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61 Le pastoralisme et les défis du changement climatique Joseph Ole Simel Le but de cet article est d’analyser le pastoralisme en tant que système viable de subsistance – même en périodes de crises environnementales, économiques, politiques et socioculturelles causées par le changement climatique. Il démontre que, par la production de bétail, le pastoralisme est une activité économique majeure, particulièrement en Afrique – même en l’absence de soutien politique, financier ou technique des gouvernements. Les éleveurs contribuent à l’économie nationale à travers le commerce de bétail. Photo: Vetworks

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Le pastoralisme et les défis du changement climatique

Joseph Ole Simel

Le but de cet article est d’analyser le pastoralisme en tantque système viable de subsistance – même en périodes de crisesenvironnementales, économiques, politiques et socioculturellescausées par le changement climatique. Il démontre que, par la

production de bétail, le pastoralisme est une activitééconomique majeure, particulièrement en Afrique – même enl’absence de soutien politique, financier ou technique des

gouvernements.

Les éleveurs contribuent à l’économie nationale à travers le commerce de bétail.Photo : Vetworks

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Les terres arides et le bétail

Les terres arides couvrent 41 % des terres émergées de la planète etabritent plus de deux milliards de personnes, soit 35 % de la populationmondiale (Safriel et Adeel 2005, p. 625.) Les régions les plus vastes etles plus peuplées se situent dans les pays en développement,notamment en Afrique, au Sahara et dans la Corne de l’Afrique. Lesterres arides en Afrique sont caractérisées par des ressources limitéesen eau et des pluies saisonnières rares et peu prévisibles, conduisantainsi à une forte variabilité de la disponibilité de l’eau.Les températures très élevées des zones arides d’Afrique ont pour

conséquence la perte de beaucoup d’eau de pluie par évaporation, etl’intensité des tempêtes tropicales fait qu’une grande partie de la pluieruisselle, causant l’érosion du sol. Les zones arides connaissent desdifférences importantes dans les précipitations pendant la même annéeainsi que d’une année à l’autre. Les précipitations sont également trèsvariables sur de courtes distances géographiques : un village peutrecevoir des averses abondantes tandis que son voisin, à 5 km, reste sec(Simon Anderson, John Morton et Camilla Toulmin).Les changements climatiques dans les zones arides du monde ont

déjà été observés. Le Groupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC) a signalé une augmentation de l’étenduedes zones arides touchées par des sécheresses plus intenses et pluslongues, et une baisse de la pluviométrie dans ces zones (GIEC, 2007).Les pasteurs africains ont, au fil des années, développé une gamme

de stratégies d’adaptation diverses pour survivre dans le difficileenvironnement des terres arides - stratégies qui, dans les discussionsd’aujourd’hui sur le changement climatique, ont été baptisées« Stratégies d’adaptation et d’atténuation des effets ».Les troupeaux des pasteurs nomades sont composés de moutons, de

chèvres, de bovins et de chameaux, variant d’un pays à l’autre et d’unecommunauté à l’autre. Tous les ménages, familles ou communautés depasteurs, considèrent le bétail comme un atout principal et uninvestissement assurant la sécurité sociale, culturelle et économique.Ces animaux sont stratégiquement vitaux pour les réseaux sociaux etles relations entre les communautés pastorales. Le bétail fournit unsoutien en temps de stress et de crise et il est important pour lesrelations spirituelles. Il joue un rôle fondamental en matière de conflits

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et de consolidation de la paix, et renforce la création des liens familiauxpar les alliances matrimoniales et les échanges qui caractérisent la viequotidienne.

