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Le passage à l'école secondaire des élèves désignés comme étant en difficulté : ressources et services à l'école secondaire de langue française Nathalie Bélanger Denise Wilson Problématique Les pratiques d'intégration scolaire des élèves désignés comme étant handicapés ou en difficulté d'apprentissage ou encore d'adaptation sont dorénavant recommandées par les autorités scolaires, cependant elles prennent divers profils et significations selon les établissements et ne sont quasiment pas documentées quand on considère l'école secondaire de langue française, tant cette dernière semble poser problème au regard des objectifs d'intégration. Afin de documenter notre problématique au regard de l'école secondaire, rappelons, dans un premier temps, ce que l'on entend par intégration scolaire en situant cette notion au sein d'autres approches pédagogiques. L'évolution des approches pédagogiques concernant les élèves désignés comme étant en difficulté a connu, dans les pays occidentaux, un mouvement en deux temps : dans un premier temps, les sociétés occidentales ont misé sur une multiplication des services spécialisés, laquelle a entraîné une progression considérable des clientèles et, dans un second temps, on note la

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Le passage à l'école secondaire des élèves désignéscomme étant en difficulté :ressources et services à l'école secondaire de languefrançaise

Nathalie BélangerDenise Wilson

Problématique

Les pratiques d'intégration scolaire des élèves désignés commeétant handicapés ou en difficulté d'apprentissage ou encored'adaptation sont dorénavant recommandées par les autoritésscolaires, cependant elles prennent divers profils et significationsselon les établissements et ne sont quasiment pas documentéesquand on considère l'école secondaire de langue française, tantcette dernière semble poser problème au regard des objectifsd'intégration. Afin de documenter notre problématique au regardde l'école secondaire, rappelons, dans un premier temps, ce quel'on entend par intégration scolaire en situant cette notion au seind'autres approches pédagogiques.

L'évolution des approches pédagogiques concernant les élèvesdésignés comme étant en difficulté a connu, dans les paysoccidentaux, un mouvement en deux temps : dans un premiertemps, les sociétés occidentales ont misé sur une multiplication desservices spécialisés, laquelle a entraîné une progressionconsidérable des clientèles et, dans un second temps, on note la

mise en place de mesures d'intégration destinées à freiner cettemême progression. Un troisième mouvement que l'on nomme"pédagogie de l'inclusion" (inclusive education) fait l'objet denombreux débats mais représente, d'abord et avant tout, un idéalvers lequel certains théoriciens et théoriciennes tendent, car cettenouvelle notion, autant en français qu'en anglais, ne semble pasavoir été adoptée par les enseignant(e)s (Bélanger, 2000). Celaétant dit, nous parlerons ici d'intégration scolaire. Or, bien quel'intégration scolaire des élèves désignés comme étant en difficultésoit de plus en plus favorisée dans les écoles, suite au retraitprogressif des structures scolaires ségréguées, nous ne savons àl'heure actuelle que très peu de choses sur les diverses expériencesd'intégration en salle de classe, sur les points de vue desenseignants, des parents et des élèves (Meijer et al, 1997), et sur cesecteur nommé " l'enfance en difficulté ". Les aspects sociauxreliés au secteur de l'enfance " en difficulté ", secteur au demeurantflou si l'on considère les différentes pratiques et étiquettesnosologiques en circulation, restent peu discutés. Par exemple,nous ne savons que très peu de choses sur les différentessignifications que recouvrent les notions d'intégration, lesquellespeuvent se rapprocher, par les services qui sont mis de l'avant, desservices spécialisés traditionnels, notamment du fait quel'identification des élèves désignés comme étant " en difficulté "perdure. Mousley, Rice et Tregenza (1993) ont, entre autres,montré que les modèles pédagogiques qui prévalaient enenseignement spécialisé sont souvent reconduits quand on parled'intégration scolaire. Ces connaissances encore trop lacunairesnous ont amenés à aller voir ce qui se passe du côté de l'écolesecondaire.

Doré, Wagner et Brunet (1996) ont recensé les défis particuliersque pose l'école secondaire au regard de l'intégration où les classessont généralement plus nombreuses, les répartitions des élèvesdans l'espace et dans le temps plus fractionnées, les évaluationsplus fréquentes et plus compliquées, l'acquisition de notions plus

avancées et le nombre d'enseignant(e)s rencontrés plus important.La structuration de l'école secondaire par matière et la promotiondes élèves pour chacune de ces matières ajouteraient des élémentsde complexité qui méritent d'être documentés au regard del'intégration et de l'inclusion des élèves éprouvant des difficultés. La structure de l'école secondaire supposerait, par définition, uncadre plus rigide que celle de l'école élémentaire, elle serait jugéemoins hospitalière et exigerait une certaine conformité de la partdes élèves qui doivent jouer le rôle, se conformer à leur " métierd'élève " (Perrenoud, 1984). Néanmoins, il serait exagéré depenser que la structure même de l'école secondaire ne pose que desdéfis ou des contraintes au projet d'intégration. L'autonomie quicaractérise l'école secondaire peut s'avérer un facteur favorable àl'intégration scolaire (Doré, Wagner et Brunet, 1996).

Nous avons privilégié, tout au long de ce rapport, les définitionsde Fulcher (1999) au regard du handicap ou encore celle deSarason et Doris (1979). La première précise que le handicap estvu comme étant une catégorie politique et procédurale (proceduraland political category). Tandis que Sarason et Doris voient lehandicap comme un phénomène transactionnel (transactionalphenomenon). Ces définitions permettent d'analyser les situationssociales dans lesquelles des individus sont identifiés comme étanthandicapés, et éventuellement marginalisés. Sarason et Dorisillustrent cette idée de transaction en disant qu'il est généralementadmis que le placement d'un enfant est fait dans le meilleur intérêtde ce dernier, et rarement suivant ce qui est dans "l'intérêt del'enseignant", ce dernier aspect restant, la plupart du temps,inavoué. Pour ces auteurs, l'idée de transaction doit être comprisecomme une interface entre, notamment, les enseignant(e)s qui sontsouvent les premiers à signaler les difficultés d'un enfant et lesélèves eux-mêmes. L'"intégration", "l'éducation spécialisée", etc.représentent des constructions sociales que l'on peut comprendre,"défaire" si l'on s'intéresse aux relations de pouvoir et aux forces etprocessus qui les créent.

Dans ce contexte, le but était, pour ce rapport de recherche-ci,d'interroger la place que les personnels de l'école secondaireréservent aux élèves éprouvant des difficultés nouvellement arrivésà l'école secondaire et les moyens mis à la disposition desintervenant(e)s qui poursuivent des objectifs d'intégration et depédagogie de l'inclusion. Cela étant dit, l'objectif principal denotre projet visait l'examen des ressources et des services destinésaux élèves identifiés comme étant en difficulté et intégrés à l'écolesecondaire de langue française, faisant l'hypothèse que lesressources au sein de cette dernière étaient probablement précairesétant donnée la situation minoritaire du français en Ontario. Le butde cette recherche visait également à comprendre de quelles façonssont identifiés les élèves qui reçoivent des services spécialisés.Plus particulièrement, nous souhaitions identifier et comprendrequels sont les ressources et les services disponibles et de quelle(s)façon(s) ces services et ressources sont mis à la disposition desélèves ayant récemment quitté l'école élémentaire et intégré l'écolesecondaire. Cette recherche nous a dévoilé, entre autresómais nousen discuterons plus longuement tout au long de ce rapport, deslacunes en ce qui a trait aux ressources humaines disponibles pourfaciliter l'intégration ou l'inclusion de ces élèves, des délais dans laprestation des services et l'inquiétude des parents face à l'avenir deleurs enfants désignés comme ayant des difficultésd'apprentissage. Ce projet que nous avons mené durant l'année1999-2000 tentait de répondre aux questions suivantes : Selonquels critères les élèves nouvellement admis à l'école secondaire delangue française sont-ils/elles identifiés comme étant en difficulté? Comment le passage de l'école élémentaire à l'école secondaires'effectue-t-il pour les élèves en difficulté ? Considérant lessélections qu'effectuent les établissements secondaires, notammentlors de l'inscription en début d'année, quelle est la place des élèveséprouvant des difficultés à l'école ? À la suite des règlementsprovinciaux de la réforme éducative, est-ce que les élèves sont

regroupés, selon différents critères comme les compétenceslinguistiques, l'excellence ou autres, dans des établissementsscolaires précis ? Ces questions étaient au cúur de notre recherche.Cette recherche permettra, dans un deuxième temps, de fairel'inventaire des ressources actuellement disponibles et derépertorier les ressources tant humaines que matériellesindispensables au bon fonctionnement d'une école secondaire prêteà recevoir une clientèle forcément hétérogène provenant de l'écoleélémentaire.

Ce projet fait suite à un volet de recherche mené durant l'année1998-1999 dans trois écoles élémentaires de langue française. Lors de ce premier volet de recherche, nous avons pu constater,notamment lors d'entretiens avec des parents ayant des enfantsidentifiés comme étant en difficulté, l'inquiétude de ces derniers ausujet du devenir de leur enfant et du passage de ces derniers àl'école secondaire. Cette recherche nous a permis en outre decomprendre l'évolution du secteur de l'éducation spécialisée enOntario français dans le contexte des récentes réformes. Nousavons tout particulièrement mis en évidence comment lesenseignant(e)s de trois écoles primaires de régions contrastées del'Ontario identifient les élèves en difficulté, travaillent encollaboration avec les spécialistes et les parents en vue de rendrel'intégration et/ou l'inclusion efficaces. Ce premier volet derecherche nous a permis, par ailleurs, de répertorier et d'identifierles pratiques intégratives et inclusives les plus prometteuses pourles principaux acteurs intéressés, c'est-à-dire les élèves eux-mêmes.

Ce rapport de recherche se divise en plusieurs parties. Dans unpremier temps, il s'agira de présenter l'école où nous avons menénos recherches, par la suite, des précisions au regard de laméthodologie que nous avons adoptée seront apportées. Desdonnées sur l'école visitée, la transition ou le passage de l'écoleélémentaire à l'école secondaire pour les élèves en difficulté (aupalier intermédiaire) et les tâches de l'enseignante ressource seront

également fournies. Enfin, les thèmes qui se sont dégagés de nosanalyses seront abordés. Parmi ceux-là mentionnons lesinteractions entre les enseignantes et les parents, le processusd'identification, la formation à l'inclusion et la question desressources humaines et matérielles.

Une description de l'école Rouleau

Nous avons mené notre projet de recherche dans une écolesecondaire publique de langue française dans une grand centremétropolitain en Ontario. Cette ville représente un centreéconomique important où la population ne cesse de se diversifier. L'école qui date d'une trentaine d'années est située dans un quartierrésidentiel très recherché à cause de sa "beauté et de sa sécurité". En effet, selon un membre du personnel de l'école :

"Les parents aiment beaucoup cette école ici à cause de sonemplacement, c'est un très beau quartier, un quartier assezrésidentiel, mais un quartier assez bien aussi comme on peut voirpar les maisons qui sont ici et c'est un quartier, c'est une écolesécure dans le sens que les élèves n'ont pas accès à, à des McDo,des dépanneurs, puis des centres d'achat, il y en a pas, t'sais il y ena pas près de l'école, alors les élèves sont plus ou moins, quand ilssont à l'école ils doivent rester sur le terrain, ils n'ont pas de place àaller, surtout que la majorité sont à pied, ils ont pas d'autos..."(Louise, p. 6).

L'édifice scolaire est moderne et spacieux et comprend, entreautres, un gymnase, une cafétéria et un centre de ressources. Onretrouve également quelques classes dites " portatives " adjacentesau bâtiment principal qui servent à combler le manque d'espaceauquel font fassent certaines directions d'écoles depuis quelquestemps. L'une de ces classes est utilisée par l'enseignante ressourcepour l'enfance en difficulté lorsqu'il n'y a pas de local disponibleailleurs dans l'école. Depuis le 1er janvier 1998, l'école fait partie

d'un conseil scolaire de district qui s'étend sur un vaste territoire dela province.

Comme toutes les écoles francophones de la province, cette écolea comme mandat de fournir une éducation de qualité en français àtous les élèves dont les parents ont droit à l'éducation en languefrançaise selon l'article 23 de la Charte Canadienne des Droits etLibertés. La Loi sur l'éducation permet également à un comitéd'admission d'admettre les élèves dont les parents ne bénéficientpas de ces droits.

La population de l'école se chiffre à environ 125 élèves au palierintermédiaire qui comprend la 7 e et la 8e années, tandis qu'aupalier secondaire de la 9e à la 13e (CPO), on retrouve environ 300élèves. Le corps professoral est composé de vingt-sixenseignant(e)s, dont dix-neuf enseignent au palier secondaire etsept au palier intermédiaire. Ce n'est pas une école de quartier carelle dessert plutôt une très vaste région, en cela elle ressemble à denombreuses autres écoles de langue française. Les élèves de la 7eet de la 8e années qui habitent à plus de 1, 6 km ainsi que lesélèves des autres niveaux scolaires qui habitent à l'extérieur desfrontières de la municipalité ont droit à un service de transportscolaire gratuit. Les autres élèves reçoivent gratuitement des billetspour le transport en commun s'ils habitent à plus de 3, 2 km del'école.

Il semble que la population étudiante soit très diversifiée du pointde vue ethnoculturel. La devise de l'école : Unité dans la diversitéa été choisie pour exprimer cette hétérogénéité. Un membre dupersonnel nous décrit la clientèle de l'école comme suit :

" Un des cachets important de cette école ici, c'est, c'est l'aspectmulticulturel de cette école ici, il y a plus de, on a plus de quarantedifférentes ethnies de représenter dans l'école ici alors c'est un,c'est, cette dimension-là de l'école est très vivante aussi puis

comme ça se voit, n'importe qui rentre ici, tu l'as remarqué, je suiscertaine toi aussi, une grande diversité parmi la populationétudiante à l'école" (Louise p. 7).

