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LE POINT N° 1803 DU 5 AVRIL 2007-CAHIER N° 2-NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT le manifeste des le manifeste des 100 100 100 PERSONNALITÉS, 100 IDÉES POUR UNE FRANCE OUVERTE, UNIE ET EN MOUVEMENT

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LE POINT N° 1803 DU 5 AVRIL 2007-CAHIER N° 2-NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT

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100100100 PERSONNALITÉS, 100 IDÉES POUR UNE FRANCE OUVERTE, UNIE ET EN MOUVEMENT

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SommaireGénérations d’idées : le manifeste de l’envie p. 3

1) Vive l’entreprise ! p. 3

2) Place aux entrepreneurs p. 5

3) L’économie pour les gens p. 6

4) La mondialisation choisie p. 7

5) Culture : quitter l’élitisme pour inventer de nouveaux liens culturels p. 9

6) Démocratiser et ouvrir l’éducation p. 11

7) Quand la santé va, tout va! p. 12

8) L’environnement : nouveau moteur de notre société p. 14

9) Pour une politique politique p. 15

10) Ensemble contre la violence p. 16

11) Français parce que je le suis p. 17

12) Pour un contrat de citoyenneté p. 18

13) Les femmes : minorité active ou mutation sociétale p. 19

14) Dompter la révolution médiatiqueau service de la liberté p. 20

www.societale.com

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Vivel’entreprise !

a société civile entre, en 2007, dans le débat politiqued’une façon inédite. Elle s’exprime de plus en plus :« minorités » identifiées, jeunes des cités, « Blacks,Blancs, Beurs ». Elle sait désormais se faire entendre.Le phénomène des Enfants de Don Quichotte en estune parfaite illustration. Parce que le débat politique que nous avons connu jus-qu’alors ne correspond plus aux modes de communi-

cation et d’échanges des Français, Jean Brousse(Tendances Institut), Arnaud Lagardère et Jean-Pierre Caillard (groupe Centre-France Com-munication) ont créé en 2006 le think tank Gé-nérations d’idées, afin de doter la jeune Franceactive, mais trop silencieuse, d’un espace dé-dié à son expression. Les jeunes actifs, ni baby-

boomers ni post-soixante-huitards, intégrés dans la so-ciété « qui travaille », ne sont portés ni par des slogansstructurants ni par un espace médiatique ; pourtant, ilsvivent dans la cité, sont citoyens et constituent surtoutl’avenir du pays. Ils sont ceux qui assureront la transi-tion entre la France d’avant 68 et la jeune France os-cillant entre révolte et refus de grandir. Jeunes, entre-prenants, tous aiment une France qu’ils ne veulent pasquitter. Ils ont des idées, ont envie d’agir et proposentdes changements simples plutôt que la révolution. Ve-nant de tous horizons et de toutes origines culturelles,ils sont pourtant mus par un même élan : construireune France humaniste, unie et conquérante. Pour la première fois avant une élection présidentielle,nous avons souhaité que 100 personnalités embléma-tiques de ces « trente-quarante » ans qui, tous les jours,dans l’exercice de leur métier, font avancer la Franceviennent exprimer librement leurs attentes et leurs es-poirs pour que celle-ci soit demain optimiste, ouverteet en mouvement.

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 3

Générationsd’idées :le manifeste

de l’enviePAR NATHALIE BRION ET ARNAUD MOLINIÉ

CRÉER DES EMPLOIS

UN MODÈLE SOCIAL RÉGÉNÉRÉ

RELANCER LA CROISSANCE

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(1)Vivel’entreprise ! MATHIEU LAINE | 31 ans | Avocat | Auteur deLa Grande Nurserie, en finir avec l’infantilisation desFrançais (JC Lattès, 2006) et de La France est foutue(JC Lattès, 2007).

upprimer l’impôt surle revenu, l’impôt sur les successions et l’ISF;créer un impôt unique dont le taux maximalserait plafonné à 30%, et organiser une tour-née mondiale pour annoncer la bonne nou-velle : désormais, en France, on récompensele travail, le mérite et l’effort ! Avec une tellemesure, nécessairement associée à un as-souplissement du droit du travail, vous divi-sez le taux de chômage par deux, vous re-lancez la croissance, et vous attirez les talentsde la planète. Les entrepreneurs sont inci-tés à innover et à créer des emplois. Les 2 mil-lions de Français qui ont fui le « modèle so-cial français » reviendront chez eux, et ungrand nombre de stars de la recherche, dela finance et des nouvelles technologies s’ins-talleront chez nous pour profiter non seule-ment de ce modèle social régénéré mais éga-lement du bon vin et du savoir-vivre français.Si un jour on associe la qualité de vie « à lafrançaise » à une fiscalité dynamisante, laFrance fera un malheur !

YSEULYS COSTES | 34 ans | Présidente de Millemercis, site de cadeaux en ligne.

our augmenter lacompétitivité des entreprises françaises, en-courageons la recherche et le développe-ment au sein des petites et moyennes entre-prises. Bien exploitée, la recherche permetd’enclencher un cercle vertueux : innova-tion, création de valeur, création d’emplois,investissements. Trop souvent perçue enFrance comme exclusivement industrielle,la recherche appliquée doit être revalori-sée et reconnue dans des domaines commele marketing ou les services. Une premièremesure serait de modifier le statut de « jeuneentreprise innovante » (JEI), à la fois sur sadurée et sur son mode de calcul des niveauxd’investissement de recherche. Il faudraitaussi revoir la définition même de la re-cherche dans les textes de loi. Enfin, pouraccompagner les entreprises innovantes en

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Générationsd’idées :le manifeste

de l’envie

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forte croissance dans une seconde phasede leur développement très créatrice de va-leur et d’emplois, la mise en place d’un sta-tut de « jeune entreprise innovante cotée »(JEIC) semble une mesure pragmatique,simple et efficace.

SANDRINE DEVILLARD-HOELLINGER| 36 ans | Consultante-directrice associée chez Mc-Kinsey | Elle suit les problématiques liées à la straté-gie, à la création d’activités, à l’organisation et à l’ef-ficacité opérationnelle.

oute nouvelle me-sure sera incitative et non contraignante.Gardons-nous d’ajouter un nouvel articleau Code du travail ! L’efficacité au travailest plus forte lorsque chacun fait, au-delàde ce qu’il doit faire, ce qu’il veut vraimentfaire. La performance globale de l’entrepriseest directement liée à l’épanouissement dechacun, moteur de l’investissement person-nel. Pour maximiser la valeur de son capi-tal humain, l’entreprise doit à la fois assou-plir son organisation afin de pouvoir proposerdes passerelles, des marges de liberté etd’initiative, et offrir à chacun les moyens dedévelopper ses compétences. À l’échelle na-tionale, il faudrait adapter le système édu-catif aux évolutions du marché du travailgrâce à un service public d’orientation. Etréformer la formation continue pour allerau-delà de l’actuel « droit à la formation ».Des individus aux qualifications adaptéessont plus assurés de conserver leur gagne-pain, condition sine qua non de l’épanouis-sement professionnel !

NATACHA VOILLOT-BLUMENTHAL | 37 ans|Directrice de rédaction de Sciences TV.

otre pays ne tire pasassez profit de l’économie mondiale. La glo-balisation, les accords supranationaux, l’ou-verture des marchés, tout cela exige de nou-velles stratégies pour permettre à notreéconomie de s’épanouir et de prospérer. Jus-

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qu’à présent, nous nous reposons sur nosacquis et traditions, recroquevillés sur nous-mêmes. La recherche de l’intérêt de la Franceen matière économique ne signifie pas agres-sivité. Nous privilégierons une vision del’économie où les échanges Nord-Sud etmultilatéraux se feront de manière plus équi-table et équilibrée, où les droits des femmeset leur apport économique croissant à notresociété seront valorisés. Le bien-être éco-nomique permettra davantage de redistri-bution des richesses et des compétences.Au service des citoyens, cette politique per-mettra à la France de s’inscrire dans le mou-vement irréversible du progrès, de l’accèsaux nouvelles technologies et du partagedes connaissances.

VÉRONIQUE MÉNARD | 41 ans | Directricede la stratégie et des ressources humaines d’ungrand cabinet d’audit.

omment sortir dusempiternel conflit « entreprise-salarié » ?En provoquant une mutation de notre ges-tion des ressources humaines. En premierlieu, l’entreprise doit investir dans le déve-loppement des savoir-faire et encouragerses salariés à se former à de nouvelles com-pétences. Le salarié doit, pour sa part, ac-cepter que son parcours professionnel neprésente désormais plus de garantie. En-suite, l’entreprise doit faire de la motivationindividuelle le centre de sa politique en ma-tière de ressources humaines. La motivationest à la base de l’investissement personnelet la source de la créativité dans l’entreprise.Elle donne du sens à l’action individuelle etcollective et est indispensable au dévelop-pement de l’entreprise. Enfin, la notion deresponsabilité réciproque, celle de l’entre-prise comme celle du salarié, doit constituerla fondation de la relation professionnelle.Ce type d’évolution du management deshommes est nécessaire pour éviter que mon-dialisation et complexité ne riment avecdéshumanisation.

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ALAIN ULMER | 40 ans | Cofondateur et asso-cié de RD Patrimoine Conseil & Associés et d’ADÉpargne Retraite Entreprises.

eux informationsm’ont récemment frappé. La première eststatistique : « Plus de 70% des jeunes sou-haitent être fonctionnaires. » La secondeconcerne les conclusions des travaux de cinqprix Nobel sur l’état de la France : « La seuleet vraie faiblesse de la France réside dans larigidité de sa législation du travail. » Remet-tons l’entreprise au centre de la vie écono-mique. Comment? En enseignant dès le col-lège le fonctionnement du monde du travailet la gestion de l’entreprise. En permettantà tout entrepreneur sans patrimoine ou ga-rantie personnelle, mais ayant une idée etla volonté de créer son entreprise, de le faireen simplifiant les formalités et en lui permet-tant de lever des capitaux plus facilementauprès des banques. En redonnant le goûtet la valeur du travail qui permet de gagnersa vie mais aussi de la réaliser. Enfin, en sim-plifiant les liens employés-employeurs grâceà plus de flexibilité tant en termes d’horairesqu’en matière de rémunération. À quand unbonus individuel de 20 % du salaire sanscharge ni impôt? À quand le lancement d’unNew Deal économique pour concentrer nosefforts sur nos atouts et conserver notre rangdans le peloton de tête des puissances éco-nomiques mondiales.

STÉPHANE THIROLOIX | 42 ans | Vice-prési-dent exécutif du laboratoire pharmaceutique Ipsen.

e business model del’entreprise ne repose plus sur la stabilité,mais sur le mouvement perpétuel. Les en-treprises qui brident la créativité sont vouéesà l’échec. Cette culture de l’innovation estun véritable levier pour redonner du sens àl’action de chacun. Le discours sur la dimen-sion négative du progrès et de l’industriali-sation est sans cesse évoqué. On omet dedire que l’entreprise peut aussi être un lieude développement personnel. Dans l’indus-trie du médicament, les collaborateurs sontfiers de s’investir, d’inventer et de produiredes médicaments efficaces. Ils ne sont passeulement utiles aux malades, ils sont vitauxpour ces derniers. Les échecs font aussi par-tie de leur quotidien, mais les équipes par-ticipent chaque jour au progrès thérapeu-tique. Il faut donc instaurer un « permisd’innover ». Libérons les énergies, brisonsles tabous et favorisons la création et le dé-veloppement de projets passionnants pouraboutir à ces innovations qui demain chan-geront notre quotidien.

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INNOVER

S’INVESTIR CONSTRUIRE UN FRENCH DREAM

Supprimerl’impôt sur lessuccessions etl’ISF et organiserune tournéemondiale pourannoncer labonne nouvelle.

LIBÉRER LES ÉNERGIES

4 | 5 avril 2007 | 1803 Le Point

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Place auxentrepreneurs

SUSCITER DES VOCATIONS AVEC L’ENTREPRISE

OSER

PRENDRE DES RISQUES

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 5

RÉCONCILER LES FRANÇAIS

(2)Place auxentrepreneurs

PIERRE KOSCIUSKO-MORIZET | 29 ans |HEC, fondateur et dirigeant de Price Minister, lea-der des sites d’achat de livres en ligne.

a France est un paysfabuleux pour les entrepreneurs : c’est undes rares endroits au monde où l’on peutprendre le temps de développer une idéesans être inquiété par l’émergence rapided’une concurrence organisée. Et pourcause… il y a très peu de créateurs d’en-treprise ! Communiquer sur cette opportu-nité – accessible à tous – de créer sa propreentreprise serait déjà un plus significatif !Cessons de nous lamenter sur une préten-due bureaucratie qui n’est plus un obstacledepuis longtemps, et comprenons que laquestion n’est pas de savoir s’il faut per-mettre de créer une entreprise en dix mi-nutes plutôt qu’en deux jours, mais plutôt :comment aider nos leaders français à de-venir des leaders mondiaux ? Ou commentrendre nos entreprises compétitives dansune économie globalisée ? Ou, enfin, com-ment susciter des vocations d’entrepreneursdans un pays où l’élite place la culture durisque, et donc la peur de celui-ci, en pre-mière valeur refuge ?

MAXIME LEGRAND | 31 ans | Entrepreneur,normalien, agrégé d’économie, enseignant à l’IEPParis. Conseiller de Jean-Paul Huchon.

a campagne prési-dentielle de 2007 inaugure une ébauche d’ar-ticulation entre entreprise et société. Il étaitgrand temps que les acteurs politiques sepréoccupent de la réconciliation des Fran-çais avec l’entreprise. Cela passe notammentpar un nouveau « logiciel » économique dela gauche qui doit faire sa mue et arrêter deconsidérer systématiquement les créateurset dirigeants de PME comme des patronsvoyous. La dynamique d’innovation, le sys-tème de redistribution de demain et les ré-ponses aux grandes questions sociétales denotre temps devraient naître de cette inter-action intelligente entre entreprise et société.Dans les partis politiques, les syndicats, lesassociations et toutes les formes d’activisme

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qui restent à inventer, les trentenaires doi-vent se saisir de ces enjeux de société. Évi-ter que la France économique rejoigne leséconomies du tiers-monde, redonner de l’es-poir aux forces vives, et notamment aux plusjeunes, définir les couleurs de la France dedemain, sont autant de défis que cette gé-nération doit relever : la responsabilité estlourde, l’enjeu passionnant.

FABIEN BECKERS | 33 ans | Président de Ka-meleon Technologies, société de services et conte-nus multimédias pour téléphone mobile.

our favoriser l’ini-tiative sous toutes ses formes (entreprises,projets sociaux), redonnons le goût du tra-vail, de la réussite, de la prise de risque, duplaisir de construire. Recréons le sentimentque « c’est possible ». Pour aider les socié-tés à passer la barre stratégique du premiermillion d’euros, une aide juridique et fiscalepermettrait d’alléger de manière significa-tive les charges sociales les premières an-nées. Que change le regard de la sociétéfrançaise sur les entrepreneurs, en mettanten avant ceux qui ont réussi ainsi que lesgroupes qui favorisent les collaborationsavec de jeunes sociétés ! Et pourquoi pas lamise en place d’un concours annuel de créa-tion d’entreprise à forte couverture média-tique ? Dans chaque grande ville, dans unlieu dédié à l’entrepreneuriat, rencontres,formation, mise à disposition d’espaces detravail, coachs seront disponibles… et surune plate-forme d’échange sur Internet.

AZIZ SENNI | 30 ans | Chef d’entreprise | Auteurde L’ascenseur social est en panne, j’ai pris l’escalier(L’Archipel, 2005).

omment construireun French dream sans un soutien fort del’État? L’école, du premier au dernier cycle,doit valoriser la création, et la prise de risquequi est son corollaire. Elle doit ancrer dansles têtes de nos enfants que créer est acces-sible à tous : fils de RMIste, fonctionnaire,énarque… Acceptons aussi le droit à l’er-reur, car un individu qui risque fait réussiravec lui l’ensemble de la société en cas deréussite. Mais, en cas d’échec, il portera, mar-qué au fer rouge, le sceau des perdants. Prèsde 60 % de nos créateurs d’entreprise ontjuste le bac. Permettons-leur, par le biais dela validation des acquis, d’obtenir un diplômeet de retrouver un emploi plus facilement.À l’inverse de l’American dream, le Frenchdream est une aventure collective où l’État,les salariés et l’entrepreneur doivent agir en-semble dans l’intérêt de tous. Mais il nous

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manque un dispositif qui apporterait le sou-tien nécessaire à la croissance de nos PME,qui forment 80% du tissu économique.

