144
Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et réinvention urbaine Alix CHAPLAIN Mémoire de 4e année La Fabrique culturelle Sous la direction de : Mme Toupin-Guyot 2014 - 2015

Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Le projet Darwin :

des friches au quartier

exemplarité et réinvention urbaine

Alix CHAPLAIN

Mémoire de 4e année

La Fabrique culturelle

Sous la direction de : Mme Toupin-Guyot

2014 - 2015

Page 2: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

REMERCIEMENTS

Tout d'abord, je tiens à remercier Madame Toupin-Guyot, Maître de conférences à

l'IEP de Rennes, pour le soutien, la présence et l'aide fournis au cours de l'année. Le suivi

continu m'a permis de m'impliquer sur le long terme et de découvrir un domaine

passionnant.

J'adresse mes sincères remerciements à Céline Gerbeau-Morin, chef de projet-

urbaniste à Bordeaux Métropole, ainsi qu'à Jean-Marc Gancille, co-fondateur du projet

Darwin, pour le temps qu'ils m'ont accordé et les informations qu'ils m'ont fournies.

Je tiens aussi à exprimer toute ma reconnaissance à l'Association Nationale des

Architectes des Bâtiments de France, pour les documents, très utiles à ma réflexion, qu'ils

m'ont envoyés.

J'exprime aussi toute ma gratitude aux personnes m'ayant aidée lors de la rédaction,

et surtout pour la relecture, notamment mes parents, Maï-Lan et Olindo.

Page 3: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

RÉSUMÉ

L'émergence du paradigme urbain durable constitue une opportunité pour refonder

une urbanité plus inclusive et opérer la transition écologique dans le tissu urbain. Le projet

Darwin s'inscrit dans cette démarche exemplaire en implantant un cluster créatif sur une

friche militaire bordelaise, opérant une requalification territoriale source d'attractivité pour

un territoire en déshérence. Ce projet unique s'inscrit dans une démarche globale de « Ville

Durable, Mutable et Créative », nouvel outil marketing. En outre, la dimension privée de

projet reflète un nouveau mode de régulation où les partenariats public-privé sont la norme,

en s'implantant dans un futur écoquartier. L'écosystème Darwin repense donc un modèle

urbain qui s’essouffle pour en promouvoir un plus innovant, durable et participatif. Ainsi,

les jeux d'acteurs sont au cœur de la nouvelle gouvernance des territoires et les villes sont

devenues des espaces stratégiques dans lesquels les agents privés doivent asseoir leur

légitimité.

Mots-clés : ATTRACTIVITÉ ; DURABLE ; GOUVERNANCE ; REQUALIFICATION ;

URBANITÉ

SUMMARY

The emergence of the urban sustainability paradigm offers an opportunity to

reconstruct a more inclusive urbanity and to initiate the ecological transition within the

urban network. The Darwin project is in line with this exemplary approach as it is located

on a military brownfield site in the Bordeaux region, and therefore allows a territorial

redevelopment which is likely to enhance the attractiveness of an unclaimed territory. The

installation of a creative cluster as well as institutions able to promote urban culture

consists in the means of opening to the Bordeaux region. This unique project is part of

global approach called « Sustainable, Mutable and Creative City “ : the marketing aspect

of sustainable development. Furthermore, the private feature of the project reflects a new

way of regulation where private-public partnerships have become the norm, setting up in a

future eco-district. The Darwin ecosystem rethinks a struggling urban model in order to

promote a more innovative, sustainable and participative one. Consequently, the role of

stakeholders is the heart of the new governance of territories; cities have become key

actors of strategic spaces, in which private actors have to consolidate their legitimacy.

Key words : SUSTAINABILITY; GOVERNANCE ; REQUALIFICATION ;

URBANITY ; ATTRACTIVENESS

Page 4: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

SOMMAIRE

Remerciements ................................................................................................... 2

Résumé ................................................................................................................ 3

Summary ............................................................................................................. 3

Table des sigles ................................................................................................... 5

Lexique ................................................................................................................ 6

Introduction ........................................................................................................ 8

Chapitre I : L'union entre un patrimoine public et un projet privé : Bordeaux, terrain

d'expérimentation d'un cluster créatif .............................................................................. 20

I) L'urbanisme durable : du militantisme à l’injonction politique....................20II) Entre adaptation et authenticité : le projet Darwin et l'identité bordelaise...........................................................................................................................35III) L'innovant projet Darwin : une avant-garde idéale pour le rayonnement deBordeaux...........................................................................................................46

Chapitre II : Entre popularité et popularisation, l'identité revendiquée d'une transition

culturelle, économique et citoyenne ................................................................................ 54

I) Faire rupture dans la fracture territoriale bordelaise..................................54II) La réception d'un nouveau modèle de gouvernance et de responsabilité citoyenne...........................................................................................................65III) Cohérence et modélisation entre un projet immobilier privé et une dynamique urbaine publique.............................................................................76

Chapitre III : De l'utopie urbaine au projet sociétal : adaptation sans aliénation d'un

cluster créatif et durable aux idéologies légitimes ........................................................... 87

I) Une volonté de reconstruire un écosystème. ................................................87II) Une approche expérimentale de l'écoquartier Bastide-Niel........................96III) Les enjeux écologiques et éthiques: centre ou périphérie d'un projet « responsable »?.............................................................................................105

Conclusion ..................................................................................................... 113

Annexes ........................................................................................................... 118

Sources ............................................................................................................ 125

Bibliographie .................................................................................................. 134

Page 5: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

TABLE DES SIGLES

PNUE : Programme des Nations Unies pour l'environnement

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

CUB : Communauté Urbaine de Bordeaux

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

SAS : Société par Actions Simplifiées

HQE : Haute Qualité Environnementale

LGV : Ligne Grande Vitesse

FEDER : Fonds européen de développement régional

ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie

ZAC : Zone d'Aménagement Concerté

ZAD : Zone à Défendre

FSE : Fonds Social Européen

MEDDE : Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie

AOT : Autorisation d'Occupation Temporaire

MIT : Modèle d'Innovation Territoriale

A’urba : Agence d'urbanisme de la métropole bordelaise et de la région d'Aquitaine

Page 6: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

LEXIQUE ● Le concept d' « écoquartier » est difficile à définir du fait de la diversité des

modèles existants. Cependant la charte des quartiers durables des éco-maires dresse un

ensemble de critères pour le cadrer : « un territoire dont la création ou la réhabilitation et

la gestion intègrent de manière volontariste : la gestion de l'environnement; un

développement social urbain équilibré fondé sur la valorisation des habitants, de la mixité

sociale et la présence de lieux de vie collective; des objectifs de développement

économique, de création d'activités et d'emplois locaux; les principes de la gouvernance

que sont la transparence, la solidarité, la participation et le partenariat. »1

● Un Agenda 21 local est un plan d'action avec cinq objectifs du développement

durable qui se déclinent en stratégies pour que celui-ci soit applicable sur n'importe quel

territoire du monde par une collectivité locale. Né en 1992 lors du Sommet de Rio, son

cadre national fut défini en 2006.

● En France assimilée à un pôle de compétitivité, un « cluster », représente un

regroupement d'entreprises collaborant sur un territoire défini. Etant source d'innovations,

les clusters sont porteurs de croissance et d'emplois par la confiance et la synergie entre les

acteurs qui le composent. La gouvernance du collectif repose sur la coopération interne

ainsi que la collaboration avec des acteurs publics.

● La Communauté Urbaine de Bordeaux était un ensemble créé par la loi du 31

décembre 1966 et regroupait jusqu'en 2015 28 communes. Elle disposait de différentes

compétences qui ont évolué dans le temps : développement économique, urbanisme,

habitat, environnement, eau et assainissement, transports urbains, etc. Avec la loi

MAPTAM du 27 janvier 2014, la CUB est devenue Bordeaux Métropole. Cette dernière

constitue un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) favorisant la

mutualisation des moyens et ressources, ainsi qu'une plus grande cohérence des politiques

sectorielles sur l'agglomération. Cette communauté urbaine dispose donc de nouvelles

compétences sur les 28 communes : politiques de la ville, énergie, projets urbains, etc.

1 Qu'est-ce qu'un écoquartier ? Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie,

<www.aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Definition_Ecoquartiers_cle02366e.pdf>.

Page 7: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

● « La gouvernance territoriale et locale est un phénomène complexe porteur de

stabilité (compromis et négociation) et d'instabilité (divergence et conflits) au sein duquel

des acteurs hétérogènes doivent se mobiliser autour d'un objectif commun. En d’autres

termes, elle sous-entend que l’institution publique n’a plus le monopole de l’organisation

territoriale, au contraire, le système de décision comprend la participation d’acteurs aux

intérêts différents.»1

● Une friche constitue un espace non exploité et abandonné. Dans le langage urbain,

le terme de friche est principalement utilisé pour des espaces anciennement militaires,

industriels voire ferroviaires en ville. Il constitue donc une ressource foncière avec de

nombreuses opportunités d’exploitation.

● La requalification désigne un processus particulier de renouvellement urbain. Il

s’agit de réhabiliter un patrimoine bâti afin d’éviter la démolition d’un quartier ancien.

● L'offre urbaine désigne un ensemble de services, biens, infrastructures et

environnement qui sont fournis dans le cadre d'une agglomération. Elle permet à un

ensemble urbain d'être plus ou moins attractif et de répondre aux besoins de ses habitants.

1 COISSARD Steven, PECQUEUR Bernard, Les dynamiques territoriales : débats et enjeux des différentes approches Disciplinaires, XVIIIè colloque de l’ASRDLF, Grenoble, Chambéry, 2007, p. 9.,

<http://edytem.univ-savoie.fr/d/asrdlf2007/pub/resumes/textes/Coissard-Pecqueur.pdf>.

Page 8: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

INTRODUCTION

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus

intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux au changement »1. Du patrimoine au

monumental, de la ruralité aux fermes urbaines, de l'hygiénisme au durable, les villes se

réinventent au rythme des hommes. Dans un contexte de mobilité et de mondialisation, le

brassage entre les hommes et les cultures impose aux métropoles un effort pour qu'elles

restent attractives et uniques. Différenciation, réputation et crédibilité sont les nouveaux

ordres de l'urbanisme. Les territoires sont tant des produits de l'histoire que des espaces de

consommation futurs dans lesquels il convient d'investir pour rester compétitif. Ainsi,

Fabrice Hatem définit l'attractivité territoriale comme « la capacité d'un territoire d'offrir

aux acteurs, des conditions qui les convainquent de localiser leurs projet sur leur

territoire plutôt que sur un autre »2. Ce phénomène conjugue à la fois identité du territoire

et croissance endogène avec la mise en oeuvre de projets phares. Le territoire attractif est

donc le produit de la planification ainsi que de l'histoire urbaine. Ainsi, la mobilité du

capital nécessite une planification urbaine stratégique fondée sur une politique d'offre

territoriale pour une clientèle précise (investisseurs innovants, touristes, etc.) 3.

Contrairement au marketing marchand, le marketing territorial ne se standardise pas mais

naît de l'identité et de l'âme de ce territoire : chaque ville doit ainsi se construire de manière

idiosyncratique. Il en résulte que chaque projet est unique par sa construction

multifactorielle et multiscalaire4. Témoignant d'un volontarisme local, les élus mettent en

place des partenariats avec des acteurs privés, comme levier d'aménagement du territoire :

festivals, patrimoine culturel, écoquartier, etc. La ville de Fribourg en Allemagne, par

exemple, bénéficie d'une notoriété internationale grâce à l'écoquartier Vauban qui en fait la

marque5. Ainsi, une faiblesse sur un territoire peut toujours être transformée en atout. Les

politiques de « fabrique de la ville »6 y contribuent, le recyclage culturel des friches de

1 Site du projet Darwin, <www.darwin-ecosysteme.fr>.

2 HATEM Fabrice, (dir. INGALLINA Patrizia), Le rôle des clusters dans les politiques d’attractivité, L'attractivité des territoires : Regards croisés, Acte de séminaires sur le renouvellement urbain, PUCA,

Université Paris XII - Laboratoire CRETEIL, 2008, p. 10.3 Infrastructures, services, espaces polyvalents, etc.

4 Analyse à différentes échelles (mondiale, nationale, régionale, locale).5 City branding : la marque d'une ville.

6 TAPIE Guy, GODIER Patrice, Bordeaux Métropole, Un futur sans rupture, Paris, Parentheses Eds, 2009,p. 149.

8

Page 9: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Berlin peut en être un exemple.

En se basant sur la théorie de l'évolution darwinienne, les fondateurs du projet

Darwin à Bordeaux relancent le débat sur l'adaptation dans un contexte de compétition

territoriale et de crise écologique. A l'instar des hommes, les territoires doivent s'adapter à

un environnement qui leur est hostile pour pouvoir assurer leur survie. Des pans entiers de

territoires sont laissés à l'abandon, n'ayant su se réinventer face aux nouvelles logiques de

marché et aux nouvelles demandes sociales. Cependant loin d'être de simples espaces, les

villes sont un construit social et politique, avec une urbanité unique, base d'une identité,

culture et histoire propre. Ainsi, si les espaces sont actuellement réinvestis par les

politiques, c'est tant pour leur « valeur curative »1 que pour leur rentabilité.

« La fabrique de la ville » nécessite donc des politiques de mise en exergue

identitaire et économique. En l'occurence, son histoire fait de Bordeaux une ville avec un

patrimoine unique où l'activité contemplative et touristique domine. Forte de sa position

géographique, l'estuaire de la Gironde a permis l'avènement d'une ville portuaire dès le

XVIème siècle. Le commerce avec les Antilles ainsi que le trafic des esclaves fit d'ailleurs

de Bordeaux le premier port de France. Les richesses bâties sur le trafic négrier, attirèrent

la bourgeoisie anglaise qui bientôt colonisa la ville2. Au XIXème, en dépit de la floraison

de petites usines spécialisées3, la révolution industrielle marginalisa le territoire. En outre,

si la Garonne rythme la ville depuis son existence, elle marque une véritable frontière

sociale depuis que cette bourgeoisie cosmopolite colonisa la rive gauche. Ainsi, la rive

droite est devenue une véritable enclave ouvrière que les « vrais »4 bordelais tiendront pour

étrangère jusqu'au début du XXIème. En effet, si la dispersion de leur capital fut

contingente à l'abandon du commerce maritime, la culture bourgeoise a persisté et la

ségrégation du territoire en témoigne. La discrimination entre les quartiers s'est

approfondie dans les années 1980 avec l'arrivée des migrants maghrébins, espagnols et

africains, qui se sont installés dans les quartiers de Saint Michel, Mériadeck et Saint Pierre,

1 CERDA Ildefonso, adapté par LOPEZ Antonio, Théorie générale de l'urbanisation, Paris, éd. Europan,

2005, p. 50.2 VICTOIRE Emile, Sociologie de Bordeaux, Paris, édition La Découverte, 2007, pp. 7-24.

3 Chantiers navals sur la rive droite, industrie agroalimentaire et entreprise métallurgique.4 Idem, p. 9.

9

Page 10: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

tandis que la gentrification1 du centre et de l'ouest s'aggravait. Il est donc notable que si

Bordeaux est une ville cosmopolite, elle se caractérise par sa discontinuité.

La stratification ethnique et sociale a mené à un modèle urbain qui comme le défend

Emile Victoire2, est « composée de trois villes » : un hyper-centre où cohabitent des îlot de

richesse et de pauvreté, une rive droite composée de revenus modestes et ouvriers et une

deuxième couronne, plutôt éloignée vers le nord-ouest de la ville où les ménages les plus

aisés s'installent3. L'homogénéité des habitants des zones donne à Bordeaux la particularité

d'avoir des quartiers à forte identité.

Cette « ville riche avec beaucoup de pauvres »4 reste toutefois très attractive pour la

qualité de vie et l'esthétique architecturale. Si de nombreux ménages souhaitent aujourd'hui

venir s'installer dans « la belle endormie »5 , les investisseurs montraient une forte

1 Gentrification : Processus de transformation économique et sociale d'un quartier ancien au profit d'une

classe sociale supérieure et donc au détriment d'une autre défavorisée.2 VICTOIRE Emile, Op. Cit., p. 96.

3 Le Bouscat, Mérignac.4 VICTOIRE Emile, Op. Cit., p. 9.

5 ROSSIGNOL Lorraine, « Bordeaux, le réveil de la belle endormie », Télérama, 20/10/2014, <www.telerama.fr/monde/Bordeaux-la-ville-qui-se-reveille-enfin,109479.php>

10

Illustration 1 : Carte des quartiers de BordeauxSource : http://www.viree-malin.fr/weekend-Bordeaux-visite-

malin-decouverte/

Page 11: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

réticence il y a encore dix ans1. Le port fluvial n'étant plus que l'ombre de lui-même,

s'affirmer sur le plan touristique, économique et culturel fut une nécessité dans les années

quatre-vingts-dix. Le Maire de la ville s'efforça alors de promouvoir la culture viticole

ainsi que la filière du bois pour attirer les investisseurs.

En dépit de son aura de résistant et d'homme politique, la politique urbaine menée

sous Jacques Chaban-Delmas, aura des conséquences sur le long terme. Surnommé le

« Duc d'Aquitaine »2, il occupa le poste de Maire de Bordeaux pendant 48 ans, voulant en

faire une métropole d'équilibre face à Paris. Jean Marieu3, parle d'une « ville sans projet »4

où le « système Chaban5 » règne. Jacques Chaban-Delmas fut cependant un grand

aménageur du territoire de la Communauté Urbaine de Bordeaux, mais de nombreuses

décisions6 ne firent qu'aggraver un mécanisme d'étalement urbain profitant aux communes

environnantes. Il fonda la CUB en 1968 consacrant que « Bordeaux c'est l'Aquitaine, et

l'Aquitaine c'est Bordeaux ». Ce dernier, cumulant les mandats à la Mairie et à la CUB, et

menant une politique d'ouverture tant au niveau local que national, restera très populaire.

Certains de ses opposants critiqueront une politique opportuniste avec des « contrats

implicites », d'autres ne constateront que le pragmatisme nécessaire pour garantir un

leadership efficace à la CUB7. Jacques Chaban-Delmas marqua la structure politico-

administrative de la CUB par une personnalisation du pouvoir local dont héritera son

successeur.

Après un demi-siècle de pouvoir, Jacques Chaban-Delmas, laissa son héritage à son

cadet Alain Juppé, ministre des Affaires Étrangères, secrétaire général du RPR et adjoint à

la Mairie de Paris. Dans la continuité du « système Chaban », la personnalisation du

1 Absence de spécialisation économique sous l'égide de Chaban-Delmas.

2 TAPIE Guy, GODIER Patrice, Bordeaux Métropole, Un futur sans rupture, Op. Cit., p. 50.3 TAPIE Guy, GODIER Patrice, Bordeaux Métropole, Un futur sans rupture, Op. Cit., p. 50.

4 SEGAS Sebastien, Bordeaux Métropole, Un futur sans rupture, Op. Cit., p. 17.5 Système reposant sur une entente avec les mairies socialistes des communautés de la banlieue, ne

cherchent pas la déstabilisation du leadership de Chaban-Delmas car elles sont officiellement associées ausystème de la CUB.

6 Notamment l'idéologie du « tout automobile », la construction du pont d'Aquitaine et de la rocade périphérique favorisant le développement d'une double couronne au nord et à l'est.

7 MÉDART Jean-François, « Le système politique de Bordeaux (le système Chaban) », 1972, non publié, adapté par l'Édition De Boeck Supérieur, Revue internationale de politique comparée, 2006, p. 1.

11

Page 12: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

pouvoir municipal survécut et Juppé obtint en 2014 son 5ème mandat1. En dépit de son

héritage et son parachutage soutenu par Chaban-Delmas, le nouveau Maire entame une

rupture en 1995. Alain Juppé se dote alors d'un cabinet techno-politique2 et

institutionnalise la sphère publique tout en élargissant la sphère médiatique. Ainsi, il

affiche un volontarisme pour que la ville devienne un espace à la fois politique, de

mobilisation, et d'action collective sur des enjeux locaux et globaux. Cette revendication de

promotion de l'urbanité3, n'est pas tant une inspiration personnelle qu'une injonction

politique conséquente aux « nouvelles demandes sociales des classes moyennes »

(culturelles et environnementales) de remédier à un « traitement trop technocratique »4 de

la ville. Pour y répondre, il lance en 1996 deux grands projets : la construction du tramway

et la réhabilitation des quais. La CUB devient alors un partenaire pour les acteurs du

territoire, avec l'élaboration d'un Agenda 21 imposant participation, concertation et prise en

compte du développement durable.

De surcroît, l’institutionnalisation des villes comme acteur politique est liée à la prise

de conscience collective qu'un relai local est nécessaire à un développement plus

soutenable dans les espaces urbains. Si le terme « ville durable » apparaît en 1988 dans le

cadre du programme Man and Biosphère de l'UNESCO consacré à l'écologie urbaine, c'est

en 1992 lors du sommet de la Terre de Rio que la terminologie est vraiment consacrée 5.

Les villes doivent alors élaborer un Agenda 21 local qui inscrit l'urbanisme durable comme

une nouvelle exigence de la planification. Cependant, en dépit des nombreuses

publications de la Commission européenne et de l'OCDE, le développement durable et la

question urbaine restent deux secteurs relativement étanches dans la pratique. Il faut

attendre 1996 et une rencontre informelle pour que les associations représentatives de 300

villes6 adoptent l'engagement de Curitiba consacrant une plus grande collaboration des

villes dans l'élaboration de l'Agenda 21. Selon Cyria Emelianoff « les villes héritent de la

1 MÉDART Jean-François, Op. Cit.

2 Cabinet composé de 34 personnes, contre seulement 7 personnes sous Chaban-Delmas.3 Selon Le Robert, urbanité désigne « les relations entre habitants d’une ville ».

4 PINSON Gilles, Gouverner la ville par les projets, Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 214.

5 BLANC Maurice, HAMMAN Philippe, « La ville aux défis de l’environnement », Revue des sciences sociales, n° 47, 2012, pp. 8-17.

6 Union internationales des autorités locales, Fédération mondiale des cités unies, Métropolis et Sommet des grandes villes du monde ainsi que quelques associations régionales.

12

Page 13: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

problématique du développement durable et le développement durable hérite quant à la lui

de la problématique du développement urbain »1. On passe alors de la phase de réflexion et

de diagnostic à la phase opérationnelle du développement urbain durable. Forces vives du

territoires et administrations s'investissent dans une professionnalisation du développement

durable en étroit partenariat avec des organismes internationaux tels que le conseil

international des initiatives environnementales locales créé en 1990 par l'ONU. Dans le

même temps les problématiques d'étalement urbain (avec les mobilités polluantes) et de

ségrégations urbaines sont mises à l'ordre du jour. Initiés dès les années 1970, la

banalisation du véhicule automobile et l'éclatement de la cellule familiale favorisent un

processus d'étalement urbain, tandis que les crises économiques ne font que creuser les

inégalités et la stigmatisation des quartiers les moins aisés. Un nouveau concept se place

alors au cœur des politiques urbaines : la ville compacte, autrement dit le « repli de

l'urbanisation vers l'intérieur »2. La mutabilité des villes est une notion spécifiquement

française promue par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) le 13 décembre

2000, puis consacrée par la loi Borloo en 2004 avec l'institutionnalisation de l'Agence

Nationale pour la Rénovation Urbaine3. Les acteurs publics se voient alors contraints de

rénover les zones urbaines défavorisées comme certains quartiers d'habitats mais aussi des

friches industrielles, militaires ou ferroviaires.

À l'aube du XXIème siècle, la convergence entre ville durable et ville mutable a

permis la naissance de projets innovants et responsables de requalification des territoires.

De cette façon, Bordeaux expérimenta ces politiques : l'étalement urbain devient très

problématique et les friches constituent une opportunité de reconversion au moment même

où Alain Juppé arrive au pouvoir. Ces zones historiques, témoins de l'histoire mais laissées

à l'abandon sont un repoussoir tant pour les habitants que pour les investisseurs. Elles

constituent donc une opportunité de reconquête environnementale, esthétique et

économique. Face à la « territorialisation de l'action publique » et la « dispersion des

pouvoirs »4, les projets urbains durables constituent un nouvel instrument de gouvernance

1 EMELIANOFF Cyria, citée par ANDRES Lauren et BOCHET Béatrice, La mutabilité à l’épreuve de la durabilité ou comment relire la réutilisation des territoires urbains délaissés sous le couvert de la ville

durable, Grenoble-Chambéry, colloque de l’ASRDLF, 2007, p. 4.2 EMELIANOFF Cyria, citée par ANDRES Lauren et BOCHET Béatrice, Op. Cit., p. 3.

3 ANDRES Lauren et BOCHET Béatrice, Op. Cit., p. 7.4 PINSON Gilles, Op.cit. p. 214.

13

Page 14: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

et de légitimité pour les élus locaux.

De toujours son « arme politique »1, l'urbanisme est un outil fondamental pour Juppé.

Entamant une révolution urbanistique lors de son arrivée à la Mairie de Bordeaux en 1995,

son objectif était de « faire de Bordeaux une métropole à l'échelle humaine »2. Témoignant

de son volontarisme politique, la construction du tramway, d'un budget 1,5 milliard

d'euros, est un succès avec 44 kilomètres de ligne et plus de 17 000 voyageurs par jour.

Cette mobilité douce a permis de centraliser Bordeaux et paradoxalement d'en faire une

ville multipolaire où huit communes sont desservies. Dans le même temps, la réhabilitation

des quais de la rive gauche s'inscrit dans une logique de reconquête du patrimoine et de

centralité bordelaise. Grâce à l'acte I de son projet urbain lancé en 19963, la ville est

récompensée en juin 2007 par son classement au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, mais

aussi par la victoire du titre de « Best European Destination » le 10 février 20154.

Le 2 mars 2009, Alain Juppé présente l'acte II de son projet : «Vers le grand

Bordeaux, pour une métropole durable »5. Ce renouveau urbain promeut un Arc de

développement durable labellisé Ecocité qui s'étend sur 3243 hectares. Cet arc sera

composé d'écoquartiers qui seront promoteurs d'une culture urbaine et non pas, selon Alain

Juppé, la consécration d'une nouvelle forme de communautarisme. Pour le Maire de la

ville, un écoquartier est un « quartier desservi par un transport en commun, offrant à la

fois une mixité fonctionnelle et une mixité sociale, faisant une large part à la nature et à la

bio-diversité et cumulant à la fois des principes d'écoaménagement et d'écoconstruction,

sans oublier la dimension sociale et culturelle du vivre ensemble» 6.

De surcroît, Alain Juppé mise non seulement sur une nouvelle hybridation entre la

ville et la nature, mais aussi sur des externalités qui feront la différence dans la compétition

1 COURTOIS Claudia, « Bordeaux 900 hectares de friches urbaines pour l'avenir de la ville », 03/03/2009,

Le Monde, <www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/03/Bordeaux-900-hectares-de-friches-urbaines-pour-l-avenir-de-la-ville_1162651_3224.html>.

2 Alain Juppé, discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, <www.Bordeaux.fr/p39601>.3 BIDALON Philippe, « Les grands projets », L'express, 25/10/2007, <www.lexpress.fr/region/les-grands-

projets_474386.html>.4 Site de l'Office de tourisme, <http://fr.Bordeaux-tourisme.com/Pages/European-Best-Destination>.

5 Alain Juppé, discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, <www.Bordeaux.fr/p39601>.6 Idem.

14

Page 15: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

européenne : culture, université, vitalité des réseaux sociaux, cadre de vie, gouvernance,

etc. Il a ainsi promu les nouvelles technologies et la culture comme des leviers du

développement économique et urbain, notamment avec la promotion de Bordeaux « cité

digitale ». De plus, Alain Juppé soutient la création de « clusters » créatifs, consacrant

l'économie verte, alternative et créative comme un moteur de l'économie.

La notion de « cluster » apparait dans les années 1990 avec Michael Porter, qui le

définit comme une grappe d’entreprises et d’institutions interconnectées formant un pôle

de compétence géographique spécialisé dans un secteur d’activité1. L'intérêt d'un cluster est

collectif, tant pour les entreprises qui dégageront des externalités, que pour le territoire qui

renforcera son attrait pour les touristes ou nouveaux habitants, les investisseurs et les

cerveaux. Le territoire n'est plus un simple fournisseur d'infrastructures, il est la base de sa

dynamique culturelle et économique par des politiques volontaristes de spécialisation et de

structuration des actifs immatériels. L'expérience nous indique qu'il se caractérise par

« son échelle régionale, sa gouvernance collégiale et son caractère non immédiatement

marchand »2. Sa compétitivité se fonde sur un système de relations augmentant les

opportunités d'affaires et de développement. Littéralement, cluster signifie bouquet de

fleurs ou encore grappe. Cependant cette « grappe d’entreprises » n’est pas isolée du reste

du territoire, mais au contraire, elle s’y inscrit fondamentalement. Sa survie est assurée

notamment par des politiques publiques territoriales qui se transcrivent par une logique de

diffusion des savoirs, savoir-faire, capital social et compétences. Si cette notion peut

paraître floue, le gouvernement lance une véritable campagne de promotion des clusters

innovants depuis 2004.

Se définissant comme un cluster créatif, le projet Darwin est porteur de

développement économique et d'innovations pour la région. Cependant c'est surtout un

outil de diffusion de culture dans des territoires souvent marginalisés3.On remarque depuis

une dizaine d'années la prolifération d'un nombre important de clusters dans les banlieues,

1 Cité par DAMBRON Patrick, Les Clusters en France - Pourquoi les pôles de compétitivité ?, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 10.

2 LEDUCQ Divya et LUSSO Bruno, Le cluster innovant : conceptualisation et application territoriale, Cybergeo : European Journal of Geography, Espace, Société, Territoire, document 521, 07/O3/2011,

<http://cybergeo.revues.org/23513>.3 AUCLAIR Elisabeth, La culture et les quartiers populaires, Paris, Diversité, 2007, p. 53.

15

Page 16: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

afin de promouvoir la culture urbaine comme un instrument fédérateur. La particularité

d'un cluster créatif repose sur un principe fédérateur très fort où la confiance et la

transparence sont fondamentales pour faire émerger un « effet de cluster » dans une zone

d'activité limitée. Le cluster créatif de Darwin se définit également comme

« responsable », en harmonie avec l'environnement et reconstituant une nouvelle forme

d'espace public. En effet, en dépit de son caractère privé1, Darwin fonde au cœur de ses

principes la promotion d'un espace public innovant favorisant les échanges et les

transactions sociales. Il vise ainsi un idéal démocratique au sens « habermasien » du terme.

Ainsi, le projet Darwin est un projet d'éco-renovation de la friche militaire de Bastide

Niel, consacrant économies créatives, écologiques et cultures urbaines dans un cluster. Les

darwiniens2 se sont donc engagés dans un écosystème coopératif pour faire face à des

enjeux majeurs : mondialisation, exigence d’instantanéité, investissements lourds,

concurrence accrue. Ce projet multidimensionnel cherche avant tout une rentabilité

« éthique » en se fondant sur une croissance sélective et sur la promotion d'actifs

immatériels (innovation, compétence, savoir-faire). De plus, cette structure est une vitrine

au cœur du futur écoquartier tertiaire de Bastide-Niel, représentant une ZAC3 de 34

hectares.

Le fondateur du projet, Philippe Barre, est un PDG atypique qui créa l'entreprise

Evolution à 22 ans dans le but d'encourager des projets innovants et écologiques. C'est en

2005 que l'idée d'un cluster créatif prônant les vertus du développement durable prit forme.

Philippe Barre et son associé Jean-Marc Gancille4, eurent alors un coup de cœur pour la

caserne Niel et deviendront propriétaires des lieux le 30 juillet 2010 après deux ans d'âpres

négociations avec la CUB. Ils s’aventurèrent alors dans un projet qui regroupe aujourd'hui

plus d'une centaine d'entreprises, représentant environ 350 emplois, toujours dans la

dynamique de coworking et de mutualisation des moyens. Ainsi, Darwin actuellement en

pleine expansion a réussi le pari de refonder une identité de quartier et les entités qui

l'animent attirent des dizaines de personnes tous les jours pour y travailler mais aussi se

1 Foncier acquis par des entrepreneurs privés grâce à un capital propre ainsi qu'une dette financière. Ces

derniers gèrent leur espace comme une entreprise privée et sont libres de l'organisation.2 Association de gouvernance collective des entrepreneurs de Darwin sur le site de la Caserne Niel.

3 Zone d'Aménagement Concerté.4 Co-fondateur de DARWIN, Directeur de la transition écologique du Groupe Evolution.

16

Page 17: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

distraire, se restaurer, ou encore s'y ravitailler.

Cela conduit à se demander dans quelle mesure le projet Darwin se révèle être un

modèle urbain et une ressource pour le territoire bordelais. Il est apparu intéressant de

retracer l'histoire d'un tel projet pour percevoir les attentes et limites des nouvelles

idéologies urbaines à l'oeuvre depuis quinze ans, entre mutabilité et durabilité. Cependant,

la dimension privé du projet alors même qu'il se construit dans un territoire historique

comme Bordeaux en fait toute l'unicité. Analyser la légitimité de ces entrepreneurs privés

dans le cadre de la gouvernance territoriale apparaît pertinent. Aussi, le fait que Bordeaux

représente une métropole-type européenne (centre-ville historique et dynamique, friches et

zones marginalisées), mais surtout que sa taille moyenne favorise les interactions sociales

et la proximité, en fait un terrain d'étude opportun.

Du fait du caractère récent du projet, cette recherche s'est essentiellement appuyée

sur des entretiens avec Jean-Marc Gancille, co-associé du projet, Celine Gerbeau-Morin,

chef de projet à la CUB ainsi que des entretiens avec les habitants de Bordeaux et un

sondage réalisé à l'IEP de Bordeaux. Il est cependant regrettable de ne point avoir eu de

17

Illustration 2 : Schéma de fonctionnement de SAS Darwin

Page 18: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

réponse de la part de certains membres du projet Darwin qui auraient partagé un point de

vue plus nuancé sur la vie quotidienne dans la Caserne Niel. D'une part, le site de la CUB

(Agenda 21, délibérations, discours officiels), les forums animés par les habitants de

Bastide-Niel et la presse locale, nationale et internationale, ont permis d'identifier la réalité

du projet : entre discours officiel, discours médiatique et discours du vécu. D'autre part, des

ouvrages spécialisés de Gilles Pinson, sur les nouveaux outils de gouvernance urbaine,

Cyria Emelianoff, spécialiste du thème de la ville durable, et le Rapport Lextrait, sur la

régénération culturelle des friches, ont fourni un cadre déterminant théoriquement en quoi

la régénération de friches refonde l'urbanité et l'attractivité du territoire. Interroger les

Bordelais a donné une vision plus concrète de l'impact du projet (écarts entre mixité et

identité revendiquée) car la presse énumère beaucoup d'informations brutes et sans

critiques. L'exploitation de ces sources a soutenu une série d'interrogations inhérentes au

sujet : dans quelle mesure un modèle de réinvention de la ville à l'image de Darwin

constitue-t-il davantage une démarche urbanistique que politique ? En quoi le projet

Darwin érige un nouveau modèle de gouvernance et de vivre-ensemble dans l'espace

urbain ? Comment la création d'un projet privé et unique s'adapte-t-elle à un territoire

historiquement fort ? Dans quelle mesure la collaboration du privé et du public permet-elle

de réinventer une ville plus durable et humaine ? Le projet Darwin incarne-t-il la naissance

d'un nouveau « modèle urbain »1 ou un pragmatisme moderne faisant face aux grands défis

contemporains par de nouvelles techniques, principes et pratiques ?

