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1 Le pardon du consommateur : une étude sémantique Olivier MORRISSON Maître de Conférences, membre du NIMEC 3 rue Claude Bloch, CS 25160, 14 075 CAEN Cedex 05 Phone : 00 33 2.32.76.95.92 Mail : [email protected] Dominique CRIE Professeur des Universités IAE Lille : 104 avenue du Peuple Belge 59043 Lille Cedex Phone : 03 20 12 34 52 Mail : [email protected]

Le pardon du consommateur : une étude sémantique · 2016. 5. 30. · croyant : il représente un devoir religieux (Enright, Gassin et Wu, 1992). Ce pardon est néanmoins conditionnel

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Le pardon du consommateur : une étude sémantique

Olivier MORRISSON

Maître de Conférences, membre du NIMEC

3 rue Claude Bloch, CS 25160, 14 075 CAEN Cedex 05

Phone : 00 33 2.32.76.95.92

Mail : [email protected]

Dominique CRIE

Professeur des Universités

IAE Lille : 104 avenue du Peuple Belge

59043 Lille Cedex

Phone : 03 20 12 34 52

Mail : [email protected]

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Le pardon du consommateur : une étude sémantique

Résumé:

Dans cette étude nous présentons d’abord une synthèse des travaux consacrés au pardon dans différentes disciplines telles que la théologie, la philosophie, la psychologie et le management. Après avoir différencié le pardon de concepts proches, nous présentons les résultats d’une analyse sémantique réalisée grâce au Logiciel Tropes sur un échantillon de 38 entretiens semi-directifs de consommateurs.

Mots clefs : pardon, marketing relationnel, marketing des services, incident de service.

Abstract:

This study offers firstly a review of the researches devoted to forgiveness in various disciplines such as theology, philosophy and management. We distinguish between forgiveness and related concepts, then we present the results of a semantic analysis carried out with the Tropes software on a sample of 38 semi-structured interviews of customers.

Key Words : forgiveness, relational marketing, services marketing, service failure

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Introduction Les rencontres de service peuvent donner lieu à des interactions favorables ou défavorables entre les clients et les employés de service. Dans leur typologie des incidents de service Bitner, Booms et Tetreault (1990) ont identifié un certain nombre de situations pour lesquelles le consommateur se sentait offensé par le comportement d’un (ou des) employé(s) d’une entreprise de service. Dans une majorité d’incidents de service, le client n’éprouvait pas de tels sentiments.

Ces offenses telles qu’elles sont perçues par le consommateur représentent un enjeu pour les entreprises car les clients offensés peuvent adopter un comportement de bouche-à-oreille défavorable envers l’entreprise, un sentiment de rancune ou encore un comportement d’évitement envers l’entreprise.

Le pardon est un processus cognitif et affectif qui suit une transgression. En effet pour qu’une personne puisse pardonner, il faut d’abord qu’elle perçoive qu’elle a subi une offense. Thompson et al. (2005) définissent la transgression comme un événement que les personnes perçoivent comme violant leurs attentes ou leur présupposés concernant ce que les autres personnes (ou le monde) devraient être.

Dans un contexte où il est plus important pour les entreprises de fidéliser leurs clients actuels que d’en acquérir de nouveaux (Hart et al., 1990), il est vital pour elles de développer et de maintenir de bonnes relations avec leurs clients et de les pérenniser en cas d’incident.

En effet comme les relations humaines, les relations consommateurs-entreprise peuvent aussi être marquées par des incidents ou des évènements perçus comme défavorables par le client (Smith et al., 1999). Développer des relations peut également comporter des risques pour l’entreprise. Ainsi certaines études (par exemple, Gregoire et al., 2009) ont montré qu’après un incident de service ce sont les consommateurs les plus fidèles à l’entreprise qui sont susceptibles d’être les plus rancuniers. De plus ces clients fidèles ont tendance à continuer à éviter l’entreprise plus longtemps que les clients non ou peu fidèles. De façon parrallèle le développement de nouvelles technologies de l’information et de la communication a augmenté les possibilités d’expression des consommateurs se sentant offensés.

Cet article est structuré de la manière suivante. Le contexte de cette étude sera présenté puis suivi d’une revue de littérature consacrée au pardon. Nous nous intéresserons aux conceptions du pardon développées dans les grandes religions, en philosophie et en psychologie et nous essaierons de distinguer le concept du pardon des concepts qui lui sont proches. Dans la section méthodologie nous exposerons la mise en œuvre de notre large étude qualitative (38 entretiens semi-directifs). Enfin nous présenterons les résultats et les implications de cette étude.

Les objectifs de cet article sont doubles. Il s’agit d’abord d’établir une synthèse des travaux consacrés au pardon en théologie, en philosophie, en psychologie et dans les recherches inter-organisationnelles. Il s’agit ensuite d’identifier les principales dimensions du pardon pour les individus dans un contexte de relations commerciales (nous nous intéressons plus spécifiquement au pardon du client envers un employé ou bien un groupe d’employés d’une entreprise).

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I Revue de littérature sur le pardon Cette partie aborde les recherches menées en théologie, en philosophie et en psychologie sur le pardon.

I A Le pardon dans les religions

Le pardon dans le Judaïsme

Dans de nombreux récits de l’Ancien Testament, le pardon n’est pas perçu comme naturel. Les acteurs raisonnent plus dans une logique de vengeance que de pardon. Dans l’Ancien Testament l’accent est mis sur le pardon divin (Mullet, Terez et Leconte, 2009). Le pardon dans le judaïsme n’est pas une simple possibilité pour le croyant : il représente un devoir religieux (Enright, Gassin et Wu, 1992). Ce pardon est néanmoins conditionnel. La foi juive affirme que Dieu pardonne sur la base du repentir et que, de la même façon, les personnes doivent pardonner à leurs offenseurs lorsque ceux-ci se repentent (Dorf, 1998). Pour que la victime puisse pardonner, l’offenseur doit exprimer son repentir. Ce repentir se manifeste par trois éléments : les remords, l’excuse et une réparation (Schimmel, 2002). Il doit aussi se traduire par un changement de comportement de la part de l’offenseur. Si le repentir de l’offenseur est sincère et complet, la victime est dans l’obligation de pardonner. Dans la foi juive le pardon (« salah ») signifie que l’offense elle-même est effacée. Par le pardon les victimes effacent la transgression mais elles gardent le droit de prendre des précautions afin d’être certaines d’éviter une nouvelle offense similaire à la précédente. En pardonnant l’offenseur, la victime montre qu’elle est prête à poursuivre la relation (Dorf et al., 2010).

