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5/19/2018 LeNormalEtLePathologiquedeT.Bnavids-slidepdf.com http://slidepdf.com/reader/full/le-normal-et-le-pathologique-de-t-benavides 1/7 1 LE NORMAL ET LE PATHOLOGIQUE Le concept de normalité est difficile à définir et ceci a plusieurs explications. Tout d’abord, la normalité a deux connotations : un jugement factuel concernant l'état d'un organisme et, en même temps, un jugement de valeur. S’il n'est pas très difficile d'arriver à un consensus concernant les jugements factuels, il est impossible, d'arriver à un consensus concernant les jugements de valeur. Par ailleurs, dans le domaine de la santé mentale, une autre difficulté provient du fait que le concept de normalité est indissociable de l'idéologie et de l'éthique d'une société donnée, à un moment historique particulier. Enfin, le concept de normalité ne peut être abordé sans faire référence à d'autres concepts complexes comme ceux de santé, de maladie ou de diagnostic. Afin de clarifier quelques aspects fondamentaux, la normalité sera abordée : en tant que concept statistique, comme norme sociale, comme idéal, en tant qu'absence de maladie. Une section distincte sera consacrée aux notions de normal et de pathologique chez l'enfant et l'adolescent. thierry Bénavidès, psychomotricien, psychologue clinicien Pr. au dép. de psychomotricité de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie

Le Normal Et Le Pathologique de T. Bénavidès

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cours en français de thierry Bénavidès, psychomotricien, psychologue clinicien.Introduction descriptif sur la distinction introduisant les définitions du normal, avec le recours à différentes significations que supposent la normalité. Cette distinction posée, introduction du pathologique.

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    LE NORMAL ET LE PATHOLOGIQUE

    Le concept de normalit est difficile dfinir et ceci a plusieurs explications.

    Tout dabord, la normalit a deux connotations : un jugement factuel concernant l'tat d'un

    organisme et, en mme temps, un jugement de valeur.

    Sil n'est pas trs difficile d'arriver un consensus concernant les jugements factuels, il est

    impossible, d'arriver un consensus concernant les jugements de valeur.

    Par ailleurs, dans le domaine de la sant mentale, une autre difficult provient du fait que le

    concept de normalit est indissociable de l'idologie et de l'thique d'une socit donne, un

    moment historique particulier.

    Enfin, le concept de normalit ne peut tre abord sans faire rfrence d'autres concepts

    complexes comme ceux de sant, de maladie ou de diagnostic.

    Afin de clarifier quelques aspects fondamentaux, la normalit sera aborde : en tant que

    concept statistique,

    comme norme sociale,

    comme idal,

    en tant qu'absence de maladie.

    Une section distincte sera consacre aux notions de normal et de pathologique chez l'enfant et

    l'adolescent.

    thierry Bnavids, psychomotricien, psychologue clinicienPr. au dp. de psychomotricit de la facult de mdecine Pierre et Marie Curie

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    La normalit comme concept statistique

    Conformment cette thorie, lhomme normal ( idal, par consquent ) est lhomme

    moyen, tel que dfini par la moyenne ou la tendance centrale de la distribution des donnes

    obtenues suite la mesure dun certain trait dans une population ( sous la forme dapplication

    de la courbe de Gauss la distribution de diffrentes donnes humaines, obtenues suite des

    mesures aussi bien biologiques que sociales ).

    Le fait de considrer la moyenne ou une autre mesure de la tendance centrale ( la

    mdiane et le mode ) comme dfinition de la normalit a beaucoup d'avantages :

    critre objectif de la normalit, indpendant de tout systme de valeurs.

    critre tabli ventuellement de manire empirique.

    Les dviations, dans l'une des directions ou dans l'autre, par rapport la tendance centrale

    sont, par dfinition statistique, anormales. Plus la dviation est grande, plus l'anormalit est

    grande.

    Une alternative est de considrer pour chaque situation particulire, en fonction d'une

    zone de variation compatible pour cette caractristique avec un fonctionnement adquat.

    C'est le cas, par exemple, d'une personne qui, avec un QI bas, peut fonctionner adquatement

    dans un environnement rural simple, mais qui fonctionne de manire inadquate dans un

    environnement urbain plus complexe qui requiert des comptences de type scolaire.

    Cependant, adquat et inadquat ne constituent pas des catgories qui s'excluent

    mutuellement. Le comportement d'une personne peut, en effet, tre plus ou moins adquat et

    exige un consensus. L'adquation peut tre considre comme l'absence de plaintes de la part

    de la personne en question et des membres de son entourage. Il s'agit, alors, d'une dfinition

    ngative, similaire la dfinition de la normalit comme absence de maladie.

