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Le miroir : entre imaginaire, sciences et spiritualitéwebtek-01.iut2.upmf-grenoble.fr/UserFiles/progprv-miroir.pdf · 2012-03-08 · de l’IUT2 de Grenoble. Les romans alchimistes

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Le miroir : entre imaginaire, sciences et spiritualitéLundi 12 et mardi 13 mars 2012

Salle Panel (3e étage), IUT 2, place Doyen Gosse, 38000 - Grenoble

Ce colloque, organisé par le CRI, propose une étude pluridisciplinaire sur l’imaginaire du miroir. Notre objectif scientifique consiste à explorer le lien triangulaire qui unit connaissance, imaginaire et miroir (objet ou symbole).

Nombreux sont les vocables qui relient miroir et stratégie cérébrale ou mentale, faisant du miroir une interface de la connaissance : spéculation, considération, réflexion, miroir, mirage, illusion. On y rencontre les notions voisines de « reflet », « réflexion », « réverbération », « réfraction », « écho », « mimésis », « irradiation », « traduction ». Par ailleurs, « réfléchir », c’est autant renvoyer une lumière, une chaleur qu’un son.

1 - L’étude du miroir (avec ses figures mythiques) devrait permette une nouvelle compré-hension du fait littéraire et artistique. Figures littéraires ou picturales par excellence, les miroirs sont autant de « mises en abyme » et de dédoublements suggestifs de la réalité créatrice. Conscience de l’altérité, problématique du double, ancrage fantastique du miroir, vertige d’une épiphanie du corps, telles sont les variations littéraires et esthétiques d’une poétique du miroir.

2 - Si le miroir demeure l’instrument de Psyché dans la psychanalyse, qui a mis l’accent sur le côté ténébreux de l’âme, il joue aussi un rôle symbolique dans l’espace social. Il est en effet l’image que les sociétés se donnent à elles-mêmes, à travers l’ensemble des médiations qu’elles utilisent pour se connaître, en pratiquant ce que l’on pourrait nommer une « écriture en miroir ».

3 - En tant que surface réfléchissante, le miroir est aussi un support symbolique dans l’ordre de la connaissance et de la cognition. Le miroir et le cerveau sont comme des « matrices de l’esprit ». On connaît le cerveau à travers ses reflets, « en miroir » ou ses « neurones-miroir », vecteurs de l’empathie. Le fonctionnement du cerveau est un des lieux possibles de la compréhension de l’humain, à travers par exemple la procédure cognitive de l’analogie – voie royale de la compréhen-sion des opérations mentales relatives à la fonction imaginante.

4 - Au sein de l’espace interactif des sciences humaines, tout paraît pouvoir être (inter)médiation ; la question du miroir, qui fait intervenir la médiation du miroir entre deux instances, interroge l’antithèse de cette approche : le réel, dans certaines conditions, ne peut-il s’avérer être présence, immédiation, transparence ? En effet, lorsqu’on accède à la dimension théologique et philosophique du sujet, le Miroir de la Connaissance semble être la réverbération (« l’image » présen-tielle) de l’Intelligence créatrice. Le miroir, instrument de l’illumination, est un thème privilégié de la philosophie et de la mystique musulmanes, inspirées du néoplatonisme, mais aussi du Bouddhisme.

Telles seront les quatre voies qu’explorera le colloque : l’imaginaire du miroir comme médiation dans les lettres et les sciences humaines, comme espace de la connaissance de soi et de l’autre, comme non-lieu de la quête spirituelle ou comme symbole de la connaissance scientifique.

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8h30 Accueil

9h Ouverture du colloque : Lionel Filippi, Directeur de l’IUT2 Présentation du colloque : C. Fintz et V. Costa

IMAGINAIRE ET SYMBOLIQUE DU MIROIR Modérateur : B. Emery

P. Walter, professeur, littérature médiévale, Grenoble 3 : « Découverte de l’imaginaire » M. Dijoux, doctorant, littérature médiévale, Grenoble 2 : « Le basilic, miroir inverse de la Méduse » V. Adam, maître de conférences, littérature du XVIIe, Toulouse 2 : « Le miroir alchimiste, arme de guerre et de polémique »

PAUSE J.-P. Giraud, professeur, langue et littérature japonaises, Lyon 3 : « Mythes et rites liés au miroir dans le shintoïsme » Y. Neyrat, maître de conférences, Sociologie, Grenoble 2 : « Au-delà du miroir, au delà du visible » B. Emery, professeur, littérature lusophone, Grenoble 3 : « Le miroir des eaux et des rêves » Témoignage : P. Walter

12h30 BUFFET à l’IUT (salle 115)

14h30 LE MIROIR, MÉTAPHORE DE LA QUÊTE SPIRITUELLE Modérateur : A. Caiozzo

P. Faure, maître de conférences, histoire du moyen-âge, Orléans : « Miroir des anges, miroir des âmes : l’espace de la connaissance divine dans la spiritualité médiévale » C. Fintz, professeur, langue et littérature françaises contemporaines, Grenoble 2 : « La connaissance poétique au miroir, chez S. Stétié » O. Benaïssa, docteur en études iraniennes de l’université Paris 3 : « Le miroir dans le soufisme systématique (Ibn Arabi et son école) »

PAUSE N. Shahbazi, chercheuse spécialisée dans l’œuvre de Rumi : « Le miroir ne se penche pas » A. Caiozzo, maître de conférences, Paris 7 : « Le bassin, miroir au prince, miroir de l’âme, dans la miniature orientale » Témoignage : P. Faure

18h LE MIROIR : TRANSPOSITION ESTHÉTIQUE

A. Barthelemy : présentation de contes A.-R. Lesage, « La statue merveilleuse », extraits mis en espace par les étudiants de l’IUT2 et V. Costa Viole de gambe : Agustina Merono