Le pardon dans le Christianisme

Dans la foi chrétienne il est nécessaire de pardonner à son offenseur afin de se faire pardonner de Dieu. Le Nouveau Testament est marqué par l’idée de la nécessité du pardon entre les hommes et par l’idée d’un pardon non conditionnel. Ce pardon non conditionnel est initié par Dieu qui décide de pardonner à l’homme son péché et d’annuler la dette qu’il a envers lui (Lalonde, 2009).

Dans le christianisme le pardon est un acte proactif par lequel le croyant participe à la mission de Dieu. Le pardon interpersonnel chrétien est inconditionnel dans la mesure où il est à l’image de la miséricorde de Dieu envers les hommes et leurs péchés et aussi parce qu’il repose sur l’hypothèse que, après le délit, l’offenseur va se repentir et changer de comportement (Horsfield, 2003). La question de la responsabilité de l’offenseur – est évoquée dans les Évangiles – « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 24). Cette parole justifie la nécessité de pardonner pour la victime compte tenu du fait que l’offenseur n’est pas conscient de la gravité de ses actes.

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Le pardon dans l’Islam

Comme dans le christianisme les croyants qui veulent être pardonnés par les autres et par Dieu doivent apprendre à pardonner pour les offenses qu’ils ont subies. Le pardon est important dans l’Islam pour deux raisons. Dans la vie après la mort, il permet d’obtenir plus facilement le pardon de Dieu. Dans la vie présente sur Terre, il permet de vivre en étant plus heureux (Connery, 2002).

I B Le pardon en philosophie

Pour Kurzinsky (1998) le pardon est une vertu qui permet à l’homme de mieux réagir aux émotions négatives générées par des dilemmes moraux tels que la trahison, la malhonnêteté, la tricherie ou bien l’escroquerie. Une vertu est une qualité qui dispose une personne à faire le bien d’une manière naturelle (Kurzinsky, 1998). Mais au-delà de cette effet individuel, notre attitude vis-à-vis du pardon affecte en partie les relations interpersonnelles, aussi bien au niveau personnel qu’international (Holmgren, 1993). Le pardon s’inscrit en ce cas dans la perspective de la réconciliation car il permet à l’offenseur de retrouver l’accord avec la communauté. Il s’agit alors d’une réconciliation qui ne touche pas seulement l’offenseur et la victime mais plus largement l’offenseur et la société en général (Benn, 1996).

Lorsque l’offenseur présente ses excuses et qu’il reçoit le pardon, ceci peut être considéré comme un rituel par lequel l’offenseur rejoint la communauté morale. Cette réintégration est possible parce qu’il reconnaît sa faute et qu’il adopte le point de vue de la victime et celui de la communauté. Dans cette conception, il existe un lien moral et social entre l’offenseur et la communauté et l’aspect interpersonnel du pardon compte plus que l’aspect intrapersonnel.

Pardonner ne signifie pas qu’on renonce à la justice (North, 1987). Le pardon n’est pas un substitut de la justice ; il libère l’individu de l’enchainement vers l’hostilité et la haine. Selon Hegel seul le pardon peut mettre fin au cycle de la méfiance et de la haine. En définissant ainsi le pardon : ” Forgiveness is a matter of a willed change of heart, the successful result of an active endeavor to replace bad thoughts with good, bitterness and anger with compassion and affection ”, North (1987) (p. 506) souligne deux caractéristiques de l’affect de la victime qui pardonne : une disparition de l’affect négatif (ressentiment, colère etc.) et la présence d’affects positifs envers l’offenseur (compassion, amour etc.). Mais le pardon est un processus qui peut prendre du temps (Smedes, 1984). D’autres auteurs se contentent de définir le pardon simplement comme la capacité de la victime à prendre la décision de pardonner (Nesbett, 1974). Ceci implique que la victime a décidé de mettre fin à sa colère et à son ressentiment envers l’agresseur (Baskin et Enright, 2004).

I C Le pardon en psychologie

Les différentes approches du pardon issues soit de la psychologie sociale soit de la gestion des ressources humaines sont examinées ici. Les études menées en psychologie se caractérisent par une grande diversité. Dans certains cas l’approche

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adoptée est motivationnelle (Mc Cullough et al., 1998), dans d’autres, elle est non motivationnelle (Sells et Hargrave, 1998). Les modèles de pardon peuvent être classés en quatre catégories : les modèles typographiques, les modèles d’étapes liés à la tâche (task-stage models), les modèles fondés sur la personnalité et la psychopathologie et enfin les modèles développementaux (Kaminer et al., 2000). Les modèles typographiques (Trainer, 1981, Veenstra, 1992) identifient les différents types de pardon selon leurs caractéristiques.

Les modèles d’étapes du pardon décrivent les différentes étapes par lesquelles passe une personne pour arriver au vrai pardon. Un certain nombre d’étapes du processus du pardon sont communs à ces différents modèles : la victime doit reconnaître qu’elle a subi une offense, cette offense déclenche une relation affective chez elle puis suit la décision de pardonner ou de ne pas pardonner l’offenseur. Ce processus du pardon, qui comprend différentes étapes, peut s’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années (Sells et Hargrave, 1998). Ces modèles reconnaissent qu’il existe un ordre séquentiel dans le processus de pardon (Mc Cullough et al., 1997). Mc Cullough et al (1997) ont proposé une analyse des chemins (path analysis) pour montrer la séquence théorique d’évènements qui conduisent au pardon.

Les modèles de pardon fondé sur la personnalité s’appuient sur des théories psycho-analytiques (Brandsma, 1982), des théories cognitives ou la théorie des systèmes familiaux (family systems theory, Harrgrave, 1994,). La plupart de ces modèles sont de nature psychodynamique et donnent peu d’informations sur les facteurs sociaux ou interpersonnels qui facilitent ou qui freinent le pardon (Kaminer et al, 2000). Dans ces modèles le processus de pardon résulte de la prise en compte par la victime à la fois de la colère et des émotions négatives ressenties ainsi que de l’évaluation des qualités et des motivations de l’offenseur. Comme ces modèles négligent le rôle des facteurs contextuels et relationnels, ils ont tendance à réduire le pardon à un phénomène intrapsychique.