Intitulé « Le projet Darwin : des friches au quartier, exemplarité et réinvention

urbaine », ce mémoire tend ainsi à démontrer que le projet Darwin constitue un modèle

innovant pour dynamiser la culture et l'innovation durable sur une friche en berne mais

historiquement authentique. En dépit d'un élitisme et d'un capitalisme assumés, le projet

reste intrinsèquement ouvert à l'extérieur par des outils innovants. Même si les valeurs

durables sont souvent recyclées dans des stratégies marketing, Darwin prône et diffuse une

nouvelle manière vertueuse de penser l'urbanité. Cependant, ce modèle semble

difficilement généralisable en vue de sa dimension idiosyncrasique : des leaders

persévérants et charismatiques, une opportunité politique et foncière, ainsi qu'une culture

urbaine dynamique propre à un territoire innovant.

1 Françoise Choay définit des modèles urbains, culturaliste ou progressiste, qui constitue des grands axes utopiques couplés de bonnes intentions mais qui ne sont ni le fruit du contexte, ni de la réalité.

18

Page 19: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Une première partie consacrée à Bordeaux comme terrain d'expérimentation d'un

cluster créatif, permettra d'observer les conditions qui ont rendu possible l'ancrage du

projet sur un territoire public à l'origine. L'émergence de la ville durable sur Bordeaux,

l'analyse de la dimension marketing et l'effet de rayonnement du projet seront étudiés.

Par la suite, l'étude de l'identité revendiquée de cette transition culturelle,

économique et citoyenne, permettra d'appréhender le fait que Bordeaux soit une ville

cosmopolite où la ségrégation spatiale est particulièrement marquée. Ceci posant pour

Darwin un nouveau défi : ne pas constituer un nouveau tremplin de communautarisme

mais bien au contraire promouvoir des cultures alternatives. Le succès et sa diffusion sont

notables tant dans la presse locale que nationale, cependant des réticences locales posent

les limites de ce projet citoyen qui ne saurait s'apparenter à un projet public.

Enfin, il sera vu dans une dernière partie dans quelle mesure cette utopie urbaine est

devenue un projet sociétal par sa faculté d'adaptation. Constatation sera faite que les efforts

de Darwin pour reconstruire un écosystème vertueux et favoriser le lien social ne remplace

pas l'aspect capitalistique du projet. En effet, la rentabilité reste un objectif, et la transition

écologique constitue une nouvelle promesse de croissance. Ainsi, le développement

durable ne constitue ici pas une rupture mais une opportunité d'adaptation que Darwin a su

saisir.

19

Page 20: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Chapitre I : L'union entre un patrimoine public et unprojet privé : Bordeaux, terrain d'expérimentation d'un

cluster créatif

L'urbanisme, loin d'être exclusivement un domaine d'experts techniques et

opérationnels, est le reflet de la société. Il est éminemment politique et les projets urbains

sont témoins de l'histoire des hommes, de ses évolutions et de son rapport à la nature. Le

développement urbain durable est un champ nouveau que Bordeaux souhaite partager

malgré le retard que la France marque ici. En effet, si les expériences façonnent notre

territoire, Darwin fait Bordeaux comme Bordeaux fait Darwin. Le projet émerge d'une

rencontre entre des personnes, un lieu historique et un contexte global. Si ville durable et

rénovation des friches sont les nouveaux crédos de l'urbanisme, la particularité de Darwin

est d'être un projet privé qui façonne une nouvelle économie et une culture plus inclusive.

Il constitue une ressource territoriale sans précédent, en plus que d'être éthiquement

responsable et novatrice. Le projet Darwin s'inscrit donc dans la volonté émergente

d'« humaniser les villes ». Ainsi, né sous l'influence des nouvelles idéologies durables et

créatives, le projet Darwin s'ancre dans un territoire historique et le redynamise.

« La ville est la plus complète et la plus réussie des entreprises de l’homme de refaire le

monde à l’image de ses désirs. Mais, si la ville est le monde que l’homme crée, elle est

aussi le monde dans lequel il est condamné de vivre. Ainsi, indirectement, et sans

pleinement connaître le sens de son action, en faisant la ville, l’homme se change lui-

même »1

I) L'urbanisme durable : du militantisme à l’injonction politique

« Dans la bataille des grandes idées publiques, la durabilité a gagné », Campbell

19962

1 PARK Robert, « The city as a social laboratory », On Social Control and Collective Behavior, éd. Turner, Presses de l’université de Chicago, 1967, pp. 3-18.

2 Repris dans BEAL Vincent, « Politiques urbaines et développement durable: vers un traitement entrepreneurial de problèmes environnementaux? », Environnement Urbain, n° 3, 2009, p. 15.

20

Page 21: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Au fil des siècles, les villes furent à la fois témoins et objets des évolutions humaines

: si la période classique imposait à la ville d'être « belle », la modernité d'être « radieuse »

avec Le Corbusier, la ville contemporaine se doit d'être « durable »1. L'abri de sécurité et

de civilisation que représentait la ville jusqu'au XIXème, a disparu et les politiques

urbaines se repensent et s'ouvrent aux nouveaux acteurs de la mondialisation. Ainsi, la

promotion de formes urbaines plus compactes et plus en osmose avec la nature sont le

nouveau crédo des collectivités, notamment Bordeaux qui se réinvente depuis 20 ans. En

outre, l'urbanisme moderne, ses figures expertes et « starchitectes », est aujourd'hui un

modèle trop élitiste et fermé qui s’essouffle. La négociation urbaine est désormais

fragmentée tant sur les échelles (locale, régionale, nationale, mondiale) qu'entre les acteurs

(prestataires, investisseurs, habitants, usagers, politiques, etc.) qui ont tous des intérêts

particuliers. Cependant, la négociation et l'urbanisme durable n'ont pas toujours été des

évidences, les initiatives pour défendre un tissu urbain plus durable et continu ont été

diffusées depuis des organismes régionaux. Elles s'imposèrent aux Etats, dans un moment

de risque périurbain et de ralentissement économique, où ils surent saisir l’opportunité du

développement urbain durable comme re-dynamisation.

A) Une stratégie territoriale entre mutabilité et durabilité : la politique

bordelaise, globale et cohérente.

1) La fabrication d'une ville-nature attractive dans la compétition européenne

L'idée d'une nature en ville apparaît avec Hiroto Saigusa en 1940 avec le concept de

« nature humanisée »2. Cependant selon J. Theys, les différentes conceptions mobilisées

pour l'inscrire dans le tissu urbain dépendent du contexte : biocentrique (l'homme au cœur

d'un environnement naturel), anthropocentrique (la nature intégrée dans l'environnement

humain) ou technocentrique (maîtriser les risques)3.

C'est ainsi que dans une logique anthropocentrique Alain Juppé lance en 2009 la

1 BLANC Maurice, HAMMAN Philippe, Art. Cit., p. 1.

2 Idem., p. 9.3 Idem.

21

Page 22: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

révolution verte bordelaise par la promotion d'un arc de développement durable constitué

de quartiers durables de Bordeaux Nord à la gare1. Cet espace censé garantir 10 à 15000

habitats avec 30 à 40% de logements sociaux, intègre des normes de Haute Qualité

Environnementale2 et des objectifs de mixité et participation. Situés en partie sur des

friches industrielles et militaires, ces espaces constituent une opportunité de requalification

exemplaire. En outre, la labelisation de l’écoquartier Ginko à Bordeaux par Sylvia Pinel

en 2014 marque un succès notable à diffuser sur l’ensemble du territoire. Cette stratégie de

territorialisation des enjeux environnementaux ne se réduit pas aux écoquartiers mais se

diffuse dans l’ensemble de la communauté : l'intégration d'îlots de fraicheur urbains,

corridors naturels, jardins partagés sont ainsi autant des outils esthétiques que des outils de

construction économique, écologique et climatique. Aussi, 55 000 hectares pour la nature

est une démarche globale dans la communauté urbaine lancée à l’initiative de Vincent

Feltesse3 en 2012. La nature est alors appréhendée comme une fonction sociale,

économique et environnementale afin de promouvoir Bordeaux comme « Agglomération

nature ». La stratégie d'Alain Juppé et de Vincent Feltesse témoigne d'une volonté

d'harmoniser la ville avec le fleuve de la Garonne en apprivoisant les milieux naturels

sensibles4, ainsi qu'en multipliant les espaces naturels publics. La validation officielle de

l’Agenda 21 local en 2012 initie de nouveaux axes pour la territorialisation du

développement durable à Bordeaux : promotion des mobilités durables, économie verte et

créative, valorisation de la Garonne, approche globale des risques et des nuisances, mixité

sociale, fonctionnelle et cohésion sociale, etc5. L’Agenda 21 bordelais ne se limite donc

pas seulement à des enjeux environnementaux mais intègre des objectifs de gouvernance,

culturels, sociaux et économiques dans le dessein d’une agglomération durable.

L'attractivité de la métropole dépasse donc un cadre esthétique et fonctionnel afin

d'éviter de devenir une ville-dortoir suite à la construction du LGV Bordeaux-Paris6. Si

« la nature humanisée » est une nouvelle opportunité pour réveiller la « belle endormie »,

les thèses hygiénistes nous conduisent à repenser la ville dans des formes plus compactes

1 Alain Juppé, discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, < www.Bordeaux.fr/p39601>.2 Eco-construction et éco-gestion (photovoltaïques, biomasse, géothermie, etc.).

3 Président de la Communauté urbaine de Bordeaux de 2007 à 2014 .4 Le lit majeur de la Garonne couvre tout Bordeaux, les risques d’inondation sont donc très élevés.

5 Site de Bordeaux Métropole, <www.Bordeaux-metropole.fr/agenda-21>.6 Ligne à grande vitesse prévue pour 2017, Bordeaux ne sera alors qu'à 2h10 de Paris.

22

Page 23: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

pour lutter contre l'insalubrité et l'étalement.

2) La problématique de l'étalement

La péri-urbanisation est une problématique particulièrement prioritaire à Bordeaux

puisqu'elle est la ville la plus étalée de France. En effet, Jacques Chaban-Delmas a toujours

soutenu le « tout automobile » dans la région et le manque de réseaux entre Bordeaux et

ses 27 communes a poussé les ménages à faire de la voiture un objet de première

nécessité1. L'exigence contemporaine de contraction urbaine se borne cependant à ce que

Michel Duchène2 qualifie d' « archaïsme des girondins »3 dans la modernisation du

logement et des mobilités.

Néanmoins, la loi pour la Solidarité et la Renouvellement Urbain du 13 décembre

1 En moyenne chaque ménage bordelais dispose de 2 à 3 automobiles. 2 Conseiller municipal délégué auprès du Maire pour la cité digitale et l'innovation dans la ville de

Bordeaux.3 COURTOIS Claudia, Art. Cit.

23

Illustration 3: Écoquartiers en projet de Bordeaux Métropole et arc dedéveloppement durable.

Source : A'urba Bordeaux

Page 24: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

2000, promeut une redensification de la ville ce qui permettrait aussi de revaloriser la

mixité et solidarité dans le tissu urbain1.

Cependant, au-delà d'un « archaïsme », le problème est le prix du foncier. Selon une

étude de l’Observatoire des loyers menée par l’A’urba, « les locataires qui avaient conclu

leur bail à Bordeaux avant 2003 payaient, 40% de moins que ceux ayant emménagé en

2012 ». Cette étude recense deux faits : si les jeunes de 18-25 ans viennent à Bordeaux

faire leurs études, ils partent ensuite pour s'installer dans des périphéries moins coûteuses

une fois leur carrière commencée : il s'agit d'un exode « Rurbain »2. Le volontarisme

affiché d'Alain Juppé pour relancer une « Métropole Millionnaire »3, se borne donc au prix

du foncier et affecte l'attractivité du territoire. En outre, une des caractéristiques propre au

patrimoine bordelais est d'être relativement bas en terme d'infrastructures4, la maîtrise

d'une densité historiquement horizontale, due aux échoppes, est donc d'autant plus

complexe.

Ainsi, l'étalement urbain est non seulement devenu un risque environnemental mais il

altère le quotidien des bordelais avec une lourde congestion du trafic. Cependant, toutes les

grandes métropoles sont touchées par ce phénomène et de nombreux autres facteurs

l'expliquent, notamment l'aspiration de chaque ménage à être propriétaire d'une maison

individuelle avec un espace intérieur et extérieur conséquent. En outre, les populations

contraintes de vivre dans des zones repliées5 se sentent abandonnées par le politique, ce qui

délégitime le pouvoir en place6. Reconquérir, le territoire de la rive droite et densifier la

ville est une priorité pour les élus locaux. Plus qu'un choix de vie, cet exode est une

contrainte qu'Alain Juppé souhaite résoudre par différents outils7 : l’amélioration des

1 Mixité fonctionnelle et sociale.2 Ce paradoxe a aussi été souligné par l’Insee dans une étude sur la métropole bordelaise : « La forte

croissance démographique que connaît aujourd’hui la Gironde est en lien avec le dynamisme et l’attractivité de la métropole bordelaise. Toutefois, elle se localise en majeure partie (…) hors du

territoire de la CUB ». 3 Un million d'habitants d'ici à 2030.

4 R+3 maximum en général (très peu de buildings).5 Jusqu'à 35 kms hors de la métropole.

6 GUILLY Christophe, La France Périphérique, Comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014.

7 Alain Juppé est réélu Président de la CUB en 2014. La CUB est devenue « Bordeaux Métropole » en 2015.

24

Page 25: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

espaces publics pour attirer les habitants dans le centre, la promotion de mobilités douces

(tramway, vélos en libre disposition) et enfin une requalification du patrimoine pour le

rendre plus habitable.

De la même façon, le titre d' « European Best Destination 2015 » promet pour

Bordeaux une puissante médiatisation internationale, et un afflux migratoire conséquent

(touristique mais aussi permanent). Cependant cet afflux doit être contrôlé plutôt que subi

et Bordeaux doit garantir des infrastructures et des logements pour cet exode massif.

La reconquête de la rive droite constitue « la réappropriation d’un espace longtemps

délaissé, et le virage symbolique d’un territoire qui regarde son fleuve».1

3) Un « territoire de reconquête » : La rive droite comme nouveau terrain

d'expérimentation

Ainsi, après s’être concentrée sur l’hyper-centre (rive gauche), la ville de Bordeaux

enclenche une nouvelle phase de son projet urbain centrée sur la valorisation des vastes

réserves foncières que constituent ses friches (zones délaissées, marquées par un passé

militaire, industriel et portuaire). Ce concept de requalification des friches urbaines émerge

depuis les années 90 et vise à maximiser la gestion foncière des espaces urbains

potentiellement mutables.

1 Vincent Feltesse repris dans L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, monographie du

Centre d'études techniques et de l'équipement du Sud-Ouest et de l'Est, Plan Urbanisme Construction Architecture rattaché au MEDDE, 2012, p. 5.

25

Illustration 4 : Étalement urbain de la métropole de Bordeaux : 1950-1999Source : Sud Ouest - 31.10.2011

Page 26: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

En effet, alors même que Bordeaux fait face à une grave crise de logement, la rive

droite conserve son stigmate de miroir industriel, canaille, pauvre et populaire de la rive

gauche1. C'est pourquoi, forte de son attractivité en tant que ville historique, Bordeaux voit

arriver une « nouvelle population jeune, diplômée, familiale, soucieuse de l'environnement

et de la vie urbaine »2 qu’il faut loger. De fait, reconquérir la rive droite pour en faire un

territoire tertiaire et résidentiel est l'enjeu de Bordeaux 2030. L’objectif fondamental est

d’investir dans ces zones mutables pour rééquilibrer centre et périphéries, redynamiser une

métropole qui sombre dans l’immobilisme mais surtout densifier la ville pour y accueillir

de nouveaux flux migratoires.

La rive droite constitue un territoire en projets et d’expérimentation urbaine, cela

repose sur une nouvelle ville en réseau, notamment grâce aux mobilités douces. La

coordination entre les politiques de transports et les projets d’aménagement est donc

fondamentale dans une ville aussi étalée. Grâce au tramway la dimension espace-temps qui

renforçait le stigmate de la rive droite a été brisée, puisqu'en seulement 15 minutes,

l’hyper-centre de Bordeaux est connecté à la rive droite. Pour beaucoup, le recyclage de

ces friches abandonnées constitue la revanche de la rive populaire sur la rive bourgeoise.

1 VICTOIRE Emile, Op. Cit. 2 Alain Juppé, discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, < www.Bordeaux.fr/p39601>

26

Page 27: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

B) Vers un urbanisme négocié 1 : la multiplication des acteurs

1) L'acculturation des projets urbains : participation plurielle et effective

Dans les années 1960-1980, l'État, par le biais des normes et règlements, imposait

une politique urbaine aux collectivités. Le manque d'adaptabilité de cette méthode Top

Down dû à des normes rigides et standardisées a conduit à repenser l'urbanisme pour

s'appuyer sur un travail plus diffus et empirique. En effet, la pluralisation des parties

prenantes a façonné une nouvelle expérience : celle de l’action collective relative à la

gouvernance urbaine. Depuis une vingtaine d'années, la gouvernance est marquée par

l'ouverture des agendas urbains aux classes moyennes, investisseurs et partenaires locaux2

dispersant alors les ressources et pouvoirs. Par conséquent, si les projets urbains restent

régulés par la collectivité pour garantir une vision commune, il s'agit aujourd’hui d’une

véritable acculturation : le projet naît de coopération et concurrence entre différents

acteurs, émulation qui est éminemment source de progrès. Le recours aux partenariats avec

1 BOURDIN Alain, L’urbanisme d'après crise, Paris, L'Aube, 2010, p. 71.

2 PINSON Gilles, Gouverner la ville par les projets, Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 266.

27

Illustration 5: Cartographie des projets de Bordeaux (rénovation, construction, etc.)La majorité des projets se situent soit sur la rive droite soit en périphérie de la ville.

Source : www.Bordeaux-metropole.fr/sites/default/files/IMG/emploi_economie/2015-FAB-Carte-MIPIM-GRANDS-PROJETS

Page 28: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

d'autres collectivités locales, les organismes européens, les agences publiques ainsi que le

secteur privé a forcé le décloisonnement des approches sectorielles. Enfin, ce travail de

transversalité a été promu par l'Agenda 21 et les conseils de développement qui constituent

des instruments de promotion du modèle interactionniste1.

Ainsi, depuis 1996, la CUB a opéré un travail de pluridisciplinarité et est entrée dans

une « logique de donnant-donnant »2. Les partenariats public-privé restent dans cette

logique de réciprocité, en octroyant aux acteurs privés des outils, normalement réservés

aux collectivités mais nécessaires à leurs projets (maîtrise foncière et urbaine), tout en

palliant le manque de moyens financiers des administrations publiques3. En outre,

workshop et atelier sont deux outils favorables à l'apprentissage et la représentation

commune entre tous les acteurs. Entre 2006 et 2008, Alain Juppé organisera trois ateliers4

pour décider du devenir du quartier de Bastide-Niel ce qui favorisera la cohésion et la

mobilisation dans le futur quartier. Darwin s'inscrit dès le départ dans cette démarche

d’urbanisme négocié : des délibérations publiques sur le futur du bâti, la récupération du

terrain par des opérateurs privés, au pilotage actuellement partagé entre la CUB, les

bailleurs sociaux, le maître d'oeuvre et la SAS Darwin.

Cette pluralisation des acteurs impose un renouvellement continu des schémas

d'urbanisme. Il est difficile de dégager une « recette type » d'autant que le développement

urbain durable, objet de recherche récent, repose sur des écosystèmes propres à chaque

territoire.

2) Des méthodes empiriques

L'urbanisme durable est une discipline qui remporte du succès, mais elle est

tellement récente que comme le défend François Jégou « ce n’est pas le micro-projet qui

1 PINSON Gilles, Op. Cit., p. 298.

2 Propos recueillis au cours d’un entretien avec Mme Gerbeau-Morin, chef de projet à Bordeaux Métropolespécialisée dans les quartiers durables de Bordeaux. Elle a en charge de nombreux projets d'écoquartiers

sur la métropole mais aussi d'autres projets urbains portant des enjeux environnementaux. 3 Exemple d'un promoteur qui se sert du label Écoquartier comme publicité mais dans le même temps

respecte une construction écologique fixée par la communauté.4 Environ 70 habitants du quartier, élus, architectes-urbanistes, entrepreneurs et promoteurs y participèrent.

28

Page 29: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

est important, mais le système, la stratégie. Il faut activer des micro-projets non pas pour

eux-mêmes, mais dans le but de créer un changement systémique »1. De ce fait, les

informations sur les avancées et obstacles des différents projets sont diffusés

instantanément et constituent une source d'information perfectible pour les villes

pionnières et secondaires. En effet, les premières ZAC construites dans la métropole ont

suivi un modèle très rigide, voire « stalinien »2 où l’urbaniste dessinait un plan, finalement

peu compatible avec les conditions locales. Les vertus d'un écoquartier sont alors biaisées.

L'homme et les infrastructures s'imposent brutalement à l'écosystème ce qui génère des

dysfonctionnements, la ZAC de Ginko en témoigne3. Ainsi, la phase d'expérimentation, de

modélisation et d’application de l’urbanisme durable se font instantanément. Surtout que

chaque projet de rénovation étant unique avec des modalités particulières4, les attentes et

objectifs ne peuvent être fixés universellement. La CUB a donc mis en place un modèle de

gestion en rosace5, où le but n’est pas de fixer des normes de performance mais de fixer un

idéal dont chaque quartier se rapprochera plus ou moins. Cette méthode émergente

d'urbanisme fut institutionnalisée sur la scène publique par l'accaparement des classes

politiques, ayant tout intérêt à défendre des projets vertueux sur leur territoire.

1 GUILLAUD Hubert, « Voyage dans l’innovation sociale scandinave (1/3) : Construire la ville durable

avec ses habitants », Internet-Actu, 15/06/2010, <www.internetactu.net/2010/06/15/voyage-dans-linnovation-sociale-scandinave-13-construire-la-ville-durable-avec-ses-habitants>.

2 Propos recueillis au cours d’un entretien avec Mme Gerbeau-Morin, chef de projet à Bordeaux Métropole.

3 BARTHELEMY Simon, « Ginko, l’écoquartier qui essuie les plâtres », Rue89 Bordeaux, 31/01/2014, <http://rue89Bordeaux.com/2014/01/ginko-ecoquartier-essuie-platres>.

4 Nature, terrain, habitants, moyens, etc.5 Voir infra.

29

Page 30: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3) La transition d'une conception militante à entrepreneuriale

Ainsi, en 1995 Alain Juppé entame une rupture dans la politique urbaine en ré-

esthétisant la ville. Le Maire impulse d'innovants programmes d'action, policies, pour

défendre l'attractivité de la ville tout en l'inscrivant dans l'ère du temps et des idéologies

durables.

Le développement durable est passé d’une affaire de pionniers militants à un critère

supplémentaire dans la compétition entre les villes, tout comme d’autres projets culturels

tels qu’un Zénith, un tramway et d’autres labels1. Dans cette course aux « objets

iconiques »2 la ville est perçue comme un acteur stratégique. C'est pourquoi le Maire de

Bordeaux dynamise sa ville en multipliant les titres et labels afin d'attirer de nouveaux

habitants et investisseurs3. La revendication des labels Écocité et Écoquartier témoigne

ainsi d'une ambiguité : les élus se saisissent-ils d'une opportunité marketing ou des

1 BEAL Vincent, Politiques urbaines et développement durable: vers un traitement entrepreneurial de

problèmes environnementaux?, Environnement Urbain, n° 3, 2009, pp. 64-82.2 BOURDIN Alain, Op. Cit. p. 25.

3 Capitale de la culture en 2013 (échec); Best european destination 2015; labelisation de l’écoquartier Ginko; construction du tramway; construction de la LGV Bordeaux-Paris.

30

Illustration 6 : Schéma d'évaluation des quartiers durables La technique de la rosace est utilisée par les services de Bordeaux Métropole pour ne pas imposer unmodèle rigide, mais intégrer tous les facteurs de la durabilité et tenter de tendre vers un idéal tout en

s'adaptant à chaque territoire et à ses conditions. Source : DGALN , La démarche Écocité, UBIFRANCE Chine, 5 mai 2011.

Page 31: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

injonctions environnementales ?

Vincent Béal souligne ce paradoxe par le « passage discursif du traitement de la

"protection de l’environnement local" au traitement du "développement urbain durable" ».

Ce dernier s’avère être un instrument construit pour les professionnels de la ville afin

d'anticiper les risques et nuisances dans l'offre urbaine1. L'offre urbaine doit garantir un

minimum de services et d'infrastructures considérés comme des critères « soft »2,

influençant les choix de localisation des entrepreneurs et investisseurs. Par conséquent les

élus locaux se doivent de mener une politique entrepreneuriale d’attractivité pour assurer

un territoire dynamique. Pour intégrer ces nouveaux critères « soft », les agendas urbains se

sont ouverts à de nouveaux partenaires, notamment les classes moyennes, les entrepreneurs

et les associations de protection de l'environnement.

La promotion des clusters, des pépinières d'entreprises, de la filière de l'économie

créative sur Bordeaux vient lutter contre l'image d'une ville trop contemplative avec un

espace public normé et policé, et où la seule activité rentable serait le tourisme. Depuis 20

ans, Alain Juppé a su promouvoir de nombreux projets à même de relancer le dynamisme

et l'attractivité de la métropole, active et compétitive, notamment par le numérique et

l'environnement.

Cependant, la prolifération des œuvres centrées sur l'environnement n'est pas le seul

fruit du volontarisme politique, mais d'une prise de conscience transnationale des enjeux

du développement durable.

C) De l'urbanisme moderne à l'urbanisme responsable : sentier de dépendance

des acteurs publics.

1) La prolifération des règlements internationaux et des prototypes nordiques

1 Un risque pour la croissance sur le territoire : manque d'attractivité pour les investisseurs et les habitants.2 BOURDIN Alain, Op. Cit. p. 44.

31

Page 32: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Le Conseil international pour les initiatives écologiques locales1, en partenariat avec

les collectivités, les a sensibilisées dans la promotion de l'Agenda 21 local dès 1992, tout

en constituant dans le même temps un véritable réseau entre les cités pour défendre une

diffusion des modèles et des techniques.

À l'échelle européenne, la Charte d'Aalborg en 1994 marque une rupture en

consacrant un engagement commun des acteurs locaux (plus de 200 collectivités

signataires) dans la transition du développement urbain durable. Cette démarche commune

sera confirmée par la signature de la charte de Leipzig en 2007 qui érigera la ville durable

« comme un bien économique, social et culturel précieux et irremplaçable »2. La

Commission européenne voulut approfondir l'initiative par le programme URBAN et la

mobilisation de fonds pour des projets novateurs. C'est ainsi qu'en partenariat avec

l'OCDE, les Nations Unies et la Commission Européenne, les collectivités locales furent

poussées à agir : chartes environnementales et Agenda 21 locaux se placent alors comme

les deux outils stratégiques du siècle à venir.

Les friches et quartiers délaissés de la Suède et du Danemark furent les premiers

réinvestis par ces politiques novatrices de requalification territoriale. Göteborg mais aussi

Malmö en Suède, qui sont le fruit d'un passé industriel très lourd, sont aujourd'hui des

modèles d'écoquartiers témoignant du succès d'une requalification radicale d'un tissu

urbain dégradé3. Ces modèles ne sont pas à l'abri des critiques puisque leur manque de

mixité est souvent dénoncé : le prix de ces quartiers se révèle en augmentation permanente,

au détriment des populations les moins aisées déjà installées.

Loin d'échapper à cette logique environnementale, la France institue depuis une

quinzaine d'années une structure législative ainsi que des appels à projet afin de motiver

des initiatives plus responsables dans les collectivités.

2) Le verdissement des projets urbains des collectivités territoriales

1 ICLEI créé par l'ONU en 1990.2 Charte de Leipzig sur la ville européenne et durable, Ministère des Affaires étrangères, 24/05/2007, p. 1.,

<www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/25/Charte_Leipzig_Fr.pdf >.3 BOUTON Alexandre, SABOTERIE Gilles, Eco-quartiers nordiques, Agence d’urbanisme pour le

développement de l’agglomération lyonnaise, 2009, p. 5., <www.urbalyon.org/AffichePDF/Reperes_europeens_-_eco-quartiers_nordiques_-1-3—1702>.

32

Page 33: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Les principes du droit de l'urbanisme et de la planification urbaine1 sont établis

depuis longtemps en France, cependant l'intégration d'un volet environnemental est très

récente. En 1999, Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du territoire et de

l’Environnement du gouvernement Jospin, fait voter une loi d'orientation pour

l'aménagement et le développement durable du territoire2. Cette loi eut peu de portée ne

bénéficiant pas de force contraignante. Le véritable virage législatif a lieu en 2000 avec la

loi Solidarité et Renouvellement Urbain, dite Loi Gayssot. Elle institue de nouveaux outils

notamment le Plan Local d'Urbanisme, le Schéma de Cohérence Territoriale ainsi que de

nouvelles exigences en termes de solidarité, mixité et lutte contre la périurbanisation. Ces

nouveaux instruments d'urbanisme rendent plus lisible la législation urbaine et facilite la

cohérence des projets entre les échelons territoriaux. L'intégration de critères durables

(équité, mixité, démocratie, environnement) continua son approfondissement par la suite3.

Aussi les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, révolutionnent l'approche urbaine : densification,

trame verte et bleue (espaces naturels intégrés), gouvernance collective. Jean-Louis Borloo

et Benoist Apparu relancent la dynamique par l'appel à projets Écoquartiers en 2008 puis

en 2011 dressant ainsi un palmarès des villes les plus vertueuses et faisant dans le même

temps une grande publicité pour ces dernières.

Parallèlement la promotion des mobilités douces accentue le volontarisme national

dans la ville durable : modes de transports alternatifs sont de plus en plus intégrés dans les

villes et bien reçus par les usagers.

Cependant si la décentralisation permit à chaque collectivité de mener une stratégie

locale, c'est le nouvel environnement économique et la concurrence généralisée qui

poussent les villes à se redynamiser via des projets de grande envergure. En effet, la

politique environnementale constitue un avantage compétitif dans le tissu urbain et donne

des solutions aux risques urbains.

1 Ces principes sont équilibre, diversité des fonctions urbaines et mixité sociale, et enfin respect de l’environnement.

2 Cette loi impose d'établir un Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire.

3 La Loi Urbanisme et Habitat (2003), la Loi de programmation pour la ville et le renouvellement urbain (2003), Loi Bachelot (2005), Loi Engagement National pour le Logement (2006).

33

Page 34: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3) De nouvelles méthodes pour répondre aux urgences urbaines

Le territoire est le témoin mais aussi le terreau des plus grandes contestations et

problématiques actuelles. Naissent du territoire des vulnérabilités naturelles, sociales,

environnementales, anthropiques (risques industriels et technologiques) et enfin sanitaires1.

Les risques suscitent un fort sentiment d'insécurité. Les plus présents dans le discours de la

société civile sont cependant surtout les risques sociaux et environnementaux : pénurie de

logement ou inadéquation (vieillissement), pollution de l’environnement, insuffisances des

infrastructures, détérioration du patrimoine urbain, congestion du trafic urbain, ainsi qu'une

montée de la criminalité et du sentiment d’insécurité du fait de la stigmatisation de

certaines zones. Si les associations ont joué le rôle de courroie de transmission dans la

publicisation de ces menaces2, les nouvelles compétences territoriales arment les

collectivités dans la traduction locale de ces enjeux globaux. D'autant que les discours

1 METZGER Pascale, D'ERCOLE Robert, « Les risques en milieu urbain : éléments de réflexion »,

EchoGéo, 05/12/2011, <http://echogeo.revues.org/12640#text>.2 Exemple de la fondation Abbé Pierre avec le droit au logement.

34

Illustration 7 : Schéma d'élaboration du PLU et SCOT de Bordeaux MétropoleChaque étape de l'élaboration du PLU ou du SCOT nécessite une évaluation environnementale.

Source : La politique d'urbanisme durable de Bordeaux Métropole, Direction de l'urbanisme.

Page 35: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

faisant le parallèle entre crise urbaine et crise démocratique se multiplient1. Ainsi, si le

territoire a une « valeur curative »2, les citoyens exigent une plus grande responsabilisation

des autorités publiques notamment la classe moyenne de plus en plus impliquée dans les

problématiques environnementales. Ce n'est pas anodin puisque les villes consomment

75% de l’énergie mondiale et produisent près de 80% des émissions de gaz à effet de

serre3. D'autant que la crise économique a fragilisé le « droit à la ville » des plus démunis,

territorialisant de manière notoire les inégalités.

Le recyclage des friches constitue une opportunité pour pallier ces risques,

notamment par la réhabilitation de territoires stigmatisés aptes à insuffler une nouvelle

diversité et mixité. Le nouveau dogme des politiques urbaines repose sur la promotion d'un

tissu urbain plus continu et une meilleure cohésion sociale par la participation et

gouvernance de ces projets.

Le retour du « Droit à la ville » de Lefebvre impose de repenser 30 ans de politiques

urbaines et émaille actuellement le discours des grands décideurs urbains. Ce dernier

défendait en 1968 que la ville constituait à la fois le lieu mais aussi l'échelle optimale pour

construire une société plus juste, or ce dogme est devenu commun à l'aube du XXI ème

siècle. Le monde urbain se pense et se repense en permanence pour s'adapter aux

impératifs de la modernité. Bordeaux et ses friches sont d'ailleurs le théâtre d'innovations

urbaines, au cœur des enjeux du durable et du compacte. Le projet Darwin est issu d'un

territoire en pleine résilience et se place au cœur des enjeux qui tourmentent la capitale

girondine. Constituant une avant-garde pour les modèles urbains, ce dernier doit s'imposer

dans un contexte parfois hostile.

II) Entre adaptation et authenticité : le projet Darwin et l'identité

bordelaise

1 Jean-Pierre Garnier, Thierry Pacquot ou encore Christophe Guilly défendent que les villes ne sont que le reflet de la crise actuelle et qu'elles courent de grands risques.

2 CERDA Ildefonso, adapté par LOPEZ Antonio, Théorie générale de l'urbanisation, Paris, Europan, 2005.3 PAQUOT Thierry, Désastres urbains, les ville meurent aussi, La Découverte, 2015, p. 12.

35

Page 36: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

De l'identité patrimoniale au modèle économique, le projet Darwin s'implante dans

une dynamique unique, multidimensionnelle et multi-identitaire. Née de circonstances

culturelles particulières, l'utopie de Darwin se pérennise dans un territoire promis à un

projet colossal. En effet, loin d'être une cellule isolée, le projet s'inscrit dans un patrimoine

historique acquis par la CUB en 2007 dans le cadre du plan d'urgence pour le logement.

Cette dernière y investit un écoquartier tertiaire de 34 hectares lancé le 10 juillet 2009,

opération phare et attractive pour la métropole. Les fondateurs ont cependant dû

s'accrocher pour affronter des blocages technico-administratifs. D'autant que ce dernier

constitue un « OVNI »1 porté par des meneurs audacieux : s'il fait consensus, dans le même

temps il gêne l'action publique par ses méthodes transgressives.

A) Des acteurs multiples pour un projet commun

1) Alain Juppé : un soutien permanent en dépit de l'hostilité des collectivités

Le Maire de Bordeaux témoigne d'un soutien indéfectible au projet Darwin et le

considère comme une chance pour « sa ville »2. Une relation personnelle avec les deux

fondateurs s’est d’ailleurs construite au fil du temps, échanges et visites à Bastide ont lieu

régulièrement. Si ce projet est éminemment politique, il est loin d’être partisan

politiquement. Le rapprochement avec les élus locaux, en dépit d'idéologies bien

différentes, s’est finalement plus fait avec Alain Juppé, Maire UMP, qu’avec la gauche

socialiste représentante de la CUB jusqu’en 20143. La personnalisation du pouvoir héritée

de Chaban-Delmas se fera ainsi au bénéfice d’un projet parfois peu soutenu et jugé trop

rêveur mais bénéficiant de l'influence du Maire.