19h30 Buffet chaud à l’IUT

Lundi 12 mars 2012 - IUT2 Grenoble - salle Panel

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9h LE MIROIR DE L’IMAGINAIRE : CONNAISSANCE DE SOI ET DE L’AUTRE Modérateur : Mercedes Montoro

J.-J. Wunenburger, professeur, philosophie, Lyon 2 : « Le moi et son double » V. Costa, maître de conférences, littérature du XVIIIe, Grenoble 2 : « Le miroir de vérité dans les contes » du XVIIIe » N. Arregui Barragan, professeur, Grenade, traduction littéraire : « La traduction des espaces vides ou du reflet de l’imaginaire de l’autre »

PAUSE J.-M. Barthélémy, professeur, psychologie clinique, université de Savoie : « Le reflet dans le miroir : entre moi et l’autre » J. Marigny, professeur, Grenoble 3 : « Le fantastique et le miroir » Mercedes Montoro, professeur, littérature française, grenade : « Miroir, connaissance, imaginaire : réflexions, reflets ou échos d’un Narcisse au féminin » Témoignage : J-J. Wunenburger

12h00 BUFFET à l’IUT (salle 115)

14h LE MIROIR DU CORPS RÉVERBÉRÉ DANS LE MIROIR DES SCIENCES Modérateur : M-A. Cathiard

P. Pajon, maître de conférences, sciences de l’infomation et de la communication, Grenoble 3 : « De la co-naissance à l’in-formation : quand « l’intelligence » vient au miroir » S. Grandone, philosophe et docteur en littérature française, université de Naples : « Le miroir, médiation de la connaissance » M.-A. Vergez, docteur en anthropotechnie, Grenoble 3 : « Le corps modifié, miroir d’une société technologique entre peurs et fantasmes »

PAUSE M.-A. Cathiard, maître de conférences, sciences du langage, Grenoble 3 : « Le cerveau à l’épreuve du miroir » Laurie Centelles, docteur en sciences cognitives, université de Provence : « Les neurones miroirs : Une histoire de résonance entre soi et autrui » Témoignage : P. Pajon

Synthèse finale : P. Walter, J-J. Wunenburger Clôture : chants soufis

Mardi 13 mars 2012 – IUT 2 Grenoble - salle Panel

Principes de communication retenus :20 minutes d’exposé, 10 minutes de discussion : soit 30 minutes par intervention. 5 minutes de synthèse (sous forme de poster) pour chaque « témoignage » en fin de demi-journée

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Lundi 12 mars 2012, 9h

L’IMAGINAIRE DU MIROIR

Modérateur : Bernard Emery

Philippe Walter, professeur, Grenoble 3« Le miroir selon Jean de Meung ou la découverte de l’imaginaire au XIIIe siècle »

Professeur de littérature française du Moyen-Âge (université Stendhal). Directeur du Centre de recherche sur l’imaginaire depuis 1999. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages (éditions et traduc-tions de textes médiévaux, essais critiques sur la littérature médiévale) dont certains traduits en 10 langues et d’environ 200 articles scientifiques (dont certains portent sur la théorie de l’imagi-naire). Membre du comité de coordination inter-national des Centres de recherche sur l’imaginaire. Directeur de revue (IRIS, revue du CRI), directeur de collection (Moyen Age européen), membre du comité éditorial de plusieurs revues scientifique (en Amérique, en Afrique, en Europe et en Asie).

La deuxième partie du Roman de la Rose écrite par Jean de Meung vers 1277 (v.18153-18302 éd. Strubel) contient un important passage sur les miroirs et les phénomènes d’illusion qu’ils per-mettent. Le texte témoigne des progrès specta-culaires de l’optique physiologique au XIIIe siècle. Jean de Meung y cite le savant arabe (égyptien) Alhazen, fondateur de l’optique physiologique vers l’an mille et dont l’œuvre sera traduite en latin au XIIe siècle. Le traité d’Alhazen est directement à l’origine de la mise au point des lunettes de vue à Florence au XIIIe siècle. Mais le texte de Jean de Meung établit un autre constat impor-tant à partir d’expériences optiques permises par les miroirs. C’est le miroir, par sa capacité à déformer les images, qui donne une consistance physique à la notion d’imaginaire, introduisant un troisième terme entre la réalité et l’imagination et creusant un nouveau sillon épistémologique pour la pensée occidentale.

Lundi 12 mars 2012, matin

L’IMAGINAIRE DU MIROIR

Modérateur : Bernard Emery

Mathieu Dijoux, doctorant, Grenoble 3 : « Le basilic, miroir inverse de la Méduse »

Mathieu Dijoux travaille, depuis cette année, à une lecture anthropologique de la Chanson de Roland, qui conjugue mythologie comparée et théorie girardienne de la crise sacrificielle.

Que le mythe du basilic entre en résonance avec celui de Méduse est une évidence, et la tradi-tion qui attribue sa naissance au sang répandu lors de la décollation du monstre l’atteste assez. Encore faut-il préciser la nature de ce lien, qui consiste en une inversion des mythèmes du miroir et du regard : à l’interdiction de regar-der se substitue l’obligation de ne pas être vu, à la capacité offerte par le miroir de produire un simulacre et d’esquiver la réalité du danger celle d’agir sur le réel et de retourner le pouvoir létal du regard contre le monstre. Se crée ainsi une circularité remarquable entre imaginaire et science optique, dans la mesure où ce couple monstrueux et antithétique redouble les deux théories opposées, dans l’Antiquité, de l’émission par l’œil d’un flux lumineux et de l’intromission. Mais il faut également envisager ce dialogue en termes de résistance : alors que, à partir du XIe siècle, le Traité d’optique d’Alhazen prouve la fausseté des deux thèses antiques, l’imaginaire médiéval conserve les représentations, figées par la tradition, du miroir et du basilic et la pensée chrétienne l’enrichit d’une dimension allégorique.

