu'un jeune prêtre est tenu d'adresseraux jeunes filles parfois innocentes quiviennent se confesser à lui.

Un père de famille qui apprendraitque sa fille a été attirée dans un coinobscur par un drôle qui lui a fait voir lesobscénités des cartes transparentes etqui s'est plu à les lui commenter, tom-berait certainement à coups de pied et àcoups de poing sur un pareil malfai-teur.. Eh bien I ce même père de familleaccordera ce droit monstrueux à unhomme quelconque revêtu d'une sou-tane.

Le prêtre peut donc impunément com-mettre les plus répugnants outrages à lapudeur, et c'est avec votre assentiment,messieurs les papas et messieurs les ma-ris I

Michelot, notre grand historien, disaitqu'en Franco les jeunes filles sont préco-ces parce que « la confession les avance ».

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— 74--Et il avait raison.Sans compter que quelquefois, la pé-

nitente amoureuse de son curé, quand ilest beau et bien bâti, est obligée de lelui avouer...

Or, tous les confesseurs n'ont pas lacontinence de Joseph à l'endroit deMadame Putiphar.

On pourrait écrire un volume sur l'ab-surdité et les dangers de la confession.Elle introduit l'autorité d'un tiers dansla famille et met le prêtre entre les en-fants et le père, entre la femme et lemari.

Une dos plus grandes immoralités 1 dela confession, c'est qu'elle autorise cer-tains pécheurs à retomber indéfinimentdans les mômes vices et à commettrede nouveaux crimes, une fois l'absolu-tion obtenue.

Il y a des dévotes qui se confessenttous les quinze jours, ou tous les moisavec la même régularité qu'elles donnentleur linge sale à la blanchisseuse. Quandelles ont lessivé leur conscience, ellesrecommencent à pécher avec l'assuranced'avoir encore l'absolution. Il suffit,pour cela, qu'elles se repentent; or, il estbien rare, à moins d'être un criminel en-durci, de ne pas se repentir d'une mau-

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— 75 —vaise action. L'ivrogne ne jure-t-il passincèrement qu'il ne boira plus ?

Louis XI et la Brinvilliers,- qui furent<le grands criminels, se confessaientpresque tous les jours.

§ 6.—-

L'a Communion

Dans le banquet d'adieu qui réunis-sait ses disciples, Jésus leur avait diten leur montrant du pain et du vin :

« Mangez et buvez, ceci est ma chair,ceci est mon sang. »

Aucun des convives, évidemment, noput se tromper sur lé sens symboliquede ces paroles, mais plus tard, certainscommentateurs des Evangiles préten-dirent que le Christ s'était bien réelle-ment offert en personne, en chair et enos, à l'appétit des croyants. Les prêtres,se conformant à cette ridicule interpréta-tion, crurent devoir chercher un moyencommode de rendre Dieu comestible. Ilsassurèrent qu'en prononçant certainesparoles magiques, ils avaient le pouvoirde faire descendre Dieu dans une espècede pâte légèro, d'ingurgitation et de di-gestion faciles. Et c'est ainsi que fut éta-bli le Saint-Sacroment do l'Eucharistie

— ou Communion.

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— 76 —Lorsqu'après la confession, la péni-

tence et l'absolution le pécheur se trouvesuffisamment bien lavé de la souillure-du péché, l'Eglise lui permet de « s'ap-procher de la Sainte Table ». Et là, Dieului est servi, en guise de petit déjeuner,par l'officiant, une serviette (étole) sur lebras.

Pour que le Christ, au moment où ifdévale dans l'estomac du pieux client,no s'y trouve pas en compagnie derestes d'aliments, comme par exempledu café au lait du matin, les commu-niants, sous peine de sacrilège, doiventêtre à jeun au moins depuis la veille.

Mais cette précaution nous semblebien illusoire, puisqu'immédiatementaprès la communion le communiantpeut manger aussi copieusement qu'ilvoudra. Le corps de Jésus-Christ seradonc forcément mélangé avec le bifteckaux pommes, subira comme ce vulgairealiment les actions chimiques des sucsgastriques et entrera, notablement trans-formé dans la circulation où il voyagera,à travers les intestins, jusqu'à... la sortiefinale Pouah ! jetons un voile surcette fin, par respect pour nos lec-teurs t

Les théologiens expliquent (?) qu'aprèsi

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— 77 —la consécration de l'hostie il ne reste plus•que les apparences du pain et dû vin.C'est du pain qui n'en est pas et du vinqui n'en est pas non plus. Dieu remplaceces substances, et il se trouve non pasdans le milieu, ou dans une partie quel-conque de l'hostie, mais partout, jusque«dans la moindre de ses miettes si onvenait à la rompre.

Donc on peut briser l'hostie sanss'exposer à casser les reins à Jésus-Christ.

