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JUIN 2002 - N° 2, 13 è m e A N N É E COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ LE MESSAGE DU PRÉSIDENT En tant qu’observateurs attentifs du système de soins en France, on ne peut qu’être attristé de voir qu’une fois de plus, la conjoncture politique dans notre pays ne permet pas de traiter à froid les problèmes, dans la perspective de la recherche d’une meilleure efficience des services. Dans notre communauté, nous savons tous que les honoraires médicaux ne représentent qu’une faible part du coût total d’un épisode de soins. Depuis plusieurs années, on pou- vait aussi voir progresser parmi les médecins de ville l’idée qu’il était possible d’optimiser l’utilisation des ressources, parfois en géné- rant des économies nettes, parfois en aug- mentant la qualité du service rendu sans réduction de dépenses. La crise actuelle semble freiner cette évolution de fonds, en minant le minimum de confiance qui doit exister entre les professionnels, l’État et l’Assurance Maladie, pour aboutir à des solutions " gagnant-gagnant. " De surcroît, on voit mal comment les spécialistes de ville ne vont pas réagir, en demandant que le différentiel de rémunération avec les généralistes soit rétabli. Il est grand temps qu’une discussion de fonds s’engage avec les professionnels, mais sur un autre registre : peut-être de façon plus décentralisée, de façon à mieux tenir compte des conditions d’exercice des médecins en fonction des situations locales. Cela étant, la durée du mouvement des généralistes et sa dureté devrait conduire à une réflexion plus socio- logique sur l’émergence d’une identité nou- velle des professionnels libéraux et leur acceptation de contraintes sur leur autono- mie professionnelle. Les actualités du Collège : après beaucoup d’efforts, les recommandations sur les étu- des médico-économiques sont en train d’a- boutir. La communauté reconnaîtra, je l’espère, un enrichissement et un approfon- dissement importants par rapport à la ver- sion précédente, et avec des prises de posi- tion originales. Objectif : finir avant la fin de l’année ! Enfin, nous espérons que les mem- bres du Collège viendront très nombreux au Colloque Européen au mois de juillet, car ce sera, sans nul doute, une manifestation de haut niveau. Gérard de POUVOURVILLE Directeur de recherche CNRS CREGAS – Unité INSERM U537 La persistance, sinon l’accroisse- ment, des inégalités de santé soulè- vent deux questions : celle des prin- cipes d’équité poursuivis par les politiques publiques, et celle des moyens d’action les plus efficaces pour réduire ces inégalités. C’est sur la première que Lise Rochaix nous invite à nous pen- cher, avec une réflexion sur les théories de la justice sociale et sur les termes du contrat social. Le Haut comité de santé publique s’est confronté de manière pragma- tique à cette question, sur un plan géographique, lorsqu’il a cherché à explorer la double problématique de " l’allocation régionale des res- sources et la réduction des inégali- tés de santé ". Le groupe de travail piloté par Jean-Claude Sailly, et auquel plusieurs économistes du Collège ont participé, a en effet mis en évidence que les instruments techniques (tels que les formules de péréquation financières et les critè- res utilisés dans ces formules) ne sont pas neutres et sont sous-tendus par une certaine conception de l’é- quité. Le choix et l’explicitation de cette conception, préalable à la recher- che des instruments de politique publique adéquats, ne relèvent évi- demment pas de l’économiste ou plus généralement du technicien des sciences sociales. Celui-ci peut en revanche décrypter les principes implicites que traduisent les dispo- sitifs actuels. La deuxième question est celle des moyens d’une politique de réduc- tion des inégalités de santé. En France, le développement de la protection sociale a été un instru- ment privilégié de lutte contre les inégalités de santé. Claude Le Pen rappelle, dans ce numéro de la Lettre des économistes, que l’assu- rance maladie a pour effet d’amé- liorer l’accès aux soins des indivi- dus qui peuvent acquérir, lorsqu’ils sont malades, des biens et des ser- vices de santé qu’ils ne pourraient financer par leurs ressources prop- res. Ceci est peu contesté – et l’est d’autant moins qu’il s’agit de soins lourds. Les analyses croisées prix/revenu, qu’il appelle de ses vœux, sont effectivement un moyen de départager les hypothèses d’ac- cès aux soins et de risque moral comme facteur causal dans la rela- tion assurance – consommation de soins. Une analyse de ce type réali- sée récemment en France pour le tiers payant (qui suscite un débat identique puisqu’il est souvent accusé d’entraîner une surconsom- mation) montre effectivement que cet effet joue beaucoup plus sur les pauvres que sur les riches et conforte donc l’hypothèse de l’ac- cès aux soins comme facteur expli- catif (Dourgnon, Grignon, 1999). Il reste en revanche légitime de s’interroger sur l’efficacité d’une politique d’accès aux soins via l’as- surance, comparée à des politiques alternatives, pour réduire les inéga- lités de santé. Le débat reste très largement ouvert. La dernière édi- tion de Health Affairs, qui consacre un dossier aux déterminants de l’é- tat de santé, relance ce débat en opposant les tenants d’une redistri- bution de la richesse comme meilleur moyen de réduire les inégalités de santé et les partisans de politiques de santé ciblées. Il reste encore beaucoup à faire, notamment en améliorant la com- préhension des mécanismes expli- catifs des inégalités, pour progres- ser dans ce débat. Dominique POLTON Directrice CREDES ÉDITORIAL: ASSURANCE MALADIE ET EQUITE : ENCORE DU GRAIN A MOUDRE POUR LES ECONOMISTES…

