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LE MIRACLE DE GUERRE OCCIDENTALE IV

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LE MIRACLE DE GUERRE DANS LA CHRETIENTE

OCCIDENTALE IVe-XXIe SIECLE

PRESENTATION Depuis les années 1980, et spécialement les travaux de Franco Cardini, le concept de « culture de guerre » s’est largement diffusé dans l’historiographie. Il tend à expliquer et à analyser la manière dont les contemporains ont perçu et vécu un conflit ce qui détermine leurs comportements, leurs peurs, leurs espoirs, leurs pratiques… L’idée est abondamment utilisée dans des ouvrages propres, comme ceux de George Mosse (Fallen Soldiers. Reshaping the Memory of the World War), des colloques, comme celui dirigé par John Horne (Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915), des travaux d’équipes tels ceux pilotés par Stéphane Audoin-Rouzeau ou Annette Becker. Si longtemps, le religieux est passé souvent au second plan, il est désormais un des domaines les plus prometteurs de la recherche. C’est dans ce contexte que nous souhaitons inscrire ce colloque. L’objectif consistera à examiner les interventions du surnaturel dans le cadre de conflits. C’est-à-dire la confrontation des hommes en tension, en opposition dans un contexte terrestre et matériel, à des forces qui les dépassent. Celles-ci sont susceptibles d’influencer, de modifier le cours des choses en faveur d’une des parties. Au-delà du cadre strict de la guerre, la destinée des vaincus, des prisonniers peut être envisagée sous cet angle également. Ce cadre conflictuel doit être considéré au sens large. On pense bien entendu en premier lieu au fait d’armes, à l’affrontement militaire au cours d’un conflit, d’une bataille. Et les échelles sont en la matière des plus variables (de la guerre privée à la guerre publique dans toutes ses extensions). Le miracle peut se produire également dans le cadre d’une opposition confessionnelle ; la « divinité » soutient ici ses partisans – séparant d’initiative le bon grain de l’ivraie. La lutte catholicisme/ protestantisme ou christianisme/Islam en sont des illustrations. Le miracle est destiné à des individus qui, dans un monde bouleversé où ils ont perdu leurs repères traditionnels, se sentent « dans la main de Dieu » comme l’affirment bien des protagonistes de la guerre de Trente Ans. Il est aussi collectif lorsqu’une statue « sauve » une cité de l’invasion, que le Ciel épargne une localité face à la cruauté d’un envahisseur… Il est porté par une dévotion ancienne quand on voit nombre d’images mariales urbaines arrêter les tirs d’un ennemi. Mais le conflit est également créateur de piété avec, par exemple, l’apparition de Notre-Dame des tranchées protectrice miraculeuse des soldats français et belges dès 1914.