Insécurité alimentaire et vulnérabilité

L’insécurité alimentaire, due à des sécheresses fréquentes etprolongées, a conduit à de nombreux défis sociaux et économiqueschez les pasteurs autochtones. De plus, la sécheresse et les maladies dubétail ont entraîné, chez eux, en Afrique, une pauvreté extrême etchronique.En raison de l’insécurité alimentaire, les pasteurs courent un risque

majeur lorsque plusieurs mauvaises années de sécheresse se succèdent,que le gouvernement ne fait pas d’efforts ou ne met pas en place desstratégies pour reconstituer et rétablir leurs moyens de subsistance. Enraison des déplacements et des conflits causés par la limitation desressources, il existe un manque de solidarité et d’unité entre lespasteurs. Ceci affaiblit leur aptitude à s’exprimer d’une seule voix pourdénoncer leur marginalisation dans l’État et réduit leur capacité àmettre en place un programme solide de politiques de changements etd’actions en leur faveur.De nombreux problèmes qui résultent de la malnutrition et du faible

accès à l’eau pour l’usage domestique et pour le bétail affectent lasanté. Les pasteurs sont exposés à la disette ainsi qu’à de nombreusesmaladies, et des cas de famine ont même été signalés. Ainsi, avec lasécheresse qui sévit actuellement au Kenya, plusieurs décès ont étéobservés parmi les communautés pastorales. Leur population affiche leniveau le plus bas de développement humain et les plus hauts taux demortalité infantile, selon l’indice de développement humain du PNUDen 2008-2009.Les sécheresses périodiques et prolongées provoquent le

bouleversement des moyens de subsistance ainsi que d’importantesmigrations de pasteurs qui cherchent un emploi, ou tout autre moyen desurvie et des ressources pour entretenir leurs familles.Le changement climatique devrait entraîner des modifications

majeures de l’environnement dans le monde, et plus particulièrementdans les zones arides d’Afrique. Les changements prévus du volume et

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de la distribution des précipitations provoqueront les principalesmenaces à l’environnement, aux pâturages, à l’eau et à la végétation engénéral dont dépendent les pasteurs et leurs troupeaux. Les sécheressesprolongées, qui sont le résultat du changement climatique, devraientaugmenter le niveau déjà élevé de leur pauvreté. Ces communautés, quiressentent déjà les effets les plus graves du changement climatique,doivent être au centre des discussions et du dialogue en la matière pourque l’adaptation au changement climatique et son atténuation soientefficaces dans les zones arides d’Afrique. Les systèmes de subsistancedes pasteurs doivent être largement compris afin de :• Éviter les erreurs du passé qui ont conduit à des échecs dansles régions pastorales ;• Créer une meilleure compréhension favorisant des réponsesadéquates, équitables et opportunes.

Une évaluation continue et le suivi des conséquences duchangement climatique dans les zones pastorales sont nécessaires afinde développer une gamme de mesures et de réponses appropriées et defaciliter le renforcement des capacités des pasteurs et de leursinstitutions à différents niveaux.

Politiques contre le pastoralisme

L’histoire des pasteurs a toujours été déprimante en raison depolitiques, programmes et projets peu judicieux, et des vues souventhostiles de la part des administrations et gouvernements postcoloniauxafricains, des institutions influentes tant à l’Ouest qu’en Afrique, et deschercheurs et universitaires.Les terres et autres ressources naturelles leur appartenant leur ont

été retirées sans aucune concertation, accord ou toute formed’indemnisation et ont été utilisées en faveur de la propriété et aubénéfice d’autres groupes. Cette violation des droits des communautéspastorales a nui à leurs stratégies d’adaptation à la sécheresse.Les pratiques traditionnelles et coutumières des pasteurs ainsi que

leur gestion durable des ressources naturelles ont toujours été ignorées,les politiques gouvernementales reflétant encore les perceptions desanciennes puissances coloniales et leurs attitudes envers eux. Ces

