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Le marché interne du travail et le capital humain : l’exemple de l’institution militaire. Michèle Favreau-L’hôtellier (Université d’Angers, GEAPE) RESUME Du point de vue de l’économie du travail, l’institution militaire constitue un marché interne du travail au sein duquel différents segments peuvent être identifiés. Chacun de ces segments peut être analysé à partir d’une matrice commune distinguant la catégorie de personnel (officier ou sous-officier), la position statutaire (sous-contrat ou militaire de carrière), l’avancement (à l’ancienneté ou au choix), la formation (militaire ou professionnelle- technique ou non technique), le niveau de qualification (élémentaire, premier degré, deuxième degré, supérieur). Un tel système d’emploi repose sur la valorisation d’un capital humain tant du point de vue de l’individu que du point de vue de l’institution. Selon les modalités d’acquisition de ce capital humain, sa valorisation nécessite d’être examinée au sein de l’institution militaire et au moment du retour à la vie civile. Une contribution précédente avait permis d’identifier l’intérêt d’une telle analyse. Aujourd’hui, la transformation du marché du travail et la réorganisation des armées appellent nous semble-t- il, à un réexamen de cette recherche. ABSTRACT From the point of view of labour economics, the military institution presents an internal labour market within which several segments can clearly be identified. Each of these segments can be analysed from a common matrix spelling out the category the personnel belongs to (officers or non-commission officer-NCOs-), the status (career soldier or personnel on short-term contracts) promotion (seniority or fast track); training (military or skilled specialist, technical or non-technical) skills levels (elementary first degree, second degree, or advanced). Such a system of recruitment rests on the enhancement of these human resources from the point of view of the person as well as that of the military institution. Depending on the recruitment procedure involved in selecting this human capital, its enrichment needs to be examined within the military institution and when a member of military personnel leaves the army to return to civilian life. A previous study had enabled us to understand why such an in-depth analysis could be of significant interest. Today far- reaching shifts in the labour market and the skakeup taking place in the armies we think require a new assessment as far as this study is concerned.

Le marché interne du travail et le capital humain : l’exemple de l’institution militaire

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Page 1: Le marché interne du travail et le capital humain : l’exemple de l’institution militaire

Le marché interne du travail et le capital humain :l’exemple de l’institution militaire.

Michèle Favreau-L’hôtellier (Université d’Angers, GEAPE)

RESUME

Du point de vue de l’économie du travail, l’institution militaire constitue un marchéinterne du travail au sein duquel différents segments peuvent être identifiés. Chacun de cessegments peut être analysé à partir d’une matrice commune distinguant la catégorie depersonnel (officier ou sous-officier), la position statutaire (sous-contrat ou militaire decarrière), l’avancement (à l’ancienneté ou au choix), la formation (militaire ouprofessionnelle- technique ou non technique), le niveau de qualification (élémentaire, premierdegré, deuxième degré, supérieur). Un tel système d’emploi repose sur la valorisation d’uncapital humain tant du point de vue de l’individu que du point de vue de l’institution. Selonles modalités d’acquisition de ce capital humain, sa valorisation nécessite d’être examinée ausein de l’institution militaire et au moment du retour à la vie civile. Une contributionprécédente avait permis d’identifier l’intérêt d’une telle analyse. Aujourd’hui, latransformation du marché du travail et la réorganisation des armées appellent nous semble-t-il, à un réexamen de cette recherche.

ABSTRACT

From the point of view of labour economics, the military institution presents an internallabour market within which several segments can clearly be identified. Each of thesesegments can be analysed from a common matrix spelling out the category the personnelbelongs to (officers or non-commission officer-NCOs-), the status (career soldier orpersonnel on short-term contracts) promotion (seniority or fast track); training (military orskilled specialist, technical or non-technical) skills levels (elementary first degree, seconddegree, or advanced). Such a system of recruitment rests on the enhancement of these humanresources from the point of view of the person as well as that of the military institution.Depending on the recruitment procedure involved in selecting this human capital, itsenrichment needs to be examined within the military institution and when a member ofmilitary personnel leaves the army to return to civilian life. A previous study had enabled usto understand why such an in-depth analysis could be of significant interest. Today far-reaching shifts in the labour market and the skakeup taking place in the armies we thinkrequire a new assessment as far as this study is concerned.

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En rapprochant les concepts de marché interne du travail et de capital humain, nouscherchions à identifier une éventuelle complémentarité. D’emblée, la proximité des champscouver0ts a retenu notre attention, le questionnement portant alors sur leur articulation. Desrecherches antérieures [Favreau-L’hôtellier, 1980, 1986, 1991] avaient souligné le caractèred’exemplarité que l’institution militaire pouvait présenter pour tester cette hypothèse et ilnous paraissait opportun, avec la réforme engagée dans le cadre de la loi de programmationmilitaire 1997-20021, de la réexaminer.

Du marché interne du travail, nous retiendrons la définition de Piore M.J et Doeringer P.[1971] pour lesquels le marché interne est “une unité administrative où la rémunération etl’allocation du travail sont gouvernées par un ensemble de règles et de procéduresadministratives. Il doit être distingué du “marché externe du travail” de la théorieéconomique conventionnelle où les décisions de rémunération, d’allocation et de formationsont contrôlées directement par des variables économiques.”

Du capital humain, nous retiendrons la définition proposée par l’OCDE [1998] “lesconnaissances, qualifications, compétences et autres qualités possédées par un individu etintéressant l’activité économique.”

Enfin, si la notion d’institution est retenue pour qualifier cette organisation particulièreque sont les armées, c’est dans le sens précisé par O. Favereau [1989] “On pourrait mobiliserle terme “Institution” pour couvrir le cas des organisations, dont la contrainte de cohérencecollective n’implique pas un critère de résultat objectif; inversement, on pourrait réserver leterme “Entreprise” aux organisations dont la contrainte de cohérence collective implique uncritère de résultat non seulement objectivable mais objectivable en termes de profitmonétaire.”

1. L’INSTITUTION MILITAIRE, UN EXEMPLE DE MARCHE INTERNE

Si l’application à l’institution militaire, comme à d’autres grandes organisations, de ladéfinition de Piore et Doeringer paraît recevable, il convient néanmoins d’en préciser lescontours, non seulement pour fixer le territoire couvert par le marché interne ainsi sollicitémais également pour le situer par rapport au marché externe, démarche indispensable puisquecomme le souligne Piore et Doeringer [1971], “Ces deux marchés sont interconnectés”.

Jusqu’à la dernière loi de programmation militaire, l’existence d’une armée mixtecomposée d’appelés et de personnel de carrière et sous contrat rendait l’approcheéconomique, du point de vue qui nous intéresse ici, moins aisée. L’attachement à laconscription, les flux qu’elle mobilisait à la fois par le nombre d’engagés concernés, environ300 000 jeunes chaque année, et l’encadrement que cela nécessitait favorisaient uneperception singulière des armées.

L’abandon de la conscription et la professionnalisation des armées ouvrent d’autresperspectives et autorisent, nous semble-t-il, un nouvel examen à la fois des relations quel’institution militaire entretient avec les marchés externes et du marché interne qu’elleconstitue.