Selon Alain Juppé « le développement durable fait apparaître des citoyens plus

1 CAILLET Bruno, « A Bordeaux, les darwiniens fédèrent numérique, écologie urbaine et économie coopérative », l'hubservatoire, 04/07/2014, <http://hubservatoire.fr/articles/a-Bordeaux-les-darwiniens-

federent-numerique-ecologie-urbaine-et-economie-cooperative>.2 Propos d'Alain Juppé recueillis par VIDAL Jean-Marc, « Mon Bordeaux écolo », Le journal du

dimanche, 18/05/2009, <www.lejdd.fr/Ecologie/Actualite/Juppe-Mon-Bordeaux-ecolo-25058>.3 Propos recueillis lors d'un entretien téléphonique avec une personne souhaitant rester anonyme.

36

Page 37: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

méfiants vis-à-vis des dirigeants »1, dialogue, atelier et projet innovant sont donc les

nouveaux instruments de légitimation politique à ses yeux. Il confie dans une entrevue en

2009 avoir été « séduit » dès la première rencontre par les fondateurs du projet et avoir fait

« tout son possible » pour les soutenir dans les négociations avec la CUB2. Lors de sa

participation à la réunion du programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE)

à Copenhague en 2009, Alain Juppé défendit d’ailleurs la labelisation du projet pour une

collaboration fructueuse, tant pour Bordeaux que pour Darwin.

Si Juppé dut renoncer à la présidence de la Communauté urbaine en 2004, son

opposant en 2014 Vincent Feltesse3 jouera aussi le jeu du rapprochement avec Darwin : il

s’y rendra d’ailleurs de nombreuses fois lors de sa campagne pour le renouvellement de

son mandat en tant que Président de la CUB en 20144. Les élus communautaires élirent

finalement Alain Juppé le 18 avril 2014 pour reprendre le poste abandonné sept ans plus

tôt.

2) Des leaders charismatiques pour un projet hors normes

La figure bohème du fondateur de Darwin, Philippe Barre, est présentée de

nombreuses fois dans les médias : « Le visionnaire vert »5 dans Le Figaro ou encore «

Eco-patron »6 dans Le Monde. Ce jeune entrepreneur atypique fonde en 1995, à 22 ans sa

première agence de communication indépendante à Bordeaux : Inoxia. Il base cette

entreprise sur un fonctionnement inouï : un bilan carbone minimisé, un différentiel de

salaires qui n’excède pas 1600 euros, une formation permanente des personnels, etc.

L’adaptation est le maître mot de cet écologiste empli de valeurs humanistes. S’il est

présenté dans les médias presque comme une personne mystique (« Robinson dans sa

1 VIDAL Jean-Marc, Art.Cit.

2 Interview d'Alain Juppé le 9/12/2009, <www.darwin-ecosysteme.fr/alain-juppe-livre-sa-vision-du-projet-darwin>.

3 Vincent Feltesse fut Président de la CUB de 2007 à 2014. 4 CHAPUT Année, « Darwin, l’écosystème où se régénèrent les candidats », Bordeaux 7, 3/03/2015,

<www.Bordeaux7.com/Bordeaux-actu/49-actu/9923-municipales-Bordeaux>.5 VUILLET Celine, « Philippe Barre, le visionnaire vert », Le figaro magazine, 4/04/2009.

6 COURTOIS Claudia, « Philippe Barre, éco-patron », Le Monde, 3/03/2009, <www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/03/philippe-barre-eco-patron_1162655_3224.html>.

37

Page 38: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

cabane des dunes du pyla »1), il reste une personne pragmatique et convaincue des vertus

du développement durable. Étant fils des fondateurs de E. Leclerc à Arcachon et Ste

Eulalie, il hérite en 2005 d'un capital important. Ses convictions le poussent à investir une

partie de sa fortune personnelle (un million et demi d'euros) dans la société mère Evolution

qui sera le fondement du projet Darwin2.

Si « Darwin est le rêve d'un jeune entrepreneur »3, sa rencontre avec Jean-Marc

Gancille lui permettra de mener ce projet à réalité. Dès le rachat des friches de Bastide-

Niel par la CUB, Gancille engage les pour-parlers avec cette dernière. Les deux

entrepreneurs sont souvent accusés d'être des bobos-écolos, mais demeurent

indéniablement attachés aux valeurs écologiques, leur acharnement face à l’hostilité de

nombreuses personnes le prouve. Issus du milieu de la communication et du marketing,

c'est avec le soutien des équipes de Darwin qu'ils ont réalisé pas moins de 12 000

présentations de leur projet pour assoir leur légitimité. La rencontre entre capital,

convictions et éloquence furent les conditions d'émergence du projet Darwin.

3) Un projet bicéphale : rencontre entre Pola et Darwin pour le devenir d'une capitale

culturelle

Lorsqu’en 2008, Bob Scott, alors Président du jury des villes candidates au titre de

Capitale européenne de la culture, confie au Maire de Bordeaux que le plus beau projet

pour la ville serait la collaboration de Darwin et Pola4 sur le patrimoine militaire de la

Bastide, celui-ci se lance alors immédiatement dans la course. Ce projet intégré devait

défendre l'alliance entre la culture, l'art et l'économie comme fil directeur de la

requalification urbaine. La ville de Bordeaux déclare sa candidature en 2008 en consacrant

les « utopies urbaines » comme « nouveau territoire de l’art » avec la création d’un pôle

éco-créatif de 12000 m² dont la moitié seraient dédiée aux associations culturelles et

1 COURTOIS Claudia, Art.Cit.,

2 BOSDECHER Laurie, « Philippe Barre, le flibustier de Darwin Ecosystème », Sud Ouest, 03/12/2014, <www.Sudouest.fr/2014/12/03/philippe-barre-le-flibustier-de-darwin-ecosysteme-1756459-4964.php>.

3 « Le rêve de Darwin », Le Point, 15/05/2009, <www.lepoint.fr/actualites-region/2009-05-14/le-reve-de-darwin/1556/0/343616>.

4 Pola est une fédération d’associations d’acteurs artistiques et culturels ayant pour but de soutenir la création, fabrication et diffusion des arts et cultures sur le territoire girondin.

38

Page 39: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

artistiques. Les projets urbains de grande ampleur sont souvent liés à des évènements

culturels et sportifs (jeux olympiques, expositions universelles, etc. ), ces derniers

constituent une opportunité pour redynamiser l'attractivité de la région.

Si la promotion de ce nouveau concept marketing centré sur la ville créative est

poursuivie depuis, la défaite bordelaise face à Marseille marque un coup de frein au projet

bicéphale de Darwin et Pola. Les subventions promises par le titre passent sous le nez de

Pola qui reposait totalement sur des aides publiques aux vues des coûts d’installations (4,5

millions d’euros). Si selon Richard Coconnier, chargé de mission urbanité-culture à la

CUB, « Darwin est un projet économique, la Fabrique Pola, ça n’a rien à voir »1, la

naissance du projet bicéphale marque néanmoins les premiers pas de Darwin.

B) Un projet phare pour la métropole bordelaise

1) Darwin : fabrique et découverte d'un futur écoquartier

Une quinzaine d'années auparavant, un site comme Bastide-Niel aurait été rasé afin

de tout reconstruire à zéro : s'est opéré un passage d'une politique de reconversion à une

politique de valorisation du patrimoine. La réappropriation du bâti abandonné est une

logique récente mise en avant par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain ainsi que par

les lois Grenelle I et II. Les réticences de la CUB à céder cette zone à Darwin étaient la

peur de dénaturation du patrimoine, tant dans sa nature physique que identitaire. Le but

n’était pas de faire de cette friche un décor, ni de la détruire, mais de l’adapter au contexte,

au projet et aux ambitions de Darwin2. Néanmoins la récréation identitaire est telle qu'à

l'heure actuelle trois films ont été tournés dans les lieux et de nombreux jeunes du quartier

s'y rendent. Plus que de construire un quartier optimal dans l’espace de Darwin, le but

originel était de « faire quartier » : créer un espace vivant et mixte fonctionnement tout en

restant connecté à Bordeaux et à son fleuve. La particularité de Darwin est que l’urbanité a

précédé le projet urbain et architectural ce qui fonde un équilibre plus inclusif et

participatif. Le dossier de réalisation de la ZAC sera approuvé fin 2015 alors même que le

1 CHABAL Audrey, « Darwin: un espèce de projet », Blog de Bastide Brazza, 23 décembre 2012,

<http://bastidebrazzablog.fr/darwin-une-espece-de-projet>2 Propos recueillis au cours d’un entretien avec Mme Gerbeau-Morin.

39

Page 40: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

projet Darwin s'est déjà installé et a fait naitre une identité unique.

2) Un cluster comme exploitation et conservation du patrimoine : la friche militaire

« Le monument a pour but de faire revivre au présent un passé englouti dans le

temps. », Françoise Choay1

Si le territoire est le premier témoin de l’histoire, la dynamique actuelle de

reconquête environnementale et culturelle d’espaces abandonnés constitue une réaction à la

désindustrialisation. Françoise Lucchini met en exergue cette mécanique historique2. De

nombreux territoires se sont vus octroyer une fonction précise, or lorsque celle-ci disparut,

ces territoires se retrouvèrent abandonnés et marginalisés. L'implantation de nouvelles

activités leur permet alors de se régénérer. Aussi, cette reterritorialisation permet de

constituer un pont entre le passé et le futur et d'éviter une forme de rupture et d'oubli, tout

comme Bastide-Niel ancienne friche militaire. En 2005, ce territoire fut abandonné et

1 CHOAY Françoise, L'Allégorie du patrimoine, Paris, éd. Seuil, 1999, p. 21.

2 DESMAISON Thomas, LEFEVRE- MERCIER Betty, LUCCHINI Françoise (dir.), De la friche industrielle au lieu culturel, Colloque international pluridisciplinaire, Université de Rouen, 2012. p. 10.

40

Illustration 8 : Modélisation du futur écoquartier Bastide-NielSource : Synthèse du diagnostic Bastide-Niel, Capterre Bordeaux, Juin 2008

Page 41: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

tomba très vite en déshérence, Darwin constitua alors une opportunité de résilience.

Les « Magasins Généraux » désignent historiquement deux halles de stockage

construites dans les années 1860 par la Compagnie anonyme des magasins publics et

généraux des Queyries. Suite à la guerre de 1870, la compagnie en difficulté vendit cette

entrepôt à l’État et devint une zone militaire et ferroviaire en 1874 avec l'édification de la

Caserne Niel1. Cet héritage s’inscrit dans une architecture sobre et rectiligne en pierre de

taille. Si le site est resté militaire jusqu’en 2005, l’armée le vendit et la zone se dégrada

progressivement entre pillage, incendie, squat et graffitis. En dépit d'une déterritorialisation

le site n’a jamais cessé de vivre et constitue une perle dans l’histoire de Bordeaux. La

présence de graffitis et d'herbes folles fait aujourd'hui partie de l’identité de Bastide-Niel.

Selon Betty Lefevre-Mercier2, les friches ne sont pas seulement un espace

exploitable mais elles constituent un cadre d’expression alternatif par leur histoire. Elles

couvrent quatre fonctions : territoriale par la valorisation des espaces, sociale par la

constitution de nouveaux espaces de partage et de lien social, économique par l'opportunité

d'implanter de nouvelles activités et enfin une fonction touristique par une requalification

1 La Caserne Niel abrita le 18ème escadron du train des équipages et le 57ème régiment d’infanterie.

2 DESMAISON Thomas, LEFEVRE- MERCIER Betty, LUCCHINI Françoise (dir.), De la friche industrielle au lieu culturel, Op. Cit. p. 35.

41

Illustration 9: Processus de reterritorialisation des frichesSource : DESMAISON Thomas, LEFEVRE- MERCIER Betty,

LUCCHINI Françoise (dir.), De la friche industrielle au lieu culturel, 14juin 2012, Colloque international pluridisciplinaire, Université de Rouen,

2012.

Page 42: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

source d'attractivité. Ainsi, Darwin a su y implanter des fonctions économiques, à l’image

de l’épicerie du magasin général tout en gardant un aspect contestataire avec la promotion

de cultures urbaines (graffitis) et d’une histoire militaire décadente assumée. Cette usage

commercial d’entités historiques permet l'adaptation d’un territoire blessé et une

renaissance de l'attractivité. Les nombreuses expériences contemporaines autour des

friches se caractérisent par leur singularité mais sont globalement des réserves foncières

qui permettent de revaloriser des espaces où loger de nouveaux habitants et de nouvelles

activités, dans une logique de ville compacte.

3) La diffusion et promotion d'une nouvelle marque territoriale1

« Les villes qui autrefois cherchaient à se vendre en tant que lieu de production se

vendent maintenant comme lieu de consommation. »2

Selon Alain Juppé, « lorsque toutes les métropoles auront le même degré

d'équipement en termes d'infrastructures, d'accessibilité, etc. ; ce qui fera la différence

entre elles portera sur les externalités : culture, université, vitalité des réseaux sociaux,

cadre de vie, gouvernance »3. Ce dernier souhaite promouvoir une identité territoriale

unique reposant sur un héritage attractif, une exploitation créative et une bonne

communication. En effet, depuis les années 1970, la marchandisation des territoires

s’approfondit avec la mobilité des hommes et des capitaux. Les villes se doivent dès lors

d’être compétitives pour non seulement attirer de nouveaux capitaux, mais surtout

construire des espaces de consommation optimaux pour les habitants. Les entreprises ne

déterminent ainsi plus seulement leur localisation seulement par les coûts, mais aussi par la

qualité, la créativité et l’innovation d'un territoire.

L’attractivité permet donc de révéler le territoire et son essence pour séduire à

l'extérieur et de construire une image de marque (« city branding »4) pour bénéficier d’une

notoriété internationale mais aussi pour défendre la fierté et l'authenticité locale. La

1 INGALLINA Patrizia, (dir. PUCA), Op. Cit., pp. 9-121.2 Idem., p. 13.

3 Alain Juppé, discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, <www.Bordeaux.fr/p39601>. 4 INGALLINA Patrizia, (dir. PUCA), Op. Cit., p. 35.

42

Page 43: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

renommée du Hangar de Darwin mais aussi des vertus écologiques du projet en témoignent

: le partenariat avec le PNUE, les nombreuses délégations venues s’inspirer du « modèle »,

les compétitions internationales de skateboard qui y sont organisées, un prix d’architecture

pour Darwin1, etc. Le projet Darwin participe donc à la construction d’une marque

bordelaise autour de l’économie créative, du respect de l’environnement et des cultures

alternatives. Le tissu économique et culturel, ainsi que le capital humain créatif

garantissent une offre urbaine de qualité. Les cibles de ce projet sont donc multiples :

entrepreneurs locaux, touristes, investisseurs, intellectuels, étudiants, futurs habitants de

l'écoquartier Bastide-Niel, etc.

Le territoire est essentiellement un concept spatial localisé dans les esprits, il est

cependant multiscalaire : dimension locale, régionale, nationale et internationale le

composent. La problématique du projet Darwin était de réussir à jouer de cette

interdépendance spatiale, sectorielle et temporelle en combinant des intérêts globaux avec

des intérêts locaux. Tout en évitant de se fixer sur la demande territoriale (les besoins

formulés par les usagers d'un territoire sans aucune identification locale, comme par

exemple un stade), afin de ne pas tomber dans la standardisation, Darwin permet la

constitution d’un espace culturel, symbolique et social induisant potentiellement de fortes

retombées économiques pour la région (« Spill-Over effect »2).

C) D'une société de communication au cluster créatif : des entrepreneurs

privés et indépendants

1) « Les fonds privés comme garantie de liberté et d’indépendance » J.-M. Gancille

La Société par Actions Simplifiées Darwin est le véhicule juridique issu du groupe

Evolution lui permettant de représenter le collectif. Pour réunir les 13 millions d'euros

1 « Prix d’architecture pour Darwin », Sud Ouest, 5/10/2013, <www.sudouest.fr/2013/10/05/prix-d-

architecture-pour-darwin-1190053-2780.php>2 BLAIS Jean-Paul, INGALLINA Patrizia, (dir. PUCA), Op. Cit., p. 75.

43

Page 44: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

nécessaires au projet initial1, les associés durent recourir à un pool bancaire2. Le Crédit

Agricole d’Aquitaine, la Caisse d’Épargne Aquitaine Poitou-Charentes et le Crédit

Coopératif financent un prêt de 9 millions d'euros avec un taux à 4,4%, exigeant en

contrepartie une hypothèque sur les bâtiments. Les apports personnels de Philippe Barre

furent une condition clé pour l'octroi d'un tel crédit. Ce pool bancaire finance 75% de

l’investissement initial du projet. Les 25% restant sont financés par le Fonds

d'investissement Archipel (crowdfunding), ainsi que 6% de subventions publiques. Par la

suite, l’implantation des activités nécessita un peu plus de 6 millions d’euros, le budget du

projet avoisinant alors 20 millions d’euros. Mobiliser le financement privé et alternatif est

donc nécessaire au projet qui souhaite rester indépendant des fonds publics. Philippe Barre

a d’ailleurs refusé une subvention d'un million d'euros proposée la Caisse de dépôts, et ce

afin de ne pas être contraint.

L’ouverture du capital de Darwin, avec le fonds participatif Archipel ISR, a séduit de

nombreux investisseurs privés pour s’engager dans un projet responsable puisque ce fonds

mobilisa 650 000 €. En dépit de la faible rentabilité du projet, sa capacité à s’autofinancer

témoigne d'une volonté de rupture avec les méthodes de financement traditionnelles. Les

acteurs privés font appel à de nouveaux financements type participatifs mais aussi aux

fonds européens, valorisant de nouveaux acteurs sur la scène urbaine.

2) Administrations et opérateurs privés : associés-rivaux dans l'émergence du projet

La négociation fut rude entre Darwin, la CUB et la Mairie pour le prix d'acquisition

du foncier. Pour la CUB un tel espace exploitable représente un fort investissement,

cependant les coûts de réhabilitation et de dépollution sont excessifs. Les 10 000 m² furent

finalement cédés pour 1,3 million d’euros, laissant perplexes certains services des

collectivités de la communauté considérant comme plus légitime une estimation du prix

domaniale à 1,9 millions d’euros. En effet, si Philippe Barre propose dans une premier

temps de racheter au prix coûtant (un million d'euros), c’est sa ténacité qui lui permet une

1 Acquisition du foncier (10 000 m²), les études préalables et le chantier de rénovation écologique des

Magasins Généraux Nord.2 Un pool bancaire se définit comme un ensemble de banques ayant pris la décision commune de financer

un projet. D’une part, cela permet à l’entreprise de na pas dépendre d’une banque unique, et d’autre part, cela permet aux différentes banques de mutualiser les risques.

44

Page 45: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

minoration de 30 % du prix1. Il menaça par voie de presse d'abandonner le projet si le prix

n'était pas révisé à la baisse2. Néanmoins, une réduction du prix de cession se justifie au

regard de la mise en valeur des lieux, des efforts à entreprendre en terme d’empreinte

écologique, ainsi que sur l'économie créative. Le projet Darwin reste donc lié à la CUB par

un « bail vert »3 à respecter. Aussi, toute modification du bâti nécessite l’accord de la CUB

pendant 10 ans, évitant alors toute spéculation sur le terrain. D'autant que Darwin et les

collectivités concernées resteront en coordination permanente par la rencontre trimestrielle

d’un comité de gouvernance nommé « Territoire ». L'enjeu était donc entre darwiniens

utopistes et administrateurs réglementés, d'insuffler une dynamique de confiance

réciproque.

3) Un trublion pour les techniques orthodoxes des promoteurs immobiliers

En outre, les fondateurs de Darwin ne peuvent être taxés de « promoteurs

immobiliers traditionnels»4 : 85% des espaces qu’ils ont acquis sont destinés à la location

alors même que ces derniers travaillent dans la communication et le marketing. Les

moyens de pression ou de négociation habituellement utilisés par des promoteurs5, sont

remplacés par des techniques de négociation. Comme le souligne Michèle Laruë-Charlus,

directrice de l'aménagement à la mairie de Bordeaux : Les Darwiniens « ne sont pas des

promoteurs immobiliers classiques, avec une batterie d'investisseurs, de comptables, de

géomètres. Mais, en période de crise, ce projet est une alternative unique et le garant

d'une bonne image pour le futur éco-quartier de la Bastide ». La recherche du compromis

avec le partenaire public était une dynamique permanente : tous les bâtiments de Darwin

ont été travaillés minutieusement pour répondre aux conditions fixées par la CUB alors

même que le projet était totalement privé. Les multiples présentations faites par les

1 L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, monographie du Centre d'études techniques et de

l'équipement du Sud-Ouest et de l'Est, Plan Urbanisme Construction Architecture rattaché au MEDDE, 2012, p. 14.

2 DARFAY Catherine, « Darwin au secours de la caserne en ruine », Sud Ouest, 13/10/2008.3 Contrainte environnementale juridique et collective par une internalisation des externalités, définie par la

CUB.4 L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, Op. Cit., p. 12.

5 Les promoteurs traditionnels préparent des dossiers argumentaires construits avec des géomètres, comptables, investisseurs,etc., pour convaincre les administrations et élus. Une fois le projet accepté, ils

sont pleinement responsables et mènent le projet sans réel collaboration avec la communauté jusqu'à sa finalisation.

45

Page 46: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

fondateurs ont permis de convaincre sur le long terme une collectivité parfois sceptique. Le

projet Darwin n'est pas un projet immobilier visant à réaménager des logements dans le but

de les exploiter, mais c'est un projet « sans fin », un acte culturel et économique actif sur le

long terme. Le partenariat entre la CUB et Darwin n'est pas voué à prendre fin au terme de

la construction.

Le projet Darwin émerge donc d'un contexte singulier avec la rencontre entre des

entrepreneurs innovants et la culture de Pola, mais aussi des ambitions communes avec

Alain Juppé et la CUB. Ce contexte unique mena le projet à s'installer dans un patrimoine

insolite pour y recréer une forme d'identité. Ce projet multidimensionnel n'est donc pas

isolé puisqu'il est un enjeu de l'attractivité métropolitaine. En dépit de cette

interdépendance entre projet privé et public, la coordination du Bien commun territorial est

difficile à trouver. Darwin incarne donc les enjeux de la ville durable et sa gouvernance

comme le futur des espaces secondaires négligés suite à la crise.

III) L'innovant projet Darwin : une avant-garde idéale pour le

rayonnement de Bordeaux

Nouveau dogme de Bordeaux, la ville durable et créative se meut et se confond entre

logique privée et publique. En effet, l'économie créative est un nouvel outil qui loin d'être

délocalisable s'implante dans un territoire précis pour le rendre plus visible. Cependant, ce

nouveau modèle d'innovation sociétale repose sur la créativité d'acteurs stratégiques que le

territoire doit valoriser. Pour cela les darwiniens dressent un nouveau modèle économique

qui rétablit l'équilibre entre éthique et capitalisme. Mais loin d'être la panacée aux

insuffisances culturelles de Bordeaux, ce nouveau paradigme est aussi critiqué et

critiquable. Si le projet Darwin fait grandement parler de lui dans les médias et dans les

rues bordelaises de nombreux acteurs culturels sont indifférents voire hostiles à

l'implantation de ce nouveau modèle.

46

Page 47: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

A) Un atout dans la compétition territoriale : le cluster comme ressource

« L'économie créative c'est la rencontre entre économie et culture sur un territoire

bien précis »1

1) La construction d'un pôle d'économie créative2

Si la conjoncture économique n'est pas la plus aisée, Bordeaux a choisi l'économie

créative comme le stimulant du rayonnement territorial. La promotion des clusters et de

l’économie créative comme « moteur »3 par Bordeaux Métropole n’est pas une politique

isolée. Les initiatives nationales soutiennent cette dynamique de concentration

d'entreprises. Elle serait en effet source de synergies et de croissance, par la réalisation

d'économies d'échelle réalisées par la mise en commun des infrastructures et des

compétences. L'économie créative a la particularité d'être imbriquée au territoire et de ne

pas pouvoir se délocaliser. En constituer un pôle est donc une base stable de croissance,

d'emplois et d'innovations pour un territoire. Elle représente aujourd'hui sur Bordeaux 4%

des emplois métropolitains et la ville est aujourd'hui l'un des pôles les plus importants pour

l’architecture, l’édition de bande dessinée et le jeu vidéo. L'effet d'entrainement est majeur

sur le plan économique (source d'innovations radicales), social (coopération) et culturel.

L'enjeu majeur pour une métropole est selon Richard Florida d'attirer la « classe

créative »4 caractérisée par l'innovation, la créativité, la tolérance et l'ouverture5. Cette

classe est à la fois le moyen et le but de l'attractivité du territoire : ses concepteurs innovent

et en même temps attendent une offre urbaine précise6. Les inventions qui émergent sur le

territoire grâce à cette couche de la population, conjuguant culture, science et économie, a

1 « Économie créative, les potentiels de Bordeaux », Bordeaux Magazine, Mai 2009.

2 « Je définirai l'économie créative comme une économie où les principaux apports et produits sont des idées. Il s'agit d'une économie où la plupart des gens passent leur temps à avoir des idées. » HOWKINS

John, The Creative Economy: How People Make Money from Ideas, Penguin, 2001.3 Schéma métropolitain de développement économique, Développement durable et rayonnement

métropolitain, Communauté Urbaine de Bordeaux, mars 2011, <www.bordeaux-metropole.fr/sites/default/files/PDF/publications/smde_fevrier2012.pdf>.

4 BOURDIN, Op. Cit. p. 63.5 « scientifiques, ingénieurs, professeurs d'université, romanciers, artistes, people, acteurs, designers,

architectes, etc. ».6 Environnement, sécurité, loisirs, qualité du logement, tolérance, exotisme, etc.

47

Page 48: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

de fortes répercussions sur l'ensemble du territoire, notamment touristique.

2) Un espace populaire pour la culture comme atout touristique

Les processus de recomposition territoriale ayant comme fil directeur la culture,

permettent pour le territoire la constitution de réseaux. En effet, la culture est inscrite dans

un marché où l'offre est dérivée des infrastructures locales. Cependant, le marché culturel

se joue sur le plan national, voire international. Amateurs de skate, de graffitis ou de

musique techno viendront des quatre coins du pays pour assister à des évènements

organisés à Darwin. La vie culturelle et associative de Darwin insuffle une redynamisation

du territoire et donc un rayonnement bien plus large. Si le skatepark du Hangar a hébergé

le lancement du Carhartt WIP X PSC, événement majeur dans le monde du skateboard,

c'est Bordeaux qui bénéficie d'une renommée mondiale. Aussi, un grand vide grenier

autour des sports de glisse et de la mécanique en octobre 2014 a attiré plus de 800

personnes passionnées. En 2013, le projet a d'ailleurs été désigné lauréat national du prix

du projet citoyen au cours d'une cérémonie à la Cité de la Mode et du Design à Paris,

événement parrainé par le ministre de la culture. L'offre culturelle d'un territoire, tant par

sa qualité (alternative) que sa quantité participe donc aux stratégies territoriales à même de

tisser des réseaux internationaux source de tourisme culturel.

B) Une stratégie éthique et productive des industries créatives

1) Hybridation entre une démarche entrepreneuriale, capitalistique et éthique

48

Pensez-vous que le projet

contribue à la construction

d'un pôle de la culture et de

l'économie créative sur

Bordeaux ?

Source : sondage réalisé avec

50 participants de l'IEP de

Bordeaux

Page 49: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Le capital, l'innovation et le marché font partie des fondements de Darwin. Le nom

du projet « Darwin » n'est pas un hasard. En effet, Charles Darwin était un naturaliste

révolutionnaire qui défendait que la compétition était une loi universelle entre les espèces.

Selon ce dernier, les seules capables de survivre dans un environnement aussi hostile que

le monde, sont les espèces perfectibles, qui reproduisent des caractères supérieurs capables

de les distinguer dans le processus de « sélection naturelle »1.

Les promoteurs du projet Darwin s'inscrivent dans une démarche pragmatique où la

compétition est la réalité du XXIème siècle et progresser le seul moyen d'en sortir. Il

convient selon eux d'inventer de nouvelles stratégies pour la maîtriser plutôt que de la

subir. Leur projet repose alors sur deux stratégies : la décroissance et la croissance

sélective. La croissance sélective repose sur l'idée que nous serions passé d'un capitalisme

industriel à un capitalisme cognitif dématérialisé, c'est à dire à une économie de la

connaissance mais aussi des réseaux2, qu'il convient de valoriser pour se développer. D'une

part, ils favorisent les dynamiques interactionnistes des écosystèmes et d'autre part, la

dématérialisation a de moindres nuisances environnementales. Cependant, dans le même

temps la décroissance est un autre mécanisme auquel ils ont recours pour lutter contre les

activités néfastes pour l'écosystème à l'instar des activités polluantes (avions, industrie de

la viande, etc.). Les instigateurs de Darwin font donc le choix que d'inscrire l'économie au

cœur de la nature et de l'homme, et non pas le contraire.

2) Des valeurs aux acteurs : élargissement du panel comme stratégie de

marketing

L'écosystème de Darwin compte 134 membres de tous les secteurs et domaines de

l'économie3 puisque la diversité est une des conditions pour que cette approche éthique

reste viable économiquement. La mutualisation des compétences entre des acteurs très

1 Charles Darwin, Encyclopédie Larousse en ligne, édition Larousse,

<http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Charles_Darwin/115722>2 NDIAYE Abdourahmane, « Clusters, EcoQuartiers, innovation sociale et Economie Sociale et Solidaire :

le cas du projet Darwin l’Eco-Système à Bordeaux », L’économie sociale et solidaire face aux défis de l'innovation sociale et du changement de société, Nancy, 12èmes rencontres du Réseau Inter-

Universitaire de l’Economie Sociale et Solidaire, Université de Lorraine, 2012, p. 2. 3 Site du projet Darwin, <http://www.darwin-ecosysteme.fr/les-membres-de-leco-systeme>.

49

Page 50: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

différents permet d'instituer une économie systémique efficace. La majorité des entreprises

sont issues du monde de la communication Web, de la publicité, du marketing et du

management, et participent à la construction discursive du projet sur la scène internet.

Tandis que de nombreux acteurs opérationnels (architectes, cabinet d'études

environnementales, promotion ENR, accompagnement à l'innovation, etc.) mais aussi

culturels sont des soutiens à l'installation des institutions de Darwin. Le recensement de

ces acteurs témoigne de deux faits : ils sont souvent issus de la communication mais ne

sont pas forcément du milieu ESS ou écologie, et/ou réciproquement. Darwin appuie donc

des acteurs qui n'intègrent pas forcément tous les critères requis mais dans l'attente d'un

accompagnement collectif à la défense d'une multitude de critères (management, écologie,

etc.). La coopération est une force avérée pour les membres renforçant la stratégie

marketing du collectif. Le projet s'est imposé et a légitimé des acteurs précis, au détriment

d'autres.

C) Eviction des autres projets citoyens de Bordeaux : un effet rouleau-

compresseur

1) Des graffeurs et squatteurs délogés

Le quartier de Bastide-Niel, en dépit de ses herbes folles et des pillages successifs du

lieu, est emprunt d'une forme d'identité par des squatteurs et graffeurs qui y voyaient un

paradis de liberté. En effet, si ces derniers ne disposaient aucunement d'un droit de

propriété sur le foncier, on peut tout de même parler d'un effet NIMBY, caractérisé par

l'hostilité des riverains à l'implantation d'un projet nouveau dans leur quartier. Entre la

CUB souhaitant imposer un écoquartier pharaonique, et Darwin centré sur l'économie

créative dans des locaux rénovés, certains graffeurs craignaient une perte d'identité du

quartier. Finalement, Darwin loin d'occulter l'aspect alternatif des graffitis, l'exploite et en

fait une image de marque. Certains graffeurs ayant investi Bastide bien avant Darwin sont

déçus de l’aménagement actuel des locaux, le pensant comme une dénaturation de leur

activité (par essence clandestine)1, tandis que d'autres le voit comme une opportunité de

1 « Au bonheur des bombes :un musée vivant du graffiti », 20 minutes, 24/09/2008,

50

Page 51: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

promotion et de déstigmatisation d'une culture urbaine contestée.

Deux évènements importants ont construit une notoriété nationale pour le milieu du

graffiti sur Darwin : Une fresque de 60 mètres réalisée avec l'autorisation des autorités

publiques en 2012 le long de la rue Rotonde à Bastide, au bonheur des graffeurs en quête

de reconnaissance. Aussi, un événement réunissant de nombreux graffeurs français pour

deux jours de réalisation en juin 2014 approfondit l'œuvre.

2) Le « déficit culturel »1 bordelais

Mondialement connue pour sa culture viticole et architecturale, de nombreux acteurs

dénoncent cependant le manque de dynamisme culturel de Bordeaux face à un héritage

aussi pesant2. Le festival Sigma lancé en 1965, sous l'initiative de son maire Jacques

Chaban-Delmas, rythma la capitale girondine pendant plus de trente ans et de nombreux

nostalgiques regrettent l'attractivité culturelle révolue de la métropole. Le rendez-vous

annuel de Sigma représenta un moment unique d'émulation artistique et culturelle le temps

d'une semaine de 1965 à 1990 : design, urbanisme, écologie, cybernétique, peintre, avant-

gardiste, cirque, etc3. « L'exception bordelaise » sera telle que le budget culturel atteindra

jusqu'à 27% du budget municipal dans les années 80. C'est sous les coupes de l'austérité

budgétaire et de la fin des années Chaban que Sigma disparaît. Alain Juppé en 1995, se

révèlera moins impliqué dans cette culture subversive du fait des restrictions budgétaire et

du nouveau management auquel font face les collectivités. En témoignent les dépenses

dans l'enseignement artistiques et les politiques culturelles minimes (voir graphique infra).

Ce dernier saura cependant reconsidérer la culture comme un « investissement en

temps de crise »4 et l'intégrera comme un facteur transversal de promotion territoriale à

<www.20minutes.fr/Bordeaux/255906-20080924-bonheur-bombes-un-musee-vivant-graffiti>.

1 Propos de Jofo « plasticien bordelais, initiative rêveur pour de vrai » dans « Le projet Bordeaux 2013 a marqué des points avec le jury », 20 minutes, 03/09/2008, <www.20minutes.fr/Bordeaux/248976-

20080903-le-projet-Bordeaux-2013-marque-points-jury>.2 Ville historique classée UNESCO.

3 Nombreuses personnalités connues y participèrent : Magma, Living Theatre, Régine Chopinot, Pink Floyd, Nicolas Schöffer, Jean-Jacques Lebel, Jango Edwards, Sun Ra, Miles Davis, Pierre Henry,

Carolyn Carlson, Lucinda Childs, Bartabas, etc. 4 « Plus que jamais, je considère la culture comme une réponse à la crise », plaît-il ?, décembre-janvier

51

Page 52: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

partir de 2009. Son soutien aux institutions traditionnelles comme le musée d'art

contemporain de Bordeaux, le musée des Beaux-Arts, et surtout l'Opéra, qui occupe à lui

seul 30% du budget de la culture, témoigne d'une présence culturelle continue. Cependant,

le soutien aux acteurs culturels isolés fait défaut et beaucoup dénoncent une forme

d’élitisme culturel : « la politique culturelle de Bordeaux reste enfermée dans une logique

d’excellence culturelle, axée sur le soutien à la création professionnelle »1.

Si le projet Darwin est insolite par sa forme et son histoire, ses aspirations durables et

créatives s'inscrivent dans la vague contemporaine. En effet, l'urbanisme de projet est

aujourd'hui devenu un instrument politique et la gouvernance entre public et privé la

norme. Les impératifs de l'urbanisme durable, auxquels Alain Juppé et le projet Darwin

répondent, sont tant des nécessités législatives que les nouveaux instruments marketings

qui permettent au territoire de se renouveler. Ce dernier participe donc au rayonnement de

2012, Spirit n°77, p. 4.1 MONTERO Sarah, Participation citoyenne et développement culturel : référentiels d’action à Bordeaux

et à Québec, Thèse de doctorat en Géographie, 2013, Sous la direction de Jean-Pierre AUGUSTIN, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, p. 109.