LE MESSAGE DU PRÉSIDENT MOUDRE POUR LES ECONOMISTES… · tion des inégalités de santé. En France, le développement de la protection sociale a été un instru-ment privilégié

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JUIN 2002 - N° 2, 13è m e A N N É E

C O L L È G E D E S É C O N O M I S T E S D E L A S A N T É

LE MESSAGEDU PRÉSIDENT

En tant qu’observateurs attentifs du systèmede soins en France, on ne peut qu’êtreattristé de voir qu’une fois de plus, laconjoncture politique dans notre pays nepermet pas de traiter à froid les problèmes,dans la perspective de la recherche d’unemeilleure efficience des services. Dansnotre communauté, nous savons tous queles honoraires médicaux ne représententqu’une faible part du coût total d’un épisodede soins. Depuis plusieurs années, on pou-vait aussi voir progresser parmi les médecinsde ville l’idée qu’il était possible d’optimiserl’utilisation des ressources, parfois en géné-rant des économies nettes, parfois en aug-mentant la qualité du service rendu sansréduction de dépenses. La crise actuellesemble freiner cette évolution de fonds, enminant le minimum de confiance qui doitexister entre les professionnels, l’État etl’Assurance Maladie, pour aboutir à dessolutions " gagnant-gagnant. " De surcroît,on voit mal comment les spécialistes deville ne vont pas réagir, en demandant quele différentiel de rémunération avec lesgénéralistes soit rétabli. Il est grand tempsqu’une discussion de fonds s’engage avecles professionnels, mais sur un autre registre: peut-être de façon plus décentralisée, defaçon à mieux tenir compte des conditionsd’exercice des médecins en fonction dessituations locales. Cela étant, la durée dumouvement des généralistes et sa duretédevrait conduire à une réflexion plus socio-logique sur l’émergence d’une identité nou-velle des professionnels libéraux et leuracceptation de contraintes sur leur autono-mie professionnelle.Les actualités du Collège : après beaucoupd’efforts, les recommandations sur les étu-des médico-économiques sont en train d’a-b o u t i r. La communauté reconnaîtra, jel’espère, un enrichissement et un approfon-dissement importants par rapport à la ver-sion précédente, et avec des prises de posi-tion originales. Objectif : finir avant la fin del’année ! Enfin, nous espérons que les mem-bres du Collège viendront très nombreux auColloque Européen au mois de juillet, car cesera, sans nul doute, une manifestation dehaut niveau.

Gérard de POUVOURVILLEDirecteur de recherche CNRS

CREGAS – Unité INSERM U537

La persistance, sinon l’accroisse-ment, des inégalités de santé soulè-vent deux questions : celle des prin-cipes d’équité poursuivis par lespolitiques publiques, et celle desmoyens d’action les plus efficacespour réduire ces inégalités.C’est sur la première que LiseRochaix nous invite à nous pen-cher, avec une réflexion sur lesthéories de la justice sociale et surles termes du contrat social. Le Haut comité de santé publiques’est confronté de manière pragma-tique à cette question, sur un plangéographique, lorsqu’il a cherché àexplorer la double problématiquede " l’allocation régionale des res-sources et la réduction des inégali-tés de santé ". Le groupe de travailpiloté par Jean-Claude Sailly, etauquel plusieurs économistes duCollège ont participé, a en effet misen évidence que les instrumentstechniques (tels que les formules depéréquation financières et les critè-res utilisés dans ces formules) nesont pas neutres et sont sous-tenduspar une certaine conception de l’é-quité. Le choix et l’explicitation de cetteconception, préalable à la recher-che des instruments de politiquepublique adéquats, ne relèvent évi-demment pas de l’économiste ouplus généralement du techniciendes sciences sociales. Celui-ci peuten revanche décrypter les principesimplicites que traduisent les dispo-sitifs actuels. La deuxième question est celle desmoyens d’une politique de réduc-tion des inégalités de santé. EnFrance, le développement de laprotection sociale a été un instru-ment privilégié de lutte contre lesinégalités de santé. Claude Le Penrappelle, dans ce numéro de laLettre des économistes, que l’assu-rance maladie a pour effet d’amé-liorer l’accès aux soins des indivi-dus qui peuvent acquérir, lorsqu’ilssont malades, des biens et des ser-vices de santé qu’ils ne pourraient

