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4 actualités Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009 Alors que l’examen de la loi Hôpital patients santé et territoires (HPST) est amorcé, Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), nous livre sa vision du pharmacien d’officine de demain. Actualités pharmaceutiques : L’Assemblée nationale débute l’examen de la loi Hôpital patients santé et territoires (HPST) portée par Roselyne Bachelot. Que pensez-vous du projet initial dans lequel le pharmacien paraissait le grand absent ? Gilles Bonnefond : Je dirais que dans la partie qui concerne l’or- ganisation des soins pour les libéraux (article 17), tous les pro- fessionnels sont logés à la même enseigne et doivent coopérer entre eux. Mais cette loi nécessite des améliorations pour intégrer le conseil pharmaceutique dans le parcours de soin dans l’arti- cle 14. Deux éléments indispen- sables se doivent d’être précisés au niveau de l’article 17. D’une part, les missions du pharmacien doivent être inscrites de manière explicite (délivrance, prévention, dépistage…) afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour l’agence régio- nale des soins (ARS) et pour les patients. D’autre part, doit être inscrite dans la loi la possibilité pour un patient de choisir son pharmacien pour assurer le suivi de son traitement entre deux consultations médicales. Cela entre dans la coordination des soins. AP : Justement, un amende- ment porté par les députés Leteurtre, Folliot et de Cour- son, propose de définir dans la loi un “pharmacien traitant”. En quoi consisterait son rôle ? GB : Le rôle du pharmacien devra être précisé dans le cadre de protocoles établis en collabora- tion avec les autorités de santé. Par exemple, dans le cas d’un patient hypertendu, l’officinal pourra effectuer des mesures de pression entre les consultations et avertir le médecin en cas de difficultés. En revanche, c’est au médecin de définir l’espace entre les consultations. Je suis conscient du fait que les prises de tension à l’officine ne sont pas comparables avec celles effectuées dans les cabinets médicaux. Toutefois, le but n’est pas d’établir un diagnostic, mais simplement de surveiller le trai- tement et d’alerter le médecin si des éléments sont anormaux. Actuellement, la prise en charge des patients a atteint un niveau correct, mais un potentiel d’amé- lioration existe. Cela demande une organisation et que les pro- fessionnels se parlent entre eux. Si aucune solution n’est trouvée pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques, les libéraux la perdront aux dépens de l’hôpital. Actuellement, qui est informé de la sortie d’un patient de l’hôpital ? Bien souvent, ce sont le pharmacien pour délivrer les traitements, les dispositifs médicaux, voire les appareilla- ges, et l’infirmière si des soins particuliers sont nécessaires, qui sont prévenus par les familles. Les médecins généralistes ne reçoivent un courrier qu’une semaine plus tard… AP : Ne craignez-vous pas que cela complique un peu plus les relations avec le corps médical et entretienne une confusion chez les patients ? GB : Il faut organiser les inter- ventions autour du patient. C’est une équipe qui doit répondre aux besoins des malades. Cela demande de la volonté et d’al- ler au-delà des querelles stériles entre professionnels de santé. C’est l’inaction qui crée un flou. À qui doit s’adresser un patient sous anticoagulant qui reçoit son INR (International Normalized Ratio) si le médecin n’est pas dis- ponible ? Que doit faire un patient diabétique qui se plaint d’effets indésirables entre deux consul- tations espacées de 6 mois ? Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être exploitées, en respectant des protocoles et des limites définies par le médecin. Le “médecin trai- tant” a été créé pour répondre à un problème de financement de la Sécurité sociale. Nous ne sommes pas, concernant le pharmacien, au même niveau de préoccupation : il s’agit de mieux prendre en charge les patients, de les éduquer, de surveiller leur traitement… AP : Est-ce finalement l’ouver- ture vers un nouveau mode de rémunération ? GB : Effectivement, cela peut amener à un véritable débat sur la rémunération des pharmaciens. Accueillir les patients, les accom- pagner, assurer des missions de prévention auprès des person- nes âgées est chronophage. Une rémunération mixte serait une solu- tion pour répondre à cette problé- matique, mais le débat devra être fonction des missions qui seront confiées aux pharmaciens. AP : Accepteriez-vous une baisse de marge sur les gros conditionnements en contrepartie d’une rémuné- ration de l’accompagnement thérapeutique ? GB : Une perte de 40 % des reve- nus est inacceptable. Est-ce que les médecins accepteraient de gagner 15 euros au lieu de 22 ? AP : Pour vous, serait-ce à la collectivité (Sécurité sociale) de financer la prise en charge de l’accompagnement thé- rapeutique ou aux mutuelles privées ? GB : Les mutuelles privées ont toute leur place pour intervenir. Tout le monde est gagnant si les patients sont mieux traités, sont en meilleure forme et sont moins hospitalisés. Cela est généra- teur d’économies à long terme. Les marges de manœuvre sont plus importantes avec les com- plémentaires santé. AP : Pensez-vous que la for- mation initiale du pharmacien devrait évoluer pour remplir ces nouvelles fonctions ? GB : Les facultés ont anticipé cette évolution en développant la pharmacie clinique, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas encore progresser. Mais la formation plu- ridisciplinaire dispensée actuelle- ment est tout à fait en phase avec l’exercice officinal de demain. Entretien Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être mieux exploitées © DR

Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être mieux exploitées

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Page 1: Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être mieux exploitées

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Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009

Alors que l’examen

de la loi Hôpital

patients santé et

territoires (HPST)

est amorcé, Gilles

Bonnefond, président

délégué de l’Union

des syndicats de

pharmaciens d’officine

(USPO), nous livre

sa vision du pharmacien

d’officine de demain.

Actualités pharmaceutiques :

L’Assemblée nationale débute

l’examen de la loi Hôpital

patients santé et territoires

(HPST) portée par Roselyne

Bachelot. Que pensez-vous

du projet initial dans lequel le

pharmacien paraissait le grand

absent ?

Gilles Bonnefond : Je dirais que dans la partie qui concerne l’or-ganisation des soins pour les libéraux (article 17), tous les pro-fessionnels sont logés à la même enseigne et doivent coopérer entre eux. Mais cette loi nécessite des améliorations pour intégrer le conseil pharmaceutique dans le parcours de soin dans l’arti-cle 14. Deux éléments indispen-sables se doivent d’être précisés au niveau de l’article 17. D’une part, les missions du pharmacien doivent être inscrites de manière explicite (délivrance, prévention, dépistage…) afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour l’agence régio-nale des soins (ARS) et pour les patients. D’autre part, doit être inscrite dans la loi la possibilité pour un patient de choisir son pharmacien pour assurer le suivi

de son traitement entre deux consultations médicales. Cela entre dans la coordination des soins.

AP : Justement, un amende-

ment porté par les députés

Leteurtre, Folliot et de Cour-

son, propose de définir dans

la loi un “pharmacien traitant”.

En quoi consisterait son rôle ?

GB : Le rôle du pharmacien devra être précisé dans le cadre de protocoles établis en collabora-tion avec les autorités de santé. Par exemple, dans le cas d’un patient hypertendu, l’officinal pourra effectuer des mesures de pression entre les consultations et avertir le médecin en cas de difficultés. En revanche, c’est au médecin de définir l’espace entre les consultations. Je suis conscient du fait que les prises de tension à l’officine ne sont pas comparables avec celles effectuées dans les cabinets médicaux. Toutefois, le but n’est pas d’établir un diagnostic, mais simplement de surveiller le trai-tement et d’alerter le médecin si des éléments sont anormaux.Actuellement, la prise en charge des patients a atteint un niveau correct, mais un potentiel d’amé-lioration existe. Cela demande une organisation et que les pro-fessionnels se parlent entre eux. Si aucune solution n’est trouvée pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques, les libéraux la perdront aux dépens de l’hôpital. Actuellement, qui est informé de la sortie d’un patient de l’hôpital ? Bien souvent, ce sont le pharmacien pour délivrer les traitements, les dispositifs médicaux, voire les appareilla-ges, et l’infirmière si des soins

particuliers sont nécessaires, qui sont prévenus par les familles. Les médecins généralistes ne reçoivent un courrier qu’une semaine plus tard…

AP : Ne craignez-vous pas que

cela complique un peu plus les

relations avec le corps médical

et entretienne une confusion

chez les patients ?

GB : Il faut organiser les inter-ventions autour du patient. C’est une équipe qui doit répondre aux besoins des malades. Cela demande de la volonté et d’al-ler au-delà des querelles stériles entre professionnels de santé. C’est l’inaction qui crée un flou. À qui doit s’adresser un patient sous anticoagulant qui reçoit son INR (International Normalized Ratio) si le médecin n’est pas dis-ponible ? Que doit faire un patient diabétique qui se plaint d’effets indésirables entre deux consul-tations espacées de 6 mois ? Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être exploitées, en respectant des protocoles et des limites définies par le médecin. Le “médecin trai-tant” a été créé pour répondre à un problème de financement de la Sécurité sociale. Nous ne sommes pas, concernant le pharmacien, au même niveau de préoccupation : il s’agit de mieux prendre en charge les patients, de les éduquer, de surveiller leur traitement…

AP : Est-ce finalement l’ouver-

ture vers un nouveau mode de

rémunération ?