1 Loi n°96-589 du 2 juillet 1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

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1.1. L’institution militaire face à ses marchés externes

D’un point de vue assez large et classique, on oppose le marché interne au marchéexterne avec lequel il est en relation. Comme le précise Piore et Doringer [1971]“ (..) lepassage de l’un à l’autre s’effectue à un certain niveau des classifications de postes quiconstitue des ports d’entrée/sortie du marché interne. Les autres postes du marché internesont pourvus par promotion ou transfert des travailleurs déjà présents. Par conséquent cesemplois sont à l’abri de l’influence des forces concurrentielles sur le marché externe.”

Pour l’institution militaire, une telle approche conduit à distinguer deux types demarchés externes. Un marché externe situé en amont et un marché externe situé en aval, lasingularité ne résidant pas dans ce positionnement amont/aval, qui peut être observé pour toutmarché interne, mais dans le fait que, l’institution militaire, par son mode de gestion despersonnels, structure ces relations. Non seulement, elle détermine les conditions danslesquelles elle recrute – comme le fait toute entreprise – mais elle intègre, à la gestion de sespersonnels, les conditions dans lesquelles elle favorise et organise leur départ. Par ailleurs, lamodification du format des armées et le passage à la professionnalisation ont modifié lanature de ces deux types de marchés externes. Le marché externe amont, de marché del’engagement est devenu marché du recrutement. Le marché externe aval, de marché dureclassement est devenu marché de la reconversion.

1.1.1. Un marché de l’engagement devenu un marché du recrutement

Dans un modèle d’armée mixte, qui était celui de la France avant l’adoption de ladernière loi de programmation, le marché externe, situé en amont, pouvait être qualifié demarché de l’engagement.

En effet, avec la conscription, l’institution militaire puisait sur le marché du travail civil,chaque année, environ deux tiers à trois quarts d’une classe d’âge2 tandis qu’elle engageait,par recrutement direct environ 15 000 militaires de carrière ou sous contrat3. Au regard de cesflux, la répartition des effectifs, en 1997, était la suivante: 302 274 militaires de carrières ousous contrat et 170 732 appelés, c’est-à-dire 55% de professionnels militaires pour 31%d’appelés. Le passage à un modèle d’armée professionnalisée, tel qu’il est prévu par la loi deprogrammation, modifie la relation avec le marché externe amont en raison des fluxconcernés et de la nature de cette relation.

En 2002, le total des militaires de carrière ou sous contrat devrait s’établir à 300 012 etcelui des appelés et volontaires à 27 171, soit respectivement 75% et 6% des effectifs. Au-delà de la réduction des effectifs, en particulier des appelés qui seront remplacés par desvolontaires, c’est-à-dire des individus – hommes ou femmes – qui souhaiteront effectuer unservice national dans des conditions très précises4 , c’est un changement de nature du marché

2 ”Entre un quart et un tiers de chaque classe d’âge n’effectue pas de service national ”Rapport sur le projet de loin°199 portant réforme du service national . M.D. Boulaud. Député. p.10- septembre 1997.3 ”Non compte tenu des militaires recrutés dans les catégories d'officiers et de sous-officiers à la suite d’un succès àun concours ou d’une autre forme de promotion qui représente plus de 4 000 individus au titre du passage demilitaire du rang à sous-officier et à peine 1 000 de celui de sous-officiers à officiers”. [Bilan social 1997; Directionde la fonction militaire et du personnel civil, p.18 et 24 ]4 Art 1er-Livre 1er- Titre II de la loi n°97-1019 du 28 octobre 1997 portant sur la réforme du service national.

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amont qui s’opère. Cette main d'œ u vre particulière, que représentait le jeune appelé, va devoirêtre remplacée par une main d'œuvre qui précisément n’est plus appelée mais recrutée.

Le marché de l’engagement devient ainsi, un marché du recrutement, l’effort derecrutement portant sur la catégorie des militaires du rang, les effectifs des sous-officiers et,dans une moindre mesure, des officiers devant diminuer.

Si l’analyse des flux d’entrée, dans l’actuel format des armées, montre que les militairesdu rang représentent déjà la catégorie directement concernée par le recrutement, lephénomène ira en s’amplifiant, dans la mesure où, l’effectif prévu de cette catégorie vaquasiment doubler pour atteindre plus de 90 000 individus. Si l’on rapproche cette évolutiondes effectifs de celle de la catégorie des sous-officiers, dont les flux d’entrée sont moindres etdont le nombre doit diminuer de 7 %, soit une réduction de près de 16 000 postes de cadres5,on perçoit mieux les caractéristiques de ce marché du recrutement.

Il s’agira toujours, pour l’institution militaire, de trouver, sur le marché externe amont,la main d'œuvre nécessaire pour remplir ses missions mais les contraintes à prendre encompte vont se modifier. Plusieurs d’entre elles peuvent être identifiées.

A la lumière des expériences passées, mais aussi de celles observées auprès des arméesétrangères, trouver, sur le marché du travail, une ressource en quantité et qualité suffisante nese décrète pas [Conord 1996]. A cet égard, la difficulté est double. D’une part, il s’agira derecruter en nombre suffisant les spécialités nécessaires au fonctionnement de l’institutionmilitaire pour son ordinaire : cuisinier, tailleur, coiffeur...et d’autre part, de trouver la maind'œuvre suffisamment qualifiée pour assurer la mise en œuvre de matériel, en particuliermilitaire, dont la composante technologique est croissante6.

En outre, une partie des recrutements de militaire du rang s’effectuait à l’issue duservice national qui constituait ainsi pour le jeune engagé et pour l’institution une périoded’observation, de mise à l’essai, de transition, avant l’insertion professionnelle au sein desarmées. Selon les observateurs, un tel gisement représentait entre 40% et 50% desrecrutements7.

Enfin, la représentation commune du marché de l’engagement, dans un modèle d’arméemixte, qui véhiculait l’idée que, ne s’engageaient, à l’issue du service national, que lesindividus qui ne pouvaient trouver d’emploi ailleurs et/ou qui souhaitaient se protéger durisque de chômage (non seulement ils n’étaient pas chômeurs mais en outre ils bénéficiaientde la sécurité de l’emploi) doit être revisitée. A la fois, parce que, même dans un tel modèle,l’élévation du niveau d’engagement d’une part, liée tout simplement à celui de la populationdans son ensemble et les règles d’allocation de la main d'œuvre au sein de l’institutionmilitaire d’autre part, rendraient dépassée une telle perception8. Et parce que, le choix d’une

5 Précisément, - 15330 postes de sous-officiers et - 267 postes d’officiers . Loi n°96-582, op. Cit.6 ”Pour être à même d’assurer ses missions, l’armée a besoin d’hommes et de femmes susceptibles de regrouper enson sein toutes les qualifications professionnelles de la société civile auxquelles il convient d’ajouter celles dumétier des armées.” Rapport sur le projet de loi n°2979 relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans lecadre de la professionnalisation des armées. M.Voisin, Député, octobre 1996. p.177 D Boulaud op. Cit. P. 54. J.R. Bachelet. L’armée nouvelle: les enjeux d’une mutation historique. Défense Nationale10/97. p.1068 ”Contrairement à bien des idées reçues, le chômage ne facilite pas le recrutement. Bien plus, la précarité croissantedes postes offerts par les armées dissuaderait les jeunes de s’engager, l’assurance d’une “carrière courte” ou d’une

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armée de professionnels, composée de spécialistes suppose, précisément, que les populationssocialement vulnérables qui devaient “naturellement” constituer les réserves en main d'œuvrede l’institution, auront de moins en moins leur place9.