financer par leurs ressources prop-res. Ceci est peu contesté – et l’estd’autant moins qu’il s’agit de soinslourds. Les analyses croiséesprix/revenu, qu’il appelle de sesvœux, sont effectivement un moyende départager les hypothèses d’ac-cès aux soins et de risque moralcomme facteur causal dans la rela-tion assurance – consommation desoins. Une analyse de ce type réali-sée récemment en France pour letiers payant (qui suscite un débatidentique puisqu’il est souve n taccusé d’entraîner une surconsom-mation) montre effectivement quecet effet joue beaucoup plus sur lespauvres que sur les riches etconforte donc l’hypothèse de l’ac-cès aux soins comme facteur expli-catif (Dourgnon, Grignon, 1999). Il reste en revanche légitime des’interroger sur l’efficacité d’unepolitique d’accès aux soins via l’as-surance, comparée à des politiquesalternatives, pour réduire les inéga-lités de santé. Le débat reste trèslargement ouvert. La dernière édi-tion de Health Affairs, qui consacreun dossier aux déterminants de l’é-tat de santé, relance ce débat enopposant les tenants d’une redistri-bution de la richesse commemeilleur moyen de réduire lesinégalités de santé et les partisansde politiques de santé ciblées. Ilreste encore beaucoup à faire,notamment en améliorant la com-préhension des mécanismes expli-catifs des inégalités, pour progres-ser dans ce débat.

Dominique POLTONDirectrice

CREDES

ÉDITORIAL:ASSURANCE MALADIE ET EQUITE : ENCORE DU GRAIN AMOUDRE POUR LES ECONOMISTES…

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L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a vait faitde ‘la santé pour tous en l’an 2000’ son cheval debataille lors de la déclaration d’Alma Ata en 1978mais force est de constater que les inégalités de santé,tout comme les inégalités de r evenu, se renforcent, ycompris en cette période de relati ve croissance éco-nomique. Ce phénomène est clairement manifeste àl’échelle de la planète, entre pays en voie de dévelop -pement et pays industrialisés, mais il est aussi présentchez ces derniers, malgré un Etat Pr ovidence fortdéveloppé pour certains d’entre eux comme la F rance.La préoccupation d’équité en santé est de surcroîtravivée dans ces pays par la crainte que les politiquesde maîtrise des dépenses de santé des deux dernièresdécennies n’aient renforcé les inégalités socio-écono -miques devant la maladie. Les mêmes inquiétudesvalent pour les propositions de réforme visant l’intr o-duction de mécanismes de marché pour à la fois amé-liorer l’efficacité et assouplir la contrainte financièr epar le recours à un financement privé volontaire.Enfin, le renouvellement des théories de la justicesociale d’une part (entendue comme l’ensemble desprincipes qui régissent la définition et la répartitionéquitable des droits et des de voirs entre membres dela société) et le développement de l’éthique en santéde l’autre, porté en grande partie par les a vancées dela génétique, ont donné à cette problématique de l’é -quité en santé un nouveau souffle.

En conséquence, l’OMS, dans son rapport intitulé ‘Lasanté dans le monde en l’an 2000’, fait à nouveau dela réduction des inégalités sa priorité pour les annéesà venir, mais cette fois sous le vocable d’équité ( ‘fair -ness’).

Poser le principe ne saurait suffire à assurer son respectet une étape constructive en ce sens consisterait àmieux comprendre cette persistance des inégalités.Une première voie d’explication repose sur l’idéeselon laquelle toutes les inégalités ne sont pas réducti-bles et que parmi celles qui le sont, toutes ne sauraientêtre considérées comme inéquitables et donc fairel’objet de politiques visant leur résorption.

Les recherches récentes sur la justice sociale consti-tuent un précieux recours pour préciser les conceptsd’équité sur lesquels sont fondés les termes du contratsocial que chaque pays retient en matière de protec-tion contre le risque maladie. Arnsperger et Van Parijs(2000) ont récemment présenté quatre approches del’éthique économique et sociale à partir desquelles éla-borer des principes caractérisant des institutions justes: l’utilitarisme, le libertarisme, le marxisme et l’égalita-risme libéral. Chacune fait l’objet d’une déclinaisonaux soins de santé en donnant la préséance au principefondateur sur lequel elle repose. L’utilitarisme recher-che le plus grand bonheur pour le plus grand nombre