Les modèles développementaux ont été élaborés par Enright (1991), Coyle et Enright (1997) et Subkoviak et al. (1995). Ces modèles prennent en compte des facteurs individuels tels que la religiosité ainsi que des facteurs sociaux tels que l’arrière-plan culturel. Ils intègrent également des facteurs comme le temps ou la proximité entre l’agresseur et la victime. Ces modèles ont été testés dans des contextes de relations interpersonnelles proches (par exemple dans le cas de relations de couple et non dans le cadre de situations dans lesquelles les personnes ne se connaissaient pas auparavant comme par exemple dans le cas de délits).

1 D le pardon en management

Le pardon a fait également l’objet d’études en management même si les chercheurs ont accordé beaucoup plus d’attention au comportement de vengeance qu’au pardon (Bradfield et Aquino, 1999, Palanski, 2012). Le pardon représente sans doute un enjeu fort pour les entreprises. Par exemple, en matière organisationnelle, le pardon a une influence positive sur la confiance et la fidélité envers le responsable, la satisfaction avec le style de supervision, la qualité de la relation et l’engagement

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organisationnel affectif (Basford et al., 2014). L’absence de pardon conduit au ressentiment, à une baisse de productivité (Davidhizar et Laurent, 2000) et à une perte d’intérêt des employés pour le bien commun de l’entreprise (Kurzynski, 1998). Le pardon incite les employés à être plus engagés et à percevoir l’organisation comme étant une véritable communauté de personnes (Stone, 2002). Aquino et al. (2003, p 212) définissent le pardon dans l’organisation comme un processus selon lequel un employé qui se perçoit comme ayant été la cible d’une offense insultante d’un point de vue moral essaye délibérément de a) dépasser ses émotions négatives envers l’offenseur (par exemple, le ressentiment, la colère et l’hostilité), b) s’abstenir de se venger de son offenseur même s’il croit qu’il en a moralement le droit (“Interpersonal workplace forgiveness is a process whereby an employee who perceives himself or herself to have been the target of a morally injurious offense deliberately attempts to (a) overcome negative emotions (e.g., resentment, anger, hostility) toward his or her offender and (b) refrain from causing the offender harm even when he or she believes it is morally justifiable to do so. (p. 212)”. I E La définition du pardon et les concepts proches

L’objectif de cette sous partie est de présenter les concepts proches du pardon tout en s’en différenciant. Par conséquent nous exposons d’abord les différences qui existent entre le pardon, et la tolérance de l’offense (« condoning »), l’excuse, l’indulgence, l’oubli, la justice et enfin l’exonération de la faute. Nous présenterons ensuite les principales définitions du pardon en psychologie.

Enright et Kittle (1999) font ainsi la différence entre pardonner et tolérer une offense (« condoning »). En effet lorsque les personnes tolèrent une offense, elles ne perçoivent pas l’acte comme étant vraiment blessant ou préjudiciable pour elles. Par cette tolérance, on reconnaît que l’acte est mauvais d’un point de vue moral mais en raison de sa gravité limitée, on pense qu’il n’est pas besoin de pardonner (McCullough, Sandage, & Worthington, 1997). La victime peut aussi tolérer l’offense lorsqu’elle perçoit que l’agresseur avait une raison de la commettre. Au contraire, lorsqu’une victime pardonne à son offenseur il faut d’abord qu’elle perçoive qu’elle a subi un préjudice et ensuite qu’elle décide en toute conscience de libérer l’offenseur de la dette liée à l’offense (Exline et Baumeister, 2000). En exerçant la tolérance, la victime considère que l’offenseur n’a pas de dette envers elle.

Il est nécessaire de distinguer le pardon de l’indulgence . L’indulgence représente « un état de tolérance ou de réaction modérée face à une transgression » (Mc Cullough, Fincham et Tsang, 2003, p. 542). La victime fait preuve d’indulgence envers l’agresseur lorsqu’elle renonce à tenter de le punir ou bien lorsqu’elle réduit l’ampleur de sa vengeance.

Le pardon est aussi différent de l’excuse . Le verbe excuser vient du latin « excusare », qui signifie libérer quelqu’un du blâme (Oxford Dictionary), mettre hors de cause (Littré). Lorsqu’une victime excuse l’offenseur, elle reconnaît qu’une offense a eu lieu mais elle estime que l’offenseur n’a pas une responsabilité complète pour l’acte (Worthington et Wade, 1999). Pour expliquer pourquoi il a commis une offense malgré lui, l’offenseur invoque une cause externe ou bien des

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circonstances atténuantes (Mc Cullough, 2001). Dans l’excuse qu’il présente à la victime, il souligne le manque d’intention, l’absence de préméditation ou de volonté de commettre une faute (Tedeschi and Reiss, 1981). En présentant une excuse l’offenseur cherche à démontrer que la décision était inévitable en raison de certaines causes externes (Shaw, J. C., Wild, E., & Colquitt, J. A., 2003). Dans certains cas les excuses peuvent être perçues comme étant idiotes ou bien inopportunes lorsqu’elles sont présentées par l’offenseur. Si une victime excuse l’offenseur au lieu de le pardonner, elle court le risque que l’offenseur répète son acte (Worthington, 2006). Selon Bies (1987) les excuses représentent des comptes causaux ou des comptes d’atténuation alors que les justifications représentent des comptes idéologiques ou des comptes exonérants. Les personnes acceptent plus facilement les excuses (ou comptes causaux) que les justifications (ou comptes idéologiques) (Shaw, Wild et Colquitt, 2003). Au contraire lorsque l’offenseur demande pardon à la victime, il reconnaît qu’une faute ou un acte inacceptable a été commis et qu’il est entièrement responsable de cette faute. Il peut éventuellement proposer une réparation à la victime. La demande de pardon (désignée par le terme anglais de « apology ») présente deux caractéristiques spécifiques : une expression d’un remords sincère et l’acceptation de la responsabilité pour la faute commise (Worthington, 2006).

Le pardon est différent de la justice même si l’acte de pardonner et la recherche de la justice peuvent avoir lieu simultanément. En effet la justice implique la recherche d’un équilibre ou d’une réciprocité entre la victime et l’offenseur : l’existence d’un préjudice pour la victime entraîne obligatoirement une punition et/ou une réparation pour l’offenseur. Au contraire le pardon constitue un don inconditionnel accordé par la victime à son offenseur même si ce dernier ne le mérite pas (Enright, Gassin et Wu, 1992). Mais pardon et justice peuvent coexister dans la mesure où le pardon ne signifie pas que l’agresseur doit être libéré des conséquences de ses actions (Thompson et al., 2005 ; Enright et al., 1992).