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politiques les considèrent comme des primitifs et appellent à unetransformation du pastoralisme traditionnel en mettant, par exemple, unterme à leur mobilité. Celle-ci est un aspect crucial du pastoralisme etdes stratégies d’adaptation dans les zones arides, et la sédentarisationforcée, la mise en application de l’élevage moderne (comme, parexemple, le modèle du Botswana) et la promotion de la productionagricole, sapent le système de production pastoral de subsistance, quis’était soigneusement adapté aux conditions difficiles des zones aridesafricaines depuis des siècles.Beaucoup de personnes faisant partie de la société dominante

actuelle, soit l’élite politique et les décideurs, voient les pasteursd’Afrique comme l’incarnation d’une société primitive qui s’oppose auchangement et au développement. Ces allégations ont été acceptéescomme la vérité. La même attitude est fréquente chez les partenairesinternationaux du développement. Une perception négative et uneincompréhension des faits persistent et ignorent des recherches biendocumentées sur le mode de vie pastoral.

L’importance stratégique du pastoralisme pour les économies nationales

Le pastoralisme est un moyen de subsistance viable, durable et unsystème de production économique dans les zones arides de l’Afrique,notamment dans la Corne, à l’est et à l’ouest du continent.

Réapprovisionnement en bétail des familles pastorales, après une grave sécheresse au Kenya. Photo : MPIDO.

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Des recherches récentes ont clairement démontré que ces terresarides, caractérisées par de faibles précipitations de 200-500 mm,des températures élevées de 28-40 degrés et un sol qui ne retient passuffisamment l’humidité, ne peuvent supporter une productionagricole et des cultures durables et fiables. Les pasteurs ont réussi àutiliser les terres arides non seulement afin de produire et demaintenir leur propre subsistance mais aussi à contribuer àl’économie nationale des pays dans lesquels ils vivent. Lefondement en est le système d’élevage extensif permis par lemouvement du bétail d’un endroit à un autre afin d’utiliser la florediversifiée des zones arides, sans dégrader l’environnement. Pour cefaire, les pasteurs ont utilisé avec succès des stratégies de gestiondifférentes, comme le fractionnement, la diversification et lamaximisation du bétail assurant ainsi la répartition des risques deperte. Par exemple, pendant les sécheresses, ils divisent leur bétailen catégories différentes telles que chèvres, moutons, bovins etchameaux et les conduisent dans des directions diverses afin deminimiser les risques et de maximiser les avantages et l’utilisationde la végétation.Le pastoralisme contribue grandement aux économies locales et

nationales africaines mais demeure largement ignoré et sous-évalué.Le bétail fournit aux familles de pasteurs les moyens de satisfaire

L’impact du changement climatique dans les zones pastorales.Photo : MPIDO.

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leurs besoins fondamentaux, il produit toute la viande et le laitqu’elles consomment au sein des maisonnées, assurant ainsi leurpropre sécurité alimentaire. La production pastorale contribueégalement de manière importante aux économies nationales. Ellefournit une grande partie des cuirs et des peaux pour laconsommation nationale ainsi que pour l’exportation ; elle est un desprincipaux fournisseurs de viande et de lait, qui sont des pilierssolides de la plupart des économies nationales, notamment au Kenya,en Ouganda, en Tanzanie, en Éthiopie et dans les pays de l’ouestafricain. Les statistiques montrent que le secteur de l’élevage auKenya contribue pour 50 % au PIB agricole, qui contribue à son tourpour 25 % au PIB total. On estime que les pasteurs détiennent 70 %du cheptel national (République du Kenya, 2004), avec une valeurmonétaire comprise entre 50 et 60 milliards de shillings kenyans(Nyariki, 2004). Le pays est presqu’autosuffisant en produits del’élevage, notamment le lait, la viande, les cuirs et les peaux. Lesstatistiques montrent que les pasteurs produisent 70 % de la viandeconsommée au Kenya chaque année.Le secteur pastoral fournit aussi des emplois substantiels grâce au

travail des pasteurs dans le système de production et l’embauched’autres Kenyans dans des activités liées au pastoralisme telles que laprotection de la faune sauvage, l’industrie du tourisme, le commerce dubétail, les services de transport, les services vétérinaires, les industriesdu cuir, les abattoirs, les boucheries et les restaurants. L’industriealimentaire locale la plus commune et célèbre, sous le nom de nyamachoma (qui signifie viande grillée), sert presque exclusivement de laviande, dont la plupart provient du pastoralisme. L’industrie nyamachoma aide aussi la brasserie à étendre son marché et à vendre sesproduits, les bières étant également vendues dans les restaurants nyamachoma.Malheureusement, la contribution du pastoralisme dans les