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Véronique Adam, maître de conférences, Toulouse 2 : « Le miroir alchimiste, arme de guerre et de polémique »

Maître de conférences en littérature française du XVIIe siècle à l’université de Toulouse II le Mirail, membre du CRI depuis 1995, Véronique Adam est spécialisée dans l’imaginaire de la période baroque : après avoir travaillé sur la poésie Louis XIII, elle se consacre à présent à la littérature alchimique notamment narrative et scientifique. Elle a co-organisé pour le CRI deux colloques pluri-disciplinaires et internationaux sur la ma-chine et la contamination, dont les actes ont été publiés par la MSH Alpes et par Garnier. Elle est aussi chargée de cours depuis 10 ans, dans le département Techniques de commercialisation de l’IUT2 de Grenoble.

Les romans alchimistes ou représentant l’alchi-mie, de la fin du XVIe au début du XVIIIe siècle, font du miroir, un usage ambigu : utilisé comme objet magique pour révéler l’intériorité des êtres humains, mais surtout la ruse et le mensonge des courtisans, il est aussi dédié à l’éducation du roi. Ce faisant, il témoigne des progrès de la science et des techniques, notamment dans le travail du plomb et du mercure, matières alchimiques, mais aussi éléments de sa fabrication artisanale: le miroir devient alors un objet de guerre, capable d’aveugler concrètement l’ennemi, mais aussi de dévoiler symboliquement le secret de sa straté-gie. Il est donc une preuve du progrès de l’esprit scientifique, et est capable de représenter cet esprit. Cet objet révélateur de la psyché humaine, lui-même inscrit dans une rêverie sur les matières, partagé entre science et magie, se voit représenté en élément polémique de la société occidentale: il montre l’exigence occidentale et collective de la transparence, dénonce le mensonge social dans le fonctionnement de l’état, renverse la hiérarchie politique en donnant au marchand vendeur de miroir ou au savant inventeur d’arme de guerre, la puissance, la lucidité et la sagesse qui fait défaut au roi.

PAUSE

Jean-Pierre Giraud, Lyon 3 : « Mythes et rites liés au miroir dans le shintoïsme »

Jean-Pierre Giraud actuellement professeur des universités à l’université Jean Moulin a résidé 14 ans au Japon de 1985 à 1999, où il fut succesi-vement boursier du gouvernement japonais, lecteur à l’université de Nagoya puis maître de conférences en études japonaises à l’université de la ville de Nagoya.Il a rédigé une thèse sur une étude des mythes spécifiques de la région d’Izumo et, depuis, les publications diverses portent sur la mythologie, le shintoïsme et l’imaginaire japonais.

L’archéologie japonaise a mis à jour nombre de miroirs d’origine chinoise dans les tumuli de l’époque des kofun (IIIe au VIe siècle de notre ère). Des copies japonaises de ces miroirs continentaux semblent plus tardives, bientôt suivies par une forme autochtone : les miroirs à grelots.Pourtant, le miroir en tant qu’élément psycho-pompe tel qu’on le retrouve dans les tumuli, est peu présent dans les mythes, puis dans le shintoïsme qui s’est dogmatisé à partir du VIe siècle sur un fond de croyances autochtones et de rituels fortement influencés par le continent (du moins pour le shintô aristocatique).Notre propos sera donc d’analyser les différents aspects du miroir pour les imaginaires liés au shintoïsme (voir les croyances populaires du Japon ancien) et, d’en pointer les fonctions essen-tielles ; fonctions qui sont au reste souvent assez contradictoires : le miroir réceptable terrestre de la divinité (shintai : « corps de la divinité » ) des sanctum sanctorum et le miroir exorcistique qui protège le lieu saint.Des croyances particulières et pourtant assez récurentes dans nombre de temples shintô comme le kagami no ike (étang du miroir) seront également l’objet de notre étude.

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Yvonne Neyrat, maître de conférences (sociolo-gie), membre du EMC2 de Grenoble 2 : « Au-delà du miroir, au delà du visible »

Mes recherches portent généralement sur les œuvres et le procesus de création. Publications : • L’art et l’autre, éd. L’Harmattan, Paris 1999 • L’origine des images. Actes du colloque de Socio-logie de l’art, Aix en Provence, Novembre 2007 • Les fonctions cognitives de l’œuvre d’art : du « modèle réduit » au « partenaire épistémologique » in « Comment peut-on être socio-anthropologue aujourd’hui ? » de Florent Gaudez (sous la direction de.) éd. L’Harmattan, Paris, 2009• L’art minimaliste, une utopie du voir in « Art et politique », Actes du colloque de Sociologie de l’art de Novembre 2008, éd. l’Harmattan à paraître

Ma proposition s’inscrit dans une approche socio-anthrologique de l’art. À partir d’un rappel rapide des différents usages du miroir dans la peinture, je m’intéresserai plus particulièrement à la logique spéculaire de l’art contemporain. Le miroir est ici un objet qui permet d’interroger la construction de la représentation qui fonde les savoirs et le visible (voir et savoir à partir de l’âge classique). L’art reprend des questionnements qui sont au cœur de la problématique de l’image telle qu’elle a été théorisée par les Pères de l’Eglise, qui ont voulu lier l’image à l’Être en élaborant une théo-logie de l’Incarnation. L’art contemporain reprend cette problématique dans un contexte d’inflation de l’image, et de ce fait, il s’attachera à redonner à l’image un statut qui est celui des fondements anthropologiques de la représentation qui ouvre sur l’altérité. L’art contemporain va s’attacher à la surface des choses pour retrouver le mys-tère de l’image, de la forme ou de la matière et faire advenir de l’autre à partir du même (par exemple, Tosani photographie une série de talons de chaussures en gros plan qui ne seront plus des talons). C’est donc essentiellement la fonction symbolique et métaphorique du miroir qui sera sollicitée dans cette démarche. Le travail de la métaphore dans l’art contemporain emprunte la logique spéculaire pour donner à l’échange entre l’œuvre et son « regardeur » (Duchamp) « une forme vive et énigmatique, ce qu’autorise toute l’ambivalence des mots, ce qu’interdit l’excès de visibilité de l’image ».