Le pardon diffère aussi de l’oubli . Pardonner ne consiste pas à oublier le préjudice qui a été subi mais au contraire à rester conscient de l’offense mais à se libérer de la colère et du ressentiment envers l’offenseur ainsi que d’abandonner ses intentions de vengeance (Elizondo, 1986).

Pardon et non pardon sont liés mais représentent néanmoins des variables distinctes. Dans le cas du non-pardon la victime ressent une émotion froide composée de ressentiment, d’amertume et parfois même de haine et se trouve motivée soit à éviter soit à prendre sa revanche sur l’agresseur (Worthington et Wade, 1999). Certains auteurs comme Exline et al. (2003) et Worthington et al. (2007) supposent que le non pardon est proportionnel à la gravité de l’injustice subie par la victime.

Pardonner une personne et exonérer ou disculper une personne sont des actes différents. Lorsqu’une personne pardonne à son agresseur elle essaye de restaurer et de reconstruire une relation affective et de confiance avec son agresseur tout en reconnaissant sa responsabilité (Hargrave, 1994b). En revanche, lorsqu’elle l’exonère de sa faute ou qu’elle le disculpe elle essaye de réduire la charge de la culpabilité de l’agresseur (Hargrave, 1994a).

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Le pardon est différent de la résilience . La résilience représente la capacité qu’à une personne de se remettre d’une mauvaise expérience et de grandes adversités (Yehuda et al., 2006). La résilience comme le pardon est un processus qui est déclenché après une situation de stress (Herrick et al., 2006). Mais la résilience ne peut apparaitre qu’après une situation de grande adversité ce qui n’est pas nécessairement le cas pour le pardon. En outre les mécanismes de la résilience et du pardon sont différents : la résilience fait référence à la capacité d’une personne de développer des mécanismes de résistance et de survie suite à un choc traumatique ou à un environnement défavorable.

Plusieurs psychologues ont formulé des définitions du pardon (voir annexe 1). Les définitions du pardon les plus souvent citées en psychologie sont celle d’Enright et al. (1992) et celle de Mc Cullough et al. (1998). Enright et al. (1992, p . 101) définit le pardon de la manière suivante : “one who is deeply hurt by another often fights against the other (even if only in feelings and thought toward the other); as the injured party ceases fighting against the other and gives him or her the unconditional gift of acceptance as a human being, the former is said to be forgiving” ( quelqu’un qui est durement blessé par une autre personne, se bat souvent contre elle (même si c’est uniquement à travers des sentiments et des pensées), lorsque la partie offensée cesse de combattre contre l’autre partie et lui accorde le don inconditionnel de l’acceptation comme un être humain, on dit que celle-ci a pardonné ». Selon cette définition le fait de pardonner son offenseur implique que la partie offensée remplace ses émotions négatives initiales par des émotions positives. Mc Cullough et ses collègues (1998) inscrivent le pardon dans une perspective motivationnelle. Ils définissent le pardon comme « un changement pro-social intra-personnel envers un offenseur perçu dans un contexte interpersonnel » (« Forgiveness is an intra-individual, pro-social change toward a perceived transgressor that is situated in an interpersonal context »).

Ces différentes définitions du pardon partagent certaines caractéristiques communes. D’abord la victime doit percevoir qu’elle a subi une offense. Ensuite le pardon implique un changement d’attitude et de comportement envers l’offenseur.

II Méthodologie de l’étude qualitative sur le pardo n

Cette recherche exploratoire s’appuie sur deux collectes de données réalisées au moyen d’entretiens en face-à-face semi-directifs. Les entretiens duraient entre 30 et 60 minutes et ont été intégralement retranscrits. Au début de l’entretien, il était demandé à la personne interrogée d’évoquer une expérience d’incident de service (ou dans le cadre de la distribution) lors de laquelle elle s’était sentie personnellement offensée.

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La première collecte de données visait à identifier le contenu du pardon pour les consommateurs. Nous avons utilisé un échantillon de convenance composé de 25 personnes. Nous avons laissé les répondants évoquer le déroulement de l’incident et leurs réactions par rapport aux actions mises en œuvre par l’entreprise. Le guide d’entretien figure dans l’annexe 2. Les principaux thèmes abordés étaient les suivants : les émotions ressenties, le pardon ou le maintien d’une attitude défavorable à l’entreprise et la poursuite de la relation avec l’entreprise. Pour des raisons de clarté nous identifions chaque personne interrogée par un numéro.

La seconde collecte de données avait pour objectif de mieux comprendre les mécanismes mis en œuvre par les consommateurs pour pouvoir pardonner suite à une offense. Nous avons utilisé un échantillon de convenance composé de 13 personnes. Nous avons veillé à avoir une certaine diversité de profils pour augmenter le potentiel exploratoire de cette étude. Les services cités par les personnes concernaient les services de transport, de téléphonie mobile, de restauration et enfin de distribution. Les services les plus fréquemment cités étaient ceux de la téléphonie mobile.

Nous avons réalisé des analyses lexicales, et thématiques de ces entretiens à l’aide du logiciel TROPES.

Ces analyses nous ont permis de mieux comprendre quelles sont les dimensions perçues du pardon par les personnes interrogées. L’intérêt de ce logiciel est de pouvoir identifier les associations fortes entre des éléments des verbatims des personnes interrogées. Les analyses réalisées ont permis d’identifier les associations entre les éléments des discours des répondants.

Nous avons aussi effectué des analyses sémantiques. Nous avons notamment créé grâce à TROPES des univers lexicaux qui correspondent aux thématiques développées par les répondants. Ces analyses nous ont permis d’identifier les mécanismes mis en œuvre par les clients qui pardonnent au fournisseur de service après une offense.

III Les résultats des analyses qualitatives menées Pour mener l’analyse lexicale nous avons identifié cinq univers principaux représentatifs des thèmes liés au pardon dans un contexte commercial. Ces cinq univers sont les antécédents du pardon, les dimensions du pardon, les freins au pardon et les conséquences du pardon. Au sein des conséquences du pardon nous distinguons les conséquences positives du pardon des conséquences négatives. Les verbatim liés à chacun de ces univers sont présentés dans l’annexe 3.