De nombreux élèves, dont plusieurs ont vu leur scolaritéinterrompue en raison de conflits politiques dans leur pays, sont auCanada comme réfugiés. Ils arrivent à différents moments del'année et, après avoir passé par un comité d'admission, ces élèvesdoivent ensuite subir un test maison de placement afin dedéterminer leur " niveau de fonctionnement ". Les nouveauxarrivants ne devraient pas, en théorie, subir de test, mais il sembleque l'usage de tests maison permettent de jauger le savoir et lesconnaissances des élèves. Ils sont ensuite intégrés à une classeordinaire. Une enseignante nous explique les démarches.

" Le premier test qu'on fait, c'est le test sur le comité d'admissionqui donne un placement à peu près, une idée de son placementacadémique à peu près, dans certains cas oui, ok, certains élèves, jeveux dire, t'sais, où on doutait puis selon, aussi, des fois aussi onlaisse, on attend un peu parce qu'on dit c'est peut-être une périoded'adaptation pour que l'élève s'adapte au milieu scolaire, surtout siça fait quelques années qu'il n'a pas fréquenté l'école, mais c'estévident qu'il y a des cas je veux dire, t'sais qui, t'sais qui, il y a despetites lumières qui s'allument là, et puis ces élèves-là oui là on vafaire disons la procédure, on en a quelques-uns cette année qu'on ademandé l'évaluation plus poussée, une évaluationorthopédagogique, une évaluation psychologique aussi,psychométrique aussi pour ces élèves-là parce qu'ils ont, onsoupçonnait des besoins beaucoup plus, beaucoup plus profonds,beaucoup plus sérieux que, t'ais, qu'on pouvait, auxquels, onpouvait pas répondre à ces besoins là, en salle de classe, dans lemodèle traditionnel, sans vraiment pouvoir dépister le, mettre ledoigt sur exactement le problème, alors on fait ça" (Louise, p. 19-20).

De plus, une enseignante précise que les identifications " varientau gré des modes. (Ö) Un moment donné on ne passait des WISCaux enfants qu'au bout de sept ans, car il était admis que septannées étaient nécessaires pour apprendre une langue ; tandisqu'aujourd'hui, des tests peuvent être administrés après deux ans,et même dans la langue de l'enfant " (Francine, p. 27).Il semble, par ailleurs, qu'il y ait davantage d'élèves identifiéscomme étant en difficulté à l'école que nous avons visitée, l'écoleRouleau, qu'à l'établissement de même niveau que l'on retrouvedans la même ville. Il serait intéressant de savoir si, délibérément,les élèves considérés comme étant en difficulté sont dirigés versl'école Rouleau.

Si la majorité des élèves de l'école proviennent de groupesethnoculturels variés, les enseignant(e)s, pour leur part, selon lespropos d'un membre du personnel, sont "typiquement canadienfrançais" (Louise, p. 11) et seulement deux sont issus de groupesminoritaires.

Parmi les services à l'élève, on retrouve un cours d'orientation à lavie, un service d'orientation et de counselling, des cours à distancede CPO offerts par une autre agence ainsi qu'un programme detutorat. De plus, les élèves peuvent participer, en dehors des coursréguliers, à des activités parascolaires dans le domaine sportif, ouau sein du groupe de théâtre, du journal de l'école, du club dephotos ou encore du conseil des élèves.

L'école Rouleau a également élaboré un " Code de vie " encollaboration avec les élèves, les parents et les enseignant(e)s afind'encourager un climat propice à l'éducation. Les élèves et lesenseignant(e)s doivent s'engager formellement au respect du Codede vie et, de plus, on exige que les élèves signent un formulaired'engagement au moment de l'inscription, formulaire que l'onmaintien, par la suite, à leur dossier.

Questions de méthodologie

Nous aurions aimé mener notre enquête dans deux écolessecondaires contrastées en fonction des variables géographiques(urbain/rural), linguistiques (milieux à majorité francophone ounon), confessionnelle (catholique ou publique). Cependant, àcause de contraintes budgétaires et de temps, nous avons dû nouslimiter uniquement à une école. Par ailleurs, il est apparu difficilede trouver des écoles acceptant ce type de recherche. Il sembleque l'enfance en difficulté demeure un sujet délicat à aborder pournombre d'intervenant(e)s scolaires. Par contre, ceci nous a permisde concentrer tous nos efforts dans l'école retenue et de faire desobservations plus longues des situations éducatives. Nous croyonsque les données recueillies lors de notre recherche pourront, dansune certaine mesure, s'appliquer à d'autres contextes scolaires.Nous avons donc fait le choix de l'école Rouleau, une école delangue française publique située en milieu urbain. Le nom del'école et des participants ont été changés afin de préserverl'anonymat des participant(e)s à cette recherche. Les entretienseffectués avec la directrice de l'école, l'enseignante ressource ouspécialiste et les enseignantes ne seront pas différenciés dans notrerapport afin de protéger leur identité. Nous avons utilisé une approche qualitative de recherche enprivilégiant trois types de cueillette de données : l'observation,l'entretien et l'analyse documentaire.

L'observation Nous avons effectué des observations pendant treize jours sur unedurée de quatre mois. Les deux chercheures ont réalisé desobservations en classes ressources, en classes intégrées ainsi quedurant un atelier d'enrichissement offert sur le campus d'uneuniversité locale pour les élèves considérés comme étant " doués". Ces observations nous ont permis de mettre en évidence les

ressources dont disposent les intervenant(e)s, parents et élèves auregard de l'intégration et de comprendre les pratiques éducativesvisant (ou non) l'intégration de la façon suivante : 1) en décrivantet en analysant les différentes étapes menant au signalement d'unélève auquel on attribue l'étiquette "besoins éducatifs particuliers"; 2) en décrivant et en analysant la prise en charge de l'élève, voireson intégration totale ou partielle dans la classe intermédiaire afinde comprendre comment se mettent en place (ou non) lesconditions relatives à l'intégration et quelles ressources sontdisponibles. Les observations en milieu scolaire nous ontégalement permis de mieux saisir les routines qui gèrent l'école.Les nombreuses notes de terrain qui ont découlé de cesobservations ont servi pour fin d'analyse. La grille d'observationqui suit a guidé notre recherche :

1. La mise en scène/côté descriptif - organisation spatiale, signes extérieurs, espaces à l'intérieur - décrire le lieu où se passe l'activité et le situer dans le contextede l'école- description des élèves : sexe, âge, appartenance ethnique (telleque suggérée éventuellement par le personnel scolaire ou les élèveseux-mêmes), problèmes éprouvés à l'école et forces de l'élève (telsque décrits par les acteurs scolaires) - ressources humaines (spécialistes du conseil scolaire, etc.) - équipements et ressources matérielles

2. Déroulement de l'activité - accueil des élèves, comportements de l'enseignant(e) et desélèves - introduction de l'activité et du thème - le fait de savoir qui joue un rôle actif à quel moment, etc. etpourquoi? qui est en marge? - processus d'inclusion et d'exclusion, à quel moment et parrapport à quelle activité? - analyse de l'identité et du positionnement face à l'autre

- clôture de l'activité, départ - itinéraire des élèves

3. Plan linguistique - rapports à la norme linguistique - interventions orales, etc. - valeur accordée à la langue, etc.

4. Suivi - suivi d'une rencontre à l'autre - évaluation - rapport avec autres enseignants

5. Questions soulevées par les observations

Les entretiens Nous avons mené quatorze entretiens semi-directifs avec desenseignantes (incluant la directrice), des parents et des élèves del'école pour permettre d'établir un lien entre les discours et lespratiques notées lors des observations. Les entretiens, d'une duréed'environ soixante minutes, ont été enregistrés et retranscrits pourfin d'analyse. Il faut noter qu'un des parents a refusé que l'entretiensoit enregistré. Les entretiens avec la directrice, les enseignantes et les élèves ontété effectués à l'école. Pour leur part, deux des parents ont choisid'être interviewés à leur domicile, un au téléphone, une dans uncafé près de son lieu de travail et l'autre dans les bureaux deschercheures. Les entretiens avec la direction, les enseignantes etles parents avaient pour but d'obtenir des informations sur la façondont ils/elles décrivent et entrevoient la question de l'intégration.Nous avons pris une approche plus informelle pour les entretiensavec les étudiant(e)s en nous concentrant sur ce qu'ils ou ellesaimaient à l'école, leurs loisirs, etc. Les questions suivantes ontguidé les entretiens :

Questions pour les enseignant(e)s1. Parlez-nous un peu de vous-même : l'endroit où vous êtes né(e),vos études, votre expérience professionnelle.2. Quels cours enseignez-vous ? Quels sont vos responsabilités àl'école ?3. Pouvez-vous nous donner les renseignements suivants au sujetde vos élèves : le nombre d'élèves, une description de la clientèleétudiante ?4. Combien d'élèves sont désignés comme ayant des besoinséducatifs particuliers en 7eannée ? Comment se fait la transition del'école élémentaire à l'école secondaire pour ceux et celles quiviennent d'une école à l'intérieur du même Conseil scolaire ou ceuxqui proviennent d'un autre système scolaire ? Est-ce que des élèvespeuvent être identifiés pour la première fois à ce niveau commeayant des besoins éducatifs particuliers ? Si oui, pouvez-vous nousdécrire le processus d'identification ?5. De quelle façon ces élèves sont-ils/elles pris en charge parl'établissement scolaire ? Quel est votre rôle ?6. Quelles sont les ressources dont dispose l'école : ressourceshumaines, ressources matérielles, etc ? Quels genres de cours sontofferts : cours à retrait, intégration en classe ordinaire,enseignement spécialisé, etc. ? Est-ce que les autres enseignant(e)sreçoivent une formation en l'enfance en difficulté ?7. Quel est le rôle des parents ? Questions pour les parents1. Parlez-nous un peu de vous-même : l'endroit où vous êtes nés,les endroits où vous avez vécu, vos études, votre expérienceprofessionnelle, le nombre d'enfants que vous avez, leur âge, lenom des écoles qu'ils/elles fréquentent ou déjà fréquentées?2. Parlez-nous un peu de [nom de l'enfant] : le nom et l'endroit del'école élémentaire qu'il/elle a fréquentée, les circonstances qui ontmené à l'identification de votre enfant (s'il y a lieu), votre rôle dansce processus, les services et les ressources qui étaient disponibles,

l'efficacité, à vos yeux, de ce processus et de ces ressources ? Sivotre enfant est en voie d'être identifié, parlez-nous du processusactuel.3. Parlez-nous de la transition de l'école élémentaire à cette école :les renseignements que vous avez reçus sur les services et lesressources disponibles à cette école, l'accueil et le suivi, lacommunication avec les parents.4. Selon vous comment devrait se faire l'intégration scolaire ou lapédagogie de l'inclusion ?5. Est-ce que les services et les ressources sont, selon vous,efficaces au regard de l'intégration à l'école ? Est-ce que l'oncommunique régulièrement avec vous au sujet du progrès de votreenfant? Qui communique avec vous : l'enseignante ressource,lesenseignant(e)s de classe, ou une autre personne ?6. Votre enfant s'est-il/elle bien adaptée à cette école ? A-t-il/ellefait des progrès ? Semble-t-il/elle heureux ? Votre enfant a-t-il/elledes intérêts particuliers, des loisirs ?

Questions pour les élèves1. Parle-moi un peu de toi : quel âge as-tu, as-tu des frères et dessoeurs, quel âge a-t-il/elle (ont-ils/elles), à quelle école va-t-il/elle(vont-ils/elles), où habites-tu ? Comment voyages-tu pour te rendreà l'école ? As-tu un long trajet à faire ?2. À quelle école allais-tu l'année dernière ? Qu'est-ce que tuaimais de cette école ? Comment as-tu trouvé le changement decette école à l'école Rouleau ? Est-ce qu'il y a des élèves de tonancienne école dans tes classes cette année ?3. Quelles sont tes matières préférées ? Pourquoi ?4. Qu'est-ce que tu fais en termes d'activités avec [l'enseignanteressource] ?5. Participes-tu à des activités parascolaires ? Si oui, lesquelles ?6. Quels sont tes loisirs préférés ?7. Qu'est-ce que tu aimes faire durant les vacances d'été ?

L'analyse documentaire

Nous avons fait l'examen de documents portant sur l'historique despolitiques sur l'enfance en difficulté du point de vue national,provincial, du district et de l'école qui faisait l'objet de l'étude.Nous voulions surtout documenter l'existence de politiquesofficielles ou informelles, écrites ou non à ce sujet au niveau duconseil de district ainsi qu'au niveau de l'école. Nous avonségalement consulté les documents internes de l'école tels leprospectus décrivant les cours, le dépliant publicitaire et lesbulletins d'information. L'examen de ces documents nous a permisde mieux connaître l'école et son fonctionnement.

Analyse des données En ce qui concerne le traitement des données, nous avonsprivilégié une analyse exhaustive de tous les éléments en mettanten évidence, grâce au logiciel de traitement de données qualitativesNUD*IST, les thèmes qui se dégagent de cette recherche.

Ressources et services pour les élèves considérés comme étanten difficulté

Il y a une classe à retrait pour les élèves en grande difficultéd'apprentissage à l'école Rouleau. Cette classe est composée decinq élèves qui ont "des besoins encore plus graves" (Francine, p.5) que ceux et celles qui peuvent être intégrés dans la classerégulière. Ces élèves qui sont identifiés comme ayant desdifficultés d'apprentissage graves, passent presque 75% de lajournée dans une classe distincte et ne sont intégrés que pourcertaines matières dont les arts et l'éducation physique. Certainsd'entre eux sont des élèves arrivés au Canada depuis une année ouplus. Une enseignante a précisé que, selon une politiqueprovinciale, on ne peut se servir des tests standardisés nord-américains pour évaluer ces élèves-là et, éventuellement, lesidentifier comme ayant des difficultés d'apprentissage, en raisondes biais culturels de ces tests. Des tests maison sont toutefoisadministrés à ces élèves afin que les enseignant(e)s puissent

évaluer l'état de leurs connaissances. Et si besoin il semble yavoir, " on permet quand même à ces élèves d'intégrer cette classe-là car ils ne progressent pas dans une classe régulière " (Francine,p. 6).