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Se pose alors la question du déroulement. Pourquoi, d’abord, le fait se produit-il ? Résulte-t-il d’une requête, d’une sollicitation du futur bénéficiaire et sous quelle forme (prière, vœu, mise en avant de reliques…) ? Ou l’initiative appartient-elle au dispensateur (apparitions). Ensuite en quoi consiste l’action miraculeuse ? S’agit-il d’une modification du cours des choses, par un acte concret, éventuellement même violent, ou d’une pression exercée par une apparition « opportune » ? Quelle est la nature de cette apparition ? Est-elle publique (elle s’adresse à tous) ou privée (elle s’adresse au chef) ? S’adresse-t-elle davantage au camp favorisé (par la galvanisation qu’elle lui apporte) qu’au camp adverse (par la terreur qu’elle lui inspire). Mais il peut s’agir aussi d’un message, d’un avertissement lié à un conflit à venir. Quoi qu’il en soit, rien n’est possible sans acteurs. Bénéficiaires d’une part, distillateurs d’autre part. Les premiers — les hommes, qu’ils soient incarnés dans une institution, une Eglise, un camp ou non — reçoivent la faveur, le message. On entre ici dans une perspective anthropologique. Et la perception de l’éventuel perdant ou vaincu n’a rien de négligeable. De l’autre côté qui agit : une force imprécise, Dieu, la Vierge, un saint ? Et dans ce dernier cas, peut-on identifier des intercesseurs plus prompts à intervenir sur le champ de bataille (protecteur de certaines armées ou nations) ? En d’autres termes, certains saints (on pense à saint Georges) sont-ils spécifiques à ce genre de miracles ? On ne saurait aborder ces questions sans poser celle de la destinée du prodige. Qu’en est-il de la « tradition » de ces miracles ? Existe-t-il une mise par écrit (plus ou moins rapide ou réfléchie, officielle ou davantage littéraire) par des instances ecclésiastiques. Ou celles-ci affichent-elles une certaine prudence, voire de la réticence ? Dans une autre optique, on peut se trouver en présence d’un processus de transmission maîtrisé par des laïcs, voire porté par la tradition dans l’oralité. Dans cette ligne, surgit aussi la question des contextes et des climats de pensée : visions catholique ou protestante se rencontrent-elles ou au contraire s’affrontent-elles ? Et au sein de chacune voit-on s’afficher des conceptions monolithiques ? Comment la perception de ces miracles va-t-elle évoluer face à la montée de l’esprit philosophique et de la rationalité ? En lien avec ces questions, on peut s’interroger sur les témoignages liés à l’action mémorielle. Constate-t-on des actes particuliers de remerciement ou de soumission ? Ou une utilisation dans une optique de propagande : objets (ex-voto), constructions (basiliques de remerciement à Paris ou Lyon), iconographie, commémorations ?

Ce colloque est une co- organisation Université Lyon 2 / Université Lyon 3 / ISERL Université Saint-Louis – Bruxelles / CRHIDI

Société des Bollandistes (Bruxelles)

Comité scientifique Philippe Desmette (Université Saint-Louis – Bruxelles), Robert Godding (Société des Bollandistes), Philippe Martin (Université Lyon 2), Silvia Mostaccio (Université catholique de Louvain), Christian Sorrel (Université Lyon 2) Catherine Vincent (Université Paris Ouest Nanterre La Défense).

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JEUDI 28 SEPTEMBRE 9H.-12H.

OUVERTURE Philippe Demestte et Philippe Martin

LES GUERRES MEDIEVALES

GUERRE ET RELIQUES Anne Wagner, Université de Franche-Comté « ADEST NOSTER EXERCITUS PREVIIS APOSTOLIS CUM MAURICIO » DES SAINTS SUR LE CHAMP DE BATAILLE (XIe-XIIe SIECLES) Esther Dehoux, Université de Lille / CNRS, UMR 8529 - IRHiS

UNE SAINTE CONTRE LES ANGLAIS ? LES MIRACLES DE GUERRE DE SAINTE CATHERINE DE FIERBOIS DURANT LA SECONDE PARTIE DE LA GUERRE DE CENT ANS (1415-1453) David Fiasson, Université Lille 3

LES GUERRES DE RELIGION LES IMAGES SAINTES ACTRICES DE LA GUERRE DANS LES RECITS MIRACULEUX DES TROUBLES DE RELIGION DU XVIe SIECLE Gautier Mingous, Université Lyon 2 MIRACLE MILITAIRE ET MEMOIRE CONFESSIONNELLE. LA DELIVRANCE (17 MAI 1562) ET L’ESCALADE (12 DECEMBRE 1602) DANS L’HISTORIOGRAPHIE TOULOUSAINE ET GENEVOISE Éric Suire, Université Bordeaux Montaigne / CEMMC

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JEUDI 28 SEPTEMBRE

14H.30-18H.