En résumé, la sélection qui sera opérée à l’entrée sur le marché interne, pour enpermettre l’accès, sera à la fois fonction de la qualité de la ressource (âge, niveau deformation, aptitudes physiques, expérience professionnelle,...), sera fonction des besoins etdes contraintes de l’institution (contrainte politique et militaire – existence et nature de lamenace, contrainte économique – moyens budgétaires alloués, contraintes organisationnelles– professionnalisation et format des armées), fonction enfin, de l’environnement et de ce quel’institution militaire pourra offrir à cet égard (conditions de logement, de scolarisation desenfants, travail du conjoint, relations avec la société civile...). Le marché externe amont,marché du recrutement, s’apparente alors à celui observable pour toute structure qui recrutede la main d'œuvre. Ce faisant, l’institution militaire, en qualité d’offreur d’emploi perd unepartie de sa spécificité. Elle se banalise en entrant en concurrence avec les autres demandeursde force de travail.

1.1.2. Un marché du reclassement devenu marché de la reconversion

En aval, l’institution militaire, marché interne entre en relation avec un autre type demarché externe que l’on pourrait qualifier de marché du reclassement.

D’emblée, précisons que dans un modèle d’armée mixte, le retour à la vie civile desjeunes gens, ayant effectué leur service national, ne relève pas de cette catégorisation. Ils’agit, dans notre cas de figure, du retour sur le marché externe aval, d’une main d'œuvre qui,après un passage plus ou moins long dans les armées, doit envisager une seconde carrière. Eneffet, la rotation du personnel est une contrainte majeure pour l’institution militaire pour desraisons tant institutionnelles qu’organisationnelles10. En conséquence de quoi, le retour à lavie civile a toujours été une préoccupation des armées.

A l’issue de la seconde guerre mondiale, différents dispositifs seront mis en place pourpermettre la flexibilité des personnels qu’il s’agisse de mesures coercitives de dégagement descadres ou de mesures incitatives au départ volontaire. Mais c’est précisément au cours desannées soixante dix que cette préoccupation ne sera plus fonction des circonstances mais vas'institutionnaliser. En 1972, sera adoptée la loi, portant statut général des militaires quiintroduira – entre autre – la notion de carrière courte11. Cependant, parmi les différentesdispositions adoptées, il convient de distinguer celles qui induisent une alimentation des fluxsur le marché du travail, de celles dont l’objet principal est d’apporter une rétributionparticulière en contrepartie des différentes sujétions de la vie militaire.

formation professionnelle ne compensant plus les contraintes du métier militaire.” Cahiers Français n°283. La Franceet sa défense p.329 Les conflits traditionnels, grands consommateurs de chair à canon, ont cédé la place, au moins dans les sociétésdéveloppées, aux guerres qualifiées de chirurgicales.10 En 1997, sur un effectif global de 302 274 militaires de carrière ou sous contrat, 17 952 ont quitté l’institutionmilitaire soit 5,9% dont 2 066 officiers (5,2%), 10 031 sous-officiers (4,7%) et 5 855 militaires du rang (12%) .Bilan social 1997 op. cit.p.1911 Loi n°72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires.

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A cet égard, les formules de retraite anticipée n’entraîneront pas les mêmes effets selonles personnels concernés, officiers ou sous-officiers. Pour les premiers, en particulier avecl’application des articles 5, 6 et 7 de la loi n° 75-100012, la nécessité d’une seconde carrière nesera pas, pour des raisons d’ancienneté, d’âge et de rémunération, de même nature que pourles seconds, qui au terme de quinze ans de service, peuvent prétendre au bénéfice d’unepension à jouissance immédiate et cumulable avec une autre rémunération. Pour lespersonnels ne pouvant relever de ce premier dispositif, un certain nombre d’incitationsfinancières au départ seront mis en place: indemnités dans le cadre des départs sans droits àpension (engagés et certains sous-officiers de carrière ou sous contrat totalisant uneancienneté de service entre huit et onze ans) ou pécules pour les officiers partant sans droit àpension à jouissance immédiate ou les officiers de réserve servant en situation d’activité(ORSA).

Parallèlement, au sein de chaque armée, seront mis en place des services dereclassement tandis qu’en 1971 sera créée l’ARCO – association pour la reconversion civiledes officiers et sous-officiers. Dans les faits, le reclassement des personnels s’effectue au seinde deux segments du marché externe aval. Soit il s’opère à l’aide des passerelles mises enplace en direction de la fonction publique (premier segment), soit il s’opère au seind’entreprises privées (second segment).

Dans le premier segment, l’intégration dans la fonction publique relève de deuxdispositifs distincts, celui des emplois réservés ouverts aux engagés, aux sous-officiers et auxORSA. Celui prévu par l’article 3 de la loi n° 70-213 permettant aux officiers et aux sous-officiers de carrière (depuis 1985), sous certaines conditions de grades et d’ancienneté,d’intégrer directement un corps de fonctionnaire.

Dans le second segment, le reclassement des personnels militaires au sein d’entreprisesciviles s’opère sur deux types de marché où l’offre et la demande sont le reflet decomportements différents. Dans un cas, la demande de travail émanant des entreprises civilescorrespond à une demande de personnel qualifié, détenteur de compétences professionnelles,le plus souvent techniques, susceptible d’occuper des postes de travail de type industriel.C’est la demande qui transite plus volontiers par les bureaux de reclassement de la Marine oude l’Armée de l’Air. L’offre proposée alors par l’institution, à travers ses personnels, est uneoffre de personnel qualifié dans des spécialités transférables dans le civil : mécanique,électronique, électrotechnique, informatique. C’est un marché de techniciens.

Dans l’autre cas, la demande des entreprises civiles a pour objet de pourvoir à despostes d’encadrement, de conduite des hommes ou de sécurité voire de gardiennage. Auregard de cette demande, l’institution militaire propose des personnels dont la particularitérésulte de leur appartenance à l’institution bien plus que de la détention de compétencestechniques transférables dans le civil. C’est un marché d’anciens militaires, qualificationmoins surprenante qu’il n’y paraît, si l’on se souvient qu’elle traduit une préférenceclairement affichée par d’anciens militaires déjà reclassés qui recherchent, ainsi, une maind'œuvre dont ils connaissent les caractéristiques, ce qui réduit l’incertitude à l’embauche.

12 Loi n°75-1000 du 30 octobre 1975 modifiant la loi n°72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaireset édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d’un contrat.13 Loi n°70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l’accès des militaires à des emplois civils.