GB : Effectivement, cela peut amener à un véritable débat sur la rémunération des pharmaciens. Accueillir les patients, les accom-

pagner, assurer des missions de prévention auprès des person-nes âgées est chronophage. Une rémunération mixte serait une solu-tion pour répondre à cette problé-matique, mais le débat devra être fonction des missions qui seront confiées aux pharmaciens.

AP : Accepteriez-vous une

baisse de marge sur les

gros conditionnements en

contrepartie d’une rémuné-

ration de l’accompagnement

thérapeutique ?

GB : Une perte de 40 % des reve-nus est inacceptable. Est-ce que les médecins accepteraient de gagner 15 euros au lieu de 22 ?

AP : Pour vous, serait-ce à la

collectivité (Sécurité sociale)

de financer la prise en charge

de l’accompagnement thé-

rapeutique ou aux mutuelles

privées ?

GB : Les mutuelles privées ont toute leur place pour intervenir. Tout le monde est gagnant si les patients sont mieux traités, sont en meilleure forme et sont moins hospitalisés. Cela est généra-teur d’économies à long terme. Les marges de manœuvre sont plus importantes avec les com-plémentaires santé.

AP : Pensez-vous que la for-

mation initiale du pharmacien

devrait évoluer pour remplir

ces nouvelles fonctions ?

GB : Les facultés ont anticipé cette évolution en développant la pharmacie clinique, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas encore progresser. Mais la formation plu-ridisciplinaire dispensée actuelle-ment est tout à fait en phase avec l’exercice officinal de demain.

Entretien

Le pharmacien a des marges d’intervention qui pourraient être mieux exploitées ©

DR

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5 actualités

Actualités pharmaceutiques n° 483 Mars 2009

AP : La Loi HPST définit aussi

des règles concernant la for-

mation pharmaceutique conti-

nue. Êtes-vous d’accord avec

l’obligation de participation à

des formations, sans validation

des connaissances ni évalua-

tion des pratiques ?

GB : Les formations pharmaceu-tiques étaient volontaires jusqu’à présent. Je n’ai pas d’opposition par rapport au texte. Des ajus-tements sont certainement nécessaires.

AP : Comment s’assurer que ces

formations sont efficaces ?

GB : Il existe des formations en e-learning qui sont validantes. Il est clair qu’un pharmacien non formé ne pourra pas parti-ciper efficacement au suivi thé-rapeutique. Actuellement, les pharmaciens ne participent pas aux formations parce que c’est obligatoire, mais pour améliorer la prise en charge des patients.

AP : L’USPO étant source de

propositions et d’évolutions,

comment imaginez-vous le

futur de l’exercice officinal ?

GB : Aujourd’hui, il est possible de renouveler les traitements chroniques des patients, la fac-turation des vaccins antigrippaux a augmenté la couverture vacci-nale, la distribution de la contra-ception d’urgence a permis de répondre à des problèmes de santé publique et de société, la distribution des préservatifs ou des Stéribox® a aidé à contrô-ler les transmissions de sida… Mais la pharmacie est une pro-fession encore sous-exploitée. On essaie de l’enfermer dans un rôle restreint de distribution des médicaments alors qu’une évo-lution est plus que jamais néces-saire face à la désertification médicale dans certaines zones. Le véritable enjeu de la réforme de l’organisation des soins est

de créer une coopération méde-cin généraliste/pharmacien de proximité pour gérer de manière optimale le temps consacré aux patients. �

Propos recueillis par

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Observance La société de conseil et d’aide à la décision ALCIMED s’intéresse aux bénéfices

qui résulteraient d’une meilleure observance dont les défauts entraînent des coûts

supplémentaires lourds pour les systèmes de santé. Ainsi, seuls 50 % des patients

hypertendus suivraient correctement leur traitement (ESPACOMP 2007, Lyon).

L’éducation thérapeutique du patient est une piste, mais les industriels ont aussi

une carte à jouer avec des emballages plus faciles à ouvrir, ou permettant de

tenir un compte précis du nombre de comprimés à prendre.

Source www.businesswire.com

thérapeutique