268
UNIVERSITE PARIS VIII VINCENNES SAINT-DENIS LE REGARD FRANÇAIS SUR LES ENVOYÉS MAROCAINS DU XVII e ET XVIII e SIECLES Mémoire de D.E.A. (Diplôme d’Etudes Approfondies) rédigé par Rabih SAIED Sous la direction de : Jean-Pierre DUTEIL Année : 1999-2000

LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

UNIVERSITE PARIS VIII VINCENNES SAINT-DENIS

LE REGARD FRANÇAIS SUR

LES ENVOYÉS MAROCAINS DU XVIIe ET XVIIIe SIECLES

Mémoire de D.E.A. (Diplôme d’Etudes Approfondies) rédigé par

Rabih SAIED

Sous la direction de : Jean-Pierre DUTEIL

Année : 1999-2000

Page 2: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

1

LE REGARD FRANÇAIS SUR

LES ENVOYÉS MAROCAINS DU XVIIe ET XVIIIe SIECLES

Mémoire de D.E.A. (Diplôme d’Etudes Approfondies) rédigé par

Rabih SAIED

Page 3: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

2

Remerciements

Je remercie Monsieur Jean-Pierre Duteil, professeur en histoire

moderne à l’université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et Monsieur

Ousama ZOUGARI, chercheur et enseignant en histoire au Lycée

Mohammed V à Taroudannt (Maroc) pour leur aide, leur conseil et leur

soutien respectif qui furent indispensables à la réussite de ce mémoire. Je

tiens à remercier enfin le personnel des Archives Nationales, des Affaires

Etrangères, de la Bibliothèque Nationale de France et de la Bibliothèque

Richelieu à Paris et de l’Institut du Monde Arabe également à Paris pour

leur chaleureux accueil.

Page 4: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

3

INTRODUCTION

Page 5: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

4

Chaque année la France accorde un intérêt particulier à un pays

étranger. Cette sollicitude de « l’autre » se manifeste alors de diverses

façons. Plusieurs manifestations culturelles ont lieu dans la capitale et dans

les villes de province. C’est en effet l’occasion de réaliser des expositions,

des spectacles, des colloques, des livres et des films. Jouissant d’une

publicité médiatique, cela crée ainsi l’événement culturel de l’année et

pousse la curiosité des gens à s’y intéresser. Il arrive d’ailleurs que cet

avant goût donne l’envie de voyager et de voir en vrai ce qui est admiré en

France. L’année 1999-2000 est celle du Maroc.

La culture et l’histoire de cet État se différencient par rapport aux

autres pays maghrébins. Le Maroc à l’inverse de l’Algérie et de la Tunisie

ne subit pas la domination de l’Empire ottoman. En outre par rapport aux

autres, le Maghreb Al-Aqça rejoint tardivement l’empire colonial français

(1912). De plus le protectorat ne dure qu’une quarantaine d’années. La

France n’a pas non plus considéré de la même manière le Maroc et

l’Algérie (divisée en départements français). L’empreinte française est donc

moins présente au Maroc qu’en Algérie (colonisée de 1830 à 1962). Le

Maghreb Extrême a par conséquent conservé plus de particularismes par

rapport à ses voisins qui ont subi pendant de nombreux siècles les

dominations étrangères.

Depuis l’accession à l’indépendance de ce pays en 1956, un nombre

important d’immigrés marocains s’est installé en France. Cette population

africaine se trouve alors en contact direct avec le peuple français. Toutefois

Page 6: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

5

les ouvrages relatifs à cette deuxième plus grande communauté musulmane

en France restent rares.

Leur religion amène cependant énormément de discussions dans la

société française : l’affaire du foulard islamique à Creil dans l’Oise en 1989

est un exemple. Les livres et les articles sur l’islam – deuxième religion

dans l’Hexagone – et surtout sur l’intégrisme musulman se sont multipliés

depuis une vingtaine d’année. L’image de cette religion et de ses adeptes

s’accompagne en outre dans la rue le plus souvent de clichés et de préjugés

hostiles.

C’est dans ce contexte que se pose une interrogation historique

essentielle : celle de la relation avec autrui. La découverte du Maroc et de la

culture marocaine basée sur l’islam par les Français pose en effet la

question. Quelles sont les origines du regard de ces Européens porté sur les

Marocains venus en France ?