Mon exposé s’appuiera sur la présentation de quelques œuvres d’art contemporain (Tosani, Buren, Lichtenstein, Cremonini…) qui toutes nous emmènent au-delà du miroir, au-delà du visible.

Bernard Emery, professeur, Grenoble 3 : « Miroir des eaux et des rêves dans les Œuvres du Petit Diable à la Main Percée, conte moral et philosophique (≈1743) »

Thèmes de recherche :• Mythocitique de l’imaginaire lusitan et luso-tropical• Littérature lusophone ancienne et moderne• Œuvre littéraire de José Maria Ferreira de Castro • Altérité et indianité dans le monde amazonien• Édition critiques des textes baroques en por-tugais et en castillan

La traversée du miroir est un procédé littéraire sans doute aussi ancien que la littérature elle-même, que le cinéma, bien sûr, n’a pas manqué de reprendre à son compte. Dans les Œuvres du Petit Diable à la Main Percée, ce voyage trans-péculaire s’effectue à trois reprises et sous trois formes différentes : le rêve, la traversée du miroir des eaux proprement dite et l’illusion d’optique. Il en résulte une évidente ambiguïté, qui au-delà d’une orthodoxie presque parfaite, notammant dans la fin édifiante du récit, induit chez le lecteur, et dans le dialogue qui s’ensuit entre le diable et son interlocuteur, une redoutable complexité qui confine à l’absurdité de la condition humaine.

Témoignage : Philippe Walter

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Lundi 12 mars 2012, 14h

LE MIROIR, MÉTAPHORE DE LA QUÊTE SPIRITUELLE

Modérateur : Anna Caiozzo

Philippe Faure, maître de conférences, université d’Orléans : « Miroir des anges, miroir des âmes : l’espace de la connaissance divine dans la spiri-tualité médiévale »

Maître de conférences en histoire médiévale et vice-président de l’université d’Orléans, spécialiste de l’histoire de la spiritualité et de l’iconographie chrétiennes, Philippe Faure a été codirecteur de la revue Connaissance des religions (éditions Dervy, Paris) de 2002 à 2006. Il a consacré l’essentiel de ses recherches aux anges et à leurs représentations de l’antiquité tardive à la fin du Moyen-Âge. Il a notamment codirigé, avec J.-P. Boudet et C. Renoux, le récent volume De Socrate à Tintin. Anges gardiens et démons familiers, de l’Antiquité à nos jours (Presses universitaires de Rennes, 2011). Parmi ses autres publications : Les anges (Paris, Cerf, 2004) ; Saint François d’Assise, la simplicité du cœur (Paris, Pocket, collection « Agora », 2009).

Lié à la manifestation de la lumière, le miroir est dans la Bible une image de la sagesse divine et de son activité (Livre de la Sagesse 7, 26). La tra-dition chrétienne, des Pères de l’Eglise jusqu’aux principaux auteurs de la mystique rhéno-fla-mande, a fait du miroir une image privilégiée de l’âme comme espace privilégié de la rencontre avec Dieu. Dans cette perspective, les anges et la Vierge Marie sont perçus comme les modèles du miroir de la connaissance des mystères divins qu’est l’âme. Cette connaissance spéculaire est un espace de visions spirituelles, un reflet de la Divinité, mais aussi une forme de participation à celle-ci, qui transforme l’être entier, rendu pareil à un miroir parfaitement poli. C’est cette théma-tique que l’on se propose d’explorer en s’appuyant sur quelques jalons de la tradition spirituelle chrétienne, de Grégoire de Nysse jusqu’à Hilde-garde de Bingen et Ruysbroeck.

Lundi 12 mars 2012, après-midi

LE MIROIR, MÉTAPHORE DE LA QUÊTE SPIRITUELLE

Modérateur : Anna Caiozzo

Claude Fintz, professeur, Grenoble 2 : «  La connaissance poétique au miroir, chez S. Stétié, à partir de Fièvre et guérison de l’icône »

Mon champ d’investigation se construit entre trois pôles : corps et imaginaire, expérience esthétique et spirituelle, œuvre et société. Mes principaux travaux ont porté sur les œuvres de H. Michaux, d’A. Artaud, de K. White, de B. Noël, de S. Stétié et sur celle d’O. Paz. J’y ai récemment ajouté deux poètes de l’espace francophone : Z. Morsy et Jean Sénac. Ma réflexion envisage les aspects imaginaires constitutifs de toute relation littéraire et artistique, avec sa composante socio-éthique. Plus spécifiquement, c’est la dimension charnelle de la relation esthétique (art et littérature) qui m’occupe : j’en ouvre le champ, et je l’approche simultanément comme une figure privilégiée de l’imaginaire, comme le prolongement, chez le lecteur / spectateur, de l’activité de l’œuvre. Le corps (quel « corps » ?) serait-il le site premier et ultime de celle-ci ?

Salah Stétié considère la question du miroir dans sa poésie non pas comme un thème ou un motif, mais comme une icône vivante. A travers les tableaux et les scènes qu’il présente, il réverbère une réalité intermédiaire biface, mi-diurne mi-nocturne. Comme dans l’icône, la réalité n’est pas reflétée mimétiquement mais transfigurée selon une modalité qui fait de l’œuvre, pré-texte à la gué-rison de l’âme, un lieu de re(con)naissance de soi dans l’autre, un processus d’individuation dont le miroir-relais est tendu au lecteur. Mais si la déchirure nostalgique (l’image réver-bérée n’est jamais l’Image) semble relever d’un processus mystique de la connaissance, l’errance dans le miroir préfigure la mort spirituelle : le lieu angoissant de l’inconnaissance absolue.