LES GUERRES DE RELIGION (SUITE) NUESTRA SEÑORA DE LA FRONTERA : LA VIERGE ET LES FRONTIERES CONTESTEES DU MONDE HISPANIQUE AUX PAYS-BAS ET AUX PHILIPPINES, 1565–1648 Luc Duerloo, Universiteit Antwerpen DES MIRACLES EN TERRE DE FLANDRES. GUERRE ET RECITS D'ETRANGERS (BENTIVOGLIO, STRADA, DE MENDOZA) Silvia Mostaccio, Université catholique de Louvain, Faculté de Philosophie, Arts et Lettres

LA GUERRE MODERNE PROTECTION MARIALE, MIRACLES ET GUERRE CONTRE LES MAHOMETANS EN MEDITERRANEE DURANT LE XVIIe S. NAPOLITAIN. Isabelle Blaha, Université Lumière -Lyon 2 / Università Federico II - Napoli

LA DEVOTION DES VICE - ROIS ESPAGNOLS : LE RECOURS AUX SAINTS PATRONS NAPOLITAINS LORS DES EVENEMENTS BELLIQUEUX A L'EPOQUE MODERNE. Giovanni Muto, Università Federico II – Napoli LA VIERGE DU PILAR AU COMBAT. PROTECTION MIRACULEUSE ET SOULAGEMENT LORS DES SIEGES DE SARAGOSSE (1808-1809) Francisco Javier, Ramón Solans WWU Münster

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VENDREDI 29 SEPTEMBRE 9H.-12H.30

LA GUERRE MODERNE (SUITE)

PRISONNIERS DE GUERRE ET SAINTS LIBERATEURS (FRANCE, LORRAINE, ANCIENS PAYS-BAS) Bruno Maes, Université de Lorraine (site de Nancy)

LA GUERRE AU XXe SIECLE LES MIRACLES FRANÇAIS DE LA GRANDE GUERRE : ESSAI D’HISTORISATION François Cochet, Université de Lorraine-Metz / Conseil Scientifique National de la Mission du centenaire. « LA PETITE THERESE » : UN RECOURS DANS LA GRANDE GUERRE Bruno Bethouart, Université du Littoral Côte d’Opale BELCHITE : UNE VIERGE, UN SAINT. APPARITIONS MIRACULEUSES DANS UN VILLAGE EN RUINES DE LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE Stéphane Michonneau, Université Lille 3

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RESUMES DES INTERVENTIONS

GUERRE ET RELIQUES Anne Wagner

Université de Franche-Comté Les miracles militaires accordés par Dieu du fait de l’intercession des saints par l’intermédiaire de leurs reliques ne sont pas très nombreux au moyen âge. Cependant les reliques interviennent militairement au profit du roi mérovingien et restent valorisées pour cela à l’époque carolingienne. Mais les invasions Vikings remettent en cause l'alliance de Dieu et du souverain. Néanmoins l'hagiographie présente toujours les reliques comme victorieuses car les saints sont auprès de Dieu et ne peuvent être que victorieux de tout profanateur. Les invasions normandes mettent à mal les monastères mais aussi la place du roi vaincu et affaibli. Au XIIe siècle, il faut alors repenser le lien entre le roi capétien et un saint privilégié : Denis.

« ADEST NOSTER EXERCITUS PREVIIS APOSTOLIS CUM MAURICIO » DES SAINTS SUR LE CHAMP DE BATAILLE (XIe-XIIe SIECLES)

Esther Dehoux Université de Lille / CNRS, UMR 8529 - IRHiS

Que des saints apparaissent sur les champs de bataille n’est pas un fait exceptionnel. Ce qui l’est peut-être plus ici, c’est le lieu et, surtout, les adversaires de l’armée qu’accompagnent les apôtres et saint Maurice. L’affrontement a lieu, en effet, à Rome, le 14 avril 1062. Il oppose les partisans de Pierre Cadalus, anti-pape connu sous le nom d’Honorius II, aux troupes favorables au pape Alexandre II. Le combat est bref. Le camp impérial l’emporte. En 1085-1086, alors que les tensions sont fortes entre l’empereur Henri IV et le pape Grégoire VII, Benzo d’Albe explique l’aisance de la victoire : les apôtres – dont Pierre – et Maurice, le saint d’Agaune, étaient présents, soutenant la cause impériale. D’autres auteurs, tout aussi favorables à Henri IV, rappellent que Maurice est le saint de l’Empire. Ils insistent sur la fidélité totale du Thébain, qui a préféré mourir plutôt que d’user de ses armes contre son prince, pour en faire le modèle du guerrier soucieux de respecter la parole donnée et jurée. À l’heure où certains, après avoir prêté serment, abandonnent l’empereur et se rallient au pape, leur propos, relayé par l’iconographie, se fait volontiers avertissement. Le cadavre de Rodolphe de Rheinfelden retrouvé amputé de sa main droite au soir de la bataille d’Höhenmolsen (16 octobre 1080) prouverait bien – le fait est certain à leurs yeux – que Dieu ne laisse pas le parjure impuni.