économies nationales est rarement présente dans les donnéeséconomiques. Cependant, certaines données utiles existent :

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Tableau 1

Source République du Kenya : Plan national de développement 2002-2008

En Ouganda, le cheptel bovin est estimé à 5,6 millions de têtes, dont90 % appartiennent aux pasteurs, qui fournissent la viande, les cuirs,les peaux et le lait pour les marchés nationaux et internationaux(Autorité ougandaise d’investissement : République de l’Ouganda,2001). Le secteur du bétail contribue pour 7,5 % au PIB total et 17 %au PIB agricole. Le secteur pastoral produit des cuirs et des peaux quisont exportés en Europe et en Asie, rapportant au pays jusqu’à10 millions de $ en 2002 (politique ougandaise de la viande, Ministèrede l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, MAAIF, 1998). Laproduction laitière a permis au pays de réduire progressivement sadépendance envers l’importation de lait et des produits laitiers. Lesous-secteur du lait augmente chaque jour, offrant de nombreusespossibilités pour l’économie locale et nationale.Malgré l’adaptation des pasteurs aux conditions arides et leur

capacité à apporter des contributions économiques en dépit de leurdureté, leur résistance aux bouleversements climatiques décroît et leurvulnérabilité augmente. Cela est dû aux faibles stratégies d’atténuationdes risques et d’adaptation mises en place en période de sécheresse

Produits de l’élevage au Kenya

Article 2001 2002 2004 2006

Lait (ltrs)Production 2448 2497 2598 2729

Demande 2047 2113 2250 2404

Bœuf (tonnes)Production 295610 304478 323021 342693

Demande 329600 339500 360200 382000

Mouton(tonnes)

Production 37540 38606 40830 43182

Demande 49050 50440 53350 56420

Viande dechèvre (tonnes)

Production 43750 45050 47810 50920

Demande 38640 39790 42220 44960

Viande de chameau(tonnes)

Production 8250 8300 8470 8790

Demande 8200 8200 8300 8400

Porc (tonnes)Production 11474 13901 15326 16896

Demande 7000 7204 7631 8083

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extrême, qui visent à sauver des vies humaines, mais qui ne mettent pasl’accent sur le bétail comme principal atout pour la survie descommunautés pastorales. La vulnérabilité des pasteurs nomades estaggravée par leur marginalisation dans les processus politiques,provoquée par leur manque de connaissances et de capacité à s’engagerà ce niveau et par les déséquilibres du pouvoir.

Atténuation des risques et adaptation aux changementsclimatiques, renforcement des capacités des pasteurs

La mobilité des pasteurs leur permet de s’adapter à l’évolution despluies, tandis qu’une combinaison de différentes espèces de bétail,réparties dans des endroits différents, assure une meilleure protectioncontre la sécheresse. Les mécanismes et les stratégies d’adaptation ausein des communautés pastorales comprennent l’émigration et lerecours au travail salarié, l’utilisation des fruits sauvages, lesmigrations exceptionnelles vers des refuges contre la sécheresse ouvers des pâturages rarement utilisés, ainsi que le partageintercommunautaire des denrées alimentaires et du bétail. À l’avenir, ilsera important de développer davantage les mesures d’atténuation et lesstratégies d’adaptation suivantes :