DOMINIQUE NOËL | 45 ans | Président du di-rectoire d’As An Angel, entreprise spécialisée dansle dialogue homme-machine.

es jeunes entreprisesinnovantes (JEI) ne disposent pas de l’effetde levier nécessaire pour financer leur dé-veloppement. De ce fait, nombre d’entreelles végètent et meurent. Pour permettreaux plus performantes de mener à bien leurdéveloppement, il faut standardiser les sys-tèmes d’évaluation des projets sur le mo-dèle européen afin de faciliter les procé-dures de demande de subventions, etaugmenter les critères technologiques parrapport aux critères financiers dans la dé-cision d’octroyer les aides. Les subventionsdoivent pouvoir aller jusqu’à 100 % du fi-nancement si le projet est stratégique pourle pays en termes d’innovation. Or elles sontactuellement plafonnées à 50%. Il en va demême pour le taux de garantie des prêtsbancaires aujourd’hui encore limité à 70%.Il faut enfin inciter financièrement les cher-cheurs à collaborer avec les JEI et étendreaux industriels qui investissent dans ces en-treprises le système de couverture actuel-lement réservé aux fonds d’investissement.

JEAN-PHILIPPE CARTIER | 31 ans | Direc-teur général de salle de Bobin’o, autodidacte.

ne PME n’a rien àvoir avec une multinationale cotée en Bourse.Du reste, les multinationales cotées ne paientqu’une partie de leur impôt en France, dela même façon qu’elles n’emploient qu’unepartie – et celle-ci tend à se réduire – deleurs salariés en France, car les charges so-ciales sont trop lourdes. Les PME, pour lagrande majorité d’entre elles, n’ont ni lechoix ni, bien souvent, le désir de partir.Elles portent donc, à elles seules, la crois-sance et l’emploi du pays. Seul un allége-ment immédiat et très significatif des chargessur les entreprises de moins de 20 salariés(principalement les charges patronales, avecune exonération totale pour les deux pre-miers salariés) pourrait redonner du souffleaux chefs d’entreprise et leur permettre dese développer et d’embaucher. Cette simpleimpulsion offrirait à la France l’occasion derenouer avec la croissance, de cesser de su-bir la mondialisation et la modernité, pourtirer le meilleur parti de sa créativité, granderichesse du pays.

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L’économiepour les gens

SÉBASTIEN GUÉNARD ET MICHAËLLEJARD | 38 et 34 ans | Coprésidents d’Agora Clubs.

n changement pro-fond, adapté à la taille des entreprises, esturgent et nécessaire à la vie économiquefrançaise. Il faut tout d’abord légiférer avecplus de souplesse sur le plan social et fis-cal pour aider les entreprises à s’adapteraux évolutions permanentes des règles dujeu économique. Pour cela, l’État doit mettreen place un système d’analyse fiable et re-présentatif du monde de l’entreprise et dessalariés. Les organisations actuelles sonttrop diffuses. Les entreprises comme les sa-lariés du privé ne sont pas vraiment repré-sentés en France. La CGPME existe peu, leMedef est écartelé entre les intérêts des en-treprises cotées qui le contrôlent et ceux,différents et souvent contradictoires, desPME. L’État doit donc créer un espace dedialogue entre les entreprises qui font l’ac-tivité du pays, en particulier les PME, etleurs salariés. C’est la clé d’une dynamiqueéconomique reposant sur le dialogue et lerespect. Le véritable entrepreneuriat s’entrouvera d’autant plus encouragé qu’il sesentira entendu et soutenu.

ARNAUD MONTEBOURG | 44 ans | Députéde Saône-et-Loire.

l y a en France deuxéconomies. D’un côté, une économie enra-cinée sur les territoires, des petits entrepre-neurs qui risquent leurs biens, des entre-prises qui ont du mal à se développer, à sefinancer, à payer correctement leurs sala-riés, et, de l’autre, une économie financia-risée, transnationale, servant d’abord sesactionnaires, inattentifs aux intérêts natio-naux ou européens, qui investit hors de l’Eu-rope plutôt que sur nos territoires. La pre-mière économie est généralement sous-traitante et dans la dépendance économiquede l’autre, surpuissante et inaccessible auxpolitiques fiscales des États. Si je devais ré-sumer les orientations que doit suivre notrepolitique économique, fiscale et industrielle,elle se résumerait de la manière suivante :aider l’économie locale à se financer, à in-vestir, à embaucher, et reprendre la mainsur l’autre, qui a échappé aux États. Il fau-drait ainsi imaginer, dans l’ingénierie et lacréativité de nos politiques, une différen-ciation selon la caractéristique des entre-prises. C’est là tout l’esprit d’une fiscalitédite comportementale. Celle qui encourageles bons comportements en défiscalisant lesentreprises qui investissent sur les territoires,embauchent des ingénieurs et appliquent

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l’égalité salariale homme/femme, parexemple. À l’inverse de ce bonus, un malusdevrait être appliqué aux grandes entre-prises qui délocalisent, détruisent de l’em-ploi, contournent les lois environnementaleset sociales. À cet égard, la coopération fis-cale européenne et la lutte contre les para-dis fiscaux sont décisives, car elles permet-tront de lutter contre ce qui rend inefficacenotre action publique. Ce chantier est im-mense, il est celui de l’avenir.

VIVE LE FRANCOPTIMISME

RECRÉER LA CONFIANCE

TRANSMETTRE

6 | 5 avril 2007 | 1803 Le Point

(3)L’économiepour les gensÉRIC BOUSTOULLER | 46 ans | Président deMicrosoft France | Après un parcours au sein de Com-paq, il rejoint Microsoft en 2002.

l faut encouragerl’innovation et le développement des pe-tites et moyennes entreprises. Dans l’éco-nomie de la connaissance et du numérique,l’innovation est la clé de l’avenir. À cet égard,la France a des atouts de premier ordre.Alors, levons les obstacles à la création, par-tout dans le pays ! Ce sursaut entrepreneu-rial, la France en a besoin pour exprimer lemeilleur d’elle-même, sans redouter la mon-dialisation. Convaincus du potentiel de notrepays, nous avons lancé, chez MicrosoftFrance, un programme ambitieux de par-rainage de start-up françaises dans le do-maine des technologies de l’information. Lesidées fleurissent, et les jeunes poussent aussi.Mais il faut les aider à grandir : les soutenirdans leur démarche marketing, les appuyerdans leur effort d’internationalisation. LaFrance a une carte importante à jouer pourses entreprises et pour l’innovation! Au-delàd’un small business act, il faut lancer l’or-ganisation en France, dès 2008, des pre-miers Jeux olympiques de l’innovation.

ARNAUD MOLINIÉ | 34 ans | Directeur délé-gué auprès de la gérance du Groupe Lagardère, gé-rant du team Lagardère.

rente-six millions depratiquants réguliers et trois cent mille em-plois induits : les Français aiment le sport.Mais lui accordons-nous une place suffisantetant en termes d’éducation, de culture que

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de politique publique ? Serons-nous prêtspour les jeux de Pékin en 2008, de Londresen 2012, deux rendez-vous majeurs qui pas-sionneront des millions de téléspectateurs?Pour ce faire, donnons au sport la place quirevient à un secteur touchant la grande ma-jorité des Français, vecteur tout à la fois derichesse économique, de sens et de valeurs.Il faudrait en faire un véritable axe de déve-loppement en lançant un plan Marshall surcinq ans pour donner au sport français le lea-dership qu’il mérite. Ce plan devra associerle mouvement sportif, et ses athlètes, opti-miser son organisation, l’internationaliser unpeu plus, et devra redéfinir le rôle de l’État.Il en va de notre moral, de notre image à l’in-ternational. Il en va de la bonne santé men-tale et physique de l’ensemble de notrepeuple. Ce plan devra fédérer les grandesentreprises françaises ; il leur permettra delibérer leurs énergies, leurs expériences,leurs talents, afin que Londres soit le lieu ducome-back d’une France réconciliée avecelle-même sur la scène internationale.

THIERRY DRILHON | 40 ans | Directeur gé-néral de Cisco France, vice-président Europe.

ous avons trop sou-vent l’habitude en France de critiquer cequi nous entoure, de penser que l’herbe estplus verte dans le pré du voisin. Pour sortirde ce schéma, mobilisons toutes les éner-gies pour valoriser nos atouts et diffuser un« francoptimisme » réaliste dans toutes lescomposantes de la société française. Sug-gérons que le prochain président de la Ré-publique soit le premier VRP de nos forcesafin de redonner à nos concitoyens l’envied’aimer notre pays, d’y entreprendre, d’yinvestir, d’en faire une terre de développe-ment harmonieux. Ensuite, c’est en dehorsde nos frontières que la campagne s’impose.La France reste leader dans de nombreuxdomaines fondamentaux. Nous sommesmême parvenus à transformer en réussitecertains retards en matière d’adoption desnouvelles technologies, de productivité…La France a besoin d’un leader qui entraîneavec lui tout le pays pour faire refluer lavague de morosité et lui substituer un tsu-nami de dynamisme francoptimiste !

LOUIS CHAUVEL | 39 ans | Sociologue, ensei-gnant à l’IEP Paris | Auteur du Destin des générations(PUF, 2002) et des Classes moyennes à la dérive (Seuil,« La République des idées », 2006).

a première prioritéest d’imposer une réelle parité génération-nelle dans toutes les instances consultatives

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Lamondialisationchoisie

LES RETRAITES

LE SPORT, MOTEUR DE L’ÉCONOMIE

RÉFORMER

TENIR UN LANGAGE DE VÉRITÉ

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 7

ou décisionnelles du pays. Quand on exa-mine la pyramide des âges de ces « organesreprésentatifs » censés refléter la diversitédu peuple que sont le Conseil économiqueet social, le Conseil d’orientation des re-traites, les hauts comités en tout genre, del’État comme des associations et des fonda-tions, Sénat et Assemblée inclus, on n’ytrouve que des seniors. Les jeunes de moinsde 50 ans, qui auront à payer pendant desdécennies les erreurs passées ou présentes,en sont soigneusement écartés. Ceux quidétiennent le pouvoir de décider se com-portent comme Chronos. Refusant de vieilliret de périr, ils restent accrochés à leur pou-voir et n’exercent plus leur devoir : trans-mettre. Associer tous les âges et toutes lesgénérations au débat est la seule solutionpour être en mesure de faire des choix bé-néficiant à tous, et ainsi de replacer la so-ciété dans le long terme du cycle de la vie :naître, apprendre, donner, mourir.

STÉPHANE FOUKS | 46 ans | Directeur géné-ral d’Havas et président exécutif d’EuroRSCG World-wide | Auteur de La Fracture générationnelle (EuroRSCG, 2005) et des Nouvelles Élites (à paraître).

es Français sont in-dividuellement formidables ; la France estcollectivement décevante. Notre pays sembleaujourd’hui pétrifié. Nous manifestons de ladéfiance. Contre tous. Contre tout. L’avenir.L’ailleurs. L’autre. Voici donc l’enjeu le plusdécisif de ce moment fondateur que doit êtrel’élection présidentielle : recréer la confiance.Alors, ma première mesure, si j’étais prési-dent ? Il ne s’agirait pas d’une mesure – il n’ya pas de loi dont l’article premier puisse dé-créter : « La confiance est de retour. » Et jen’attendrais pas d’être président : c’est dèsla campagne que les fils de la confiance de-vraient commencer à se renouer. Comment?En tenant un langage de vérité. La Francechangera si elle assume le réel – ce qui veutdire que les élites doivent rompre avec cemépris latent qui leur fait tenir le peuple àl’écart des questions difficiles. La France réus-sira si toute la société, et pas seulement l’Etat,se met en mouvement. La France a, de nou-veau, envie d’avoir envie. Il suffirait de presquerien. La confiance est à portée de main.

ÉDOUARD FILLIAS | 27 ans | Président d’Al-ternative libérale.

e régime des retraitespar répartition n’a subi que des aménage-ments mineurs depuis sa création. Affirmerque les actifs cotisent pour les retraités estau mieux une erreur, au pis un mensonge in-

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admissible. La France sait que le poids despensions sera porté par les générations fu-tures. Pour mettre fin à cette spoliation, etafin que chacun puisse décider de son âgede départ à la retraite comme du montant deses cotisations, il faut ouvrir le secteur à laconcurrence et aux entreprises privées. C’estce qu’ont fait tous nos voisins, y compris dansdes pays gouvernés par la gauche. S’agis-sant de l’impôt, son alourdissement graduelet sa complexité sans cesse croissante consti-tuent les seuls changements. Pour supprimerles trappes à chômage et faire cesser la chasseaux niches fiscales, pourquoi ne pas intro-duire un impôt proportionnel assorti d’un« revenu de liberté » versé à tous les Fran-çais en âge de travailler? Les économies faitessur le coût de la collecte sont largement suf-fisantes pour le financer.

PIERRE CAHUC | 40 ans | Économiste, membredu Cercle des économistes.

e haut niveau duchômage en France et les difficultés de ré-former sont les conséquences d’une absencede dialogue social qui plonge ses racinesdans les règles, instituées dans l’après-guerre,qui régissent l’action syndicale et la négo-ciation collective. La priorité première estde changer ces règles pour lever les obs-tacles aux réformes du marché du travail. Ils’agit de réduire la participation des syndi-cats à la gestion de missions de service pu-blic qui devrait être la prérogative de l’Étatet de leur donner, en contrepartie, les moyensd’une meilleure représentativité dans l’en-treprise. Cela suppose la remise en causedes extensions automatiques des conven-tions de branche, la suppression de la pré-somption irréfragable de représentativitéaccordée aux cinq grandes centrales à la finde la Seconde Guerre mondiale. Ce systèmeles place en situation de monopole sur ledialogue social alors que les adhérents qu’ilssont censés représenter sont de moins enmoins nombreux. Enfin, il faut une réformeen profondeur du financement syndical : ildoit devenir transparent et être lié au nombred’adhérents. Cette réforme est un préalableindispensable. Il faut ensuite mettre en placeun véritable service public de l’emploi eninstituant une agence publique qui gère l’as-surance chômage, l’accompagnement deschômeurs et la formation professionnelle.Celle-ci devrait s’adosser à des opérateursprivés, mis en concurrence et rémunérés enfonction du retour à l’emploi des personnesprises en charge. Un véritable accompagne-ment des chômeurs devrait permettre de ré-former le contrat de travail de manière à of-frir des possibilités accrues d’adaptation auxentreprises. Cela consisterait à mettre enplace un contrat unique, avec un contrôle

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allégé du licenciement pour motif écono-mique et la suppression de la dualité entrecontrats à durées déterminée et indétermi-née, source d’instabilité de l’emploi, de dif-ficulté de gestion pour les entreprises etsource de tensions sociales.

GUILLAUME IDIER | 38 ans | Directeur de lacommunication de Nexity.

ous avons réalisé enFrance la double performance de créer unsystème qui sait exclure mais ne sait plusprofiter à personne. Les modestes souffrent,les classes moyennes peinent, les riches s’exi-lent. L’individualisme triomphe. Au lieu denouvelles utopies irréalisables, mettons enplace des actions simples et efficaces. D’abord,créons la richesse avant de la partager. Ar-rêtons d’acheter des promesses. 20% de lo-gements sociaux pour deux tiers des Fran-çais, ce n’est pas une promesse, c’est uneabsence de vision qui aura pour conséquencede peser encore un peu plus sur les impôtsdes ménages qui, justement, ne parviennentpas à se loger parce que l’absence d’offrefait de l’immobilier un produit rare, et donccher. Il faut faire de l’immobilier une prio-rité nationale, reposant sur la dynamique dusecteur privé, afin de construire des loge-ments financièrement accessibles pour tous.

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(4)LamondialisationchoisieDAVID MARTINON | 35 ans | Ancien conseillerdiplomatique au ministère de l’Intérieur.

éconcilions les Fran-çais avec l’Europe et la mondialisation. Pourcela, la politique doit reprendre ses droitsen Europe. Les partis d’une même famillepolitique européenne devraient préparerensemble des programmes électoraux eu-ropéens et pouvoir s’affilier entre eux pourprésenter des listes communes aux électionsau Parlement européen. On aurait ainsi devraies campagnes européennes, portant surdes thèmes d’intérêt commun. Les partis de-vraient même indiquer avant les élections

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PROMOUVOIR LA DÉMOCRATIE UN GOUVERNEMENT EUROPÉEN

Relancerl’Europe desprojets,dans l’énergie,les nouvellestechnologies,les industriesd’armement.

INTÉRÊT COMMUN

8 | 5 avril 2007 | 1803 Le Point

la personnalité qu’ils souhaitent voir prési-der la Commission européenne. Ce faisant,le vote des Européens déterminerait vrai-ment la direction de la politique européenne.La meilleure façon de corriger les effets né-gatifs de la mondialisation, c’est de promou-voir la démocratie partout. C’est par les so-ciétés civiles, les partis politiques, une presselibre, que l’on fait évoluer les politiques desgouvernements, comme en matière d’envi-ronnement ou de normes sociales. C’est aussiet surtout par la démocratie que l’on feradisparaître le travail des enfants et les vio-lences faites aux femmes.