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UNE SAINTE CONTRE LES ANGLAIS ? LES MIRACLES DE GUERRE DE SAINTE CATHERINE DE FIERBOIS DURANT LA SECONDE PARTIE DE LA GUERRE DE CENT ANS (1415-1453)

David Fiasson Université Lille 3

Le Livre des miracles de Sainte-Catherine de Fierbois (1375-1470) contient une quarantaine de miracles ayant trait directement à la guerre de Cent Ans. On peut classer ces miracles de guerre en trois catégories : guérisons de blessés de guerre, évasions de prisonniers de guerre, et enfin, survies à une bataille, un massacre ou une exécution. Les conditions très strictes de la collation de ces miracles, fondés sur le témoignage de pèlerins venus ex voto, certifiés par des témoins et des notaires, en font une source exceptionnelle pour connaître la place de la dévotion à sainte Catherine dans la vie spirituelle des capitaines et des soldats du parti armagnac. La communication questionnera le rôle de sainte Catherine comme patronne et soutien du camp français, à travers le rayonnement géographique de ses miracles, mais elle s'attachera surtout à souligner la dimension souvent modeste de miracles faisant peu de place au merveilleux, n'impliquant jamais une armée ou une troupe nombreuse, mais se déroulant au plus proche de l'expérience combattante.

MIRACLE MILITAIRE ET MEMOIRE CONFESSIONNELLE. LA DELIVRANCE (17 MAI 1562) ET L’ESCALADE (12 DECEMBRE 1602) DANS

L’HISTORIOGRAPHIE TOULOUSAINE ET GENEVOISE Éric Suire

Université Bordeaux Montaigne / CEMMC

La « Délivrance » toulousaine de 1562 et « l’Escalade » genevoise de 1602 sont deux épisodes militaires qui scellèrent le destin confessionnel de ces deux cités. Pourtant, la mémoire construite autour des deux événements n’eut pas la même postérité. À Toulouse, la Délivrance sortit, sous la Révolution française, du calendrier festif de la ville, et l’épisode fut refoulé de son histoire. À Genève au contraire, l’Escalade s’imposa comme un moment de réjouissance civique majeur, suscitant des manifestations culturelles, et aujourd’hui sportives. L’objectif de cette communication sera de confronter la vision catholique et la vision protestante du « miracle militaire », à travers la comparaison du traitement que leur ont réservé les historiographies toulousaine et genevoise. Très abondante, l’historiographie entourant les deux épisodes resta longtemps caractérisée par ses partis-pris confessionnels, les interprétations protestantes s’opposant aux positions catholiques. Pourtant, la défaite de l’ennemi suscita des épilogues assez proches dans les deux villes. On relève, dans les deux cas, la volonté de punir l’assaillant, d’inscrire la mémoire des faits dans le paysage urbain, et d’instaurer une fête commémorative, mais selon une chronologie et des modalités spécifiques. De plus, les relations des événements toulousains et genevois, plus ou moins contemporaines des faits, diffèrent surtout selon qu’elles émanent des vainqueurs ou des vaincus. Sinon, les unes et les autres présentent des éléments en commun, ces récits ayant été élaborés selon les schémas narratifs du tacitisme qui inspirait les historiographes européens. Que ce soit à Toulouse ou à Genève, l’origine divine de la protection apportée à la ville n’a soulevé aucun doute dans l’esprit des vainqueurs. Il s’agira donc de répondre à une interrogation du colloque, portant sur les

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contextes et les climats de pensée : sur la représentation du miracle, les conceptions catholique ou protestante se sont-elles rencontrées ou affrontées ?

