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Source gallica.bnf.fr / CIRAD Le Monde colonial illustré

Le Monde colonial illustré · Tout à coup, à un tournant de la route, se développe devant nos yeux étonnés et confondus un étrange et grandiose panorama. L'imposante et légendaire

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Le Monde colonial illustré

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Le Monde colonial illustré. 1929/10.

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DANS LE GRAND ATLAS DE TÉLOCJET ET L'OUNILA

AJI delà la fête aveu-glante du feu sejouant sur les foulesorientales de Djemael Fna, se dressent,parfois irréelles

comme un mirage,.parfois

altières comme des guerriers mystérieux et inacces-sibles, les cimes neigeuses du Grand Atlas.

Nombreux, aujourd'hui, sont ceux qui se sontlaissé tenter par ses « vallées noyées d'ombre »toutes frissonnantes d'austérité et ses kasbahs médié-vales pleines de risques pittoresques. Le touriste dignede ce nom, passager rapide ou séjournant, ne quitteplus Marrakech avant d'être « allé en montagne ».Cependant, fort peu de ceux parvenus au faîte enneigédu Tizi n'Tichka (2 200 mètres), d'où la vue plongesur les versants ocrés -et les grandes étendues saha-riennes nimbées de diffuses clartés, ont encoreglissé dans ce pays récemment ouvert à l'Européen,pays tout imprégné de légendes et peuplé d'inconnu.Il y a pourtant là, tout proche, le plus étonnantspectacle qu'il soit possible de contempler.

Tout à coup, à un tournant de la route, se développedevant nos yeux étonnés et confondus un étrange etgrandiose panorama. L'imposante et légendairekasbah de Telouet, berceau des Glaoua, grands sei-gneurs de l'Atlas, est là, à notre portée, largementétalée sur le vert vif de ses terrasses cultivées, sertiedans le plus prestigieux'des cirques de hauts montspointant vers le ciel leurs grands pans flambés debrun rouge, écharpés de névés éblouissants. Au sortirdu palace de la Mamounia, sans autretransition que l'émerveillement continude cinq modestes heures de route, nousvenons de pénétrer dans la féerique évo-cation d'un âge disparu.

Avec ses multiples enceintes rehausséesde badigeons blancs et d'étranges orne-mentations primitives, avec sa. cinquan-taine de tours chevronnées d'échàuguetteset de mâchicoulis, ses centaines de meur-trières sournoises, ses mille créneauxpolyédriques, Dar Caïd Glaouï est bienfait pour que s'engendrent dans nosesprits les plus lyriques des contes desMille et une Nuits. Lorsque nous traver-sons son labyrinthe de cours intérieures,nous n'avons aucune. peine à nous ima-giner derrière ses portes massives tous lessombres mystères de Telouet : son haremaux cinq cents femmes, ses oubliettes oùse^ jouaient hier encore, dit-on, desscènes effroyables.

Mais, Si Hamou, grand caïd et maîtrede céans, est là pour nous rappeler à uneplus aimable et moins effarouchanteréalité. A sa suite, nous parcourons unegalerie aux sveltes et élégantes colon-nades et pénétrons dans le plus délicieuxdes patios. Les orangers en fleurs, l'eauruisselant d'une vasque en fil ténu, lestraînées de soleil divaguant sur la finemosaïque, font, ici, un étrange contrasteavec le sévère appareil guerrier que nousavons entrevu à l'arrivée. Notre éton-nement sera à son comble lorsque, àcroupetons, nous ferons honneur à unesavoureuse^ et délicate diffa servie entreun piano à queue, une table- Louis XVchargée de revues et de journaux, devantune énorme pendule Empire dont la boîte

à musique nous comblera, de quart d'heure en quartd'heure, de tous les airs de chansons à la modede 1913.

En vérité, sans qu'il soit besoin de nous expatrierau Hoggàr, n'y a-t-il pas dans ces seuls contrastes dequoi fournir à notre imagination la trame du plusétrange des romans?