52

Illustration 10: Dépenses politiques publiques en 2014 de BordeauxSource : Bordeaux Métropole

Page 53: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Bordeaux en se défendant comme un pôle d'économie créative unique et vitrine d'un futur

écoquartier. Aussi, la dimension à la fois économique et culturelle originelle du projet

repose sur cette vision nouvelle du territoire où l'écologie englobe une démarche globale.

Cependant cette dualité, culture et économie, est ambigüe depuis que Pola s'est retirée

puisque l'aspect artistique est réduit et la présence culturelle de Bordeaux pose de

nombreuses questions pour les artistes isolés. La démarche entrepreneuriale du projet lui

impose de se légitimer à la fois face aux autorités publiques mais aussi face à son public :

habitants de Bordeaux, touristes et investisseurs. Pour cela, Darwin a recours à un fort

appareil culturel, médiatique et économique.

53

Page 54: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Chapitre II : Entre popularité et popularisation,l'identité revendiquée d'une transition culturelle,

économique et citoyenne

A la base du projet Darwin il y a un certitude : une élite urbaine avec une forte

conviction. Volonté de se diffuser et de partager une expérience unique de rencontre entre

l'économie et la culture, mais aussi multi-culturelle. En effet, si le projet est fondé sur

l'idéologie du développement durable et donc éminemment pragmatique, il n'en reste pas

moins une utopie de rencontre entre les cultures. Pour se diffuser et témoigner de son

ouverture au territoire, les fondateurs ont su mobiliser des relais médiatiques importants et

nouer des partenariats inter-territoriaux innovants. La « ville créative » et son élite doit

faire ses preuves et renverse les échelles. Rapports de pouvoir entre force du public et

secteurs spécialisés du privés ouvrent les nouveaux champs du possible dans l'action

urbaine.

«La ville est le lieu d’émergence de la liberté et le creuset spatial du polythéisme des

valeurs » 1

I) Faire rupture dans la fracture territoriale bordelaise

Historiquement divisée entre ses communautés, Bordeaux fait néanmoins de ses

projets urbains un vecteur de participation. Pour cela, la culture est un outil de mobilisation

qui permet à Darwin de réunir des publics très variés, mais surtout de promouvoir une

culture underground qui manquait sur la scène publique. Néanmoins, l'institutionnalisation

d'une culture parallèle et alternative est source de critiques quant à un éventuel

opportunisme des concepteurs de Darwin : écologie et culture urbaine sont des produits

marketings qui ne sont sources de mixité et de mobilisation, que s'ils s'accompagnent d'une

grande ouverture et tolérance au territoire.

A) Intégration d'une culture plurielle : volonté du projet Darwin face à

1 Max Weber repris par FORET Catherine, Urbanité : une manière de faire société mise à l’épreuve par la fragmentation urbaine, Centre de ressources prospectives de Lyon, 2010, p. 3.

54

Page 55: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

l'hostilité bordelaise

« La ville est un milieu multi, pluri, cosmo-cuturel. Les cultures urbaines

caractérisées par l’effervescence, la multiplicité, les oppositions, les tensions, renvoient à

ce qu’on peut appeler des "mondes". »1

1) Promotion d'une culture populaire historiquement rejetée à Bordeaux : l'art de la

rue né sous forme de squat

Art et sport sont réinvestis comme moyens d’expression dans une ville marquée par

ses ségrégations. Les festivals comme Urban week, Vibrations Urbaines, Alternatiba, et

nombreux autres évènements issus de la société civile, tentent de démocratiser la culture

underground. Cette dernière est très stigmatisée depuis les années 80 car taxée de « sous-

culture » issue de certaines banlieues dissidentes. La collaboration de Darwin avec les

administrations publiques a ainsi permis l’institutionnalisation d’une culture jusqu’ici

marginalisée. Dans une logique de « transgression positive »2 les darwiniens ont « squatté

»3 le Hangar en l’aménageant avec des matériaux de récupération et sans autorisation

municipale. Cependant, selon Aurelien Gaucherand, ces dynamiques transgressives et

d'instabilité sont l’essence même des cultures urbaines. Ils y ont insufflé une dynamique

innée à contre-courant des cultures mainstream : skate, BMX, street art, concert, soirée

électronique, soirée débat, évènements pluriels. Les activités qui y sont pratiquées sont

porteuses de valeurs collectives à l’instar du roller derby Bordeaux club, sport d'équipe sur

patins à roulettes, premier club de Bordeaux qui depuis 2009 réunit uniquement des

femmes. Ces dernières rejettent « les chefs, le fric et les cadres »4.

Ainsi, en parallèle de la parcelle rénovée du quartier où se loge la partie commerciale

du projet (épicerie, cluster créatif, etc.), des associations sportives et culturelles, sans but

1 Jean Métral repris par FORET Catherine, Urbanité : une manière de faire société mise à l’épreuve par la fragmentation urbaine, Op. Cit., p. 9.

2 Propos de Philippe Barre recueilli par BROUSSE Maxime, « La folle évolution du Hangar Darwin », 20 minutes, 16/10/2013, <www.20minutes.fr/magazine/cultures-urbaines/c-est-hype/la-folle-evolution-du-

Hangar-darwin-120810>.3 PICHON Stéphanie, « La face squattée de Darwin », Rue89 Bordeaux, 12/03/2015,

<http://rue89Bordeaux.com/2015/03/face-squattee-darwin>.4 PICHON Stéphanie, Art.Cit.

55

Page 56: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

lucratif, se sont imposées dans le Hangar mais aussi dans les dépôts autour. Ces

associations fonctionnent selon un principe d’autogestion où tous les membres participent

à l’entretien chaque dimanche, tandis que le Fonds de dotation de Darwin permet de payer

le loyer, l’eau, l’électricité et l’assurance.

2) Un mécénat culturel et artistique florissant

Si le Hangar est géré par la Brigade1, son installation dépend du Fonds de dotation

Darwin qui dispose de 38 000 euros de donation. Ne disposant d’aucune aide publique, ce

fonds de dotation repose sur la participation de mécènes privés, dans une logique de

financement participatif, ainsi que sur une taxe de 5% imposée sur toutes les activités du

projet Darwin. Puisque le projet Darwin se définit comme un pôle de créativité, ses locaux

constituent une plateforme de promotion et de diffusion pour de jeunes artistes, d’autant

qu’étant un véritable musée du graffitis, les fondateurs estiment devoir soutenir le street

art. Brouiller les frontières entre professionnels et amateurs est un jeu auquel Darwin se

prête.

Cependant, la puissance du mécénat de Darwin est un outil de sensibilisation et

d'engagement et non pas seulement pour faire « de l’art pour l’art ». L'organisation des «

Cycles de Darwin », encore au stade embryonnaire, se centre sur la promotion de la

philosophie du grand auteur Charles Darwin par des débats, expositions et conférences. Ce

fonds de mécénat soutient ainsi la cohésion dans une ville plus durable et une plus grande

cohésion : Ferme Niel gérée par l’association BIAPI, jardins partagés et Association le

Bivouac2.

1 Association dédiée à la culture urbaine sur le site de Darwin. Son panel d’activités est très large : la fermeNiel, Bike Polo, exposition de jeunes artistes, Fabrique artistique et culturelle Pola.

2 Le Bivouac est un espace dédié aux pratiques conçues pour se reconnecter avec soi-même à l’instar du Yoga, de l'herboristerie ou l'aromathérapie.

56

Page 57: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3) Les évènements culturels et l'éducation populaire comme stratégie d'attraction

Pour faire venir les habitants de tous les âges et de toutes les classes, les darwiniens

ont opté pour une stratégie évènementielle très forte. Cette manœuvre se fait dans le but

que « l’art pour tous » soit une réalité. La manifestation « Imaginez maintenant »1 ouvre

l’art engagé à toutes les personnes souhaitant y participer et ce, sous toutes ses formes :

Graffitis, court-métrage, Body painting, etc. Le choix de localisation du festival sur les

locaux de Darwin par le Haut commissaire à la jeunesse au Conseil de la création artistique

témoigne d’une forme de reconnaissance pour Darwin dans sa démarche artistique et

populaire, avec plus de 9000 visiteurs entre le 1er et le 4 juillet 2010. Enfin des

évènements musicaux de type underground ont permis de captiver les jeunes de la ville, et

la Caserne Niel est maintenant devenue un haut lieu de la Techno, de la House et du Hip-

1 « Imaginez Maintenant » est née avec Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse au conseil de la

création artistique et invite les créateurs de moins de 30 ans à investir des lieux du patrimoine. Elle vise à mobiliser un large public et se déroule dans 9 villes sur 4 jours.

57

Illustration 11 : Exposition « Land Art » de Julien Mouroux à Bastide-Niel Le terrain est donc mis à disposition d'un jeune artiste qui intègre la nature dans son

œuvre et respecte donc l'idéologie darwinienne.Source :

<https://plus.google.com/photos/103721114527799454463/albums/6088648726952833777>

Crédit photo : Julien Mouroux

Page 58: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Hop.

B) Les oubliés du projet : renforcement de l'exclusion des cultures dominées.

« C’est quoi la culture populaire ? C'est un atout touristique, une couleur locale, une

colorisation du paysage, une vitrine, ce qui n'est pas, ce qui n'est plus »1

1) De la culture urbaine et populaire à la dénaturation en culture institutionnelle

Les interfaces culturelles de la Caserne Niel sont des espaces promus comme

populaires. Le mouvement de réappropriation de cette « sous-culture » , alors qu’elle était

stigmatisée jusque dans les années 1990 à 2000, réinterroge la dynamique actuelle de

popularisation de la culture populaire. Particulièrement discriminée dans Bordeaux, qui se

donne cette image de ville classée « UNESCO »2, la culture urbaine est trop vite assimilée

à la culture populaire car porteuse de revendications. Les graffitis de Bastide-Niel font

toute l’authenticité du lieu qui avait été réinvesti par des artistes de rue. Cependant,

l’esthétisation de cette forme de culture est critiquée : la valorisation touristique réduirait la

culture populaire à sa dimension folklorique3, ce qui serait à contre-courant même de son

histoire4. Avec le graffiti la rue devient un lieu d’expression tandis qu’avec le skateboard,

le mobilier urbain et les normes d’usages sont détournées5. Ainsi, la construction d’espaces

publics dédiés à ces cultures urbaines ne serait-elle pas un déni de leur essence même ?

D’autant que le réinvestissement culturel des friches est une dynamique largement promue

dans l’Occident6. La construction du skatepark permet aussi de contenir une culture

1 HURSTEL Jean, Chroniques culturelles barbares, Paris, Syros Alternatives, 1998.2 Culture de l'architecture, classique, Opéra, etc.

3 BAZIN Hugues, « Quels espaces populaires pour la culture ? », Revue Mouvement, N ° 57, 2009, Ed. La Découverte, pp. 57 à 66.

4 Le but du graffiti était un marquage des territoires entre bandes et une activité de circulation marquée par sa clandestinité au départ.

5 CALOGIROU Claire, « Réflexions autour des Cultures urbaines », Journal des anthropologues, 2005, p. 3, http://jda.revues.org/1414>.

6 Docks aux EU, exemple du célèbre quartier de Wynwood rénové en œuvre d'art urbain, coworking, incubateur, par Tony Goldman à Miami, etc.

58

Page 59: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

clandestine qui peut être source de tensions. Ces espaces culturels pluriels1 (une loi mais

plusieurs normes) se transforment. La recréation d’un espace comme le Hangar de Darwin

permet l’émergence d’un nouveau public qui valorise la dimension spectaculaire de la

culture populaire.

Cependant, l’institutionnalisation de cette culture a permis un rapprochement entre

publics et participants avec une mise en situation collective et encadrée de l’expression

culturelle. La mise en place d’ateliers sur le site de Darwin a permis de croiser les histoires

et passions individuelles dans un moment collectif. Mais cet espace se risque au bornage

d’une culture qui ne peut être limitée. Les quartiers imprégnés de culture populaire ne

saurait se transformer en bannières commerciales et touristiques.

2) Une sous-représentation des classes populaires de Bordeaux

Le Magasin Général ainsi que le Hangar incarnent l’interface entre Darwin et les

Bordelais, ouvrant la structure à qui le veut. Ce n’est donc pas un lieu de culture pure mais

c’est un lieu éminemment social fondant sa démarche sur un impératif de mixité et

d’ouverture. Cependant, si le Hangar et les dépôts favorisent le mélange entre culture

institutionnelle et culture vivante, la réalité quotidienne de Bordeaux est occultée. En effet,

l’authenticité de Bordeaux repose essentiellement sur son cosmopolitisme. De par sa

position géographique la ville est muée par les vagues d’immigration et les cultures

maghrébine, latino, portugaise, sénégalaise et espagnole s’y confondent.

Par ailleurs, Bernard Boutboul défend que les hommes sont des consommateurs de

cultures et qu'ils agissent dans le but de s’auto-valoriser2 : il s'agit pour chacun de

consommer ce qui est conforme aux valeurs considérées comme supérieures. En reprenant

cette thèse, la promotion des musiques type underground, des valeurs écologistes ainsi que

des cultures urbaines sportives ne semblent suffire pour mobiliser les habitants bordelais

portant une culture différente. D’autant que la localisation du site, qui est très mal desservi,

nécessite que les personnes « consommant » le lieu soit déjà convaincues de son intérêt et

1 BAZIN Hugues, Art. Cit., pp. 57 à 66.

2 BOUTBOUL Bernard, Le consommator, les entreprises face aux nouvelles exigences du consommateur, Paris, édition JVDS, 1996.

59

Page 60: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

se sentent concernées. Or la réalité bordelaise est moins sa culture urbaine, écolo et

créative que son exotisme et cosmopolitisme. Même si les productions culturelles de

Darwin attirent des publics très variés1, ces interfaces sont ainsi plus des lieux de

regroupement d'un type de public ayant une culture propre. Les classes populaires des

quartiers les plus pauvres mais aussi les personnes étrangères ne se reconnaissent pas

forcément dans la culture défendue. Les propos recueilli lors d'un entretien resté anonyme

en témoignent : « si les couches populaires de la société ne se sentent pas accueillies dans

le lieu, c'est non pas dû à un manque d'ouverture mais à un problème plus profond auquel

on ne saurait mieux répondre que le reste de la société ». En effet, ce projet culturel n'est

pas assez diffusé dans les classes populaires, cependant il est loin d'être élitiste, la

fréquentation est libre et les activités presque gratuites2.

3) Le collectif d'artistes Pola aux origines du projet précarisé et nomadisé

La Fédération Pola est née en 2000, mais mettra plus de 5 ans avant de voir une

première reconnaissance institutionnelle avec une aide du Fonds social européen. La «

Fabrique » Pola, inaugurée par Alain Juppé en 2009, donne de nouveaux espoirs aux

créateurs bordelais pour une politique de la ville volontariste en faveur des arts plastiques

et visuels. Un espace spécialisé et dense devait leur permettre de se développer sur le long

terme. En dépit de la défaite au concours de capitale culturelle, l’association « Bordeaux

2013 », qui a rassemblé pour la première fois les quatre grandes instances décisionnelles

locales3, pour organiser sa candidature, décide de ne pas abandonner les projets en cours et

réalise une étude sur les friches culturelles et l’opportunité d’implanter Pola sur Bastide-

Niel. Cependant, faute d’un accord entre la CUB et la Mairie sur le financement de

l’installation de la Fédération, celle-ci conclut un bail précaire pour occuper d’anciens

locaux inutilisés en périphérie de la ville (Bacalan), puis sera finalement déplacée dans un

ancien centre de tri postal de 2400 m² à Bègles. Elle sera délogée au cours de l’année 2015

1 Jeunes urbains diplômés ou non, étudiants, les séniors du quartier, patrons de tous secteurs ainsi que leurs

employés, etc. 2 Cette idée se base sur des entretiens ainsi qu'un sondage réalisé à l'IEP de Bordeaux. Cette thèse sur une

reformation d'espace culturel privé est donc fondée sur l'opinion majoritaire des sondés. Une bonne partie des sondés estiment que les classes dotées d'un fort capital culturel colonisent ce type de lieu et recréent

une forme d' « entre-soi ».3 Ville, région, département, Communauté Urbaine de Bordeaux.

60

Page 61: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

car la Cité numérique du projet Euratlantique doit s’y installer.

Les artistes de la Fabrique déplorent le fait de ne pas se voir accorder les moyens de

leur ambition. D’autant que le projet initial qui avait pour but de créer une centralité sur la

rive droite de Bordeaux, tarde à se concrétiser depuis maintenant sept ans. Actuellement, la

situation excentrée de la Fabrique la coupe du public avec lequel elle aspirait à échanger et

cela a finalement réduit sa visibilité. « En réalité, nous sommes constamment au bord de

l’asphyxie financière. La culture rapporte à un territoire, elle doit être traitée comme un

atout. Des villes comme Nantes ou Lille ont complètement changé leur image et développé

leur attractivité par le biais de la culture »1 rapporte Yvan Destraz, co-fondateur de Pola.

C) Sur les traces de Darwin.. un écoquartier promu à une grande mixité ?

1) Concentrer les initiatives urbaines : facteur de « redoublement des inégalités

environnementales »2 ?

En dépit de la reconnaissance précoce de l'universalité des risques et des nuisances

de l'environnement sur l'espace urbain, notamment en 1994 par la Charte d'Aalborg, les

différenciations sociales à l'exposition de celles-ci restent occultées des politiques

publiques jusqu'à aujourd'hui : « ceux qui génèrent le plus d'impacts sur l'environnement

sont parmi ceux qui en subissent le moins », tandis que « ceux qui ont une empreinte

écologique réduite sont souvent les principales victimes de l'inéquité environnementale »3.

S e l o n Cyria Emelianoff, politiques publiques et choix résidentiels des classes

intermédiaires ont participé à la concentration des nuisances environnementales dans

certaines zones urbaines. S'en suit un processus de dévalorisation foncière où les plus

démunis se logeront dans des espaces pollués et pollueurs. Elle soutient donc que les

inégalités environnementales constituent un « redoublement des inégalités sociales », à

l'instar de la gentrification à l'oeuvre dans les écoquartiers de Malmö ou Bedzed. En effet,

1 CHAPUT Anne, « La Fabrique Pola se pose là où elle peut », Direct Matin Bordeaux 7, 9/09/2013.2 EMELIANOFF Cyria, « Connaître ou reconnaître les inégalités environnementales ? », L'étalement

urbain, (dir. Jacques Chevalier), Rennes, Edition PUR, 2006, p. 37.3 Idem.

61

Page 62: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

ces quartiers, bien qu'exemplaires écologiquement ont vu leur prix au m² augmenter suite

aux rénovations et à l'embellissement de l'habitat. De fait, les populations les moins aisées

ont dû se reloger dans des zones périphériques moins chères, moins écologiques et moins

confortables. De même, la gentrification1 des quartiers populaires de Bordeaux comme

Bastide-Niel mais aussi Saint-Michel, quartier populaire et exotique, est mal vécue par

certaines couches de la population2. Alors même que la rive droite de Bordeaux est

historiquement une enclave ouvrière où se logent les populations les moins aisées, la

dynamique actuelle de requalification de ces espaces tend à repousser les habitants les plus

pauvres vers les confins de la ville du fait de la valorisation foncière3.

Ainsi, l'élite politique et économique façonne la ville pour la rendre plus attractive

1 La gentrification est un processus où un quartier se voit colonisé par une classe plus aisée tandis que les

habitants plus pauvres, se voient alors relégués vers les périphéries de la ville.2 Voir infra.

3 Critères esthétiques, dynamisme culturel et normes environnementales ont tendance à augmenter le prix du foncier.

62

Illustration 12 : Les revenus les plus faibles de l'agglomération se situesur la rive droite ainsi qu'au Sud de Bordeaux.

L'installation de Darwin sur un secteur plus « pauvre » de la villecorrespond donc à un processus de gentrification, où des personnes plus

aisées investissent un lieu dévalorisé dans l'attente d'une valorisationfutur.

Page 63: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

aux investisseurs et touristes dont elle a besoin pour rester compétitive1. Avant de

prétendre à la mixité dans des quartiers nouveaux construits autour de l'environnement, la

promotion d'une justice environnementale dans des zones défavorisées2, nécessite une

politique publique centrée sur la participation des plus démunis ainsi qu'une maîtrise des

prix du foncier. L'environnement ne serait alors plus engagé comme source d'attractivité,

ce qui est source de discontinuités dans le tissu urbain, mais il serait un facteur de cohésion

territoriale.

2) Écoquartiers et néo-communautarisme : la concentration des « classes créatives »

Aussi, les valeurs post-matérialistes de culture et d'économie créative promues par

Darwin ne seraient-elles pas l'apanage d'un groupe restreint d'individus ? Si la démarche

d'ouverture des darwiniens est notable, le futur écoquartier de Bastide-Niel dont il est la

vitrine se risque à la ségrégation avec une concentration des classes intermédiaires aisées.

En effet, en dépit d'un fort volontarisme, sans connexion au reste de la ville, le quartier de

Bastide-Niel risque de devenir un quartier « bobo » que les plus dotés en capital culturel

viendront visiter3. Ce n’est pas tant la localisation de Darwin, que son accessibilité qui rend

le lieu moins attractif pour les populations les moins concernées. En outre, si la dimension

1 CLERVAL Anne, « Garnier J.-P., 2010, Une violence éminemment contemporaine. Essais sur la ville, la

petite bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires, Marseille, Agone, coll. Contre-Feux », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], 30 octobre 2010, p. 2.,

<http://cybergeo.revues.org/23336>, [consulté le 25/12/2014].2 Conformément à la loi Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000.

3 SCHAUB Coralie, « Darwin la Ruche à millions », Libération, 30/03/2014, <www.liberation.fr/economie/2014/03/30/darwin-ruchea-millions_991459>.

63

Illustration 13: Le quartier Saint-Michel à Bordeaux. Source : <www.metropolitiques.eu/Gentrification-ou-ghetto.html>

Crédit photo : Mathieu Van Criekingen

Page 64: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

locale et participative du développement durable recentre mixité et bien-être des habitants

comme un fondement, les administrations publiques jouent ici un rôle fondamental. Le

ressenti des populations locales doit être intégré, c'est-à-dire que plus qu'un quota de

logements sociaux (fixé à 55% pour Bastide-Niel), c'est le sentiment d'intégration et

d'implication écologique qui doit être respecté, la cohésion sociale serait un des buts de

l'attractivité territoriale1. Si Darwin réussit à assurer une gouvernance inclusive pour toutes

les parties prenantes (environ 500 personnes à terme), l'arrivée de plus de 3000 nouveaux

habitants risque de compliquer la donne.

Ainsi, mixité et participation sont deux critères mis à égalité dans l'urbanisme

durable, ils semblent néanmoins, empiriquement, difficilement conciliables : en effet, plus

les habitants d'un quartier représentent un groupe homogène, plus la participation est aisée,

et réciproquement. En témoigne l'écoquartier pionnier de Vauban qui fut promu par un

groupe civil sous le concept « Baugruppen » (autopromotion) représentant un collectif très

homogène qui réussit à bâtir un quartier idéal notamment par une forte participation des

habitants du quartier. La participation sera donc l'enjeu principal du quartier de Bastide-

Niel, d'autant que tous les futurs usagers ne partagent pas la vision de Darwin et convaincre

reste une tâche difficile.

3) Une typologie des fréquentations2 : le volontarisme des usagers

Si l’esprit de Darwin attire les skateurs, graphistes, écologistes convaincus et

entrepreneurs créatifs, la fréquentation du lieu repose alors sur sa qualité culturelle. En

effet, outre les 350 personnes qui travaillent quotidiennement sur le site, les

consommateurs de cet espace s’inscrivent dans une véritable démarche lorsqu’ils se

déplacent à Darwin et participent aux évènements organisés3. Le public y vient avec une

attente précise car il a pris connaissance du lieu soit par le bouche-à-oreille, soit en

1 Idée fondée sur des entretiens anonymes d'habitants d'écoquartiers sur Bordeaux.

2 LEXTRAIT Fabrice, Une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport à Michel Duffour Secrétariat d’Etat au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle, La Documentation française, 2001, p. 38.

3 FETTAH Flora, GODET Anaïs, La fréquentation des espaces en friche reconvertis en lieux socio-culturels. L'exemple du Réfectoire du Magasin Général à Darwin, la Caserne Niel., Rapport d'Etude

Sociologique de 3ème année, Sous la direction de M. Corentin POYET, Institut d'études politiques de Bordeaux, 2014-2015, p. 16.

64

Page 65: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

recherchant un thème précis et relatif à Darwin sur internet. En effet, la diffusion du projet

a majoritairement été fondée sur le bouche-à-oreille : un sondage réalisé sur 50 étudiants

retracent que 90% s'étaient rendus sur le site après avoir eu écho par un ami d'un

événement organisé. La fréquentation du lieu repose donc en grande partie sur une couche

de la population, qui est soit très impliquée dans les problématiques durables, soit

intéressée par un aspect culturel promu au cœur de Darwin, soit motivée par une

dynamique de groupe : ces publics s'inscrivent systématiquement dans une démarche

volontaire. C'est ce que Fabrice Lextrait nomme les publics « spect-acteurs » pour les

curieux (qui viennent pour la programmation évènementiel), et les « communautaires »

pour ceux recherchant dans Darwin une pratique sociale qu'ils ne trouvent pas ailleurs

(skate,etc.). Ainsi, la mixité sociale n'est pas forcément évidente puisque le public repose

plutôt sur les sujets culturels traités à Darwin.

Cependant, la mixité intergénérationnelle est étonnante. En effet, la quiétude du site

attire les séniors : ce public « occasionnel » qui le plus souvent habite aux environs du

quartier et vient déjeuner et prendre l'air sur le lieu, tandis que les jeunes adolescents

viennent occuper le Hangar et faire du skate (leur passion).

Ainsi, malgré l'image de ville conservatrice, Bordeaux est imprégnée par les cultures

urbaines qui se sont développées en marge des institutions traditionnelles. Darwin se veut

un acte culturel populaire à même de mobiliser la cohésion autour de ses évènements. Aux

vues du site qui est toujours animé, la réussite du modèle culturel reposant sur le mécénat

dépasse les réticences bordelaises. Le projet capte cependant une couche minime de la

population et a du mal à légitimer sa démarche pourtant ouverte. Néanmoins, les efforts

faits sur la communication quant aux avancées et apports du projet dans Bordeaux sont

notoires. Darwin réussit à bâtir un nouveau modèle de gouvernance pour redonner

confiance dans une économie atone et discréditée par les inégalités.

II) La réception d'un nouveau modèle de gouvernance et de

responsabilité citoyenne

65

Page 66: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Plus que de marquer leur réussite, les fondateurs souhaitèrent dès le départ exporter

la philosophie de Darwin, pour promouvoir un nouveau modèle de « vivre la ville ». De

fait ils s'efforcent de mener une stratégie de communication optimale en faisant du site un

lieu d'ouverture et de partage. Les médias sont alors d'excellents relais, Philippe Barre et

Jean-Marc Gancille, maîtres de la communication, ont joué un rôle essentiel dans cette

correspondance. La construction discursive du projet est ainsi fondamentale pour Darwin

qui se place sur deux scènes pour attirer et surtout, se légitimer : la scène réelle et la scène

médiatique. Il doit asseoir sa légitimité et de nombreuses initiatives sont conduites pour

prouver qu'il contribue à la fabrication de Bordeaux ville « créative », et ce, en dépit de son

caractère privé.

A) Une diffusion nuancée du projet : entre médias, collectivités et habitants

1) Un lieu ouvert sur sa métropole

La diffusion de Darwin n’est pas seulement due à la qualité et l’innovation du projet

mais aussi à un effort d’ouverture sur son territoire. Le projet « Open Source »1 vise à

partager tous les services accessibles de Darwin. Toute personne le désirant peut ainsi

bénéficier des services de la Conciergerie Solidaire, mais aussi aller déjeuner au Réfectoire

du Magasin Général. Ce dernier constitue un vitrine pour Darwin : un restaurant bio qui

accueille des clients fidèles mais aussi des touristes de passage. Si le projet d’origine devait

se restreindre à servir des personnes travaillant sur le site, ouvrir l'offre donne un argument

supplémentaire aux inhabitués pour venir à Bastide. La semaine le lieu est plutôt fréquenté

par des actifs, tandis que le week-end les clients se diversifient : jeunes, familles et

séniors2. En outre, des « ballades urbaines » sont organisées par le Centre d'interprétation

de l'architecture et du patrimoine promouvant un nouvel espace touristique.

De plus, les fondateurs du projet Darwin défendent la diffusion de leurs savoirs : de

nombreuses délégations viennent visiter le lieu, qui est maintenant connu et reconnu par les

spécialistes internationaux. C'est par ailleurs dans le cadre d’un renforcement des liens

1 Site du projet Darwin, <www.darwin-ecosysteme.fr/e3-une-ouverture-au-territoire>.2 FETTAH Flora, GODET Anaïs, Op. Cit.

66

Page 67: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

entre Bordeaux et Québec, que Philippe Couillard, Premier ministre du Québec, a visité le

site du projet Darwin en mars 2015. La Caserne Niel est devenue à la fois un lieu central

de vie pour la métropole mais aussi une vitrine à l'international.

2) Une réception du projet conditionnée chez les Bordelais

L’initiative des darwiniens est unanimement saluée par la communauté bordelaise

puisque les vertus sociales, culturelles et environnementales du projet sont

systématiquement mises en avant par les habitants1. Néanmoins sur 50 étudiants interrogés,

plus de 80% estiment que cet endroit est « colonisé » par une classe moyenne aisée,

souvent qualifiée de « bobo » pour les professionnels et de « hipster » pour les usagers

occasionnels. Ainsi, les critiques se centrent avant tout sur un manque d’action politique en

faveur des classes les moins aisées notamment pour « casser » cette image. En outre, 60%

des interrogés estiment que l'attachement écologique du projet suit une logique marketing,

tout en ajoutant par la suite, que cela est nécessaire et légitime pour que le projet soit viable

économiquement. En revanche, ils soulignent unanimement l’ouverture et l’exemplarité

humaine et écologique, ainsi que le fait que le projet soit fondé par des locaux de la région

et embauchent des acteurs de l’économie locale. La démarche serait une alternative viable

et optimale pour redynamiser une ville plus durable, culturelle et créative, d’autant qu’elle

réintègre la rive droite. Le scepticisme reste donc pour l’ouverture du projet, cependant il

faut ajouter que si les étudiants attendent d'un tel projet un effort de démocratisation, la

majorité d'entre eux ne savaient pas s'il s'agissait d'un projet privé ou public, critère

fondamental pour agir sur la fréquentation.

3) Un succès pour la presse nationale, internationale et officielle

La réactivité voire pro-activité de la presse au sujet de Darwin est manifeste. En

effet, les articles n’ont cessé de se multiplier depuis 2008, tant dans la presse locale comme

Direct Matin et Sud Ouest que dans la presse nationale et ce, indépendamment des

courants politiques (Le Monde, Le Figaro, Libération, etc.). D’autant que les mêmes mots-

1 Sondage réalisé auprès de 50 étudiants de l'IEP de Bordeaux ainsi que 10 entretiens au sein de l'IEP et 5 entretiens avec des habitants du quartier.

67

Page 68: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

clés reviennent toujours : « projet innovant », « économie éco-créative », « source

d’emplois » , fondateurs un peu « fous et rêveurs », etc. L’image médiatique du projet

Darwin dresse un projet ultra-moderne et philanthrope, positif dans tous ses aspects et

constituant la nouvelle effigie de Bordeaux. Il transparait clairement que ces articles

reposent sur des discours et que la maîtrise médiatique des fondateurs de Darwin n’est pas

anodine. D'autre part, les publications de l'ADEME et du Ministère de l'Écologie, du

Développement durable et de l'Énergie, soulignent l'exemplarité du projet et le défendent

comme un modèle efficient de transition écologique de l'économie. Il est notable que les

publications officielles soulignent son ancrage dans un futur écoquartier (projet public),

tandis que la presse nationale indépendante omet cette appartenance, et insiste bien plus sur

la dimension privée du projet, notamment sur les financements propres. Un tel paradoxe

s'avère révélateur des intérêts qu'a le secteur public à revendiquer la paternité de ce projet

idéal. Enfin les nombreuses délégations qui viennent visiter le lieu chaque semaine ont

permis une médiatisation internationale, et ce jusqu'en Croatie, où la page entière d'un

journal national se consacre à Darwin.

B) Une surmédiatisation face à un projet modeste.

1) Des médias fixés sur l'innovation aux dépens de l'essence du projet : la ruralité

Incontestablement, la presse omet certains aspects du projet, notamment la ruralité.

L’image qui transparait dans les médias est un projet éminemment urbain, économique et

culturel né d’innovateurs créatifs et osés. Le reproche communément fait aux écoquartiers

est de vanter l’exemplarité environnementale, en reléguant l’aspect social et culturel

comme des priorités secondaires. En revanche, chez Darwin, aucune hiérarchisation entre

les piliers du développement durable n’a lieu. Cependant, le discours porté par les médias

n’insiste pas sur le charme d’un projet né sur une ancienne caserne militaire totalement

tombée en friche depuis 2006. Si la nature a repris ses droits et que les herbes folles

couvrent la Caserne, l'environnement de Darwin ne fait pas l’objet d’un traitement

médiatique particulier, alors que tout justement cet aspect rural fait l’unicité d’un projet

bicéphale : modernité économique d’un côté (marketing, communication, innovation

68

Page 69: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

numérique, cultures urbaine) mais compatibilité totale avec l’environnement de l’autre

(fermes urbaines, apiculture, activités nautiques). De fait cet aspect est méconnu des

citoyens et il en pâtit.

Le rucher, monté par Frédéric Diez et l'association BizBiz&Co, avait pour but de

sensibiliser le citoyen à l'importance des abeilles, thématique urgente dans le monde de

l'écologie. Cependant, faute de moyens ce projet s'efface face à ceux de plus grande

envergure comme la pépinière d'entreprises, le Hangar et le restaurant. Innovations et

cultures urbaines sont ainsi sur-

médiatisées, alors même que le

soutien porté aux plus petits projets

permettrait de nouveaux apports

citoyens et une plus grande prise de

conscience.

2) Un bilan financier inquiétant

Le succès de Darwin et sa réputation enclenche des retombées financières positives

pour le projet qui ne cesse de voir son chiffre d’affaire augmenter depuis Juin 2010 (date

de la création de la SAS Darwin). Le groupe Evolution détient actuellement 79% des parts

sociales du groupe, soutenu par 13 actionnaires via le Fonds d’investissement Archipel. Il a

ouvert son capital au crowdfunding1 le 18 juin 2014. Dans un premier temps, Darwin

souhaite céder 10% de ses parts2, mais pour ensuite élargir l’initiative à 18% des parts

sociales et ce seulement pour des investisseurs non spéculatifs et responsables3. En effet, le

risque d’une telle ouverture est de perdre la maîtrise des investissements, notamment des

injonctions de rentabilité sur le court terme et un recul dans les valeurs défendues par

1 Financement participatif.

2 1% des parts sociales représente 92.000 euros.3 « Bordeaux: Darwin ouvre son capital à de nouveaux investisseurs », Sud Ouest, 10/06/2014,

<www.Sudouest.fr/2014/06/10/Bordeaux-darwin-ouvre-son-capital-a-de-nouveaux-investisseurs-1581151-2780.php>.

69

Illustration 14 : Photo aérienne zone de Bastide-NielSource : Etude de cas de l'Association les Écoquartiers

Il est notoire que la Caserne est entourée de l'eau et de laflore

Page 70: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Darwin : « une dilution » des valeurs1. La frilosité de Darwin à ouvrir son capital a ralenti

l’opération de crowdfunding qui a finalement remporté peu de succès : 35 000 euros de

collectés en septembre 20142.

Si au-delà des besoins financiers du groupe, la démarche défendue est d’ouvrir cette

alternative à la participation d’investisseurs responsables, le crowdfunding est nécessaire.