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1 L’univers « Les antécédents du pardon »

Les consommateurs interrogés soulignent fréquemment que leur pardon est conditionné à la mise en œuvre par l’entreprise de mesures afin de réparer le préjudice subi. Les termes les plus souvent cités par les répondants sont les excuses (120 occurrences), les efforts (101 occurrences), le remboursement (115 occurrences), les gestes au sens de gestes commerciaux (79 occurrences) et l’ écoute (56 occurrences). Les fréquences élevées des mots remboursement et réparation soulignent l’importance de la mise en œuvre de ces éléments pour que le consommateur puisse pardonner : « Quand on a un problème avec un service, on est censé être remboursé dans la totalité du service, ou au moins toutes les compensations, voire même parfois de façon supérieure en fonction du désagrément ….. quand vraiment on a un gros désagrément, on attend un remboursement », « si ils font un geste je suis enclin à mieux les percevoir et puis à continuer avec eux ».

Antécédents du pardon Rang Occurrence Pourcentage excuse 120 22,4% rembourser 115 21,5% effort 101 18,8% geste (commercial) 79 14,7% écoute 56 10,4% contexte 35 6,5% réparation 15 2,8% contrainte 6 1,1% écouter 6 1,1% impersonnel 3 0,6% TOTAL 536 100,0% Tableau 1 : Analyse fréquentielle des occurrences p our l’univers des antécédents du pardon

L’analyse effectuée grâce à Tropes a permis de regrouper les associations entre les mots de l’univers des antécédents du pardon. Comme le montre la figure 1 ci-dessous l’univers des antécédents a une quinzaine d’antécédents forts. Parmi ces antécédents on retrouve des termes tels que les explications, les demandes ou encore les remboursements.

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Figure 1 : Association thématique dans l’univers « les antécédents du pardon »

2 L’univers « Les dimensions du pardon »

Le pardon représente le changement d’attitude, de sentiment et de comportement de la victime envers son offenseur (Enright et al., 1996, Mc Cullough et al., 1997). Dans cet univers nous avons regroupé les termes qui font référence à ce changement d’attitude et de comportement envers l’offenseur. Des variables telles que la confiance et l’empathie facilitent ce changement d’attitude et de comportement.

Univers dimensions du pardon Rang Occurrence Pourcentage confiance 117 67,6% Affect 19 11,0% Oublier 17 9,8% Aimer 15 8,7% Effacer 5 2,9% TOTAL 173 100,0% Tableau 2 : Analyse fréquentielle des occurrences p our l’univers les dimensions du pardon

Les mots cités par les répondants font référence à des actions mises en œuvre par la victime(faire confiance, aimer, oublier, éprouver un affect). Ces mots montrent que le pardon du client est essentiellement un processus psychologique intrapersonnel.

Certains auteurs comme North (1987) et Enright et al. (1996) soulignent l’importance de la dimension affective dans le processus du pardon. Certains répondants citent cette dimension affective comme caractéristique du pardon : « oui mais encore une fois, encore une fois on peut parler de pardon là où il y avait cette relation affective ». Le pardon ne s’inscrit pas seulement dans la perspective d’une relation matérielle entre la victime et son offenseur mais également dans une perspective affective.

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L’amour et l’empathie aident la victime à pardonner l’offense à son agresseur (Enright et al., 1992, Enright et Coyle, 1998).

La justice et le pardon sont deux processus déclenchés par l’offense mais ils sont distincts pour la victime (Kaminer, 2000). Lorsqu’une offense grave et intentionnelle survient la victime peut désirer la mise en œuvre d’une justice rétributive (Darley et Pittman, 2003) ou d’une justice restaurative (Wiltvliet et al., 2008). La justice rétributive consiste à se concentrer sur la punition qui va être mise en œuvre contre l’offenseur alors que la justice restaurative consiste considérer l’offenseur comme étant responsable pour son acte à lui demander de réparer le préjudice lié à son offense. Witlvliet et al. (2008) notent que la mise en œuvre de la justice restaurative permet de réduire le non-pardon et qu’elle a un effet positif sur le pardon de la victime.

Certains répondants conditionnent le pardon à la mise en œuvre d’une réparation alors que d’autres conditionnent le pardon simplement à la reconnaissance de la responsabilité pour l’offense. « Je vais pas perdre mon temps encore une fois à utiliser de l'énergie pour pardonner à une marque Oui déjà des excuses et, surtout, ça serait des, des réparations quoi, des avoirs, n'importe quoi, selon le produit. Ce serait plus un geste commercial qu'autre chose ». Pour ces personnes il est fondamental que l’injustice déclenchée par l’offense soit réduite (ou bien même supprimée) afin qu’ils puissent pouvoir pardonner. Au contraire d’autres répondants ne demandent pas nécessairement la mise en œuvre d’une réparation matérielle mais conditionnent leur pardon simplement à la présentation d’excuses par l’offenseur et la reconnaissance de la faute pour l’offense : « en reconnaissant les faits sans pour autant réclamer une réparation c'est-à-dire que le pardon est donné ».

3 L’univers « Les freins au pardon »

L’univers des freins au pardon est caractérisé par un vocabulaire lié à la perception de l’offense par le client (déception, trahison). Il comprend aussi des caractéristiques personnelles du répondant qui rendent le pardon plus difficile (par exemple, rancunier) : « s’il n'y a pas de considération du client, en face, je suis totalement rancunier par rapport à la marque,.. ».

La trahison d’une promesse a été identifiée comme une variable qui rend le pardon plus difficile (Finkel et al., 2002) : « Oui, je ne vois pas trop l'intérêt après une telle trahison de pardonner, à la personne ».

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Univers freins au pardon Rang Occurrence Pourcentage déception 23 35,4% Trahison 14 21,5% rancunier 10 15,4% Trahir 6 9,2% mensonge 6 9,2% Menti 5 7,7% Déçu 1 1,5% TOTAL 65 100,0% Tableau 3 : Analyse fréquentielle des occurrences p our l’univers des freins du pardon

4 L’univers « Pardon et réconciliation »

Le registre lexical de cette thématique fait référence à la réconciliation et à la poursuite de la relation avec le fournisseur malgré l’offense qui a eu lieu. Dans ce corpus le terme « relation » est cité extrêmement fréquemment par les personnes interrogées (182 occurrences). Il est parfois associé à la confiance et à la proximité (14 occurrences).

La relation passée influence la décision de la victime de choisir de pardonner l’offense : « c’est l'historique des relations avant qui joue cad que quand il y a une longue relation de confiance c'est pas les mêmes relations par rapport au même type d'incident », « tu ne peux pas pardonner s'il n'y a pas une certaine qualité de relation », « le pardon c'est une nouvelle configuration de la relation ». Ces verbatim soulignent que l’existence d’une relation de confiance peut permettre à la victime de pardonner plus rapidement l’offense et donc favoriser la réconciliation.