On retrouve également une classe d'orientation à la vie conçuepour des élèves qui ne sont pas identifiés par un Comitéd'Identification, de Placement et de Révision (IPR) mais quiaccusent un retard académique sérieux et qui sont décrits commeétant des "handicapés intellectuels" selon Francine (p. 7). Àl'intérieur de cette classe, les élèves apprennent des habiletés debase dans les matières scolaires mais aussi des habiletés de basepour pouvoir se débrouiller dans la vie.

L'autre type de services pour l'enfance en difficulté est celui oùl'élève reçoit l'enseignement dans une classe ordinaire mais obtientégalement des services hors de la salle de classe ordinaire. C'est cetype de service que nous avons pu observer lors de notre étudeauprès des élèves faisant la transition de la sixième année au palierintermédiaire.

L'approche pédagogique privilégiée à l'intérieur du programme enenfance en difficulté est la récupération pour les élèves qui ont desdifficultés d'apprentissage, tandis que les élèves en douance,également considérés comme étant en difficulté au regard de la loi,sont conviés à des séances d'enrichissement.

La transition et la prise en charge des élèves de l'école élémentaireau palier intermédiaire

L'enseignante ressource ainsi que des élèves de 7e année de l'écoleRouleau visitent les élèves de 6e année des écoles nourricières aumois de novembre qui précède l'entrée de ces derniers/ières aupalier intermédiaire. Le but de cette visite est de faire la promotion

de l'école. Parfois, ce sont des élèves qui sont considérés commeétant en difficulté qui présentent leur expérience à l'école Rouleau,parfois ce sont des élèves de la classe ordinaire, ou parfois encorese sont des élèves de "douance", nous explique l'une desenseignantes.L'enseignante ressource communique également avec lespersonnes ressources des écoles nourricières pour obtenir lescopies des dossiers des élèves qui sont identifiés comme étant endifficulté ainsi que des élèves qui ne sont pas identifiés mais quireçoivent de l'aide supplémentaire. Chaque parent reçoit, par lasuite, une invitation personnelle par téléphone pour assister à unesoirée d'information et c'est durant cet appel que l'enseignante posedes questions sur les besoins particuliers de leur enfant. Plusieursparents partagent alors leurs inquiétudes au sujet de l'intégration deleur enfant en septième année : ils se renseignent sur lesprogrammes d'enfance en difficulté, sur les services et lesressources disponibles, sur le genre d'aide que l'enfant recevra pourla transition ainsi que l'aide qu'il recevra dans ses cours. Par lasuite, les jeunes viennent visiter l'école et l'enseignante ressourceen profite pour répondre à leurs questions. En mai ou en juin,l'enseignante ressource rencontre les enseignant(e)s de la salle declasse ordinaire de sixième année pour connaître les besoins, nonseulement des élèves en difficulté, mais également de ceux etcelles qui n'ont pas été identifiés mais qui ont quand même "desbesoins", tel que nous le précise l'enseignante ressource. Ellerencontre également les enseignant(e)s des classes ressources, soitd'actualisation en français ou de perfectionnement du français oude classes de comportement ou autres. Après avoir rassemblé cesrenseignements de l'année en cours ainsi que des annéesprécédentes, l'enseignante ressource dresse un profil de tous lesélèves de la classe, autant ceux et celles qui réussissent facilementque ceux et celles qui ont des difficultés considérées d'ordre socialou émotif. Elle complète les dossiers au fur et à mesure qu'elleobtient des renseignements parce qu'elle n'a légalement pas accèsaux dossiers des élèves avant qu'ils/elles arrivent à l'école

Rouleau. Cependant, si les parents le permettent, elle peut obtenirune copie du Plan d'enseignement individualisé (PEI) des élèves,ce qui lui permet de se préparer pour leur arrivée. L'enseignanteressource communique ensuite ces renseignements auxenseignant(e)s des classes ordinaires qui seront responsables desétudiant(e)s en question à l'école Rouleau. Les enseignant(e)speuvent consulter l'enseignante ressource à tout moment de l'annéepour obtenir de l'aide, des ressources et des conseils pour mieuxrépondre aux besoins de leurs élèves.

Tâches et responsabilités de l'enseignante ressource

L'enseignante spécialisée en enfance en difficulté avec laquellenous étions en étroite collaboration, úuvre dans l'enseignementdepuis une vingtaine d'années. Son travail consiste à offrir auxélèves qui sont intégrés dans la classe ordinaire de l'aide hors de lasalle de classe au moment qui convient le mieux à la fois auxenseignant(e)s et aux étudiant(e)s. Son poste est à temps partiel(quatre jours/semaine). La directrice de l'école lui a accordée unedemie journée, l'équivalent d'environ deux heures et demie parjour, pour s'occuper de la classe ressource au niveau intermédiaire. Étant donné que cette période de temps semble nettementinsuffisante, l'enseignante ressource consacre, de façon bénévole,la dernière période de la journée pour répondre aux besoins desélèves. Voici ce qu'elle nous en dit :

" J'ai deux périodes par jour à dévouer à l'enfance en difficulté soitla douance et, surtout, majoritairement aux élèves qui sont endifficulté, finalement j'en donne trois, alors il y a une période queje donne, et c'est la dernière période de la journée où les élèves,soit sont en éducation physique, ça s'adonne comme ça dansl'horaire, et finalement je fais trois périodes par jour, je ne suis paspayée pour cette dernière période mais je le fais bénévolementparce que ça fait mieux dans l'horaire de l'enfant..." (Enseignanteressource , p.20)

Le travail de récupération qu'elle entreprend avec ces élèves sefait surtout en mathématiques, en français et en anglais. Elle passebeaucoup de temps avec les élèves à la révision de la matière enprévision de la passation et de la correction des tests pour leurpermettre de rehausser leurs notes. Parfois elle fait passer elle-même les épreuves aux élèves. Parmi les vingt-deux élèves de septième année qui reçoivent del'aide de l'enseignante ressource, certains ont été identifiés par unComité d'Identification de Placement et de Révision (C.I.P.R.)comme étant en difficulté d'apprentissage ou comme étantdoué(e)s, d'autres sont en voie d'être identifiés. L'enseignanteressource voit également d'autres élèves lorsqu'ils ou elles ontbesoin d'aide supplémentaire dans une certaine matière. Ceci luipose un dilemme, car elle doit tenter de répondre aux besoins, nonseulement de ceux et celles qui ont été identifié(e)s, mais aussi deceux et celles qui ne le sont pas. Les notes suivantes démontrentbien cette situation.

" L'enseignante ressource mentionne qu'il faut absolument qu'ellecorrige le test que les élèves ont fait la veille, leurs notes étantplutôt faibles. La veille, elle a travaillé avec les élèves, maiscomme l'enseignante lui avait envoyé plusieurs enfants ópasseulement ceux et celles qui sont identifiés ou en voie de l'être,mais aussi ceux qui éprouvent des difficultés de façon temporaireelle se sent un peu coupable, elle n'a pas travaillé autant " enmédiation ", nous dit-elle, avec les élèves en difficulté comme elleaurait dû "(Notes d'observation 4 avril, 2000).

Certains élèves qui reçoivent de l'aide ont des difficultésd'apprentissage, mais leur parents refusent de les voir se faireidentifier car ils craignent que leur enfant soit stigmatisé par lesautres et qu'il ou elle prenne du retard dans certaines matièreslorsqu'on les retire de la classe ordinaire. Ils préfèrent plutôt que

l'enseignante ressource leur fournisse de l'aide lors de périodesd'études ou après les heures de classe. Une enseignante précise :

"Je pense que les élèves ont encore, je veux dire c'est comme, il ya encore cette étiquette-là qui existe, c'est comme les élèves quisont retirés pour aller, pour de l'aide, il y a, ça demeure, ce stigmalà demeure, je veux dire, tu es un " dummy ", je veux dire, t'sais,comme utiliser le jargon des élèves, tu es un " dummy ", tu es un "retarded " ces affaires-là, comme ils, ça demeure encore là, je veuxdire, t'sais, comme je sais pas, peut-être en partie l'âge, je veux direce sont des jeunes adolescents, je veux dire, t'sais, la différence,c'est un âge où ils ne veulent pas se faire remarquer comme étantdifférent, ok (...) Et s'il y en a qui est un peu différent des autres,ben on va le pointer du doigt, on va le cibler celui-là ou celle-là, endouance aussi, je veux dire il y en a des élèves en douance que, jeveux dire, qui ont le, t'sais, qui ont l'identification comme douancemais ils ne veulent pas participer à, t'sais, aux activités, ils neveulent pas être perçus comme étant différent, j'ai des élèves ausecondaire moi qui refusent carrément, ils sont identifiés puis ilssont, on fait, quand on fait les révisions de cas, c'est, l'élève quiarrive avec son parent puis il dit, t'sais, j'en veux pas d'aide, je suisen difficulté d'apprentissage mais j'en veux pas d'aide, je vais medébrouiller, puis si je passe, je réussis, puis si je réussis pas ben jeréussis pas, ils refusent carrément " (Louise p. 41).

Face à ces situations, l'enseignante ressource doit négocier, defaçon quotidienne, avec les enseignant(e)s des diverses matièrespour trouver des moments convenables pour retirer les élèves quien ont besoin et qui consentent à sortir de la classe ordinaire. Celarequiert beaucoup de flexibilité de sa part, du moins du point devue de son horaire, et ne permet pas toujours le suivi régulier dontauraient besoin ces élèves. En plus de ses tâches commeenseignante ressource au niveau intermédiaire, elle est égalementresponsable de l'orientation des élèves de ce niveau. À chaqueannée, elle se rend, comme nous l'avons déjà mentionné, dans les

écoles nourricières élémentaires pour faire la promotion de l'écoleRouleau. Elle organise également des visites guidées de l'écolepour les élèves et les parents et s'occupe de l'accueil et duplacement des nouveaux arrivants. Une enseignante nous décrit de quelle façon elle collabore avecl'enseignante ressource. Il semble que ce soit l'enseignanteressource qui initie les contacts avec les enseignant(e)s des classes,cependant il semble que les enseignantes ont très peu de tempspour se concerter et discuter des différents cas.

" [L'enseignante ressource] vient me voir des fois, elle laisse desmots pour chaque enseignant à savoir quel élève est identifié, ellem'avait donné une lettre pour m'identifier quels sont les élèves quiavaient de la difficulté et j'en ai quelques-uns en huitième annéequ'elle voit régulièrement, mais on s'est pas assis à part pour parlerdes différents cas" (Marie-Paule, p. 13).

Une journée dans la vie de l'enseignante ressource et des élèves

Ce portrait d'une journée dans la vie d'une enseignante ressource etdes élèves est tracé à partir de nos notes d'observation. Nousrencontrons d'abord l'enseignante ressource à son bureau. Elle nousaccueille et nous nous rendons à la classe " portative " où elle adéjà déposé son matériel, notamment un rétroprojecteur. Elle nousdit qu'elle " traîne sa classe dans un sac ". Nous nous rendonsensuite chercher quelques élèves qui attendent dans le corridor. Aupassage, nous croisons un élève, Patrick, qui ne semble pas savoirce qu'il doit faire ni où il doit se rendre ce matin. L'enseignanteressource lui explique gentiment qu'il doit se rendre à sa classetitulaire pour les présences pour ensuite se rendre à la classed'enseignement-guide. Il s'agit d'un programme que le ministèrede l'éducation a mis sur pied et qui vise à permettre aux élèves dedresser leur plan annuel de cheminement. L'enseignante ressourcenous précise que Patrick a manqué deux semaines d'école parce

qu'il était en vacances avec sa famille. Plusieurs élèves semblentconfus en raison du changement d'horaire car ce cours ne se donnequ'une fois par mois environ. Nous nous rendons par la suite à laclasse " portative " quatre où l'enseignante ressource donne lecours sur le plan annuel de cheminement aux élèves considéréscomme étant en difficulté mais habituellement intégrés aux coursordinaires. Quelques élèves nous attendent à la porte de la classe. Nous avons compté douze élèves dont Amal et Awad. Nosobservations se dirigent tout particulièrement sur ces élèves quifont partie de notre recherche puisque leurs parents ont consenti àce que leur enfant participe à la recherche. Awad offre dedistribuer les dossiers des élèves pour qu'ils/elles travaillent sur leplan annuel de cheminement. Les élèves doivent travailler sur lapremière étape du plan de cheminement qui consiste à établir desobjectifs à atteindre et à dresser un plan d'action. L'enseignanteressource fait d'abord un remue-méninges avec les élèves afin dedégager des exemples de choses qu'ils/elles peuvent améliorer : lesrésultats dans certaines matières scolaires, les activitésparascolaires auxquelles ils/elles prennent part, tel que les sports,la musique, les cours de langue ou de religion. Par la suite, lesélèves travaillent individuellement et l'enseignante ressourcecircule entre les différentes tables en aidant ceux et celles qui enont besoin. Après quelque temps, l'enseignante ressource annoncequ'à la prochaine rencontre qui aura lieu dans un mois environ, laclasse passera à la deuxième étape du plan de cheminement quiconsiste à passer en revue ses progrès et à réviser son plan. Lesquatre périodes ne sont que d'une durée d'environ 75 minutes ; cequi occasionne des déplacements et des ajustements. L'enseignante ressource nous dit, plus tard, que les élèves nereçoivent pas une note directe sur le bulletin pour ce cours maisqu'elle les note pour la participation et le travail complété. Lesnotes sont intégrées à celles du cours de français. Ce genre deremaniement des notes semble une pratique fort utilisée avec lesélèves considérés comme étant en difficulté. Nous en discuteronsà nouveau plus loin suite, notamment, à l'analyse du discours des

enseignantes. Elle a également indiqué qu'elle nourrit des attentesmoins élevées pour les élèves qui ont des difficultésd'apprentissage. Elle nous dit, à titre d'exemple, que si Awadn'écrit qu'un seul objectif à atteindre, elle sera contente. L'enseignante ressource revoit ensuite un plan de la semaine surlequel les élèves devaient représenter ou illustrer, utilisantdifférentes couleurs pour les différentes cases, l'utilisation de leurtemps. Par exemple, le rouge pouvait indiquer le temps passé àregarder la télévision, le vert aux devoirs, le bleu au piano, etc. Seulement une élève l'avait complété. Elle demande aux autresélèves de le compléter et de lui remettre aussitôt que possible. Ellepasse ensuite à la prochaine activité qui consiste à aider les élèvesà mieux s'organiser. Elle donne un exemple d'une situation pourfaire réfléchir les élèves : si un(e) ami(e) t'invite pour aller chezlui/elle qu'est-ce que tu ferais pour organiser ta visite ?L'enseignante ressource et les élèves émettent différentes idées :demander des directions sur l'endroit où se trouve le domicile del'ami(e) en question, sortir une carte de la ville, dessiner une carte,écrire les directions sur une feuille, visualiser comment s'y rendre,etc. Elle donne ensuite des directives sur la façon de se rendrechez elle en bougeant son corps. Elle explique qu'elle aime fairedes mouvements lorsqu'elle explique des choses parce que celareflète, dit-elle, sa propre façon d'apprendre. Elle explique quechaque personne possède sa propre façon d'apprendre. Certainespersonnes apprennent en bougeant comme elle, d'autres personnesapprennent de façon visuelle, d'autres de façon auditive. Elleajoute qu'une bonne façon d'apprendre est d'expliquer quelquechose à quelqu'un, à un frère, une soeur, un(e) ami(e), etc.