XAVIER DESMAISON | 29 ans | Associé de Ten-dances Institut, maître de conférences à l’IEP Paris.

ire que l’influencede la France en Europe a décru depuis 1957est devenu un lieu commun. Or les élargis-sements successifs sont une explication tropfacile pour être convaincante. C’est avanttout le déficit collectif de pensée qu’il fautpallier. Où sont les sources de financement,publiques ou privées, qui permettent de ri-valiser avec les grands think tanks britan-niques et allemands ? Où en est ce grandquotidien de référence dans lequel les Eu-ropéens francophones pourraient s’informeret partager des idées, alors même que sedéveloppent les initiatives germanophoneset anglophones? Comment l’État pourrait-il mieux associer le vivier universitaire etintégrer les chercheurs aux grands débatspolitiques et sociaux ? L’Europe a disparudu débat politique français depuis 2005, elleexiste pourtant et poursuit son rôle d’admi-nistrateur des pays membres. Cette logique-là, seule, ne peut qu’échouer faute d’adhé-sion des populations des pays membres.C’est en installant des liens humains, entrepersonnes, que l’Europe pourra de nouveaususciter une envie.

MARC GERMANANGUE | 38 ans | Profes-seur à l’IEP Paris.

Union européennes’enlise. Nous sommes en train de passer àcôté d’un grand défi : celui de l’Europe dela connaissance. La Constitution européennen’est pas le sujet. Le sujet est humain : lescitoyens se sentent tenus à l’écart. Le pré-ambule du traité de Rome soulignait pour-tant la finalité du processus : « L’union sanscesse plus étroite entre les peuples euro-péens. » Il est grand temps de nous rappe-ler cette ambition. Au soir de sa vie, JeanMonnet aurait affirmé : « Si c’était à refaireje commencerais par la culture. » Celle-ci

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est effectivement centrale. Populaire ou édu-cative, elle repose sur la découverte del’autre. Or les programmes de l’Union eu-ropéenne destinés à favoriser les contactsne touchent qu’une petite minorité d’Euro-péens. Démocratisons Erasmus, réveillonset élargissons l’Office franco-allemand pourla jeunesse, inventons des colonies de va-cances européennes, imaginons un servicecivil européen, osons un « corps de la paix »européen… Offrons à tous, jeunes et moinsjeunes, étudiants, apprentis, professionnels,la possibilité de se former en Europe, d’ap-prendre au contact des Européens. Faisonsl’Europe pour tous !

MATTHIEU PIGASSE | 37 ans | Associé gé-rant de la banque Lazard.

n dit que Jupiter,pour vous punir, exauce vos vœux. Le vœude l’Europe était la réunification. Elle est ve-nue, et l’Europe semble y avoir perdu sonâme. Elle flotte dans les habits trop grandsd’une communauté à vingt-sept qui s’inter-roge sur ses frontières et sur son identité. In-quiète de la puissance des États, l’Europe aconstruit un corpus de règles qui rendent l’ac-tion impossible. Elle donne le sentiment dene plus avoir de volonté, sinon une volonténégative : empêcher les États de mener telleou telle action. L’Europe est à l’image de lamorale kantienne : elle a les mains propres,mais elle n’a plus de mains. L’expression « po-litique industrielle » apparaît triviale. Mais ilfaut relancer l’Europe des projets. Dans lesdomaines stratégiques de l’énergie, des nou-velles technologies, des industries d’arme-ment… L’Europe doit créer des agences derecherche dotées de moyens, identifier lesgrands projets prioritaires pour assurer lacompétitivité de demain, favoriser les parte-nariats entre entreprises européennes, intro-duire plus de concurrence dans les secteursoù prospèrent des rentes injustifiées et ren-forcer l’action publique pour prévenir les dys-fonctionnements de marché. La clé de notrecompétitivité réside dans l’alliance entre desentreprises dynamiques et une action pu-blique transparente et équitable.

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ANTOINE REBISCOUL | 35 ans | Directeur gé-néral de The GoodWill Company (Publicis Groupe).

erons-nous fidèles àl’agenda de Lisbonne, dont l’ambition est deplacer la connaissance au cœur de la valeurajoutée économique en Europe? Il y a quelquechose de perturbant dans l’idée d’une éco-nomie davantage fondée sur les idées quesur la production. Pour qu’une idée se formeet devienne un avantage compétitif, il lui fauttout un environnement de liberté d’expres-sion, voire d’indiscipline économique. Or noscadres sociaux d’organisation du travail sontencore largement fondés sur un modèle quivise à faire des personnes des fonctions etcompétences substituables. Nos cadres juri-diques de protection des innovations sontplus privatifs que collaboratifs. Nous disso-cions temps originaire de l’acquisition d’unecompétence sanctionnée par des diplômessacralisés et longues années de travail opé-rationnel, alors que ces antinomies ne cor-respondent plus à aucune réalité vécue. Po-sons d’un seul tenant, sur une même table,l’ensemble des paramètres pour permettrel’émergence et le déploiement en Franced’une société reposant sur l’innovation, etdonc sur les actifs immatériels.

GUILLAUME KLOSSA | 34 ans | Journaliste etéditorialiste, président de l’ONG Europanova | Il vientd’organiser les premiers États généraux de l’Europepour célébrer le 50e anniversaire du traité de Rome.

éjà, il y a cinquanteans, le traité de Rome visait à enrayer le dé-clin moral, politique et économique du VieuxContinent. Ce défi reste d’actualité, il nousfaut plus que jamais le relever. Pour cela,les Européens doivent retrouver le sens del’intérêt commun et une capacité de déci-sion à vingt-sept grâce à un projet communet citoyen. Je me ferai donc, dès le Conseileuropéen de juin, l’avocat d’un acte institu-tionnel qui généralise la majorité qualifiéeet promeut une politique européenne com-mune de l’énergie et du développement du-rable. Pour relever le défi d’une croissancedurable et équitable, la zone euro, qui com-prend treize pays prêts à avancer plus vite,doit se doter d’un gouvernement socio-éco-nomique, équipé d’un ministre de l’Écono-mie, d’un budget véritable permettant d’in-vestir dans des infrastructures et des projetsd’avenir, ainsi que d’objectifs de croissanceet de convergence en matière fiscale et so-ciale. Ce projet de gouvernance socio-éco-nomique serait soumis le même jour au suf-frage de l’ensemble des citoyens des Étatsmembres de la zone euro.

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Culture: quitterl’élitisme pourinventer denouveaux liensculturels

LA GÉNÉROSITÉ COMME CULTURE

CITOYENS DU MONDE

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 9

LOÏC LE MEUR | 34 ans | Entrepreneur, « Mon-sieur Blog » | Il a fondé Six Apart, qui compte parmiles leaders mondiaux des plates-formes de blogs.

ous devons tous êtrecitoyens du monde. Le village global le per-met déjà, nous communiquons à l’échelleplanétaire, nos enfants jouent sur leurs or-dinateurs avec des enfants du monde entier.Alors, plutôt que nous lamenter sur les dé-localisations, nous avons tout à gagner ennous adaptant. Nos enfants doivent apprendreune ou deux langues étrangères, dont l’an-glais. Avec Internet, ils n’ont même plus be-soin de voyager pour comprendre, discuter,et surtout créer avec d’autres enfants à l’autrebout du monde. Plutôt que parler de menace,nous devrions leur expliquer les opportuni-tés, leur enseigner le goût du risque et l’es-prit de compétition, l’excellence, le dépas-sement de soi, la volonté de conquérir lemonde. Les opportunités offertes par la mon-dialisation sont immenses, il suffit de regar-der le succès de notre industrie du luxe. Maisil s’agit surtout de métiers qui n’existent pasaujourd’hui, purs produits de la mondialisa-tion. Cinq cent mille Chinois gagnent leurvie en créant de l’or sur le jeu World of War-craft. Un million de personnes vivent à tempsplein de leurs revenus sur Ebay. Orientons-nous vers l’avenir, et nous sortirons d’unecrise qui est d’abord morale.

FLORE VASSEUR | 33 ans | Écrivain, membredu Forum d’Action Modernités | Auteur d’Une filledans la ville (Éditions des Équateurs, 2006).

e rejet de la mondia-lisation est impossible. Dépassées par la vio-lence du jeu économique, nos élites ont quittéle ring. Elles se sont planquées derrière leschiffres. L’avènement de l’individu-roi,convaincu d’exister parce qu’il consomme,nous a fait perdre le sens de l’action publiqueet du bien commun. La France est devenueun pays rabougri, empêtré dans ses contra-dictions, cantonné à de rares coups d’éclat.Au lieu de stigmatiser nos hommes politiques,nos patrons, nos lois, nos syndicats, nos fa-milles, nous devrions nous poser la questionde notre propre responsabilité. L’égoïsme nepeut être une culture de société. Nous de-vrions devenir un peu moins business men,un peu plus artisans. Un peu moins binaires,un peu plus nuancés. Un peu moins obtus,un peu plus lucides. Un peu moins durs, unpeu plus romantiques. Penser, s’allier, ris-quer, inventer : ce n’est pas le devoir d’uneoligarchie mais l’affaire de tous. Celle de magénération, qui hérite de tout et qui n’aurabientôt plus rien à transmettre.

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VINCENT DE BERNARDI | 39 ans | Journa-liste, directeur du Service d’information du gouver-nement (SIG).

inquante ans aprèsla signature du traité de Rome, le rêve dubonheur européen s’est dissipé et a laissé laplace au spectre de la mondialisation, consi-dérée par une majorité de Français commeune menace. Faire de l’Europe le meilleurrégulateur de la mondialisation, c’est d’aborden tracer les frontières, délimiter l’espacepour en parler sans complexes et sans li-mites. Il nous faut revenir à la vision de JeanMonnet : l’Europe doit s’humaniser poursurvivre. Pour cela, bâtissons une stratégiede communication durable sur l’Europe, etpas seulement au moment des grandes étapesde sa construction dont les objectifs échap-pent au plus grand nombre. Cette stratégiedoit présenter les Français comme les ac-teurs de leur destin continental pour répondreà des frustrations largement exprimées : ilssont mal informés, pas assez associés. Elledoit irriguer constamment les canaux deproximité, les communautés du Net, le mondeassociatif, les médias nationaux et locaux…Faisons de l’Europe une campagne citoyennepermanente.

MARTIN HUSAR | 36 ans | Directeur marke-ting Asie, L’Oréal Produits de luxe.

e rapprochementdu monde depuis les années 1990 grâceaux technologies Internet a réussi à enle-ver des barrières importantes entre les gens,les idées et les marchés – plus que touteautre découverte ou événement mondialdans les cent dernières années. Mais lesFrançais participent-ils activement à cettemondialisation ? Il faut arrêter de vouloirvivre dans un jardin fermé et d’avoir peurde la « menace » étrangère. Le vrai dan-ger face à tout ce qui est étranger, c’est dene pas comprendre, et de ne pas pouvoiréchanger au sein des nouveaux réseauxque nous offre un monde plus technolo-gique et sans barrières. Apprendre l’an-glais ? C’est déjà un must. Osons : appre-nons le chinois ! Et surtout apprenons à nosjeunes à bien maîtriser les technologies età être réceptifs à leurs caractères éphé-mères et aux évolutions permanentes.

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FRÉDÉRIC MICHEL | 34 ans | Partner du cabi-net de conseils ReputationInc à Londres et fonda-teur du think tank international Policy Networklancé par Tony Blair.

a mondialisation, quigénère le populisme en Amérique latine, lenationalisme en Europe et le protectionnismeaux États-Unis, ainsi qu’un sentiment d’in-justice chez les jeunes des pays émergents,doit apporter la preuve qu’elle peut être bé-néfique. Notre réponse ne peut pas être unprotectionnisme qui sauvegarde les intérêtsde quelques-uns, mais l’éducation. Leprotectionnisme ne sert qu’à reculer leséchéances et à offrir de fausses promesses,selon lesquelles il serait possible d’éviter leprocessus de mutation. Il nous faut promettreconcrètement de donner aux citoyens lescompétences qui leur seront nécessaires àl’avenir en investissant dans l’éducation, lessciences, la technologie et les industries dela création. La France doit se fixer commebut de favoriser la recherche scientifique ettechnologique ainsi que la mise sur pied denouvelles industries de la création, d’inno-ver en permanence en matière de produitset de services, et de créer une force de tra-vail qualifiée et mobile, le tout au sein d’unenation ambitieuse, dans laquelle il n’y a pasde limite aux exportations. L’éducation doitêtre, dans les années à venir, la meilleuredes politiques économiques.

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(5)Culture: quitterl’élitisme pourinventer denouveaux liensculturelsYVES MAREK | 40 ans | Conseiller culturel duprésident du Sénat, responsable du Musée du Luxem-bourg.

l faut créer un feud’artifice de projets et de lieux publics ouprivés autonomes, pour faire souffler un ventde fantaisie, d’audace, de délire. Il existe100 belles endormies, lieux ou projets, qui

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CASSER LES CLOISONS

INVENTER

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attendent le baiser du prince charmant... etun mécénat qu’il doit être interdit à l’Étatde capter. Il faut, en culture comme ailleurs,dans un monde où la rapidité est cruciale,libérer les décideurs, et d’abord l’État de sescontraintes. Oser prendre le risque de l’ar-bitraire ou de l’erreur. Mais, pour réussir, ilfaut de l’envie, il faut y croire, et tout re-bond est impossible tant que les « élites »n’auront pas abandonné le discours euro-péen. Compte tenu de l’histoire intellec-tuelle française, il y a une incompatibilitéabsolue entre le projet européen qui amènede fait les élites à se penser comme provinceet une attitude conquérante qui suppose aucontraire de considérer avec gourmandisele vaste monde, de manière donjuanesque,comme un merveilleux champ de possibles.Pourquoi se battre pour se mesurer à l’uni-versel quand vos dirigeants vous martèlentque vous êtes trop petit pour le monde ?

AYA SOEJIMA | 32 ans | Chargée de productionen spectacle vivant (musique, danse, théâtre), agentartistique | Elle a notamment participé à l’exporta-tion des Folles Journées de Nantes à Tokyo.

n France, il est en-core possible de vivre en tant qu’artiste etde persister dans cette voie, contrairementau Japon, où le métier est très ambigu : unemajorité des jeunes artistes sont trop viteclassés « amateurs », et, faute de moyens etde systèmes d’aide, beaucoup renoncent.Le public français est plutôt ouvert et diver-sifié : assister à un spectacle n’est pas unacte marginal réservé aux « accros ». Leslieux culturels (théâtres, compagnies, festi-vals…) invitent volontiers le public à desateliers et à des rencontres artistiques. Etces pratiques intéressent d’autres pays : l’ex-portation telle quelle de La Folle Journée– célèbre et populaire festival de musiqueclassique nantais – au Japon, qui fait fureurparmi ceux qui n’ont jamais écouté de mu-sique classique, en témoigne. La politiqueculturelle de la France joue un rôle déter-minant auprès du public, mais sans le ma-terner ni le contrôler. C’est une distance quidoit être conservée, tout comme la culturedoit conserver une place importante dansla politique de l’État français.

JEAN-YVES CLÉMENT | 44 ans | Directeur desfestivals de Nohant et des Lisztomania, chroniqueurà Radio France, écrivain et éditeur.

l faut à tout prixrendre la culture vivante et la sortir de cesyndrome français absolu : la fossilisation !Imaginer toutes sortes d’événements sus-

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ceptibles de lui insuffler cette vie, en ma-riant et croisant les arts entre eux, en fai-sant circuler la créativité, et non en l’enfer-mant. Comme l’amour, la créativité exigel’expansion, et non la contrition. Il faut – par-ticulièrement en France – penser au-delàdes formes et des étiquettes. Cassons lescloisons. Le mot culture lui-même sent sonLagarde et Michard, et reste lourd et stérile.Trouvons un autre mot, sortons du sillon, al-légeons-nous, quittons une pensée trop uni-versitaire, trop « énarchique », trop institu-tionnelle ! Ce qui tue, c’est l’« esprit depoids », qui « coule toujours plus profond »(Nietzsche). La culture, c’est la vie, et la vie,c’est d’abord la culture : libérons-la !