et fait ainsi passer l’intérêt collectif avant l’intérêt indi-viduel. Il peut conduire à recommander une interven-tion de l’État en cas de défaillance de marché. A l’in-verse, le libertarisme met en avant le principe selonlequel la dignité fondamentale de chaque individuréside dans la liberté de choix qui ne saurait en aucuncas être bafouée au nom d’un impératif collectif. Pourle marxisme, l’exigence éthique fondamentale est l’é-galitarisme. Enfin, l’égalitarisme libéral, avec notam-ment la théorie de la justice sociale de John Rawls en1971, ouvre la voie d’une conciliation entre les deuxobjectifs parfois conflictuels de liberté et d’égalité.Celle-ci passe par la définition de trois principes hié-rarchisés : d’abord l’égale liberté, puis l’égalité équita-ble des chances (à savoir qu’il ne s’agit pas de garantirà tout citoyen la même probabilité d’accès aux diver-ses positions sociales mais de garantir que des person-nes ayant les mêmes talents aient la même possibilitéd’accès à ces positions), enfin la reconnaissance du faitque certaines inégalités peuvent être acceptables sielles sont profitables aux plus défavorisés (principe dumaximin).

L’architecture de tous les systèmes de santé des paysindustrialisés a manifestement été influencée par lesarguments en faveur d’une intervention de l’État dansle financement du risque maladie. Elle varie cependantd’un pays à l’autre car elle reflète à la fois l’importanceattachée au principe d’équité par rapport aux autresobjectifs poursuivis (liberté, efficacité) et l’allégeanceplus ou moins marquée à l’une ou l’autre de ces appro-ches pour la définition même du principe d’équitéretenu. Cette allégeance se concrétise par des règles definancement et d’accès aux soins à dominante soit libé-rale soit égalitariste. Le financement peut en effet êtrefiscalisé (et donc plutôt progressif), ou mutualisé pardes cotisations (obligatoires ou volontaires) qui serontdans la plupart des cas déconnectées du risque actua-riel. En matière d’accès aux soins, la règle de la gratuitéest soit universelle pour les systèmes nationaux desanté, soit conditionnée par le paiement d’une primed’assurance (comme aux USA ou en Suisse), par leniveau de ressources (comme aux Pays-Bas), ou enfinpar la présence d’une affection dite ‘exonéra n t e ’(comme en France pour les Affections de LongueDurée –ALD-). Par delà la participation financière, desdegrés de liberté existent quant aux modalités mêmesde l’accès plus ou moins libre : mise en place ou pasde filières (passage obligé par le généraliste pour l’ac-cès aux soins de spécialistes et hospitaliers) ou encoredéfinition de paniers de soins remboursés de taillevariable.

La déconnexion des recettes et des dépenses présentedans la plupart des systèmes de santé au titre du rejetdu principe ‘à chacun selon ses moyens’ a conduit àdes déficits structurels dans le financement des systè-

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 2JUIN 2002

Équité et santé : pour une redéfinition des termes du contrat social

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mes de santé. Cette situation est encore aggravée pourles pays comme la France dont le financement reposesur les revenus du travail, à la différence de systèmesfiscalisés pour lesquels la base d’imposition est pluslarge. La nécessité de maîtriser les dépenses de santé,liée en grande partie à la volonté d’harmoniser les défi-cits publics en Europe, est renforcée par la montéed’exigences croissantes de la part des producteurscomme des bénéficiaires pour des soins de plus enplus techniques. En France, le recours progressif à laCSG (Contribution Sociale Généralisée) pour le finan-cement du système de santé permet d’élargir l’assietted’imposition et de réduire progressivement les déficits.Par ailleurs, les mesures de maîtrise des dépenses desanté ont permis de réduire les gaspillages en grandepartie induits par la prise en charge des dépenses parun tiers, sans pour autant accroître les inégalités socia-les d’accès. La loi CMU (Couverture MaladieUniverselle) du 27 juillet 1999 a même facilité l’accèsaux soins des plus démunis (4,5 millions de personnesen bénéficiaient en 2000).

Aussi structurelles et fondées soient-elles, ces réformesne sauraient apaiser le débat aujourd’hui ouvert sur lesvoies de réforme du système de santé français. Larecherche d’une plus grande efficacité apparaît en effetincontournable dès lors que l’on reconnaît les enjeuxfinanciers associés au développement de nouvellespathologies, aux progrès de la médecine, au vieillisse-ment de la population et donc en un mot à la crois-sance exponentielle des besoins par rapport à desmoyens limités. L’une des solutions prônée par lestenants du libéralisme pour alléger cette contraintepesant sur le système de santé est de renforcer laresponsabilité et la liberté individuelle, d’encourager lemarché et la privatisation de certaines activités (notam-ment d’assurance). Ces propositions n’ont cependantfait l’objet que d’application très limitées en Europe,sans doute au vu de la difficulté rencontrée dans ladéfinition opérationnelle de la responsabilité en santéet des implications qu’elles ne manqueraient pas d’a-voir sur l’équité d’accès aux soins.