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Le passage à une armée professionnalisée renforce cette contrainte qu’elle inscrit alorsdans une autre perspective. Le marché du reclassement devient un marché de lareconversion.

Le marché du reclassement change de nature dans la mesure où, la transférabilité dutravail qui le sous-tendait lorsque les anciens militaires se présentaient sur le marché dutravail, s’est progressivement transformée en la recherche d’une continuité de l’emploi. Pourreprendre la terminologie employée par M.M. Sève et P. Avril [1997]14 on est passé d’une“employabilité à chaud” à “une employabilité à froid”. Les reclassements opérés traduisaientà la fois, les contraintes organisationnelles de l’institution telles que la nécessité de corrigerles imperfections de la pyramide des âges, la revalorisation des carrières et le renouvellementdes personnels, mais aussi, celles à prendre en compte dans l’avenir, avec unraccourcissement attendu des carrières. Aujourd’hui, c’est une politique active qui cherche àse mettre en place pour accompagner une nouvelle conception du métier des armes et laréduction du format des armées. C’est la conception d’une “employabilité à froid”, où lamobilité professionnelle des personnels militaires est envisagée, dès le recrutement, dans uneperspective de long terme et en dehors de l’institution elle-même. “Au statut protecteur de lacarrière” [Conord 1996] – auquel tous les individus n'accédaient pas mais que tous pouvaientenvisager à l’engagement – s’est substitué le “binôme carrière militaire-reconversion” quiselon N. About devient “indissociable dans la nouvelle conception du métier – temporaire –des armes”15.

A cet égard, les mesures adoptées veillent, d’une part, à permettre la transition entre lesdeux modèles d’armées pour la période couvrant la loi de programmation et d’autre part àmettre en place un système d’aides à la reconversion. En reconduisant les dispositifstemporaires d’aides au départ (art 5, 6 et 7 de la loi n° 75-1000) ou d’intégration dans lesemplois de la fonction publique (art.3 de la Loi n°70-2) et en instaurant un pécule d’incitationau départ anticipé jusqu’en 2002, l’institution, cherche à susciter, chaque année, des fluxsupplémentaires de départs de manière à atteindre les objectifs fixés par la loi deprogrammation. Cette politique de court terme, qui générera des flux de main d'œuvre sur lemarché externe aval, sera prolongée par la mise en œuvre de la politique de gestion despersonnels associée à la professionnalisation. Insérée au statut général des militaires sous unchapitre 5 intitulé “De la reconversion”16, cette dernière est envisagée tout au long dupassage dans les armées c’est-à-dire dès le recrutement et en cours de carrière, sous formed’évaluation, d’orientation professionnelle, ainsi qu’au moment du départ sous forme decongé de reconversion de six mois qui peut être reconductible pour la même durée. Une telleinscription assure une permanence à un dispositif de reconversion qui devient un droit à uneseconde carrière. Sans doute ces mesures tendent-elles à “découpler la fonction publiquemilitaire de la fonction publique générale” [Duval,1998] en favorisant une certaine précarité,mais dans le même temps, elles rapprochent l’institution militaire des entreprises civiles pourlesquelles un arrêt de la Cour de Cassation de février 1992 rappelle que “dans le cadre du

14 MM Sève et P. Avril “ Garder sa valeur sur le marché du travail” L’Usine Nouvelle 24/04/1997 - repris dansProblèmes économiques n°2 531 27/08/97 p.19.15 Rapport sur le projet de loi, relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de laprofessionnalisation des armées. N. About, Sénateur, novembre 1996, p.12.16 Loi n° 96-1111 du 19/12/1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de laprofessionnalisation des armées.

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contrat de travail tout employeur a le devoir d’assurer l’adaptation de ses salariés àl’évolution de leurs emplois.”17

Sur un tel marché externe aval, l’offre de travail émanant des anciens militaires seranumériquement plus importante et aussi plus jeune. Le raccourcissement du passage dans lesarmées affectera le taux de rotation de la main d'œuvre à la fois par ce que les flux de départseront plus importants et que les populations concernées quitteront les armées beaucoup plustôt.

Convient-il alors, de parler de banalisation de cette main d'œuvre singulière quepouvaient représenter les anciens militaires aux yeux de leur futur employeur, rejoignant ainsiles autres offreurs de travail avec lesquels ils rentreront en concurrence? Ou, compte tenu dupari engagé avec l’adoption d’un nouveau modèle d’armée professionnelle et mobile,convient-il d’identifier l’émergence d’une main d'œuvre dont la spécificité restera forte mêmesi elle change de nature ? En tout état de cause, cette main d'œuvre qui alimente les flux desmarchés externes amont et aval fait l’objet, au sein de l’institution militaire d’une gestionparticulière susceptible d’exemplifier la définition du marché du travail interne proposée parPiore et Doeringer.

En conclusion, tout comme l’on pourra identifier des ports d’entrées à l’accès dumarché amont, on pourra mettre en évidence l’existence de ports de sorties, qui à la différencede ce qui se passe pour l’ensemble des entreprises, sont structurelles, parfaitement identifiéeset constituent un outil de gestion intégré à la politique des personnels.

1.2. L’institution militaire, marché interne

La nature des échanges qui s’instaurent entre l’institution militaire et les marchésexternes d’une part et le caractère de la relation qui unit l’individu à cette même institutiond’autre part, illustrent le point de vue de E. et J.D. Reynaud [1996] “un marché interneorganise les relations d’emploi dans la durée ce qui le distingue des marchés non réglés quitiennent leur équilibre de l’issue d’ajustements entre offre et demande de travailrenouvelables et révocables rapidement”. Par ailleurs, le système d’emploi mis en œuvre estle reflet de la superposition de plusieurs registres, caractérisés par des règles et des procéduresdistinctes des procédures en usage sur les marchés externes. On distingue quatre registres: unregistre hiérarchique fondé sur la catégorie de personnel et les grades; un registreprofessionnel fondé sur les qualifications et la formation; un registre fonctionnel fondé sur lesemplois occupés et un registre organisationnel fondé sur les règles de gestion des personnels,la position statutaire, l’avancement et la notation.

De telles particularités concourent à la définition d’un marché interne qui, en ce quiconcerne l’institution militaire, se présente comme un marché interne segmenté. Segmentationqui apparaîtra comme E. et J.D. Reynaud [1996] l’ont montré, pour le secteur destélécommunications, comme “fondamentalement associé à la permanence de la redéfinitiondes contours du marché interne.”

17 MM Sève, P. Avril, op. Cit.

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1.2.1. Un marché interne segmenté

Dans un modèle d’armée mixte, la segmentation hiérarchique pouvait être analysée àpartir du présupposé que tout candidat à l’engagement se destinait à la réalisation d’unecarrière. De ce point de vue, les différents segments identifiés [Favreau-L’hôtellier, 1986]18

étaient pertinents au regard des découpages hiérarchiques en usage au sein de l’institutionmilitaire : militaire du rang, sous-officier, officier.