Lors d'une autre séance de travail dans la classe " portative " encompagnie de l'enseignante ressource, les élèves sont invités àtravailler en groupes de deux et à écrire sur des acétates lesréponses aux questions suivantes : 1) Qu'est-ce que je dois fairepour me préparer pour l'école le soir/le matin ? ; 2) Qu'est-ce que jedois faire pour me préparer avant de commencer un cours le matin

? ; 3) Nommer quelques stratégies pour m'aider à bien utiliser monagenda. Awad ainsi qu'un autre élève viennent à l'avant etprésentent les réponses à la première question à l'aide durétroprojecteur. Leurs exemples sont les suivants : préparer ton sacle soir et le mettre dans un endroit spécial près de la porte, préparertes vêtements, bien manger. Amal et une autre élève viennentprésenter leurs réponses à la deuxième question : vérifier si on a leslivres dont on aura besoin, etc. Au bout d'un certain temps,l'enseignante ressource doit les interrompre car la cloche sonne.Elle leur dit qu'ils doivent compléter ce travail car il compte pourquarante points. Les élèves quittent ensuite la classe et nous nousrendons alors à la salle 151 pour la révision d'un test demathématique. L'enseignante ressource débute généralement endiscutant avec le groupe d'élèves la question qu'ils/elles auront àrésoudre et les façons de l'aborder pour ensuite y répondreindividuellement. L'enseignante ressource précise :

"Surtout que je travaille avec des élèves qui sont intégrés dans laclasse ordinaire, souvent c'est des travaux de la salle de classe avecpetite pratique parce qu'ils ne sont pas prêts pour le faire pourl'aborder alors c'est des petites choses de base que je prépare poureux, on travaille ensemble, mais je veux qu'ils révisent à la maison,qu'ils expliquent à leurs parents ce qu'ils ont à faire, pour le travailde base, de récupération, puis ensuite on doit aborder le travail quia été modifié pour le voir, modifié selon leurs capacités, est-cequ'ils sont capable de faire, puis je parle aux parents surtout auniveau des projets, un test qu'ils peuvent faire à la maison"(Enseignante ressource, p. 13).

En faisant la révision du test, l'enseignante ressource nous confitqu'il est dommage que les élèves qui obtiennent généralement detrès mauvaises notes, doivent compléter les tests dans la classeordinaire, car ils/elles reçoivent par la suite de très basses notes, cequi peut les démotiver (notes du 9 mai).

Observations en salle de cours

Il ne nous a pas été donné de faire de longues et fréquentesobservations dans les classes ordinaires. Les enseignant(e)s del'école secondaire qui se considèrent, le plus souvent, comme desspécialistes dans leur matière, sont généralement plutôt craintifs àl'idée qu'un observateur entre dans leur classe. Il faut mentionner,en outre, que ces enseignant(e)s du secondaire se disent fortoccupés avec les préparations de cours. Cependant, à la lumière dece que l'on a observé, il semble que les élèves qui éprouvent desdifficultés à l'école soient " intégrés " pendant les cours nonfondamentaux tel que l'éducation physique, l'informatique, les arts,etc. Une enseignante d'une classe ordinaire nous mentionne qu'elleest consciente que les élèves qui éprouvent des difficultés à l'écoledevraient recevoir de l'aide individuelle mais elle ajoute qu'elle n'apas le temps de le faire pendant les période de cours (Notes 6avril).

Une rencontre avec des élèves de l'école Rouleau

Voici comment une enseignante décrit les élèves qui ont desdifficultés d'apprentissage à l'école Rouleau :

"En enfance en difficulté, pour ceux qui sont identifiés, je diraison couvre tous les niveaux socio-économiques, tous les niveauxculturels, certainement pour ceux qui ne sont pas identifiés maisqui ont des grands besoins, je dirais que ce sont des élèves qui ontsubis une scolarité irrégulière et dans ce cas-là je dirais que ce sontdes élèves provenant du continent d'Afrique et peut-être d'autresmilieux, ouais, peut-être d'Haïti ou, étant donné que ce sont les, lespays francophones qui sont plus touchés par ces difficultés là, alorsles élèves que je vois qui ne sont pas encore identifiés, qui risquentd'être identifiés plus tard, oui ce sont des élèves qui proviennentd'un, d'un groupe socio-économique ou bien d'une culture, oui.... etil y a des élèves aussi provenant de Montréal ou de Québec, qui ont

fui, ce sont des familles qui ont eu une situation difficile àMontréal et puis qui vivent dans des hôtels, qui sont en grandecrise, alors on sait, on connaît maintenant les hôtels où ils vivent enattendant une place...... Ah, oui, si je peux dire qu'il y a quelquechose de commun, chez nos élèves, je dirais que souvent c'est lesfamilles sans papa..... Oui, ceux identifiés, pas identifiés et ceux dela classe régulière, il y a plusieurs familles monoparentales, je n'aipas fait le sondage, mais je dirais que plus que la moitié,certainement" (Francine, p. 21-22).

Les élèves qui ont consenti à participer à notre rechercheprovenaient tous de deux écoles nourricières du conseil scolaire,c'est-à-dire deux écoles élémentaires du district de l'école. Parmiles cinq élèves dont les parents ont également consenti à participerà l'étude, quatre avaient, selon les enseignantes, des "difficultésd'apprentissage", l'autre était considérée comme étant doué. Lesparents de deux élèves, un garçon identifié comme étant doué etune fille qui n'a pas été identifiée par un CIPR mais qui semble, àla lumière des informations recueillies auprès des enseignantes,avoir des difficultés d'apprentissage, ont consenti à ce que leschercheures observent leur enfant à l'école mais n'ont pas consentià se faire interviewer. Le tableau qui suit présente quelquesdonnées au sujet des cinq élèves que nous avons pu interviewer. Nous n'avons pu fournir une description des autres élèves qui sontconsidéré(e)s comme étant "en difficulté" puisque nous avons dulimiter nos observations aux enseignant(e)s, parents et élèves ayantconsenti à participer à la recherche.

Profil des élèvesÉlève interviewé(e) Âge Lieu de naissance Langue(s)parlée(s) à la maison Statut/CIPRNoémi 12 ans Canada anglais identifiée

Amal 13 ans France français en voieAwad 14 ans Canada arabe, français, anglais

identifiéDavid 12 ans Canada italien, français pas identifiéPatrick 14 ans Canada français en voie

Pour les élèves, il semble que le choix de l'école Rouleau s'estimposé à la suite de la promotion faite par l'enseignante ressource àl'école élémentaire où ils/elles allaient l'an dernier et à leurssouhaits de retrouver les " grands ", leurs amis, frères et súurs,cousins, etc.

" L'année dernière Madame [nom de l'enseignante ressource] estvenue à [nom de l'école] et nous avait parlé de [l'école Rouleau] etnous avait montré des photos et les photos qu'elle nous avaitmontrées, j'ai vu des élèves comme qui faisaient toutes sortesd'expériences et tout ça, alors j'ai pensé comme peut-être je peuxvenir ici essayer et j'ai entendu que comme c'est une bonne école etplein de personnes viennent à cette école, j'ai décidé de venir ici.(Awad, p. 4)

"C'était parce que mon frère était déjà là et je peux comme mieuxtravailler peut-être" (Amal, p. 4).

Certains ont trouvé le passage de l'élémentaire au secondaire trèsdifficile au début tout en démystifiant le tout par la suite.

"Le premier jour, j'avais tellement peur parce que je voyais despersonnes plus grandes que moi et j'étais comme, je voyais commedes visions que j'avais peur si ils faisaient quelque chose mal àmoi... Ouai, ils me fassent rien" (David, p. 5-6).

"En premier je croyais que c'était grand et je me perdrais maisaprès quand j'ai commencé l'école c'était comme pas très grand,

c'était comme normal, c'était comme si j'étais habituée" (Noémi, p.3-4).

Si le nombre d'enseignant(e)s ne semble pas un problème pourl'une des élèves : " pas vraiment, parce que comme à [nom del'école élémentaire] j'avais au moins deux, trois et comme ici j'aicomme cinq quelque chose comme ça" (Noémi, p. 6), un autre, parcontre, trouve la transition au système de rotation avec différentsenseignant(e)s très difficile. Un élève regrette qu'à l'élémentaire,on ne lui ait pas dit que c'était du " sérieux " l'école :

" Je trouvais un peu cette école pas aussi bon que je le croyaisparce que il te disait pas il faut que tu travailles sérieux, parce quemoi quand j'étais là, je savais pas si il fallait donner son maximumils te disaient jamais rien, ils juste disaient voilà un test, parce quemoi je pensais que c'était juste comme une école qu'on peut fairen'importe quoi mais après à un moment, comme en sixième année,ils le disent comme en dernier ce qu'il faut faire d'importantcomme ils vont te dire, ils vont dire en septième année ça va êtredur mais en élémentaire on a pas vraiment appris grand chose"(David, p. 2).

Noémi, l'élève désignée comme étant douée, semblait avoir ungrand enthousiasme pour toutes les matières scolaires sauf pourl'histoire car il y avait, selon elle, trop de dates à mémoriser. Lesquatre autres élèves, par contre, ont tous mentionné lesmathématiques comme étant une matière qu'ils trouvaientparticulièrement difficile. De plus, les enfants ont tous exprimé unepréférence pour les sciences :

" J'aime comme, j'aime beaucoup savoir sur le monde et tout ça etl'environnement et comme faire des expériences et toucher deschoses que j'ai jamais touchées" (Awad, p. 6).

Voici comment certains élèves parlent de leurs difficultés à l'école:

" Ben le français j'aime, j'aime, dans la catégorie que j'aime le plusmais c'est quand je fais les tests des fois j'échoue et j'aime pas ça etles maths aussi " (Amal, p. 5)

" On a répété, répété et en cinquième année, j'ai eu un peu dedifficulté à comprendre et en sixième j'avais un peu, plus j'avaisdes problèmes avec des mathématiques, le reste j'allais bien maismaintenant dans cette école j'ai des problèmes avec les maths et lagéographie" (David, p.2).

" C'est vraiment, d'abord en histoire j'avais beaucoup de difficultéparce qu'elle me mélangeait un peu trop avec les dates, avec, elley'avait trop d'informations j'étais comme confus et je commençaisà m'ennuyer alors je commençais à dormir dans ma tête et après jeme réveillais à un certain moment que j'avais oublié tout ce qu'elledisait parce que moi quand quelqu'un parle trop je, je commence àun peu dormir, alors c'est quelque chose que j'aime pas trop maisj'essaie de faire de mon mieux pour écouter ce que la personne dit"(David, p. 3).

Un élève nous a révélé son insécurité face à la gestion du temps ence qui à trait aux devoirs. " Moi je, je focuse dans mes travaux beaucoup plus parce que despersonnes disent, parce que moi il fallait que je montre monhoraire de ce que je fais à l'école à Madame X et j'avais dit que çame prend deux heures pour faire mes devoirs, elle a rit et j'étaiscomme pourquoi c'est si drôle que ça, et moi j'ai dit, j'avais dit ça,après ils ont dit parce que eux font une heure et toi tu fais deuxheures, moi j'ai expliqué, parce que moi je me concentre plus àétudier aussi, parce que des fois quand j'ai fini un devoir, quand j'ai

rien à faire, quand je me sens comme débordé là, alors je vais dansmes affaires, j'étudie" (David, p.15).