Le recours à la dette financière, en dépit des fonds propres sollicités au départ est

nécessaire: en décembre 2012 l’entreprise reposait sur 2 594 800 euros de capitaux propres

et 6 336 200 de dettes financières3.

Cependant, le taux d’occupation des locaux atteignant 95% à l’été 2014, la location

permet une viabilité financière et l’investissement est en quelques sorte « dérisqué ».

L’enjeu actuel du mode de financement hybride de Darwin est de réussir à sécuriser

totalement son investissement par une forte participation aux évènements, de bons relais

médiatiques et un taux d'occupation à 100%.

C) Accepter le succès d'une élite « bobo » pour tirer une ville vers le haut.

« Les habitations font la ville mais les citoyens font la cité. »4

1) La construction d'un pôle régional de la culture et de l'économie créative : les

structures

L'innovation est au cœur de la logique darwinienne : inventer pour s'adapter à un

monde plus responsable, plus frugal et plus coopératif. Pour partager leur projet avec les

inventeurs les plus innovants mais pas forcément les plus dotés économiquement, la Mairie

et Darwin se sont associés pour lancer une pépinière d'entreprises5 avec le soutien de

1 LOZANO Mikaël, « Darwin : voici ce qu'Evolution va faire des magasins généraux Sud à Bordeaux », La Tribune, 26/09/2014, <http://objectifaquitaine.latribune.fr/business/2014-09-26/darwin-voici-ce-qu-

evolution-va-faire-des-magasins-generaux-Sud-a-Bordeaux.html>.2 Idem.

3 Consultation en ligne des bilans financiers de Darwin Bastide, <www.societe.com/documents-officiels/darwin-bastide-523394997.html#fullficheshop>.

4 ROUSSEAU Jean-Jacques, Contrat social, I, vi, note p. 361.5 Appelée Pépinière Le Campement ; y logent OriginBy (marque de mode éthique), Happy Capital

70

Page 71: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

l'Association Bordeaux Aquitaine Pionnières1. Une pépinière est une structure qui fournit

un soutien à la fois matériel, technique et financier à même de favoriser la création

d’entreprises innovantes. Si la logique de Darwin est d'être ouverte au territoire et aux

entrepreneurs motivés, les fondateurs exigent des critères très précis pour pouvoir intégrer

la pépinière appelée « Le Campement ». Il leur faut promouvoir une innovation utile à la

société avec une approche durable du développement dans un environnement

entrepreneurial d'économie sociale et solidaire2. A partir de là, en collaboration avec la

CUB, le collectif Darwin soutient le projet grâce à une aide à hauteur de 138 euros (hors-

taxes ; par mois) fournissant aussi un large panel de services et de matériels sur place, et ce

pour une convention de 23 mois.

En parallèle, pour les entrepreneurs disposant d'un capital minimum un espace de

coworking avec 30 postes de travail a été créé en 2013. Pour 290 euros par mois hors

taxes, un espace de bureau avec, une fois de plus, beaucoup de services et locaux fournis.

Et enfin le cluster éco-créatif de Darwin, regroupant « une cinquantaine de

représentants de l'économie verte et créative »3 pourtant tous issus de domaines très variés,

prônent la coopération et la gouvernance collective. Le loyer est ici moins accessible

variant de 150 à 165 euros le m² hors taxes, charges et parties communes non comprises.

Le cluster éco-créatif est donc moins accessible et regroupe plus des entrepreneurs ayant

déjà un capital de départ, cependant les autres structures soutiennent les moins aisés.

Ces entités internes à Darwin sont donc le reflet du modèle économique qu'il

promet : une économie viable et soutenable fondée sur un paradigme responsable et social

que chacun peut intégrer. Faire partie du collectif de Darwin requiert un esprit d'entreprise

soucieux autant de l'environnement, que du bien-être de ses salariés. Les fondateurs de

Darwin se réservent le droit d'octroyer un bureau à un nouvel entrepreneur en fonction du

sentiment qu'ils auront quant à l'authenticité et la sincérité du projet porté, au regard de

(crowdfunding) ou encore Yooji (aliments biologiques pour les enfants), 80 postes sont disponibles.

1 Association de soutien à l’entrepreneuriat innovant et source d’emplois, elle ne se compose que de femmes afin de promouvoir la mixité dans le milieu économique.

2 Site du projet Darwin, <www.darwin-ecosysteme.fr/la-pepiniere>.3 Site du projet Darwin, <http://www.darwin-ecosysteme.fr/le-cluster-eco-creatif/>.

71

Page 72: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

critères qualitatifs1. Les structures se veulent donc à la fois accessibles et méritocratiques

avec des loyers modulés au bon-vouloir des membres du collectif déjà installés.

2) Bordeaux, une ville où entreprendre, une ville créative et intelligente

L'effet domino attendu par Bordeaux se situe tant à l'échelle du quartier, qu'à

l'échelle métropolitaine. En effet, la double dynamique, durable et créative, de Darwin

répond aux enjeux plus amples de l'agglomération qui souhaite s'imposer comme la ville

créative et durable du Sud-Ouest. Actuellement, 14 000 professionnels de l'économie

créative y sont actifs et se constitue « Bordeaux Créative », un pôle de réflexion et de

soutien aux projets innovants. La ville en fait sa stratégie de différenciation. Etant une

source d'emplois durables, la logique des pépinières n'est pas née à Bastide, mais deux

autres pépinières ont vu le jour sur Bordeaux précédemment à Sainte-Croix et aux

Chartrons.

Ainsi, pour changer radicalement l'image de Bordeaux, « La belle endormie »2,

culture et technologie sont les deux leviers de l'aménagement du territoire. Un sondage

délivré par l'Institut Think dévoile par ailleurs que Bordeaux fait partie du top 3 des villes

les plus dynamiques « où il fait bon entreprendre » selon 36% des Français3. La ville de

Bordeaux se targue d'ailleurs d'être une « Cité Digitale », et organisa la semaine digitale en

octobre réunissant tous les grands acteurs de l'innovation numérique. Bordeaux a ainsi

réussi à diffuser une image de ville numérique et innovante, alors même que certaines

données statistiques nuancent ce propos.

En effet, si Bordeaux défend les entrepreneurs de l'économie sociale et solidaire sur

le territoire, et met à disposition de nombreux outils pour promouvoir l'innovation, elle

reste peu innovante en comparaison des villes françaises. Alors qu'elle est une des

pionnière de l'économie sociale et solidaire et du volet « nature » en ville, elle se situe au

rang de 9° position française pour l'innovation4. Ses atouts sont plutôt dans le secteur

1 Propos basés sur un entretien avec Jean-Marc Gancille.

2 ROSSIGNOL, Art.Cit. 3 « Les Français et leurs entrepreneurs : Nouveaux remparts de l'économie française ? », Institut Think,

2013, <www.institut-think.com/etudes/Think-Les-Francais-et-leurs-entrepreneurs-SDEParis2014.pdf>.4 « Observatoire de l'activité économique du territoire », Agence d’Urbanisme Bordeaux Métropole

72

Page 73: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

touristique, culturel et évènementiel. Cependant, ces trois secteurs sont les fondamentaux

pour attirer la « classe créative » qui est attachée à des valeurs post-matérialistes

(esthétisation des villes et culture) à l’instar de Bordeaux, ville cosmopolite. La stratégie

bordelaise de déploiement de l'innovation via l'attractivité culturelle, économique et

cosmopolite du territoire s'inscrit donc dans une logique de long terme. Les travaux

d'esthétisation de la ville et d'amélioration de l'offre urbaine sont donc justifiés au regarde

des thèses sur la « classe créative ». Les villes post-fordistes seraient devenues des

machine « à faire du capital humain créatif » afin de se différencier1. Bordeaux est donc

un territoire fécond pour les projets d'économie créative.

3) Le succès et la suite de l'aventure : les magasins généraux Sud, nouveau projet

Aquitaine, Décembre 2013, URL : <www.emploi-Bordeaux.fr/observatoire-emploi-Bordeaux.html>.1 BESSON Raphaël, « Comprendre les transformations des villes "post-nordistes" : l’apport de la thèse du

capitalisme cognitif », Le marché fait-il la ville ?, Ecole thématique d’Aussois, octobre 2010, pp. 1-18, <www.villes-innovations.com/wp-content/themes/vi/img/pdf/vi-fr.pdf>.

73

Illustration 15 : L'attractivité de la métropole comparée en Europe. Se situe dans le domaine touristique et culturel avant tout.

Page 74: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

pour Darwin

En concurrence avec le groupe de Vinci représenté par ADIM Sud Ouest et Kaufman

& Broad, les 15 000 m² des Magasins Généraux Sud1 ont fait l'objet d'un concours auquel

Darwin a participé. En effet, c'est dans l'objectif de monter un projet culturel et artistique

que la CUB a mis à disposition cette portion de Bastide Niel. Les magasins généraux Sud

émane d'une volonté publique de faire une opération « emblématique » de reconquête

urbaine. Le groupe Evolution s'est immédiatement porté candidat, substituant les

injonction sociales aux injonctions environnementales. En effet, Philippe Barre défend

pour les magasins généraux Sud « la haute qualité humaine plutôt que la haute qualité

environnementale »2. Les normes environnementales seront totalement respectées et

défendues, à l'instar des Magasins Généraux Nord, cependant ce nouveau projet sera

porteur d'une plus grande insertion sociale et culturelle. Le 25 septembre 2014, Alain

Juppé annonce en réunion avoir sélectionné le groupe Évolution accompagné de Nadau

Lavergne et Chloé Bodart (Agence Construire) pour piloter l'aménagement. Cette victoire

marque aussi le retour du collectif Pola avec leur implantation prévue pour 2016 et c'est

d'ailleurs la force du pôle culturel qui a fait pencher la décision du jury du côté de Darwin3.

En conséquence, 6 ans après l'annonce du projet bicéphale, Darwin et Pola, celui-ci tend

enfin à se concrétiser.

Actuellement désaffectés, les bâtiments accueilleront aussi une auberge de jeunesse

communautaire avec 80 lits (La Sentinelle), plus de 2000 m² d'habitats partagés pour les

jeunes étudiants, actifs ainsi que pour les personnes handicapés, ainsi qu'un pôle de

coworking dédié à la culture. Cependant l'innovation règne dans la volonté de Darwin de

faire des chantiers des Magasins Généreux Sud un « acte culturel »4 : les fondateurs

souhaitent que le chantier soit totalement ouvert au public (visites), mais surtout que les

travaux soient l'occasion d'une insertion pour les personnes les plus éloignées de l'emploi

1 Constitue une autre parcelle du quartier de Bastide-Niel non exploitée (ne faisait pas partie du projet Darwin jusqu'en septembre 2014 mais intégrée dans l'écoquartier). Elle se situe en face des Magasins

Généraux Nord, exploités par Darwin depuis 2010. 2 BARRE Philippe, Les magasins généreux de la caserne Niel, Inoxia, 13/09/2013, p. 8,

<http://issuu.com/darwinBordeaux/docs/journal-magasins-genereux/12>3 BARTHELEMY Simon, « A la Cub, la rentrée chargée d’Alain Juppé », Sud Ouest, 18/09/2014,

<http://rue89Bordeaux.com/2014/09/cub-rentree-chargee-dalain-juppe>.4 BARRE Philippe, Art.Cit.

74

Page 75: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

ainsi que pour la communauté Roms1.

De surcroît, la nomination de Darwin pour le projet des « Magasins Généreux » 2

témoigne d'un vote de confiance de la CUB aux forces locales de Darwin. La place d'Alain

Juppé dans cette nomination est importante, aussi soutenue par d'importants décideurs

politiques impliqués dans le projet Darwin à l'instar de Fabien Robert, Michel Duchène et

Jérôme Siri3. Darwin a donc su conquérir une partie de la structure politico-administrative

de la région et sa légitimité est désormais assise. Les travaux des Magasins Généreux

seront en continuité avec les Magasins Nord et le biotope de Darwin s'en verra plus

robuste, d'autant que 1% du budget des travaux opérés par des entreprises doit être reversé

au Fonds de dotation Darwin.

La stratégie communicationnelle et marketing de Darwin est à la fois un moyen pour

rester viable mais aussi une fin pour constituer un réel tremplin populaire de cultures et

1 Idem., p. 11.2 Nom donné au projet pour éviter toute confusion avec les Magasins Généraux Nord.

3 BARTHELEMY Simon, « Darwin va réhabiliter les Magasins généraux Sud », Rue89 Bordeaux, 25/09/2014, <http://rue89Bordeaux.com/2014/09/darwin-retapera-les-magasins-generaux-Sud>.

75

Illustration 16 Projet d'esquisse des Magasins Généreux par le cabinet Lavergne / BodartSource :<www.pss-archi.eu>

Page 76: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

d'innovations. Le projet est donc essentiellement ouvert sur son territoire puisqu'il profite à

ce dernier en renforçant l'image d'une ville créative et durable. Toutefois, nuance doit être

portée sur cette médiatisation du projet qui occulte certains aspects ruraux et financiers de

Darwin, mais aussi les rouages du pilotage public-privé du projet.

III) Cohérence et modélisation entre un projet immobilier privé et une

dynamique urbaine publique

Le phénomène des partenariats entre secteur public et secteur privé est à la mode

depuis les années 20001. Utilisée à bon escient à l'instar de Darwin, la collaboration peut

être fructueuse. En effet, les entrepreneurs privés ont pu prendre des risques et utiliser des

techniques audacieuses pour lancer un projet unique. Ils constituent une forme d'avant-

garde qui n'aurait pu émerger aussi rapidement, ni de manière aussi transgressive dans le

secteur public. D'autant que Darwin est une vitrine profitable pour le futur écoquartier

modélisé par la CUB. L'attache commune au territoire, le pilotage partagé et l'inscription

de la coopération sur le long terme a fait émerger un projet unique. Cependant, ces contrats

ne sont pas exempts de conflits et la négociation est de rigueur.

A) Remplacer la compétition par la coopération : le management public

1) Une articulation complexe entre décisions privées et conditions publiques

Le chevauchement entre projet privé et projet public peut être source de tensions

pour des acteurs qui ont des moyens, buts et discours différents2. En effet, le projet Darwin

élève un nouveau modèle incluant trois acteurs : les collectivités, les entrepreneurs privés

et les acteurs culturels. Toute la difficulté repose sur le fait que les premiers soient

bousculés par les méthodes des seconds, tandis que les entrepreneurs privés soient en

conflit avec les temporalités de l'action publique, et qu'enfin les acteurs culturels soient

1 2004 : reconnaissance des Partenariat-Public-Privé dans la loi française.2 CAILLET Bruno, « A Bordeaux, les darwiniens fédèrent numérique, écologie urbaine et économie

coopérative », l'hubservatoire, 04/07/2014, <http://hubservatoire.fr/articles/a-Bordeaux-les-darwiniens-federent-numerique-ecologie-urbaine-et-economie-cooperative>.

76

Page 77: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

toujours à la quête d'une place légitime dans ce projet1. En outre, Darwin doit trouver des

portes-paroles pour à la fois faire face à la CUB qui dispose de la compétence de maîtrise

du foncier, mais aussi à la Mairie de Bordeaux qui se charge de la vision globale du projet.

Ce « choc des leaderships »2 complique la tache de Darwin.

De plus, les acteurs privés sont liés à l'administration par des conditions fixées lors

de la négociation du prix du foncier sur la qualité environnementale de la réhabilitation.

Aussi, les rencontres régulières entre les acteurs sont une conditions sine qua none de leur

inscription dans le territoire. En dehors de ce cadre, les fondateurs disposent d'une grande

autonomie, notamment grâce aux fonds majoritairement privés. Ainsi, l'émergence de

l'urbanisme négocié a promu une nouvelle stratégie pour les partenariats public-privé des

collectivités : la logique du donnant-donnant. En effet, la condition initiale pour séduire la

CUB était pour Darwin de montrer les effets d'un cluster éco-créatif notamment en terme

de création d'emplois et de valorisation du patrimoine. La régularisation des activités à la

marge de Darwin3 n'a été que la contre-partie d'un cluster opportun pour le territoire de

Bordeaux4.

Cependant, le futur du projet Darwin reste tributaire du volontarisme de Bordeaux

Métropole notamment pour la politique de transport. L'extension de la ligne de tramway et

des différentes modalités d'accès devrait permettre une accessibilité accrue au site. De ce

fait, l'articulation entre les décisions de toutes les parties prenantes est fondamentale,

d'autant que la dimension privée du projet est mal connue. Les sondages réalisés rapportent

que la majorité des jeunes étudiants de Bordeaux ne connaissent pas la nature publique ou

privée du projet. Cependant, la revendication de la paternité politique du projet5 par les

pouvoirs publics locaux est évitée par la publicisation permanente des tensions entre

Darwin et administrations locales.

1 TAPIE Guy, DARROMAN Mélanie, GAUDIBERT Françoise, RINGON Gérard, Négocier pour expérimenter : fabriquer les espaces publics, (dir. GODIER patrice), rapport final, plan urbanisme

construction architecture programme : le projet négocié, ministère du logement et de la ville, DGALN, juillet 2011, p. 112.

2 Idem., p. 91.3 Autorisation d'Occupation Temporaire, voir infra Partie 3 : II : B : 1).

4 CAILLET Bruno, Art.Cit. 5 Idem., p. 92.

77

Page 78: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

2) Le financement privé et le jugement public

Le mode de financement hybride1 de Darwin fait à la fois sa force mais aussi sa

faiblesse puisque les prêts bancaires sont assurés par une hypothèque sur les bâtiments.

Aussi, si la part du financement public est faible, la CUB conserve un pouvoir important

d'aménagement sur le site global de Bastide-Niel. Etant donné que cette dernière a défini

les grandes orientations d'aménagement, elle fixe le cadre légal d'opération de Darwin.

C'est cependant les fondateurs du projet qui assument la prise de risque, notamment

financière.

Néanmoins, aux vues de l'attractivité que ce projet apporte au territoire, l'absence de

financement public et le refus de Darwin d'en obtenir est ambigu. Les rapports entre la

collectivité et le projet Darwin sont donc équivoques. D'autant que si Philippe Barre a

refusé un million d'euros octroyé par la Caisse des dépôts, le Fonds Social Européen

soutient l'association la Brigade du Hangar de Darwin par le financement de certains

évènements et l'aide à la réalisation d'un site internet. Il est donc notoire que Darwin

souhaite volontairement marquer une rupture avec l'autorité publique locale. Cependant, ce

mode de financement pose de nombreux problèmes : de nombreux bâtiments ne sont pas

aux normes ou ont eu de grandes difficultés à régler de tels travaux. La Guinguette chez

Alriq, restaurant fermé pendant un an, faute de financement pour se remettre aux normes,

en témoigne. Aussi, la Fabrique Pola qui n'a pas eu la chance de bénéficier des subventions

publiques suite à la défaite de Bordeaux comme capitale de la culture, s'est vue évincée du

projet ces cinq dernières années.

3) Du local au global : Darwin et le programme des Nations Unies pour

l'environnement

Pour se rendre plus crédible dans le monde de l’entreprenariat écologique et social,

Darwin a su mobiliser des personnalités imminentes du monde du développement durable :

Serge Orru (Directeur général de WWF), Pascal Pick (Paléontologue), Martin Hirsch (ex-

Haut commissaire aux solidarité actives contre la pauvreté et la jeunesse), Sylvie Lemmet

1 Fond de dotation, fonds propres, subventions publiques et prêts bancaire.

78

Page 79: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

(membre du PNU) ou encore Nicolas Hulos (écologiste reconnu)1. En effet, l'effort

financier et technique des fondateurs pour réduire l'empreinte écologique ne suffit pas pour

se faire entendre sur la scène locale et nationale, tandis que la reconnaissance par des

personnalités crédibles est une source supplémentaire de légitimité.

En outre, les coûts très élevés sur le court terme d'un tel projet nécessitent une

coopération intra-territoriale mais surtout inter-territoriale. Darwin bénéficie du soutien du

Fonds social européen, mais surtout d'un partenariat avec le Programme des Nations Unies

pour l’Environnement (PNUE). Le projet Darwin a été défini comme site pilote

« empreinte climatique » en 2009 pour la promotion d'un nouveau référentiel grâce à son

unicité à combiner réduction de l'empreinte environnementale et rénovation du

patrimoine2. Entre local, global, privé et public, la prolifération des partenariats de tout

type et de toute échelle témoigne d'une rupture radicale avec les formes de gouvernances

habituelles.

B) Modernisation des méthodes : une avant-garde qui ne peut être publique.

1) Une prise de risques ingérable pour une collectivité, reléguée à Darwin

La démarche osée de Philippe Barre et son associé Jean-Marc Gancille constitue une

forme d'avant-gardisme dans les techniques d'urbanisme3. Une telle prise de risque est

impensable pour une autorité publique : la mise aux normes des bâtiments (très coûteuse)

n'était pas garantie, attirer des investissements suffisants pour le financement difficile, et se

défendre d'un socle de la culture urbaine, illégitime. Philippe Barre a investi tout son

capital personnel dans ce projet prenant le risque de tout perdre. D'ailleurs selon ce dernier

en France : « il faut prendre des risques à la place des collectivités, montrer que c’est

possible et après faire valider administrativement les choses »4. En effet, la rigueur

administrative aurait pris trop de temps avant d'entamer les travaux de rénovation, la

1 TAPIE Guy, DARROMAN Mélanie, GAUDIBERT Françoise, RINGON Gérard, Négocier pour

expérimenter : fabriquer les espaces publics, (dir. GODIER patrice), Op. Cit., p. 84.2 Blog du projet Darwin, <www.darwin-ecosysteme.fr/darwin-projet-pilote-pour-les-nations-unies>.

3 Blog du projet Darwin, <www.darwin-ecosysteme.fr/localisation>.4 L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, Op. Cit., p. 23.

79

Page 80: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

solution aurait alors été de tout raser si Darwin n'était pas arrivé dans la course en 20081.

D'autant que le succès du projet repose en partie sur un effort de communication colossal

ainsi que sur des réseaux culturels et économiques privés, tissés par les entrepreneurs de

Darwin.

2) La marchandisation du territoire comme solution aux problèmes financiers.

La marchandisation du territoire n'est pas une simple spéculation mais ouvre à plus

d'efficacité et de participation. En effet, les transactions se jouent aussi sur les réseaux

d'acteurs qui sont beaucoup plus diffus. La cession du foncier à Darwin a non seulement

permis à la CUB des rentrées d'argent conséquentes, mais surtout l'implantation d'activités

à moindre investissement pour cette dernière. C'est une forme d'investissement privé qui se

fait dans l'intérêt public.

La première phase de la marchandisation passe par la patrimonialisation, c'est-à-dire

la définition d'un patrimoine à protéger, puis dans un second temps sa mise en valeur. La

patrimonialisation permet à un quartier ancien de devenir par la suite un produit culturel

prêt à consommer, source d'attractivité touristique.

La patrimonialisation était dans le passé du ressort de l'État, cependant actuellement

les coalitions d'intérêts entre public et privé sont une solution à la crise économique qui

sévit depuis 2008. Les collectivités territoriales sont les premières touchées et le manque

de moyens risque de rendre toute l'économie locale atone. Ce nouveau management des

politiques urbaines a permis d'intégrer des acteurs différents pour innover : la société

civile, les associations de défense de l'environnement, les artistes, etc. ont pu s'associer.

Ces transactions entre administrations, élus et société civile permettent de recréer le lien

social sur une base plus large et inclusive.

3) Différenciation et distanciation de Darwin et des grands ensembles

1 Lemaire Sabine, « Darwin : de la théorie à la pratique », Direct matin, 21/12/2012, <www.Bordeaux7.com/Bordeaux-actu/49-actu/2781-brazza--projet-darwin>

80

Page 81: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Darwin est une première approche de la ZAC Bastide Niel pour les habitants de

Bordeaux. Toutefois, l’insistance du personnel de la CUB1 sur la séparation entre le projet

urbain de la ZAC avec le projet Darwin, montre la volonté de bien distinguer les deux

ensembles. En effet, il ne représente qu’un îlot d'un hectare tandis que l’écoquartier

Bastide-Niel représentera 34 hectares, 5000 habitants et une temporalité beaucoup plus

lente. Le projet d’aménagement de l’écoquartier Bastide-Niel a été confié à Winy Mass de

l’agence néerlandaise MVRDV, architecte-urbaniste de renommée dans le milieu urbain.

La conception de l'écoquartier diffère totalement du projet Darwin. Leurs seuls

points communs seraient à vrai dire le patrimoine, la rénovation environnementale et

surtout l'économie créative. Par ailleurs, les objectifs des deux projets divergent, le

diagnostic initial de l'écoquartier en relève sept : accessibilité, paysage, déchets, pollution,

eau, énergie et le plus important, centralité2. Les intérêts peuvent s'avérer distincts, à

l'instar de la construction d'un parking silo sur l'actuel Hangar : le quartier constitue une

zone inondable, il est donc nécessaire de construire un parking silo, d'autant que le PLU3

impose 4000 places de stationnement minimum pour assurer l'accessibilité et l'attractivité

du lieu. Cependant, le point le plus stratégique pour la construction de ce parking est

l'emplacement actuel du Hangar. Avec plus de 2000 adhérents, la fermeture prévue du

Hangar n'irait-elle pas contre l'intérêt général des bordelais ? Si la CUB favorise celui des

futurs habitants par la construction d'un parking, elle nuit à l'intérêt des autres. Ce choc

entre intérêt privé et public bloque actuellement les négociations.

En outre, les futurs habitants du quartier ne seront pas forcément des « convaincus »

de l'écologie, il faudra donc faire de plus grandes concessions pour l'aménagement. Des

outils pédagogiques et de sensibilisation devront aussi être mis à disposition, et les

exigences de qualité environnementale des bâtiments ne devront pas constituer une

contrainte pour l'habitant, au risque de son non-respect, voire du départ. En outre, sur

1 Flore Scheurer, chef de projet-urbaniste de Bordeaux Métropole, affirme bien que le projet Darwin n'a « aucunement vocation à participer au projet urbain de la ZAC ». Source : L’urbanisme de projet en

chantier : le projet DARWIN, Op. Cit., p. 23.2 Synthèse du diagnostic Bastide Niel – Bordeaux, mission d’assistance a la coordination du projet,

CapTerre, Juin 2008, p. 8, <http://participation.lacub.fr/IMG/pdf/Diagnostic_CapTerre.pdf>.3 Un Plan Local d'urbanisme (PLU) est un document de planification au niveau communal mais aussi

intercommunal. Ce dernier intègre depuis la loi Grenelle II (12/07/2010) une plus grande prise en compte de la trame verte et bleue, le programme local de l'habitat ainsi que le plan de déplacement urbain.

81

Page 82: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

l'ensemble du site de Bastide-Niel, le passé est pluriel : Halle aux farines, grands moulins,

échoppes, bâtiments d'état major, etc1. S'adapter aux morphologies urbaines impose donc

de repenser en permanence le projet. Ainsi, l'îlot expérimental de Darwin est loin de

pouvoir se transposer sur le reste du territoire.

Enfin, ce qui différencie les deux projets, c'est foncièrement la démarche : Darwin

s'inscrit dans une logique de bottom-up2 où l'opération d'urbanisme est issue des

interactions entre usagers, habitants et bâtiments. La cohérence du site de Darwin rend

chaque bâtiment unique et nécessaire3. Cet écosystème, qui pourrait vivre en totale

autarcie, a été constitué « sur » le quotidien des habitants pour augmenter leur bien être.

Les écoquartiers constitue en général une addition d'unités disparates et vu l'ampleur du

projet, ils s'éloignent de l'individu. Cependant, juger Bastide-Niel est à l'heure actuelle

impossible, puisque seuls quelques îlots ont été implantés.

1 Synthèse du diagnostic Bastide Niel – Bordeaux, Op. Cit., p. 11.2 TAPIE Guy, DARROMAN Mélanie, GAUDIBERT Françoise, RINGON Gérard, Négocier pour

expérimenter : fabriquer les espaces publics, (dir. GODIER patrice), Op. Cit., p. 154. 3 Fonctionnellement le restaurant est une nécessité pour les entrepreneurs de la pépinière, du coworking et

du cluster qui vont ensuite se reposer au Bivouac puis aller prendre une bière au torréfacteur pendant que leur enfant est au skatepark et le plus jeune à la crèche.

82

Page 83: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

C) Imitation et diffusion : repenser Bordeaux comme la ville créative

1) 1 hectare de modèle pour un quartier : effet d'entraînement

L'expérimentation du volet tertiaire de Darwin a tout de même permis une orientation

de la future ZAC de Bastide-Niel. La démarche et la conception urbaine et architecturale

ne seront pas les mêmes, mais la programmation fixe un écoquartier tertiaire, pour faire de

Bastide-Niel une zone centrale et dynamique (urbanisme, écologie, culture, etc.). Cette

spécialisation plurielle permettrait de redéfinir une nouvelle centralité sur la rive droite

avec un pôle d'attractivité majeur et surtout actif. L'utilité d'un panel complet de services à

l’échelle d'un quartier est aussi d'ordre écologique : éviter au maximum les allers-retours

avec les autres pôles urbains. Darwin constitue donc un projet pilote sur une frange de

territoire caractérisée par l'incertitude (très hauts risques de pollution, forte densité, nature

83

Illustration 17 : Schéma comparatif des éco-quartiers et de la dynamique globale des quartiersdurables.

Cet extrait de brochure d'un projet à Toulouse montre bien les failles que peut avoir un écoquartier enmisant sur l'aspect environnemental en en occultant les besoins au plus près du citoyen. L'écoquartier

de Bastide Niel n'étant encore qu'en phase de conception, le juger est impossible. Cependant laconceptualisation de l'architecte n'étant pas ouverte aux habitants (ni à Darwin par ailleurs), le risque

est qu'une fois de plus le projet s'éloigne du citoyen et de se rapprocher du premier modèle « éco-quartier » tandis que le projet Darwin se situe plus dans la démarche « quartier durable ».

Page 84: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

ayant repris ses droits) où il a finalement réussi à polariser un lieu de forte identité

(militaire et culture urbaine). Les décideurs locaux ont soutenu ce projet privé dans l'espoir

qu'un effet domino1 ait lieu : que de nombreux investisseurs attirés par la dynamique à

l'oeuvre à Darwin, s'installent sur les futurs îlots de l'écoquartier.

Il y a quelques années, si une négociation entre administrateurs et promoteurs avait

lieu, elle était le signe d'un blocage. Darwin révolutionne la gouvernance puisque la scène

de négociation de Bastide-Niel s'ouvre petit à petit, même si elle se revêt plus d'une forme

d'information et de consultation que de co-décision sur le projet public2. En outre, l’îlot

Darwin a permis une inscription du projet sur un temps « citoyen et politique »3 lui donnant

une plus grande légitimité. La programmation, la conception et le montage ont dû se faire

sur un temps très court, adapté au citoyen. En quelques sortes Darwin a débroussaillé le

chemin en faisant valoir sa légitimité par une attention particulière portée aux riverains,

usagers, graffeurs, etc.

2) Entre objet de recherche et enjeu politique : la légitimité du renouvellement

idéologique urbain ?

Le sens commun associe souvent « public vertueux et privé démagogue », cependant

la prolifération des partenariats public-privé nous amène à repenser ce duo. En effet, les

nouveaux crédos de « ville durable et créative » ne sont plus des concepts marketings

privés mais relèvent bien d'une idéologie diffusée par et pour les territoires publics.

Le piège dans lequel ne doit pas tomber cette dernière est qu'elle ne soit qu'une

« tentative de moralisation » et une sorte de traitement isolés de la « bonne conscience des

collectivités »4. Ainsi, le risque de ces modèles, est leur isolation : ils ne peuvent rester en

marge de la politique urbaine s'ils veulent constituer une réelle posture vers de meilleures

1 L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, monographie du ministère, Plan Urbanisme

Construction Architecture rattaché au MEDDE, p. 24.2 Godier, Op. Cit., p. 163.

3 Propos de Flore Scheurer recueillis dans L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, Op. Cit. p. 24.

4 VIOLEAU Jean-Louis, « Les écoquartiers, transformer ou préserver ? », Revue Urbanisme n° 387, 2012, pp. 13-17.

84

Page 85: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

pratiques. Pour cela, la démarche d'urbanisme durable doit comporter « moins de normes

et plus d'inventivité »1. D'autant que les moyens déployés pour faire de la ville un espace

propice à l'innovation sont multiples mais surtout difficilement transportables. En effet, les

innovations sociétales et territoriales ressortent d'un jugement subjectif propre à un

territoire, elles sont donc éminemment localisées2.

L'urbanisme durable n'est pas un modèle urbain au sens où Françoise Choay dans «

Urbanisme, utopies et réalités » l'entend3 : ce renouvellement idéologique répond à des

enjeux scientifiques et constitue en réalité un ensemble cohérent de principes. Cette

idéologie est éminemment réaliste et non plus une utopie vers laquelle il faut tendre4.

Darwin issu de la coopération intra et inter-territoriale repose sur un modèle très

ouvert et très médiatisé pour s'assurer une force marketing et constituer un véritable pôle

d'économie créative et de cultures urbaines reconnu comme tel à toutes les échelles. La

constitution d'une nouvelle scène pour les cultures urbaines, jusqu'ici clandestines, est

rendue possible par un nouveau modèle de mécénat participatif et une stratégie

évènementielle très forte afin de se légitimer. La précarisation d'autres acteurs culturels du

territoire à l'image de Pola pose cependant des questions sur la politique culturelle de

Bordeaux et son volontarisme sur le territoire. Aussi, le manque de mixité des interfaces de

Darwin questionne la compatibilité entre des politiques d'attractivité fondées sur le durable

et le créatif, et l'attractivité « pour tous ». Les médias, les publics, les sondés ou les

concernés dressent un portrait exemplaire du projet, et l'accusation de « bobo » souvent

faite aux fondateurs se confond avec une classe créative nécessaire pour le dynamisme de

Bordeaux. Ces derniers témoignent d'une audace rare, et permettent de raviver un quartier

en déshérence. Les collectivités publiques n'auraient pu prendre un tel risque avec leur

budget serré et surtout sachant qu'elles reposent sur l'argent du contribuable, parfois

1 « Club ville aménagement : Moins de normes et plus d'inventivité », Revue Urbanisme, 1992, Novembre-Décembre 2012, n° 387, p. 18.

2 Référentiel d’évaluation de l’innovation sociétale et territoriale, avril 2009, rapport EDATER, p. 5., <www.datar.gouv.fr/sites/default/files/090410_referentiel_innov_soc_terr_def.pdf>

3 La conception de modèle urbain selon F. Choay se rapprochait de celle d'utopie, se rapprochant de l'idéal-type de Weber, elle se fait indépendamment du contexte global et de la réalité.

4 Héran Frédéric, « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de paradigme ? », Métropolitiques, 23/03/2015, <www.metropolitiques.eu/La-ville-durable-nouveau-modele.html>.

85

Page 86: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

réticent à l’innovation. Même si le projet se distingue de l'écoquartier Bastide-Niel, une

telle dynamique urbaine innovante problématise les finalités d'une telle révolution.

86

Page 87: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Chapitre III : De l'utopie urbaine au projet sociétal :adaptation sans aliénation d'un cluster créatif et

durable aux idéologies légitimes

Darwin envisage de replacer l'écologie et la culture au cœur de l'homme. La

promotion de ce nouveau modèle de société repose sur la mobilisation permanente de la

société civile par des moyens tant économiques, que culturels ou organisationnels. En

effet, leur ambition est de refonder une urbanité plus humaine et respectueuse de

l'environnement autour d'activités créatives. Coopération, transition écologique, et

fonctionnalité sont les moyens économiques d'une nouvelle manière de faire et de vivre la

ville. Cependant, le dessein de Darwin est audacieux et son caractère privé le limite dans sa

démarche. D'autant que la généralisation d'une telle démarche se risque à l'élitisme s'il ne

renforce pas son aspect social et participatif. Le secteur public joue un rôle fondamental

dans la diffusion d'un concept qui se veut à la fois marketing et responsable.