Au jour, le lendemain, après avoir pris congé denotre hôte, nous pénétrons à nouveau dans ce paysmystérieux par le vaste espace, à la fois cour d'hon-neur et place d'armes, que nous traversions la veille.Autour de nous, c'est un grouillement de familiers dulieu et de leurs hôtes de passage, bêtes et gens mon-tant ou descendant du col. Sur la grande voie condui-sant du Sud aux souks et fondouks de Marrakech,Telouet reste, malgré la route, le gîte d'étape, lecaravansérail où les caravaniers s'arrêtent pour lanuit. Et, accroupis à 'terre, nous reconnaissons lesfaces sculpturales rencontrées la veillé, les mêmesgestes pleins de noblesse, les mêmes ânons chargésd'énormes couffins de thé et de sucre, de dattes et deroses séchées. Sur un terre-plein, des femmes dévoiléestressent les motifs rouge vif du sombre r'liffglaoua.

Sous les regards de toute une foule juchée sur lesterrasses, nous montons en selle, et nous voilà bientôttrottinant vers la vallée de l'Ounila, où nous convientd'autres merveilles.

Après Telouet, c'est à l'Ounila, en effet, qu'ilconvient de se rendre si l'on veut achever honnêtementla tournée entreprise. Une heure quarante-cinq de

sghriga (1) n'est pas faite pourarrêter un .touriste assoiffé devisions nouvelles, désireuxd'emporter de sa coursed'inoubliables impressions, ousimplement curieux de sonnaturel.

Pans d'éboulis piquetés de thuyas vert sombre,arêtes rocheuses aux vives bigarrures, champs deneige suspendus, forment, alentour, un magnifiquetriptyque. Laissant. divaguer notre esprit, commevont nos mules, nous pourrions nous croire pèlerinantdans quelque coin des Alpes méridionales. Mais, sou-dain, une ruée de cavaliers jaillit sur la piste, seprécipite, nous dépasse dans un crépitement de coupsde feu et disparaît dans un tintamarre effroyable.Nous devons à ces bruyants chasseurs, de mouflons un'brusque retour à la réalité. Nous ne saurions d'ail-leurs nous en plaindre, tant celle-ci est séduisante.Mais, enfin, dans ces gorges sauvages, si les tempshéroïques n'étaient révolus, n'aurions-nous pas euquelque raison de nous inquiéter de cette véritablecourse à la mort au-dessus d'un abîme vertigineux etde ces coups de moukhalas tirés à nos oreilles?

La petite pointe d'émotion que vient de nous donnercet incident pittoresque est bien faite d'ailleurs pournous perméttre de mesurer à sa valeur tout le cheminparcouru par nos officiers des Affaires indigènes dansla pacification de la montagne.

Nous en sommes là de nos réflexions, auand un(1) Vaste et confortable selle indigène.

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étonnant lever de rideau vient soulever notre enthou-siasme : Animiter dresse devant nos yeux l'ensemblearchitectural le plus curieux, le plus pittoresque, leplus étrange que l'on puisse rêver.

D'un bord à l'autre du val de l'Ounila, ce ne sontque kasbahs pyramidales, tours assyriennes,bâtiments

massifs et carrés flan-qués de tours d'angleallant s'amincissantjusqu'à leur faîte platet débordant marquéaux quatre coins decréneaux triangulai-res à ressaut. A leurpied, se blottit l'ag-glomération berbère,semblant chercher,ainsi, la protectiondes seigneurs du lieucontre les pillards dudésert. De largesbandeaux roses etblancs, heureusementdisposés au haut desconstructions, rom-pent l'harmonie gé-nérale rouge vif.

Des you-yous d'al-légresse, des coupsde tam-tam éperdusrépétés par milleéchos viennent noustirer de notre contem-plation. Dans lemême instant, lesterrasses se peuplentd'une nuée de femmeset d'enfants. Dési-reux de connaître lasignification de toutce remue-ménage,nous apprenons denos gens que l'am-ghar (1) d'Animiternous souhaite la bien-venue.Lorsque, aprèsavoir visité les agglomérations voisines deTaguendouchtet de Timelilt, nous pénétronsdans le village, nous y trouvons tout cemonde en liesse, l'haouach commencée. Lesdanseuses, parées de leurs plus beaux bijouxet vêtues de soieries étincelantes, sont là,rangé s au coude à coude sur une lignelégèrement incurvée autour d'un groupe

de tambourinaires marquant une lente cadence. Unjeune chanteur chleuh nasille une traînante mélopée

(1) Chef de village. Titre chleuh correspondantau cheikharabe.

reprise en chœur par les femmes, avançant et reculantlentement tour à tour, frappant des mains pour donnerla mesure.