Processus d'identification des élèves considérés comme étant endifficulté

Les entretiens avec les enseignantes, les parents et les élèves ainsique les observations nous ont permis de comprendre le processusqui sous-tend l'identification des élèves et le passage à l'écolesecondaire de ceux et celles qui ont déjà été identifiés àl'élémentaire. D'abord, il semble que l'enseignante ressource doivefaire la demande du dossier de l'élève car le transfert des dossiersne semble pas automatique quand un élève passe d'une école àl'autre. Par la suite, l'enseignante ressource " passe au peigne fin "(Louise, p. 18) les différents dossiers. Si l'école accueille un élèvequi a déjà été identifié dans une école d'un autre conseil scolaire,les autorités [notamment l'enseignante ressource et le directeur oula directrice d'école] de la nouvelle école de l'élève doivent décidersi l'élève demeure simplement " évalué " à la lumière de ce qui aété fait à l'école précédente ou doit être ré-évaluer ou ré-identifier. Dans les cas plus complexes où "les élèves nous arrivent d'autresprovinces, voire d'autres pays", nous dit une enseignante,l'enseignante ressource doit contacter les écoles afin d'obtenir deplus amples renseignements, car les dossiers, en théorie, ne doiventpas sortir des juridictions provinciales. L'enseignante ressource secharge alors d'appeler les différentes personnes responsables desautres provinces afin d'obtenir des renseignements sur l'enfant ; ceséchanges se font sur la base de personne à personne. Mais, avantde contacter le personnel de l'école où allait l'élève, l'enseignanteressource rencontre les élèves et les parents. Elle demande, à cetteoccasion, d'apporter un bulletin récent, ce qui lui permettra, aubesoin, de contacter le personnel de l'école où allait l'élèveprécédemment. Chaque cas, semble-t-il, est jugéindividuellement. Le long extrait qui suit résume une partie duprocessus.

" On vient qu'on développe un sixième sens, une intuitionparticulière avec ces élèves-là, je veux dire quand on fait, lorsqueles élèves viennent pour, surtout à cet âge-là, les élèves viennentavec leurs parents pour s'inscrire, ce qui est pas nécessairement lecas pour les élèves du secondaire, ok, ils viennent avec les parents,puis souvent quand ça fait plusieurs années qu'on fait ça, on saitqu'en questionnant, surtout quand ils nous arrivent de l'extérieur dela province ou même de l'extérieur du pays, c'est en questionnantles parents puis, parce qu'on vient à bout de vraiment, dedécouvrir, c'est un peu, c'est du travail de détective souvent qu'ilfaut faire. (Ö) [Le but est] d' essayer d'en savoir un peu plus long :comment est-ce que cet élève-là était, était-il dans les classesrégulières, est-ce qu'il recevait un appui particulier, etc. Je veuxdire, t'sais, parce que souvent il y a des parents, pour une raison ouune autre, que soit ils vont pas tout dévoiler, ils ont peut-être peur,surtout ils ont peut-être peur qu'on acceptera pas l'élève si l'élève ades difficultés. Il va essayer de cacher des choses mais ça fait qu'ily a un suivi qui est fait de ce côté-là aussi, je veux dire, souventc'est beaucoup de travail de détective, prendre le téléphone puisappeler, puis essayer de retracer l'historique de cet élève-là, c'estpas toujours facile, c'est plus difficile avec les élèves souvent quinous arrivent de d'autres pays, parce qu'ils arrivent avec rien, ok,évidemment ils n'ont pas de bulletin, ils ont, t'sais ils ont rien, alorslà ça devient un genre deÖ (Ö) Souvent, ce qu'il faut faire c'estaller selon comme je pense que, c'est l'intuition, l'instinct, je penseque comme on sait comme dans l'enseignement, après, quand çafait plusieurs années qu'on le fait, je pense qu'on développe uncertain instinct sur, une certaine intuition sur à peu près où, comme quelles sont les forces de ces élèves-là, quels sont lesbesoins à ces élèves-là, je veux dire t'sais, ça nous donne une idée,surtout si on jase avec l'élève, un peu avant son entrée en classe "(Louise, p. 32-33).

Les parents : entre inquiétude et revendication

Cinq parents d'élèves qui faisaient partie de notre recherche ontconsenti à participer à un entretien avec les chercheures. Voici unprofil de ces parents : Parent interviewé Lieu de naissance Occupation Scolarité Languepréférée lors de l'entrevue Lieu de l'entrevueMme Morand (mère de David) Pologne sans emploi

Études universitaires Français DomicileM. Seeva (père d'Amal) Sri Lanka salarié(secteur des services) Études secondaires Français Bureauxdes chercheuresMme Legentil (mère de Noémi) Canada fonctionnaire

Études universitaires Anglais CaféMme Langlois (mère de Patrick) Canada travailleur autonome

Études collégiales Français DomicileM. Bona (père d'Awad) Maroc fonctionnaire inconnue

Français Téléphone

Les entretiens avec les parents nous ont permis de mieux connaîtrele contexte familial ainsi que le contexte dans lequel les élèves quiont participé à cette recherche ont été identifiés formellement ounon comme étant en difficulté. Voici comment un parent décrit lesdifficultés de son enfant.

"Il a commencé à avoir des difficultés à peu près dans laquatrième année, cinquième année, sixième année... J'ai été àl'école, on a parlé avec le directeur avant, on a fait des accords, ilsl'envoient dans une classe avec une maîtresse X les études à sonniveau, après il fait les exercices et il me montre à la maison, je lesvérifie et je fais une petite signature dans son agenda comme quoi

il a fait le travail, en quatrième année il était bien marché et lemême cas on a fait en cinquième année, le même cas on a fait ensixième année, dans les derniers moments de l'école, quand il estallé rejoindre [l'école], il a fait un examen au mois de juillet avecun X, il a resté avec un X peut-être quatre ou cinq heures, j'airencontré le type au mois d'octobre, on a parlé, il m'a dit c'est pourcela qu'il a besoin d'aide, il a envoyé tous les documentsnécessaires pour [nom de l'école]... Il est très, très intelligent, jesais bien si quelqu'un le X très bien il travaille but il faut lesurveiller de près, c'est ça, il veut bien rigoler, il veut bien s'amuseravec ses copains et tout ça but si quelqu'un le surveille il fait letravail, moi dans les jours de congé je lui donne un peu des mathsje lui donne un peu des dictées, à côté de moi il le fait X il sait bienqu'il va avoir des erreurs but à mon avis, si il était surveillé, il peuttravailler " (M. Bona, p. 6).

M. Seeva, le père d'Amal nous explique que sa fille a dû refaire sasixième année pour atteindre le niveau désirable pour passer à laseptième année.

" On a été aussi une première fois à [l'école Rouleau], elle a fait,Amal elle a fait un test, et Madame X elle l'a vu, elle a évalué letest, elle a dit ... Elle a pas encore atteint le niveau qu'il faut pour laseptième, alors il fallait répéter sixième à [l'école élémentaire]"(M.Seeva, p.13).

Selon Mme Legentil, la mère de Noémi, c'est l'enseignante dujardin qui a constaté que sa fille avait des aptitudes ditessupérieures à la norme. En première année, Noémi refusait d'allerdans la salle de classe et elle a passé presque toute l'année assise àun pupitre dans le corridor. Personne ne pouvait comprendre laraison derrière ce comportement. Mme Legentil croit qu'il y avaitun conflit de personnalité entre l'enseignante et sa fille, ou encoreelle s'ennuyait. Elle semblait également avoir, aux dires de lamère, des difficultés d'adaptation sociale. Les choses se sont

rétablies en deuxième année. Elle a passé des tests d'évaluation entroisième année et a été identifiée comme enfant douée. Margaretétait satisfaite de l'approche utilisée avec Noémi : intégration dansle cours ordinaire tout en ayant des projets et des activitéssupplémentaires. Mme Legentil a toujours voulu décourager lacompétition entre Noémi et sa súur aînée en ne parlant pas devantelles du " talent exceptionnel " de Noémi. C'est cette annéeseulement que Noémi a appris qu'elle était " douée ". Sa súur n'apas été identifiée comme étant douée mais elle est, toujours selonMme Legentil, très intelligente. Elle nous confie que Noémi auraitun talent exceptionnel pour se rappeler des détails minutieuxd'événements passés. Elle serait également très ordonnée dans lerangement de ses choses personnelles. La transition del'élémentaire à l'école Rouleau a été assez difficile à cause decirconstances imprévues. Mme Legentil et trois de ses filles ontpassé les mois de septembre et d'octobre chez leur grand-mère àQuébec parce que cette dernière était malade. Noémi a débutél'école à la fin octobre et elle a du s'adapter à une nouvelle routinescolaire très rapidement. Certains parents montrent des signes d'inquiétude et dedécouragement face aux difficultés qu'éprouve leur enfant à l'école:

"Ben ... je sais pas si Amal arrivera à s'adapter à ... à la classerégulière ... en général j'ai du souci pour elle" (M. Seeva, p. 18).

"Je suis pas pédagogue, je l'ai suivi depuis qu'il a six ans mais jesais plus quoi faire" (...) " Des fois là c'est, comme on fait un effortpour un bout de temps, puis là on dit ok, tu es parti là, vas-y,continue là, mais c'est ben difficile il faut que le suivi soit constantmais on se dit à un moment donné il faut que ce soit lui qui prenneles rennes mais on dirait qu'il est pas prêt encore" (Mme. Langlois,p. 6-7).

Certains parents semblent confus par rapport à l'évaluation queleur enfant a reçue. Ils ne se souviennent généralement pas trop desdétails ayant entouré le processus d'identification. Il semble yavoir un flou entourant la question à savoir si cela a été initié parl'enseignant(e) ou par le parent.

"David n'a pas fait de tests de l'enfance en difficulté il n'a pas, jesais pas" (Mme Morand, p. 7).

"À l'école Rouleau, je crois, ils ont rien fait, c'était juste les étudesnormales, j'ai attendu pour le deuxième bulletin qu'il a passé, j'étaisallé à l'école là-bas, j'ai rencontré son instituteur de math, j'airencontré l'instituteur des sciences, on a parlé, j'ai parlé à mon fils,peut-être mon fils il est un peu X il fait pas son travail correct, àmon avis il a besoin d'aide" (M. Bona, p. 6).

Un parent semble déchiré entre le désir de voir son fils subir destests d'évaluation suite aux recommandations d'un comité IPR et lacrainte qu'une identification officielle puisse nuire à son estime desoi.

" Moi je pense qu'il faudrait parler avec David, demander sonopinion parce que pour moi il serait bon, mais si ça devraitendommager son self-esteem je ne pense pas que ce serait bon"(Mme. Morand, p. 14).

Mme Legentil, quant à elle, n'aime pas l'étiquette "enfant endifficulté" pour un enfant "doué". Elle craint que la mention " PEI" sur le bulletin scolaire et dans ses dossiers, soit perçu de façonnégative par les universités. Elle préférerait que l'identificationspécifie que sa fille est "douée". L'enseignante ressource préciseque certains parents résistent à toute identification. Ils ne veulentpas que les enfants sortent des classes ordinaires. Elle ajoute queles parents ne se rendent pas compte que leur enfant pourrait mêmerecevoir de l'aide à l'université.

Certains parents déplorent le fait qu'ils ne peuvent accorderbeaucoup de temps à leur enfant afin d'aider avec les devoirs. Lesexigences de leur travail ne le permettant pas.

"Moi j'ai pas le temps de l'aider, je travaille toujours la nuit, montravail c'est comme ça, je commence à quatre heures de l'après-midi jusqu'à une heure du matin" (M. Bona, p. 6).

"J'ai pas encore le temps de rencontrer le professeur, je travaille àtemps plein, il y a deux ou trois jours il y avait une réunion, jepouvais pas y aller" (M. Seeva, p. 17).

Certains parents ne semblent pas trop au courant des procédures ettrouvent que les communications sont parfois difficiles entre eux etles enseignant(e)s.

" Pourquoi j'ai pas contacté [nom de l'école élémentaire] parce quele type, il m'a dit il va renvoyer toutes les formules pour les aider,j'ai toujours dans l'attente de quelqu'un qui va me téléphoner, j'aidemandé à mon fils, il faut aller à la directrice, dis à elle que tuveux avoir une aide, il dit voilà j'ai parlé, il m'a dit ça va, ça va onva rencontrer quelqu'un d'autre, on va régler tous les problèmes,c'est comme ça" (M. Bona, p. 6-7).

M. Seeva, pour sa part, semblait incertain à savoir si la demanded'identification avait été initiée par un enseignant(e) ou s'il avait,lui-même, fait des démarches en ce sens. Bien que très peu aucourant des horaires de sa fille, M. Seeva accompagne Amal chezun tuteur trois fois par semaine pour lui donner de l'aidesupplémentaire. Bien qu'il se dise satisfait des rapports entrel'enseignante ressource et Amal parce "qu'elle prend en intérêt mafille" (M. Seeva, p. 19), ce parent aimerait qu'elle reçoive une aidesupplémentaire.

Pour certains parents, le jargon technique n'est pas toujours facileà comprendre.

" Je sais pas, je sais pas, j'ai tellement vu de choses avec Patrick,puis je sais que, il pourra jamais, ce que j'espère c'est qu'il ait uneexemption quelconque mais là on parlant avec X là il y a desprogrammes là, pas des programmes mais, comment on appelle ça,j'ai écris ça, c'est un plan de cheminement là, prendre un plan decheminement jusqu'à la douzième année...je sais pas, je sais pascomment est-ce que ça fonctionne, je trouve là-dessus j'ai pas assezde, de renseignements oui" (Mme Langlois, p. 6).

Deux des parents associent les difficultés de leur enfant aucontexte multilingue dans lequel ils vivent.

"C'est peut-être c'est ça l'origine de leurs problèmes, parce quequand on apprend une langue, on peut l'approfondir, plus à fond,mais avec plusieurs langues... non, je sais que si un enfant est petit,il doit apprendre, à la place d'apprendre le mot table en quatrelangues, il va apprendre quatre mots différents, la table, la chaise,le mur, des choses comme ça, alors ça prend l'espace dans lamémoire" (Mme Morand, p. 5).

Dans un foyer multilingue, un parent s'inquiète de l'effet que peutavoir l'emploi de plusieurs langues sur leurs enfants. Par exemple,lorsque nous lui avons demandé si son épouse parlait espagnol auxenfants, il répondit :

"Non, non, c'est trop, elle va les faire mélanger... trois languesc'est déjà trop... ils parlent arabe, français, anglais" (M. Bona, p.14).