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Omar Benaïssa, docteur en études iraniennes de l’université de la Sorbonne Nouvelle, Paris 3 : « Le miroir dans le soufisme systématique (Ibn Arabî et son école). Le cas du ‘’Miroir des gnostiques’’ de Sadr al-Dîn Qûnawî, principal disciple d’Ibn Arabî. »

Né en Algérie, en 1949. 1973 : Licence en jour-nalisme de l’université d’Alger. Retourne aux études après un séjour en Iran où il découvre la survivance de l’œuvre d’Ibn Arabî chez les mys-tiques iraniens. Prépara sa thèse sur l’influence d’Ibn Arabî dans les contrées de langue persane, Iran et périphérie, aux XIIe et XIIIe siècles. Soufisme en général. Islamologie. Intérêt pour la Kabylie dont je suis originaire. Sadr al-Dîn Qûnawî, principal disciple d’Ibn Arabî, est un maître plutôt porté sur l’expression méta-physicienne des idées que sur l’expression de la vérité par la voie allusive de la poésie comme chez Rûmî et les autres poètes de langue persane. Il privilégie le langage de l’être à celui des sym-boles et des métaphores. Je vais présenter cet opuscule pour montrer une façon dont les différentes significations du miroir, thème littéraire récurrent, peuvent être exploitées pour construire un miroir virtuel pratique qui dépasse le champ de la simple métaphore, pour devenir un concept métaphysique fonctionnel de connaissance, comme le fit Sohravardi avec le thème de la lumière. Pour un métaphysicien, le centre de la pensée est l’Être, al-wujûd. C’est dire que les maîtres n’hésitent pas à prendre au sérieux la métaphore. Dans la perspective du monde imaginal, le miroir est à l’origine du monde. Car le monde est à la foi Réel (en tant qu’il reflète Dieu) et illusion (parce que l’Essence de Dieu n’est pas dans le miroir et échappe à la perception du miroir). Thème ibn arabien aussi bien qu’hindouiste et bouddhiste, le miroir est une image de l’intermonde qui seul existe en réalité, le reste n’ayant qu’une existence mentale (imaginaire). Il est le lieu où se croisent l’Incréé et le créé, l’être par soi-même et l’être par autrui.

PAUSE

Nahid Shahbazi, chercheuse spécialisée dans l’œuvre de Rumi : « Le Miroir ne se penche pas » (Shams de Tabriz )

Nahid Shahbazi, chercheuse spécialisée dans l’œuvre de Rumi, ancienne professeure de littéra-ture française à l’université de Téhéran, bachelière de l’école Jeanne d’Arc, dirigée par des sœurs catholiques. Études supérieures à l’université de Téhéran, en littérature française. Intérêt précoce pour les grands poètes mystiques de l’Iran. Intérêt spécial pour les odes de Rumi, en hommage à son maître et ami Shams de Tabrîz.

Dans la littérature mystique persane, le Miroir (âyeneh) est limpide et brillant pour que chacun puisse s’y voir clairement. Shams ed-dinTabrizi, le Maître Spirituel de Mowlânâ Jalal al-Dîn Rumi qui dit : « Le Miroir ne se penche pas », met en relief la droiture du Miroir. C’est un objet qui ne peut mentir, un miroir qui n’est ni grossissant ni déformant !Le Miroir est un objet qui sert de métaphore largement utilisée par les grands mystiques iraniens, tels Mowlânâ Jalal al-Dîn Rumi, Saadi, Hafez, comme un moyen pour « connaître » ; il continue d’être considéré comme un thème purement gnostique signifiant spécialement, dans son sens élevé, le Yaar, l’Être Aimé Lui-même - Celui Qui, en créant, a illustré Sa splendeur et Sa Beauté (Jamâl). A l’instar des petites parties multicolores qui forment la Rosace d’un vitrail de cathédrale, chacun des êtres et des choses créés reflète Sa Lumière. Imaginer la scène de cet « Événement premier » où Dieu créa et que chaque chose qu’Il créa fut une pièce reflétant Son Essence. La Scène pri-mitive, celle du premier Miroir, telle que nous le représente un poète iranien mort en 1904, Omman Sâmâni, me semble une façon originale de traiter le sujet du « Miroir entre imaginaire et cognition ».

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A. Caiozzo, maître de conférences, HDR - Paris 7 : « Le bassin, miroir au prince, miroir de l’âme, dans la miniature orientale »Spécialiste de l’imaginaire des cieux dans le monde musulman médiéval, des représentations astrologiques et magiques et de la transmission des mythes via les corpus illustrés, plus généra-lement du rôle de l’image dans la construction des identités et des imaginaires. HDR (2011) Mythes, images et imaginaire dans le monde oriental médiéval et inédit : Autour du roi Glorieux. Éléments pour la lecture des copies enluminés du Shâh nâmeh de Firdawsî.Parutions récentes :• Anna Caiozzo, Réminiscences de la royauté cos-mique dans les représentations de l’Orient médiéval, Le Caire, IFAO, 2011, 72 p. Collectif Picatrix• Images et magie, A. Caiozzo, J.-P. Boudet, N. Weill-Parot (éd.), Paris, H. Champion, 2011.

A partir du XVe siècle, le bassin fait son apparition dans les scènes princières. Élément architectural des jardins timourides où convergent les quatre canaux irriguant le verger, il devient en apparence un prosaïque bassin d’agrément où nagent des canards. Pourtant le bassin n’est pas un simple élément décoratif des scènes auliques, il entre en résonance avec une série de symboles (telle la coupole ou la coupe) qui font du prince un intermédiaire privilégié des cieux. Par ailleurs, il évoque le rôle de l’eau comme dispensatrice de la Gloire royale, la source du pouvoir légal ; enfin il devient l’élément incontournable - comme symbole de la gnose soufie - dans les doctes assemblées de sages et mystiques qui bientôt viendront encadrer, à la fin du XVe siècle, le prince dans ses méditations.