MAXIME LOMBARDINI | 41 ans | Présidentde TF1 Production.

a France compteune multitude de très belles expositions etde merveilleux musées, mais pratiquementtous sont inaccessibles du fait soit d’horairespeu compatibles avec une vie de travail nor-male, soit de files d’attente sans fin. Une« carte musées et expositions temporairesillimités », dont l’abonnement serait prélevémensuellement, permettrait, combiné avecun élargissement des horaires d’ouverture,de faciliter l’accès à la culture, de créer desemplois et d’apporter des ressources nou-velles aux institutions culturelles. Et puis, ilfaut éduquer les enfants au goût dès les pre-mières années scolaires, en leur faisant com-parer un surgelé à un produit bio, un fruitde saison à des cerises importées du Chili,en leur faisant toucher de belles matières,écouter Bach, sentir un verre de ChâteauYquem… Ainsi, en une génération, tout enFrance ne serait qu’ordre et beauté, luxecalme et volupté…

PROSPER MASQUELIER | 26 ans | Produc-teur télé, président de Sogimage.

uand on a 25 ans, laculture fait peur! Que dit cette culture, avecses codes, ses références, ses histoires, ànotre génération? Peu de choses. Il suffit deregarder avec quelle énergie désespérée lesélites culturelles déclinantes s’affrontent. Laculture doit reposer sur la proximité afin derenforcer le lien entre les différentes géné-rations, les différentes cultures et les diffé-rentes ethnies. C’est ce que ma générationa bien compris. Lorsque j’installe des hommesautour d’une table de poker, l’élitisme n’existeplus, l’âge n’a aucune importance, ils par-lent le même langage. Face aux jeux, noussommes tous égaux.

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ARNAUD ESQUERRÉ | 32 ans | Responsabledes relations extérieures, ministère de la Culture.

e crois à l’égal ac-cès de tous aux œuvres de l’esprit. On avancesouvent que la démocratisation de la cultureserait un échec, et qu’il faudrait en aban-donner l’idée parce qu’il faudrait être réa-liste. La numérisation et la mise en réseau,via Internet, offrent la possibilité de redon-ner vie à une utopie. À l’État d’entreprendreune action politique globale et cohérente,érigée en priorité. Cette politique concer-nerait à la fois les œuvres écrites, musicales,photographiques, audiovisuelles et cinéma-tographiques, et se déploierait dans quatredirections : informer, car ce sont ceux quiont déjà le plus de connaissances qui pro-fitent le plus d’Internet ; ensuite, aider lesplus défavorisés à s’équiper; définir un cadrelégislatif et réglementaire adapté ; et enfinimaginer de nouveaux modèles économiques.L’économie des industries culturelles doits’adapter à l’attente du public. Or ce der-nier veut un accès aux œuvres facile, quandil le désire, dans n’importe quel lieu, et toutcela pour un coût faible ou nul.

LUCIEN BOYER | 42 ans | Directeur général deHavas Sports.

résent au cœur dela vie de tous les Français, le sport permetde faire passer des messages clés sur dessujets sensibles. Expérience sociale parta-gée, le sport permet d’agir sur les compor-tements, de soutenir le moral de toute la na-tion. Communiquer sur la santé, l’éducation,le racisme, ou l’intégration, mais aussi lesvaleurs du travail et de la performance viades programmes sportifs, est souvent le vec-teur le plus efficace pour transformer lesmentalités et accompagner les réformes ma-jeures. La force de cet univers est son ré-seau et sa puissance médiatique mondiale.Relayées et portées au quotidien par cha-cun des 36 millions de pratiquants (15 mil-lions de licenciés), sur les terrains, à l’écoleou dans la rue, ces réformes auront une vraiechance d’être comprises et adoptées. Sym-boles de la dynamique de toute une nation,les résultats internationaux de nos cham-pions et notre capacité à gagner l’organisa-tion d’événements sportifs majeurs seraientdeux priorités pour un président soucieuxde mettre le sport au service de son actionpour la France.

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Démocratiser et ouvrirl’éducation

L’ÉCOLE, PRIORITÉ NATIONALE

APPRIVOISER INTERNET PROXIMITÉ

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 11

LAURENT PLANTIER | 40 ans | Directeur gé-néral, associé fondateur du Groupe Alain Ducasse.

ous, Européens, dis-posons d’un capital immatériel inestimableconstitué par notre culture. La diversité desœuvres matérielles et intellectuelles, la mul-tiplicité des savoir-faire et des arts de vivrereprésentent un avantage compétitif déci-sif pour nos industries « culturelles » au senslarge (gastronomie, restauration, hôtellerie,tourisme, luxe, mode, design, etc.). En ef-fet, les sensations ne peuvent être dupli-quées. Un Américain sait bien que le crois-sant et le café-crème ont une saveurparticulière à la terrasse d’un café parisien.Il faut promouvoir la culture dans toutes sescomposantes. D’abord en valorisant le pa-trimoine historique, culturel et naturel eu-ropéen, parce que c’est notre maison com-mune. Ensuite, en lançant un plan Erasmus« Tourisme et Arts de vivre », qui aurait pourobjectif de développer les formations dansles métiers d’art, dans l’artisanat et les ser-vices, dans l’accueil de l’hôtellerie-restau-ration. Enfin, il faut encourager les initia-tives privées et publiques pour promouvoirl’Europe comme destination touristique etmarque d’excellence.

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(6)Démocratiser et ouvrirl’éducationORIANNE GARCIA | 34 ans | Cofondatrice de Caramail et ex-directrice de Lycos | Elle a fondéune société de vente à distance de lentilles de contact.

uttons contre la frac-ture numérique en éduquant les enfantsaux nouvelles technologies. En effet, le cli-vage ne se situe pas dans le fait de possé-der ou non un ordinateur, mais entre lesenfants qui savent utiliser Internet de ma-nière intelligente et active, en exerçant auquotidien leur réflexion et leur esprit cri-tique, et les autres. On a tendance à dia-boliser Internet, à craindre ce média parcequ’on le connaît et le maîtrise mal. On peuttout trouver sur Internet, des informationsfiables ou non, des individus bienveillantsou pas. L’important est de savoir user au

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mieux de ce formidable outil et de ses in-nombrables possibilités, sans toutefois s’ylaisser piéger. C’est notre devoir que dedonner toutes les chances à nos enfants, enles poussant, par le biais de cours sur lesnouvelles technologies dès l’école primaire,à exercer leur capacité de réflexion et leuresprit critique. C’est le seul moyen pourleur apprendre à se protéger au XXIe siècle,sur Internet comme ailleurs !

SYLVAIN KAHN | 41 ans | Professeur agrégé àl’IEP Paris | Producteur de l’émission Planète Terresur France Culture, auteur des Universités sont-ellessolubles dans la mondialisation? (Hachette Littéra-tures, 2006).

l y a urgence. Ni laFrance ni l’Europe ne sont le moteur de latroisième révolution industrielle. L’accès àl’université est un idéal de développementde l’intelligence hérité des Lumières, un le-vier de promotion sociale et le socle de larichesse des nations : il ne faut céder sur au-cun de ces trois points. À toutes les échellesde l’Union, nous aurons l’ambition d’être uncontinent moteur de la production de connais-sances et d’innovations pour être un pôlemondial de cette troisième révolution. Leplan d’action de la Communauté reposerasur l’autonomie des établissements, l’excel-lence et la solidarité des espaces universi-taires, et un fonds européen d’investisse-ment pour l’université. Avec : diversité desfinancements, fondations d’utilité publique,droits d’inscription proportionnels aux re-venus, réseaux de labos, liberté de rému-nération et de mobilité des enseignants-chercheurs, encadrement et motivation desétudiants, édification de campus, de biblio-thèques amplement dotées et accessibles àtout moment. La survie de notre continent– qui ne représentera bientôt plus que 6%de la population mondiale – en dépend.

NATACHA POLONY | 32 ans | Écrivain, journa-liste | Auteur de Nos enfants gâchés (JC Lattès, 2005)et de M(me) le Président, si vous osiez… 15 mesurespour sauver l’école (Mille et Une Nuits, 2007).

lors que s’ouvre leXXIe siècle, la modernité nous adresse undéfi : réaliser enfin le rêve des Lumières deformer une humanité émancipée, libre etautonome. C’était le but, jamais atteint etaujourd’hui renié, de l’école républicaine.C’est l’idée qu’il faut à présent remettre aucœur de notre projet de société. En nom-mant son gouvernement, le président de laRépublique doit élever le ministre de l’Édu-cation au rang de ministre d’État, et faire de

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l’école une priorité nationale. Plutôt qu’uneénième réforme, il doit jeter les bases d’unerefonte du système appuyée sur un audit in-dépendant et remettre au cœur du projetéducatif une haute idée de l’homme et deson libre arbitre, fondée sur la valorisation,dans chaque domaine, même manuel, desplus méritants. Parce qu’il n’y a pas de dé-mocratie sans éducation du peuple, pasd’égalité réelle sans sélection par le mériteet pas de civilisation sans transmission desvaleurs et des savoirs.

MARTIN GRANDES | 35 ans | Professeur àl’université américaine de Paris.

e système éducatifglobal, et plus particulièrement les cycles su-périeurs, doit contribuer à former des déci-deurs politiques, en se dotant d’une approchepédagogique pluridisciplinaire, globale, com-préhensive, flexible et multiculturelle. Il fautrepenser le système de formation de nosfutures élites; celles-ci, indépendamment del’institution éducative qui les accueille,attendent qu’on leur enseigne les compé-tences qui leur seront nécessaires. Elles doi-vent bien connaître les outils de l’économie,les méthodes quantitatives, ainsi que la théo-rie et la pratique de l’administration publique.Car leurs actions resteront limitées si elles nesont pas capables de produire des solutionsefficaces d’un point de vue économique,viables au niveau politique, durables au ni-veau institutionnel, communicables et accep-tables à l’échelle sociale. Une nouvelle gé-nération politique arrive en France, etl’université a un rôle majeur à jouer pour lesformer afin que ces futurs décideurs soient àla fois internationaux, opérationnels et ca-pables d’élaborer leur pensée.

EMMANUEL DAVIDENKOFF | 38 ans | Jour-naliste | Rédacteur en chef adjoint de Phosphore,chroniqueur sur France Info, auteur de Réveille-toi,Jules Ferry, ils sont devenus fous! (Oh! Éditions, 2006).

es politiques pu-bliques peuvent-elles encourager la géné-rosité et la confiance dans l’acte d’éduquer– acte complexe, gorgé d’humain, lourd deresponsabilités? Quels que soient les struc-tures, les moyens, les effets de contexte, toutepolitique doit viser deux exigences : d’unepart, placer celui qui éduque en position decroire que chaque élève ou étudiant peutprogresser, qu’aucune partie n’est perdued’avance, et ce à toutes les étapes du par-cours de formation ; d’autre part, placer ce-lui qui est éduqué en position de croire queses enseignants ou ses formateurs sont à

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Quandla santé va,tout va!

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même de le faire progresser, qu’ils sont dignesde confiance. Ces exigences ne supportentni angélisme ni caporalisme de la part dupolitique. Elles en appellent à la capacité duservice public à refonder une autorité bien-veillante à l’endroit de ceux – nos enfants –qu’il doit mener vers l’autonomie intellec-tuelle, sociale, civique, économique. Pour yparvenir, il faudra aussi réinventer un ac-compagnement attentif, mais pas complai-sant, de ceux qui sont chargés de cette mis-sion essentielle : les personnels d’éducation.

ANNE-CAROLINE TANGUY | 40 ans | Pro-fesseur à l’IAE de Paris, cofondatrice et vice-prési-dente de l’agence de blogs et buzz Àl’EstDEsNuages.com.

n 2010, la Francemanquera d’au moins 200000 informaticiensdéveloppeurs. Ce métier, considéré et bienpayé chez les Anglo-Saxons, ne séduit pasau pays de Descartes. Et pourtant… Si nousignorons beaucoup des applications à ve-nir, nous savons que l’économie numériqueest au cœur de la création de valeurs duXXIe siècle. Il faut sensibiliser et former lecorps enseignant, promouvoir la recherche,s’ouvrir au monde, en encourageant nos étu-diants en technologies de l’information etde la communication (TIC) à effectuer unepartie de leur cursus à l’étranger dans lesécoles de pointe, comme par exemple l’uni-versité de Bangalore, en Inde. Il ne faut paslimiter cette initiative au seul monde sco-laire, mais mettre en place une politique deformation ambitieuse pour tous, sans limited’âge, afin d’offrir aux professionnels desTIC les programmes de mise à jour ou dereconversion indispensables. L’avantagesera triple. D’abord, nous créerons crois-sance et emplois. Ensuite, nous permettronsà nos futurs Bill Gates et autres Steve Jobsde s’exprimer avec succès. Enfin, nous po-serons les premières pierres d’une cité nu-mérique européenne pouvant exister faceaux États-Unis et à la zone Bric (Brésil, Rus-sie, Inde et Chine).

PASCAL CHERKI | 40 ans | Adjoint au mairede Paris, chargé des sports.

a massification del’éducation est entrée dans les mœurs. Sadémocratisation reste à construire : 800000étudiants sont obligés de travailler pour fi-nancer leurs études ; 85 % de ces emploissont alimentaires et n’ont aucun lien avecleur formation. Le système, fondé sur lesbourses, a été conçu après guerre, alors quel’université n’accueillait que 200 000 étu-

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diants, en très grande majorité issus desclasses les plus favorisées. Il ne répond pasà l’exigence de démocratisation d’un ensei-gnement supérieur qui accueille 2,5 millionsde jeunes. Il est temps de donner aux jeunesun statut social qui leur permette d’accom-plir leur formation en toute indépendancefinancière en attribuant à chacun une allo-cation d’autonomie. Celle-ci serait financéeen partie par la refonte des aides socialesexistantes (bourses, demi-part fiscale, etc.)pour 7 milliards d’euros annuels. Le finan-cement complémentaire pourrait être assissur une contribution spéciale des entreprisesdont l’intérêt est de maintenir un haut ni-veau de qualification des futurs salariés.

LAURENT BOUVET | 38 ans | Professeur descience politique à l’université de Nice et à l’IEP Pa-ris | Il a fondé en 2002 avec d’autres trentenaires lecollectif Régénération et codirige depuis la collectionéponyme aux éditions Michalon.

université françaisene remplit plus ses missions, contrairementà celles d’autres grands pays industrialisés :elle n’est pas le lieu privilégié de la rechercheet de l’innovation, facteurs pourtant déter-minants pour la compétitivité économiquedu pays ; elle ne prépare pas comme elle ledevrait ses étudiants à la vie professionnelleet n’assure pas suffisamment son rôle d’as-censeur social. Ayant fréquenté depuis vingtans différents systèmes universitaires à tra-vers le monde, je souhaite que la France re-trouve le chemin de la compétitivité et del’excellence grâce à ses capacités de forma-tion et de recherche. Dans la société de laconnaissance, l’université et la recherche doi-vent prendre la place qu’avait la « fabrique »dans la société industrielle. Pour atteindrecet objectif, la réforme est devenue impéra-tive : autonomie réelle et regroupement desmoyens autour d’établissements d’excellencepour atteindre une taille critique dans la com-pétition internationale, financement démul-tiplié et diversifié, attractivité accrue des mé-tiers de l’enseignement et de la recherche,réorganisation du premier cycle et meilleureorientation des étudiants.

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(7)Quandla santé va,tout va!PASCALE GIET | 44 ans | Directrice de la com-munication et du développement durable du GroupeEurop Assistance.

ace à une montéesans précédent de l’exigence de couvertureet de mutualisation des risques, les hommeset les femmes s’inscrivent plus que jamaisdans une quête du « tout-garanti ». Unequête durable compte tenu de l’allongementde notre espérance de vie… Il faut voir demanière positive cette évolution et encou-rager ce mouvement en faisant en sorte qu’ils’accompagne d’une démarche de respon-sabilisation, d’anticipation et de préventiontout au long de la vie. Le secteur de l’assu-rance, et celui de l’assistance en particulier,se situe au cœur de ce nouveau défi humain,social et économique, de par son expérienceen matière de référencement, de formationet de contrôle des réseaux de professionnelsde la santé et de services à la personne. Pro-mouvoir une culture de la responsabilité in-dividuelle dans une logique toujours plusdurable de la santé est nécessaire aujour-d’hui. Tous les acteurs, qu’ils soient publicsou privés, doivent en saisir les enjeux et yrépondre collectivement.

PAUL SEKNADJE | 41 ans | Chirurgien plas-tique.

intéresser à « mieuxêtre » avant de paraître est désormais signed’une bonne hygiène mentale. Notre société,lasse de courir derrière des critères de beautétoujours plus inaccessibles et, de fait, tou-jours plus anxiogènes, fait volte-face. Certes,le bien-être mental demeure depuis toujoursune composante essentielle au bonheur, maispoint n’est besoin de jeter le bébé avec l’eaudu bain. Le « paraître » garde une dimen-sion extrêmement importante. Peut-on direà une femme après une ablation du sein quela reconstruction de ce dernier est inutile ?Bien sûr que non. Ce paraître-là est vital.Mais il ne peut se défaire de son corollairemental : ce nouveau sein ne suffira pas à re-

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INTERNATIONALISER

L’universitéfrançaise n’estpas le lieuprivilégié de larecherche et de l’innovation.