Le choix d'une école de langue française semble prioritaire pourplusieurs parents. Par exemple, Mme Morand explique son choixcomme suit :

"On a pensé donner un peu de culture française qui est très prochede la culture européenne et la discipline, les devoirs à la maison"(Mme Morand, p. 3).

Les parents critiquent certaines méthodes comme le fait de sortirles élèves de la classe ordinaire. Tel que nous l'a mentionnél'enseignante ressource, cette pratique est vue par certains parentscomme causant préjudice aux élèves car ces derniers manqueraientles activités de la classe ordinaire.

"David, malheureusement, en cinquième année, il a manqué samathématiques, alors parce qu'il est allé dans un centre deressources, alors en septième année tous les concepts étaientnouveaux pour lui parce que tout ce qu'il avait appris à l'écoleélémentaire, il l'avait oublié parce qu'il était très peu présent quandl'enseignant présentait les nouveaux concepts de mathématiques"(Mme Morand, p. 7).

Selon Mme Morand, David aurait conseillé à son jeune frère,lequel a aussi des difficultés d'apprentissage, de ne pas aller aucentre de ressources pendant les leçons de mathématiques afin dene pas accuser de retard dans cette matière. Elle critiqueégalement le regroupement des "faibles" qui n'est pas, selon elle,propice à un apprentissage équilibré. Dans d'autres cas, les parentsrevendiquent, semble-t-il, davantage de services. L'extrait desnotes d'entretien qui suit en témoigne.

" Patrick a connu des problèmes d'apprentissage depuis le jeuneâge. Mme Langlois et un groupe de parents ont même créé uneécole spécialisée pour les enfants en difficulté à [nom d'une ville]avec l'aide d'une enseignante. Mais à cause d'un manque de fonds,Patrick a dû rejoindre une école ordinaire. Ses dossiers ont étéenvoyés à l'école, ici à [nom d'une ville] après son inscription. Mme Langlois avait l'impression que Patrick avait été identifié à

[nom de l'école élémentaire] mais elle réalise que ce n'était pas lecas. Son dossier l'a suivi à l'école Rouleau, mais le processusd'identification n'a pas encore été complété et prend trop de tempsselon elle. Elle est heureuse de l'aide que l'enseignante ressourceapporte à son fils, mais réalise que ce n'est pas suffisant. MmeLanglois était très émue en parlant de Patrick et semblait inquiètede son avenir et épuisée des efforts qu'elle a du mener au fil desans " (notes d'entretien suite à l'entretien mené avec MmeLanglois, 5 avril, 2000).

Cependant, tous les parents interviewés semblent très contents del'action de l'enseignante ressource. À titre d'exemple, MmeLegentil précise que Noémi a commencé dès l'automne à participerà des activités de douance grâce au travail de l'enseignanteressource. Noémi semble bien heureuse de suivre ces activitésainsi que de son rapport avec l'enseignante ressource, toujours auxdires de Mme. Legentil. Elle est également satisfaite de l'approcheutilisée par l'enseignante ressource, approche qui vise à offrir unevariété d'activités d'enrichissement qui sont un complément aucurriculum et qui donnent aux étudiant(e)s une ouverture vers lacommunauté et vers l'avenir. Elle aime, en outre, la formuled'intégration avec retrait à l'occasion. Il est important, selon elle destimuler les élèves doués pour ne pas qu'ils s'ennuient. De plus,elle a rencontré les autres enseignant(e)s aux soirées des bulletinset semble satisfaite de la communication qu'elle a avec eux/elles.

Les enseignantes interrogées au sujet des approches pédagogiquesd'intégration en vigueur à l'école ont, pour la plupart, venté lesvertus de l'intégration tout en évoquant les difficultés qu'ellesrencontrent au quotidien, notamment quand elles doivent planifierdes activités différentes pour un même groupe d'élèves. Parexemple, une enseignante nous explique les difficultés auxquellesdoit faire face l'école au regard de l'intégration :

"Selon mon expérience, je veux dire évidement le milieu quifavorise l'intégration c'est toujours le mieux, c'est moinsperturbateur pour l'élève, sauf que dans certains cas c'est pastoujours, c'est pas pratique, dans certains cas, je pense que chaquecas doit être jugé individuellement, il y a certains cas que où l'élèvene peut tout simplement pas fonctionner dans la salle de classerégulière, il n'a pas les, peut importe la raison, je veux dire, t'sais ilne peut tout simplement pas fonctionner dans l'intérieur de la sallede classe, que ce soit parce qu'il y en a 35 dans la salle de classe, àpart de lui, que ça soit qu'il a pas les habilités, qu'il a pas lescompétences, les connaissances, les habitudes de travail, lamaturité, peu importe, je veux dire X juger, sauf que dans uneécole, il devrait avoir t'sais, à mon avis, on devrait avoir, lesressources pour ces élèves-là devraient plus, devraient plus ... plusdéfinis et peut-être plus, avoir des ressources pour répondre auxbesoins particuliers au lieu d'essayer de faire, de faire fitter nosbesoins selon, aux ressources qu'on a, puis c'est ça qu'on aprésentement, on nous dit, ça c'est x nombre de ressources quevous avez, par exemple, puis c'est pas une critique du conseilscolaire, c'est la façon que c'est les choses, la dotation dupersonnel, ça c'est votre dotation du personnel pour l'année, selonle fameux financement du ministère, vous avez tant d'élèves, vousavez droit à tant de profs" (Louise, p. 36).

"Ceux qui en bénéficie [en parlant des services à retrait offerts parl'enseignante ressource], il y en a, il y en a, mais il y a, y'a rien àfaire j'imagine, ils sont justes bouchés, je sais pas comment, jedirais pas bouchés, je pense qu'il y en a certains qui mettent pasassez l'effort, ok, j'en ai quelques-uns qui vont X c'est parce qu'ilsfont pas l'effort nécessaire" (Marie-Paule, p. 14).

Une enseignante semble démunie face à l'intégration des élèves endifficulté dans sa classe.

" Pour les élèves, bon, par exemple si je prends bon ceux endifficulté que je connais vraiment, c'est les groupes EED [enfanceen difficulté], tu vois bon, on parlait tantôt de l'intégration, cesélèves-là sont intégrés dans mon cours X, mais j'ai pas le temps deles voir, t'sais je me sens très coupable parce qu'ils font absolumentrien, quand ils arrivent, parce qu'ils sont pas capables de faire leprogramme que je fais avec, je fais le même programme X avecmes groupes de septième année, sauf un peu plus avancé, ils sontpas capables de suivre ça, donc ils perdent une heure et quart, tucomprends, t'sais, je me dis tandis que s'ils étaient tout le tempsensemble, je les ai deux fois, une fois qu'ils sont intégrés, une foisqu'ils sont seuls et étant donné que je suis pas formée pour ça, jesais même pas quoi faire avec eux" (Marie-Paule, p. 20).

Une enseignante propose l'intégration pour certains avec appuid'une personne ressource en salle de classe, tandis que pourd'autres élèves, ajoute-t-elle, la solution idéale semble être unenseignement à retrait dans une classe spécialisée.

" Ça dépend des cas, je dois dire que il y a certains élèves qui nesont pas capables de fonctionner en salle de classe point final, ok ily a certains cas dans cette classe-là, qui fonctionnent au niveau dela troisième, quatrième année mais à ce moment-là ils ont besoinde se rattraper puis à ce moment-là, moi je recommanderaisfortement une classe juste pour l'enfance en difficulté.... Mais il y ades élèves où c'est juste, peut-être, des petits problèmes mineurs,ils peuvent se faire aider en salle de classe, peut-être des fois avoirune enseignante ressource dans la classe qui, après avoir, disons, làje viens de donner une leçon [sur une matière quelconque] alorsdisons, peut être proche de l'élève puis là, regarde, oh, tu n'as pascompris [tel aspect], regarde, voici un autre exemple, t'saistravailler avec l'élève de cette façon-là, mais nous n'avons pas cesressources-là malheureusement, nous n'avons pas d'enseignants quiviennent en salle de classe pour nous aider" (Elena, p. 12).

Cependant, une enseignante nous dit qu'elle préfère le modèled'intégration avec appui au retrait à temps plein, en raison d'uneexpérience de famille personnelle. Selon elle, le retrait fut uneexpérience très négative pour un membre de sa famille parce quel'enfant se sentait isolée et que son estime de soi et sa confianceavaient été brimées par des taquineries d'élèves. Elle préfère doncaider l'élève même si cela demande du travail supplémentaire quede risquer que l'élève soit stigmatisé par les autres. Dans le passagequi suit, elle explique la façon dont elle approche les élèveséprouvant de la difficulté tout en évoquant le cas de sa súur.

" C'est plutôt moi qui l'approche, quand je vois que, disons que j'aià donner un test puis je sais que les élèves qui sont, qui sontidentifiés sur la liste, qui ont le consentement, dont leconsentement des parents, à ce moment-là je demande à[l'enseignante ressource], je sais que certains travaux, que lesélèves ne sont pas capables de faire seuls, à ce moment-là jedemande à [l'enseignante ressource] , mais j'essaie le plus quepossible de faire faire les travaux seul en salle de classe, j'essaied'éviter de les envoyer avec [l'enseignante ressource], le plus quepossible, parce que, je dois vous dire dans mon cas personnel, j'aiune súur qui fréquentait cette école, puis elle était dans la classed'enfance en difficulté, vraiment isolée, une classe à temps plein,puis j'ai vu au cours des années, qu'au niveau de l'estime de soi, auniveau de, de son estime, de sa confiance, c'était zéro... parcequ'elle était toujours isolée, puis je voyais aussi la façon que lesélèves de la classe régulière, la façon qu'ils traitaient ma súur aussi,parce que c'était : oh, c'est elle, c'est un "dummy" une stupide...c'est ça différente, puis c'est ça les enfants qui sortent souvent de laclasse ordinaire, sont souvent stigmatisés, puis je sais, jecomprends très bien la situation parce que je l'ai vécue au niveaude ma súur alors j'essaie de, t'sais, d'essayer de les aider le plus quepossible en salle de classe, ça ajoute à mes tâches d'enseignementmais en même temps je dis, t'sais comme ça c'est moins évidentpour les autres qu'ils sortent parce que si je les envoyais à chaque

fois là, après un moment donné les élèves s'en rendent compte,puis là c'est ça il y a une étiquette qui se forme puis c'est ça, onveut essayer d'éviter, parce qu'il faut quand même penser ...l'estime de soi, la confiance de ces enfants-là, mais quand je voisque c'est un grand test, une grande épreuve, très difficile, à cemoment-là ils sortent avec [l'enseignante ressource]" (Elena, p. 11-12).

Cependant les sorties de la salle de classe ordinaire peuventoccasionner, semble-t-il, des problèmes, auxquels les parents ontdéjà fait allusion précédemment.

" Il faut que je me débrouille ça c'est définitif, comme vous avezrencontré [l'enseignante ressource] qui, elle, est disponible des foismais le problème, un autre problème, c'est que quand l'enfant estsorti de la salle de classe, disons que l'enfant va avec l'enseignanteressource mais à ce moment-là, pendant que l'enfant est ressorti,ben là l'enfant manque d'autres choses, alors ça c'est un autreproblème, comme si c'est un test c'est correct, ça va bien, parce quelà ils peuvent travailler avec la personne ressource, puis ça je suistout à fait d'accord, puis des fois si je vois que c'est trop pourl'enseignante ressource, parce que c'est seulement une enseignantepuis elle est pas à temps plein non plus, il faut qu'elle se promènede classe en classe, je ne peux pas trop imposer non plus, alors desfois je fais des modifications moi-même, parce que c'est pastoujours évident non plus" (Elena, p. 10).

Une autre enseignante pense à un système de récupération quipourrait aider les élèves.

" On a pas même le temps de faire vraiment des récupérationsparce qu'on a quarante minutes de lunch, donc même des fois jedonne de la récupération, je pense l'année prochaine ce que je vaisprobablement faire c'est de spécifier des journées, si je suis encoreici, donc mettre des journées fixes de récupération et les obliger à

venir, parce que, à [nom d'une ville] on faisait ça, tu les obliges, situ dis, il y a de la récupération, ils viennent pour cinq minutes puisils s'en vont, ils vont pas rester, oh, madame pourquoi [la réponseétaitÖ] ah, ok, j'ai compris puis ils s'en vont, ils ont pas vraimentbien compris, des fois c'est juste, ils lisent vite puis ils ont bloquésur une partie, ils viennent se faire débloquer mais c'est pas parcequ'ils ont compris nécessairement, je pense que je vaisprobablement instaurer ça, parce que la récupération je pensequ'elle est importante et ils en profitent pas (Ö) [En ce quiconcerne l'appui que procure l'enseignante ressource] Je pense quec'est bien, c'est pas, bon, suffisant ... parce qu'elle les retire peut-être une fois, parce qu'elle est super occupée aussi, donc suffisantnon, je pense que, ils devraient avoir du tutorat en plus, les élèvescomme ça devraient avoir du tutorat" (Marie-Paule, p. 17-18).

Une autre enseignante nous explique les difficultés qu'ellerencontre tout en mentionnant que, contrairement, au niveausecondaire, il n'y a pas d'échecs pour les élèves de septième et dehuitième années.

"Ah, oui, c'est tout un défi, je dois dire qu'il y a des moments assezdifficiles, comme des fois je vais finir une journée puis j'ai enviede démissionner parce que ça va très mal, mais il y a d'autres joursoù ça va tellement bien aussi, où on voit que les élèves sont, sonttrès intéressés et tout alors, oui alors à ce moment-là on sent qu'onest plus valorisé à ce moment-là puis on voit notre contribution à lavie de nos jeunes, mais c'est ça, c'est très difficile, je pense quec'est vraiment l'âge le plus difficile parce que, une fois qu'ils sontrendus au secondaire ben ils savent que si ils ne travaillent pas ilséchouent et ils doivent reprendre un cours tandis qu'à l'élémentaire,surtout à l'intermédiaire, ils passent quand même, même si ilséchouent, ils passent, c'est le système, je trouve que c'est un défautdans le système parce que, ils ne prennent pas les cours très ausérieux, mais c'est ça alors ça nous rend la vie un peu plus difficile

aussi de les motiver parce que dans le fond ils connaissent lesystème les élèves à cet âge-là ils sont très conscients" (Elena, p.7).