Le débat qui s’est instauré sur la réforme du système desanté en France a cependant pour vertu de rappelerque tout financement supplémentaire consenti à lasanté s’opère nécessairement au détriment d’un autresecteur sur lequel l’État exerce une fonction tutélaire,comme l’éducation. Il nous invite aussi à repenser lesdroits et les devoirs définis au titre du contrat socialpassé entre membres de la société. Les contours de ce

contrat en matière d’équité gagneraient en effet à êtreprécisés, en s’inspirant de manière plus explicite desprincipes Rawlsiens d’égalité équitable des chances.Ceci permettrait d’asseoir et de mieux cibler les poli-tiques visant à réduire les inégalités en santé en France,en précisant notamment s’il s’agit d’inégalités d’étatsde santé ou d’accès, et dans ce dernier cas, de quellenotion d’accès (géographique, financier).

Une deuxième voie d’explication de la persistance desinégalités et donc in fine de définition de politiquesplus efficaces de réduction des inégalités en santé estofferte par les recherches sur les déterminants de l’étatde santé menées par des épidémiologistes et les analy-ses des économistes sur les relations entre santé, édu-cation et revenu. Toutes démontrent l’importanced’une approche globale en matière de réduction desinégalités d’état de santé impliquant l’individu dans lagestion de son capital santé. A titre d’illustration, l’a-nalyse des décès par cause indique qu’environ la moi-tié (52% en 97) pourrait être évitée soit par une actionsur le système de soins (à concurrence de 16,2%), soitpar des actions sur les facteurs individuels de risque (àconcurrence de 35,7%).

Les enseignements de ces recherches semblent indi-quer que la réduction des inégalités en santé impliqueau niveau global une action correctrice menée tant surla distribution des revenus que dans le secteur de lasanté et une communication sur le risque au niveauindividuel. A l’intérieur du système de santé, elles invi-tent à une réflexion sur la notion d’égalité équitabledes chances, une meilleure coordination des interven-tions médicales et sociales, un rééquilibrage sur le pré-ventif plus que le curatif et une importance accrue del’évaluation de l’efficacité des soins, dès lors que lesmoyens sont limités face à des besoins croissants.

Lise ROCHAIXProfesseur des Universités

GREQAM – IDEPUniversité Aix-Marseille II

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 3 JUIN 2002

L’ANNUAIRE DU COLLÈGE

L’annuaire 2002 des Membres du Collège vient de sortir. Selon la règle adoptée il y a quelques années, l’annuaireédité les années paires correspond à la version détaillée. Vous trouverez donc toutes les informations sur les 165membres individuels, les 11 membres institutionnels et les 27 membres entreprises. Grande nouveauté cette année:un index des membres individuels par mots-clés. Pour ceux qui souhaitent l’obtenir, contacter le Collège

(à partir du 1 août 2002).

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1. Le contexte 1

Depuis Kenneth Arrow en 1963, la théorie écono-mique analyse généralement l’assurance-maladie àl’aide des outils habituels de la théorie de l’assurance(voir par exemple Cutler et Zeckhauser, 2000). Ce sontles concepts de cette théorie qui sont mobilisés pourdéfinir la demande d’assurance (l’aversion au risque),les effets pervers de la couverture assurantielle (sélec-tion adverse et hasard moral) ou la définition descontrats efficients (asymétrie d’information et modèlesprincipal-agent).

En termes sociaux, les analyses courantes, issues dufameux article de Mark Pauly de 1968, font surtout étatde la perte de bien-être collectif qui résulterait d’unetendance à l’excès de couverture assurantielle. Touteschoses égales par ailleurs, cette dernière inciterait eneffet les individus assurés à " surconsommer " des soinset services médicaux, par rapport à la situation de réfé-rence sans assurance, où les individus supportent inté-gralement l’effet de leurs comportements. Différents "mécanismes d’action " ont été suggérés pour expliquerce phénomène bien connu de " hasard moral " : lerelâchement des " efforts " des assurés, la tendance desprofessionnels de santé à multiplier des soins payés parla collectivité, l’adoption d’une logique de " free rider" de la part d’assurés, qui agissent comme si leur com-portement individuel était sans effet sur le niveau de laconsommation globale et des primes (Bardey,Couffinhal, Grignon, 2002), etc… Très récemment,Nyman (1999) a avancé l’idée que la demande d’assu-rance-maladie pouvait s’expliquer par un motif " d’ac-cès aux soins " et pas seulement par l’aversion aurisque. Elle permet en effet à certains individus d’ac-quérir, quand ils sont malades, des biens et des servi-ces de santé qu’ils ne pourraient financer à partir deleurs propres ressources.

Cette explication à la demande d’assurance-maladieavait curieusement échappé à l’attention de la théorieéconomique ! C’est pourtant une évidence largementperçue par l’opinion publique et les responsables poli-tiques, qu’au-delà de l’effet redistributif habituel descontrats d’assurance (redistribution entre " sinistrés " et

" non sinistrés ", donc, dans notre cas, entre malades etbien-portants), le contrat d’assurance-maladie a égale-ment un effet redistributif plus classique entre riches etpauvres.