REVALORISER

AUTONOMIE DES UNIVERSITÉS

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ATTIRER LES MÉDECINS

SE RESPONSABILISER

MIEUX ÊTRE POUR MIEUX VIVRE

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 13

construire la personne. Non, il ne suffira pas,mais il sera indispensable pour que le« mieux-être » puisse trouver sa place. Moinsspectaculaire mais non moins source de mal-être, il existe autour de nous beaucoupd’hommes, de femmes, pour qui une sur-charge pondérale n’est pas chose facile àvivre. Rendre plus accessible la chirurgie dé-nommée esthétique serait une de mes pre-mières mesures afin de démocratiser un « pa-raître » qui peut souvent, malgré les préjugés,étayer un « mieux-être ».

NATASHA AVILA | 38 ans | Fondatrice et di-rectrice de la société e-Medicis.

a santé est un étatde complet bien-être physique, mental etsocial, et ne consiste pas seulement en uneabsence de maladie ou d’infirmité » (OMS).Nous devons plus responsabiliser la popu-lation à l’égard de la santé, en passant parune plus forte éducation thérapeutique. Ilfaut que les médecins distribuent à chaqueconsultation des fiches informatives (élec-troniques ou papier) sur la pathologie dupatient, décrivant les causes, les consé-quences, la prévention de ces pathologies,ainsi que leur coût. Il faut également formerles jeunes à la santé dès l’école ou le lycéepour leur enseigner une certaine rigueurphysique, mentale ou même sociale, pourleur expliquer les causes, les effets et lescoûts pour eux-mêmes et la société en casde laisser-aller. Pour leur rappeler leur res-ponsabilité et leur rôle dans la famille, laville ou la société… Enfin, il faut promou-voir plus fortement les services ou logicielsqui permettent aux personnes, à leur familleou aux aidants de prendre en main leurpropre santé ou celle de leur entourage.

EMMANUELLE TERRIER | 30 ans | Psycho-thérapeute, spécialiste du milieu carcéral.

ermettre l’accès àune prise en charge psychologique aux per-sonnes incarcérées est un « plus » indiscu-table, que ce soit dans une logique de pré-vention du risque suicidaire ou dans celle dela prévention de la récidive. Encore faut-ilque la fonction du thérapeute en prison nesoit pas pervertie ! La demande de soin dupatient et la relation thérapeutique ne doi-vent en aucun cas devenir les instruments del’administration pénitentiaire, et encore moinsun rouage de la machine judiciaire qui veilleà l’exécution de la peine. Le « suivi psy » nedoit pas servir de soupape au maintien del’ordre, et encore moins être la condition àl’obtention de remise de peine pour un dé-

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tenu n’ayant pas été condamné à une injonc-tion de soin. C’est, hélas! l’approche qui do-mine aujourd’hui, d’où les résultats limitésdes suivis psychologiques en univers carcé-ral. Il faut donner aux psys une indépendanceréelle, et davantage de moyens pratiques ethumains à la santé mentale. Cela contribueraà freiner la récidive, mais le psy ne doit paslui aussi être aliéné par la prison!

ÉDOUARD PHILIPPE | 36 ans | Avocat, ad-joint au maire du Havre, maître des requêtes auConseil d’État, conseiller régional de Haute-Norman-die | Auteur de L’Heure de vérité (Flammarion, 2007).

n dit souvent que lesystème de santé français est le meilleur dumonde. Peut-être. Mais pas dans le Nord,pas en Normandie, pas en Champagne-Ardenne, pas au nord de la Loire, pas dansles départements ruraux du Centre non plus.En bref, pas pour près de 15 millions de Fran-çais ! Dans ces régions de France, les mé-decins ne sont pas assez nombreux pour ré-pondre aux besoins, en particulier dans leszones rurales. C’est un drame inacceptablequi, de surcroît, pèse financièrement sur lacollectivité. C’est une des causes du désar-roi et de l’insatisfaction de la France deschamps. Contraindre les médecins à s’ins-taller dans les régions, sauf à décider de dé-stabiliser notre système plus encore, n’estpas une solution envisageable. Mais pour-quoi ne pas inciter les collectivités à attirerdes médecins, y compris étrangers, là où ladensité médicale est très faible? Elles pour-raient le faire en ajoutant au prix payé parle malade une prime significative pour chaqueacte. Ce type de mesure représente un coûtpour la collectivité, mais lui apporte en termesd’attractivité. Ne pas agir risque de se révé-ler plus coûteux encore au niveau social.

YVANIE CAILLÉ | 34 ans | Directrice généralede la Fondation Greffe de vie.

e don d’organes etla greffe doivent devenir une grande causenationale, pour enfin vaincre la pénurie dansnotre pays. Tous les deux jours, un homme,une femme ou un enfant meurt à force d’avoirtrop attendu la greffe qui l’aurait sauvé : cen’est plus supportable. Les maladies quiconduisent à un besoin de greffe sont nom-breuses : insuffisance cardiaque, maladiesrénales, VIH, mucoviscidose, hépatites, can-cers, maladies orphelines, etc. Ainsi, si cha-cun peut être amené à donner, chacun aussipeut être amené à recevoir. La greffe est untraitement qui présente également un véri-table intérêt financier. Son développement

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à hauteur des besoins permettrait une éco-nomie de l’ordre de 600 millions d’euros paran pour l’assurance-maladie ! La greffe re-présente une victoire de la science sur lamaladie, mais aussi un symbole très fort dela solidarité entre les hommes : en donnantses organes après sa mort, tout un chacunpeut sauver jusqu’à sept personnes. 85 %des Français y sont favorables ! Et c’est unenjeu de vie, de solidarité et de progrès dela société, à la hauteur de la France.

GILLES LAFARGUE | 40 ans | Docteur en neuro-sciences, maître de conférences en neuropsycho-logie à l’université de Lille.

e cerveau humainest l’objet connu le plus complexe : c’est unréseau de neurones comportant quelquecent millions de milliards de connexions.Cette masse biologique de tissus se sou-vient, apprend des langues, crée des poèmes,manifeste des préjugés, résout des problèmes,désire faire l’amour et une multitude d’autreschoses. Mieux comprendre les mécanismesneuropsychologiques qui sous-tendent lesfonctions cérébrales de l’homme biologique,culturel et social est un défi majeur de cesiècle et doit être une priorité nationale. Cedéfi scientifique, parmi les plus difficiles,mais peut-être le plus prometteur, peut par-ticiper à l’amélioration de la santé mentale,bien sûr, mais aussi à une optimisation desméthodes d’apprentissage, ou encore à unemeilleure compréhension des comporte-ments collectifs ou des processus de com-munication entre les individus. Un point mé-rite une attention particulière : l’allongementcontinu de l’espérance de vie entraîne uneaugmentation constante du nombre de per-sonnes atteintes de maladies neurologiquesou psychiatriques – accidents vasculaires,démences, maladie de Parkinson, dépres-sion. Nous risquons tous d’être touchés unjour. Il nous faut rapidement repenser notrevision du grand âge. Dans une France vieillis-sante, mais éclairée et humaniste, tout doitêtre fait pour prévenir, retarder et guérir lesaltérations et dysfonctionnements de la mé-moire, du raisonnement, du langage, de lacapacité à désirer et à apprendre.

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L’environnement,nouveau moteurde notre société

INCITER PLUTÔT QU’INTERDIRE EN BIOTECHNOLOGIES

VIVE LE FLEXIFUEL

DYNAMISER LA RECHERCHE

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(8)L’environnement,nouveau moteurde notre sociétéNATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET | 33 ans |Polytechnicienne, députée, spécialiste des ques-tions environnementales.

l est temps de révo-lutionner l’économie et la société par la luttecontre le réchauffement climatique. Il fautlancer une politique, sans précédent, de luttecontre le réchauffement climatique. Dansl’habitat, les transports, les entreprises, lesindustries, les administrations, les écoles,par les comportements collectifs et indivi-duels. Toutes les politiques publiques de-vront intégrer les critères du développementdurable. L’objectif est clair : faire de la Francele leader mondial de cette nouvelle écono-mie. Exemplaire, la France pourra alors pe-ser sur les initiatives internationales. Pour-quoi cette mesure? C’est l’urgence absolue,le péril commun, tout simplement le défimajeur du nouveau siècle. Quel insensé peuten douter encore?

CAROLE CUFFY | 37 ans | Responsable des re-lations extérieures de Limagrain.

l est essentiel de re-dynamiser la recherche en biotechnologieset d’accélérer le développement des OGM,car c’est, de mon point de vue, une solutionécologique pour l’agriculture. Les premiersbénéfices agro-environnementaux sont déjàlà, avec l’usage limité de produits phyto-sanitaires. Demain, ils contribueront à ré-duire l’émission de gaz à effet de serre (ma-tières premières renouvelables) et à mieuxutiliser les ressources naturelles par la créa-tion de variétés plus économes en eau… Lesbénéfices économiques des OGM, par l’aug-mentation des rendements et des revenus,expliquent l’engouement des agriculteurs :102 millions d’hectares cultivés dans lemonde en 2006 ! Pourquoi refuser ce quipourrait constituer le moyen de pérenniserles exploitations agricoles familiales, touten protégeant notre environnement? Il s’agitici de sauver le premier secteur économiquede la France et d’assurer sa compétitivité

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dans une économie mondialisée. Bloquerles OGM, c’est accepter d’être dépendantsde technologies étrangères, dont la straté-gie repose sur la propriété des brevets.

PHILIPPE COPINSCHI | 34 ans | Professeurà l’IEP Paris.

envolée du prix dupétrole a relancé le débat sur l’état des ré-serves : dans quarante ans, nous dit-on, ellesseront épuisées. Il y a quarante ans, la findu pétrole était prévue pour… aujourd’hui.Le niveau des réserves dépend de l’évolu-tion technologique (qui permet de « décou-vrir » du pétrole là où on ne pouvait pas al-ler auparavant) et du prix. Si celui-ciaugmente, l’exploitation de gisements dif-ficiles d’accès devient rentable : le très sé-rieux Oil and Gas Journal a ainsi fait pas-ser en 2002 les réserves du Canada de5 milliards à 180 milliards de barils, hissantce pays juste derrière l’Arabie Saoudite. Enréalité, le niveau des réserves globales n’aaucune incidence sur le prix du brut. Il fau-dra à l’avenir se passer du pétrole, non pasparce qu’il manquera, mais parce qu’il contri-bue au réchauffement climatique. Dévelop-per de nouvelles technologies pour le trans-port est devenu un enjeu économico-industrielmajeur et devrait se situer au cœur de la dé-finition des priorités des politiques publiques.

THIERRY CAROL | 34 ans | Directeur marke-ting de Powernext, Bourse de l’énergie en France.

e défi du change-ment climatique est énorme. D’aucuns di-raient que l’environnement n’a pas de prix.C’est pourtant ce que le protocole de Kyotoentend faire : donner un prix à la tonne deCO2 pour inciter financièrement à la réduc-tion des émissions et faire payer les pol-lueurs. Plutôt que l’instauration d’une taxe,les États européens ont fixé des plafondsaux émissions et mis en place un systèmede quotas échangeables. Les entreprisesdoivent détenir chaque année autant dequotas qu’elles émettent de CO2. Celles quiinvestissent dans des technologies pluspropres peuvent ainsi revendre leurs excé-dents de quotas à celles qui dépassent leursquotas. Plus la contrainte imposée par leplafond est forte, plus le prix de la tonne deCO2 sera élevé et l’investissement stimulé.Cette dynamique est de nature à redéployerla croissance autour d’un modèle calé sur ledéveloppement durable tout en étant forte-ment incitatif. Car reposant sur la perspec-tive d’un gain financier et non sur celle d’unecharge financière supplémentaire.

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MICHEL DERDEVET | 46 ans | Maître de confé-rences à l’IEP Paris, directeur de la communicationde RTE.

Europe de l’énergieest passée en France, ces dernières années,de l’aspiration à la défiance. Le doute s’estinstallé sur les raisons qui la fondent et lesambitions qui l’animent. Pourtant, que se-rait notre continent si chaque État membreprivilégiait une politique énergétique na-tionale? Ferait-on fi des réseaux européensinterconnectés depuis presque un siècle, quiparticipent d’une sécurisation énergétiquede tous les instants ? Si, le 4 novembre der-nier, la solidarité des électriciens européensn’avait pas joué, toute l’Europe serait res-tée longtemps dans le noir, et pas seulementune demi-heure ! Cinquante ans après lestraités CEE et CEEA, la création d’une vraiepolitique européenne de l’énergie doit êtrel’un des vecteurs de relance de l’Europe.Elle est vitale pour sécuriser les approvi-sionnements extérieurs, optimiser les parcsde production, ne pas gaspiller les ressourcesexcédentaires. Il faut aller au bout de laconstruction de l’Europe de l’énergie, ce quinécessite de repenser nos services publicsnationaux dans une dynamique d’ouvertureet non plus dans une logique d’exception.

ÉLIZABETH TCHOUNGUI | 32 ans | Journa-liste, écrivain | Auteur de Je vous souhaite la pluie?(Plon, 2006) et Sept filles en colère (Les Petits Ma-tins, 2007).

es sables du désertqui avance jaillit une formule de bonheurtouareg aux résonances désormais plané-taires : « Je vous souhaite la pluie. » Formuleapocalyptique, si l’on reste inerte face au ré-chauffement climatique. Et si le prochain pré-sident écoutait plus les Touaregs et moins lesconstructeurs automobiles? Mauvais espritss’abstenir : il ne s’agit pas de promouvoir lechameau, mais d’adopter les carburantspropres. Depuis le 1er janvier, le superétha-nol E85, moins polluant et moins cher quel’essence, est disponible en France. Magni-fique! Qu’attend-on pour rouler à l’E85? Despompes, d’abord. Des voitures « flexifuel »,adaptées à ce carburant, surtout : demandezle catalogue à votre concessionnaire, il vousrira au nez. Nouveau détour géographique :au Brésil, 70 % des voitures produites, no-tamment par des constructeurs français, sontéquipées de moteurs flexifuel. Même pour-centage en France en 2009, voilà l’objectif !Que le futur président aille au-delà des 50%envisagés par les constructeurs tricolores, àcoups de mesures coercitives s’il le faut! Qu’il

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Pour une politiquepolitique

INSÉRER

DÉCENTRALISER

Il faut simplifier nospolitiques dedécentralisation,les rendre plus lisibles etefficaces.

RÉFORMER POUR RENDRE L’ÉTAT PLUS EFFICACE

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 15

brave l’ire des pétroliers, partisans du diesel,celle des agriculteurs, hostiles au bioéthanolbrésilien! On ne lui souhaite pas du courage,la fonction l’exige, mais, s’il réussit, il méri-tera une belle averse.

(9)Pourune politiquepolitiqueJEAN-BAPTISTE NICOLAS | 32 ans | Inspec-teur des finances, administrateur civil, responsabledu master « Affaires publiques » de l’IEP Paris.

epuis vingt-cinq ans,la décentralisation a placé l’action publiquesous le signe de la proximité. Cette évolu-tion change en profondeur l’esprit de notrevie politique, dans un sens très positif. Mais,si nous voulons en tirer tous les bénéfices,il faut aujourd’hui donner un nouveau cadreà la décentralisation. Il faut identifier plusclairement les responsabilités des différentsniveaux de collectivités, pour que le contrôledémocratique puisse s’exercer correctement,leur donner une autonomie fiscale réelle,tout en réduisant les inégalités entre terri-toires. Il faut aller plus loin dans les trans-ferts de compétences, en explorant de nou-veaux horizons : les aides à l’emploi ou à lacréation d’entreprise, l’éducation, la santé…Il faut enfin permettre aux collectivitésd’adapter la réglementation à la diversitédes situations et leur donner plus de lati-tudes pour conduire des politiques inno-vantes. Aller jusqu’au bout de la logique dedécentralisation et introduire le principe desubsidiarité dans notre Constitution…

DELPHINE CERVELLE | 30 ans | Administra-trice territoriale (Île-de-France), maître de conférencesen droit des collectivités territoriales à l’IEP Paris.

ne des mesures quipourrait mieux ancrer la politique auprèsdes citoyens serait d’associer davantage lesélus locaux aux décisions nationales. Au-jourd’hui, les collectivités locales démon-trent leur efficacité dans la gestion des ser-vices publics locaux : éducation, crèches,maisons de retraite, transports en commun…Elles sont en première ligne en matière de

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formation professionnelle, d’insertion, deconstruction de logements sociaux, d’amé-nagement du territoire et de développementéconomique. Elles sont à même de fédérerl’ensemble des partenaires économiques etsociaux autour de projets novateurs. En té-moigne le potentiel que représentent lespôles de compétitivité. Les élus locaux sontproches du terrain et connaissent les préoc-cupations de leurs concitoyens. Or les poli-tiques publiques sont élaborées au niveaunational en sous-estimant trop souvent lesfinancements nécessaires et les difficultésdes territoires les plus pauvres. Renforcerles modalités de consultation obligatoire descollectivités territoriales pour les projets quiles concernent s’impose donc.