Environnement et culture sont donc les deux préceptes d'un nouveau paradigme qui se joue

actuellement sur la scène publique et privée. Son futur incertain est alors placé entre les

mains des décideurs politiques et des citoyens actifs et conscients.

« Au cœur des territoires, s'ouvre celui des hommes »1

I) Une volonté de reconstruire un écosystème.

Darwin est une structure locale qui pense global : l'écologie, comme pensée par ses

promoteurs, se traduit par des outils de gouvernance collective, de réduction de l'empreinte

écologique mais surtout par une pédagogie pour accompagner les comportements vertueux

de tous. Cette philosophie repose sur le bien-être des membres par les activités relaxantes,

les évènements culturels et les services de proximité. Mais, elle est aussi une stratégie

économique de coopération entre les membres ainsi qu'avec des partenaires externes à

Darwin. La coopération est à la base du système qui ne peut survivre qu'avec l'aval des

usagers. Chaque chainon est donc fondamental dans l'écosystème Darwin, à l'instar d'une

économie de fonctionnalité.

1 Thème de la candidature française à l'exposition universelle 2025.

87

Page 88: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

A) Un cluster créatif et responsable : écosystème utopique ou

exemplaire?

1) La transition écologique comme pilier fondamental : le modèle négawatt1

La démarche type négawatt mise en l'oeuvre par Darwin a la capacité d'être intégrale

et évolutive. En effet, le modèle de transition écologique se base à la fois sur une efficacité

écologique des bâtiments, mais aussi et surtout sur un comportement responsable des

occupants. En l'occurence, la consommation en énergie du bâti est 70% inférieure par

rapport à un bâtiment rénové type, toutefois miser sur une attitude vertueuse des membres

était un pari risqué. D'autant que cette exemplarité écologique entraine un fort surcoût à la

construction. La viabilité d'un tel modèle économique repose donc entièrement sur les

rendements de long terme et sur les efforts consentis par chaque occupant. Le

comportement vertueux des salariés est un critère d'entrée pour les fondateurs qui est

institutionnalisé dans le PACTE (Plan d’Action Concerté de Transition Écologique2) que

signent tous les membres avant leur implantation.

La réduction de l'empreinte écologique repose alors sur trois méthodes : la réduction

des besoins, l'optimisation des systèmes et enfin l'institutionnalisation des méthodes

alternatives. Darwin veut recréer des écosystèmes par le biomimétisme3 à l'instar de sa

méthode de « bio-climatisme intelligent » où la chaleur humaine ainsi que le soleil sont les

premiers exploités. Cette démarche s'inscrit dans un réel effort des occupants : les lundis

matins d'hiver pouvaient se révéler difficiles pour certains et plutôt que d'augmenter la

température, le guide conseille alors « d'apporter ses polaires ».

1 Ce paragraphe se fonde sur le Guide d’occupation environnementale et mode d’emploi écologique du

bâtiment Darwin, Brochure Darwin, INOXIA et Les Sauvages, mars 2013.2 « Principe de frugalité : économie de ressources et de moyens, récupération, recyclage, etc. ; Principe de

proximité : cycles courts, recours aux ressources locales, etc. ; Principe de bienveillance : confiance a priori, solidarité. ; Principe d’ouverture : partage des expériences, dialogue ; Principe d’exemplarité :

cohérence entre les paroles et les actes ; Principe de plaisir : recherche du bien-être et convivialité ».3 Janine Benyus en 1997 le conceptualisa comme des innovations scientifiques inspirées du vivant.

88

Page 89: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Darwin investit dans le management environnemental car l'effort est fait sur toute la

chaîne, du fournisseur jusqu'à l'usager1. C'est à la fois grâce à une transparence totale de la

consommation de chacun (tableau de bord facilement accessible), mais aussi par

l'organisation de sessions de sensibilisation, ateliers, marchés éphémères pour une

alimentation responsable, etc, qui sensibilisent le grand public. Mais cette démarche est

aussi le fondement de leur modèle économique qui se replace à son tour au cœur des

interactions.

2) La coopération et mutualisation pour une synergie entrepreneuriale :

« coopétition »2

Le thème de la coopération et de la symbiose dans des lieux d'entreprenariat social

est à la mode en Europe. De nombreux territoires sont dans la même logique que Darwin :

la LX Factory de Lisbonne, la Zawp De Bilbao, ou encore le Community Center en

Croatie.

Dans la Caserne Niel, la transition écologique se conjugue avec une politique de

responsabilité sociale des entreprises afin d'allier compétitivité et défis sociaux. Les outils

concrets de la mutualisation sont à la fois un espace de travail commun avec des

équipements partagés, des achats groupés responsables mais aussi des plans de formation

communs.

En réalité, les fondateurs de Darwin ont misé sur une double proximité pour que

l'effet de clusterisation ait lieu : une proximité géographique avec le partage des espaces de

travail, ainsi q'une « proximité organisée » par l'organisation de relations fonctionnelles

source d'« interactions réticulaires »3. En effet, la mixité fonctionnelle associée à des

valeurs collectives (écologie, insertion, créativité, etc.) est source d'externalités positives.

1 Toute leur énergie leur est par exemple fournie par Enercoop, 100% renouvelables.2 NDIAYE Abdourahmane, Clusters, EcoQuartiers, innovation sociale et Economie Sociale et Solidaire :

le cas du projet Darwin l’Eco-Système à Bordeaux,Op. Cit., p. 10.3 Idem, p. 12.

89

Page 90: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

À l'exemple d'une entreprise de communication comme The Willis Willis qui pourra

réaliser un site pour la promotion d'un organisme d'évènementiel comme Cinema Scene

Production et qui réciproquement fera de la publicité pour ce dernier1. Aussi, la présence

de nombreux acteurs de l'architecture ou d'études environnementales fut une ressource

locale pour la réalisation du projet des fondateurs de Darwin sur les Magasins Généreux

Sud. Dans ce système organique et complémentaire, chaque élément a sa place et aucun

n'est interchangeable. La coopération permet ainsi de réduire l'insécurité grandissante avec

la montée de la concurrence due à la mondialisation.

Ces acteurs de l'économie sociale et solidaire sont foncièrement imbriqués dans le

territoire car leur système repose notamment sur des partenariats locaux2. Mais surtout eux-

mêmes sont des acteurs de la promotion du territoire3. La territorialisation de cette

économie responsable associée à une transparence totale entre les acteurs permet non

seulement de construire des réseaux et de réduire ses coûts par une dynamique

collaborative durable, mais elle est aussi source d'innovations.

Le territoire constitue une garantie de stabilité, tandis que la collaboration reposant

sur l'intelligence collective est source de création et d'inventivité. Le circuit de production

des acteurs de Darwin se voit donc sécurisé et plus compétitif.

B) Une économie de fonctionnalité aux vertus sociales et environnementales

1) Le bien-être des membres comme souci premier des fondateurs

La démarche Négawatt de Darwin s'appuie autant sur le volet environnemental que

sur le volet social. Pour se faire les darwiniens ont mis en place une « commission Mieux-

Être » qui est amenée à repenser l'eco-système pour le rendre plus humain et proche des

besoins autant physiques que psychiques de chacun. Le sport est par ailleurs un des moyen

de la cohésion sociale au sein du groupe. Le collectif des « Marins de La Lune » est une

1 Ce sont des membres effectifs du projet.

2 A l'image des acteurs de la construction en partenariat avec la filière du bois très importante sur la région d'Aquitaine, qui peuvent alors constituer des partenariats durables.

3 NDIAYE Abdourahmane, Clusters, EcoQuartiers, innovation sociale et Economie Sociale et Solidaire : le cas du projet Darwin l’Eco-Système à Bordeaux,Op. Cit., p. 2.

90

Page 91: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

association de sports nautiques qui propose de nombreuses activités sur la Garonne1.

D'autres hobbies comme des ateliers culinaires permettent à chacun de trouver son secteur

d'épanouissement en dehors de l'activité professionnelle. Aussi, le « Bivouac » installé

dans le Petit Entrepôt diffuse une large programmation de sports « lents » et des techniques

alternatives pour décompresser et être en osmose avec son corps2. Cette programmation est

tant pour les adultes que pour les enfants, qui peuvent participer à de nombreuses activités

récréatives. Darwin ne se veut donc pas seulement un espace de travail et de production

mais englobe le quotidien de ses membres pour le rendre optimal et favoriser des

interactions multiples. Le stress du monde contemporain n'a pas sa place à Bastide-Niel et

la Conciergerie Solidaire se charge de nombreuses tâches pour rééquilibrer vie

professionnelle et personnelle : gestion du courrier, mise à disposition de vélo, massages,

gardiennage, entretien de voiture, baby-sitting, aide à la personne, ménage, jardinage,

bricolage, etc. Le concept de Conciergerie Solidaire remporte tellement de succès qu'il a

été exporté.

2) De la création d'emploi à l'insertion professionnelle : un nouveau modèle social

Sylvain Lepainteur en charge de la Conciergerie mise aussi sur la réinsertion en

employant les salariés les plus éloignés de l'emploi. En effet, les darwiniens estiment aussi

que la réinsertion des personnes éloignées de l'emploi est une priorité. Tout type

d'organisme apte à employer des personnes est alors sollicité, c'est pourquoi Darwin a

systématiquement recours à la clause d'insertion3. Pour la rénovation des bâtiments de la

Caserne Niel, les fondateurs ont oeuvré pour que les entreprises y participant mettent en

place un programme de réinsertion professionnelle en embauchant des publics précarisés.

Au total il y eut 15 bénéficiaires pour le programme avec près de 80% de jeunes de moins

de 26 ans. De même que les instigateurs du projet des Magasins Généreux souhaitent faire

de la construction une opportunité de réintégration à la fois pour les chômeurs de longue

durée mais aussi pour une communauté stigmatisée en France : les Roms. Aussi, la

1 Pirogue hawaïenne, stand up paddle, paddle board, canoë-kayak, aviron, petits voiliers, surf.2 LEMAIRE Sabine, « Le Bivouac prend ses marques à Darwin », Bordeaux 7, 13/09/2014,

<http://Bordeaux7.com/Bordeaux-actu/49-actu/12240-2014-09-11-22-02-33>.3 HAZARD Nicolas, « A Bordeaux, Darwin met l’innovation au service de l’évolution et de l’emploi », Le

Monde, 14/01/2015, <www.lemonde.fr/emploi/article/2015/01/14/a-Bordeaux-darwin-met-l-innovation-au-service-de-l-evolution-et-de-l-emploi_4556290_1698637.html#UYphYsgB8s9Q17F5.9>.

91

Page 92: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Conciergerie Solidaire embauche des salariés issus de programme de réinsertion d'une

durée de 2 ans maximum1, notamment des personnes handicapées ou en difficulté.

Par ailleurs, le projet a permis à de petites entreprises de s'implanter dans un

environnement favorable à la coopération, et de nombreux projets ont pu naître grâce à

cette démarche. À terme, l'écosystème Darwin devrait générer environ 500 emplois parmi

les 150 organisations participantes.

Cette démarche reste certes très localisée et ne bénéficie qu'à un nombre réduit de

personnes, cependant l'objectif pour Darwin est de montrer l'exemple en diffusant cette

action. Les fondateurs jouent ici un rôle de managers pour entraîner les occupants à

prendre en compte leur responsabilité sociale.

3) Un accès facilité aux services vertueux pour l'environnement

Mobiliser les occupants pour les inscrire dans une démarche exemplaire n'est pas aisé

pour le groupe de Darwin. En effet, la transition écologique repose beaucoup sur l'effort

des personnes qui fréquentent le lieu, or tous n'avaient pas forcément un sens aigu de

l'écologie lors de leur arrivée à Darwin. De fait, encourager le personnel nécessite toute

une stratégie à la fois pédagogique mais aussi d'accessibilité.

La mise à disposition d'une flotte de vélo par la Conciergerie Solidaire est une

condition sine qua none du développement des mobilités douces. D’autant que le parc vélo

en libre disposition de Bordeaux est relativement éloigné de la Caserne Niel et le manque

de desserte de transports en commun encourage plutôt à prendre sa voiture personnelle.

En outre, le réfectoire du Magasin Général met à disposition une alimentation saine

et biologique en partenariat avec l'épicerie bio, un torréfacteur (Arthur l'Alchimiste), ainsi

qu'une boulangerie locale. Les usagers s’inscrivent alors facilement dans une démarche de

consommation responsable et peuvent se ravitailler dans une épicerie fournie

1 DELPECH Jonathan, La Conciergerie Solidaire : des services aux salariés, Fiche d’expérience, 04/02/2013, La Conciergerie Solidaire, <http://aquitaine-pqa.fr/index.php/base-dexperiences/item/1391>.

92

Page 93: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

quotidiennement.

Ces deux exemples montrent comment Darwin optimise un système pour encourager

ses utilisateurs. Le but est de pallier à une critique souvent faite aux écoquartiers : d'une

part l'écologie apparaît comme une contrainte pour les habitants et d'autre part, une fois

sortie de leur quartier ces derniers polluent encore plus à l'extérieur (en rejoignant leur

travail en voiture ou faisant leurs courses dans un hyper-marché dont la responsabilité

environnementale et sociale est douteuse).

C) La promotion d'un produit pour un nouveau paradigme de mode de vie :

changer les mentalités et « faire société »

« D’un côté on peut dire que la ville a gagné quasiment l’ensemble du territoire, mais en

même temps elle a perdu son urbanité, c’est-à-dire ce qui faisait que c’était une ville. Nous

ne sommes pas arrivés à créer un nouveau savoir-vivre ensemble. »1

1) L'esprit de Darwin : une gouvernance réellement collective

En 2010, les fondateurs de Darwin crée la structure juridique qui va héberger le

projet : une Société par Actions Simplifiées, d'où l’appellation SAS Darwin. Cette forme

de structure laisse une plus grande liberté aux entrepreneurs qu'une société anonyme. En

effet, cette administration distingue les apports en capitaux, du pouvoir de décision et est

associée à trois autres mécanismes permettant une meilleure gouvernance au sein des

Darwinien : Le bail vert, la programmation dynamique (dialogue compétitif) et enfin la

communication (presse, internet, conférences, ateliers, etc.)2.

La dynamique participative de Darwin est double : d’une part, sur le plan interne la

gouvernance se partage entre tous les acteurs du groupe, et d’autre part, un acteur externe

1 MENDRAS Henri repris par FORET Catherine, Op. Cit., p. 9.2 Négocier pour expérimenter : fabriquer les espaces publics, (dir. GODIER patrice), Op. Cit., p. 146.

93

Page 94: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

peut faire valoir son opinion. En effet, les fondateurs ont voulu un projet en réajustement

permanent avec deux scènes publiques pour faire avancer la négociation : la Caserne Niel

qui est toujours ouverte et un site internet très actualisé et ouvert à toute proposition ce qui

permet une imbrication entre usagers et gestionnaires. Les fondateurs se sont révélés de

véritables « managers intégrateurs » pour insuffler une gouvernance collective1. Les

prérogatives sont diluées entre les personnes impliquées dans la structure: organisation

évènementielle, investissement commun de matériels, partage des locaux, workshop,

ateliers, etc. De nombreux outils ont été inventés au fur et à mesure pour l'améliorer à

l’instar de la convention de groupement vert appelée « Darwin Green Team » qui organise

la participation et l'action collective en déterminant des objectifs environnementaux à

atteindre ensemble.

2) Nouveau symbole de la cohésion sociale : des institutions pour recréer du lien social

En dépit de leur hétérogénéité ces acteurs se rassemblent sur un point : l'innovation

au cœur d'un processus citoyen respectueux de l'environnement. Le projet Darwin permet

de mobiliser des acteurs diverses pour une éco-citoyenneté à l'instar de la Conciergerie

Solidaire. Cette dernière est à l'origine de nombreux évènements citoyens comme des

collectes de vêtements, de piles, de jouets, de livres, ou encore de collectes de fonds pour

les sans-abris. Mais elle est aussi une structure en place afin de favoriser le bien-être de ses

usagers : atelier bien-être, ménage, coiffure, baby-sitting , etc2.

En outre, pour encourager les interactions entre les entrepreneurs du site, des speed-

dating sont organisés. Lors de la « Darweek »3 du 16 au 20 juin, des ateliers, rencontres et

coworking ont été répartis sur quatre jours autant à l'attention des entrepreneurs que des

publics.

Aussi, une banque du temps a été mise en place. Il s'agit d'échanger des services et

biens, sans contrepartie monétaire, sur la stricte unité du « temps » consacré au service.

Cela facilite donc les interactions dans une espace restreint. Des institutions mais aussi des

1 Négocier pour expérimenter : fabriquer les espaces publics, (dir. GODIER patrice), Op. Cit., p. 156.

2 Site de la Conciergerie Solidaire de Darwin, <www.conciergerie-solidaire.fr/nos-offres/quartier>.3 Événement organisé par les fondateurs pour faire connaître le site de Darwin.

94

Page 95: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

moments sont donc mis en place dans le seul but de favoriser les échanges.

3) Un relai pour des associations ou évènements « populaires » et sociaux

Pour sensibiliser le grand public, les happenings verts ou populaires sont un outil

d’éducation et de communication infaillible. Pour cela de nombreux partenariats sont

réalisés et « Surfrider Foundation Europe », association de protection des océans, est un de

leur plus fidèle. Ils participent alors conjointement à l’organisation de conférences

largement diffusées dans la ville via internet et des prospectus, à l'image de « Économie

Circulaire : Mythe ou Réalité ? »1. Ces conférences permettent à Darwin de diffuser ses

valeurs écologistes. Experts de la communication, les darwiniens optent pour des

rencontres qui sont souvent suivies d’un concert ou d’un apéritif, pour attirer des plus

convaincus au moins engagés. Aussi, le festival Emmaüs ainsi que le forum de la cohésion

sociale et territoriale y ont été organisés, Darwin est devenu un repère des valeurs

collectives.

Pour soutenir les approches innovantes, Les 24 heures de l'Innovation Social, un

concours étudiant centré sur l'économie sociale et solidaire, fut organisé dans les locaux de

Darwin par des étudiants de Sciences Po Bordeaux. En groupe, des étudiants doivent

réfléchir sur des projets portant économie circulaire, consommation responsable, centre-

périphérie, mobilité douce, culture et éducation populaire, tandis que des professionnels

viennent les soutenir. Après avoir passé une nuit entière à réaliser un business plan les

étudiants présentent leur projet devant un jury qui par la suite leur attribuera un prix.

L'espace de Darwin n'est cependant qu'un hôte de cet événement, qui est entièrement mis

en place par les étudiants et pour les étudiants. Darwin soutient donc des projets très

diverses et constitue une plateforme pour des nombreux acteurs du territoires,

institutionnalisés ou non.

Renforcer les interactions sociales est donc à la fois un but et moyen pour le projet

Darwin. La vertu environnementale des bâtiments et des produits ne résume donc pas la

1 Aussi : « La ville de demain, Transitions urbaines et Mobilités », « Gaspillage alimentaire : chasse ouverte », « Le numérique au coeur de l’innovation sociale », etc.

95

Page 96: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

démarche du projet qui est bien plus globale. Son fonctionnement repose sur l'intelligence

collective et l'effort commun sans lequel tout le projet s'effondrerait. Il inscrit donc chaque

usager dans une démarche exemplaire et favorise les externalités positives : insertion

professionnelle, service de proximité, etc. Les fondateurs du projet Darwin le pense

comme une plateforme citoyenne, culturelle et écologique et se voient comme des

managers aptes à accompagner chacun dans cette démarche. Au final, le projet Darwin

s'assimile à un service urbain multi-dimensionnel qui crée une dynamique unique et

constitue un pôle dans la ville d'où son insertion dans un projet de grande envergure.

II) Une approche expérimentale de l' écoquartier Bastide-Niel

Si Darwin impulse une nouvelle dynamique urbaine autour des activités créatives et

citoyennes, le management public-privé est source de tensions entre les acteurs des projets.

Le projet unique et audacieux intègre un vaste chantier d'écoquartier qui ne joue pas sur le

même plan. La complexité de cette imbrication entre public et privé est à la fois politique

et technique. En effet, le risque d'un écoquartier d'une telle ampleur est sa technicisation et

l'éviction citoyenne qui en résulte. Si Darwin a réussi à y échapper, c'est par la portion

minime de territoire qu'il concerne. Ces enjeux de pilotage entre public-privé et

participation démocratique sont en vérité les clés de la gouvernance qui attend les

territoires pour le XXIème siècle.

A) La construction d'une identité de quartier via les industries créatives et la

sociabilité

1) Réaménagement d'un art de vivre autour des activités créatives et citoyennes

Se définissant comme un projet multi-forme, Darwin reconstitue un art de vivre total,

notamment autour de la culture et de la création. L'organisation est telle que l'économie

créative alliée à la culture recrée une forme de bien-vivre quotidien : du torréfacteur pour

le café du matin, aux chantiers de la Garonne pour se défouler dans une activité

associatives. En effet, les locaux de Darwin réunissent des acteurs de la communication, du

design, de l'architecture, des NTIC, du conseil en environnement, des starts-up, ou encore

96

Page 97: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

des acteurs de l'économie sociale et solidaire.

L'aménagement prochainement prévu de Pola poursuit cette dynamique. La

fédération regroupe une grande variété de structures allant de l'édition (l'Arbre Vengeur) à

l'architecture (La nouvelle agence), en passant par la photographie (Le Labo, révélateur

d'images) ou encore la sérigraphie (L'Insoleuse). Le but est de favoriser l'émulation et

l'apprentissage collectif tout en partageant cette expérience avec le plus large public

possible. Elle rend donc accessible la culture à tous les habitants de Bordeaux en facilitant

la rencontre entre l'oeuvre et le public et dans le même temps en soutenant l'artiste. Si la

Fabrique n'est pas encore installée, elle s'inscrit dans le dessein de Darwin d'ouverture au

territoire et de partage de la culture, savoirs, et équipements. La culture est alors réintégrée

et accessible dans le quotidien de tous.

2) Darwin au défi de l'urbanité

L’initiative darwinienne permet l’émergence d’une nouvelle forme d’urbanité. En

effet, selon Isaac Joseph1, l’urbanité n’est pas le fruit d’une législation type Voynet sur les

conseils de quartier, mais c’est un véritable travail de la société urbaine, hétérogène par

essence, sur elle-même. C'est ce que les darwiniens tentent de recréer : le « savoir-vivre

ensemble »2 par l'optimisation de la morphologie urbaine afin de favoriser les interactions

entre citadins très différents. Au-delà de l'imbrication fonctionnelle et le fait de vivre « les

uns à côté des autres », l’organisation de l’espace de la Caserne est très ouvert. Le hall et

le restaurant favorisent les échanges entre des usagers diversifiés. Cette nouvelle forme de

sociabilité repose sur trois piliers : la citoyenneté en tant que participation à un espace

politique urbain ouvert à l'altérité, la mobilité condition de naissance de la ville en tant

qu'espace pluriel et enfin l'hospitalité du tissu urbain (offre structurelle mais aussi accueil

des citadin par une culture ouverte)3. Darwin est un succès en terme de citoyenneté et

d'hospitalité avec un effort d'ouverture, de diversité et une offre d'infrastructures et de

services optimaux. Cependant, le manque de mobilité pour connecter le lieu au reste des

1 Repris par FORET Catherine, Urbanité : une manière de faire société mise à l’épreuve par la fragmentation urbaine, Centre de ressources prospectives de Lyon, 2010, p. 2.

2 MENDRAS Henri repris par FORET Catherine, Op. Cit., p. 8.3 FORET Catherine, Op. Cit., pp. 9-12.

97

Page 98: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

espaces culturels de Bordeaux fait défaut. Ce « petite village de Bordeaux »1 récrée donc

une forme d'urbanité à l'échelle de un hectare.

3) Le numérique comme outil de diffusion et de pratique.

En outre, s'ils revendiquent une ville frugale et sobre, les fondateurs défendent le

numérique comme outil d'une ville en transition. Ils souhaitent actuellement mettre en

place un projet de « digitoire »2 encore appelé « Living Lab » . Ce dernier constitue une

sorte de laboratoire où le numérique est au service du territoire et du citoyen et permet de

mettre en réseau des initiatives locales le plus souvent centrées sur les NTIC. Le « Living

Lab » représente donc un atelier commun numérique : les citoyens deviennent à la fois

consommateurs et producteurs. Ce système ultra-moderne ouvre les perspectives de la

collaboration et capte des publics variés. Il s'agit en fait d'ouvrir l'innovation au quotidien,

de la tester directement tout en constituant des réseaux très vastes. Ce nouveau projet n'est

qu'un embryon né en juillet 2014 mais ouvre de nouvelles perspectives pour la

démocratisation de l'innovation et des loisirs en ville. Les instigateurs de Darwin font donc

de la connaissance un bien commun et repensent le principe du brevet et de la propriété.

B) Un îlot né d'une inversion des échelles et des temporalités, source de

difficultés de coordination

1) Face à des normes trop rigides, l'occupation de fait

Loin de s’inscrire dans la norme, les darwiniens font parler d’eux en permanence par

leurs techniques peu communes. De « la face squattée de Darwin »3 à ses coups de force

médiatiques, Darwin a su s’imposer aux autorités publiques locales. Les fondateurs

renversent l'autorité en posant leur première pierre illégalement dans un Hangar pour en

1 Propos de Winy Maas repris dans « Bastide Niel et Darwin », Blog Cahier entre deux mers, 13/01/2013,

<www.cahiers-entre-deux-mers.fr/2013/01/bastide-niel-et-darwin>.2 PISANI Francis, Un « "cahier des possibilités" de l'innovation sociale », La Tribune, 22/12/2014,

<www.latribune.fr/blogs/aux-coeurs-de-l-innovation/20141222trib59bd3c1cc/un-cahier-des-possibilites-de-l-innovation-sociale.html>.

3 PICHON Stéphanie, « La face squattée de Darwin », Rue89 Bordeaux, 12/03/2015, <http://rue89Bordeaux.com/2015/03/face-squattee-darwin>.

98

Page 99: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

faire un skatepark : ici les cultures urbaines prolifèrent alors qu’à l’origine ce projet ne

devait durer que quelques mois. En effet, le bâtiment n’étant pas aux normes, la CUB

voulait, il y a 3 ans encore, raser ce bâti. Cependant, la persévérance des darwiniens et des

amateurs de glisse pressa une autorisation d'occupation temporaire.

La CUB soutient aujourd'hui ce projet en dépit de son caractère clandestin

puisqu’elle a fourni des subventions à hauteur de 150 000 euros, ce qui a permis de couvrir

80% du montant des travaux de mise aux normes, réalisés en 2013. Les méthodes

d’aménagement de Darwin ont toujours été à la limite de l’acceptable pour cette dernière,

en dehors de certains règlements rigides : installations éphémères, bâtiments hors normes,

réunions organisées sans autorisation, etc.

Darwin repose sur un financement hybride et sa viabilité économique nécessite une

action très rapide1. En effet, entre les banques et les usagers du site, s'installer hâtivement

pour à la fois être rentable mais aussi se légitimer face à la CUB incombait aux

instigateurs. Les différentiels de temporalité entre le temps long du projet urbain de

Bastide-Niel et le temps court nécessaire pour l'implantation de Darwin fut donc source de

conflits.

En outre, de telles méthodes peuvent pousser la collectivité à craindre une

sédentarisation en ZAD2. Ces techniques peu orthodoxes sont donc constitutives de

l’identité de Darwin qui s’est créée dans une logique de « Bottom-up » : une action de la

société civile à même de pousser une administration à évoluer. Cependant, pour la CUB la

réalisation d'une ZAC se fait sur un temps très long, d'autant plus que celle-ci dépend des

négociations et accords trouvés avec toutes les parties prenantes. Darwin a donc dû trouver

un équilibre mais surtout faire pression sur les autorités publiques.

2) Les limites d'un projet phare : une occupation temporaire risquée

En dépit de cette aura internationale, et d'un soutien important de la Mairie3, le

1 Propos recueillis lors d'un entretien avec Jean-Marc Gancille.

2 Zone à défendre qui sont des domaines de lutte et de squat.3 La Marie de Bordeaux a versé 150,000 € de subventions pour les travaux de rénovation du Hangar.

99

Page 100: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Hangar est voué à disparaître. L'association « BMX Bandits »1, locataire d'une partie des

lieux, doit déménager pour libérer sa partie du Hangar d'ici l'été 2015. Elle pourra

néanmoins partager temporairement une autre parcelle du Hangar avec les skateurs de la

Brigade. Si la réunion trimestrielle d'un comité de gouvernance est censée concilier les

besoins présents de Darwin et ceux du futur quartier, dans le cas du Hangar,

l'harmonisation est difficile. En effet, il bénéficie d'une AOT qui a été renouvelée jusqu'en

décembre 2015. Suite à ce délai, les occupants sont censés laisser le lieu pour laisser place

à un aménagement public : le parking silo de l'écoquartier. Ce chevauchement entre projet

privé et projet public crée de nombreuses tensions, et Philippe Barre, tout comme les

sportifs du Hangar, mobilisent régulièrement les médias. L'ambigüité et l'instabilité règne

toujours sur le Hangar de Darwin depuis sa création en 2011.

3) Renversement de l'autorité entre promoteur et collectivités

Des promoteurs immobiliers classiques auraient produit un argumentaire pour faire

valoir leurs intérêts auprès de la collectivité dans le but que celle-ci valide leur projet.

Darwin n'entend pas utiliser cette technique, mais mener une collaboration fructueuse et

réactualisée en permanence. En effet, plutôt qu'un urbanisme de procédure rigide, où les

conditions se fixent au préalable de la réalisation, s'est installé un urbanisme opérationnel

de projet. Les projet sont nés de la concertation sur le terrain. Darwin, les collectivités et

les citoyens se sont consultés en permanence pour déterminer les conditions de

construction à chaque étape et pour chaque partie du projet. Le mode de collaboration est

donc essentiellement interactif ce qui instaure un climat de confiance. Les partenariats

public-privé ne sont pas un modèle unique mais se multiplient en une multitude de

collaborations possibles, adaptables selon les contextes. L'argumentaire interactif de

Darwin repose cependant sur une forte volonté des dirigeants. À l'heure actuelle, ils ont

réalisé plus de 12 000 présentations du projet. Le but n'est pas seulement d'avoir un accord

avec la collectivité mais d'avoir un accord tacite et donc une grande légitimité pour tous les

acteurs du territoire mais aussi de partenaires inter-territoriaux.

1 PICHON Stéphanie, Art. Cit.

100

Page 101: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

C) Intégration et participation de Darwin dans son futur quartier : difficultés

de l'émergence d'un projet privé dans un espace public

1) Du cluster à l'écoquartier : conflit sur les formes urbaines avec le promoteur

immobilier

En Avril 2010, Winy Maas de l'agence hollandaise MVRDV est désigné comme

architecte-urbaniste en charge de la maîtrise d'ouvrage pour réaliser le plan guide

d'aménagement1. Ce dernier est un personnage éminent dans le monde de l'architecture et

la conclusion d'un contrat pour les neuf années suivantes apparaît comme une chance pour

Bordeaux.

Son origine hollandaise et sa technique « monolithique et iconoclaste »2 influent les

formes urbaines qu'il fixe dans son cahier des charges. Certains frondeurs le considèrent

comme « démesuré » par rapport au budget de départ fixé. Par ailleurs, les Magasins

Généreux, gagnés par Darwin en septembre 2014, sont un point d'achoppement particulier

puisque Darwin doit conformer ses travaux au cahier des charges du groupe Hollandais3.

Cette schizophrénie, entre contrat conclu et Darwin installé, ne peut être réglée sans

l'organisation de rencontres entre les deux acteurs pour initier un dialogue et donc trouver

un compromis. Les consultations publiques sur le projet urbain sont certes participatives

mais la voix de Darwin ne compte pas plus que celle d'un autre citoyen, ne disposant

d'aucun traitement de faveur alors même qu'ils sont déjà installés sur la zone. Les deux

projets divergent fondamentalement et une entente entre cet architecte et le groupe Darwin

est difficile : d'une part, Darwin se veut un projet non figé et ajusté en permanence aux

besoins des usagers alors même que le projet de l'architecte hollandais se doit d'être fixé

pour débuter les travaux. D''autre part, les deux acteurs ne jouent pas sur le même

périmètre, il est donc difficile pour Darwin de s'imposer sur une portion minime. En effet,

Winy Maas conceptualise un projet de 335 500 m² de surface de plancher, avec 144 îlots

1 Guide de présentation du projet de Bastide-Niel consultable en ligne,<www.Bordeaux2030.fr/Bordeaux-

demain/niel>.2 Propos recueillis lors d'un entretien téléphonique avec une personne souhaitant rester anonyme.

3 BAUSDECHER Laurie, « Caserne Niel à Bordeaux : le petit poucet a gagné », Sud Ouest, 26/09/2014, <www.Sudouest.fr/2014/09/26/le-petit-poucet-a-gagne-1683760-2780.php>.

101

Page 102: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

spécialisés. Toutefois, l'insatisfaction de Darwin quant au projet urbain n'est pas exclusive :

les habitants du quartier en témoignent1. Les inquiétudes se portent sur le manque

d'harmonie entre des bâtiments de taille colossal et des quartiers historiques d'échoppes de

niveau très bas, ainsi que sur le manque de places de stationnement prévues.

2) D'une façade pluraliste et participative à la constitution d'une élite décisionnelle

plurielle et technocratique

Les efforts de la CUB, aujourd’hui Bordeaux Métropole, pour accentuer la

dimension participative du projet sont notables : site internet dédié à la concertation,

ateliers réguliers, projet urbain décidé collectivement, exposition publique du projet urbain,

délibérations communautaires réunissant entre 150 et 200 personnes systématiquement

publiées sur le site internet, visites de terrain régulières avec des groupes de travaux de 20

à 30 personnes, etc. En effet, les bastidiens ont la particularité d’être particulièrement

impliqués dans le futur de leur quartier du fait de la très forte identité des bâtiments qu'ils

affectionnent. En témoignent par ailleurs les forums internets sur lesquels ils expriment

leurs avis2, ainsi que leur présence lors des ateliers organisés. La dynamique Bottom-up

1 Ces craintes ont été confirmées par des entretiens personnelles ainsi que par les avis sur le site de la délibération de Bordeaux Métropole (http://participation.Bordeaux-metropole.fr/concertation/grands-

projets/bastide-niel/voir-les-avis+a2432), ainsi que sur un forum public (http://www.pss-archi.eu/forum/viewtopic.php?id=28193&p=26).

2 Forum de plus de 30 pages avec une actualisation permanente depuis 2007 jusqu'à aujourd'hui, <www.pss-archi.eu/forum/viewtopic.php?id=28193&p=26>.

102

Illustration 18 : Le concept urbain du projet deWiny Maas

La réappropriation de l’identité bordelaise aété étudié de près par Winy Mass qui l’a alors

nommée « la Ville intime » c’est-à-dire desrues étroites et des croisements à même degarantir la continuité dans le tissu urbain

historique de Bordeaux.

Source : <www.Bordeaux2030.fr/Bordeaux-demain/niel/concept-urbain>

Page 103: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

insufflée par Darwin a renforcé à Bastide-Niel l'expression citoyenne.

Cependant, cette plateforme citoyenne est paradoxale et il est difficile pour

l'administration en charge du projet de trancher entre les avis : intérêt individuel des

habitants face à l'intérêt général de la communauté bordelaise ou encore logique sectorielle

des architectes en conflit avec celle des promoteurs avec une identité territoriale forte. Ce

paradoxe Christel Bosc le relève en l'identifiant comme une contradiction fondamentale de

l'urbanisme durable : la ville durable est une utopie urbaine collective abstraite, et elle fait

face à un cadre opérationnel réaliste différent1. Ce sont alors les écoquartiers qui pilotent la

gouvernance difficile entre ces deux logiques concurrentes. D'autant que la régulation est

difficile face à la généralisation des projets d'écoquartiers, phénomène qui tend à les

standardiser et à les éloigner de leur base locale.