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    D'autres difficults apparaissent lorsqu'on utilise cette approche. Pour beaucoup de

    caractristiques ou de traits humains, la moyenne peut tre considre comme normale et, par

    consquent, souhaitable. Ceci est le cas, par exemple, pour la taille ou l'agressivit. Les

    dviations dans les deux directions - trop d'agressivit ou trop peu d'agressivit, une taille trop

    grande ou, par contre, trop petite - peuvent tre considres comme anormales et, donc, non

    souhaitables. Il y a, cependant, d'autres traits, comme, notamment, l'intelligence, pour

    lesquels il serait absurde de considrer les deux extrmes comme anormaux.

    Le concept statistique de normalit engendre d'autres difficults. Parmi celles-ci, il y a le

    fait que, pour dcrire des humains, il est ncessaire de considrer plus d'une caractristique.

    Plus le nombre de ces caractristiques est grand, plus le pourcentage des personnes pour

    lesquelles les mesures des caractristiques choisies se situent dans la zone moyenne est faible.

    Dans ces conditions, il est ncessaire de considrer des profils de caractristiques et il faut

    dcider combien de caractristiques sont compatibles avec un profil normal.

    Dans un ouvrage trs connu, Le normal et le pathologique , Georges Canguilhem

    ( 1966 ) maintient une quivalence entre moyenne et norme. Il remplace, cependant, le cadre

    mtaphysique de la notion de norme par un cadre biologique : la norme nest plus la

    conformit une loi essentielle, mais la meilleure adaptation dun organisme son milieu

    extrieur. Dans un milieu physique et social donn, un comportement est plus frquent que

    d'autres, parce qu'il reprsente l'optimum fonctionnel des individus placs dans ce milieu.

    Chez Canguilhem, la moyenne est l'expression d'une normativit biologique.

    Le passage de la notion de normal celle de normatif constitue un rel progrs. Il permet,

    en effet, une meilleure comprhension de la maladie, somatique ou psychique, comme

    incapacit de sadapter des situations nouvelles et imprvues, comme fixation un ensemble

    de ractions limit, comme rduction de la capacit dadaptation.

    Une critique peut tre effectue sur plusieurs aspects de la thse de Canguilhem. On peut

    de se demander, par exemple, si la frquence statistique traduit, mieux que n'importe quel

    autre critre objectif, la normativit de l'tre vivant. Les phnomnes les plus frquents, en

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    biologie et en psychologie, ne sont pas les seuls tmoigner de la normativit de la vie. Un

    vnement biologique ou psychologique peut tre trs rare dans une population et constituer,

    cependant, un effort d'adaptation de l'organisme son environnement biologique et social.

    La normalit comme norme sociale

    Le fait de concevoir la normalit comme une norme sociale s'applique seulement la

    sant mentale et ne s'applique pas - ou, ne s'applique que de manire trs limite - la sant

    physique.

    La thorie de la norme sociale concerne la perception que des personnes ont de leurs

    rles, de leurs attentes concernant la manire dont les autres exercent leurs rles. La thorie de

    la norme sociale tient compte des croyances des membres de la socit, croyances qui peuvent

    tre en accord ou ne pas tre en accord avec le comportement modal objectif des personnes.

    Dans ce contexte, il faut distinguer la norme idale de la norme moyenne. Dans les

    socits qui accordent une grande valeur au conformisme, la norme moyenne, trs valorise,

    est considre comme un idal. Toute dviation, dans n'importe quelle direction est vite.

    Selon la thorie de la norme sociale, le comportement qui scarte de tout ce qui est conu

    comme un comportement modal est considr comme anormal, contre nature, rprhensible

    du point de vue moral et, mme, parfois, comme lexpression dune maladie.

    La normalit comme idal

    Le fait de concevoir la normalit comme un idal suppose, de manire similaire la

    conception de la normalit comme une moyenne, un continuum entre normalit et anormalit.

    Dans ce cas, ce continuum stend de lanormalit extrme la normalit idale, ou de la

    pathologie extrme la sant parfaite.

    Lorsqu'il s'agit de sant mentale, prs du ple de la pathologie extrme seront situs les

    cas psychotiques les plus svres, suivis des cas de psychonvroses et des cas de lgre

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    inadaptation qui incluent la majorit de la population. Les personnes bien adaptes de

    manire stable sont places sur ce continuum prs du ple de la normalit idale.

    L'idal en matire de sant mentale englobe diffrents aspects :

    une attitude positive et acceptante face soi,

    la ralisation de son potentiel,

    lintgration des fonctions psychologiques,

    lautonomie personnelle,

    une perception non distorsionne de la ralit et une matrise de lenvironnement.

    Un problme soulev par l'idal de sant mentale positive est celui du relativisme

    culturel.

    La normalit comme absence de maladie.

    Dans la pratique, cela signifie que la prvalence de la normalit dans une population

    donne peut tre tablie en calculant les taux dincidence et de prvalence des maladies.