Repeuplement

Les réponses qui visent à réduire la vulnérabilité croissante descommunautés pastorales dans des situations de sécheresse ont étéfondamentalement inappropriées, la plupart des acteurs concentrantleur attention sur la fourniture de secours alimentaires d’urgence.Malheureusement, l’aide alimentaire, sans reconstitution des moyensde subsistance des pasteurs, les a maintenus au bord du gouffre, laplupart d’entre eux tombant dans une pauvreté chronique et dans lamisère et devenant dépendants de cette aide alimentaire. C’est ainsiqu’ont agi les gouvernements africains, les agences de développementinternational, la Croix-Rouge et le Programme alimentaire mondial.L’industrie de l’aide alimentaire a également contribué à

l’effondrement des réseaux de sécurité sociale coutumiers qui avaient,

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au fil des ans, aidé les communautés pastorales à récupérer après delongues sécheresses. Il est impératif de reconnaître que l’aidealimentaire intensive et extensive dans les zones pastorales suscite denouveaux problèmes. Il s’agit notamment de la sédentarisationcroissante autour des centres de distribution alimentaire et à lapériphérie des villes, créant ainsi un groupe d’éleveurs périurbains. Sirien n’est fait, ces nouveaux problèmes accroîtront la vulnérabilité descommunautés pastorales.Les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont, par

définition, des revendications morales. La faim et la malnutrition sontmoralement inacceptables parce qu’elles constituent une violation dudroit le plus important de tous : le droit à la vie. Le droit à la vie, aumême titre que le droit à la dignité, sont des concepts clés dans tous lesinstruments de défense des droits de l’homme adoptés par lacommunauté internationale dans le cadre des Nations Unies, àcommencer par la Déclaration universelle des droits de l’homme de1948. Dans le cas du droit à la vie et du droit à l’alimentation, il estfondamental de mettre l’accent sur le droit de se nourrir par soi-même- un droit qui est étroitement lié au droit au développement (Williams,Kjonstad, Robson, 2003).Les sécheresses ont toujours fortement réduit le nombre de têtes de

bétail. Des stratégies d’adaptation efficaces et durables doiventrépondre à la nécessité de concevoir et de mettre en œuvre desprogrammes de repeuplement du bétail qui reconstitueront les moyensde subsistance des pasteurs après les sécheresses. Des programmes derepeuplement réussis rétabliront le pastoralisme, renforceront lasécurité alimentaire, amélioreront le niveau nutritionnel, en particulierpour les enfants de moins de cinq ans, renforceront les structuresfamiliales, réduiront les conflits et assureront un meilleur accès àl’éducation (Rapport d’évaluation externe, MPIDO, 2003).Le repeuplement est une nouvelle stratégie d’adaptation et

d’atténuation des effets qui permet aux communautés de pasteurs dereconstituer leurs troupeaux après avoir connu des pertes importantesde bétail, en raison d’une grave sécheresse ou d’une maladie. Lerepeuplement ne signifie pas seulement reconstruire les moyens desubsistance des pasteurs, mais également contribuer à la croissanceéconomique nationale. Les programmes de repeuplement ont étéreconnus comme moyens efficaces de lier secours, réhabilitation et

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développement. En tant que stratégie, ils inversent la tendance à lamarginalisation et réorientent les ménages déplacés vers lepastoralisme qui, pour eux, est plus qu’un simple système économique,mais également un patrimoine, une spiritualité et un caractèredéterminant de leur identité.

Investissement dans l’eau

La pénurie d’eau dans la plupart des zones pastorales a nécessité laconcentration des populations et du bétail aux alentours des pointsd’eau. C’est l’un des problèmes de l’environnement auquel on doitveiller et qu’il faut résoudre en investissant dans l’approvisionnementen eau grâce à une technologie abordable et durable.L’approvisionnement en eau dans les zones d’importance stratégiquecontribuera à accroître la productivité du pastoralisme et à diminuer lesdistances kilométriques que les personnes et le bétail ont à parcourir àla recherche d’eau. Le temps et l’énergie économisés peuvent ainsi êtreinvestis dans d’autres activités productrices - en particulier les activitésféminines.

