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Le Pavillon de Musique de la comtesse du Barry à Louveciennes. 1. Madame du Barry, le grand amour de Louis XV. A la mort de son épouse, la reine Marie Leczynska, en 1768, Louis XV l’année suivante impose à la Cour sa dernière conquête Jeanne, devenue comtesse du Barry. Elle était une enfant de l’amour née d’une jolie couturière Anne Bécu et, dit-on, d’un jeune moine de Picpus, Jean-Jacques Gomard, « Ange », en religion. Jeanne reçoit chez les sœurs une éducation raffinée qui l’éveille aux Beaux Arts et à la musique. Grande et élégante, cette ravissante blonde au teint clair et aux yeux bleus pétillant d’intelligence et de finesse, conquiert le très frivole Jean du Barry qui devint son protecteur et la marie à son frère Guillaume pour en faire une comtesse. P résentée à la Cour, la comtesse du Barry est remarquée par le Roi qui s’en éprend et l’installe à Versailles, lui affectant une centaine de serviteurs. En 1769, Louis XV offre à Jeanne, le Pavillon des Eaux à Louveciennes (Luciennes à l’époque), construit en 1702 pour Arnold de Ville, ingénieur des travaux de la Machine, et s’étendant jusqu’à la Seine. L e trouvant un peu exigu pour ses réceptions, la comtesse du Barry obtint sans peine de son roi fou d’amour, l’autorisation de faire construire un petit pavillon pour recevoir décemment ses nombreux invités. Les plans en sont confiés à un jeune architecte, Claude Nicolas Ledoux. Le Roi suit avec intérêt les travaux, puis tombe malade et meurt le 10 mai 1774. M éprisée par la nouvelle Reine, Marie Antoinette, Jeanne est éloignée de la Cour, à Rueil, puis à l’abbaye du Pont-aux-Dames près de Meaux. Enfin elle achète le château de Saint Vrain près de Montlhéry. Elle est autorisée à regagner Louveciennes en 1776 pour y vivre dans le calme. Reconnue par sa bonté, elle resta dans les mémoires « la bonne dame de Louveciennes ». P endant la Révolution, elle refuse d’émigrer. Arrêtée le 22 septembre 1793, suspectée d’intelligence avec les émigrés (s’étant rendue à Londres pour y retrouver des bijoux volés), elle est condamnée à mort et décapitée, place de la Révolution le 8 décembre 1793. Elle avait été le scandale et l’émerveillement de la Cour par sa beauté et sa bonté.

Le Pavillon de Musique de la comtesse du Barry à Louveciennes. · 1702 pour Arnold de Ville, ingénieur des travaux de la Machine, et s’étendant jusqu’à la Seine. L e trouvant

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Page 1: Le Pavillon de Musique de la comtesse du Barry à Louveciennes. · 1702 pour Arnold de Ville, ingénieur des travaux de la Machine, et s’étendant jusqu’à la Seine. L e trouvant

Le Pavillon de Musique dela comtesse du Barry à Louveciennes.

1. Madame du Barry, le grand amour de Louis XV.

A la mort de son épouse, la reine Marie Leczynska, en 1768, Louis XV l’année

suivante impose à la Cour sa dernière conquête Jeanne, devenue comtesse du Barry. Elle était une enfant de l’amour née d’une jolie couturière Anne Bécu et, dit-on, d’un jeune moine de Picpus, Jean-Jacques Gomard, « Ange », en religion. Jeanne reçoit chez les sœurs une éducation raffinée qui l’éveille aux Beaux Arts et à la musique. Grande et élégante, cette ravissante blonde au teint clair et aux yeux bleus pétillant d’intelligence et de finesse, conquiert le très frivole Jean du Barry qui devint son protecteur et la marie à son frère Guillaume pour en faire une comtesse.

Présentée à la Cour, la comtesse du Barry est remarquée par le Roi qui s’en éprend et l’installe à Versailles, lui affectant une centaine de serviteurs. En 1769, Louis XV

offre à Jeanne, le Pavillon des Eaux à Louveciennes (Luciennes à l’époque), construit en 1702 pour Arnold de Ville, ingénieur des travaux de la Machine, et s’étendant jusqu’à la Seine.

Le trouvant un peu exigu pour ses réceptions, la comtesse du Barry obtint sans peine de son roi fou d’amour, l’autorisation de faire construire un petit pavillon

pour recevoir décemment ses nombreux invités. Les plans en sont confiés à un jeune architecte, Claude Nicolas Ledoux. Le Roi suit avec intérêt les travaux, puis tombe malade et meurt le 10 mai 1774.

Méprisée par la nouvelle Reine, Marie Antoinette, Jeanne est éloignée de la Cour, à Rueil, puis à l’abbaye du Pont-aux-Dames près de Meaux. Enfin elle achète le

château de Saint Vrain près de Montlhéry. Elle est autorisée à regagner Louveciennes en 1776 pour y vivre dans le calme. Reconnue par sa bonté, elle resta dans les mémoires « la bonne dame de Louveciennes ».

Pendant la Révolution, elle refuse d’émigrer. Arrêtée le 22 septembre 1793, suspectée d’intelligence avec les émigrés (s’étant rendue à Londres pour y retrouver des bijoux

volés), elle est condamnée à mort et décapitée, place de la Révolution le 8 décembre 1793. Elle avait été le scandale et l’émerveillement de la Cour par sa beauté et sa bonté.

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2. Le Pavillon de Musique.