Univers pardon et réconciliation Rang Occurrence Pourcentage

Relation 182 71,9% Rester 28 5,5% Considération 14 5,5% Proximité 14 5,5% Respect 9 3,6% Revoir 4 1,6% Repasser 2 0,8% TOTAL 253 100,0% Tableau 4 : Analyse fréquentielle des occurrences p our l’univers du pardon et

de la réconciliation

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Le modèle de l’investissement de Rusbult (1980) suppose que l’engagement d’une personne envers une autre personne est influencé par trois facteurs. Ces facteurs sont le niveau de satisfaction par rapport à la relation, le niveau des investissements réalisés dans la relation et la qualité des alternatives. La satisfaction par rapport à la relation dépend des bénéfices pour le client et des coûts liés à cette relation. L’engagement influence la volonté de la personne de rester dans la relation (Finkel et al, 2002). Plus le client perçoit qu’il y a peu voire pas d’alternatives disponibles au fournisseur actuel, plus il sera enclin à pardonner afin de pouvoir maintenir la relation avec le fournisseur : « le bon coin à la base c’est un site qui est vraiment dédié au grand public, tout le monde peut faire ce qu’il veut ça parait correct ». L’importance de la relation est confirmée par la fréquence élevée de ce mot dans les interviews. Il faut noter en outre que le consommateur peut inclure dans son niveau de satisfaction non seulement les interactions passées mais également les interactions bénéfiques qui pourraient avoir lieu dans l’avenir. Au contraire si le client est déjà insatisfait de la relation avant l’offense et/ou s’il perçoit qu’il existe des alternatives intéressantes et facilement disponibles, alors il ne souhaitera pas maintenir la relation avec le fournisseur et il ne sera pas motivé pour lui pardonner.

Le client prend en compte la qualité des interactions entre lui et le fournisseur de service et la considération que les employés lui accordent : « Quand je n’étais pas satisfaite, j’ai toujours eu une réponse intelligente, on m’a proposé des échanges. Donc la relation, là, est vraiment humaine et c’est toujours avec plaisir que j’y vais ». Cette qualité des interactions influence la volonté de poursuivre une relation après une situation d’offense.

5 L’univers « Pardon et comportement d’évitement du fournisseur »

L’univers du comportement d’évitement du fournisseur de la part du client est marqué par la volonté d’une part de cesser la relation avec l’entreprise et d’autre part de s’engager dans un comportement de bouche-à-oreille défavorable (arrêter (22 occurrences), éviter (16 occurrences), mauvaise publicité (21 occurrences) envers l’entreprise tant que le client n’a pas pardonné à celle-ci. Ce bouche-à-oreille défavorable peut avoir également lieu sur les réseaux sociaux (twitter (8 occurrences)). Le verbatim suivant illustre l’utilisation du bouche-à-oreille défavorable par le client victime afin de se venger d’un fournisseur suite à une offense : « je pense que je ne ferai pas forcément bonne publicité à l'entreprise en question si ». L’absence de pardon peut se traduire par le développement d’une attitude de méfiance envers le fournisseur : « la prochaine fois qu’on aura un nouveau produit à racheter, ou à… le même type de produit ou un autre produit dans cette marque, on sera méfiant ».

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Univers pardon et évitement Rang Occurrence Pourcentage Arrête 22 26,8% Publicité 21 25,6% Eviter 16 19,5% Tweeter 8 9,8% Rupture 6 7,3% déconseille 5 6,1% vengeance 3 3,7% Rompre 1 1,2% TOTAL 82 100,0% Tableau 5 : Analyse fréquentielle des occurrences p our l’univers du pardon et

de l’évitement

Conclusion

L’analyse qualitative des entretiens montre que le pardon du client est essentiellement un processus intrapersonnel : le client prend la décision de pardonner l’offense en prenant en compte un certain nombre de facteurs tels que la qualité de la relation, les efforts mis en œuvre par les employés ou encore la disponibilité d’offres alternatives. Le pardon présente à la fois une dimension cognitive et une dimension affective. Au contraire la réconciliation est un comportement externe qui comprend l’offenseur : le client continue d’interagir avec le fournisseur ; parfois la relation sera modifiée après l’offense.

Le pardon dans le domaine commercial a une force plus faible que le pardon dans le domaine de la psychologie comme cela a été souligné à plusieurs reprises par les personnes interrogées. Les nombreuses citations liées aux termes de remboursement et de la réparation montrent que, dans le domaine commercial, la dimension matérielle du pardon est importante.

Les offenses et les incidents sont inévitables dans les relations entre clients et entreprises. Mais les fournisseurs de service peuvent favoriser l’émergence de contextes dans lequel le consommateur pardonnera plus facilement. Ils ont notamment intérêt à développer et à maintenir des relations à long terme avec leurs clients afin de favoriser le pardon. Ils doivent adopter ce comportement pour deux raisons. D’abord lorsque les clients prennent la décision de pardonner et de maintenir une relation avec un fournisseur, ils prennent en compte les bénéfices passés de la relation. Par conséquent face à une même situation d’offense la victime pardonnera plus facilement se réconciliera plus fréquemment si elle est dans le cas

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d’une relation de long terme avec son fournisseur que si elle est dans le cas d’une relation plus ponctuelle. De même les effets positifs des excuses et de la reconnaissance de la responsabilité sur l’intention de pardonner sont beaucoup plus forts lorsqu’il existe une relation de long terme avec le fournisseur que lorsque le client est simplement dans un échange ponctuel avec un fournisseur (Hodgins et Liebeskind, 2003, Brown, 2005). Le développement des relations entre les clients et les fournisseurs favorise l’apparition de la confiance. Les clients pardonnent plus facilement en situation de confiance envers le fournisseur.

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Annexe 1 Tableau Les définitions du pardon

Auteur Année Discipline Conception du pardon Référence

Petit robert, dictionnaire

tenir une offense pour non avenue, renoncer à en tirer vengeance

Arendt 1961 Philosophie la seule réaction qui ne réagisse pas tout simplement mais agisse de manière neuve et inattendue, sans être conditionnée par l’acte qui l’a provoquée et qui, par conséquent, libère de ses conséquences à la fois celui qui pardonne et celui qui est pardonné (p 271)

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Baumeister 1998 Psychologie Thus forgiveness can be conceptualized at two different levels. This chapter will treat

BaumeisterR, .E, Exline, J.J.,

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R, .E, Exline, J.J., & Sommer,K .L.

them as two dimensions of forgiveness : (1) the inner intrapsychic dimension involving the victim’s emotional state (and the cognitive and behavioral accompaniments, and (2) the interpersonal dimensions involving the ongoing relationship within wich forgiveness takes place or fails to do so.