Pour répondre il faut retourner dans le passé et précisément à

l’époque moderne. Pourquoi ? C’est tout simplement parce qu’au XVIIe et

au XVIIIe siècles, les premiers Marocains voyagent en France. Ils ne restent

pas pour une longue période puisqu’ils ont la fonction d’ambassadeur ou de

simple envoyé chargés par leur souverain de remplir une mission. Ainsi à

partir des représentants du sultan venus en France, il est plausible

d’examiner les impressions et les sentiments des Français à l’égard de

« l’autre » marocain.

Page 7: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

6

L’envoyé du sultan n’est pas évidemment l’archétype du Marocain

de la période. Il est choisi par son souverain parmi l’élite du Maroc. Il est

chargé de défendre les intérêts de son maître et de son pays à l’étranger.

Toutefois la perception des Français à l’égard de ces représentants – qui

viennent d’une partie de l’Afrique islamisée – reste tout de même

indissociable du regard porté sur leur peuple en général. Ces musulmans

marocains créent en effet l’événement en arrivant en terre chrétienne.

Les sources françaises sur lesquelles se fondent les réponses sont de

différentes natures. Elles émanent d’abord des autorités politiques de

l’époque. En premier lieu, un intérêt particulier est porté aux

correspondances des consuls de France au Maroc. Ces derniers sont

généralement les premiers au contact des envoyés du sultan. Ils informent

alors minutieusement par l’intermédiaire de lettres et de mémoires le

secrétaire d’État à la Marine sur les intentions du sultan d’envoyer une

mission en France. Deuxièmement, il faut s’arrêter sur les lettres laissées

par les marins chargés de transporter les ambassadeurs. Les capitaines de

vaisseaux écrivent à leur supérieur pour leur rendre compte du déroulement

du voyage.

Les intendants des ports – principalement de Brest et de Marseille –

sont aussi chargés de fournir des nouvelles des Marocains. Enfin la

correspondance de la Chambre de Commerce de Marseille avec les consuls

au Maroc et le pouvoir central demeure aussi primordiale. Certains Français

– notamment les secrétaires interprètes du roi en langues orientales –

accompagnent troisièmement les Marocains pendant leur trajet jusqu’à la

Page 8: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

7

capitale. Ils gardent alors le contact avec le pouvoir central par courrier. Il

est possible d’y ajouter les nouvelles transmises par les intendants et les

présidents de parlements de la province qui ont accueillis ces Africains.

Les introducteurs des ambassadeurs constituent la quatrième source

originaire du pouvoir. Louis Nicolas Le Tonnelier, baron de Breteuil

nommé en 1698 a laissé des mémoires richissimes au sujet des ambassades

du Maroc. Les secrétaires d’État et les rois de France ont eux aussi produit

de nombreux documents pour répondre à leurs agents en ce qui concerne la

présence des Marocains sur le sol français. En dernier lieu, il faut citer les

récits de voyage des ambassadeurs du roi de France au Maroc comme ceux

du baron de Saint Amant envoyé en 1683 et de François Pidou de Saint-

Olon dix ans plus tard. Ils ont en effet rencontré et côtoyé les agents du

sultan venus à la cour. Ces documents permettent de connaître en détail le

déroulement des missions marocaines. Mais elles sont fortement

imprégnées du contexte diplomatique régnant à ce moment entre la France

et le Maghreb Al-Aqça.

Les sources littéraires constituent la deuxième catégorie. Elles

comprennent les écrits des contemporains qui ont évoqués les ambassades

et les missions marocaines. Le duc de Saint-Simon, le marquis de Dangeau

et le marquis de Sourches leur ont accordé des lignes dans leurs mémoires

et journaux. Des captifs et des religieux revenus du Maroc ont également

publié des ouvrages engagés et le plus souvent hostiles dans lesquelles ils

relatent entre autre la venue des Marocains en France. Ces ouvrages ont

pour but de sensibiliser « l’opinion » sur le sort des Français en captivité au

Page 9: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

8

Maghreb Extrême. De ce fait il se crée un courant littéraire hostile envers

ces musulmans. Voltaire s’est d’ailleurs inspiré de cette littérature pour

certains passages concernant le Maroc dans ses contes tels que Candide ou

l’optimisme et Histoire des voyages de Scarmentado écrite par lui-même.