De temps à autre, une jeune danseuse s'avancelentement vers le centre du cercle, puis, partant brus-quement, les bras au corps, tourne, vire, glisse, sedéhanche et se trémousse, entraînant dans un gronde-ment endiablé les tambourins sonores.

Et, pendant que la fête se déroule, nous tressonsautour de ce décor unique, en hommage, « un richecollier des gemmes de notre ferveur et de notre admi-ration ».

Th. DELAYE.

AVANT LE CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE

CE QUE LA CHAMBRE FRANÇAISE PENSAIT DES COLO-NIES UN AN AVANT LA PRISE D'ALGER.

Parmi le grand peuple de statues debout, assis oucouché, de Dunkerque à l'Atlas, j'ai cherché en vaincelle d'Hussein Pacha. Si nous n'avons pas à glorifierle fonctionnaire exact, l'administrateur zélé, le négo-ciant avisé qui sut faire ses affaires mieux encore quecelles du sultan, nous devrions nous souvenir qu'ilfut le véritable fondateur de l'empire colonial fran-çais.

Pour se rendre compte de la ténacité qu'il lui fallutdéployer dans cette tâche, il suffit de relire les comptesrendus de séance à la Chambre des députés, il y a unsiècle. De la droite à la gauche, des ultras aux libé-raux, nous n'entendrons que protestations contre unbudget de la marine et des colonies démesurémentgonflé, des railleries amères sur le compte des malheu-reux qui s'obstinent à maintenir sur les terres d'outre-mer des comptoirs précaires, proie facile des Anglais,si facile qu'il vaudrait peut-être mieux les leur offrirtout de suite.

Les colonies françaises : 10 000 kilomètres carrés !

Moins de deux départements, si l'on fait abstractionde la Guyane déserte. Et c'est afin de défendre celaque l'on demande 27 millions pour l'entretien desnavires, 24 millions pour les constructions navales.C'est pour administrer cela qu'on veut 7 millions !

C'est se moquer des gens, et Laffitte, héraut de lagrande banque, ne l'envoie pas dire au ministère.

Laffitte, c'est, avec l'éclat de la fortune, un talentoratoire qui séduit jusqu'à l'implacable Timon, lecruel peintre des orateurs de la Restauration. Unorgane flatteur, une fluidité variée, abondante, lim-pide. Laffitte sait unir aux grâces de la Cour la sim-plicité et la bonhomie du négociant. C'est lui qui vabientôt ramasser la couronne de France, gisante entredeux pavés, pour la poser sur le front de Louis-Phi-lippe. Or, cet économiste prononce cette phrase dé-mentielle : « La dépense la plus regrettable de ce bud-get est celle de 7 millions pour les colonies. »

Le ministre n'est pas loin de partager cet avis. Leministre, c'est Hyde de Neuville, un parlementaireadroit et conciliant. Il est ministre de la Marine et desColonies, mais ministre de la Marine d'abord. En cettequalité, il a dû subir les assauts de Human, le rap-porteur, qui a psalmodié solennellement, comme unchantre au lutrin, des critiques sévères émaillées degermanismes. Au cours des débats, on a reproché àHyde de Neuville de ruiner la France, de meubler sesofficiers avec de l'acajou et de recruter ses marins sur

le Puy de Dôme. Il a répliqué que Navarin valaitbien quelques millions ; que l'acajou était un boisexcellent et durable, tombé d'ailleursdans le domainepublic ; que, si le Puy de Dôme n'était pas un port demer, Paris ne l'était pas davantage, ce qui expliquait,selon lui, l'indifférence que les députés marquaientaux choses de la marine. «A Londres, à Washington,on voit des vaisseaux ; aux rives de la Seine, on nevoit que des barques. » Qu'attendre de gens qui, dansleurs croisières, n'ont point dépassé Bougival?

La spirituelle réponse a porté. On ne rogne, sur sonbudget, que 160 000 francs de crédit, dont 30 000 surle traitement des membres du conseil de l'Amirauté,quelques fauteuils d'acajou ! Ce n'est pas, en somme,très méchant.

Aussi, le ministre des Colonies, reconnaissant decette discrétion, ne demande qu'à faire des conces-sions. Il tombe d'accord de tout ce que l'on veut. Lescolonies, sans doute, n'offrent pas grand intérêt enelles-mêmes. Seulement, il y a les colons. Ils sont,malgré tout, Français. Bien plus, « ils sont, commenous, enfants de Charles X )J. Va-t-on, dès lors, lesabandonner tout à fait, les livrer sans défense auxdémons noirs qui pointent contre eux leurs lances etleurs flèches? Soyez bons ! Donnez quelques millionspour les forts et les frégates qui tiendront, cette année,sous leur feu ces jardins des supplices.