Ce phénomène bizarre de la trans-substantiation (ouf I), bien moins facileà faire avaler que la gaufrette divine,n'a pas manqué, c'était assez naturel,d'être mis en doute par nombre de théo-

-logiens récalcitrants. Cent mille miettesde pain qui ne font qu'un Dieu l C'estencore moins compréhensible que la

'Trinité, ce qui n'est pas peu dire 111 y a*eu de très saints personnages qui se sontrefusés à y croire. De là des schismes-qui ont ensanglanté longtemps l'histoire'religieuse, car on ne se passionne fanati-quement que pour les choses qu'on ne•comprend pas.

Ça été une des causes de la Réforme,*de la naissance du protestantisme.

.Nous avons dit précédemment que la

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— 78 —Communion a eu pour origine certaines,paroles soi-disant prononcées par Jésus-Christ dans la Cène ou repas offert à sesapôtres. Mais jamais cette idée, absolu-ment barroque, de donner Dieu en pâtureaux fidèles n'aurait pu germer dans lescerveaux des prêtres s'ils ne s'étaientinspirés des exemples de leurs ancêtrespréhistoriques — qui étaient anthropo-phages. La Communion est certainementune survivance des époques lointainesoù à peu près partout les guerriers man-geaient les cadavres

-, ou le plus souventles parties nobles, la cervelle, le coeur oules yeux des chefs vaincus. C'était pours'incorporer, pour s'assimiler leur forceet leur vaillance.

Cet usage existe encore aujourd'huichez les peuplades sauvages.

Un capitaine de vaisseau, de mes amis,feu le commandant CheVé, qui étaitpoète à « ses heures de quart », a ra-conté que, dans un de ses lointainsvoyages, il s'était lié d'amitié avec un su-perbe nègre, une espèce de géant, qu'ilnommait son Tayo. Obligé de s'absenterpour une expédition qui dura assez long-temps, lorsqu'il revint on lui apprit queson pauvre ami avait trouvé un tombeaudans l'estomac du grand chef de la tribu,,,

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— 79 —

un vieillard perclus de rhumatismes etcouvert de dégoûtants ulcères.

Pour cclaircir son sang par la lymphe épaissiEt pour s'incorporer sa jeunesse et sa force,Le roi l'avait mange sur un grand plat d'écorco

De patates farci

En remontant à la plus haute anti-quité, on trouve que, plusieurs milliersd'années avant Jésus-Christ, c'était unehabitude traditionnelle chez les Egyp-tiens de se nourrir, en certaines circons-tances, de leurs Dieux. C'est pourquoisans doute ils en. avaient choisi quioussent la chair succulente, comme leboeuf Apis, par exemple.

Mais c'étaient surtout les morts qu'ilssupposaient friands de chair divine. Oncroyait que, dans l'autre monde, ils don-naient la chasse aux Dieux, comme à undélicat gibier. C'est le savant égypto-logue Maspero qui a découvert cet inté-ressant détail en lisant un texte hyéro-glyphique des Pyramides de Saggarah.« Lé roi Ounas, dit ce texte, est parti pourla chasse aux Dieux avec une suite nom-breuse de génies. L'un d'eux lance lelazzo sur eux, les capture et les amèneau Mort. Un troisième les renverse et leslie ; un quatrième leur fend la gorge et

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— 80 —leur ouvre le ventre pour en tirer les en-trailles.

» L'abatage terminé, la cuisine com-mence : les cuisses des Dieux et desDéesses sont mises dans le chaudron brû-lant puis servies au roi. Les plus grandsdes Dieux sont pour le repas du matin ;

les moyens pour le rôti ; les petits pourle repas du soir ; les plus vieux et les.plus vieilles sont cuits au fùur. »

Le résultat de ce festin, c'est que,•comme dit le texte, « Ounas prospère,car les vertus des Dieux sont dans sonventre. »

Après cette lecture comment ne pasêtre convaincu du rapport étroit qui unit

;cette théophagie égyptienne à la théopha-.gie pratiquée actuellement dans la Com-munion catholique ?

Aux chrétiens qui seraient tentés derire de ce que les Egyptiens mangeaientleur Dieu sous la forme d'un boeuf (Apis),nous rappellerons que dans la religioncatholique, apostolique et romaine, « lepoisson » représente le corps même deJésus. Et saint Augustin dit en proprestermes : Piscis assus Christus est — lepoisson frit, c'est le Christ l

Cette idée enfantine qui consiste àcroire qu'on peut s'incorporerles qualités

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— 81 —réelles ou supposées d'un être quel-conque en le mangeant, cette idée ahanté tout le Moyen-Agé. Dans les Bes-tiaires, qui étaient les ouvrages d'histoirenaturelle de cette époque, il est dit quepour être courageux il faut manger lecoeur d'un lion ; pour être rusé, le coeurd'un renard, etc. D'où cette conséquencetoute naturelle que, pour être fort contrele vice, contre les tentations du démon, ilfaut manger Dieu...