& Sommer,K .L. (1998). The victim role, grudge theory, and two dimensions of forgiveness. In E.L. WorthingtonJ, r. (Ed.), Dimensions of forgiveness (pp. 79-104). Philadelphia: Templeton Foundation Press.

McCullough, M. E., Worthington Jr., E. L., & Rachal, K. C

1997 Psychologie “the set of motivational changes whereby one becomes decreasingly motivated to retaliate against an offending partner, decreasingly motivated to maintain estrangement from the offender, and increasingly motivated by conciliation and goodwill toward the offender, despite the offender’s hurtful actions” (p. 321-322)

Forgiving is a motivational transformation that inclines people to inhibit relationship-destructive responses and to behave constructively toward someone who has behaved destructively toward them.

McCullough, M. E., Worthington Jr., E. L., & Rachal, K. C. (1997). Interpersonal forgiving in close relationships. Journal of Personality and Social Psychology. 73(2), 321-336.

McCullough, Pargament, & Thoresen

2000 Psychologie « Forgiveness is an intra-individual, pro-social change toward a perceived transgressor that is situated in an interpersonal context »

McCullough, M. E., Pargament, K. I., & Thoresen, C. E. (Eds.). (2000). Forgiveness: Theory, Research, and Practice. New York: Guilford Press.

Enright, R. D., Gassin, E. A., & Wu, C.

1992 Psychologie “the overcoming of negative affect and judgment toward the offender, not by denying ourselves the right to such affect and judgment, but by endeavoring to view the offender with compassion, benevolence, and love while recognizing that he/she has abandoned the right to them”.

Forgiveness: a developmental view. Journal of Moral Education. 21(2), 99-114.

Définition du pardon en 11 points

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Enright & Human Development Study Group

1996 Psychologie “a willingness to abandon one’s right to resentment, condemnation, and subtle revenge toward an offender who acts unjustly, while fostering the undeserved qualities of compassion, generosity, and even love toward him/her” (p. 108)

Enright, R. D., & Human Development Study Group. (1996). Counseling within the forgiveness triad: On forgiving, receiving forgiveness, and self-forgiveness. Counseling and Values, 40, 107–122.

Enright & the Human Development Study Group

1991 Psychologie “Interpersonal forgiveness is defined as an unjustly hurt person’s act of deliberately giving up resentment toward an offender while fostering the undeserved qualities of beneficence and compassion toward that offender”

Enright, R. D., and the Human Development Study Group. (1991), The moral development of forgiveness. In W. Kurtines & J. Gewirtz (Eds.), Handbook of moral behavior and development, (Vol. 1, pp. 123-152). Hillsdale NJ: Erlbaum.

Hargrave 1994 Psychologie “Forgiveness is defined as effort in restoring love and trustworthiness to relationships so that victims and victimizers can put an end to destructive entitlement”.

Hargrave, T. D. (1994). Families and forgiveness: A theoretical and therapeutic framework. The Family Journal, 2, 339–348.

Worthington Jr., E. L., & Wade, N. G.

1999 Psychologie Forgiveness—“a victim’s internal choice (either unconscious or deliberate) to relinquish unforgiveness and to seek reconciliation with the offender if safe, prudent, and possible to do so.”

The psychology of unforgiveness and forgiveness and implications for clinical practice. Journal of Social and Clinical Psychology, 18(4), 385-418.

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Pargament 1997 Psychologie Forgiveness is a process of re-creation a transformational method of coping, often religious in nature, that involves a basic shift in destinations and pathways in living. Through this process, the individual departs from a life centered on pain and injustice and begins to pursue a dream of peace. Toward this end the person starts to think, feel, and act in very different ways about him- or herself, the offender, and the world more generally, (p. 303)

Pargament, B. B. (1997). The psychology of religion and coping: Theory, research, and practice. New York: Guilford.

Rye & Pargament,

2002 Psychologie “letting go of negative affect (e.g., hostility), negative cognitions (e.g., thoughts of revenge), and negative behavior (e.g., verbal aggression) in response to considerable injustice, which also may involve responding positively toward the offender” (p. 419)

Rye, M. S., & Pargament, K. I. (2002). Forgiveness and romantic relationships in college: Can it heal the wounded heart? Journal of Clinical Psychology, 54, 419–441

Thompson, Snyder, Hoffman, and Rasmussen et al.

2005 Psychologie “The framing of a perceived transgression such that one’s responses to the transgressor, transgression, and sequelae of the transgression are transformed from negative to neutral or positive. The source of the transgression, therefore the object of forgiveness, may be oneself, another person or persons, or a situation that one views as being beyond anybody’s control (i.e., an illness, ‘fate,’ or a natural disaster)” (p. 8).

Thompson, L. Y., Snyder, C. R., Hoffman, L., Michael, S. T., Rasmussen, H. N., Billings, L. S., Heinze, L., Neufeld, J. E., Shorey, H. S., Roberts, J. C., & Roberts, D. E. (2005). Dispositional forgiveness of self, others, and situations. Journal of Personality, 73, 313-360.

DiBlasio, F. A.

1998 Psychologie “Decision-based forgiveness is defined as the cognitive letting go of resentment and bitterness and need for vengeance. However, it is not always the end of emotional pain and hurt. Forgiveness here is viewed as an act of the will, a choice to let go or to hold. People can separate their thoughts of resentment and bitterness from their feelings of hurt” (p. 76).

DiBlasio, F. A. (1998). The use of decision-based forgiveness intervention within intergenerational family therapy. Journal of Family Therapy, 20, 77-94.

Denton and Martin

1998 Médecine “an inner process, central to psychotherapy, where the injured person without the request of the other releases those negative feelings

Denton, R. T. & Martin, M. W. (1998),

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and no longer seeks to return hurt” (p. 281) Defining forgiveness: An empirical exploration of process and role, American Journal of Family Therapy, 26, 281-292.