LAURENT SOLLY | 37 ans | Préfet.

e rôle de l’État, sesmodes de fonctionnement, son organisationet son financement sont des questions cru-ciales pour la modernisation du pays. Celad’autant plus que la sphère privée s’est pro-fondément transformée au cours des der-nières années et que les Français ont, dansle même temps, consenti de multiples effortspour s’adapter aux nouvelles règles de la so-ciété du travail. Seuls l’État et les institutionsqui en dépendent n’ont pas mis en œuvre lamue nécessaire. Il faut aujourd’hui s’attelerà cette tâche essentielle pour l’avenir du payset réformer pour bâtir un État plus efficace,plus cohérent, plus économe de l’argent desFrançais et orienté vers le service aux usa-gers. Pour ce faire, trois actions sont néces-saires : mettre en place une gestion moder-nisée des finances de toute la puissancepublique (État, collectivités locales et ré-gimes sociaux); clarifier les compétences deséchelons administratifs ; et définir un nou-veau « pacte national » avec l’ensemble desfonctionnaires, qui seront les acteurs cen-traux et les porteurs de cette réforme.

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PIERRE BOUCAUD | 41 ans | Président deTélétoulouse et directeur général de La Chaîne Mar-seille.

a France est très enretard en termes de décentralisation. En par-ticulier dans les médias. Par exemple, la té-lévision a été élaborée, comme le cheminde fer au début du siècle dernier, en étoiledepuis Paris. Heureusement les choses sonten train de changer dans le bon sens. Maisil faut encore simplifier nos politiques dedécentralisation, les rendre plus lisibles etefficaces pour nos concitoyens. L’avenir, cesont les communautés urbaines, les régionset l’Europe. Or, plutôt qu’alléger, simplifier,nous avons empilé ces structures! Les Fran-çais sont noyés dans cette décentralisationtechnocratique. Comment expliquer que larégion a en charge les lycées, et les dépar-tements les collèges ? À quoi peuvent êtreutiles, sur une même zone géographique,un maire, un président d’agglomération, unconseiller général, régional, un député eu-ropéen, un député, un sénateur? Pourquoine pas élire au suffrage universel direct lesprésidents de communauté urbaine, là où sesituera demain le pouvoir, afin de nous don-ner les moyens de lutter à armes égales avecBarcelone, Londres ou Gênes ? Ainsi, nosvilles deviendront de grandes métropolesmondiales, riches en emplois, en culture.

CÉDRIC LEWANDOWSKI | 37 ans | Secré-taire général de l’association Lire la politique.

es progrès ont per-mis de réduire les distances et d’abolir lesfrontières. Mais, en nous affranchissant descontraintes de notre environnement, nousavons contribué à sa dégradation. Nous voiciconfrontés à un nouveau défi : gagner plusde liberté sans sacrifier la qualité de notrevie quotidienne. Par l’émergence d’un Étatstratège en matière de recherche et d’inno-vation, grâce aux nouvelles technologies età l’engagement d’industriels conquérants,nous résoudrons les menaces liées aux pol-lutions et pallierons la disparition progres-sive des ressources non renouvelables. Oui,les véhicules hybrides, les voitures élec-triques et les biocarburants sont, dans la dé-cennie, des solutions crédibles. Ces avan-cées devront bénéficier à chacun : elles serontproposées à des prix raisonnables, par né-cessité, et accessibles aux personnes à mo-bilité réduite, par ambition. Ainsi, les trans-ports du futur feront de nous tous des acteursresponsables de notre avenir.

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Ensemblecontrela violence

(10)Ensemblecontrela violenceISABELLE SORENTE | 33 ans | Écrivain, poly-technicienne, pilote d’avion | Auteur du Cœur de l’ogre(JC Lattès, 2003), elle est considérée comme une desvoix les plus prometteuses de la littérature française.

e genre est une per-formance, nous a révélé la philosophe amé-ricaine Judith Butler. La femme, chaque jour,se déguise en femme. L’original – le modèle« femme » que l’on copierait – n’existe pas.C’est une bonne nouvelle. Même pour ceuxqui ne voudraient pas y croire. D’abord, ellemet fin à l’idée de guerre des sexes : hommeset femmes jouent chacun le jeu de leur tra-vestissement. Rejouer son genre, se l’appro-prier, est le moyen de gagner quelques de-grés de liberté : plus je joue la femme, oul’homme, moins j’en suis l’esclave. Le salutpar le jeu, voilà une nouvelle troublante.Que signifie une conscience joueuse? Est-elle le propre de l’homme ? Admettre quel’opposition homme-femme n’est pas perti-nente, mais un handicap qui freine la pen-sée, c’est autoriser cette pensée à dépasserles traditionnelles oppositions binaires, àdéborder. Le trouble dans le genre n’est quel’un des aspects de ce débordement. Quesignifie l’humain, par exemple, si cesse lanécessité d’une opposition homme-animal?La capacité à dépasser dualité et mani-chéisme est essentielle pour apprivoiser unmonde dont nous commençons juste à res-sentir les infinies complexités et qui sort,chaque jour un peu plus, de notre contrôle.

MARIETTE DARRIGRAND | 40 ans | Sémio-logue, présidente de « Des faits et des signes », so-ciété spécialisée dans l’analyse des discours média-tiques et le conseil en communication.

a vacance de la pen-sée au cours de cette présidentielle devraitinciter celui ou celle qui la gagnera à créerun nouveau lieu de production intellectuelle :atelier des idées, usine du concept, manu-facture du logos… Peu importe le nom,pourvu que les travailleurs de la penséesoient au boulot. Ce Collège de France opé-

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rationnel marquerait enfin la défaite du pan-sement : l’actuel « Je panse donc je suis »répandu par les compassionnels du grandcorps social malade, psys et parapsys, quisont le contraire de l’intellectuel. Certes,panser et penser ne sont qu’un même mot,puisque penser, c’est, étymologiquement,prendre soin de… Il y a en France des gensqui prennent très bien soin de certainesquestions. Dans l’ombre de leur université,de leur bibliothèque, de leur chambre, ilscherchent les nouveaux instruments qui nouspermettront de nous penser nous-mêmes :de savoir mieux qui nous sommes et demieux habiter ce difficile XXIe siècle qui estnotre sort commun. Il faut aider ces inven-teurs d’idéologie et leur suggérer des chan-tiers. Le premier : par quoi remplacer le prin-cipe de domination qui n’opère plus, maissans lequel les rapports entre les classes, lesethnies, les hommes et les femmes se désa-grègent, produisant toutes sortes de nou-velles violences, encore impensées ?

JACQUES DE GUILLEBON | 28 ans | Écrivain,directeur délégué du mensuel La Nef, collaborateurdu Figaro Magazine | Auteur de Nous sommes lesenfants de personne (Presses de la Renaissance, 2005).

ujourd’hui, dans desréserves du Sud africain, de jeunes éléphantsmâles désocialisés par la destruction de leurharde violent quasi systématiquement desrhinocéros avant de les achever. Le seulmoyen d’y remédier qu’on ait trouvé consisteà protéger et à reconstruire les structurescommunautaires éléphantes. Cependantqu’en France, et dans l’Occident en géné-ral, la famille est la grande absente du dé-bat politique et que ce qu’il en reste est enproie aux assauts les plus violents. La fa-mille est la première protection offerte à lavie, de sa conception à son achèvement, etnulle civilisation, même et surtout la plustechnicisée, ne sait vivre et se construiresans. Apprendre et réapprendre ce qu’ai-mer veut dire, ce qu’épouser, ce que conce-voir, ce qu’enfanter, ce qu’élever, ce quetransmettre et donner veulent dire, ce quevieillir, souffrir aussi apprennent sur l’hu-maine faiblesse, voilà un chantier politiquedigne des meilleurs. Pour que cessent lesenfants sur commande, les enfants qu’on fa-brique et ceux qu’on éradique; les vieillardsqu’on débranche et ceux qu’on pique. Pourun monde qui réinstalle la continuité entreson passé et son futur.

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MOSTEFA MESSAOUDI | 39 ans | ENA,conseiller du secrétaire général de la mairie de Pa-ris, maître de conférences à l’IEP Paris | Il promeutdes partenariats public-privé pour développer les ser-vices à la personne dans les banlieues.

amour de sa cité etle désir de créer existent dans nos banlieues.Il est urgent d’encourager cette recherched’une dynamique économique propre. Pource faire, il faut soutenir les projets de créa-tions d’associations et de micro-entreprisesdes jeunes diplômés de banlieues dans lesecteur des services à la personne. Cetteambition impose toutefois un changementde paradigme, connu des économistes maismoins de la logique institutionnelle : ensei-gner la pêche, mais ne pas donner le pois-son. Il faut sortir de la seule logique descontrats publics. Le potentiel de croissancedu secteur des services à la personne estconnu : 300000 emplois nouveaux créés paran et près de 1,5 million de salariés. Du sou-tien scolaire à l’insertion et l’aide aux fa-milles ou aux plus âgés, les besoins sontréels. Après l’aide à la création, l’État pres-tataire garantira aux acteurs une part pu-blique de leurs commandes par le biais del’économie solidaire et des clauses socialesdes marchés publics. Restera aux associa-tions de services à se développer sur le mar-ché privé pour l’essentiel de leur activité.De cet épanouissement économique décou-leront les signes d’une réussite locale etd’une nouvelle dynamique des cités. Il fautdonner la priorité à leur autodéveloppement.

ERWAN LECŒUR | 37 ans | Sociologue | Il a di-rigé la publication du Dictionnaire de l’extrême droite(Larousse, 2007).

angoisse n’est plusaujourd’hui de baisser dans l’échelle sociale,mais d’en être exclu. Le contrat social n’estplus lisible ; il ne peut passer par le seul em-ploi, ni par le seul soutien privé des parentsaux enfants. S’il fallait choisir une mesurequi permettrait de renouer les fils d’une so-lidarité entre les générations et de dévelop-per de nouvelles activités, je choisirais delancer le « Rapt »… L’idée, développée de-puis des années par des philosophes et éco-nomistes, est simple. Il s’agit d’instaurer un« revenu d’autonomie pour tous » (Rapt),suffisant, permanent et cumulable. En plusd’assurer une meilleure autonomie pour lesjeunes et une sécurité pour tous, le Rapt se-rait la meilleure assurance contre l’exclu-sion. En libérant du temps et de l’énergie,il mise sur l’intelligence, qui permet la créa-tion de richesses et d’activités nouvelles

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PENSER

RÉAPPRENDRE LA FAMILLE

AUTONOMIE

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Françaisparce que je le suis

Le Point 1803 | 5 avril 2007 | 17

(associatives, culturelles, humanitaires) etnovatrices : service civil, commerce équi-table, tiers secteur, tutorat, etc. Plus qu’unesimple allocation, le Rapt serait une façonde poser un contrat gagnant-gagnant avecchaque citoyen, et ainsi de redonner un sensconcret à la vie en société.

CLAUDE RIBREAU | 41 ans | Président de I2KHoldings, société d’ingénierie financière.

e marché du SAP(services à la personne), pour un entrepre-neur ou un analyste, est porteur de promesseet d’avenir. L’entreprise peut y gagner – c’estson rôle –, ses salariés s’y épanouir, en ap-portant leur contribution au mieux-vivre deceux qui les entourent. Entreprendre dansce secteur, c’est aussi l’occasion de construire,de faire cohabiter la rationalité de l’entre-prise avec des convictions et des valeurs hu-maines. Bâtir une entreprise dont la richesserepose tout autant sur ses représentants quesur ses partenaires, ses clients, sa solidité fi-nancière, ses bilans et la qualité de ses pro-duits et services, c’est donner la victoire àl’humanisme. Et comprendre qu’il est pos-sible de réussir sans se trahir. Cela ne s’ap-pelle pas réussir dans la vie, mais réussir savie, une des aspirations fondamentales denotre génération post-soixante-huitarde.« La vraie générosité envers l’avenir consisteà tout donner au présent » (Albert Camus).

NICOLAS VANBREMEERSCH | 32 ans |Bloggeur, alias « Versac », un des piliers de la blo-gosphère politique.

nternet est en trainde devenir l’espace social de référence, ce-lui où se forme l’opinion, où se font et dé-font les réputations et où émergent les lea-ders de demain. Plutôt que d’appeler lesinternautes à la modération et à la prudence,plutôt que d’essayer de les contraindre etde leur imposer des lois en tentant vaine-ment de calquer sur eux des modèles an-ciens, les élites d’aujourd’hui devraient des-cendre dans cette arène, en accepter lesrègles, découvrir sa générosité et le profitformidable qu’il y a à tirer de ces échanges.Internet n’est pas un espace où tout se vaut,où la rumeur ne fait que circuler entre ano-nymes, mais un espace social où l’autoritése redistribue, où chacun se met de nouveaude plain-pied. Dédaigner cette société enformation est un risque, participer à seséchanges est une opportunité de plus enplus urgente, pour tous ceux qui se sententmenacés ou ont la facile tentation du ver-rouillage ou du contrôle.

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JEAN TILLINAC | 28 ans | Philosophe, associéchez Tendances Institut.

université de Har-vard vient de se donner une femme commeprésident. Elle remplace Lawrence Sum-mers, écarté pour avoir déclaré que la sous-représentation féminine au sein des sciencesdures pouvait peut-être, parmi d’autres hy-pothèses, s’expliquer par des différences in-nées. Le fait que Summers fasse partie dela gauche américaine a permis au débatd’échapper aux caricatures. La controversequi a éclaté entre intellectuels a pu portersur le fond, à savoir sur la question de la lé-gitimité politique de cette « hypothèse ». Laréflexion universitaire pouvait-elle légiti-mement prendre comme objet une questionréputée illégitime dans le champ politique?En France aussi, nous avons souvent le sen-timent que le champ intellectuel, le débatd’idées et la liberté d’expression sont sou-mis à des principes politiques hypostasiésen vérités scientifiques : nombreux sont ceuxqui croient, par exemple, que l’affirmationde l’égalité entre les hommes est une asser-tion d’ordre factuel, alors qu’il s’agit d’unprincipe légal. Il y a là une dérive dange-reuse qui revient à accorder aux passionspolitiques et à l’opinion le primat sur la ré-flexion intellectuelle. Saurons-nous éviterde sombrer plus avant dans une véritable« philosophie d’État »? Ou bien faut-il s’ha-bituer à faire trancher les débats les plussensibles par des sondages d’opinion?

TRISTAN LECOMTE | 33 ans | Fondateur et di-rigeant d’Alter Éco, entreprise spécialisée dansl’importation et la distribution de produits ducommerce équitable.

es défis du dévelop-pement durable naissent régulièrement denouvelles formes de solidarité. Le commerceéquitable, le tourisme solidaire, l’achat localou les placements éthiques sont autant denouveaux moyens d’être solidaires tout en re-cevant un produit ou service de qualité enéchange. On privilégie le commerce à la cha-rité, la démarche étant à la fois plus attrayante,utile et durable. Ce n’est pas une mode maisune tendance de fond qui répond à la néces-saire réconciliation de la croissance écono-mique avec les impératifs sociaux et environ-nementaux de notre planète. Ces nouvellessolidarités rencontrent une demande crois-sante. Le commerce équitable, et son très fortdéveloppement au cours des cinq dernièresannées en France, l’illustre bien. Il vise à ai-der les petits producteurs et leurs famillesdans les pays pauvres, soit plus de 4 milliards

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(11)Françaisparce queje le suisAHMED MAZOUZ | 29 ans | Rappeur | Lauréaten 2005 du prix de la Fondation Lagardère pour sonalbum Peines de Maures.

a question de l’inté-gration est caduque… Les Français issus del’immigration font partie de cette nation demanière innée. Au sein du « groupe France »,un Lorrain mangera des quiches lorraines,un Français d’origine marocaine, du tagine,l’un sera catholique, l’autre musulman, l’unest clair de peau, l’autre bronzé, mais tousdeux auront grandi sous l’égide de la mêmenation et feront cohabiter sous le même toitleurs spécificités culturelles. Nous avons, tourà tour, été taxés d’indigènes, de main-d’œuvreimbécile, de voyous, de racailles, de terro-ristes, etc. La condescendance avec laquellenous, « presque français », sommes traitésdans le débat politique me fait penser à ungrand frère voulant raisonner son petit frèreadoptif attardé! Mais nous n’avons pas étéadoptés par la France, nous sommes la Franceavec les autres. Aujourd’hui, l’amalgameentre problèmes sociaux et raciaux rend cettecrise identitaire aiguë. C’est le vol du paindes Français… par des Français! Puisque lespopulations les plus touchées par le chômagesont les Français issus de l’immigration.