La prise en compte de cet effet aboutit à modifier sub-stantiellement la conception du contrat d’assurance-maladie que se fait la théorie économique ainsi que seseffets en termes de bien-être. Pour montrer cela, nousprésentons un modèle simple d’assura n c e - m a l a d i eavec redistribution des revenus

2. Les hypothèses du modèle

Les principales hypothèses sont les suivantes.

a. Il existe N individus, repérés par l’indice i (i=1,N),qui diffèrent par leur niveau de richesse brute Wi. Larichesse brute définit les possibilités maximales deconsommation, capacité d’emprunt comprise. Larichesse est supposée distribuée de façon uniforme surl’intervalle [0, ], étant la richesse brute maximale (Wi£ pour tout i). D’autres lois de distribution plus réalis-tes, loi de Pareto ou loi log-normale, pourraient êtreconsidérées, mais compliqueraient l’analyse sans effetsur ses conclusions.

b. Ces individus sont soumis au risque p d’une maladiechronique invalidante, qui est un pur aléa indépendantde la richesse brute Wi. Cette maladie peut être guériedéfinitivement et instantanément par un geste médicalunique (un acte chirurgical par exemple) dont le coûtest M. Sans ce geste, le patient demeure malade durantle reste de sa vie.

c. Les individus dépensent leurs revenus soit pouracquérir le bien médical, quand ils sont malades, soitpour se procurer un bien de consommation composite.

d. Chaque individu possède une même fonction d’uti-lité, qui est toutefois différente dans l’état de maladie etdans l’état de bonne santé. Les indices d’utilité sontmesurables et comparables entre les individus. Cettehypothèse est admissible dans l’état de maladie où l’ondispose d’une batterie de scores et d’échelle mesurantl’intensité des symptômes et le retentissement de lamaladie sur la qualité de vie. Elle est plus discutabledans l’état de bonne santé, mais on l’admettra à titred’hypothèse.

e. Dans l’état de maladie, si le patient n’a pas lesmoyens financiers de se soigner, il subit une désutilitéconstante Ui=-e (e>0), quelque soit i. Cette désutilitéest indépendante du niveau de richesse, la maladieempêchant toute consommation normale. S’il peut sesoigner, son utilité dépend du revenu disponible wi,qui est égal au revenu brut Wi moins le coût des soins

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 4JUIN 2002

Assurance-maladie et Redistribution des r evenus

1 Avertissement : l’analyse qui suit, très perfectible sur le fond commesur la forme, n’a d’autre objectif que de servir de base de discussionsur un aspect de l’assurance-maladie qui me semble négligé. Lesremarques, commentaires et critiques sont les bienvenues.

Il s’agit ici du " hasard moral ex-post ", qui est le plus courant et quia donné lieu au plus de vérifications empiriques. On désigne sous lenom de " hasard moral ex-ante " l’effet dissuasif du contrat d’assurancesur la prévention des maladies avant qu’elles ne surviennent.L’existence de cet effet est beaucoup plus problématique, dans lamesure où les individus malades, assurés ou non, doivent supporter lesmêmes conséquences négatives de la maladie en termes de qualité devie, voire de survie tout court (Sur le " hasard moral " au sens de lathéorie de l’assurance appliqué à la santé, voir Manning et Zweifel,2000).

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médicaux M. On a donc dans ce cas : Ui=U(Wi-M).Enfin, s’il n’est pas malade, l’utilité dépend classique-ment du revenu brut : Ui=(Wi). Dans les deux dernierscas, on suppose que l’utilité marginale du revenu netou brut est positive et décroissante, soit U’i(.)>0 etU’’i(.)<0. Les graphiques ci-dessous donnent la distri-

bution des utilités pour les patients malades et nonmalades en fonction du revenu brut.

f. Enfin, dernière hypothèse, il existe une utilité collec-tive de type welfariste qui est égale la somme non pon-dérée des utilités individuelles.

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 5 JUIN 2002

3. Les résultats du modèle

Deux cas doivent être distingués selon qu’il existe oùnon une assurance-maladie.

a. Sans assurance-maladie

Le bien-être total de la population, calculé sur les dif-férents niveaux de revenus, qui sont rappelons-le, dis-tribués de manière uniforme, est égal à :

Ce qui, après un simple réarrangement des termes,donne :

Cette équation signifie que la maladie entraîne uneperte de bien-être total, par rapport à l’état sans mal-adie, qui est égale à la somme :

- De la désutilité des malades trop pauvres pour avoiraccès aux soins et qui restent donc malades.

- D’une perte de welfare de ces malades pauvres quine peuvent tirer bénéfice de leur revenu : il est insuffi-sant pour financer les soins et, comme ils sontmalades, ils ne peuvent l’utiliser pour consommer lebien de consommation composite.