Témoignage : Philippe Faure

LE MIROIR : TRANSPOSITION ESTHÉTIQUE

Annie Barthélémy : « Contes en miroir »Maître de conférences en sciences de l’éducation à la retraite, conteuse amateur

A l’entrecroisement de deux contes issus de la tradition japonaise avec un conte de la tradition arabe et un conte littéraire de E. T. A Hoffman, des jeux de miroir sur les mirages et la rage de la jalousie et sur les mystérieux pouvoirs d’une image donnée ou dérobée.

A-R. Lesage, « La statue merveilleuse », extraits mis en espace par les étudiants de l’IUT2 et V. Costa

Agustina Merono : Accompagnement musical, flûte et viole de gambe.

COLLATION À L’IUT

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Mardi 13 mars 2012, 9h

LE MIROIR DE L’IMAGINAIRE : CONNAISSANCE DE SOI ET DE L’AUTRE

Modérateur : Mercedes Montoro

Jean-Jacques Wunenburger, professeur, Lyon 2 : « Le moi et son double : le schème identitaire du miroir, de la théologie à la psychanalyse » Professeur de philosophie générale à l’université de Lyon 3, ancien directeur de l’IRPHIL, président de l’association des amis de Gaston Bachelard. A publié de nombreux ouvrages sur l’imaginaire, l’image, le symbole et le mythe.

La question de l’identité, d’une divinité ou de l’homme n’implique-t-elle pas une relation à une image double, à la fois même et autre ? Comment se penser sans se rapporter à un reflet, ou même se penser comme reflet ? On explorera certains aspects de cet imaginaire du miroir, à l’aube de la modernité, dans le sillage du néoplatonisme et de la théosophie, dont on découvrira la puissance herméneutique pour notre époque.

Véronique Costa, maître de conférences, Gre-noble 2 : « Les Miroirs de vérité dans les contes du XVIIIe siècle »Véronique Costa est spécialiste de la littérature du XVIIIe, et spécifiquement du roman et des contes. Sa thèse a porté sur le concept de « péché de lecture ». La plupart de ses travaux récents a consisté à mettre en évidence les imaginaires du corps prégnants dans ses corpus et à les articuler avec les aspects les plus contemporains de notre littérature et de notre culture – soulignant par là la grande modernité de ces textes et de cette époque.

Les contes multiplient les épreuves expérimen-tales du miroir qui mènent à des vérités (vérités psychologiques, dévoilement de l’âme, transpa-rence des rêves et lecture du réel, miroir de justice, reflet de la pureté des jeunes filles à épouser). On répertoriera les quelques « miroirs aveugles » des contes du XVIIIe siècle, qui font apercevoir, au lieu de sa propre figure, celle d’une jeune personne belle comme le jour (promesse d’une relation), celle d’une fée obsédante (symbole d’aliénation

Mardi 13 mars 2012, matin

LE MIROIR DE L’IMAGINAIRE : CONNAISSANCE DE SOI ET DE L’AUTRE

Modérateur : Mercedes Montoro

féerique) ou celle d’une rivale (exacerbation d’une jalousie dévorante, identitairement destructrice). Le miroir est moins adhésion à soi, projection de soi ou introspection de soi (envoûtement narcissique), que fécondité de l’altérité ou altérité menaçante qui brouille l’identité, ou encore foyer d’un savoir sur les autres. Investi de pouvoirs surnaturels, le cristal protecteur ou vengeur est un microcosme reflétant le macrocosme sur ses parois lisses et son revêtement transparent. Le miroir y figure bien comme un objet révélateur qui permet une interprétation poétique et « méta-physique » du réel. Le reflet du visage devient une émanation de l’âme. On y lit la transparence de l’émotion sur la physionomie. Le miroir éclaire le visage de façon nouvelle. Ce processus cognitif, qui lui permet d’appréhender des réalités cachées essentiellement morales ou affectives, relève toutefois d’une imagination rationnelle. Il y a là une « reconnaissance » instantanée ou immédiate de la vérité, sans une médiation, qui permettrait d’en interpréter le sens. Car les reflets ne sont pas rien : par leur immatérialité et leur ressemblance, ils se prêtent à une connaissance analogique et spirituelle.

Natalia Arregui Barragán, professeur, Grenade : « La traduction des espaces vides ou du reflet de l’imaginaire de l’autre »Professeur titulaire. J’ai un doctorat en traduction. Je travaille la traduction littéraire et notamment les allusions culturelles des romans. J’ai sur le marché plusieurs traductions (français-espagnol) des œuvres de Louis Jolicœur.

Lorsqu’un traducteur dans une œuvre littéraire trouve des espaces vides, c’est-à-dire, des allu-sions qui voudraient être montrées dans le miroir de l’autre mais qui n’ont pas de référence dans le poly-système d’arrivée, il se heurte à l’un de plus graves écueils de l’univers traductologique.

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Dans ces lignes je voudrais présenter quelques espaces vides du roman Bonjour la galère et voir comment ils peuvent être reflétés dans le miroir de la langue cible. Mots clés : traduction littéraire, espaces vides, reflet, connotation

PAUSE

Jean-Marie Barthélémy, professeur émérite de psychopathologie et psychologie clinique, université de Savoie : « Entre savoir psychologique et fascination imaginaire : le reflet dans le miroir : entre moi et l’autre »Il s’appuie sur la méthode phénoméno-structu-rale en psychopathologie issue d’Eugène Min-kowski et Françoise Minkowska, ainsi que sur la perspective génétique transmise par Henri Wallon, auxquelles il a été initié par Zéna Helman, pour développer, dans les champs croisés de l’enseignement, de la recherche et de la pratique clinique, des travaux sur le terrain psychopatho-logique en psychologie de l’expression et de la création.