LES IMAGES SAINTES ACTRICES DE LA GUERRE DANS LES RECITS MIRACULEUX DES TROUBLES DE RELIGION DU XVIe SIECLE

Gautier Mingous Université Lyon 2

Les miracles des images saintes a été au cœur des affrontements entre les catholiques et les protestants du XVIe siècle, allant du simple débat théologique au déchaînement des violences iconoclastes du début des années 1560. Pourtant, parmi les nombreux miracles qui ont émaillé les guerres de Religion, peu sont intervenus en contexte strictement guerrier. Les quelques récits qui traitent du rôle miraculeux des images en temps d’affrontements militaires doivent ainsi permettre de comprendre la spécificité de ces interventions, à une époque où la guerre imprègne l’ensemble de la société et où les fidèles catholiques recherchent des signes du soutien divin. Si l’aide de ces images s’opère selon des temporalités et des modes d’actions différents, allant de la défense d’une agression iconoclaste à la protection d’une cité assiégée par l’ennemi hérétique, le miracle guerrier mobilise certaines particularités rendues exceptionnelles par leur contexte, mais dont la rareté pose également question. En outre, le succès de tels récits, leur diffusion auprès de la communauté catholique, voire leur réécriture plus tardive, interroge la volonté de « réenchanter » une guerre aux miracles trop peu nombreux, et un contexte militaire incertain. Ces récits d’interventions surnaturelles d’images catholiques face à l’iconoclasme huguenot peuvent ainsi permettre d’appréhender la place des miracles de guerre, les comportements qu’ils induisent et leur destinée dans une société déchirée par les conflits confessionnels.

NUESTRA SEÑORA DE LA FRONTERA : LA VIERGE ET LES FRONTIERES CONTESTEES DU MONDE HISPANIQUE AUX PAYS-BAS ET AUX PHILIPPINES, 1565–1648

Luc Duerloo Universiteit Antwerpen

Pendant que l’Ejercito de Flandes cherchait à mettre fin à l’insurrection aux Pays-Bas, d’autres milices espagnoles rattachaient les Philippines à la monarchie d’Espagne. D’après les contemporains, la reconquête dans le nord et la conquête en orient jouaient sur les mêmes plans. D’une part ils étaient des conflits politiques dans lesquels la monarchie cherchait à retenir ou à élargir ses territoires. D’autre part ces luttes se présentaient sous un aspect fortement religieux, puisque les ennemies étaient des protestants, musulmans ou animistes. Ainsi il est peu surprenant que les deux conflits aient été accompagnés d’interventions célestes dans lesquelles la Vierge jouait un rôle prépondérant. La comparaison d’exemples tirés de ces deux régions de la monarchie peut jeter une nouvelle lumière sur la spiritualité des armées espagnoles de cette époque.

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DES MIRACLES EN TERRE DE FLANDRES. GUERRE ET RECITS D'ETRANGERS (BENTIVOGLIO,

STRADA, DE MENDOZA) Silvia Mostaccio

Université catholique de Louvain, Faculté de Philosophie, Arts et Lettres Cette intervention portera sur les différentes typologies de miracles et sur leur raison d'être sociale, religieuse et confessionnelle, racontés dans trois récits de la guerre des Flandres, rédigés par des auteurs assez différents entre eux, mais partageant le fait de ne pas être des Flamands : le nonce Guido Bentivoglio, le jésuite Famiano Strada et le militaire et diplomate espagnol Bernardino de Mendoza.

PRISONNIERS DE GUERRE ET SAINTS LIBERATEURS (FRANCE, LORRAINE, ANCIENS PAYS-BAS)

Bruno Maes Université de Lorraine (site de Nancy)