M. de Leyval monte à la tribune, M. de Leyval estultra. C'est, de plus, un économiste. Il sait fort bienqu'un peuple doit assurer à son commerce de nouveauxdébouchés. Mais où pensez-vous que la France lesdoive chercher?... En Amérique du Sud ! Sans doute,ces nouveauxEtats sont encore plongés dans l'anar-chie qu'engendrent inévitablement les révolutions —l'orateur, ici, s'est tourné vers la gauche. Mais enfin,l'autorité là-bas, comme ici, finirabien par se stabiliser.N'oubliez pas que nous sommes en juillet 1829 ; que,l'année prochaine, ce sera juillet 1830. Pour finir, l'ora-teur salue la prospérité économique que nous vau-dront nos relations commerciales avec ces peuplesneufs.

C'est déjà plein de promesses, mais on peut rêvermieux encore. M. Agier le prouve. Lui aussi est de ladroite. Lui aussi entend soutenir le ministère et lebudget de la marine. Il ne se fait pourtant pas d'il-lusions : nous perdrons nos colonies, mais raison deplus pour posséder une marine forte. Réfléchissez,en effet : si précaires soient-elles, les bases que lesétablissements coloniaux offrent à notre commercevont nous manquer demain. Nous devrons donc faireconvoyer nos vaisseaux marchands par nos vaisseaux

de guerre sur toutes les mers du globe. L'argumentest de poids !... Le ministre remercie l'orateur. LaChambre applaudit.

Car c'est son vœu secret, l'abandon ou la perte destristes restes de notre empire colonial. On sent cesnobles, ces bourgeois, agacés par la persistance d'unepoignée de colons à se réclamer de la France, humiliéspar la possession de quelques lambeaux dérisoiresde terrain, quelques arpents de neige ou de sable.Plutôt rien que si peu de chose. Aussi, quand Duver-gi r de Hauranne, le doctrinaire subtil de la droite,vient souhaiter la disparition du monopole colonialqui entraînerait, on le sait, celle des colonies elles-mêmes, on lui fait un accueil enthousiaste.

Mais l'esprit soutlle peut-être à gauche, sur Jestravées houleuses des partis de « mouvement », surles précurseurs, sur ceux qui fustigent les gouverne-ments au nom des cités futures dont ils assurent pos-séder les plans?

Voici Salverte, le député modèle. Cloué sur son banc,il suit avec une attention sans défaillance les plusfatigantes discussions. C'est l'homme qui écoute etqu'on écoute. Celui-là, enfin, avance une idée sensée :la constitution de troupes indigènes. Cela a réussi àMadagascar et à l'île Bourbon. Il souhaite qu'on étendeces essais aux autres colonies. Puis il parle des esclaves.Les colons affirment qu'ils sont fort bien traités ;

en même temps, ils réclament les moyens de réprimerles révoltes éventuelles. Mais est-on tenté de se révol-ter quand on est si bien traité ?

Sensation. M. Benjamin Constant gravit les degrésde la tribune. C'est le régal de la journée. Les ultraseux-mêmes, l'extrême droite, cessent leurs bavar-dages discrets. Le grand orateur des gauches est d'ail-leurs parfaitement dénué de qualités oratoires. Uncorps fluet, jambes grêles, dos voûté, longs bras,langue qui s'embarrasse entre ses dents et lui donneun parler de femme, sifflant et bredouillé. Toutesces disgrâces n'ont aucune importance : l'esprit et letalent les rachètent. Et puis, Benjamin Constantparlesurtout pour ses lecteurs. C'est pour eux, ces discoursfinis, perlés, ingénieux, trop soignés pour la tribune.

Il commence, selon sa coutume, par frapper, enmédaille, une formule : « La suprématie sur terre estdans nos destinées ; la suprématie sur mer n'est que dansnos prétentions. » Notre marine? Gibraltar la coupeen deux. Nos bateaux? Les Anglais possèdent 338 na-vires à vapeur ; nous, quatre. Et,danscesquatre, il fautcompter le fameuxvapeur construit à Rouen en 1827 etqui devait relier la France au Sénégal. Un beau pro-jet ! Malheureusement, sa provision de charbon était