En outre, la réalisation de la ZAC Bastide-Niel, par son ampleur, nécessite une

batterie d'acteurs importante : ces derniers, spécialisés dans leur domaine, portent un

discours technique qui peut apparaître comme illisible aux habitants et riverains du

quartiers. D'une part, les débats de plus en plus complexes, tendent à fonctionner en cercle

fermé pour répondre à des exigences d'efficacité, et d'autre part les citoyens s'auto-

excluent. Ainsi, au fur et à mesure que le projet se complexifie, les habitants semblent se

retirer des discussions. Par exemple, la mise à disposition publique de l'étude d'impact de

l'écoquartier de Bastide-Niel, pourtant largement accessible sur internet, n'a suscité qu'un

seul avis2.

3) Des acteurs pour les usages : une démarche volontaire difficilement diffusable

La grande critique formulée contre les écoquartiers sont leur standardisation depuis

une dizaine d'années entrainant des « difficultés à respecter les injonctions

comportementales »3. De tels projets reposant sur l'efficience écologique des bâtiments se

1 Théorie de Christel Bosc repris dans : BLANC Maurice, HAMMAN Philippe, Art. Cit., p. 2.

2 ZAC Bastide-Niel : Bilan de la mise à disposition du public de l'étude d'impact, Bordeaux Métropole Participation, 24/04/2014, <http://participation.lacub.fr/IMG/pdf/bastide-niel/Etude-Impact/bilan-mise-a-

disposition.pdf>.3 RENAULD Vincent, Fabrication et usages des écoquartiers: essai critique sur la généralisation et de

l’aménagement durable en France, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2014, p.9.

103

Page 104: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

fondent dans le même temps sur le comportement plus ou moins vertueux des utilisateurs.

La forme et les usages du lieux sont souvent standardisés et se révèlent une contrainte pour

les utilisateurs : l'espace privé disparaît au profit d'un espace organisé et fonctionnel où

l'habitant est logé. Dans cette idée, les expert conçoivent des espaces en repensant l'

« homme durable » comme une abstraction, un idéal-type capable de s'adapter à son nouvel

environnement. Le plus grand défi est alors de développer des outils et une pédagogie à

même de faire intérioriser par le consommateur les nouvelles contraintes techniques du

logis.

Pour mettre en exergue ces difficultés Vincent Renauld dresse un processus de

différenciation entre fabrication et usage des écoquartiers. Au cours de la fabrication, les

concepteurs utilisent une « figure implicite »1 pour imaginer l'utilisation des lieux. Elle est

ensuite traduite dans une « figure explicite » qui représente les comportements attendus par

les usages finaux, grâce à des outils de traduction pédagogiques, à l'instar du guide

d'occupation des bâtiments de la Caserne Niel réalisé à cet effet par Jean-Marc Gancille.

D'autant que chaque groupe a ses propres représentations et la généralisation est

1 RENAULD Vincent, Op. Cit., p. 50.

104

Illustration 19 : « La projection sociale de l'usager dans la fabrication urbaine »On constate une coupure entre l'usager qui est pensé lors de la conception et l'usager dans sa réalité.

Des « experts éducateurs » sont alors nécessaires pour éduquer l'habitant à son logis. Source : Fabrication et usage des écoquartiers, Renauld

Page 105: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

difficile. Ainsi, la base du projet de Darwin se composant d'un nombre restreint d'usagers

permet des comportement de mimétisme1 ainsi qu'une pédagogie pesant sur les choix de

chacun. L’agrandissement du projet avec les Magasins Généreux Sud et l'arrivée des

premiers habitants de l'écoquartier va donc poser la question d'une plus grande adaptabilité

des équipements aux usagers pour éviter les « hiatus entre innovations techniques et

usages sociaux »2.

En dépit d'une volonté citoyenne de refonder urbanité et modèle de production, les

écoquartiers triment à s'imposer. Darwin semble réussir à refonder un modèle urbain, plus

humain et ouvert, mais reste une initiative très locale et surtout instable. Le projet de ZAC

d e Bastide-Niel étant en pleine réalisation, Darwin joue sur une autre temporalité mais

aussi sur une autre échelle ce qui complique le jeu stratégique. Cette conceptualisation des

dynamiques urbaines durables amène cependant à questionner les finalités des nouvelles

idéologies, qu'elles soient privées (Darwin) ou publiques (Bastide-Niel).

III) Les enjeux écologiques et éthiques: centre ou périphérie d'un projet

« responsable »?

Avant de spéculer sur un nouveau modèle urbain à promouvoir, la réalité de Darwin

est avant tout d'être un projet économique et privé. Loin d'être de purs philanthropes, les

fondateurs doivent assurer la viabilité économique de leur système. Cette démarche

atypique ne constitue donc pas une utopie exportable à l'infini mais un modèle pragmatique

et moderne. Il est donc un équilibre entre stratégie marketing et grandes problématiques

urbaines. Il apporte une réponse à des enjeux locaux et contemporains mais ne saurait se

substituer à un modèle urbain normé et généralisé.

1 Dans une portion de quartier comme Darwin ne pas respecter les comportements vertueux seraient trop ostentatoire et déviant par rapport à la norme du groupe, se conformer au comportement majoritaire qui

est une responsabilisation environnementale forte est plus commode.2 RENAULD Vincent, Op. Cit., p. 91.

105

Page 106: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

A) La réalité sur les projets urbains durables, « habits verts de

l'urbanisme capitaliste » ? J.-P. Garnier

1) Une nouvelle communication sur des projets immobiliers banals ?

Ces projets durables et responsables serait-il une utopie, un projet politique nouveau ?

La multiplication des projets de régénération de friches industrielles, par des groupes

privés, dans l'économie de la connaissance pose la question des finalités d'autant qu'ils

renversent le processus normal de construction en écartant les promoteurs immobiliers

traditionnels. Le concept marketing d'économie créative associé au concept de territorialité

avec l'économie sociale et solidaire est à la mode. La profusion de ces desseins durables

permet de redorer le blason d'un urbanisme déchanté avec les crises urbaines dues à

l'étalement, des banlieues mal gérées sans politique cohérente et une ségrégation spatiale

chaque jour plus poussée.

Ainsi, sont souvent assignés à ces projets les termes de « révolution urbaine » ou de

« nouveau paradigme ». Cependant, selon Vincent Renauld, il serait en continuité avec

l'idéologie moderniste à l'image du célèbre urbaniste Le Corbusier1. L'homme moderne fut

logé dans de grands ensembles, des logements de masse, qui répondaient à des critères de

fonctionnalité, d'hygiénisme et d'esthétique. Ces logements modernes entrainaient la

disparition de l'espace privé qui était alors standardisé et reproduit à l'instar d'un bien

industriel. Le même processus serait actuellement en train de se reproduire avec les projets

de quartiers durables selon Vincent Renauld : est repensé un lieu qui, par asymétrie à

l'activité professionnelle, doit permettre à l'homme de se récréer avec des loisirs et du

repos. Cet espace public doit garantir la « quiétude » nécessaire à une « homme durable et

bucolique »2. Ces pratiques sociales sont alors standardisées et l'homme ne s'approprie plus

le lieu, mais se fait loger par des experts ayant conçu un espace idéal. Les concepts de

durable ou créatif cacheraient donc une continuité idéologique de standardisation des

formes urbaines, difficile à assumer en temps de crise mais qui permettrait de renouveler

l'offre en innovation du territoire pour rester compétitif. Néanmoins, Bastide-Niel et

1 RENAULD Vincent, Op. Cit. p. 105.2 Idem. pp. 59-64.

106

Page 107: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Darwin se veulent des modèles tertiaires donc actifs et non pas seulement « bucoliques »1.

Les efforts faits sur l'activité culturelle et les surcoûts entrainés par la rénovation

énergétique des bâtiments semblent aller au-delà d'une stratégie marketing à l'image

d'autres villes qui font de leurs écoquartiers des objets de promotion du territoire.

Toutefois, l'impact en terme de qualité sociale et environnementale du projet Darwin,

est indéniable et ne porte préjudice qu'aux modèles urbains obsolescents qui ne sauraient

affronter une telle concurrence.

2) La réalité sur le respect des normes écologiques : tirer des leçons des comparaisons.

En outre, si la pensée utopiste des écoquartiers concevait que la « virtuosité »2 des

habitants suffirait pour qu'ils s'adaptent aux innovations techniques, ils s'avèrent que ces

populations ressentent leur environnement comme une contrainte plus qu'un art de vivre.

L'enjeu est alors de repenser en permanence le système de l'îlot urbain pour l'adapter aux

besoins des usagers, ce que Darwin tente d'intégrer comme une exigence quotidienne.

Le premier écoquartier labellisé dans l'ancienne caserne militaire de Bonne à

Grenoble fait face à ce problème. En effet, la présence d'insectes, l'impossibilité de laver le

sol écologique avec des produits ménagers, le système de chauffage collectif, etc. in-

confortent les habitants. D'où l'intérêt de fonder l'habitat avec la participation des futurs

usagers. Sans quoi les normes écologiques fixées en amont ne seront pas respectées par la

suite.

Aussi, pour éviter des allers-retours polluants dans la ville, une déserte de transports

est fondamentale, tout autant que la mise à disposition d'un large panel de services de

proximité. Les failles des écoquartiers construits depuis une vingtaine d'années reposent

souvent sur une difficulté à mettre sur un plan égal la parole des architectes (côté

esthétique), des ingénieurs (énergétique, etc.) et des habitants (usages et désirs).

1 RENAULD Vincent, Op. Cit., p. 59.2 Entendue comme les efforts d'adaptation dans l'objectif d'avoir un comportement conforme aux normes.

107

Page 108: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3) La nouvelle donne des « hipsters »3 ?

En terme d'image, si les fondateurs du projet sont décrits comme des « bobos » par

les médias, le public évènementiel de Darwin lui est souvent stigmatisé comme « hipster ».

Même si le concept sociologique de « Hipster » est un peu fourre-tout, les représentations

que les sondés cherchent à transmettre sont assez claires : jeunes étudiants et travailleurs,

de classe moyenne supérieure et surtout très branchés écologie, friperie, végétarisme et

musique underground2. La démarche d'un hipster consiste à tout faire pour se démarquer

des autres, de leurs codes et de leurs normes « consuméristes et capitalistes », ces derniers

se revendiquent d'ailleurs souvent comme foncièrement de gauche.

Toute l'ambiguïté de la notion de hipster à laquelle de nombreux étudiants rattachent

le projet Darwin est qu'elle tient plus à la population qui fréquente le lieu de manière

ponctuelle, qu'à ceux qui le font vivre. En effet, des évènements comme des marchés aux

puces ou des soirées électroniques attirent ceux que l'on nomme les « hipsters ». D'autre

part, ces préjugés sont véhiculés sans réelle connaissance du lieu : les personnes

interrogées ne connaissaient ni la nature du projet, ni les autres activités économiques et

culturelles en son sein. En effet, le skatepark du Hangar attirent beaucoup de passionnés et

jeunes adolescents, tandis que le restaurant est réellement multi-générationnel.

Ainsi, le public bordelais semble difficilement dissocier le projet et son public,

tendant à des confusions source de critiques pour Darwin. Il souligne aussi le fait que la

majorité des fréquentations reposent sur des personnes dotées en capital culturel et

économique reconstituant une forme de communautarisme.

Cette représentation ignore cependant le fait qu'un hipster cherchera toujours à se

démarquer du « mainstream » et à rester unique : c'est l'opposé absolu de la démarche

darwinienne qui cherche se diffuser et voir ses valeurs s'exporter dans le monde.

Lorsqu'au-delà de l'image, des acteurs portent un réel intérêt et des valeurs, il est cependant

difficile de se détacher des préjugés. C'est un engagement que les patrons de Darwin

3 Ce paragraphe est fondé sur un sondage au sein de l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux ainsi que dix

entretiens anonymes.2 « Le Phénomène Hipster », 01/01/2010, Courrier International, N° 1049.

108

Page 109: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

tentent de mener au quotidien par une forte médiatisation et une diversification des projets.

B) La transition écologique comme nouvelle promesse de croissance

1) Des bénéfices d'image intrinsèques

La responsabilité sociale des entreprise1s et le label biologique sont en vogue et

séduisent autant les entreprises que les clients. Ce label permet d'orienter un consommateur

qui face à la diversité de produits et services existants ne sait plus comment choisir. Ainsi,

ces marques permettent de se « démarquer » des autres entreprises. Or la différenciation

des produits est la stratégie la plus rentable sur le long terme dans un tel contexte de

concurrence généralisée2. En outre, les abus de la financiarisation de ces trente dernières

années, ont entrainé une crainte de plus en plus forte des dirigeants d'entreprise. Un tel

label permet pour les fondateurs de Darwin la reconquête d'une réputation perdue pour ces

entrepreneurs. Attirer des salariés de qualité et réussir à garder le personnel sur le long

terme dans une entreprise est fondamental.

La confiance, l'image et la légitimité sont aujourd'hui pour certains clients et

fournisseurs des condition sine qua none de consommation du bien ou service produit. La

RSE constitue donc la reconquête d'un nouveau marché. Dans une entreprise, la réputation

est fondamentale, elle est le premier actif3. Darwin soigne notamment son image grâce à

une présence sur la scène numérique ou encore lors de visites de délégations

internationales. En outre, une gouvernance d'entreprise plus participative permet d'anticiper

les risques, qu'ils soient liés aux conditions de travail ou à l'insatisfaction des salariés. Les

fondateurs et parties prenantes du projet Darwin protègent donc leur réputation par une

gouvernance optimale et une présence soignée. Les bénéfices d'un investissement sont

difficilement quantifiables mais cependant assurés. Tous ces avantages cumulés

1 RSE.2 CRIFO Patricia, PONSSARD Jean-Pierre., « La RSE est-elle soluble dans la maximisation du profit ? »,

Sociétal, Août 2009, n° 66, pp. 1-10, <https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00439257>.3 DESJARDINS Cecile, « La majorité des entreprises ne savent pas comment protéger leur réputation »,

16/09/2013, les Echos business, <http://business.lesechos.fr/directions-financieres/la-majorite-des-entreprises-ne-savent-pas-comment-proteger-leur-reputation-9014.php>.

109

Page 110: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

(réputation, produits et services RSE, satisfaction des salariés) constituent une valeur à part

entière pour l'entreprise1.

2) Des économies financières notables

Enfin, la satisfaction des salariés permet d'éviter certains coûts, notamment ceux

entrainés par le turn-over2 puisque formation et adaptation ne sont pas à réitérer

régulièrement3. Un personnel durable et fidèle à l'entreprise est tant rentable sur le plan

humain qu'économique. D'autant qu'il est prouvé que lorsque les salariés sont satisfaits leur

productivité augmente, tandis que l'absentéisme se réduit4. Les jeunes actifs sont de plus en

plus attentifs aux conditions de travail et la mobilité professionnelle est telle,

qu'abandonner son poste est de plus en plus courant.

En outre, la mutualisation de 20% des espaces permet au projet de réaliser des

économies notoires, les coûts de gestion (énergie, entretien, équipements) étant partagés.

Le pilotage optimal des ressources à Darwin favorise des charges locatives faibles ainsi

qu'une meilleure maîtrise de l'énergie. En effet, de nombreuses entreprises augmentent leur

dépendance énergétique, ce qui n'est pas viable économiquement sur le long terme avec la

réduction des énergies fossiles type pétrole. Darwin s'assure donc une marge

d'indépendance sur le long terme. Par ailleurs si la rénovation énergétique des bâtiments a

entrainé de forts surcoûts pour les fondateurs, cette initiative anticipe une fiscalité

écologique beaucoup plus avantageuse d'ici quelques années, de même pour l'installation

de panneaux photovoltaïques5.

C) La confusion entre projet privé et intérêt général aux sources des critiques

1) L'innovation pour survivre : une continuité capitalistique

1 DESJARDINS, Art.Cit., 2 « Rotation du personnel » selon le dictionnaire Larousse.

3 Guide d’occupation environnementale et mode d’emploi écologique du bâtiment Darwin, Brochure Darwin, INOXIA et Les Sauvages, mars 2013, p. 9.

4 Guide d’occupation environnementale et mode d’emploi écologique du bâtiment Darwin,Op. Cit., p. 9. 5 Idem.

110

Page 111: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

L'innovation est un concept difficile à définir tant ses contours sont pluriels.

Cependant, la capacité d'adaptation des acteurs de la créativité est un critère commun à la

démarche. Le projet Darwin émerge dans un contexte particulier : si sa posture interne est

la promotion des innovations, sa démarche globale est d'être une innovation sociétale et

territorial radicale.

Cette dernière est un enjeu central dans les nouvelles idéologies urbaines. Soutenue

par la stratégie de Lisbonne1, elle vise la diffusion d'une vision de la société à même

d'améliorer les situations individuelles et collectives2. Ce modèle novateur défend que

l'innovation n'est pas seulement un résultat mais surtout un processus de partage de la

connaissance territorialisée. Darwin s'inscrit dans ce « modèle territorial de l'innovation »3

en diffusant ses savoirs et savoirs-faire pas le biais de partenariats intra-territoriaux mais

aussi inter-territoriaux. Ce nouveau modèle d'innovation territoriale contrebalance la

mondialisation en réaffirmant la dimension éminemment territoriale du capitalisme et

l'utilité des relations fonctionnelles. Darwin accompagne les mutations économiques du

territoire en utilisant un réseau de communicants diffus avec le soutien du FSE.

En outre, le relai privé pour les collectivités territoriales constitue une nouvelle

opportunité : entre austérité budgétaire et crise démocratique ces dernières sont en perte de

légitimité. Innover dans la gouvernance est donc un ultime recours. Aussi, Darwin se

revendique capitaliste puisqu'à l'évidence un tel projet n'aurait jamais pu voir le jour sans

les capitaux du fondateur et des banques. Dépasser les frontières du public et du privé, du

capitalisme et du développement durable est donc la logique innovante de Darwin.

2) L'accueil de tous : rôle de l'Etat et non pas de Darwin

1 Axe majeur des politiques européennes entre 2000 et 2010.

2 Référentiel d’évaluation de l’innovation sociétale et territoriale, avril 2009, rapport EDATER, p. 5., <www.datar.gouv.fr/sites/default/files/090410_referentiel_innov_soc_terr_def.pdf>.

3 BESSON Raphaël, « Comprendre les transformations des villes "post-nordistes" : l’apport de la thèse du capitalisme cognitif », Le marché fait-il la ville ?, Ecole thématique d’Aussois, octobre 2010, pp. 1-18,

<www.villes-innovations.com/wp-content/themes/vi/img/pdf/vi-fr.pdf>.

111

Page 112: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

La critique récurrente faite à Darwin est la colonisation du lieu par un type de couche

sociale plutôt aisée et moderne. Cependant la lutte contre la ségrégation spatiale n'est-elle

pas une mission de service public ? De même pour la démocratisation des activités

culturelles ? La vocation de Darwin est de s'ouvrir au territoire, aux habitants girondins

ainsi qu'aux investisseurs, leur rôle n'est pas d'aller chercher les populations des quartiers

les moins aisés. L'ouverture qu'ils s'efforcent d'optimiser se matérialise à la fois sur le court

terme (évènementiel : concert, Hangar, etc.) mais aussi sur le long terme (pépinière

d'entreprises). Darwin a donc réussi à conquérir un public bordelais au point d'amener à

une confusion entre ses buts d'intérêts généraux et ses moyens qui restent privés.

Les critiques dont il est victime sont donc finalement une chance que l'autorité

publique doit saisir pour ses projets futurs, puisque les citoyens demandent plus de

participation dans des projets urbains à visage humain. Comme précédemment vu, le

premier moyen pour cela serait de garantir une meilleure desserte des transports en

commun. Cependant les enjeux auxquels Darwin fait face actuellement sont ceux auxquels

la collectivité aura à faire une fois la construction de l'écoquartier de Bastide-Niel

terminée. Plus que de lancer une mode autour des projets verts et responsables, la

collectivité doit diffuser la démarche responsable et participative pour en faire une

nouvelle manière de vivre dans la métropole.

112

Page 113: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

CONCLUSION

Du fait de la mondialisation et des mobilités fluctuantes, les politiques urbaines sont

passées des mains des experts à celles de la « demande urbaine ». La ville moderne s'ancre

dans une compétition dans laquelle les élus, les investisseurs, et la classe créative sont les

nouveaux corps qui la façonnent. Si l'État définit depuis 2000 un cadre pour promouvoir un

tissu urbain plus durable et continu, les élus rivalisent avec des projets plus attirants et

originaux les uns que les autres. Aussi, les impératifs contemporains du développement

durable engagent les grands décideurs dans des politiques d'attractivité en accord avec les

nouveaux dogmes de la « ville durable », « créative » et « intelligente », Bordeaux en est

un exemple probant.

Si les villes sont devenues des acteurs stratégiques et des espaces politiques

fondamentaux pour le territoire national, une multitude de nouveaux acteurs influencent ce

jeu politique. Le paradoxe de la gouvernance territoriale réside dans le fait que si les

projets urbains sont plus que jamais politiques, ils s'inscrivent actuellement dans une vague

de désengagement politico-administratif du fait de l’ouverture des agendas urbains et du

manque de moyens des collectivités locales. En effet, les acteurs privés sont devenus des

partenaires indispensables pour les autorités publiques qui se confinent désormais à un rôle

de régulation. Actuellement, le projet Darwin jouit d'une forte légitimité mais Bordeaux

Métropole reste l'autorité compétente dans le projet urbain de Bastide-Niel. La

gouvernance des politiques urbaines est de plus en plus fragmentée et se négocie en

permanence. Le collectif de Darwin et les administrations locales ont dû construire un

partenariat solide sur le long terme, en garantissant un climat de confiance mutuel par une

communication optimale.

De plus, la métropole de Bordeaux se revalorise grâce à des grands dignitaires

(Chaban-Delmas ; Juppé ; Feltesse ; etc.) avides d'en faire une métropole millionnaire de

référence. Pour cela, depuis plus de vingt ans, Bordeaux se mobilise pour des quartiers plus

durables, une culture plus accessible et une lutte contre les inégalités spatiales. La CUB

soutient la promotion des écoquartiers sur des zones marginalisées de la ville, c'est dans ce

113

Page 114: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

contexte opportun que le projet Darwin émerge. Ce projet multi-dimensionnel s'impose à la

collectivité de manière parfois transgressive et bouscule les méthodes habituelles de

« fabrique de la ville ».

Aussi, les darwiniens tentent de recréer une urbanité plus inclusive, salvatrice voire

providentielle pour le futur écoquartier de 34 hectares de Bastide-Niel. Ce patrimoine est

pour Darwin l’occasion d’un défrichage à la fois urbain, écologique et organisationnel, et

constitue une ressource pour Bordeaux par la revalorisation foncière et symbolique du site.

Respectant un territoire en pleine résilience, Darwin reprend l'identité de la friche, dans

laquelle la nature a repris ses droits, mais renoue aussi avec les manifestations clandestines

réalisées par des hommes en quête d'alternatives (graffitis). Les friches redéfinissent tant

les contours de l’art que les modalités de rencontre entre publics et artistes qui défendent la

gouvernance culturelle des villes. Ainsi, le projet Darwin permet de renouer art, économie

et public en saisissant l’évènement, le kitch et le numérique comme outil d’attractivité.

L’économie créative s'inscrit dans un espace où le capitalisme et l’éthique cohabitent,

concourant alors au Bien commun territorial. Il assure aujourd’hui la continuité dans

l'histoire d'une friche militaire qui n'a jamais cessé de vivre et institue un socle pour les

cultures alternatives. En effet, le territoire est un construit unique porteur d'identité et de

valeurs, Bordeaux en témoigne. L'appartenance à une ville cosmopolite et historique

redessine un projet ouvert et emblématique.

Cependant, envisager ce prototype comme un « modèle urbain », au sens où

Françoise Choay le concevait, est incorrect. Le collectif est éminemment pragmatique et

répond aux nécessités de la compétition territoriale et du besoin d'innovations. Darwin est

le fruit d'une réflexion collective pour sauver le patrimoine et redynamiser Bordeaux par

les nouveaux intermédiaires que sont l'économie créative et les cultures urbaines. Il est le

fruit de longues négociations entre des leaders créatifs, audacieux et volontaires, et un

système politico-administratif avide de ce genre d'investissement, mais retranché dans des

règlements et moyens strictement limités. Cette collaboration parfois conflictuelle donne

de nouvelles alternatives pour « faire la ville », mais ne saurait constituer une utopie

urbaine standardisable.

114

Page 115: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Cette requalification est toutefois une opportunité pour régénérer le tissu urbain,

fragilisé par les problèmes économiques et le manque de cohésion des territoires. Les

instigateurs de Darwin, déterminant l'ossature de Bastide-Niel, font reposer leur projet sur

la gouvernance collective et l'ouverture au territoire pour se légitimer, d'où l'émergence

d'une urbanité plus inclusive. Cependant, du fait d'une participation de publics hétérogènes,

de moyens et d'intérêt différents, une ambiguïté subsiste sur cette nouvelle citoyenneté

urbaine. Le partage des connaissances et des espaces devient un devoir, ce qui rend la

privatisation d'un patrimoine public acceptable. Néanmoins, une partie de la population y

voit une forme d'élitisme et de marketing cachés. Si l'urbanisme et l'humanisme

s'influencent selon les fondateurs, il est difficile de définir clairement les moyens de cette

relation. Darwin porte de nombreux espoirs, mais ne répond pas aux attentes des citadins :

déficit culturel, inégalités environnementales, greenwashing, néo-communautarisme et

diversité sociale qualifient les insuffisances de la métropole.

« Faire société » nécessite désormais une action pour traiter les gens plus que les

lieux, et restaurer la confiance entre les institutions urbaines et les habitants des villes.

Cette mission d'intérêt général requiert une collaboration bien plus ouverte entre les

autorités publiques et les citadins. Darwin est exemplaire mais ne constitue qu'un projet

minime sur une portion de territoire et risque de former une cellule isolée sans changement

culturel et environnemental s'il n'est pas promu en tant que « démarche » sur la ville

entière. Il dépasse néanmoins cette dimension territoriale en se targuant d'être un modèle

« pilote » dans une transition globale. Sept ans après les premières esquisses, le projet

Darwin fier de son succès, assume intégration sociale, diversité culturelle et responsabilité

environnementale comme ses objectifs et les enjeux essentiels du XXIème siècle.

En outre, le gigantisme des grands ensembles et des projets qui se multiplient depuis

des décennies dépassent l'entendement humain. Darwin permet de recréer un espace

perméable au citoyen et se penche sur la dimension humaine de l'urbanisme. Cependant, la

standardisation d’une telle initiative se risque à professionnaliser un domaine émergent né

de spontanéité, de conflits et d'inertie patrimoniale. En effet, chaque expérience est unique

du fait de la dimension idiosyncratique d'un projet urbain : un territoire, des négociations,

des conditions matérielles et humaines, un événement et des personnes uniques. Le

115

Page 116: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

recyclage des friches se multiplie mais ne répond jamais aux mêmes attentes, ni au même

processus de réalisation. Il n'existe donc pas de recette miracle pour refaire une ville plus

humaine, mais des initiatives locales qui peuvent être portées par les grands dogmes

contemporains et surtout les hommes. Le tissu urbain est le produit des interactions

humaines car c'est avant tout un espace où les humains se retrouvent et échangent.

Ainsi, la ville constitue un lieu propice à la promotion d'une société plus juste et

vertueuse où la mobilisation citoyenne doit avoir lieu. Elle constitue un enjeu de société où

l'urbanité peut être la nouvelle courroie de transmission d'une transition économique,

sociale et environnementale. Cependant, le développement urbain durable, plus qu'un outil

marketing, doit opérer une révolution culturelle dans l'esprit des citadins. La « ville durable

et créative » n'est pas une utopie mais bien un ensemble de techniques, principes et

pratiques pragmatiques. Mais comme le titre l’exposition virtuelle « de Babel à Dubaï » au

Musée Historique de l'Environnement, « en urbanisme comme dans d'autres disciplines,

l'utopie n'est pas qu'un besoin viscéral des hommes de se projeter dans un monde meilleur,

c'est aussi le moteur du progrès »1. Réinventer un modèle idéal permet donc d'œuvrer pour

une ville plus pragmatique et consciente au cœur d'une gouvernance nouvelle.

Si les intérêts relatifs à l'émergence d'un tel paradigme « vert » sont flous, ses vertus

sont indéniables. Des questionnements subsistent toutefois sur les intérêts originels du

projet Darwin, sur les convictions des membres mais aussi sur la ville durable en général.

Toute l'ambiguïté des stratégies territoriale se situe dans le fait qu'elles répondent à des

enjeux globaux mais concernent chaque individu dans son quotidien. Loger et distraire

l'individu est la responsabilité des politiques urbaines depuis des millénaires. Toutes les

idéologies ont constitué pendant des décennies l'espoir d'une ville plus humaine : de la cité

radieuse de Le Corbusier aux conceptions architecturales de Frank Gehry, renouer l'homme

et l'urbain est une priorité.

En effet, si selon Le Corbusier « Une maison est une machine à habiter »2, la ville

n'en est pas une extension. Les espaces publics sont un véritable enjeu sociétal, leur

organisation différente dans chaque société en témoigne. Réussir à recréer des espaces

1 Musée historique de l'environnement urbain, <www.mheu.org/fr>.2 LE CORBUSIER, Urbanisme, Paris, Crès, collection l'Esprit Nouveau, 1925, p. 219.

116

Page 117: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

publics à la fois environnementalement respectueux, et socialement intégrateurs, est un

double défi pour l'urbanisme. La récupération privée d'un sujet aussi politique que

l'urbanité ouvre de nouvelles alternatives à la ville.

117

Page 118: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

ANNEXES

118

Illustration 20: Photo aérienne de la Caserne Niel et Darwin

1. Les Magasins Généreux (Sud)

2.Le Magasin Général (l’épicerie, le torréfacteur, le bivouac, le restaurant et la

brasserie) et à l'arrière la pépinière d’entreprises le Campement

3. Le cluster créatif et l'espace coworking

4. Le hangar, skatepark

5. Les chantiers de la Garonne

Source : <a href="http://www.vues-aeriennes-bordeaux.fr" target="_blank"title="Bordeaux">Bordeaux vue du ciel</a>

Crédit photo : Cliché Api-Photo

Page 119: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

119

Illustration 21 : Schéma de fonctionnement d'un cluster Il repose sur une gouvernance collégiale et sur un réseau d'entreprises qui

investissent dans la recherche et le développement. L'innovation est soutenuepar des politiques publiques ainsi que des infrastructures.

Source : LEDUCQ Divya et LUSSO Bruno, Art.Cit.

Illustration 22: 18ème escadron de la Caserne NielCrédit photos : archives municipales / étude historique de Bastide Niel / recherches Didier

Periz pour Bordeaux Métropole Aménagement.

Page 120: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

120

Illustration 23: Caserne Niel au début du XXèmeCrédit photos : archives municipales / étude historique de Bastide Niel / recherches Didier Periz pour

Bordeaux Métropole Aménagement.

Illustration 24: Magasins Généraux Nord au début du XXème Crédit photos : archives municipales / étude historique de Bastide Niel / recherches Didier

Periz pour Bordeaux Métropole Aménagement.

Page 121: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

121

Illustration 25: Façade du Hall de DarwinCrédit photos : archives municipales / étude historique de Bastide Niel / recherches Didier Periz pour

Bordeaux Métropole Aménagement

Illustration 26: Graffiti d'une façade de DarwinCrédit photos : archives municipales / étude historique de Bastide Niel /

recherches Didier Periz pour Bordeaux Métropole Aménagement

Page 122: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

122

Illustration 28 : Projet d'intégration de 55 000 hectares de nature dans le tissu d'urbaind'ici 2030

Source : site de la CUB

Illustration 27 : Projet d'esquisse en 2014 des magasins généraux Sud par MVRDV (architectemandataire), atelier King Kong (architecte associé), Territoires Parallèles, Oasiis, Arcadis, IdB

Acoustique Il est notoire que cet îlot diffère totalement du projet conçu par Darwin et ses architectes associés.

Source :Site de l'architecte associé King Kong : http://www.kingkong.fr/fr/projets-habitat-2-

Bordeaux_%3E_magasins_generaux_Sud-122.html

Page 123: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

123

Illustration 29: Façade du hangarSource : Chaplain Alix

Illustration 30: Façade des magasins généraux Source : Chaplain Alix

Page 124: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

124

Illustration 31: espace autour de Bastide-Niel Source : Chaplain Alix

Page 125: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

SOURCES SOURCES MANUSCRITES

MÉMOIRE ET THÈSE

• HARISMENDY Amalia, Le Projet Darwin à Bordeaux : une utopie réalisable ?,

sous la direction de M. Michel Favory, Institut d'études politiques de Bordeaux,

2010-2011.

• MONTERO Sarah, Participation citoyenne et développement culturel : référentiels

d’action à Bordeaux et à Québec, Sous la direction de Jean-Pierre AUGUSTIN,

Thèse de doctorat en Géographie, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3,

2013.

SOURCES IMPRIMÉES

BROCHURE

• Guide d’occupation environnementale et mode d’emploi écologique du bâtiment

Darwin, Brochure Darwin, INOXIA et Les Sauvages, mars 2013.

• MAAS Winny, « Bordeaux Bastide-Niel, la ville capillaire », projet urbain, 2014,

MVRDV.

• DUCHÈNE Michel, La Bastide, mutations historiques, Bordeaux Métropole,

12/2014

• « Bordeaux l’attractive », livret du participant, 14 février 2013, Bordeaux

Métropole.

• BARRE Philippe, Les magasins généreux de la caserne Niel, Inoxia, 13/09/2013.

• « Plus que jamais, je considère la culture comme une réponse à la crise », plaît-il ?,

décembre-janvier 2012, Spirit n°77.

SOURCES ICONOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELLES

• Bastide-Niel, Projets urbains Bordeaux Métropole, 30/09/2014, [consulté le

125

Page 126: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3/01/2015], <www.Bordeaux-metropole.fr/implanter-son-activite-sur-la-

cub/ bastide-niel>

• « Les Cafés de la Controverse : Développement durable, nécessité ou imposture ? »

Bordeaux Métropole, avril 2011, [consulté le 3/01/2015],

<www.Bordeaux-metropole.fr/c2d/audio/les-cafes-de-la-controverse-

developpement-durable-necessite-ou-imposture>.

• Alain Juppé, vidéo du discours sur Bordeaux 2030, 2/03/2009, (4 minutes 41),

[visionnée le 3/03/2015], <www.Bordeaux.fr/p39601>.

SOURCES WEB

PRESSE NUMÉRIQUE

A) RAPPORT OFFICIEL : • « Naissance d'une métropole », Le journal d'information de Bordeaux Métropole,

n° 30, 1er trimestre 2015, [consulté le 2/03/2015], <www.bordeaux-

metropole.fr/sites/default/files/PDF/publications/journal/lejournal_30.pdf>.

• L’urbanisme de projet en chantier : le projet DARWIN, monographie du Centre

d'études techniques et de l'équipement du Sud-Ouest et de l'Est, Plan Urbanisme

Construction Architecture rattaché au MEDDE, 2012,

<http://rp.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca/activites/monographie-darwin-

projets- negocies.pdf>, [consulté entre 02/10/2014 et 03/2015].

• CREISSELS Corinne et ZOLEZZI Audrey, Pour un renouveau des projets

territoriaux de développement durable : cohésion sociale et agendas 21,

Document-synthèses de l’Atelier national « cohésion sociale et agendas 21 »,

MEDDE, 2014, <www.developpement-durable.gouv.fr/Pour-un-renouveau-des-

projets.html>, [consulté le 3/01/2015].

• Référentiel d’évaluation de l’innovation sociétale et territoriale, avril 2009, rapport

EDATER pour la DATAR et l’UE, [consulté le 25/12/2014]

<http://www.datar.gouv.fr/sites/default/files/090410_referentiel_innov_soc_terr_de

f.pdf>.