- D’une perte de welfare subie par les patients "riches "ayant été malades mais ayant pu financer le traitement:leur revenu brut disponible est en effet amputé du coûtdes soins et leur consommation de bien composite estdiminuée d’autant.

b. Avec assurance-maladie

On suppose maintenant qu’il existe une assurance-maladie obligatoire équitable dont le niveau de primepure est donc égal à m’=p.M. Tous les individusmalades, quelque soit leur niveau de revenu ont main-tenant accès aux soins. Ils sont donc tous bien portants,par définition même du traitement.

Il existe cependant une fraction a ’ des patients dont lerevenu est inférieur à la prime m’ et qui ne peuventdonc s’assurer. On suppose que ces patients bénéfi-cient de l’assurance-maladie gratuitement et que lecoût de leur assurance est socialisé, c’est-à-dire payépar les autres. La prime définitive m intègre montantDm égal au coût de cette socialisation, soit a.m, aétant la fraction des patients ne pouvant payer m (a > ’)3.

Dans ce cas, le bien-être de la collectivité est égal à :

4. Les résultats

3 Ce schéma d’assurance entraîne un " effet de seuil " qui pénaliseles individus dont les revenus sont juste supérieurs au montant de laprime m et qui doivent donc la payer. De ce fait, leur niveau d’utilitéest inférieur à celui des individus se situant juste au-dessous de met donc dispensés de prime. On pourrait envisager de rendre pro-gressif le seuil d’exonération.

Individus en bonne santé Individus malades

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Ce modèle, très simple, conduit aux deux résultatsprincipaux suivants.

a) Si b est la proportion d’individus dont le revenu estinférieur à M, la consommation médicale totale estégale à D=(p.b.N.M), dans le cas où il n’existe pasd’assurance, et à D=(p.N.M), dans le cas où il y a assu-rance. La disponibilité d’une assurance-maladie aug-mente donc la consommation médicale totale etmoyenne, comme l’ont observé de nombreux travaux.

b) Il est facile de montrer que, très généralement,WA>WNA. Ainsi, la présence d’une assurance-maladieobligatoire – et la croissance corrélative de la consom-mation médicale – s’accompagne d’une augmentationtrès sensible du bien-être collectif.

Le tableau en annexe donne de manière détaillée lebilan des gains et pertes en bien-être pour les différentsgroupes imputable au schéma d’assurance-maladie ci-dessous.

Le groupe des " pauvres malades " est le principalbénéficiaire. Le gain en utilité est double. D’abord,pour ce groupe, l’assurance-maladie est le seul moyend’éviter l’état de maladie et il enregistre à ce titre legain d’utilité " physique " lié au retour à la bonne santé.L’autre source d’utilité est celle liée à la capacité retro-uvée de consommation. Les individus trop pauvrespour acquérir l’assurance-maladie, disposent de l’inté-gralité de leur revenu. Ce dernier est amputé de laprime d’assurance pour les autres.

Les " riches malades " sont également bénéficiaires del’assurance maladie. Au lieu d’acquitter le coût dessoins M, ils ne payent que la prime m : l’utilité durevenu net est donc supérieure avec l’assurance.

Les " pauvres non malades " enregistrent une légèreperte d’utilité du fait de l’assurance. Ils doivent en effetacquitter la prime d’assurance, ou au moins la partied’entre eux qui ont la capacité de le faire, qui diminued’autant leur revenu net. La situation est identique pourles riches non malades.

Globalement, les pauvres sont bénéficiaires : la légèreperte d’utilité des pauvres en bonne santé est en effetlargement compensée par le gain sur les pauvresmalades. Le sens de la redistribution est sans ambiguïtési la désutilité de la maladie et/ou sa fréquence sontimportantes. Pour les riches la situation est plus ambi-guë : ils peuvent également être bénéficiaires si la fré-quence de la pathologie est forte et/ou son coût impor-tant.

Finalement, dans notre modèle, l’assurance-maladie atoutes les chances d’être un jeu à somme positive, avecun gain global d’utilité à l’échelle de la société. C’estce que montre la dernière ligne du tableau en annexe.La perte en utilité due au paiement de la prime surtoute la population solvable est certainement plus que

compensée par la réduction de la désutilité de la mal-adie, qu’il s’agisse des pertes " physiques " des pauvresou des pertes financières des riches. Comme le montrele tableau, l’ampleur du gain d’utilité dépend :

- De la prévalence de la maladie,- De la désutilité du fait d’être malade,- Du coût des soins,- De la proportion de pauvres.

5. Discussion et conclusion

Le modèle, très simple, présenté ci-dessus a l’intérêtd’introduire explicitement la dimension redistributivedans la problématique de l’assurance-maladie. Il sedistingue également par le traitement a-typique desbiens et services médicaux. Ceux-ci ne sont pas desbiens substituables aux autres biens de consommationen fonction des préférences des agents. Leur consom-mation est conditionnée à la survenue d’un événementaléatoire, la maladie, et constitue l’unique possibilitéde sortir de la condition de malade. Le principal effetde la maladie est de plonger les individus dans un étatpénible, caractérisé par une très forte désutilité, ainsique par l’incapacité de tirer la moindre satisfaction dela consommation du bien de consommation compo-site, même si l’on dispose des revenus adéquats .