    La notion dincidence fait rfrence la proportion de nouveaux cas apparus au

    cours dune priode de temps ( un an, par exemple ).

    La notion de prvalence concerne la proportion de la population ( souvent

    calcule en nombre de cas pour 100 000 personnes ) diagnostique comme

    souffrant dune maladie, au cours dune priode de temps ( une anne, par

    exemple ).

    En calculant les taux dincidence et de prvalence pour toutes les maladies, il est

    possible de dterminer la proportion de la population qui est malade et, mme, estimer la

    proportion de la population qui risque de devenir malade un moment donn de la vie.

    Nanmoins, les estimations de la normalit et de lanormalit bases sur la prvalence des

    maladies varient considrablement, indiquant labsence daccord quant aux critres

    diagnostiques.

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    Un aspect important lorsqu'on conoit la normalit en tant qu'absence de maladie est celui

    de la continuit/discontinuit entre maladie mentale et sant mentale.

    Selon le point de vue de la continuit, la maladie et la sant constituent un

    continuum qui partant de la normalit, se continue avec les psychonvroses lgres,

    les psychonvroses svres, les psychoses lgres et se termine avec les psychoses

    les plus svres.

    A l'oppos, nous trouvons l'approche discontinuit qui correspond un point de

    vue mdical, traditionnel. Des maladies comme la schizophrnie, la dpression et

    la nvrose obsessionnelle sont qualitativement diffrentes de l'tat de normalit ou

    de sant mentale.

    Le normal et le pathologique chez lenfant et ladolescent

    Plusieurs ouvrages parus dans les annes soixante rvlent la signification particulire des

    notions de normal et de pathologique dans le cas des enfants et des adolescents. Parmi ces

    ouvrages, deux se distinguent particulirement : un article, crit en 1967, par Diatkine et le

    volume labor par Anna Freud ( Le normal et le pathologique chez lenfant , 1968 ).

    Plus rcemment, dans leur abrg de Psychopathologie de lenfant , Ajuriaguerra et

    Marcelli ( 1982 ) soulignent que le normal et le pathologique ne doivent pas tre considrs

    comme deux tat distincts l'un de l'autre, qu'une frontire ou un large foss sparerait avec

    rigueur. Les champs du normal et du pathologique s'interpntrent : un enfant peut tre

    pathologiquement normal (comme dans le cas de l'hypermaturit des enfants de parents

    psychotiques, ou divorcs ou dans le cas des enfants conformistes ), tout comme il peut tre

    normalement pathologique ( phobies de la petite enfance, conduites de rupture de

    l'adolescence, etc. ). Et Ajuriaguerra et Marcelli concluent que raisonner conformment la

    dichotomie normal-pathologique n'offre pas un grand intrt en pdopsychiatrie. Ceci est trs

    vident lorsqu'on tient compte du fait que l'enfant est un tre en volution.

    Dans le prcis de Psychopathologie de ladolescence , Marcelli et Braconnier ( 1984 )

    montrent que plus qu' tout ge de la vie, la question du normal et du pathologique se pose

    avec acuit l'adolescence. En effet, les critres sur lesquels se fondent, la notion du normal

    ou du pathologique sont tous, ici, mis en chec : la norme statistique ou sociologique et la

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    normalit oppose la maladie. Dans ce contexte, le clinicien est, toutefois, appel

    rpondre la question si l'adolescent qu'il consulte deviendra un adulte normal ou s'enfoncera

    dans la pathologie. Widlcher ( 1978 ) refuse le partage entre les conduites qui seraient

    tmoins d'une pathologie ( conduite-symptme ) et les conduites qui seraient l'expression

    d'une psychologie normale (conduite - vcu). Il recommande de replacer toute conduite dans

    l'ensemble des conduites du sujet, en valuant l'harmonie, la fluidit de ces groupes de

    conduites ou, au contraire, leur dissonance, leur rigidit.

    En guise de brve conclusion

    La prsentation de quatre approches du concept de normalit - statistique, en tant que

    norme sociale, comme idal et comme absence de maladie - montre les grandes difficults que

    nous prouvons, encore, dans la dfinition de ce concept cl pour la psychopathologie et la

    psychologie clinique. Aucune des quatre approches voques n'est l'abri de critiques.

    Chacune apporte, toutefois, un clairage indispensable la comprhension de la normalit.

    En raison de changements dveloppementaux rapides et importants, la dichotomie normal -

    pathologique doit tre considre avec encore plus de prudence lorsquil s'agit d'enfants ou

    d'adolescents.

    LE NORMAL ET LE PATHOLOGIQUELa normalit comme concept statistiqueLa normalit comme norme socialeLa normalit comme idalLa normalit comme absence de maladie. Le normal et le pathologique chez lenfant et ladolescent En guise de brve conclusion