Une formation qui reste à imaginer

Il semble que la formation en " enfance en difficulté " fasse défautaux enseignant(e)s formés dans les universités francophones et/oubilingues de la province nouvellement intégrés à la profession. Lesenseignant(e)s seraient très peu préparés à enseigner à une classequi est forcément hétérogène. Il y aurait pourtant, selon une autreenseignante interviewée, pour ceux et celles provenant desuniversités du Québec, une formation prévue dans le baccalauréaten enseignement ainsi qu'un stage dans une classe d' " adaptationscolaire ". Une enseignante nous précise qu'il y a peut-être certainscours ou certaines portions de cours qui touchent à cette questiondans les programmes de formation à l'enseignement en languefrançaise en Ontario, mais de façon éloignée.

" À ma connaissance, ils en parlent peut-être un petit peu àl'intérieur de certaines cours de psychopédagogie, je veux dire,t'sais, mais une formation là comme telle je veux dire de base, non,pas que je sache. J'ai obtenu des renseignements (Ö), la semainedernière à Ottawa, qu'il y en a quelques-uns, deux, parmi lescandidats (Ö) qui [veulent s'inscrire] pour le cours d'enfance endifficulté, partie 1, durant l'été, ok, quelques-uns de ça mais çademeure une qualification additionnelle, c'est pas une qualificationobligatoire " (Louise, p. 27-28).

Pourtant, ajoute la même enseignante, des cours bien ancrés dansla pratique et les stratégies à adopter face aux élèves qui éprouventdes difficultés devraient faire partie des programmes de formationuniversitaire.

" Selon moi je pense qu'il y a beaucoup de choses qui doiventchanger dans la formation, dans la formation des enseignants, il y abeaucoup de choses qui doivent changer, oui, je pense qu'il y a unecomposante de plus en plus qui doit être apportée dans le domainede l'enfance en difficulté et surtout, encore une fois ça c'est monopinion. (Ö) " Je pense que, au niveau de la formation del'enseignement, il doit y avoir des modifications parce que je nesuis pas tout à fait d'accord avec ce qui se passe, je trouve que lathéorie ne s'applique pas beaucoup à la réalité, lorsque nous faisonsla pratique, c'est à dire les stages, nous voyons une réalitécomplètement différente, puis, par exemple moi j'ai fait maformation de la maternelle à la sixième année, c'est à dire auprimaire-moyen, puis je n'ai pas reçu de formation dans toutes lesmatières. (Ö) Il faut avoir des stratégies, des [études de] cas, puisvraiment de la pratique, des choses que nous pouvons appliquer ànos élèves, pas d'apprendre les grands noms de différentspsychologues, des personnes connues, c'est important à un certainpoint, mais dans notre réalité nous avons besoin de stratégies,d'outils, disons, pour nous aider en salle de classe que nous nousn'avons pas " (Louise, p. 28-29 & 38)

Cette formation semble d'autant plus nécessaire aux yeux despraticiens et praticiennes puisqu'il semble y avoir des résistances etdes obstacles notables quand on parle de l'école secondaire. L'enseignante parle, notamment, de culture ou d'une mentalitétypiquement secondaire à changer.

" Comme enseignant à l'élémentaire où on a des élèves avec noustoute la journée, on a tendance à être plus flexible pour adapterselon le besoin des élèves, que ça soit la programmation, que çasoit, peut importe, on s'adapte plus facilement aux différentsniveaux, mais il semble que rendu à l'intermédiaire, surtout ausecondaire, moi je suis spécialiste en ma matière, ma job c'est detransmettre la matière, ok, si tu veux suivre c'est correct, si tu peuxpas c'est encore pareil, tu deviens la responsabilité de quelqu'un

d'autre. Ok, est-ce que c'est, parce qu'ils ont une mentalité, commetu as mentionné, typiquement secondaire, moi j'ai une matière àtransmettre, j'ai un cours à donner, il faut que tu suives " (Louise,p. 27).

Toutefois, l'enseignante précise qu'à l'école Rouleau, les choses sepassent relativement bien puisque le corps enseignant estmaintenant habitué à faire face aux situations imprévues.

" Ici comme j'ai mentionné au début, je pense que les gens, lesenseignants ici sont, les enseignants du secondaire surtout, sontplus habitués à adapter, à modifier à cause du nombre d'élèves quiarrivent continuellement je veux dire, à différents moments del'année, à différents niveaux de fonctionnement. Ils sont habitués àça, ça fait partie de la culture de l'école ça, d'accord, maintenant jene sais pas, par exemple, si prenons, disons, comme sortir les gensqui sont ici que ça fait 15-20 ans qui sont ici puis essayer d'en faireentrer une autre gang qui n'a peut-être pas eu cette expérience-là,ils auraient peut-être énormément de difficulté à s'adapter avec unélève, par exemple un élève qui a 17 ans et qui arrive de la Somaliele 15 octobre, puis qu'on le plante dans son cours demathématiques dixième général, puis je veux dire cet élève-làfonctionne pas à ce niveau-là, il est au niveau de sixième année auniveau de mathématiques" (Louise, p. 29).

Cette formation serait particulièrement importante si l'onconsidère, à la lumière du témoignage qui suit, que l'école, peutimporte les endroits et milieux, ne cessera d'accueillir des élèveséprouvant des difficultés. En parlant de la formation, uneenseignante nous dit que c'est une lacune.

" Une lacune, je pense que c'est, dans toute classe, il va toujoursavoir des enfants en difficulté, toujours, c'est impossible d'avoirune salle de classe d'élèves qui réussissent à 100 % ok, parce que

nous sommes des humains, nous sommes pas parfaits et on atoujours différents niveaux,alors je pense que ce serait vraiment important d'avoir même uncours à l'université, comme nous si on veut, on peut prendre lecours d'enfance en difficulté mais là il faut aller payer 800 $,prendre un cours de qualification additionnelle, c'est unequalification additionnelle, mais dans le fond ça ne devrait pas êtreune qualification additionnelle, ça devrait être intégré au niveau dela formation " (Louise, p. 31).

Des ressources humaines avant tout

À cette formation qui fait défaut s'ajoute le problème desressources qui sont précaires. Cette situation serait comparable,semble-t-il, aux situations des écoles élémentaires (Bélanger,1999). Dans l'extrait qui suit, il est intéressant de noter que lesenseignantes souhaiteraient, semble-t-il, avoir accès surtout à desressources humaines, car le matériel, en un sens, ne sert à rien s'iln'y a pas quelqu'un pour l'utiliser.

"Les enseignants ce qu'ils voudraient avoir c'est plus de ressources,ok, que ça soit au niveau du retrait, que ça soit au niveau del'intégration, mais en avoir plus qu'ils ont présentement, ils en ontpas assez présentement ok, ils voudraient en avoir plus... Bien c'estcertain, c'est certain oui, oui surtout des ressources humaines, jeveux dire, parce que t'sais les ressources matérielles, je veux diremoi mon expérience, j'en ai fait de l'enfance en difficulté aussi, tupeux avoir tous les livres, les ordinateurs puis les plus beauxprogrammes, puis les jeux au monde, je veux dire mais si tu n'aspas la personne comme pour, comme pour dépister, détecter,monter un plan pour ces élèves-là, faire le suivi auprès de cesélèves-là..." (Louise, p. 38).

Le facteur temps entre également en ligne de compte, notammentquand des élèves sont en attente d'une évaluation. Les ressourcesdes conseils scolaires seraient limitées à ce sujet.

"On a juste quelques personnes ressources mais qui doivent sepromener dans toutes les écoles du conseil, puis maintenant leconseil n'est plus au niveau de [nom de la ville] mais à l'extérieurde [la ville]... Oui alors c'est très difficile d'avoir des rendez-vous,ou ils vont donner un rendez-vous mais ça prend des mois, avantque la personne puisse venir, l'orthopédagogue, par exemple, puisadministrer les tests, parce qu'il faut que ça soit les personnes, parexemple si c'est un psychologue ou un orthopédagogue, il faut queça soit ces personnes-là qui administrent les tests, puis à cemoment-là, il faut évaluer les tests, ensuite il faut qu'ils fassent leurrapport, ensuite une fois que les rapports sont finis, il faut qu'ilsenvoient ceci au comité, ensuite s'ils recommandent de l'aide à cemoment-là, il faut avoir le consentement des parents, puis là desfois il y a des parents qui refusent, voyez c'est très, très long"(Elena, p. 15).

" On est limité par le facteur temps, parce que notre conseil, parexemple, une évaluation orthopédagogique, le conseil a quelquesorthopédagogues, mais il y a un délai par exemple, parce que cesgens-là desservent la totalité du territoire du conseil puis c'est, c'estvaste comme territoire, alors t'sais il y a un délai, un délai assezraisonnable je veux dire, entre le temps qu'on fait la demande etpuis l'évaluation, et si c'est une évaluation plus poussée, tellequ'une évaluation psychométrique ou une évaluationpsychologique, là il faut faire, le conseil doit demander, faire unachat de service d'un professionnel à l'extérieur du conseil, on vientde terminer une série d'évaluations par une personne qui venait dela région d'Ottawa, alors ça évidemment c'est une entreprise assezdispendieuse de la part du conseil, ils doivent ben il y en a qui sontidentifiés, que vous connaissez, mais je dois dire aussi qu'il y a desélèves qui suivent ce programme et qui ont des difficultés mais qui

ne sont pas identifiés et qui ne reçoivent pas de l'aide, des fois c'estles parents qui refusent, des fois les parents acceptent mais c'estaussi une question de temps, de disponibilité de l'enseignanteressource" (Louise, p. 18).

Elena enchaîne en parlant de cas particuliers en spécifiant que desmesures d'aide peuvent être prévues bien que les élèves ne soientpas encore formellement identifiés.

" J'ai des cas dans cette classe où vous venez d'assister, que j'airecommandé depuis le mois de septembre, puis jusqu'à présent,encore une fois, ils n'ont pas encore fait tous les tests, mais ils ontquand même reçu le formulaire pour recevoir de l'aide à l'occasionmême s'ils ne sont pas identifiés, alors ils peuvent recevoir del'aide mais encore une fois on ne peut pas juste donner ces feuilles-là à n'importe qui non plus, puis on peut pas, disons faire un abus,alors il faut faire très attention parce que c'est quand même trèsdélicat, aussi c'est un dilemme puis des fois c'est ça, comme nouson est, ben moi personnellement j'ai pitié des fois, pour ces élèves-là puis je sais qu'ils ne reçoivent pas de l'aide mais à ce moment-làje parle à [l'enseignante ressource], je dis écoute, je sais que X esten difficulté, est-ce que je pourrais être plus généreuse au niveaudes notes, t'sais... mais c'est très difficile de faire de la modificationpuis de dire ok, à cet élève-là je donne juste ceci ou cela, parce quequand tu as au dessus de 30 élèves, j'en ai 34, c'est très difficile,très, très difficile" (Elena, p. 16).

Devant l'impasse, des placements peuvent être éventuellementrecommandés dans les écoles de langue anglaise, notamment en cequi concerne les élèves désignés comme étant en difficulté enraison de graves problèmes de comportement. Dans ce cas, les "sections 27 " de certaines écoles de langue anglaise peuventreprésenter, semble-t-il, une issue pour les enseignant(e)s dusystème scolaire de langue française. Dans la citation qui suit, il estégalement mentionné que des écoles de métiers ou des écoles

pratiques peuvent être recommandées à des élèves que l'on jugecomme n'étant pas dans la " voie académique de l'école ".

" Ça arrive à un certain moment où on doit faire ça, je veux dire,t'sais, comme dépendant du programme des élèves, des besoins desélèves, on a pas les ressources ici à l'école, on a pas lesprogrammes à l'école ici, on a eu quelques cas, des élèves où on lesa placé dans ce qu'on appelle les anciennes sections 27 là, je veuxdire, on en pas dans notre conseil scolaire, excusez, ça c'est pasvrai, le conseil scolaire en a une, mais dans la région de [nom d'uneville], une classe, comme une classe pour ça, mais dans la régionde [nom d'une ville], comme tel, le conseil, en français le conseilen a pas, alors dans certains cas il faut faire des démarches auprèsdes conseils anglophones pour que, t'sais pour que les élèves s'enaillent là, là il faut, les conseils anglophones les prennent ou lesprennent pas dépendant de l'espace, dépendant des besoins aussi,puis là il faut satisfaire les critères des conseils qui vont lesrecevoir, dans notre cas c'est le [nom d'une ville] District, je veuxdire c'est le [nom d'une ville] District School Board, alors il fautsatisfaire les exigences, on a eu des élèves, surtout du cyclesecondaire par exemple, où, comme tu as mentionné tout à l'heure,nous autres on est une école ici dites académique, ok, puis on a desélèves qui sont pas, qui sont pas dans cette voie-là, qui vraimentbénéficieraient d'écoles de métier, d'écoles plus pratiques, ok, puison a pas ce genre d'école-là ici, dans la région de [nom d'une ville]en français, alors on les, on les dirige vers ces écoles-là, parce qu'ily en a en anglais dans la région de [nom d'une ville], je reviens àl'importance de développer chez ces élèves-là des habiletés enanglais, ça c'est une des raisons pour laquelle on travaille beaucoupsur le développement d'habileté en anglais parce que si on dirigeces élèves-là vers cette école-là, l'enseignement se fait en anglais,c'est la langue d'enseignement dans l'école, il faut que l'élève soitcapable de se débrouiller assez bien en anglais pour pouvoir suivrela programmation" (Louise, p. 31).