Avec la professionnalisation des armées et en particulier l’inscription du métier desarmes comme temporaire, cette segmentation implicite doit être réexaminée à la lumière de laredéfinition des contours du marché interne. De ce point de vue, la segmentation entre lescatégories de personnel, conduit à opérer une distinction entre les militaires sous contrat et lesmilitaires de carrière soulignant ainsi le dualisme interne à l’institution.

Pour les militaires sous contrat, c’est la précarité induite par la durée -nécessairementlimitée – du contrat qui servira de référence. Celle-ci ne pèsera pas de la même manière pourles hommes du rang, les sous-officiers et les officiers. Pour les premiers, sur lesquels reposel’essentiel du nouveau format des armées et qui doivent représenter à terme 28% despersonnels militaires, la précarité est consubstantielle aux modalités de leur recrutement. Ilssont explicitement engagés pour une durée qui ne pourra, sauf exception, dépasser huit ans etn'excédera pas onze ans. Pour les seconds, bien que directement concernés par leraccourcissement des carrières et les incitations au départ, pour les plus âgés, la précarité estplus relative, à la fois parce qu’ils ont déjà bénéficié du renouvellement de leur contrat etqu’ils constituent le vivier des sous-officiers de carrière. Quant aux troisièmes, les ORSA, quireprésentent entre un tiers et un cinquième, selon les armées, des effectifs d’officierssubalternes, malgré une durée explicitement annoncée, une carrière courte (6 ans) ouintermédiaire (10-20 ans), la nature même de leur recrutement les place dans une situationdifférente de celle des militaires du rang.

Pour les militaires de carrière, qu’il s’agisse des sous-officiers ou des officiers, à ladifférence des personnels sous contrat, ils bénéficient du statut protecteur de la carrière.Moins touchés par le raccourcissement des carrières, leurs perspectives de promotion sontplus importantes et leurs conditions de retour à la vie civile, en particulier pour les officiers,ne les conduisent pas nécessairement à entreprendre une seconde carrière.

1.2.2. La dynamique de la segmentation

Chaque catégorie de personnels, servant en vertu d’un contrat ou de carrière, évoluedans une grille hiérarchique selon une progression qui constitue la première illustration decette dynamique. L’accès aux différents grades, distincts pour les sous-officiers et lesofficiers, repose sur des règles et des pratiques – l’avancement peut s'opérer au choix ou àl’ancienneté – sous réserve d’une certaine durée de service dans chaque grade. De plus, ausein de la hiérarchie des sous-officiers et des officiers, il existe des grades représentatifsd’effet de seuil dans la mesure où leur franchissement révèle une mobilité verticale tout endessinant les contours d’une segmentation entre les grades. Certains grades constituent à lafois le niveau ultime d’une hiérarchie et le niveau à atteindre pour changer de catégorie de

18 Favreau-L’hôtellier M. “Les Armées et l’emploi: contribution à la théorie de l’offre de travail”. Communicationau Congrès international des économistes de langue française -Nantes, 31 Mai- 3 juin 1986. p.13.

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personnel. C’est le cas du grade de caporal-chef à partir duquel les hommes du rang peuventdevenir sous-officier ou de celui de sergent voire sergent-chef à partir duquel certains sous-officiers sous contrat vont pouvoir accéder à la catégorie des personnels de carrière.

Il est alors possible de caractériser le marché interne ainsi défini pour les sous-officiers.Il correspond à un marché interne fermé dans la mesure où l’alimentation de la pyramide desgrades s’opère exclusivement par la base. Pour accéder au niveau ultime de la hiérarchie, ilfaut en gravir progressivement et successivement tous les niveaux. En outre, il n’existe pasd’admission directe dans le Corps des sous-officiers de carrière, mais une continuitéhiérarchique entre la catégorie des hommes du rang et des sous-officiers. Mobilité statutaire etmobilité hiérarchique se conjuguent pour assurer aux personnels une mobilité essentiellementinterne où le recrutement de personnel par voie externe, en dehors des ports d’entrée, esttotalement exclu.

Le marché interne relatif au personnel officier s’apparente, quant à lui, davantage à unmarché interne semi-ouvert. Les conditions de recrutement, en particulier par voie externe, etles possibilités d’alimentation des grades par voie latérale pour le personnel sous contrat, enfont un marché ouvert, tandis que la nécessaire progression par tous les échelons de lahiérarchie pour le personnel de carrière ainsi que la possibilité de recrutement par promotioninterne, recrutement semi-direct ou par le rang, en font un marché interne. Quel que soit lemode de recrutement, la dynamique de la segmentation hiérarchique et statutaire s’observepour les officiers à partir des trois catégories d’officiers subalternes, d’officiers supérieurs etd’officiers généraux. Cette segmentation hiérarchique et statutaire s’inscrit ainsi dans lesregistres hiérarchiques et organisationnels précédemment définis.

La mobilité statutaire et hiérarchique s’accompagne d’une mobilité professionnelle dontla formation constitue le pivot central induisant une autre segmentation qui s’opère entre lesmétiers. Quel que soit le niveau de certification détenu par l’individu au moment del’engagement, le passage au sein de l’institution militaire se traduira par l’acquisition decompétences supplémentaires non seulement militaires mais aussi professionnelles. Dispenséeà l’intérieur de l’institution militaire, par l’institution, cette formation s’apparente à uneformation spécifique [Becker,1975] dont le degré de transférabilité sur le marché externe avalest plus ou moins grand [Favreau-L’hôtellier,1980].

Dès le recrutement, la qualification joue un rôle important puisqu’elle détermine lesconditions d’accès et la filière d’engagement. Tout au long de la carrière, l’acquisition d’unequalification repose sur la combinaison d’une formation militaire et d’une formationprofessionnelle, technique ou non technique. Ces formations se décomposent en formationélémentaire et formation de niveau progressif sanctionnées par l’obtention de certificats et debrevets. L’accès à ces différentes formations relève d’une logique organisationnelle dans lamesure où elle diffère selon la catégorie de personnel et selon son grade. Elle est distinctepour les personnels sous-officiers et officiers à la fois parce que l’acquis civil détenu parl’individu et requis par l’institution est différent et que les emplois à pourvoir ne requièrentpas les mêmes compétences techniques et n’appellent pas à l’exercice des mêmesresponsabilités. De plus, suivre une filière de formation suppose non seulement un niveauminimum requis mais également l’acquisition progressive de différents niveaux dequalifications. Cette progression dans la détention de qualifications tant militaires quetechniques ou administratives permet alors une mobilité professionnelle interne.

En outre, le double jeu de la progression dans la hiérarchie et dans l’acquisition desqualifications définit l’emploi occupé en terme d’affectations, de responsabilités, de

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conditions de travail, mais aussi des niveaux d’emploi traçant ainsi les contours d’une autremobilité plus horizontale que verticale. Le registre professionnel et fonctionnel se conjuguentau sein d’une segmentation professionnelle.