KARIM AMELLAL | 29 ans | Écrivain et maîtrede conférences à Sciences-Po | Auteur de Cités à com-paraître (Stock, 2006).

identité françaiseest multiple. La promouvoir, c’est promou-voir sa diversité, notamment par la culture,car une culture partagée par tous, au-delàdes différences, est un puissant moteur

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d’individus, plus de la moitié de la popula-tion mondiale. Un enjeu planétaire tout au-tant que le changement climatique… Lemoyen : un Caddie mieux rempli; plus large-ment, une prise de conscience de l’impact quela consommation individuelle a sur l’hommeet l’environnement. Oui, on peut aussi aiderà changer le monde avec son Caddie.

DIVERSITÉ

INTÉGRATION COMMERCE ÉQUITABLE

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Pour un contratde citoyenneté

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d’intégration, d’identification, de vivre en-semble. Or l’accès à la culture, aux œuvreset aux lieux culturels, mais aussi à la produc-tion artistique est profondément inégal dansnotre pays. Les plus riches y ont accès, sansbarrières, tandis que les plus pauvres en sontdépossédés. Cette fracture est source d’ex-clusion. L’une des premières mesures àprendre serait donc de réinventer, en les mo-dernisant, en les dotant de moyens substan-tiels, mais surtout en les destinant prioritai-rement aux jeunes, les maisons de la Culturechères à Malraux. Il faut créer sur chaqueterritoire en difficulté, rural ou urbain, en lienavec les acteurs locaux et les établissementsscolaires, un lieu dynamique de création, dediffusion et de représentation où pourraientêtre conduits des projets culturels, créés desateliers d’écriture, mises en scène des piècesde théâtre ou produits des concerts.

JEAN-THOMAS LESUEUR | 30 ans | Direc-teur des études à l’Institut Thomas-More (Bruxelles-Paris).

st-ce trop dire quela société française est aujourd’hui à cran, àbout, à vif ? La question de la redéfinition etde la revalorisation de l’identité française,comme socle d’un « vivre ensemble » au-jourd’hui perdu de vue par beaucoup deFrançais – dirigeants comme citoyens –, de-vra être au cœur de l’action du prochain pré-sident, et cela va bien au-delà de la créationd’un ministère dédié. De quoi la société fran-çaise, en tant que communauté, a-t-elle leplus besoin? De réapprendre à dire « nous ».De retisser ses liens : liens politiques, lienssociaux, liens culturels, liens qui unissent etqui fabriquent, sans qu’on y pense, une iden-tité commune. Qu’est-ce qu’une identité ?Le fruit d’un héritage et d’une dynamique.Un socle et un mouvement. Un point de dé-part et une ligne d’horizon. Un passé quioblige et un avenir qui libère. Un état de faitauquel on ne peut rien et un autre grâce au-quel on peut tout. Il ne faut pas haïr le passé,ni jamais insulter l’avenir : le présent en dé-pend. Et le défi de notre présent est de « fairesociété », comme disait Montaigne, entre

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Français de toutes origines. Celui qui sauradire ce que c’est qu’être français aujourd’huisera digne d’être notre président.

NADÈGE FOUGERAS | 34 ans | Écrivain | Au-teur d’Allo… la terre? Ici, Tokyo (Mettis, 2006).

a façon dont l’infor-mation est traitée en France est trop néga-tive : on ne parle que de ce qui ne va pas.Quand on regarde le journal de 20 heures,ou qu’on lit les journaux, on est souvent ac-cablé et démoralisé. Franchement, on est lepays des mauvaises nouvelles ! Alors qu’ily a partout des gens formidables qui fontdes choses formidables ! Alors, si on déci-dait enfin de parler aussi de ce qui va bien?Primo : ça remonte le moral. Deuxio : çadonne des idées pour changer notre vie oula rendre plus agréable. On pourrait ainsiappliquer à la France les bonnes idées desautres pays. Je reviens de trois ans au Ja-pon et il y a plein de choses dont on pour-rait s’inspirer : le travail des seniors, le sensdu service, le respect des autres dans la viede tous les jours. Si on prend le meilleur dechaque pays et qu’on l’adapte au nôtre, onsortira de cette morosité qui nous plombe !

ALEXANDRE BOMPARD | 35 ans | Inspec-teur des finances | Ancien conseiller du ministre desAffaires sociales (François Fillon), il est aujourd’hui directeur des sports de Canal +.

a révolution numé-rique et Internet constituent un tournant his-torique, une étape aussi décisive que la ré-volution industrielle. Cette nouvelle ère oùchacun pourra produire, créer, communi-quer sans contraintes de temps et d’espaceest un défi mais aussi une ère d’opportuni-tés pour notre pays. Car la France porte enelle tous les atouts pour être un des moteursde cette mondialisation, comme elle le futà d’autres moments de l’histoire, à la Re-naissance ou au Siècle des lumières, lorsquel’intelligence, le savoir, l’imagination et lacréation étaient des vertus cardinales. Mais,pour cela, il nous faudra une France récon-ciliée avec elle-même, ouverte sur le mondeet fière de son identité, une France faisantde l’éducation, du savoir, de la transmissionde ses cultures, la première de ses priorités.Une France où l’État et les entreprises secomporteront comme des partenaires et nonplus comme des concurrents, une Francequi encouragera l’esprit d’initiative, qui nesanctionnera pas l’échec, mais qui offrira àchacun et à tout moment sa chance.

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(12)Pour un contratde citoyennetéNAJAT BELKACEM | 29 ans | Membre du Conseilnational du PS, conseillère régionale en Rhône-Alpes.

l faut avant tout fairele pari de la jeunesse. Il est fondamentalpour le pays de l’associer à la constructionde l’avenir. Les propositions qui lui ont étéfaites au cours de ces dernières années (CIP,CPE, puis CNE) ont démoralisé toute uneclasse d’âge, quand elles ne lui ont pas donnéenvie d’aller voir ailleurs. Il faut rétablir laconfiance : la jeunesse n’est pas un pro-blème, elle est une solution pour la France.Le service civique et l’allocation d’autono-mie doivent permettre aux jeunes d’êtremieux intégrés et plus impliqués dans la viesociale, culturelle et économique du pays.Il faut également favoriser et promouvoir lebénévolat étudiant. Par exemple, à traversla mise en place, dès la licence, d’un mo-dule d’action sociale de deux heures heb-domadaires qui compterait dans l’obtentiondu diplôme. Cette expérience serait l’occa-sion d’apprendre l’exercice de la citoyen-neté. Elle favoriserait une prise de conscienceplus précoce, par chacun, de sa propre res-ponsabilité dans la vie collective. Cela per-mettrait de jeter les bases de la rénovationdu contrat social.

CYNTHIA FLEURY | 33 ans | Philosophe, elleenseigne à l’université américaine de Paris et à l’IEPParis | Dernier ouvrage paru : Les Pathologies de ladémocratie (Fayard, 2005).

oncernant la Répu-blique et l’Universel, il faut une révolutionépistémologique et méthodologique qui nousconduise à créer un contrat d’intégration etde citoyenneté plus participatif et person-nalisé. Il ne s’agit pas d’abandonner l’idéed’un contrat commun et indifférencié. Il fautau contraire – primo – penser que l’intégra-tion citoyenne est l’affaire de tous ; en au-cun cas, l’affaire de quelques-uns. Faut-ilrappeler qu’il n’y a pas d’équivalence entreidentité et citoyenneté et qu’ainsi, par voiede conséquence directe, chacun doit pours’intégrer – quelle que soit son identité d’ori-gine – faire un effort de distanciation cri-tique par rapport à lui-même? Secundo, la

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INITIATIVE

RÉNOVATION

L’identité est lefruit d’un

héritage etd’une

dynamique,un point de

départ et uneligne d’horizon.

PRODUIRE

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Les femmes :minorité activeou mutationsociétale

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République ne peut plus se priver de la valeur ajoutée de ses citoyens ni de leur res-ponsabilisation. Demain, il faudra pouvoirinventer un contrat d’intégration et de ci-toyenneté, réellement actif et efficace, penséconjointement avec l’individu, susceptiblede valoriser un projet d’intégration et de ci-toyenneté plus personnel. Une manière ensomme de faire de la conscience publiquele cadre d’une construction et d’une éman-cipation individuelles.

DAVID ABIKER | 38 ans | Chroniqueur à FranceInter et à France 5, il travaille aussi dans les res-sources humaines | Auteur du Musée de l’homme(Michalon, 2005) et du Mur des lamentations (Mi-chalon, 2006).

urant cette cam-pagne, le vulgum pecus a régné sans par-tage dans les panels, les sondages, à la téléet sur Internet. Hélas! personne en face pours’opposer en « adulte » à cet enfant terribleet malheureux dont les médias flattent lapsyché, l’inculture et le nombrilisme, sinonun État à bout de souffle. Les corps intermé-diaires sont en charpie, les patrons décrédi-bilisés par leurs stock-options et leurs gol-den parachutes, les intellectuels font tapisseriedans les meetings, les juges sont au tapis,les hauts fonctionnaires mettent des faussesbarbes pour s’exprimer, les chercheurs et lesprofs sont en dépression collective. Les élitesne remplissent plus leur fonction d’encadre-ment, de pédagogie et d’exemplarité. Leurdémission accentue les communautarismes,le nivellement par le bas, la compétition vic-timaire, la démagogie, et bien sûr la fin del’éthique de responsabilité. Il faut réinven-ter une aristocratie du savoir, de la compé-tence, de la morale et que celle-ci ose re-prendre la place qui est la sienne dans unesociété incapable de se donner des repèreset des modèles. L’élite ne reprendra sa Bas-tille qu’en montrant l’exemple, et ce chan-tier commence par l’éducation.

FRÉDÉRIC PIE | 40 ans | Président de Vodeo.tv,société de services audiovisuels sur Internet.

lobalement, il fautrendre sa légitimité et sa noblesse à la fonc-tion politique en l’ouvrant davantage à la so-ciété civile. Le politique ne doit plus être unmétier à vie ! Il faut créer un statut de l’élu,le salarier à la hauteur de sa responsabilitéet sortir du régime de l’indemnité commemode de rémunération. Cela faciliterait gran-dement l’interdiction du cumul des mandats,car cumuler les mandats signifie égalementcumuler les indemnités. Il faut également

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(13)Les femmes :minorité activeou mutationsociétaleLUDIVINE OLIVE | 30 ans | Chef de cabinet deMichèle Alliot-Marie.

st-ce difficile d’êtreune femme dans un milieu d’hommes ? J’aila chance d’appartenir à cette générationqui n’a pas eu à se battre pour avoir desdroits égaux à ceux des hommes. Et si jedois prouver mes capacités professionnelles,c’est en tant que personne, pas parce queje suis une femme. Cela ne veut pas direque tout soit parfait, ni qu’il soit simple de

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concilier carrière et vie familiale. Privilégierun temps sa vie de famille est un choix per-sonnel et estimable, mais trop souvent sanc-tionné de fait. Interrompre quelques annéessa carrière interdit souvent de retrouver unposte équivalent, parce que « les choses ontévolué », ou qu’on « recrute désormais à unniveau de qualification supérieur ». Les cré-dits de la formation professionnelle, qui nesont pas consommés à plein, pourraient êtreutilisés pour donner aux parents qui élèventleurs enfants une formation leur permettantde consolider leurs qualifications, voire d’ac-céder à un niveau supérieur. Et, parité oblige,aussi bien aux hommes qu’aux femmes : nedécourageons pas les pères !

ÉLIETTE ABÉCASSIS | 38 ans | Écrivain | Auteur,avec Caroline Bongrand, du Corset invisible (Albin Mi-chel, 2007).

algré tous les pro-grès accomplis depuis un siècle, le combatpour les femmes n’est pas fini. Les femmesd’aujourd’hui font le grand écart entre le tra-vail et la vie familiale, subissant la fractureménagère. Elles sont accablées par les ré-gimes, terrifiées par leur poids. Elles ont peurde vieillir, dans une société où, quand on estune femme, il faut toujours être plus minceet plus jeune. Sans cesse on invente de nou-velles maladies pour vendre aux femmesplus de crèmes, de chirurgie, et aussi deshormones, qui sont cancérigènes. Les mèressont en burn out, les femmes divorcées su-bissent la double peine d’être divorcées etd’être seules. Face à cela il faut d’abord al-longer le temps des congés maternité pourque les femmes qui le souhaitent puissents’occuper de leur bébé, augmenter ensuitele nombre de crèches et en créer dans lesnouveaux immeubles pour faciliter la vie desmères, abroger la loi sur la garde partagéequi aboutit à des monstruosités comme lefait d’enlever un enfant à sa mère une se-maine sur deux. Il faut aussi réaliser uneétude complète sur les relations entre hor-mones et cancer du sein, enrayer cette épi-démie (une femme sur dix est touchée). En-fin, pour sortir les femmes du diktatesthétique, imposer l’inscription sur les pho-tos de mannequins de la mention : « Cettephoto a été retouchée. Le mannequin quevous voyez n’est pas aussi parfait que sur laphoto, ne le prenez pas comme modèle. »

NATHALIE GARÇON| 48 ans | Créatrice de mode.

es changements quepeuvent apporter les femmes sont sans douteénormes… Dans un pays où l’idée prime sur

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limiter le renouvellement du mandat à deux.Et enfin œuvrer pour avoir une Assembléenationale réellement représentative de la di-versité sociologique française.

ISABELLE SAPORTA | 30 ans | Philosophe etjournaliste | Auteur d’Un si joli petit monde. Dans l’ar-rière-boutique de l’autre gauche et des altermondia-listes (La Table ronde, 2006).

arce qu’il va nousfalloir croire à nouveau dans le politique, sor-tir de cette rhétorique du « tous pourris », etsurtout se débarrasser d’un angélisme qui,trop longtemps, nous aura poussés, nous tren-tenaires, dans les bras des altermondialistes.Perdus, désarçonnés, floués par le contre-coup qui a suivi l’élection de Jacques Chiracen 1995, déçus parce que ce dernier n’a passu tenir sa promesse d’éradiquer la fracturesociale, les « vingtenaires » de l’époque sesont réfugiés dans un militantisme incanta-toire qui n’a jamais gêné personne, sauf peut-être ceux qui voulaient vraiment faire quelquechose. Et si le recours à la démocratie directeprôné par ces mouvements est tentant, il estégalement illusoire et dangereux. Proposécomme une alternative à la crise de la repré-sentation, ce discours ne fait que l’aggraveret éloigne toujours plus la jeune garde d’unagir efficace. Alors, plutôt que pester contrenos élus, réapproprions-nous notre bulletinde vote et laissons encore une chance à ladémocratie parlementaire.

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ŒUVRER

RÉINVENTER UNE ARISTOCRATIE DU SAVOIR

VALORISER

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Dompterla révolutionmédiatiqueau service de la liberté

La seulequestion quivaille :comment, entant que femme,je tiens la barre?

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l’action, surtout en politique, peut-êtrepourraient-elles apporter un pragmatisme…un sens de la réalité plutôt que de la for-mule… Ce n’est pas toujours le plus sérieux,mais l’action individuelle, qui fait avancerle monde. Les femmes le savent quand ellesdécouvrent l’indépendance et la maîtrise deleur vie. Elles sont moins dans le mensonge,le compromis, que leurs amis masculins, etne mettent pas leur ego dans la conquêtemais dans le bien fait… bien mené et bienabouti… Il est temps de prôner et de défendrede nouvelles valeurs, plus réalistes, moinscompassionnelles, mais reposant sur un cou-rage réel de vivre, de faire et d’accomplir !

JOY SORMAN | 33 ans | Écrivain | Auteur de Boys,boys, boys (Gallimard, 2005) et de Du bruit (2007).

e serait quoi le fé-minisme aujourd’hui, là, tout de suite? Sen-timent que tout a été dit, que toutes les théo-ries ont déjà bien trop tourné, en boucle.Bien sûr il reste des combats à mener. Maisil reste aussi à savoir de quoi, de qui onparle ? De la femme ? Virginie Despentesdit : « C’est une plaisanterie », la féminité,c’est une plaisanterie. La femme des maga-zines féminins, la femme décriée par ÉricZemmour, la femme de la Journée de lafemme : c’est une plaisanterie. Pis encore,ça n’existe pas, on ne l’a jamais vue nullepart, et ce n’est pas faute d’écumer les bars,les boîtes de nuit, les supermarchés… Et lafemme des néoféministes, des universalistes,des queers? Introuvable. J’aime les horizonsthéoriques, ceux qui mettent le monde àl’envers. Mais la théorie ne pourra jamaisembrasser, d’un coup d’un seul, toutes lesfemmes. Ce serait quoi le féminisme ? Unpragmatisme plutôt qu’un discours : dé-fendre, raconter, relayer des vies de femmes.Tout au pluriel. Parce que chacune est, im-médiatement, quotidiennement, en priseavec des enjeux féministes. La seule ques-tion qui vaille : non pas qui je suis, qu’est-ce qu’une femme, mais comment, en tantque femme, je mène ma vie, je tiens la barre?