Dans le modèle, on observe bien une croissance de laconsommation médicale moyenne et totale du fait del’assurance-maladie, mais l’interprétation de ce phéno-mène est très différente de celle de la littérature sur le" hasard moral ". Cette croissance y est en effet impu-table à l’accès aux soins d’individus malades dont lesrevenus bruts ne permettent pas de financer les soinsmédicaux nécessaires.

L’autre enseignement concerne l’effet sur le bien-être.Dans une perspective très " welfariste ", on montre eneffet qu’une assurance-maladie de type publique etobligatoire améliore très significativement le bien-êtrede la collectivité, celui des pauvres bien entendu, maiségalement, celui des individus " riches ".

Cette idée est très généralement admise par l’opinionpublique des pays européens, pour cette raison, et ellefonde largement leur attachement aux systèmes d’assu-rance publique obligatoire mis en place après laseconde guerre mondiale. La théorie économique y acependant relativement peu portée attention, sansdoute en raison du recours aux catégories de la théoriede l’assurance. Celle-ci explique en effet qu’un indi-

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 6JUIN 2002

4 Permettre aux individus d’utiliser une fraction de leur revenu pourune consommation non médicale dans l’état de maladie ne changeraitrien à la logique du modèle et à ses conclusions. Il en va de même pourd’autres hypothèses " non stratégiques " comme la distribution uni-forme des revenus.

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vidu adverse au risque préfère un paiement certain(p.S) au paiement aléatoire de la même somme S avecla probabilité p. Mais précisément, ce n’est pas ce typede choix qui est offert aux individus en matière d’assu-rance-maladie. Pour la plupart d’entre eux, les termesde l’alternative se situent entre payer une petite sommecertaine et ne pas pouvoir payer une grosse dépensealéatoire. Le risque contre lequel on s’assure n’est pascelui de devoir payer une forte somme, c’est celui dene pas pouvoir la payer !

C’est précisément dans cette perspective que nous soussommes situés ici.

Quelques remarques pour terminer :

a) Le modèle est testable. Il " prédit " en effet que l’as-surance-maladie augmente la consommation médicaledes titulaires de bas revenus. On pourrait vérifier empi-riquement, sur données réelles, que la " sur-consom-mation " induite par l’assurance-maladie (le " hasardmoral ") est plus forte pour les bas revenus que pour leshauts revenus. Ce serait un élément de validation denotre approche.

b) Le modèle n’est pas contradictoire avec un effet rési-duel de type " hasard moral ". On peut en effet suppo-ser que les individus assurés consomment en réalité M’au lieu de M (M’>M), la différence M’- M correspon-dant à des soins non strictement nécessaires à la guéri-son. Cette éventualité diminuerait certes légèrement legain de bien-être imputable à l’assurance, mais pas aupoint de remettre en cause la légitimité du schémad’assurance. Le hasard moral est un effet d’ordre 2 parrapport au bénéfice social d’une couverture complète.

c) Enfin, nous avons négligé, dans le calcul du bien-être, l’effet de l’assurance sur les producteurs de soins.Le rapport des masses en causes (des dizaines demillions d’assurés contre quelques centaines demilliers de professionnels) ne peut inverser la conclu-sion. Au demeurant, le bien-être des professionnels estsans doute supérieur sous l’hypothèse d’assurance,dans la mesure où le recours aux soins y est supérieur.

Claude Le PenProfesseur des Universités

Université Paris IX Dauphine

COLLÈGE DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ 7 JUIN 2002

CODECS Euro p e

En ce début juin, nous avons reçu une excellente nouve l l een provenance de la Commission Européenne puisque leprojet EURO NHEED a été retenue pour un financementdans le cadre du 5ème PCRD. Il nous reste maintenant àrépondre aux différentes exigences administra t ives de laCommission (!) et nous espérons débuter le travail dans lesp r o chains mois avec les 6 autres centres européens asso-ciés à ce projet, très important pour le Collège et pourtoute notre communauté.

4ème Colloque Européen d’Économie de la Santé

Du 7 au 10 juillet 2002, le Collège aura le plaisir d’ac-cueillir les économistes de la santé d’Europe et d’ailleursdans le cadre du 4ème Colloque Européen d’Économie dela Santé, à l’Université Paris V. Nous espérons que lesmembres du CES seront nombreux à assister à cette mani-festation qui s’annonce très intéressante de par soncontenu et du nombre attendu de participants. Nous vo u srappelons que les inscriptions seront closes le 3 juillet.

LA VIE DU COLLÈGE

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C O L L È G E D E S É C O N O M I S T E S D E L A S A N T É

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