La dynamique de cette double segmentation, fondée sur la hiérarchie et sur le métier, estégalement à l’ œuvre dans la détermination de la rémunération par le biais des échelles desolde et des primes de qualification. En effet, les personnels militaires perçoivent une solde etdes indemnités. Le montant de la solde est fonction du grade et de l’échelon correspondant àun indice et de la qualification détenue. Pour les sous-officiers, cette double dépendance dugrade et de la qualification est particulièrement importante puisqu’elle détermine les échellesde solde – elles sont au nombre de quatre – à partir desquelles la rémunération est calculée.Quant à la rémunération des officiers, elle est fondée, à l’intérieur des grades et par échelon,sur une grille indiciaire hiérarchisée unique. Cette définition de la rémunération est plusproche de celle qui préside à la rémunération des fonctionnaires civils de l’Etat que de celledes salariés du secteur privé, ce que corrobore d’ailleurs l’art 19-11 du statut général quigarantit que “toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnairescivils de l’Etat est, sous réserve des mesures d’adaptation nécessaires, appliquée avec effetsimultané, aux militaires de carrière.” Le poids de la règle et des conventions reste essentieldans cette dynamique et illustre l’observation de G. Ballot [1996] à propos du marché interneoù écrit-il “les systèmes d’incitations doivent être intertemporels et (...) le salaire peut être unmoins bon outil qu’une carrière ou du moins qu’une espérance de carrière”.

2. LE CAPITAL HUMAIN ET L’INSTITUTION MILITAIRE

La définition retenue dans le cadre de cette étude pour analyser le capital humain etl’institution militaire est essentiellement instrumentale. Ce faisant, elle occulte la complexitéde la notion et le nombre de travaux théoriques qu’il conviendrait de considérer. Notre proposne vise ici qu’à illustrer les termes du rapport de l’OCDE [1998]“L’investissement dans lecapital humain est au cœur des stratégies mises en œuvre par les pays de l’OCDE pourpromouvoir la prospérité économique, l’emploi et la cohésion sociale.” et à montrer en quoi,l’investissement en capital humain, réalisé par l’institution militaire, s’inscrit dans cetteperspective tant d’un point de vue macro-économique que micro-économique.

2.1. En termes macro-économique

La contribution des armées à l’économie nationale peut être appréhendée en se plaçantdu double point de vue de la dépense budgétaire et de l’emploi. La mission de défensedévolue aux armées repose sur des dotations budgétaires importantes19 qui pèsent surl’équilibre du budget de la nation et dont les effets macro-économiques en termes d’emploisont significatifs. La part des crédits militaires (hors pensions) représente, en 1997, 2,4% duPIB. L’évolution des budgets militaires à la baisse, le décalage entre les lois de financesinitiales et les lois de règlement, dû en particulier à des annulations de crédit, montrent qu’aumême titre que les budgets civils, ils sont soumis à un environnement politique et économique

19 ”Les dépenses ordinaires et les dépenses en capital en autorisation de programme et en crédits de paiement,inscrites en loi de finances initiale du ministère de la défense, s’élèveront au cours de chacune des années de la loide programmation à 185 milliards de francs constants, exprimés en francs 1995, à hauteur de 99 milliards de francspour le titre III et de 86 milliards de francs pour les titres V et VI” art 2 de la Loi N°96-589.

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engagé dans un programme de restriction des dépenses publiques La réforme adoptée avec laloi de programmation 1997-2002 illustre le poids de ces contraintes financières. De ce pointde vue, la professionnalisation des armées et l’abandon progressif de la conscription devraientse traduire à court et moyen terme par une économie budgétaire20et à plus long terme par unallégement du financement des pensions de retraite militaire21. Si l’on y ajoute larestructuration des industries d’armement, les effets macro-économiques s’en trouventrenforcés. En termes d’emploi, le remplacement d’une main d'œuvre nombreuse, corvéable àmerci, souvent peu formée, représentée par les appelés, par une main d'œuvre aux dimensionsréduites, qualifiée, professionnalisée et mobile pose, au-delà du débat politique sur le lienarmée-nation, la question des moyens humains, financiers et organisationnels à mettre enœ u vre pour réaliser ce changement. A cet égard, la loi de programmation prévoit la mise enplace d’un fonds d’accompagnement de la professionnalisation dont le total s’élèvera, sur lapériode, à 9,1 milliards de francs.

L’abandon de la conscription telle qu’elle existait sous la forme d’un passage sous lesdrapeaux, d’une durée de plusieurs mois, par “l’appel de préparation à la défense”, sedéroulant sur une journée, permettra toujours de collecter, par le biais de tests, desinformations précieuses sur les aptitudes intellectuelles et mentales d’une classe d’âge de sexemasculin22, mais transformera la contribution des armées à l’investissement en capital humainréalisée à l’échelle de la nation. En effet, la ressource constituée par les appelés était parnature hétérogène et l’institution militaire était amenée à mettre en œ u vre un ensemble deformations, à vocation militaire d’abord, pour répondre à ses missions mais également, àvocation civile, en assurant aux catégories les plus démunies des apprentissages élémentaires.Sur une population de 170 732 appelés en 1997, 16 114 (9,4%) ont bénéficié d’une formation,soit d’une aide dans le cadre de la lutte contre l’illétrisme (4 759), d’une formation scolairepar niveau (10 142)23, d’une formation AFPA (1 213). Parallèlement, la préparation à desdiplômes professionnels destinés à favoriser leur insertion à la fin du service national s’esttraduite par la délivrance de 100 165 certificats de pratique professionnelle et 31 449 permisde conduire dont 22 494 à vocation professionnelle (P.L. S.P.L. T.C.). L’élévation du niveaumoyen d’éducation résultant de ces apprentissages, quoique très divers, tout en étant financéspar la collectivité – un appelé coûte en moyenne 70 000 F. par an – s’accompagnaitd’avantages en terme de cohésion sociale en favorisant la transition professionnelle,l’insertion et la diminution du coût économique et social du chômage.

En outre, le recours à une main d'œ u vre qualifiée suppose que la ressource existe, sur lemarché du travail externe amont, en quantité suffisante pour permettre un recrutement dequalité24. C’est tout le pari de la loi de programmation militaire et la justification de l’abandonprogressif de la conscription c’est-à-dire du maintien des deux systèmes jusqu’à l’horizon2002 avec une évolution des flux en forme de ciseaux: des appelés de moins en moins

20 ”La réduction du format des armées et des programmes d’équipement permettra de dégager une économie del’ordre de 20 milliards de francs par an ou 200 milliards de francs en dix ans” Avis sur le projet de loi n°2766 relatifà la programmation militaire pour les années 1997 à 2002 A. Paecht, Député - Mai 1996 p.1321 Compte tenu de la diminution du nombre d’ayants-droits en raison du développement des carrières courtes.22 ”A cette occasion, sont organisés des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française”-Art L 114-3 de la loi n°97-1019 du 28/10/97 portant réforme du service national. Par contre, les tests médicaux sontsupprimés.23 2 901 de niveau supérieur, 4 059 de niveau secondaire, 1 940 de niveau technique, 1 241 de niveau primaire. BilanSocial, 1997- op. Cit. p.3424 ”Il n’est pas du tout sûr que les armées y trouvent les sujets remplissant la double et indispensable condition del’aptitude physique et de la qualification professionnelle ou même de l’aptitude à l’obtention d’une qualificationprofessionnelle répondant aux besoins des armées.” Duval op. Cit. p.103

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nombreux (de 169 525 en 1997, ils ne seront plus que 21 171 en 2002) et des militaires durang engagés dont la proportion doit passer de 15% à 28% sur la même période.