On nous permettra de demander auxthéologiens comment ils font s'accouderles merveilleux effets de la grâce divineavec ce que nous rapporte l'histoire ausujet de certains mangeurs de bon Dieu.Ainsi Louis XI, modèle de piété, maisnon de vertu, communiait fréquemment:-et il s'est souillé de Irès'vilatns crimes ensortant de la « Sainte Table ».

L'assassin du prince d'Orange, dont lamain avait été armée par les Jésuites, etRavaillac, le meurtrier du bon roi Henri,avaient dûment communié avant de com-mettre leur crime, afin de ne pas man-quer leur coup.

Nous avons déjà dit que les deux fa-

meuses empoisonneuses du temps deLouis XIV, la Voisin et la Brinvilliers,communiaient presque tous les jours...

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— 82 —Il y a lieu d'être étonné de ce que ces

malfaiteurs n'ont pas été empêchés d'ac-complir leurs forfaits par le Dieu qu'ilsavaient dans le ventre !

CONCLUSION

Cet opuscule, tout incomplet qu'il soit,suffira, nous l'espérons, à ceux qui vou-dront bien le lire de jonne foi, sans partipris, pour les convaincre de l'absurditéde toutes les Religions et de leur parfaiteinutilité.

S'il y a encore beaucoup trop d'espritsentônébrôs par des croyances d'un au-tre &gc> ces ténèbres, épaissies à plaisirpar les prêtres exploiteurs de la sottise etde l'ignorance, se dissiperont devant leFlambeau de la Science, comme lesbrouillards du matin s'évanouissentquand le soleil paraît au-dessus de l'hori-zon.

Ici, nous croyons nécessaire de ré-pondre à une objection cent fois adres-sée aux libres-penseurs et qui consisteà dire : « De grands savants, dos intel-lectuels de premier ordre ont cru eni Dieuet pratiqué les cérémonies du culte : vousn'avez donc pas le droit de déclarerineptes cette croyance et ce culte I »

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— 83 —On pourrait répondre en citant les

noms d'hommes illustres qui ont été deparfaits athées, mais l'objection n'ensubsisterait pas moins. C'est par d'autresarguments qu'il la faut combattre. Toute-fois, il est bon de faire observer que tousles hommes célèbres ne sont pas parfaits,qu'ils ont des tares, des lacunes dans lecerveau. Aristote, le grand Aristote, parlequel a juré tout le Moyen-Age, a sou-tenu la légitimité de l'esclavage, Pôriclèsétait grossièrement superstitieux, Pascalavait des hallucinations, Honoré Balzaccroyait aux pressentiments, Victor Hugoà la fatalité du nombre 13, etc., etc.

Il y a des philosophes qui ont prétenduque le génie est une névrose, une mala-die mentale, et qu'entre le génie et lafolie la ligne de démarcation est souventbien étroite. Le philosophe italien Lom-broso a écrit un gros livre pour soutenircette thèse. Tout le monde a pu autour dosoi faire des observations qui confirmentcette opinion. Ainsi il est reconnu que lesmathématiciens, en dehors des nombresot des grandeurs, raisonnent souvent àfaux lorsqu'ils veulent appliquer la ri-gueur de leurs démonstrations aux véri-tés essentiellement délicates et relativesde la philosophie ou do la politique. On

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— 84 —disait du célèbre mathématicien et musi-cien Philidor « qu'il était un imbécile degénie ». Nombre d'artistes, de savants,de médecins, plus illustres les uns queles autres, une fois sortis de la spécialité

.où ils excellent, sont de la plus pitoyablemédiocrité.

On a souvent cité l'exemple de Pasteurqui, en dépit de sa science profonde, étaitdemeuré religieux. Pourtant il est impos-sible de concevoir que ce naturaliste, cemédecin, ce physiologiste, cet incompa-rable chimiste ait pu croire sérieusementque Dieu créa la femme avec la côte d'un

homme ; que la lumière a existé ayant lesoleil ; que cet astre tournait autour de la

.Terre quand Josué l'a arrêté ; que Noé apu enfermer dans un bateau les milliardsd'êtres existant sur le globe avec la nour-riture nécessaire à leur subsistance;qu?une baleine, qui ne peut manger quede petits poissons, a avalé Jonas et quecelui-ci a vécu trois jours dan« l'estomacde ce cétacé, etc.

Pasteur, qui a dû toutes ses dé-couvertes à la rigueur de sa mé-Hiode, à la rectitude de son jugement,qui n'admettait que les faits cent fois con-trôlés par ses expériences, n'a pas sérieu-sement pu ajouter foi à ces miracles do la

;

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— 85 —Bible qui sont la négation même des véri-tés scientifiques.