L’objectif consistera à examiner les interventions du surnaturel dans le cadre de conflits à des forces qui les dépassent. Celles-ci sont susceptibles d’influencer, de modifier le cours des choses en faveur d’une des parties. Au-delà du cadre strict de la guerre, la destinée des vaincus, des prisonniers peut être envisagée sous cet angle. Une question d’importance est de comprendre ce qui explique la renommée de tel ou de tel grand sanctuaire, dans sa fonction de libérateur des prisonniers. Nous nous proposons d’y répondre en trois temps, en voyant qui libère, puis les médiateurs de cette dévotion, enfin l’espace de la libération. Nous constatons qu’entre le XIIIe siècle et l’époque moderne, la localisation des sanctuaires a changé. Cette évolution s’explique par le contexte politique, et par l’unification du pays autour du prince. Pour le duché de Lorraine, saint Nicolas voit son culte se développer après la bataille de Nancy de 1477 : René II et ses successeurs font le pèlerinage à Port en ex-voto, et les grands et le peuple les imite. Pour les sanctuaires des anciens Pays-Bas, la Vierge devient « la protectrice des Païs-Bas ». Pour Liesse, le même phénomène se réalise, mais à l’échelle du royaume de France, car le sanctuaire cumule les qualités de chapelle miraculeuse, de proximité de la ville des sacres et de Paris, de frontière de catholicité face aux communautés protestantes de Thiérache et de frontière politique face à l’Empire, où le roi est souvent présent. Les sanctuaires périphériques, comme saint Léonard de Noblat, ne font plus recette.

PROTECTION MARIALE, MIRACLES ET GUERRE CONTRE LES MAHOMETANS EN MEDITERRANEE DURANT LE XVIIe S. NAPOLITAIN

Isabelle Blaha Université Lumière -Lyon 2 / Università Federico II - Napoli

En cette première moitié du XVIIe siècle, Naples se distingue par la ferveur de ses fidèles envers la Vierge Marie ! La cité mariale, avec une population parmi les plus élevées

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d’Europe après Londres et Paris entre les XVIe et XVIIe siècles, devance Rome en nombre de laïcs et religieux. Carrefour maritime, elle est une destination incontournable des fidèles en transit vers les lieux de pèlerinage et sanctuaires majeurs ou intermédiaires du Royaume de Naples, éloignés ou proches de la capitale, ou bien vers les pôles incontournables du catholicisme de la péninsule (Rome, Lorette) et du monde méditerranéen (villes de Terre Sainte, St Jacques de Compostelle). Bastion espagnol dirigé par des vice-rois, la « ville – capitale » appartenant « au réseau territorial du vaste empire espagnol » ne peut échapper depuis le XVIe siècle aux campagnes belliqueuses menées par les souverains depuis Madrid. Les représentants des monarques « Très Catholiques » sont chargés de la défendre sur son sol contre les attaques des Turcs, puis de veiller encore aux menaces des pirates barbaresques ; c’est un lieu stratégique pour le Royaume d’Espagne, qui explique ses incontournables forteresses avec une importante garnison. Ses régiments de mercenaires et ses soldats espagnols répondent aux besoins de protection temporelle, donc militaire des vice-rois, de la cité et de sa population, comme exigé par la capitale madrilène, sans manquer de s’en remettre à la protection mariale, surtout depuis le miracle de Lépante. Les flottes espagnoles, impliquées dans la Course, peuvent assurer le cas échéant la protection des pèlerins en chemin pour la Terre Sainte, ou de marchands napolitains , mais quand leurs routes se séparent, il ne reste aux voyageurs que l’espoir d’une protection spirituelle : l’invocation extériorisée de la Madone et le recours collectif à l’oraison ou aux objets pieux, notamment aux représentations des images sacrées mariales, présentes dans divers églises et sanctuaires napolitains intra et extra muros, constituent quelques instruments pour solliciter sa médiation. Il peut arriver que la Madone diffère son action… laissant ses fidèles provisoirement aux mains des Turcs « Mahométans » et à leurs pirates. Des sources multiples, écrites ou iconographiques, attestent en un discours idéalisé du processus en acte allant de la pieuse attitude des fidèles, laïcs napolitains ou étrangers, aux manifestations des prodiges mariaux qui leur sont accordés, en les protégeant ou en les libérant. Les récits de protection et d’apparitions dans cette Méditerranée, champ de bataille, ne manquent pas dans quelques manuscrits napolitains notamment spécifiquement dédiés à la Vierge. La question des prophéties peut être évoquée. Avant de prendre la mer et après le déroulement de la plus simple expédition maritime, les fidèles déposent des quantités d’ex voto à la Madone qui témoignent de leur conscience individuelle de ses pouvoirs thaumaturgiques, comme du climat hostile sévissant dans l’étendue maritime. Au regard de ces sources, la grâce divine semble particulièrement toucher ce peuple qui est si « admirablement » dévot à la Mère du Christ. La Vierge le protège bien au-delà des limites de la cité, de ses lieux pieux et sanctuaires, alors que l’imminence de l’adversité se manifeste par le bras des « Infidèles », symbolisant mort ou esclavage. Il conviendra toutefois en ouverture de relativiser ces récits miraculeux par l’approche d’autres sources émanant de structures pieuses napolitaines soucieuses du rachat d’un grand nombre de chrétiens captifs des « Mahométans » au nord de l’Afrique.