Interactions entre des enseignantes et des parents

Les enseignantes semblent toutes s'entendre sur l'importance durôle des parents dans l'éducation des enfants. Elles déplorentcependant le fait que plusieurs d'entre eux ne prennent pas le tempsde s'intéresser à ce qui se passe à l'école.

"En parlant aux parents, il y en a qui vont venir me visiter en juin,ce serait beau s'ils venaient tous, d'autres ils sont pas sûr encore deleur décision dans quelle école, alors ils vont attendre au moins deseptembre, il y en a qui me font confiance et puis, allez-y, il y en aqui ne communique pas beaucoup avec l'école alors je dois aller leschercher puis me présenter et puis dire que c'est moi qui m'occupede leur jeune mais les parents souvent se fient aux communicationsque le jeune va faire à la maison" (Francine, p.12-13). " C'est aux parents aussi de faire leur part, je pense, comme l'écoleen fait assez, [l'enseignante ressource] est là, parce que il y a desélèves qui en ont besoin constamment, tandis que il y en a, ça lesaide une fois de temps en temps, mais il y a des élèves qui ontbesoin d'aide constamment et je pense qu'à un moment donné, parexemple disons que cet élève-là avait de l'aide de septembre à, etça s'est souvent vu de septembre à décembre, après ça il a plusbesoin parce que les lacunes qu'il avait, il a pu les débloquer puisensuite travailler par lui-même, tandis que la personne qui en a passouvent, ben c'est beaucoup plus difficile de surmonter les lacunes,donc s'il y en a un peu qui se fait à l'école, un peu qui se fait à lamaison, t'sais parce que la plupart de ces jeunes-là, je suis sûr, ilsen font à l'école mais arrivé à la maison, qu'est-ce qu'ils font, ilsont le temps d'oublier, parce que généralement ce qui arrive, ilscomprennent ce que je fais au tableau, ils vont répondre auxquestions, mais arrivés à l'examen, ils comprennent plus rien, c'estça, je me pose la question comment, même moi je donne, je fais dututorat, justement j'en ai tantôt, j'arrive pas à saisir pourquoi t'sais,

on va faire des exercices, ça va aller super bien, arrivé au test, ilséchouent " (Marie-Paule, p. 18).

Dans certains cas, les parents semblent avoir, selon l'une desenseignantes, de bonnes raisons de n'avoir malheureusement pas letemps de venir en aide à leur enfant : une installation récente dansle quartier, la langue d'enseignement différente de celle du foyerfamilial, le travail de nuit ou de soirée, etc.

"Il y a des enfants qui nous arrivent en parlant leur languematernelle et le français parce qu'ils l'ont appris, ils ont fréquentéles écoles françaises dans leur pays, les parents, oui parfois, euxaussi ont eu une éducation en français mais ça fait longtemps,parce qu'ils utilisent leur langue maternelle plutôt, mais ce sont desenfants qui parlent, et des parents qui ne parlent pas du toutfrançais, alors évidemment la place pour eux c'est une écolefrançaise, parce que ce sont des francophones, même si ce sont desfrancophones de deuxième langue, mais justement, oui, ces élèves-là éprouvent parfois des difficultés parce qu'ils n'ont pas toutel'aide qu'ils auraient pu, ou que leur famille pourrait offrir à cesélèves-là, alors ça donne encore plus de travail, et c'est difficile detrouver des ressources dans la communauté, des cours derattrapage le soir, des cours de, en français alors, c'est sûr qu'ils ontun défi encore plus, plus fort, que des élèves qui ont accès à desressources en anglais, et il y a quelques élèves qui sontfrancophones qui vont suivre des cours de mathématiques ou quivont aller trouver un tuteur dans leur communauté Kabile ouquelque chose, dans leur communauté africaine, mais c'est desgens parfois qui parlent anglais, alors ils leur donnent de l'aide enmathématiques, en anglais, mais par contre quand ils reviennent àl'école il faut qu'ils essaient, mais alors ça cause beaucoupd'ennuis, et c'est un besoin qui est soulevé, qui décourage,plusieurs profs et c'est un autre facteur qui entre en jeu quand on ades élèves en difficulté dans la salle de classe, tu l'as sur plusieursdimensions, non seulement difficultés d'apprentissage identifié

mais aussi difficultés au niveau de ... manque d'aide à la maison,puis ça peut être un manque d'aide à la maison parce que lesparents ne parlent pas nécessairement bien le français, peut-êtrequ'ils parlent français mais qu'ils peuvent pas l'écrire " (Francine,p. 30).

" Mais il y a aussi les parents qui sont, qui travaillent très fort, lesnouveaux arrivants au Canada travaillent souvent le soir, lesenfants sont seuls, ils n'ont pas l'aide, même si le parent voulait, ilsont un restaurant, puis les restaurants (...) Les élèves ont besoind'une personne qui peut aider leur enfant, parce que leurs enfantsne peuvent pas survivre tout seul à l'école puis se débrouiller"(Francine, p. 31).

Dans le système scolaire que l'on connaît, ce sont,malheureusement, déplore une enseignante, les plus forts quil'emportent.

"C'est la survie du plus fort, je regrette c'est de placer plusieursnouveaux canadiens puis c'est des canadiens qui doivent avoir lachance de réussir et ça place aussi la survie du plus fort là, cesystème, je veux dire, n'est pas juste parce qu'il y a des enfants,avec un petit peu d'aide et d'encouragement... qui pourraient mieuxréussir, ça les encourage énormément, ils peuvent, ça change la vied'un enfant" (Francine, p. 31).

L'école a instauré, depuis quelques années, un système deparrainage qui vise justement à permettre à des élèves plus âgéscompétents dans certaines matières de venir en aide à ceux etcelles qui ont besoin d'approfondir une matière en particulier. Dans certains cas, les élèves qui parrainnent peuvent être payés parles familles ou s'offrir à titre bénévole. Dans d'autres cas, il sembleque des parents refusent que leur enfant reçoive de l'aidesupplémentaire. Nous avons déjà évoqué, ci-dessus, les raisons quimotivent les parents à refuser ; la principale étant la peur que

l'enfant soit stigmatisé à l'école, notamment par ses pairs. Uneenseignante nous explique la situation en général, mais aussi auregard d'une élève en particulier.

" Le problème c'est que dans notre réalité actuelle, les parents quitravaillent, ne sont pas là pour leurs enfants, c'est difficile, c'est trèsdifficile, on veut l'appui des parents mais on a pas toujours l'appuides parents, puis on essaie de faire le suivi mais ça ne se fait pas,alors c'est ça qui est difficile aussi... Ils sont réceptifs, des fois il ya des parents qui n'acceptent pas que leur enfant ait des difficultés,nous avons ici justement, je sais pas si vous avez remarqué la fillequi est retournée, j'ai annoncé qu'elle était de retour puis elle étaitdans notre classe, c'est une fille qui a énormément de difficulté,elle est peut-être au niveau, peut-être, à la deuxième, troisièmeannée mais les parents refusent qu'elle reçoivent de l'aide. (Ö) Lapauvre fille, elle est pas capable de fonctionner, puis elle veut biende l'aide, elle me le dit, madame j'aimerais bien recevoir de l'aide,mais ce sont mes parents qui refusent, alors qu'est-ce qu'on fait à cemoment-là, c'est très difficile" (Elena, p. 17).

Une autre enseignante expose bien le problème ici quand elleprécise qu'un parent n'apprécie pas les mentions qui apparaissentsur le bulletin et qui signifient que l'élève est en difficulté. Dans lecas présent, il s'agit, selon l'enseignante interviewée, d'un parentqui préférerait, à ce compte-là, que la mention " en douance "apparaisse.

" Ils ne veulent pas que leur enfant soit étiqueté comme en étant enenfance en difficulté, une chose bizarre aussi que je remarque, jene sais pas si tu as remarqué que sur le nouveau bulletin provincial,il y a un endroit pour indiquer si l'élève a un Plan d'enseignementindividualisé (PEI) et puis, lorsqu'on a des élèves qui sont endouance, ok, ces élèves-là ont un PEI, un plan d'enseignementindividualisé, et puis on a eu des commentaires de parents cettefois-ci au bulletin, c'est la première fois que moi j'entends ça, on

coche parce qu'on dit selon les règlements du ministère, si l'élève aun PEI, il faut le cocher, que ce soit doué, que ce soit enfance endifficulté ben peu importe, il faut le cocher, il y a eu descommentaires de parents qui voudraient qu'on mentionnent dans lecommentaire que ce PEI là c'est pour douance,je sais pas si dansleur tête la connotation, t'sais est négative, d'un PEI, ok, PEI çaveut dire un enfant en difficulté. Quand tu leur dis, vous savez, ladouance c'est une forme de difficulté d'apprentissage [rires], ça flypas, je veux dire, les parents, je pense que les parents veulent lesressources mais ils veulent pas que leur enfant soit étiqueté enparticulier, puis ils veulent pas que leur enfant soit, disons, commeciblé en particulier comme un enfant qui est en difficultéd'apprentissage, t'sais, il y a beaucoup de ça, et on en a quelques-uns aussi des parents qui refusent carrément, qui veulent aucuneaide pour leur enfant, l'enfant est en voie d'échec. Ils veulent pas,aucune forme d'aide, aucun retrait, aucune modification auprogramme, tu leur dis oui, alors votre enfant est voué à l'échec "(Louise, p. 39-40).

Conclusions et recommandations

Les différents thèmes abordés dans ce rapport de recherchemontrent qu'un des plus grands défis auquel font face, à l'heureactuelle, les écoles de langue française et les conseils scolaires estd'apporter un soutien aux enseignant(e)s et aux élèves, tout enévitant le piège de la spécialisation et de la médicalisation àoutrance qui implique, dans certains cas, la stigmatisation desélèves. En effet, dans nombre de pays industrialisés, lafragmentation et la spécialisation des services destinés aux élèveséprouvant des difficultés à l'école pour une raison ou pour uneautre n'ont pas, au bout du compte, bien servi les élèves concernésqui voyaient, par ailleurs, leurs difficultés interprétées en termesmédicaux ou psychologiques, éludant, par là, toute critique sur lerôle social de l'école et de ses agents.

Cette recherche a mis en évidence, du moins dans l'école que nousavons visitée, le rôle central de l'enseignante ressource qui devait,au quotidien, négocier à la fois avec les enseignant(e)s des courssecondaires absorbés par leur matière et peu formésà la pédagogiede l'inclusion ou de l'intégration et les élèves eux/elles-mêmes, leretrait périodique de ces derniers afin de leur apporter un peud'aide sous forme de récupération. Une fois le retrait négocié,l'enseignante ressource avait alors à composer avec des conditionsmatérielles précaires. Elle nous disait, par exemple, qu'elle "traînait sa classe dans son sac ", se déplaçant d'une salle à l'autreavec tout son matériel. Ses tâches étaient nombreuses, car en plusde gérer le dossier de l'enfance en difficulté à l'école, elle devaitaccueillir les nouveaux arrivants et participer aux activitésd'orientation. Son travail semblait grandement apprécié de tous,notamment des autres enseignantes, des parents et des élèves. Ellemettait l'accent sur les façons d'apprendre et souhaitait aider lesélèves à développer des méthodes de travail. Les séances en retraitprenaient la forme, comme nous l'avons mentionné, de périodes derécupération pendant lesquelles l'enseignante ressource,généralement, révisait, avec les élèves, des tests où ils/elles avaientéchoués. Le rôle de l'enseignante ressource comme ceux desautres enseignantes par rapport au curriculum et à l'évaluationimpliquait, pour les élèves jugés en difficulté formellementidentifiés ou non, des remaniements et des compromis constants,notamment, au regard des notes reportées sur les bulletins desélèves. Par exemple, dans certains cas, des points étaient ajoutésaux notes des élèves qui avaient échoué un test mais qui s'étaientrepris lors de séances en retrait avec l'enseignante ressource. Engénéral, les enseignantes interviewées se sont montrées trèsréceptivesà l'idée d'intégrer des élèves éprouvant des difficultésdans les cours, cependant elles ont précisé que le manque deressources matérielles et, surtout, humaines freinait de tellesopportunités pour les élèves.

Il est intéressant de voir que le discours des parents est polarisé ;d'un côté, certains revendiquaient davantage d'aide, tandis qued'autres craignaient que les séances en retrait et les identificationsformelles par les Comités d'identification, de Placement et deRévision entraînent une stigmatisation de leur enfant.

Les élèves en difficulté proviennent, semble-t-il, de tous lesmilieux socio-économiques. Il y aurait cependant, à la lumière destémoignages que nous avons recueillis, un risque de retrouver,parmi ceux-là, un nombre plus important d'élèves provenant defamilles monoparentales et de familles nouvellement installées aupays. Les élèves de ces dernières seraient également quelquefoisdirigés vers d'autres programmes spécialisés (ALF, PDF, classesressources, classes d'orientation à la vie, etc.) que les parentsconfondent d'ailleurs la plupart du temps. Ces élèves sontconsidérés comme étant plus vulnérables par les enseignant(e)s,notamment en raison de circonstances familiales singulières tellesqu'un travail de nuit par un parent, la recherche d'un logement oud'un emploi, le contexte multilingue. Les élèves seraient identifiéscomme ayant des besoins particuliers grâce à des tests maison queles écoles utilisent, semble-t-il, de façon informelle.

Si l'identification des élèves en difficulté peut, à court terme,répondre à certains besoins (de l'élève, des parents mains aussi dupersonnel enseignant), il faut s'intéresser aux conséquencesqu'entraîne l'identification formelle ou informelle d'un élève,notamment à savoir si cette étiquette ne risque pas de le suivrependant toute sa scolarité. En outre, il faut savoir que certainsélèves désignés comme étant en difficulté sont dirigés vers desécoles de métier où l'on trouve des programmes pratiques, ce quiimplique, dans la plupart des cas, un transfert vers les écoles delangue anglaise et une perte pour les écoles de langue française.

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