C’est donc environ 12 % d’une classe d’âge physiquement et intellectuellement apte àl’engagement, qu’il faudra au minimum recruter pour permettre aux armées de répondre auxobjectifs qui leur sont assignés25. De tels choix affectent l’ensemble du marché du travail, laressource qualifiée devenant plus rare et rejaillit en amont sur la relation entre le systèmeéducatif et le système productif. Dans cette optique, note Duval [1998]” les armées doiventtrouver tous les métiers de base ; elles ne devront plus prendre en charge que la seuleformation des spécialistes dont elles auront besoin et qu’elles sont les seules à pouvoirassurer. Comme toute entreprise, elles ne doivent participer à la formation que pour la partspécifique, le marché du travail, par le biais de la scolarisation générale et professionnelle,doit être à même de satisfaire les besoins généraux des armées comme ceux des entreprises etadministrations.”

2.2. En termes micro-économique

Comme le rappelait Raoul Girardet [1990 ] “la société militaire .. apparaît comme unesociété d’apprentissage26. Jusqu’au seuil des degrés supérieurs de la hiérarchie, alternantavec les périodes d’acquisition et de perfectionnement de son propre savoir, ce sont en faitdes tâches d’enseignement - ”d’instruction” - qui occupent la plus grande partie du tempscorrespondant au déroulement normal d’une carrière militaire”. Ainsi, l’institution, commel’individu, participent à cet investissement en capital humain même si pour chacun de cesdeux acteurs les modalités d’acquisition et le rendement attendu peuvent être dissociées.

2.2.1 L’investissement en capital humain réalisé par l’institution militaire

“Les marchés internes, note G. Ballot [1996] permettent la formation de compétencespar investissement en capital humain spécifique et apprentissage (learning by doing) etconstituent ainsi un facteur d'amélioration de la compétitivité nationale (Lucas [1993]) et deréduction du chômage”. L’institution militaire, marché interne assure cet investissement. Laformation qu’elle dispense à toutes les catégories de personnel27, à laquelle elle consacre unepartie de ses ressources tant financières qu’humaines est une composante essentielle de sonfonctionnement. Compte tenu du niveau de la ressource à l’entrée et de sa mission singulière,l’institution militaire est amenée à dispenser, parallèlement à une formation générale, uneformation spécifique qui doit être décomposée en deux éléments. Une formation spécifique àdominante militaire qui n’est pas directement transférable dans le civil. Une formationspécifique à dominante professionnelle dont le degré de transférabilité est plus ou moins élevé[Favreau-L’hôtellier,1980]

Pour rentabiliser cet investissement en capital humain spécifique [Becker,1975], ladurée de la relation avec les personnels doit être suffisamment longue pour obtenir un retour

25 ”Dans le combat moderne, même les tâches d’exécution imposent la maîtrise de techniques complexes dontl’apprentissage n’est accessible qu’au prix de solides capacités intrinsèques.” Conord op. Cit. p.9426 Souligné par nos soins.27 En 1997, 108 682 militaires de carrière ou sous contrat ont bénéficié d’une formation, soit respectivement 38,3% ,22,5% et 92,7% des effectifs d’officiers, sous-officiers et militaires du rang, soit l’équivalent en moyenne de 73,6jours élèves accordés à la formation par individu. Bilan social 1997 op. Cit. p.32-33.

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sur investissement. Parallèlement, une rotation minimale des personnels est nécessairepuisqu’une partie des missions suppose des individus jeunes et en pleine possession de leursmoyens physiques. Cette contrainte nécessite le recours à des contrats de courte durée tels queceux qui sont proposés aux militaires du rang engagés. Les postes occupés par cette catégoriede personnel, dont l’effectif va augmenter, intègrent de plus en plus de tâches qui étaientjusqu’à maintenant dévolues aux appelés. Il y a donc un risque de déqualification àl’embauche particulièrement sensible quand on le rapproche de l’élévation du niveau scolairedes candidats à l’engagement. Ce personnel, indispensable au fonctionnement de l’institution,même si la loi de programmation prévoit le recours à des civils pour les postes à vocationgénérale, laissant aux militaires les postes opérationnels, doit alors être attiré par desrémunérations suffisantes et des conditions particulières de retour au marché externe. C’est lesens des mesures adoptées avec l’augmentation de la solde des engagés au niveau du SMIC etle droit à une indemnité de départ et à un financement de formation ayant pour objet defaciliter la reconversion.28. Se profile ainsi la constitution d’un capital humain dont lerendement, pour l’institution, se mesure par l’effet en retour sur la ressource en permettantson renouvellement.29

Pour le personnel sous-officier, l’investissement en capital humain se réalise et estvalorisé de manière différente. A la formation spécifique militaire s’ajoute une formationspécifique professionnelle, plus ou moins technique. L’investissement en capital humain,engagé par l’institution, peut être très élevé en particulier pour des formations de spécialistesattachés à des postes très qualifiés à dominante technologique, caractérisés par la mise enœ u vre de techniques sophistiquées, au service de matériels complexes et onéreux(aéronautique, électronique, informatique)30. En 1997, 48 272 sous-officiers ont bénéficiéd’une formation, 5 033 dans le cadre d’une formation initiale, 6 347 dans le cadre d’uneformation donnant accès à un niveau d’emploi supérieur, soit l’équivalent de 71,8 jours élèvesaccordés à la formation par individu. Ces personnels, recrutés d’abord sous contrat, pourrontvoir, pour les meilleurs d’entre eux, leur relation avec l’institution militaire se prolonger dansle cadre d’une carrière. De nouveau, l’investissement en capital humain réalisé est patent. Iljalonne la progression dans la hiérarchie puisque celle-ci, nous l’avons vu, est fondée sur unapprentissage continuel et progressif sanctionné par l’acquisition d’une qualificationvalorisante (obtention de certificats et de brevets) et valorisée (accès aux échelles de solde,accroissement des responsabilités). Parce qu’une partie d’entre eux se verra refuser lapossibilité de faire une carrière, là encore le rendement de l’investissement pour l’institutionmilitaire pourrait sembler problématique. C’est le résultat de la double contrainte, déjàévoquée, d’un investissement en formation continu et coûteux et d’une nécessaire flexibilitédu personnel compte tenu de l’impossibilité de maintien au service de cadres vieillis. C’est leprix à payer pour le recrutement de qualité d’un personnel dont la fonction, dans le systèmed’hommes induit par la division du travail pratiquée par les armées, est déterminante. Leparadoxe n’est qu’apparent dans la mesure où la valorisation des carrières en termes tantmonétaires que non monétaires, ainsi proposée, peut être de nature à favoriser le recrutementet à maintenir le niveau de qualification recherché31 ce qui à terme devrait réduire les coûts de