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LA DEVOTION DES VICE - ROIS ESPAGNOLS : LE RECOURS AUX SAINTS PATRONS NAPOLITAINS LORS DES EVENEMENTS BELLIQUEUX A L'EPOQUE MODERNE

Giovanni Muto Università Federico II – Napoli

Le rapport complexe entre la capitale du Royaume napolitain et ses saints patrons a été objet de recherches qui ont révélé aussi bien toute l’ampleur de l’implication des acteurs sociaux spécifiques (Eglise, ordres religieux, noblesse, peuple, citoyens) que les caractères qui soulignent leur convergence : les manifestations, les langages, les représentations en conservent et en transmettent la mémoire, et, ont donné lieu à la fondation d’une tradition. Moins clair est le rôle joué par la couronne espagnole à travers ses vice – rois, en particulier en ce qui concerne les attentes de la cour de Madrid qui leur sont formulées, ou les marges d’autonomie qui leur sont accordées lorsqu’il s’agit du choix de participer aux pratiques dévotionnelles et aux rites collectifs, se déroulant dans le ville de Naples. Dans ce contexte, il peut donc être intéressant de vérifier les comportements adoptés par les vice – rois lors des événements belliqueux, auxquels le Royaume napolitain prenait part, par l’envoi d’hommes, de ressources matérielles et de flux monétaires. La participation de Naples aux guerres a été plus évidente au cours du XVIIe siècle, particulièrement lors de la Guerre de Trente Ans et bien après, provoquant un effondrement des finances publiques dans le royaume. Devant les résistances qu’ont opposées des franges sociales toujours plus amples aux coûts sociaux d’une telle politique, les vice – rois ont eu recours très souvent à l’intervention des saints patrons de la capitale et aux manifestations de leurs pouvoirs thaumaturgiques. Mon intervention au colloque tend à explorer les formes et modalités de cette politique vice royale au cours du XVIIe siècle, en mettant en évidence comment la production d’ « événements miraculeux » a été stimulée, renforçant la politique des souverains lors de ces conjonctures guerrières, et légitimant par la même l’action de leur gouvernement. Il pourra être, en outre intéressant d’apprécier – y compris d’un point de vue quantitatif - la proportion entre de tels faits miraculeux et les autres événements qui se déroulaient en dehors ces phases belliqueuses.

LA VIERGE DU PILAR AU COMBAT. PROTECTION MIRACULEUSE ET SOULAGEMENT LORS DES SIEGES DE SARAGOSSE (1808-1809)

Francisco Javier Ramón Solans WWU Münster

La Vierge du Pilar a joué un rôle très important lors des deux sièges subit par la ville de Saragosse (1808-1809) dans la Guerra de l’Indépendance. Face au désarroi et la peur provoqués par l’invasion française, les miracles attribués à la Vierge ont contribué à soulager la population et à sacraliser la guerre contre Napoléon. Pour les habitants de la Ville, c’est la Vierge qui dévie les bombes de sa cathédrale et c’est grâce a son intercession qu’on a réussi à lever le premier siège français. Le choix de son culte et de sa basilique comme lieu de secours fait partie du processus de traditionalisation de la Vierge du Pilar qui montre une capacité réputée d’intercession avec les nombreux miracles qui lui sont attribués. De plus, les autorités militaires et religieuses jouent de son image pour légitimer son pouvoir, en le

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rapportant à la volonté divine. Dans leurs proclamations et sermons, la Vierge du Pilar apparaît comme la responsable de leurs victoires et surtout, comme un élément mobilisateur de la population dans son combat à côté des idées de la patrie, la religion et le roi.