VIRGINIE TILHET-COARTET | 42 ans | Direc-trice adjointe du président de l’agglomération deRouen.

égalité entre leshommes et les femmes reste une cause dif-ficile qui n’est jamais gagnée, notammentà cause du poids des représentations et despréjugés. L’État doit concentrer ses effortssur l’éducation, la formation, l’informationdes filles et des femmes, pour faire évoluerles mentalités, y compris celle des femmes!

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Pourquoi ne pas faire comme en Suède– exemplaire à la fois sur les modes de garde,la parité en politique et dans les conseilsd’administration – où l’on apprend aussil’égalité dès la maternelle en poussant lesgarçons à exprimer leurs émotions et lesfilles à ne pas seulement être de « bonnesélèves » mais aussi à oser et à s’imposer !Renforcer l’information au collège, au lycée,permettrait plus tard aux filles de ne pass’orienter seulement vers les 10 familles demétiers (sur 84 !) où elles se concentrent. Àl’entrée dans la vie professionnelle, il fau-drait encourager les initiatives leur permet-tant de mieux connaître les règles du jeu etdu pouvoir. Enfin, l’État doit se montrerexemplaire dans la promotion des femmesaux postes à responsabilité. Dans la fonc-tion publique, 13 % des femmes occupentdes postes de haut niveau alors qu’elles re-présentent 57 % des effectifs.

NADIA BEN SALEM | 27 ans | Associate chezGoldman Sachs en fusions-acquisitions, maître deconférences à l’IEP Paris.

a banque d’affairesest un bon observatoire des problèmes dereprésentativité que rencontrent les femmesdirigeantes dans les grandes entreprises fran-çaises : les états-majors des sociétés que nousconseillons et que je suis amenée à rencon-trer au quotidien comptent aujourd’hui as-sez peu de femmes. Néanmoins, mon mé-tier est aussi le laboratoire d’une lenterévolution qui est révélatrice, selon moi, d’unevraie montée en puissance des femmes enFrance. Dans cet univers masculin, les femmessont désormais plus nombreuses à avoir tracéleur sillon, à être parvenues au sommet, às’être affirmées tout en assumant pleinementleur féminité et leur rôle de mère de famille.Bien sûr, cette émergence est lente, et laroute est encore très longue : les mentalitésdoivent continuer à évoluer (le renouvelle-ment générationnel y aidera), et la mater-nité reste souvent un frein à l’ascension desfemmes. Mais je pense qu’il s’agit aujour-d’hui d’une évolution positive profonde, etil est nécessaire qu’elle se poursuive et sepropage dans la société. Car je crois au rôlepositif des femmes, à leur capacité à consul-ter et à écouter avant de décider, à leur in-tuition, à leur approche souvent plus prag-matique des problèmes. La France compteun grand gisement de forces et de talents fé-minins à mettre au service de l’efficacité éco-nomique et sociale du pays.

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(14)Dompterla révolutionmédiatiqueau service de la libertéFRANZ CANTARANO | 35 ans | Directeur dela stratégie et des affaires extérieures, WorldSpaceEurope.

a radio connaît cesdernières années une décroissance de sonaudience. Même si le média continue de ras-sembler chaque jour plus de huit Françaissur dix, c’est auprès des jeunes générations– l’audience de demain – que la radio pré-sente une baisse significative. Difficile en ef-fet de retenir ces générations, d’ores et déjàentrées dans l’ère du baladeur MP3, alorsque les récepteurs FM n’ont que peu évoluédepuis l’avènement des premiers postes àgalène. Un souffle d’innovation apparaît né-cessaire et urgent afin d’assurer un héritagepérenne à ce média dans l’avenir numériqueet les nouveaux usages qui se dessinent au-jourd’hui. La numérisation attendue du pay-sage FM apporterait certainement un débutde réponse. La radio payante par satellite,permettant la réception en mobilité sur l’en-semble du territoire de dizaines de nouvellesradios thématiques sans publicité et de ser-vices audionumériques, constituerait égale-ment une véritable innovation. Aux États-Unis, ces services sont déjà un succès avecplus de 14 millions d’abonnés et font aujour-d’hui partie intégrante du paysage radio-phonique. Ils sont attendus en Italie dès 2008.À quand la libération du marché de la radioen France?

FRANK TAPIRO | 40 ans | Président de l’agencede communication Hémisphère droit | Il a été membredu jury de l’émission L’Inventeur de l’année sur M6.

es créatifs publici-taires ont compris qu’une grande idée estune valeur absolue qui doit vivre en fonc-tion de tous les modes d’expression et desdifférentes prises de parole des marques.

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TRACER SON SILLON

PRAGMATISME DÉFENDRE

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Cette nouvelle forme de création, plus ou-verte, plus directe, plus rapide, plus réac-tive, est aussi plus génétique tant elle seconstruit sur les valeurs fondamentales desmarques qui multiplient leurs contenus enconservant le même contenant. Les créatifsdeviennent des designers d’idées. Les de-signers d’idées brisent les frontières entreles métiers de la communication, passent dela TV au web, du mobile à la rue, et créentde nouvelles expositions et de nouvelles re-lations entre les marques et les consomma-teurs. Être un designer d’idées, c’est inven-ter et créer de nouveaux contenus, passerde l’architecture au système de campagne.Un art de commande, certes, qui ne pourracréer de la valeur pour les marques que s’ila les idées larges. Imaginons la com d’après.

ÉRIC BRION | 40 ans | Directeur du pôle TV Mul-timédia du PMU, directeur de la chaîne Equidia etprésident de l’Acces.

a bonne nouvelle deces dernières années, c’est que l’on a re-trouvé l’Arlésienne des années 1990, à sa-voir la convergence numérique. Avec le dé-veloppement du haut débit, par l’ADSL etle câble, révolution technique désormais maî-trisée par le grand public, s’ouvre une èrenouvelle porteuse d’espoir pour une géné-ration qui a grandi au gré des soubresautsdu satellite et des réseaux câblés. Désormais,et notamment grâce au développement duTriple Play ou de la téléphonie mobile, lespossibilités de toucher toujours plus d’abon-nés commencent à se multiplier. Mais, pa-rallèlement, cette phase de transition sedouble d’une remise en cause du rôle desprofessionnels de l’audiovisuel au profit di-rect de M. et Mme Tout-le-Monde, qui peu-vent « créer » leur propre télévision et la dif-fuser directement par Internet ou via leurdécodeur. Or il est fondamental pour l’au-diovisuel de continuer à produire et à pro-poser un contenu fort et destiné à différentspublics. L’enjeu des années à venir sera detrouver une bonne articulation entre les as-pirations créatives légitimes des individuset la préservation d’une économie du contenu.

CHRISTOPHE SABOT | 42 ans | Directeur gé-néral d’Europe 2.

a révolution mon-diale des médias a rendu sans limites, dansl’espace comme dans le temps, la diffusionde l’information, la consommation, le par-tage universel des contenus. Les nouveauxmédias, les supports de diffusion numériquessont d’une richesse inespérée. Pourtant, cette

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révolution est devenue anthropophage. Nousdevons veiller à rétribuer les artistes, quelsqu’ils soient, talents nouveaux ou confirmés,pour qu’ils continuent de nourrir de leurcréativité le contenu des médias d’aujour-d’hui et de ceux de demain.Parce que leur talent a parfois été utilisé defaçon cynique, les musiciens, les auteurs,les interprètes, le cinéma dans toute la di-versité de ses métiers, ont déjà payé et payentencore un lourd tribut à la création de va-leurs industrielles qui les ont souvent ou-bliés, négligés. Quelles seront les prochainesvictimes? Protéger les créateurs est devenuune priorité pour protéger la dynamique decette révolution médiatique. Car protégerles créateurs a toujours été une priorité pourgarantir la multiplicité, la diversité, le choix,la qualité des contenus que légitimementnous attendons, nous exigeons tous des mé-dias de demain. Protégeons la création pourêtre à même dès aujourd’hui de proposer,de développer, de partager tous les médiaset les médias pour tous.

JEAN-NOËL TRONC | 39 ans | Directeur géné-ral d’Orange mobile.

n 2000, en pleinebulle Internet, les États européens ont si-phonné près de 150 milliards d’euros dansle secteur des télécommunications avec lesfameuses « licences UMTS ». Sept ans plustard, l’industrie européenne est affaiblie auprofit des États-Unis et de l’Asie. Au momentoù la révolution numérique s’accélère et oùles trois secteurs de l’information – l’audio-visuel qui la crée, l’informatique qui la traite,et les télécoms qui la transportent – n’en fe-ront bientôt plus qu’un. La révolution numé-rique est planétaire, mais la croissance et lesemplois qu’elle procure ne concerneront pastous les pays. La France doit se demander sielle veut en être actrice ou spectatrice. Ellea des atouts de taille mondiale : elle comptele plus grand nombre de blogs par habitant,de foyers connectés à l’Internet haut débitet de gens qui regardent la télévision surleur téléphone mobile. C’est chez nous quele GSM a été inventé en 1982 : quelle autretechnologie numérique équipe 2,6 milliardsd’habitants dans le monde? Pour le cinéma,nous sommes le premier acteur européen.Au cours des cinq prochaines années, latransformation des trois secteurs va s’inten-sifier et les raisons d’intervenir pour l’actionpublique vont être permanentes. Il faudraaux gouvernants la volonté de dépenser au-tant d’énergie à soutenir ces secteurs qu’àles réguler.

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NATHALIE ROGER | 38 ans | Directrice de Mar-tange Productions.

es réseaux numé-riques nous offrent un espace de liberté, dedécouvertes culturelles et de promotions so-ciales historique. Le trophée aux Victoiresde la musique de Kamini avec son clip fa-briqué avec le Caméscope de sa copine et200 euros bouscule les grands médias et lesirrigue d’un sang frais. Le jeune rappeur in-firmier est arrivé par où personne ne l’at-tendait. Des millions de Français ont apprisl’existence de Marly Gomont. Entre le mo-ment où j’écris ces lignes et l’instant où vousles lisez, les médias traditionnels se serontprécipités pour exploiter l’émotion du contede fées digital. Internet aura ainsi fait vendreplus de magazines papier et se multiplierles téléspectateurs. Ces nouveaux réseauxmagiques ne vont donc pas tuer leurs pré-décesseurs mais, au contraire, leur donnerune nouvelle vie. Il ne faut pas craindre lacivilisation numérique comme les pouletsredoutent la grippe aviaire. C’est une deschances exceptionnelles de notre généra-tion et de l’économie du pays

PHILIPPE ROUSSEAU | 42 ans | Rédacteur enchef du journal La Montagne.

ue sauver du dé-luge? Du « tout » accessible, de l’informa-tion infinie déferlant dans les esprits, sansfiltre, sans tamis… Les digues ont sauté ! Ilssurfent, tchattent, bloguent, interpellent,provoquent… D’un clic, ils cavalent sur levirtuel, engloutissent le réel. Et l’info danstout ça, « coco »? Noyée.Et pourtant, l’époque est géniale. On peuttélécharger un podcast comme on découpeun article. Mais, plus que jamais, les marquessont nécessaires. Pas une marque de consom-mation, mais une signature éditoriale, unlabel… Pas une norme, mais des critères dé-ontologiques, une éthique… En bref, garan-tir du sens afin que le citoyen puisse se faireune idée, son idée… qu’il ait pu la construiredans le formidable foisonnement de l’inter-activité. C’est cela la proximité. Média, celavient de médiation, c’est un lien social. Vousavez dit « glocal »… Votre quotidien régio-nal est à la fois global et local. Penser glo-balement, agir localement. Se resituerconstamment avec les yeux grands ouvertssur le monde turbulent. Il faut certifier lapresse régionale, l’authentifier, lui donnerun AOC, garantir aux lecteurs, internautes,podcasters, un label contre la confusion,pour comprendre et entrer de nouveau dansune relation de confiance avec son média.

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CRÉER

PROTÉGER LES AUTEURS

RÉVOLUTION

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e papy que je suis en train dedevenir se réjouit de la lucidité et de ladétermination des jeunes générations. Jesuis également frappé de la forte conver-gence qui se manifeste, aussi bien dansle diagnostic que dans les propositions.Oui, les Français sont (généralement) épa-tants, et la France l’est un peu moins… Oui,il nous faut renouer le fil de la confiance,mettre en œuvre un nouveau contrat so-cial qui redéfinisse les droits et les devoirsde chacun, mais aussi de l’État.Foin de déclinisme ! Les défis mis en évi-dence débouchent toujours sur de l’es-poir et du volontarisme. Un exemple :pour modifier l’attitude négative des Fran-çais à l’égard de la mondialisation, il fauttenir un langage de vérité et de respon-sabilité, traitant autant des nouvelles op-portunités que des nouvelles contraintes.Aujourd’hui, l’excès de « diabolisation »de la Chine et de l’Inde ne reflète-t-il pasaussi un manque de clairvoyance et devolontarisme ? Nos jeunes talents bien affirmés nous en-voient un message clair : l’Europe a euraison d’afficher de hautes ambitions enmatière de R & D, d’innovation, d’emploi,de qualification… (l’agenda de Lisbonne);elle a eu fondamentalement tort de nepas respecter ses engagements.La créativité, l’innovation, la R & D… Tous,ou presque, en parlent pour regretter nosinsuffisances. Pour des raisons bien iden-tifiées, beaucoup trop de nos meilleursesprits fuient la recherche et les carrièresuniversitaires. Bien sûr, la mobilité et l’ex-périence internationales doivent être en-couragées. Mais le « brain drain » resteun défi à relever.La France manque d’entrepreneurs« schumpétériens », sauf bien sûr ceuxqui sont sollicités ici… Mieux valoriserl’esprit d’entreprise et la prise de risque,moins stigmatiser l’échec. En France, de-puis l’école, l’échec est un boulet ; aux

États-Unis, une expérience sur le cheminde la réussite probable. J’approuve aussitout ce qui est dit sur le rôle de l’éduca-tion, sur la nécessité d’aborder la créa-tion de richesses avant de traiter de leurrépartition, de libérer l’esprit d’entre-prendre par un environnement réglemen-taire et fiscal plus propice, de favoriserla croissance des petites entreprises. L’insuffisante solidarité entre généra-tions est un fait, mais elle n’est pas unespécificité franco-française. Le vieillis-sement de la population doit s’accom-pagner d’une meilleure représentationdes jeunes dans toutes les instances dé-cisionnelles du public et du privé. Latroisième guerre mondiale ne sera pascelle qui oppose les «seniors» aux jeunes.Par exemple, l’emploi des seniors ne nuitpas à celui des jeunes. Plus de solidaritéentre générations est nécessaire pourconforter la réforme des retraites et cellede la santé, faciliter l’accès des jeunesà l’emploi et au logement, maîtriser vrai-ment la dette publique. Et l’Europe dans tout cela ? La conver-gence est forte en faveur d’une Europeplus concrète, plus démocratique, plusefficace… La politique énergétique et lalutte contre le changement climatiquesont des champs d’application prioritairesd’une telle exigence. On l’aura compris, derrière tous ces su-jets et beaucoup d’autres (le modèle so-cial, la culture, la réforme de l’État, la pa-rité femmes-hommes, le sport…) se profilela question des valeurs. Il existe une de-mande unanime, et dans tous les do-maines, pour mieux valoriser l’effort, letravail et la réussite, pour aller vers plusde transparence et de vérité dans la for-mulation et la présentation des choix,pour faire prévaloir une éthique de la res-ponsabilité… À l’équipe qui sortira desurnes de contribuer à satisfaire au mieuxcette demande.

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En guisedeconclusionEn guisedeconclusion

PAR CHRISTIAN DE BOISSIEU*

CRÉER

INNOVER

CROISSANCE

* Président du Conseild’analyse économique,professeur à l’université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne).

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CONFIANCE

LIBERTÉ MODÈLE SOCIAL

MÉTAMORPHOSE

LIEN RISQUE

LANGAGE

SOLIDARITÉ

OUVERTUREENVIE

MOUVEMENT

DEMAIN

CHANGEMENT

OSER

AIR ESPACE

REGARD

ENTREPRENEUR

VOCATION

TRAVAIL

AVENIR

UNION

TERRE

FAMILLE

VÉRITÉ

CULTURE OPTIMISME

ÉDUCATION

CITOYEN

GÉNÉROSITÉ

DÉMOCRATIE

EUROPÉEN

RESPONSABILISER

Directeur de la publication : Franz-Olivier Giesbert

Rédaction : Jean-François Jacquier,Nathalie Brion, Jean Brousse

Assistants de rédaction : Camille Deslypper, Sébastien Ricard

Conception graphique et réalisation : Rampazzo & Associés

Impression : Maury/Malesherbes

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