28 ”Les engagés qui accomplissent au moins 4 ans de services et qui n’ont pas demandé ou qui n’ont pas été admis àbénéficier du congé de reconversion (…) reçoivent, s’ils le demandent une formation professionnelle les préparant àl’exercice d’un métier dès le retour à la vie civile” art.2 du Décret n°97-473 du 12/05/1997.29 ”Une reconversion réussie sera le meilleur gage de recrutements ultérieurs” Conord op. Cit. p.10430 ”La mise en œuvre et l’entretien de systèmes d’armes de plus en plus sophistiqués dans un environnementcomplexe, requièrent une formation longue, coûteuse et soigneusement entretenue des servants, des opérateurs et destechniciens.” Annexe à la Loi n°96-589 relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.31 C’est l’idée de “l’armée , bon employeur” évoquée par D. Conort, 1996

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formation supportés par l’institution. Les mesures retenues consacrent cet effort en adoptantune revalorisation des traitements, en aménageant des modalités particulières de départ, enintégrant pour le personnel, sous contrat et de carrière, partant à 15 ans de service avec droit àpension de retraite, la nécessité d’une seconde carrière dans le civil. Il ne s’agit pasuniquement de favoriser le retour à la vie civile en l’accompagnant de mesures ciblées etparfois temporaires, destinées à faciliter l’insertion professionnelle. Il s’agit d’assurer despasserelles entre deux marchés distincts dans la perspective d’une continuité : ”la carrièremilitaire devra être conçue comme un “tout”: une tâche militaire intéressante, une capacitéde formation de qualité, une préparation de longue main pour la reconversion dans la viecivile” [About,1996].

Enfin, pour la grande majorité des officiers, personnel de carrière, la durée de la relationavec l’institution militaire étant envisagée sur une période de 25 ans, seuil ouvrant droit àpension de retraite à jouissance immédiate, l’investissement en capital humain réalisé parl’institution tout au long de la carrière, alternant les formations “sur le tas” et les formationsintellectuelles en particulier pour l’accès au grade d’officiers généraux, dégage un rendementdont on peut penser qu’il lui est favorable, la ressource en main d'œ u vre pouvant alors devenirun “facteur quasi-fixe” [Oi, 1962]. En 1997, 14 972 officiers ont suivi une formation, 4 031en qualité d’élèves-officiers dans le cadre de la formation initiale, 1 735 dans le cadre d’uneformation donnant accès à un niveau d’emploi supérieur, soit 139,5 jours élèves accordés à laformation par individu.

2.2.2. L’investissement en capital humain réalisé par l’individu

Pour l’individu ce n’est pas tant la réalisation de l’investissement qui retient l’attentionque le rendement qu’il peut en attendre. En intégrant le marché interne qu’est l’institutionmilitaire, il effectue un choix intertemporel puisque ses calculs d’optimisation ne se limitentplus au présent mais anticipent un supplément de revenu dans le futur grâce aux qualificationset aux compétences acquises au sein des armées [Becker,1975]. Ce “détour de formation”[Favreau-L’hôtellier,1980], dont la durée peut être variable selon la catégorie de personnel,est source de gains pour l’individu et peut justifier son choix. La constitution de ce stock,qu’est le capital humain au sein du marché interne qu’est l’institution militaire, va rendreeffectif son accroissement et son usage tout en le valorisant. L’augmentation de revenu liée àla progression de la solde sur l’ensemble de la carrière constitue une espérance de gaincertaine par rapport à celle qui pourrait être obtenue sur un marché externe. Sans doute cecalcul n’est–il vraiment pertinent que pour les personnels de carrière, mais il ne doit pas êtretotalement exclu pour le personnel sous contrat. Plus précisément, au moment d’un éventuelrenouvellement de contrat, l’individu sera en mesure d’effectuer des calculs analogues et dechoisir ou non de prolonger la durée de son engagement.

Au-delà du gain en terme de revenu, dont on sait par ailleurs que ni l’individu, nil’institution militaire n’en a la maîtrise, l’espérance de gain peut porter sur la valorisation dela formation en dehors du marché interne. L’accumulation du capital humain dont le degré detransférabilité est fonction de son caractère plus ou moins spécifique peut faire l’objet d’uncalcul en terme de rendement qui n’est pas uniquement monétaire.

Ainsi, entre le moment de l’engagement et celui du départ, la variation du stock estpositive puisqu’en raison de la formation nécessairement suivie, la qualification au départ estsupérieure à la qualification d’arrivée. En outre, la prise en compte du retour à la vie civile endevenant, avec l’inscription dans la loi de programmation “d’un droit à une seconde période

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de carrière professionnelle accomplie dans la vie civile”, une règle de gestion des personnels,conforte l’employabilité de l’individu.

De même, les diverses mesures de reconversion dont l’accès est conditionné par laformation acquise et qui s’accompagnent d’une formation complémentaire dans le cadre decongé de reconversion32 représentent un gain pour l’individu en facilitant et en réduisant lecoût de son insertion future. En 1997, un peu plus d’un départ sur deux a fait l’objet demesures de reconversion.33

Enfin, les dispositions relatives à la réalisation d’une seconde carrière, en sanctionnantla formation accumulée au sein de l’institution militaire, en particulier par le biais deshomologations de titres militaires, procurent à l’individu les avantages d’une certificationhabituellement réservés aux titres dispensés par le système éducatif.

Par ailleurs, le rendement de l’investissement en capital humain peut être apprécié enterme de protection contre le chômage. Au-delà de la protection contre la perte d’emploi quiexiste pendant la durée du contrat ou de la réalisation de la carrière c’est-à-dire au sein del’institution militaire, le rendement peut être évalué en terme global, sur l’ensemble du cyclede vie, puisqu’une partie de la vie active est soustraite à l’éventualité du chômage. En outre,le risque de chômage, eu égard à l’investissement en capital humain réalisé au sein del’institution militaire peut s’en trouver réduit puisque l’individu accroît ses chancesd’insertion.

3. CONCLUSION

Les pistes de réflexions ainsi ouvertes pourraient être prolongées en dépassant lesconventions adoptées, en particulier les définitions retenues et les problématiquesdéveloppées. Il conviendrait d’observer, à la lumière des faits, les effets de laprofessionnalisation des armées et de les rapprocher des expériences menées à l’étranger enparticulier aux États-Unis [Boëne,1990] et dans certains pays européens comme l’Allemagne[Barrère-Maurisson, Robert,1994] et la Grande-Bretagne. Enfin, la place particulière accordéeau personnel civil dans le cadre de l’actuelle loi de programmation mais aussi dans laprojection 2015 où ils représenteront le cinquième des effectifs, devrait retenir l’attention duchercheur pour compléter l’analyse du marché interne et de sa relation avec l’investissementen capital humain.

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32 Décret n°97-471 du 12 mai 1997 relatif aux positions statutaires des militaires de carrière33 10 027 reconversions pour 17 952 départs dont 1 228 reconversions dans le secteur public et 8 799 aides à lareconversion dans le secteur privé. Bilan social 1997 op. Cit. p.34-35

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