• Charte de Leipzig sur la ville européenne et durable, Ministère des Affaires

126

Page 127: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Étrangères, 2007, <http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-

durable/files/25/Charte_Leipzig_Fr.pdf>, [consulté le 25/12/2014].

• BOUTON Alexandre, SABOTERIE Gilles, Eco-Quartiers Nordiques, compte-

rendu du 22/01/2009, Agence d’urbanisme pour le développement de

l’agglomération lyonnaise, <www.urbalyon.org/AffichePDF/Reperes_europeens_-

_eco-quartiers_nordiques_-1-3 —1702>, [consulté le 25/12/2014].

• Observatoire de l'activité économique du territoire, Agence d’Urbanisme Bordeaux

Métropole Aquitaine, Décembre 2013, <www.emploi-Bordeaux.fr/observatoire-

emploi-Bordeaux.html>, [consulté le 25/12/2014].

• BLAIS Jean-Paul, INGALLINA Patrizia, (dir. PUCA), L'attractivité des territoires :

Regards croisés, Actes des séminaires sur les renouvellement urbain,, Février-

Juillet 2007, <www.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca>, [consulté entre le

25/11/2014 et le 5/04/2015]

• LEXTRAIT Fabrice, Une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport à Michel

Duffour Secrétariat d’Etat au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle, La

Documentation française, 2001, [consulté entre le 01/11/2014 et le 5/04/2015]

<http://www.irma.asso.fr/Une-nouvelle-epoque-de-l-action,78>.

B) PRESSE NATIONALE • COURTOIS Claudia, « Bordeaux 900 hectares de friches urbaines pour l'avenir de

la ville », Le Monde, 03/03/2009, [consulté le 25/12/2014],

<www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/03/Bordeaux-900-hectares-de-friches-

urbaines-pour-l-avenir-de-la-ville_1162651_3224.html>.

• HAZARD Nicolas, « À Bordeaux, Darwin met l’innovation au service de

l’évolution et de l’emploi », Le Monde, 14/01/2015, [consulté le 14/01/2015],

<www.lemonde.fr/emploi/article/2015/01/14/a-Bordeaux-darwin-met-l-innovation-

au-service-de-l-evolution-et-de-l-

emploi_4556290_1698637.html#UYphYsgB8s9Q17F5.9>.

• COURTOIS Claudia, « "Darwin", nouveau concept d'économie durable », Le

Monde, 03/03/2009, [consulté le 3/01/2015],

<www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/03/darwin-nouveau-concept-d-economie-

durable_1162654_3224.html>.

127

Page 128: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

• ROSSIGNOL Lorraine, « Bordeaux, le réveil de la belle endormie » , Télérama,

20/10/2014, [consulté le 25/12/2014], <www.telerama.fr/monde/Bordeaux-la-ville-

qui-se-reveille-enfin,109479.php>.

• SCHAUB Coralie, « Darwin la Ruche à millions » , Libération, 30/03/2014,

[consulté le 30/12/2014],

<www.liberation.fr/economie/2014/03/30/darwin-ruchea-millions_991459>.

• OTTAVI MARIE, « Envolées bordelaises », Libération, 27/02/2015, [consulté le

28/02/2015],

<http://next.liberation.fr/arts/2015/02/27/envolees-bordelaises_1191452>.

• BIDALON Philippe, « Les grands projets », L'express, 25/10/2007, [consulté le

15/02/2015], <www.lexpress.fr/region/les-grands-projets_474386.html>.

• BARRACO Florent, « Villes durables et classes populaires font-elles bon

ménage? », 15/11/2013, Youphil, [consulté le 3/01/2015],

<www.youphil.com/fr/article/06662-villes-durables-et-classes-populaires-font-

elles-bon-menage?ypcli=ano>.

• Girard Hélène, « Les friches culturelles sont un acte de reconquête du territoire,

Françoise Lucchini », 02/07/2012, La Gazette Des Communes, [consulté le

10/01/2015],

<www.lagazettedescommunes.com/120690/%C2%AB-les-friches-culturelles-sont-

un-acte-de-reconquete-du-territoire-%C2%BB-francoise-lucchini-geographe-

universite-de-rouen>.

• MARJORIE, « Projet Darwin, un éco-système pour une transition écologique »,

Institut Inspire, 29/09/2012, [consulté le 25/12/2014], <www.inspire-

institut.org/projet-darwin-un-eco-systeme-pour-une-transition-ecologique.html>.

• VIDAL Jean-Marc, « Mon Bordeaux écolo », Le journal du dimanche, 18/05/2009,

[consulté le 3/01/2015], <www.lejdd.fr/Ecologie/Actualite/Juppe-Mon-Bordeaux-

ecolo-25058>.

• PISANI Francis, « Un « "cahier des possibilités" de l'innovation sociale », La

Tribune, 22/12/2014, [consulté le 10/01/2015], <www.latribune.fr/blogs/aux-

coeurs-de-l-innovation/20141222trib59bd3c1cc/un-cahier-des-possibilites-de-l-

innovation-sociale.html>.

128

Page 129: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

C) PRESSE RÉGIONALE

• ROBERT Philippine, « Le Darwin Eco-Système tente d'inventer l'entreprise de

demain », 26/06/2013, Aqui, [consulté le 30/12/2014],

<http://www.aqui.fr/societes/l-ecosysteme-darwin-tente-de-creer-l-entreprise-de-

demain,8855.html>.

• ROUSSET Julien, « Bordeaux Bastide : le projet Darwin critiqué, ses patrons

répondent », 24/06/2013, Sud-Ouest, [consulté le 30/12/2014],

<www.Sudouest.fr/2013/06/24/la-bastide-darwin-sur-le-grill-1094530-2780.php>.

• THIERRY David, « Votez pour les trois éco-projets girondins en compétition sur le

site de la fondation Nicolas Hulot », 17/03/2015 , Sud-Ouest, [consulté le

20/03/2015], <www.Sudouest.fr/2015/03/16/deux-eco-projets-girondins-en-

competition-sur-le-site-de-la-fondation-nicolas-hulot-1860822-706.php>.

• « Bordeaux: Darwin ouvre son capital à de nouveaux investisseurs », Sud Ouest,

10/06/2014, [consulté le 3/01/2015], <www.Sudouest.fr/2014/06/10/Bordeaux-

darwin-ouvre-son-capital-a-de-nouveaux-investisseurs-1581151-2780.php>.

D) PRESSE LOCALE

• BARTHELEMY Simon, « Darwin va réhabiliter les Magasins généraux »,

25/09/2014, Rue89Bordeaux, [consulté le 3/01/2015],

<http://rue89Bordeaux.com/2014/09/darwin-retapera-les-magasins-generaux-Sud>.

• BARTHELEMY Simon, « Ginko, l’écoquartier qui essuie les plâtres », Rue89

Bordeaux, 31/01/2014, [consulté le 25/12/2014],

<http://rue89Bordeaux.com/2014/01/ginko-ecoquartier-essuie-platres>.

• BARTHELEMY Simon, « A la CUB, la rentrée chargée d’Alain Juppé », Rue89

Bordeaux,18/09/2014, [consulté le 3/01/2015],

<http://rue89Bordeaux.com/2014/09/cub-rentree-chargee-dalain-juppe>.

• CHANDLER-FRY Sydney, « Les Hangars Darwin : un concept bobo-écolo-hipster

prometteur, »11/11/2014, Bordeaux Gazette, [consulté le 12/11/2014 ],

<www.Bordeaux-metropole.fr/implanter-son-activite-sur-la-cub/ bastide-niel>.

• ARONOFF Jean-Christophe, « Darwin se met au graff », 30/06/2014, Bordeaux

Gazette, [consulté le 7/11/2014], <www.Bordeaux-gazette.com/Darwin-se-met-au-

Graff.html>.

129

Page 130: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

• LEMAIRE Sabine, « Darwin : de la théorie à la pratique », 21/12/2012, Direct

matin, [consulté le 3/12/2014], <www.Bordeaux7.com/Bordeaux-actu/49-

actu/2781-brazza —projet-darwin>.

• « Le projet Bordeaux 2013 a marqué des points avec le jury », 20 minutes,

03/09/2008, [consulté le 3/12/2014], <www.20minutes.fr/Bordeaux/248976-

20080903-le-projet-Bordeaux-2013-marque-points-jury>.

E) SITES OFFICIELS

• Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, [consulté entre

09/2014 et 03/2015], <www.developpement-durable.gouv.fr>.

• Ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité , [consulté entre

09/2014 et 03/2015], <www.territoires.gouv.fr/les-ecoquartiers>.

• Site de Bordeaux Métropole , [consulté entre 09/2014 et 03/2015],

<www.Bordeaux-metropole.fr>.

• Site de l'Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, [consulté entre

02/10/2014 et 03/2015], <www.ademe.fr>.

• Synthèse du diagnostic Bastide Niel – Bordeaux, CapTerre, Juin 2008, [consulté

entre 02/10/2014 et 01/2015],

<http://participation.lacub.fr/IMG/pdf/Diagnostic_CapTerre.pdf>.

• Charte de Leipzig sur la ville européenne et durable,Ministère des Affaires

étrangères, 24/05/2007, [consulté le 03/03/2015],

<www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-

durable/files/25/Charte_Leipzig_Fr.pdf>.

• Site de l'Office de tourisme, [consulté le 03/04/2015], <http://fr.Bordeaux-

tourisme.com/Pages/European-Best-Destination>.

F) BLOG

• Site du projet Darwin, [consulté entre 09/2014 et 03/2015], <www.darwin-

ecosysteme.fr>.

• « Bastide Niel et Darwin », Blog Cahier entre deux mers, 13/01/2013, [consulté le

25/02/2015], <www.cahiers-entre-deux-mers.fr/2013/01/bastide-niel-et-darwin>.

130

Page 131: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

G) SITES SPÉCIALISÉS

• LAGANIER Richard, VILLALBA Bruno et ZUINDEAU Bertrand, « Le

développement durable face au territoire : éléments pour une recherche

pluridisciplinaire », Développement durable et territoires, dossier 1, 2002,

[consulté le 16 février 2015], <http://developpementdurable.revues.org/774>.

• MÉDART Jean-François, « Le système politique de Bordeaux (le système

Chaban) », 1972, non publié, adapté par l'Édition De Boeck Supérieur, Revue

internationale de politique comparée, 2006, [consulté le 16 mars 2015],

<www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=RIPC_134_0657>.

• FABUREL Guillaume, « Les inégalités environnementales comme inégalités de

moyens des habitants et des acteurs territoriaux », Revue Espace populations

sociétés, 2008, [consulté le 3/11/2014], <http://eps.revues.org/2430?lang=en>.

• FORET Catherine, « Urbanité : une manière de faire société mise à l’épreuve par la

fragmentation urbaine », Ressources Prospectives du Grand Lyon, 2010, [consulté

le 16 mars 2015],

<http://www.millenaire3.com/uploads/tx_ressm3/Urbanite2010.pdf>.

• LEDUCQ Divya et LUSSO Bruno, « L e cluster innovant : conceptualisation et

application territoriale », Cybergeo : European Journal of Geography, Espace,

Société, Territoire, document 521, 2011, [consulté le 1/02/2015],

<http://cybergeo.revues.org/23513>.

• DELPECH Jonathan, La Conciergerie Solidaire : des services aux salariés, Fiche

d’expérience, La Conciergerie Solidaire, 04/02/2013, [consulté le 6/02/2015],

<http://aquitaine-pqa.fr/index.php/base-dexperiences/item/1391>.

• METZGER Pascale, D'ERCOLE Robert, « Les risques en milieu urbain : éléments

d e r é f l e x i o n » , EchoGéo, 05/12/2011, [consulté le 06/004/2015],

<http://echogeo.revues.org/12640#text>.

• BESSON Raphaël, « Comprendre les transformations des villes "post-nordistes" :

l’apport de la thèse du capitalisme cognitif », Le marché fait-il la ville ?, Ecole

thématique d’Aussois, 2010, [consulté le 06/04/2015], <www.villes-

innovations.com/wp-content/themes/vi/img/pdf/vi-fr.pdf>.

• Héran Frédéric, « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de

paradigme ? », Métropolitiques, 23/03/2015, [consulté le 25/04/2015],

131

Page 132: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

<www.metropolitiques.eu/La-ville-durable-nouveau-modele.html>.

• ANDRES Lauren, « Les usages temporaires des friches urbaines, enjeux pour

l’aménagement », Métropolitiques, 11 mai 2011, [consulté le 3/01/2015],

<www.metropolitiques.eu/Les-usages-temporaires-des-friches.html>.

• Calogirou Claire, « Réflexions autour des Cultures urbaines », Journal des

anthropologues, 2005, [consulté le 3/01/2015], <http://jda.revues.org/1414>.

• « Les Français et leurs entrepreneurs : Nouveaux remparts de l'économie

française ? », Institut Think, 2013, [consulté le 3/01/2015], <www.institut-

think.com/etudes/Think-Les-Francais-et-leurs-entrepreneurs-SDEParis2014.pdf>.

• GUILLAUD Hubert, « Voyage dans l’innovation sociale scandinave (1/3) :

Construire la ville durable avec ses habitants » , Internet-Actu, 15/06/2010,

[consulté le 25/12/2014], <www.internetactu.net/2010/06/15/voyage-dans-

linnovation-sociale-scandinave-13-construire-la-ville-durable-avec-ses-habitants>.

• CALOGIROU Claire, « Réflexions autour des Cultures urbaines », Journal des

anthropologues, 2005, [consulté le 25/12/2014], <http://jda.revues.org/1414>.

• CLERV A L An ne , « Garnier J.-P., 2010, Une violence éminemment

contemporaine. Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et

l’effacement des classes populaires, Marseille, Agone, coll. Contre-Feux »,

Cybergeo : European Journal of Geography, 30 octobre 2010, [consulté le

25/12/2014], <http://cybergeo.revues.org/23336>.

• CAILLET Bruno, « A Bordeaux, les darwiniens fédèrent numérique, écologie

urbaine et économie coopérative » , l'hubservatoire, 04/07/2014, [consulté le

25/11/2014], <http://hubservatoire.fr/articles/a-Bordeaux-les-darwiniens-federent-

numerique-ecologie-urbaine-et-economie-cooperative>.

• HÉRAN Frédéric, « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de

paradigme ? » , Métropolitiques, 23/03/2015, [consulté le 3/01/2015],

<www.metropolitiques.eu/La-ville-durable-nouveau-modele.html>.

SOURCES ORALES OU TEMOIGNAGES• Entretien avec Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable de SAS

Darwin, le 4/02/2015, durée : 2h

132

Page 133: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

• Entretien avec Celine Gerbeau-Morin, chef de projet urbaniste de Bordeaux

Métropole, spécialisée dans les quartiers durables, le 5/02/2015, durée : 3h

• Entretien avec dix étudiants de l'IEP de Bordeaux le 4/04/2015, durée : 4h

• Sondage réalisé auprès de 50 étudiants de l'IEP de Bordeaux le 4/04/2015

• Courrier resté sans réponse d'Aurélien Gaucherand, délégué général du Fonds de

dotation et directeur de l’innovation digitale

• Courrier resté sans réponse du collectif Pola

• Forum de discussion, <www.pss-archi.eu/forum/viewtopic.php?id=28193&p=26>.

133

Page 134: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES GÉNÉRAUX :• CERDA Ildefonso, adapté par LOPEZ Antonio, Théorie générale de l'urbanisation,

Paris, Europan, 2005.

• BOURDIN Alain, L’urbanisme d'après crise, Paris, L'Aube, 2010.

• PARK Robert, « The city as a social laboratory », On Social Control and

Collective Behavior, Turner, Presses de l’université de Chicago, 1967.

• PAQUOT Thierry, Désastres urbains, les ville meurent aussi, Paris, La

Découverte, 2015.

• LE CORBUSIER, Urbanisme, Paris, Crès, collection l'Esprit Nouveau, 1925.

URBANISME DURABLE :

• ARENE, Quartiers durables- Guide d’expériences européennes, Paris, IMBE-

Avril 2005.

• HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, Bruxelles,

édition de Boeck, 2012.

• RENAULD Vincent, Fabrication et usages des écoquartiers: essai critique sur la

généralisation et de l’aménagement durable en France, Lausanne, Presses

polytechniques et universitaires romandes, 2014.

• ANDRES Lauren et BOCHET Béatrice, La mutabilité à l’épreuve de la durabilité

ou comment relire la réutilisation des territoires urbains délaissés sous le couvert

de la ville durable, Grenoble-Chambéry, colloque de l’ASRDLF, 2007.

• Association Nationale des Architectes des Bâtiments de France, Aménagement

durable et patrimoines, pratiques européennes, Bordeaux, Acte du Colloque, La

pierre d'angle N° 49/50, 2009.

• EMELIANOFF Cyr i a , « Connaî t re ou reconnaî t re les inégal i t és

environnementales ? ». In L'étalement urbain, (dir. Jacques Chevalier), Rennes,

Presses universitaires de Rennes, 2010.

• NDIAYE Abdourahmane, « Clusters, EcoQuartiers, innovation sociale etEconomie Sociale et Solidaire : le cas du projet Darwin l’Eco-Système à

134

Page 135: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

Bordeaux », L’économie sociale et solidaire face aux défis de l'innovation socialeet du changement de société, Nancy, 12èmes rencontres du Réseau Inter-Universitaire de l’Economie Sociale et Solidaire, Université de Lorraine, 2012.

• BLANC Maurice, HAMMAN Philippe, « La ville aux défis de l’environnement »,Revue des sciences sociales, n° 47, 2012.

• VIOLEAU Jean-Louis, « Les écoquartiers, transformer ou préserver ? » , RevueUrbanisme, n° 387, 2012.

• BÉAL Vincent, « politiques urbaines et développement durable : vers un traitemententrepreneurial des problèmes environnementaux », Urbanisme et développementdurable, (dir. GAUTHIER Mario), Volume 3, édition Réseau Villes RégionsMonde, 2014.

POLITIQUES URBAINES : • PINSON Gilles, Gouverner la ville par les projets, Urbanisme et gouvernance des

villes européennes, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

• GUILLY Christophe, La France Périphérique, Comment on a sacrifié les classes

populaires, Paris, Flammarion, 2014.

MARKETING TERRITORIAL • L'attractivité des territoires : Regards croisés, Actes des Séminaires de février-

juillet 2007 sur le renouvellement urbain, (dir. INGALLINA Patrizia), Paris, éd.

Plan Urbanisme Construction Architecture, 2008.

• DAMBRON Patrick, Les Clusters en France - Pourquoi les pôles de

compétitivité ?, Paris, L'Harmattan, 2008.

• DESMAISON Thomas, LEFEVRE- MERCIER Betty, LUCCHINI Françoise (dir.),

De la friche industrielle au lieu culturel, Paris, Colloque international

pluridisciplinaire, Université de Rouen, 2012.

• CHOAY Françoise, L'Allégorie du patrimoine, Paris, éd. Seuil, 1999.

• LEFEUVRE Marie-Pierre, « Choix résidentiels contre mixité sociale », La mixité

sociale, Paris, Revue Urbanisme, n°340, Janvier-Février 2005.

• INGALLINA Patrizia et PARK Jungyoon, « Les nouveaux enjeux de l’attractivité

urbaine », La ville marketing, Paris, Revue Urbanisme n°344, Septembre-octobre

2005.

• BOURDIN Alain, « La “classe créative” existe-t-elle ? », La ville marketing, Paris,

Revue Urbanisme n°344, Septembre-octobre 2005.

135

Page 136: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

CULTUREL

• BOUTBOUL Bernard, Le consommator, les entreprises face aux nouvelles

exigences du consommateur, Paris, édition JVDS, 1996.

• HURSTEL Jean, Chroniques culturelles barbares, Paris, Syros Alternatives, 1998.

• AUCLAIR Elisabeth, La culture et les quartiers populaires, Paris, Diversité, 2007.

• BAZIN Hugues, Quels espaces populaires pour la culture ?, Revue Mouvement, N °

57, 2009, Ed. La Découverte, pp. 57 à 66.

BORDEAUX : • VICTOIRE Emile, Sociologie de Bordeaux, Paris, édition La Découverte, 2007.

• TAPIE Guy, GODIER Patrice, SORBETS Claude (dir.), Bordeaux Métropole, Un

futur sans rupture, Marseille, Édition Parenthèses, 2009.

136

Page 137: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

INDEX LEXICAL

Attractivité......3, 8, 18, 22, 24, 26, 30, 31, 42, 46, 47, 51, 61, 63, 64, 73, 78, 80, 81, 83, 85, 113, 114, 127, 135Barre Philippe...........................................................................16, 37, 44, 66, 74, 78, 79, 100bastide-niel.................................................................................................................126, 129Bastide-Niel....16, 18, 28, 38-41, 43, 50, 58, 60, 62-64, 78, 81-84, 86, 91, 96, 99, 103, 105, 106, 112, 113, 125Bastide-Niel,.......................................................................................................................115Bosc Christel......................................................................................................................103Bourdin Alain.............................................................................................................134, 135Boutboul Bernard ................................................................................................................59Chaban-Delmas Jacques...........................................................................................11, 23, 51Choay Françoise ..................................................................................................................85Cluster...............................3, 15, 16, 19, 20, 31, 40, 43, 47, 55, 71, 77, 87-89, 101, 131, 134Cluster .................................................................................................................................15Duchène Michel.............................................................................................................23, 75économie créative.........................31, 43, 45-47, 50, 53, 63, 70, 72, 73, 81, 85, 96, 106, 114écoquartier.3, 8, 14, 16, 22, 29, 32, 36, 39, 43, 50, 53, 61, 63, 64, 68, 76, 81-84, 86, 93, 96, 100, 101, 103-105, 107, 112, 134, 135Écoquartier...............................................................................................................30, 33, 63écoquartier en.......................................................................................................................81Emelianoff Cyria .....................................................................................................12, 18, 61Feltesse Vincent ............................................................................................................22, 37Gancille Jean-Marc.......................................................................16, 17, 38, 66, 79, 104, 132Gouvernance.3, 13, 15, 17, 18, 22, 27, 33, 35, 42, 45, 46, 52, 64, 65, 71, 79, 84, 87, 93, 94, 96, 100, 103, 109, 111, 113, 114, 116, 135Joseph Isaac .........................................................................................................................97Juppé Alain...................................................11-15, 21, 22, 24, 28, 30, 31, 36, 37, 42, 74, 75Lextrait Fabrice ...................................................................................................................65Maas Winy.........................................................................................................................101Marieu Jean..........................................................................................................................11Pinson Gilles.................................................................................................................18, 135Renauld Vincent..........................................................................................................104-106Requalification.....................................................................3, 13, 22, 25, 32, 38, 41, 62, 115Urbanité............................................................3, 9, 12, 18, 39, 87, 93, 97, 98, 105, 116, 131 Hatem Fabrice.......................................................................................................................8>..........................................................................................................................................126

137

Page 138: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

INDEX DES ILLUSTRATIONS

Illustration 1 : Carte des quartiers de Bordeaux..................................................................10Illustration 2 : Schéma de fonctionnement de SAS Darwin.................................................17Illustration 3: Écoquartiers en projet de Bordeaux Métropole et arc de développement durable..................................................................................................................................23 Illustration 4 : Étalement urbain de la métropole de Bordeaux : 1950-1999....................25Illustration 5: Cartographie des projets de Bordeaux (rénovation, construction, etc.).........27Illustration 6 : Schéma d'évaluation des quartiers durables ................................................30Illustration 7 : Schéma d'élaboration du PLU et SCOT de Bordeaux Métropole................34 Illustration 8 : Modélisation du futur écoquartier Bastide-Niel..........................................40Illustration 9: Processus de reterritorialisation des friches...................................................41Illustration 10: Dépenses politiques publiques en 2014 de Bordeaux..................................52 Illustration 11 : Exposition « Land Art » de Julien Mouroux à Bastide-Niel ....................57Illustration 12 : Les revenus les plus faibles de l'agglomération se situe sur la rive droite ainsi qu'au Sud de Bordeaux................................................................................................62Illustration 13: Le quartier Saint-Michel à Bordeaux. ........................................................63Illustration 14 : Photo aérienne zone de Bastide-Niel..........................................................69Illustration 15 : L'attractivité de la métropole comparée en Europe. ..................................73 Illustration 16 Projet d'esquisse des Magasins Généreux par le cabinet Lavergne / Bodart..............................................................................................................................................75Illustration 17 : Schéma comparatif des éco-quartiers et de la dynamique globale des quartiers durables.................................................................................................................83Illustration 18 : Le concept urbain du projet de Winy Maas .............................................102Illustration 19 : « La projection sociale de l'usager dans la fabrication urbaine ».............104Illustration 20: Photo aérienne de la Caserne Niel et Darwin............................................118Illustration 21 : Schéma de fonctionnement d'un cluster ..................................................119Illustration 22: 18ème escadron de la Caserne Niel...........................................................119Illustration 23: Caserne Niel au début du XXème.............................................................120Illustration 24: Magasins Généraux Nord au début du XXème ........................................120Illustration 25: Façade du Hall de Darwin.........................................................................121Illustration 26: Graffiti d'une façade de Darwin.................................................................121Illustration 27 : Projet d'esquisse en 2014 des magasins généraux Sud par MVRDV (architecte mandataire), atelier King Kong (architecte associé), Territoires Parallèles, Oasiis, Arcadis, IdB Acoustique........................................................................................122 Illustration 28 : Projet d'intégration de 55 000 hectares de nature dans le tissu d'urbain d'ici2030....................................................................................................................................122Illustration 29: Façade du hangar.......................................................................................123Illustration 30: Façade des magasins généraux ................................................................123Illustration 31: espace autour de Bastide-Niel ..................................................................124

138

Page 139: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS................................................................................................2

RÉSUMÉ..............................................................................................................3

SUMMARY...........................................................................................................3

TABLE DES SIGLES..............................................................................................5

LEXIQUE.............................................................................................................6

INTRODUCTION...................................................................................................8

Chapitre I : L'union entre un patrimoine public et un projet privé :

Bordeaux, terrain d'expérimentation d'un cluster créatif.........................20

I) L'urbanisme durable : du militantisme à l’injonction politique ............ 20

A) Une stratégie territoriale entre mutabilité et durabilité : la politique bordelaise,

globale et cohérente. ........................................................................................................ 21

1) La fabrication d'une ville-nature attractive dans la compétition européenne............21

2) La problématique de l'étalement ..................................................................................23

3) Un « territoire de reconquête » : La rive droite comme nouveau terrain

d'expérimentation................................................................................................................25

B) Vers un urbanisme négocié : la multiplication des acteurs ......................................... 27

1) L'acculturation des projets urbains : participation plurielle et effective....................27

2) Des méthodes empiriques...............................................................................................28

3) La transition d'une conception militante à entrepreneuriale.......................................30

C) De l'urbanisme moderne à l'urbanisme responsable : sentier de dépendance des

acteurs publics. ................................................................................................................ 31

1) La prolifération des règlements internationaux et des prototypes nordiques............31

2) Le verdissement des projets urbains des collectivités territoriales..............................32

3) De nouvelles méthodes pour répondre aux urgences urbaines....................................34

II) Entre adaptation et authenticité : le projet Darwin et l'identité

bordelaise .......................................................................................................... 35

139

Page 140: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

A) Des acteurs multiples pour un projet commun ........................................................... 36

1) Alain Juppé : un soutien permanent en dépit de l'hostilité des collectivités...............36

2) Des leaders charismatiques pour un projet hors normes............................................37

3) Un projet bicéphale : rencontre entre Pola et Darwin pour le devenir d'une capitale

culturelle..............................................................................................................................38

B) Un projet phare pour la métropole bordelaise ............................................................ 39

1) Darwin : fabrique et découverte d'un futur écoquartier..............................................39

2) Un cluster comme exploitation et conservation du patrimoine : la friche militaire . .40

3) La diffusion et promotion d'une nouvelle marque territoriale....................................42

C) D'une société de communication au cluster créatif : des entrepreneurs privés et

indépendants .................................................................................................................... 43

1) « Les fonds privés comme garantie de liberté et d’indépendance » J.-M. Gancille....43

2) Administrations et opérateurs privés : associés-rivaux dans l'émergence du projet. 44

3) Un trublion pour les techniques orthodoxes des promoteurs immobiliers.................45

III) L'innovant projet Darwin : une avant-garde idéale pour le

rayonnement de Bordeaux .............................................................................. 46

A) Un atout dans la compétition territoriale : le cluster comme ressource ..................... 47

1) La construction d'un pôle d'économie créative.............................................................47

2) Un espace populaire pour la culture comme atout touristique....................................48

B) Une stratégie éthique et productive des industries créatives ...................................... 48

1) Hybridation entre une démarche entrepreneuriale, capitalistique et éthique............48

2) Des valeurs aux acteurs : élargissement du panel comme stratégie de marketing.....49

C) Eviction des autres projets citoyens de Bordeaux : un effet rouleau-compresseur .... 50

1) Des graffeurs et squatteurs délogés................................................................................50

2) Le « déficit culturel » bordelais.....................................................................................51

Chapitre II : Entre popularité et popularisation, l'identité revendiquée

d'une transition culturelle, économique et citoyenne.................................54

I) Faire rupture dans la fracture territoriale bordelaise ............................. 54

140

Page 141: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

A) Intégration d'une culture plurielle : volonté du projet Darwin face à l'hostilité

bordelaise ......................................................................................................................... 54

1) Promotion d'une culture populaire historiquement rejetée à Bordeaux : l'art de la

rue né sous forme de squat..................................................................................................55

2) Un mécénat culturel et artistique florissant..................................................................56

3) Les évènements culturels et l'éducation populaire comme stratégie d'attraction......57

B) Les oubliés du projet : renforcement de l'exclusion des cultures dominées. ............. 58

1) De la culture urbaine et populaire à la dénaturation en culture institutionnelle ......58

2) Une sous-représentation des classes populaires de Bordeaux......................................59

3) Le collectif d'artistes Pola aux origines du projet précarisé et nomadisé..................60

C) Sur les traces de Darwin.. un écoquartier promu à une grande mixité ? .................. 61

1) Concentrer les initiatives urbaines : facteur de « redoublement des inégalités

environnementales » ?.........................................................................................................61

2) Écoquartiers et néo-communautarisme : la concentration des « classes créatives ». .63

3) Une typologie des fréquentations : le volontarisme des usagers..................................64

II) La réception d'un nouveau modèle de gouvernance et de responsabilité

citoyenne ........................................................................................................... 65

A) Une diffusion nuancée du projet : entre médias, collectivités et habitants ................ 66

1) Un lieu ouvert sur sa métropole.....................................................................................66

2) Une réception du projet conditionnée chez les Bordelais ............................................67

3) Un succès pour la presse nationale, internationale et officielle....................................67

B) Une surmédiatisation face à un projet modeste. ......................................................... 68

1) Des médias fixés sur l'innovation aux dépens de l'essence du projet : la ruralité......68

2) Un bilan financier inquiétant.........................................................................................69

C) Accepter le succès d'une élite « bobo » pour tirer une ville vers le haut. .................. 70

1) La construction d'un pôle régional de la culture et de l'économie créative : les

structures.............................................................................................................................70

2) Bordeaux, une ville où entreprendre, une ville créative et intelligente.......................72

141

Page 142: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

3) Le succès et la suite de l'aventure : les magasins généraux Sud, nouveau projet pour

Darwin..................................................................................................................................73

III) Cohérence et modélisation entre un projet immobilier privé et une

dynamique urbaine publique .......................................................................... 76

A) Remplacer la compétition par la coopération : le management public ...................... 76

1) Une articulation complexe entre décisions privées et conditions publiques................76

2) Le financement privé et le jugement public..................................................................78

3) Du local au global : Darwin et le programme des Nations Unies pour

l'environnement...................................................................................................................78

B) Modernisation des méthodes : une avant-garde qui ne peut être publique. ............... 79

1) Une prise de risques ingérable pour une collectivité, reléguée à Darwin....................79

2) La marchandisation du territoire comme solution aux problèmes financiers. ..........80

3) Différenciation et distanciation de Darwin et des grands ensembles ..........................80

C) Imitation et diffusion : repenser Bordeaux comme la ville créative ........................... 83

1) 1 hectare de modèle pour un quartier : effet d'entraînement......................................83

2) Entre objet de recherche et enjeu politique : la légitimité du renouvellement

idéologique urbain ? ...........................................................................................................84

Chapitre III : De l'utopie urbaine au projet sociétal : adaptation sans

aliénation d'un cluster créatif et durable aux idéologies légitimes...........87

I) Une volonté de reconstruire un écosystème. ............................................ 87

A) Un cluster créatif et responsable : écosystème utopique ou exemplaire? ................. 88

1) La transition écologique comme pilier fondamental : le modèle négawatt.................88

2) La coopération et mutualisation pour une synergie entrepreneuriale : « coopétition »

..............................................................................................................................................89

B) Une économie de fonctionnalité aux vertus sociales et environnementales ............... 90

1) Le bien-être des membres comme souci premier des fondateurs................................90

2) De la création d'emploi à l'insertion professionnelle : un nouveau modèle social......91

3) Un accès facilité aux services vertueux pour l'environnement.....................................92

142

Page 143: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

C) La promotion d'un produit pour un nouveau paradigme de mode de vie : changer les

mentalités et « faire société » .......................................................................................... 93

1) L'esprit de Darwin : une gouvernance réellement collective.......................................93

2) Nouveau symbole de la cohésion sociale : des institutions pour recréer du lien social

..............................................................................................................................................94

3) Un relai pour des associations ou évènements « populaires » et sociaux.....................95

II) Une approche expérimentale de l'écoquartier Bastide-Niel .................. 96

A) La construction d'une identité de quartier via les industries créatives et la sociabilité

......................................................................................................................................... 96

1) Réaménagement d'un art de vivre autour des activités créatives et citoyennes.........96

2) Darwin au défi de l'urbanité...........................................................................................97

3) Le numérique comme outil de diffusion et de pratique................................................98

B) Un îlot né d'une inversion des échelles et des temporalités, source de difficultés de

coordination ..................................................................................................................... 98

1) Face à des normes trop rigides, l'occupation de fait.....................................................98

2) Les limites d'un projet phare : une occupation temporaire risquée............................99

3) Renversement de l'autorité entre promoteur et collectivités .....................................100

C) Intégration et participation de Darwin dans son futur quartier : difficultés de

l'émergence d'un projet privé dans un espace public ..................................................... 101

1) Du cluster à l'écoquartier : conflit sur les formes urbaines avec le promoteur

immobilier..........................................................................................................................101

2) D'une façade pluraliste et participative à la constitution d'une élite décisionnelle

plurielle et technocratique................................................................................................102

3) Des acteurs pour les usages : une démarche volontaire difficilement diffusable......103

III) Les enjeux écologiques et éthiques: centre ou périphérie d'un projet

« responsable »? ............................................................................................. 105

A) La réalité sur les projets urbains durables, « habits verts de l'urbanisme capitaliste » ?

J.-P. Garnier ................................................................................................................. 106

1) Une nouvelle communication sur des projets immobiliers banals ? .........................106

143

Page 144: Le projet Darwin : des friches au quartier exemplarité et

2) La réalité sur le respect des normes écologiques : tirer des leçons des comparaisons.

............................................................................................................................................107

3) La nouvelle donne des « hipsters » ?............................................................................108

B) La transition écologique comme nouvelle promesse de croissance ......................... 109

1) Des bénéfices d'image intrinsèques..............................................................................109

2) Des économies financières notables..............................................................................110

C) La confusion entre projet privé et intérêt général aux sources des critiques ............ 110

1) L'innovation pour survivre : une continuité capitalistique........................................110

2) L'accueil de tous : rôle de l'Etat et non pas de Darwin..............................................111

CONCLUSION .................................................................................................113

ANNEXES........................................................................................................118

SOURCES........................................................................................................125

BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................134

144