ANNEXE 2 Guide d’entretien

Accueil standard……. Question initiale pour commencer l’entretien : préciser l’incident de service Pensez à une ou plusieurs expériences négatives que vous auriez vécues dans le cadre de votre relation avec une entreprise ou enseigne au sujet d’un produit ou d’un service, avec le SAV (Service Après-Vente), ou encore à tout autre événement que vous avez perçu comme anormal (retard, erreur, panne, échange qui se passe mal... etc) et où l’entreprise/l’enseigne ne vous a pas traité(e) comme vous auriez pu l’imaginer. Cet épisode vous aurait touché, vous vous seriez senti personnellement offensé par le comportement d’un employé ou de l’entreprise en général, ce qui vous renvoie à être confronté à l’éventualité d’accorder ou non votre pardon. LAISSER QUELQUES INSTANTS DE REFLEXION……… Pouvez-vous me décrire sommairement ce qui s’est passé ? Thèmes à évoquer : L’EPISODE et LA RELATION :

- émotions ressenties au moment de l’incident et juste après l’incident ?? - nature et force de la relation entre le fournisseur de service et le client avant

l’incident ???

LES REACTIONS DE COURT TERME : - DU CLIENT : réactions vis-à-vis de l’employé et vis-à-vis du fournisseur ? - DE L’ENTREPRISE : efforts ou actions mis en œuvre par le fournisseur de

service ou l’employé ?

LA SUITE….. - Votre comportement adopté suite à l’incident de service ? - Poursuite de la relation avec le fournisseur ? - Vous avez ou vous seriez-vous prêt à pardonner ce fournisseur ? si oui à

quelles conditions ? Quelles sont les raisons du pardon ? Sinon pourquoi ?

- Dans quelle mesure peut-on dire que vous êtes quelqu’un qui pardonne facilement ? Pourquoi ? Pourriez-me dire ce qu’est pour vous le pardon ? mais encore……

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Annexe 3 Analyse des principaux univers de référen ce et leur association

1 Univers « Antécédents du pardon »

a) Création du dictionnaire d’équivalence sémantique

Réparation (15), excuse (120), geste (commercial) (79), contrainte (6), contexte (35), impersonnel (3), effort (101), écouter (6), écoute (56),

b) Les verbatim d’illustration des antécédents du pardon

« Je vais pas perdre mon temps encore une fois à utiliser de l'énergie pour pardonner à une marque Oui déjà des excuses et, surtout, ça serait des, des réparations quoi »

« Là, on se dit qu'ils font vraiment des efforts pour nous et on se sent valorisé un petit peu quand même. que certains font vraiment un effort pour avoir un service client qui est au coeur des priorités de l'entreprise. »

« c'est rien donc oui au moins un geste commercial, c'est le principe du commerce, »

« quand même fait un effort d'écoute du client en revenant à un forfait normal donc là c'est un bon point pour l'entreprise mais le fait »

2 Univers « les dimensions du pardon »

a) Création du dictionnaire d’équivalence sémantique

Confiance (117), oublier (17),effacer (5), aimer (15), affect (19)

b) Les verbatim d’illustration des freins du pardon

« mais non il se trompe il sait pas qu’il se trompe mais il se trompe donc je continue à avoir vis-à-vis de lui une attitude d’affection si tu veux. »

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« en fait si j’ai confiance il y a d’autres choses qui vont passer en même temps forcément je vais m’ouvrir je vais aimer en fait la confiance va me conduire à aimer des gens me conduire à aider des gens me conduire tu vois à ce genre de trucs »

« Le pardon du point de vue du client ce n’est pas effacer les choses mais c’est prendre du recul par rapport à ce qui s’est passé et accepter de continuer à être client ne pas faire patir l’entreprise du désagrément que tu as eu »

3 Univers « les freins du pardon »

a) Création du dictionnaire d’équivalence sémantique

Déception (23), Trahison (14), trahir (6), Mensonge (6), menti (5), nuire (4), déçu (1), rancunier (10)

b) Les verbatim d’illustration des freins du pardon

« oui, en fait, c'est soit vous êtes déçue trop trop et vous n'arrivez pas à pardonner »

« je pense qu'une très grosse déception c'est beaucoup plus important, fin c'est très difficile à pardonner.. »

« là c'est vraiment un problème de trahison et de confiance, donc là non je ne pardonnerai jamais »

« Oui, je ne vois pas trop l'intérêt après une telle trahison de pardonner, à la personne. »

« Oui ,un sentiment de de trahison alors moi d'avoir placé ma confiance dans ces personnes et quelque part de »

« Là c'est de la trahison , tromper quelqu'un c'est de la trahison c'est… »

4 Univers « pardon et réconciliation »

a) Création du dictionnaire d’équivalence sémantique

Relation (182), considération (14), proximité (14), revoir (4), respect (9), repasser (2), rester (28)

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b) Les verbatim d’illustration du pardon et de la réconciliation

« c’est l'historique des relations avant qui joue cad que quand il y a une longue relation de confiance c'est pas les mêmes relations par rapport au même type d'incident »

« c'est vraiment une relation commerciale quoi pardonner pour moi ça va se traduire par le fait que finalement je reste cliente »

« donc du coup je sais que je peux aller lui donner ma voiture en confiance ça joue dans la vie dans la poursuite de la relation oui parce que »

« la confiance est transfrontière elle s'applique à toute relation humaine et la relation commerciale est un volet de la relation humaine. »

« On prend en considération la pénibilité que le voyageur a eu, tous les tracas, tous les désagréments qu'il a pu avoir pendant son trajet … »

« Je veux dire vraiment aucune considération . Et au retour, forcément, on m'aurait dit que j'avais remboursé mon billet à l'aller, »

« Il n'y a aucune considération pour le consommateur, qu'on lui dit écoutez, que vous soyez content ou pas, »

« c'est vraiment cette proximité . Le fait de pouvoir compter sur eux. »

5 Univers « pardon et comportement d’évitement »

a) Création du dictionnaire d’équivalence sémantique

Eviter (16), rupture (6), rompre (1), vengeance (3), tweeter (8), publicité (21), déconseille (5), arrête (22),

b) Les verbatim d’illustration du comportement d’évitement

« (j’étais) plus en colère plus énervée par le comportement du directeur plus que par le comportement de l'employé oui même si le comportement de l'employé m'a agacé fortement au départ »

« je pense que je ne ferai pas forcément bonne publicité à l'entreprise en question si »

« tu regarderas sur mon compte le premier tweet que j'ai fait c'est machin, il y avait tel truc »

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« Non plus jamais, j'ai déconseillé aux gens tout simplement (petit rire). Et juste ça c'est une question de point de vue personnel »

« Ah non ça ça demande une rupture de contrat ça demande d'indiquer que cette société n'est pas recommandable »