De beaucoup précédé par sa représentation sous forme d’accessoire ou ses thématiques déclinées en halo obstiné, par exemple dans les domaines de la peinture et de la littérature, particulièrement sollicité, ravivé et réactivé à l’époque romantique, le miroir, conçu comme symbole caractéristique d’une période ou d’un stade de développement, a fait son apparition tardive en psychologie, dans la période de l’entre deux guerres, à la fois en tant qu’instrument, médiateur et métaphore de description des avatars de l’articulation ambiguë entre un Je enfermé dans sa pure subjectivité et son appropriation individuelle sous les traits d’un Moi objectivement extériorisé. Il s’est ainsi imposé comme référence majeure pour abor-der les modalités d’acquisition, les spécificités et fragilités d’une construction de l’image de soi, entre réel et imaginaire, à l’intersection de l’introspection et de la relation à autrui, exposée aux risques de l’autisme, de l’aliénation ou de la fusion, dont nous essayerons de rappeler les lignes directrices et les composantes.

Jean Marigny, professeur émérite, Grenoble 3 : « Le fantastique et ses miroirs »Professeur émérite de l’université Stendhal à Grenoble, où il enseignait la littérature anglaise et américaine, il est notamment connu grâce à ses travaux sur le vampire.

Dans la littérature fantastique, les miroirs ont de multiples fonctions. Ils peuvent permettre de connaître d’autres mondes, merveilleux (Alice) ou cauchemardesques. Les miroirs magiques permettent de voir à distance. Certains miroirs peuvent aussi donner de soi-même un aspect inattendu comme dans le cas du protagoniste du Retour de Walter de la Mare qui découvre en se regardant dans la glace un visage qu’il ne connaît pas ou de celui de l’héroïne de « Dieu fasse qu’elle repose en paix » de Cynthia Asquith qui voit son reflet mener une existence autonome. Il est parfois dangereux de regarder dans un miroir car il peut en surgir des créatures d’un autre monde comme dans la nouvelle de China Melville, « The Tain ». Dans la littérature fantastique, les miroirs on toujours quelque chose à nous révéler sur nous-même ou sur les autres.

Mercedes Montoro Araque, professeur langue et littérature françaises, Grenade : « Miroir, connais-sance, imaginaire : réflexions, reflets ou échos d’un Narcisse au féminin »Professeur d’université en langue et littérature françaises à l’université de Grenade (Espagne), Mercedes Montoro Araque a soutenu sa thèse au CRI de l’université Stendhal Grenoble 3. Elle a publié en 2005 un livre intitulé Représentations imaginaires du corps au XXe siècle et co-édité un ouvrage portant sur la littérature de voyages depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours : Nuevos mundos, nuevas palabras : la literatura de viajes (2007). Après avoir participé à plusieurs projets de recherche sur l’imaginaire et les mythes, elle a édité un ouvrage intitulé Identités culturelles d’hier et d’aujourd’hui (2010).

Le miroir est un lieu de connaissance. Soit. La pérennité de l’image du miroir, en tant que thème littéraire et artistique, et l’étonnante perméabi-lité du motif spéculaire associé au mythe tout au long des siècles nous permettent de cerner notre analyse autour d’un Narcisse au féminin

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qui se fait tantôt réflexion, réverbération idéale dans un cristal, conduisant vers « l’insula vitrea et pomifera » ; tantôt reflet mensonger ou cauche-mardesque dans un miroir liquide conduisant vers une nouvelle Eurydice, si ce n’est simple écho de l’autre et / ou du même créateur dans un tableau picassien.Or, si la femme détient la clé de toute connais-sance, tels que les exemples étudiés ainsi le prou-veront, comment et de quels moyens se sert-elle pour révéler cette connaissance ? Se trouve-t-elle face au miroir, de l’autre côté, dans ou au miroir ? Est-elle mirée, reflétée ou réfléchie ? La femme offre ainsi la pénétrabilité vers le connu ou l’inconnu, l’interdit ou sa transgression, vers le même ou l’autre.

Témoignage : Jean-Jacques Wunenburger

Mardi 13 mars 2012, 14h

MIROIR DES SCIENCES, LES SCIENCES COMME MIROIR

Modérateur : Marie-Agnès Cathiard

P. Pajon, maître de conférences, Grenoble 3 : « De la co-naissance à l’in-formation : quand ‘l’intel-ligence’ vient au miroir »Patrick Pajon est maître de conférences en Sciences de la communication à l’université Stendhal et chercheur au Centre de recherches sur l’imaginaire de Grenoble. Ses travaux portent sur l’imaginaire des sciences et des technologies, et notamment la question de l’anthropotechnie. Il s’intéresse également au rôle joué par l’imagi-nation et l’imaginaire dans la réorganisation des circuits économiques de la production et de la consommation. Dernières publications: • « Ailleurs commence ici : remarques sur l’identité à Cyberpolis », in Montoro, M. dir. • Identités culturelles d’hier et d’aujourd’hui (p. 77- 98). New-York, Peter Lang, 2010 ; • « Le corps super flux », in Adam, V., Caiozzo, A. • « La fabrique du corps humains : la machine modèle du vivant » (p. 373-384). Grenoble, édition de la MSH – Alpes.2010

• « Cybersphère et industries anthropotech-niques », in Actes du colloque international• « Nature, technologies, éthique. Regards croisés Asie, Europe, Amériques », (Lyon 11/12/13 mars 2010). Â paraître aux Presses de l’Université Laval, Janvier 2012.

Depuis son invention, le miroir a toujours été un objet de « co-naissance ». Il participe à la naissance du soi, naissance qui résulte d’une négociation entre reflet du corps, image de soi et imaginaire social. L’imagination est la puissance créatrice et libre qui a toujours présidé à cette négociation. Mais, tout change, dès lors que l’objet miroir bascule dans le nouveau paradigme des « objets intelligents ». Non seulement s’étend l’empire du miroir, mais s’inverse aussi son rôle. Le miroir, qui nous regarde, devient un lieu de mise en forme standardisée, « d’in-formation ». Cette situation se fonde sur un double principe : réification des imaginaires sociaux et réduction du domaine de l’imagination..