Accès aux marchés au bétail

La question du manque d’accès aux marchés au bétail a été soulevéeet continue d’être soulevée par les communautés pastorales commel’un des principaux facteurs contribuant au décès d’animaux pendantles sécheresses. L’amélioration de l’accès aux marchés permettrad’améliorer le commerce des pasteurs. Elle préviendra la chutedrastique du prix des animaux en période de sécheresse, stabilisera leprix des céréales et réduira la vulnérabilité des pasteurs. Les périodesde sécheresse sont toujours caractérisées par des termes d’échangedéfavorables pour ceux-ci. Alors que le prix des céréales explose, celuidu bétail chute. Les stratégies d’atténuation des effets et d’adaptationdevront inclure l’investissement dans les marchés au bétail et l’accès àun système d’alerte anticipée. Ces stratégies feront en sorte que lespasteurs seront, à terme, capables de se reconstituer après lessécheresses sans aide extérieure.

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Systèmes d’alerte anticipée

Les stratégies d’atténuation des effets devraient inclure les capacitésdes organisations et des communautés pastorales à initier et àdévelopper des systèmes d’alertes simples mais fonctionnels dans leursdifférentes régions. Le but de tels systèmes est de surveillersuffisamment à l’avance la situation alimentaire et les prévisionsmétéorologiques afin d’informer les communautés locales et autresacteurs sur ce qui doit être fait et de réduire leur vulnérabilité. Celapermettra aux collectivités de se préparer lorsque les indicateurscommenceront à atteindre des niveaux dangereux. Des systèmesefficaces d’alerte rapide doivent être développés en combinantl’élaboration d’indicateurs locaux et des technologies météorologiqueshautement développées. La santé animale et les services vétérinairesdevraient constituer un élément important dans le développement desystèmes d’alerte anticipée et de programmes communautairesd’intervention, de sorte que les nouvelles maladies du bétail puissentêtre évitées grâce à la vaccination et à la fourniture de médicaments.

Mobilité

Les stratégies modernes d’adaptation et d’atténuation des effetsdoivent reconnaître et apprécier la mobilité des pasteurs commerésultant d’une connaissance coutumière et traditionnelle clé, mise enpratique par leurs communautés à travers le monde depuis des tempsimmémoriaux. La mobilité leur a, au fil des années, permis demaintenir la production de bétail dans les zones semi-arides pendant lessécheresses sévères. Ce système d’atténuation et d’adaptation, basé surla mobilité, n’est possible que dans un environnement politique etéconomique où les droits fonciers des pasteurs sont promus et protégés.Des réformes agraires qui renforcent leurs moyens d’existenceassureront et garantiront leur mobilité à l’intérieur des frontièresnationales et même à travers les frontières internationales, par exemple,entre le sud du Kenya et le nord de la Tanzanie et entre le nord duKenya et le sud de l’Éthiopie, parmi tant d’autres.Malheureusement, nous assistons actuellement à l’exact opposé

avec les tendances négatives du développement au Kenya, en Tanzanie

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et en Ouganda. On y élabore des politiques cherchant à contrôler lepâturage et la mobilité du bétail en encourageant et favorisant lasubdivision des terres pastorales en exploitations individuelles, quirendent impossible la mobilité et ne sont pas économiquement viables.

Les pasteurs soulignant l’impact de la sécheresse avec l’aide des médias.

Photo : MPIDO

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Joseph Ole Simel, est directeur exécutif de la Mainyoito PastoralistIntegrated Development Organization (Organisation de développementintégré des pasteurs, MPIDO), président du réseau des pasteurs,chasseurs et cueilleurs et la personne centrale du Groupe de travail despeuples autochtones d’Afrique sur le changement climatique.

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