LES MIRACLES FRANÇAIS DE LA GRANDE GUERRE : ESSAI D’HISTORISATION François Cochet

Université de Lorraine-Metz / Conseil Scientifique National de la Mission du centenaire. La bataille de la Marne est gagnée par l’intervention de la Vierge Marie qui ne supporterait pas une défaite française. Le général Castelnau aurait réussi à convaincre Joffre de dédier son épée au Sacré-Cœur, comme un combattant vendéen de 1794. Ces miracles sont à replacer dans une série de légendes, au sens plus large, qui comportent aussi des contre-légendes. Ainsi, la guerre aurait été voulue par les nobles et les curés, selon certaines convictions de gauche. Au delà de la circulation des rumeurs de miracle, c’est bien sur le champ de rivalités culturelles qu’il convient de les placer et de les analyser. La France de 1914-1918 est encore profondément marquée par des divisions politico-religieuses récentes. La loi de séparation des Eglises et de l’Etat laisse des cicatrices ouvertes en 1914 qui ne disparaissent pas tout au long de la guerre, mais qui continuent d’avancer masquées. Le climat médiatique largement entretenu par les pouvoirs publics d’une unanimité patriotique de façade oblige les cléricaux comme les anti-cléricaux à se modeler à un discours public « d’hyper-patriotisme » et à entretenir une « course au patriotisme » qui explique largement les miracles. C’est cette démarche que la communication tente de mettre en œuvre.

« LA PETITE THERESE » : UN RECOURS DANS LA GRANDE GUERRE Bruno Bethouart

Université du Littoral Côte d’Opale « En ces temps d’incertitude, où le quotidien est transformé par l’absence des êtres chers...on a besoin de ces franges spirituelles où des manifestations sacrales (culte des saints et des reliques, pèlerinages...) apportent des réponses immédiates » rappelle Annette Becker dans La Guerre et la Foi. De la mort de Thérèse de Lisieux au début de la Première Guerre mondiale, il s’est écoulé dix-sept ans. C’est durant ce court laps de temps que la carmélite est passée du Carmel aux tranchées. Après avoir dressé un constat à partir des témoignages d’individualités comme le père Daniel Brottier, le Père Marie-Eugène, mais aussi sur la base des sources fournies par les courriers envoyés durant le conflit par des soldats « ordinaires », nous établirons ce qui « du côté de Thérèse » peut expliquer cette adéquation de sa spiritualité à la situation de guerre, elle qui écrivait en évoquant sa patrie du ciel : « Je voudrais mourir sur un champ de bataille pour la défense de l’Église » ; « Je me sens le courage d’un croisé ». En retour, l’impact de la diffusion sur le front de la Vie abrégée de St Thérèse de l’Enfant Jésus dans une édition de 1914 en un demi-million d’exemplaires permettra de mesurer les effets « miraculeux », et

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spirituels de cet attachement, de cette reconnaissance « du côté des poilus » à la petite Thérèse.

BELCHITE : UNE VIERGE, UN SAINT. APPARITIONS MIRACULEUSES DANS UN VILLAGE EN RUINES DE LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE

Stéphane Michonneau Université Lille 3

Au cours de la bataille de Belchite, en août-septembre 1937, le village du même nom fut totalement détruit par l’artillerie républicaine. Reconquis par les franquistes au printemps 1938, le village devint le symbole affiché par la dictature des conséquences de la « barbarie marxiste » : c’est pourquoi Franco décida de maintenir le village en ruine et en fit reconstruire un nouveau en contrebas. L’épisode s’accompagne d’un retour « miraculeux » de la Vierge du village, la Vierge du Pueyo, qu’il faut inscrire dans ce que des historiens ont appelé « la guerre des Vierges ». Mais cette figure mariale est intimement liée à l’intervention d’un nouveau saint tutélaire : Franco en personne.