Salvatore Grandone, docteur en littérature moderne, université de Naples : « La médiation du miroir dans la connaissance »Docteur ès Lettres et arts université Stendhal Grenoble 3, doctorant en sciences philosophiques université de Naples Federico II, agrégé de Philo-sophie et histoire aux lycées en Italie. Parmi ses publications les plus récentes en français : Lectures phénoménologiques de Mallarmé (Harmattan, 2011), Mallarmé. L’horizon négatif de la poésie moderne (Éditions Universitaires Européennes, 2011). Il s’occupe actuellement de la relation entre image, mimesis et événement chez Bergson.

La connaissance a-t-elle besoin de la média-tion d’un miroir ? Si, oui quel statut faut-il lui accorder ? L’image du miroir est-elle simplement une métaphore de cette activité médiatrice ou constitue-t-elle le propre de la médiation ? Notre intervention tourne autour de ces questions.Lors d’un premier aperçu, il semble aller presque de soi que la connaissance ait besoin de la médiation d’un miroir. On pourrait envisager le sujet et le monde comme les deux pôles de la connaissance et la médiation de la méthode, le filtre-miroir qui en rendrait possible l’accès. Ainsi le miroir ne serait qu’une métaphore de la

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méthode, qui soulignerait l’impossibilité d’une prise directe sur le sujet et le monde.Mais cette explication est trop simpliste. La conscience présente toujours une direction auto-réflexive qui la constitue en tant que miroir. C’est pourquoi il est nécessaire de montrer dans quel sens l’image du miroir comme médiation ajoute quelque chose au miroir de la conscience. En même temps, il faudra aussi vérifier dans quelle mesure on peut encore garder l’image de la conscience comme miroir du réel, car la philo-sophie contemporaine semble de plus en plus contester cette représentation de la subjectivité.

Marie-Amélie Vergez, docteur de l’université de Grenoble : « Le Corps modifié : miroir d’une société technologique, entre peurs et fantasmes »Docteur de l’université de Grenoble, thèse sur l’anthropotechnie et l’imaginaire du corps trans-formé par les nouvelles technologies en Europe, aux USA et en Asie. Aujourd’hui chercheur associé au CRI et consultante indépendante.

Le corps humain fonctionne comme un miroir réfléchissant le contexte social et culturel dans le lequel il évolue, notamment par les processus de normativité des usages du corps. Comme D. Le Breton l’a démontré, le corps est un indicateur d’états sociaux, il nous renseigne sur l’environne-ment culturel dans lequel il baigne. Ce corps renvoie également à autrui, via diffé-rents signaux corporels (gestuelle, maquillage, tatouages, piercings), une image travaillée et modelée par l’individu.Le corps contemporain, technicisé, appareillé, modifié et transformé par les sciences et les tech-nologies offre donc de précieuses informations sur le contexte socio-culturel actuel. Ses contours, ses formes et ses frontières sont repensés et peu à peu refaçonnés par une société hautement technologique. Dès lors, le corps porte en lui et sur lui certaines de ces valeurs « socio-technolo-giques ». Il en reflète les peurs et les fantasmes, sur lesquels cette communication propose de s’interroger.

PAUSE

Marie-Agnès Cathiard, maître de conférences, Grenoble 3 : « Le cerveau à l’épreuve du miroir » Marie-Agnès Cathiard, docteur en psychologie cognitive, est maître de conférences (HDR) en phonétique et cognition à l’université Stendhal de Grenoble. Ses projets au Centre de recherche sur l’imaginaire portent sur les illusions des par-ties du corps de la parole (visage et main), dans un cadre de travail élargi aux membres et corps fantômes. Elle a notamment publié dans Caietele Echinox 2011 et dans Jahrbuch für Europaische Ethnologie 2011 sur les corps fantômes dans la « paralysie du sommeil ».

En nous appuyant sur deux illusions, celle dite du chat du Cheshire (ainsi baptisée en l’honneur de Lewis Carroll) et celle de la boite à miroir de Rama-chandran (1998), nous montrerons comment le miroir peut nous permettre d’ouvrir une fenêtre sur le cerveau. Dans le second cas d’illusion, chez des patients amputés, la main fantôme vue en mouvement dans le miroir, permet de recoor-donner la sensori-motricité et d’effacer peu à peu la douleur du membre. Le cas particulier des patients aplasiques – nés sans jambes ni bras – nous conduira, pour expliquer leurs résultats en perception visuelle des mouvement humains, à interroger la notion de neurones-miroirs.

Laurie Centelles, docteur en sciences cognitives, université de Provence : « Les neurones miroirs : Une histoire de résonance entre soi et autrui »Enseignant-chercheur contractuelle en neuros-ciences et en psychologie du développement.• Centelles L, Assaiante C, Schmitz C. (2011). « Le corps en action : un indice clef pour com-prendre les interactions sociales ». Enfance n° 4/2011 | pp. 407-420• Centelles, L., Assaiante, C., Nazarian, B., Anton, J. L., & Schmitz, C. (2011). « Recruitment of both the mirror and the mentalizing networks when obser-ving social interactions depicted by point-lights: a neuroimaging study ». Plos One, 6, 1: e15749.

Sur la base de travaux expérimentaux, nous (re)découvrirons les neurones miroirs identifiés de-puis une quinzaine d’années et qui constituent encore à ce jour une source immense de poten-tialités dans la compréhension des êtres sociaux que nous sommes. Ces cellules nerveuses sont en

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effet sollicitées non seulement quand on réalise une action et quand on observe autrui réalisant cette même action mais aussi quand on s’imagine réaliser cette action. Nos récents travaux ont mon-tré que lorsque l’action devient une interaction sociale, nous nous mettons véritablement en « résonance » avec autrui pour en saisir l’intention. Ce substrat neurophysiologique donne ainsi corps à la théorie de la simulation mentale ou cognition incarnée (embodied cognition).

Témoignage : Patrick Pajon

Synthèse finale : P. Walter, J-J. Wunenburger

Clôture : chants soufis

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