Pasteur a été tout simplement un ti-mide, un de ces savants qui ne sont har-dis et novateurs que dans leur labora-toire e,t qui, en dehors de la science, sontrestés naïfs et crédules comme des en-fants. Peut-être aussi, et le cas est fré-quent, pensait-il qu'en n'allant pas à lamesse, en niant tout ce qu'il entendait,affirmer autour de lui, il pouvait se créerdes ennemis dans sa famille, dans sesrelations, clans sa carrière. Il ne faut pasoublier que les libres-penseurs, au tempsde la jeunesse de Pasteur, et môme dansson âge mûr, étaient en bien petit nom-bre et fort mal vus par l'Université.

Au surplus, il ne s'est jamais montréun croyant bien fanatique, puisque lui-môme raconte dans ses lettres qu'il em-portait à la messe, pour les lire, des ou-vrages profanes de philosophie plus oumoins spiritualiste, mais qui n'étaient,pas des livres de prières.

Peut-être aussi appartenait-il à cetteécole de sentimentaux qui veulent de laReligion pour le peuple, pour los mal-heureux, parce que le mensonge reli-gieux est un pieux mensonge, un> men-songe consolant.

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— 86 —Mais qu'importe, après tout I En ma-

tière de Religion, Pasteur dit oui-, Ber-thelot dit non ; que les deux grands chi-mistes se débrouillent. Nous tenons pourBerthelot, parce qu'il raisonne son incré-dulité, tandis que Pasteur n'a jamais rai-sonné sa foi ; il est vrai que la Foi et laRaison s'excluent d'une manière abso-lue.

Quoi qu'il en soit, les progrès de lalibre-pensée et du rationalisme se mani-festent sans qu'on puisse les contester.Des symptômes irrésistibles annoncentl'effondrement certain do la Religion ; cen'est plus qu'une affaire de temps.

La séparation des Eglises et do l'Etata été la commotion sismiqùe qui aébranlé jusque dans ses fondements cevieil édifice vermoulu.

-

Tous les prêtres avisés et hon-nêtes, dont l'enseignement religieux n'apas tout à fait atrophié le cerveau, jettentles uns après les autres leur soutane auxorties.

Il ne restera bientôt plus dans lesrangs du clergé régulier ou séculier quelos plus faibles d'esprit ou de caractère,ceux qui n'auront pas eu l'intelligence oule courage de se faire une nouvelle exis-tence.

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— 87 —Si les églises ne sont pas encore dé-

sertes, comme elles le seront plus tard,cela tient moins à la persistance de lafoi qu'à la force de l'habitude. Mais cettohabitude de la pratique religieuse, on lavoit, diminue de jour en jour. Il y a une:trentaine d'années seulement, les enter-rements civils étaient des plus rares ;

«quant aux mariés qui ne se faisaient pasbénir par les prêtres, on n'en avait ja-mais entendu parler...

Aujourd'hui, les morts qui ne passentpas par l'Eglise sont presque aussi nom-breux que ceux qui sdnt enterrés catho-liquement. Et encore, parmi ces der-niers, combien n'y a-t-il pas de libres-penseurs dont la famille n'a pas respectéles sentiments irréligieux de toute leurvie ? Les mariages civils deviennent deplus en plus fréquents et il y en aura au-tant que d'unions consacrées par l'Eglisele jour où les sociétés de libre-penséeauront organisé dans chaque mairie uncérémonial laïc avec fleurs et musique.

Donc ayons confiance dans l'avenir etcontinuons, libres-penseurs, mes amis,notre oeuvre dé propagande et de UjtTéTu]\succès final est prochain. /^ 'A

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TABLE DES MATIÈRES

PagesPRÉFACE. — La nécessite de la propagande

. . 3

CHAPITRE 1er. _ Lc JUDAÏSME 7

CHAPITRE II. — Le CHMSTIANISME .... Il| 1er. — Le Catholicisme 2o§ 2. — Le Protestantisme 31

CHAPITRE III. — Le CULTE 38

§ 1er. _ Les Prêtres.

38§ 2. — Le Pape 50| 3. — La Prière o3§ 4. — La Messe 67§ 5. — La Confession.

. .? 70§ G. — La Communion 75

;CONCLUSION' yf "8^ s,

BESANÇON, IMP. J. MULOT ET Cu, 20, RUE OAMBETTA

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Pour la Propagande

La présente brochure : Petit Manuel des EspritsForts, par Ch. HKAIXJCIER, éditée spécialement envue de la propagande, est cédée aux prix réduitssuivants, aux personnes ou aux groupes qui croirontbon de la répandre et de la faire lire.

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