Dominant la Seine, ce joyau est l’œuvre de l’architecte de 34 ans, Claude Nicolas Ledoux. La première pierre fut posée en 1770, lançant la mode des pavillons de

musique sous Louis XVI. Il fut construit en neuf mois par Lefaivre et Couesnon pour le gros œuvre, Feuillet et Métivier pour les sculptures.

La façade de l’entrée est creusée d’un porche en demi-lune porté par quatre colonnes ioniques. Côté Seine, une grande terrasse domine la vallée à cent mètres de hauteur,

soutenue par quatre colonnes doriques.

Le Pavillon est remarquable par sa sobriété antique

qui caractérisera le style Louis XVI, la beauté des ferronneries et bronzes de Gouthière et Deumier, l’originalité des formes de ses salons. Le Salon de Musique servait de salle à manger, les musiciens jouant pendant les soupers. Remarquables

aussi les marbres gris, les bustes de Louis XV par Lemoine, et de la comtesse du Barry par Caffieri, le plafond où s’envole « le couronnement de Flore » de Boucher. En arrière du Salon de Musique, le Salon du Roi, richement décoré par Guibert, s’ouvre sur un panorama de dix-sept kilomètres, dominant la Seine de Saint-Germain à la Tour Eiffel ; dans le Salon Fragonard de forme ovale, les œuvres commandées au grand peintre ont été refusées par Madame du Barry, celle-ci y voyant une allusion gênante à sa situation personnelle. Le Salon est aujourd’hui orné de copies dont les toiles originales sont conservées à New York, par la Frick Collection. Le Salon Ledoux quant à lui, avec sa forme si spécifique dite en "cul de four", met à l'honneur le célèbre architecte du Pavillon.

Posé sur un jardin anglais aux arbres splendides,

ce "Temple de l’Amour" est un témoignage du bon goût français. La pureté de ses lignes a fait comparer le Pavillon de Musique à « un petit temple grec transporté d’Ionie à Luciennes, une nuit d’été sur un rayon de lune dont il a la couleur lactée et déposé doucement sur le gazon au bord du précipice ».

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3. Les transformations successives du Pavillon de Musique.

Plusieurs propriétaires se succèdent :

En 1850, Madame Laffitte, veuve du banquier, divise le domaine en

trois parties : le Château, le Pavillon et le Domaine des Lions à Bougival ; puis il passe aux mains de Charles Louis Diericks, puis du Vicomte de Janzé (1871) puis de Madame Thal de Lancey (1878). En 1911, Louis Loucheur, ministre et père de la loi sur les HLM, fait construire un étage sous un toit à la Mansart, défigurant l’œuvre de Ledoux.

En 1929, François Coty, journaliste et parfumeur, acquiert le Pavillon. Après des travaux importants, cet industriel de génie y installe ses laboratoires de parfumerie.

Il sauve le Pavillon qui se lézardait, le démonte et le reconstruit à l’identique en pierres de Saint Leu, à quinze mètres de l’ancien emplacement, plus en retrait de la falaise. Il en profite pour réaménager la partie haute dans l’esprit de l’architecture de Ledoux. Trois niveaux sont aménagés en sous sol pour les installations techniques.

Les décorations intérieures sont scrupuleusement conservées et restaurées. C’est grâce à François Coty que le Pavillon de Musique est resté dans un

état de conservation remarquable et peut témoigner encore du goût français du siècle des Lumières.

Le Pavillon de Musique et son parc ont été acquis par Madame Dumeste le 20 juin 1990.

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4. La Fondation Julienne Dumeste, actuelle propriétaire des lieux.

Née en 1908 au Pré-Saint-Gervais, Julienne Dumeste développe pendant plus de cinquante ans, avec son

époux Franc Dumeste, l’atelier familial de fabrication de chaises à Montreuil. A force de travail et de ténacité, l’atelier devient l’une des plus belles entreprises de meubles en France, employant plusieurs milliers de salariés. Après le décès de son époux, Julienne Dumeste poursuit et développe encore l’entreprise, avant de la céder et de créer la Fondation qui porte son nom.

La Fondation est reconnue d’utilité publique en 1992 ; son objet est « Dans le respect de la dignité et de la valeur unique de chaque personne et en référence

aux valeurs évangéliques, d’apporter une aide personnalisée à tous ceux qui sont moralement, physiquement, ou financièrement démunis».

Décédée le 27 décembre 2001 à l’âge de 93 ans, Julienne Dumeste a fait don de l’ensemble de ses biens à la Fondation qui s’est engagée à poursuivre son œuvre

sous la triple tutelle du Ministre de l’Intérieur, du Ministre chargé des Affaires sociales et de la Préfecture de Paris.

Les domaines d’intervention de la Fondation, qui soutient une quarantaine d’associations, sont tous de nature sociale : aide à la réinsertion, au logement,

soutien culturel en milieu hospitalier et protection judiciaire de la jeunesse, soutien aux personnes désocialisées et en difficulté morale, financière ou physique, aide aux jeunes et à la lutte contre l’exclusion.

En ce qui concerne le Pavillon, après plusieurs années de travaux de restauration, la Fondation y développe aujourd'hui trois types d’activités : économiques pour

financer la rénovation et l’entretien du site par des locations pour des réceptions de prestige, activités sociales telles que l’organisation de journées associatives, soirées de bienfaisance, et enfin activités à caractère culturel telles que des conférences ou l’organisation de concerts.

Si l’on devait rechercher un point commun entre deux personnalités aussi différentes que Jeanne du Barry la mondaine frivole et Julienne Dumeste la

travailleuse acharnée, ce serait assurément la Générosité.

Il y a encore « une bonne dame à Louveciennes ».