La dernière sorte de documents écrits semble les sources

« journalistiques ». Ce sont en fait les gazettes ou les journaux de l’époque

qui accordent des pages à l’événement constitué par la présence de

Marocains. Il s’agit du Mercure Galant, du Mercure de France, de la

Gazette de France, le Journal de Verdun, la Gazette d’Amsterdam, la

Gazette de Rotterdam, l’Histoire journalière de ce qui se passe de plus

considérable en Europe et les Nouvelles extraordinaires de divers endroits.

Ces écrits ne sont pas innocents. Ils véhiculent une certaine propagande en

faveur de la monarchie française.

Les sources iconographiques restent enfin la dernière catégorie qui

peut nous aider à comprendre le regard français sur « l’autre » marocain à

l’époque moderne. Des Français ont effectivement exécuté des portraits des

envoyés du sultan et de sa suite ou des scènes les mettant en valeur durant

leur ambassade à la cour de France. Les estampes décrivent entre autre les

tenues vestimentaires et les traits principaux des Marocains. Mais leur but

reste surtout de glorifier le pouvoir royal français.

La méthode pour parvenir à cerner le regard porté par les Français à

l’encontre des Marocains aux XVIIe et XVIIIe siècles comprend plusieurs

niveaux. Il est nécessaire de prendre d’abord en compte toutes les clefs de

Page 10: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

9

la vision française sur autrui. Elles comprennent aussi bien celles à l’échelle

du pays que celles qui sont au niveau individuel. Il faut séparer et comparer

la perception des agents du pouvoir, de celles des littéraires, des anciens

captifs, des aventuriers et des religieux.

Il semble également indispensable de comparer le regard porté sur

les Marocains avec celui porté à l’encontre d’autres musulmans envoyés en

France, c’est-à-dire des Régences, de l’Empire Ottoman et de la Perse. Mais

il faut aussi prendre en compte les représentations des ambassadeurs non

musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire

russe. Enfin face aux sources sélectionnées, il paraît indiscutable d’y relever

les éléments qui, de près ou de loin, se rapportent aux Marocains, c’est-à-

dire leur pays, leur religion et leurs mœurs et coutumes.

Les représentations des Français et surtout du pouvoir royal sur

« l’autre » marocain à l’époque moderne restent résolument imbriquées

dans les rapports entretenus par le royaume de France avec le Maghreb Al-

Aqça. Le royaume des Bourbon opte pour ne pas traiter d’un pied d’égalité

le sultan rendu responsable du sort malheureux de nombreux Français en

captivité dans son pays par les publications contemporaines. La barrière de

la religion est aussi très présente dans les relations diplomatiques entre les

deux États. La question à résoudre se formule dès lors ainsi : le regard

français porté sur ces envoyés marocains a-t-il contribué à dessiner une

représentation plus positive d’un pays, mais également d’une religion dès

son origine très mal jugée en référence au vrai dire que représente

l’expérience vécue et relatée par les voyageurs français – principalement

Page 11: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

10

des captifs et des religieux – au Maroc, ou au contraire, n’a-il fait qu’en

renforcer certains contours ?

Il apparaît par conséquent nécessaire de décrire premièrement le

contexte diplomatique des différentes ambassades et missions marocaines

en France. Des clefs importantes sont alors à saisir au passage. Puis une

deuxième partie doit être consacré plus précisément aux traitements et

honneurs reçus par les envoyés du sultan en France. La considération

apportée à ces musulmans peut alors apporter des précisions sur la vision

française à l’encontre d’autrui. En dernier lieu, il convient de cerner le

regard des Français sur le pays et la culture marocaine à travers ces

représentants musulmans.

Page 12: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

11

PREMIERE PARTIE

LES RELATIONS ENTRE LE MAROC ET LA FRANCE

Page 13: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

12

L’utilité de se pencher sur les rapports diplomatiques entre le Maroc

et la France réside dans plusieurs arguments. Le premier n’est autre qu’il est

impossible de traiter l’envoi des Marocains auprès du roi sans rappeler les

raisons et le contexte de l’époque. Deuxièmement, les premières images

relatives aux représentants du sultan sont d’ordre purement diplomatique.

Lorsque le souverain marocain décide l’envoi d’un de ses agents en France,

les représentants français au Maroc et le pouvoir royal correspondent entre

eux sur ce projet. Ces correspondances semblent alors essentielles pour

comprendre l’attention allouée aux missions de ce pays musulman par la

France. Enfin cette partie reste indispensable pour acquérir les outils

précieux pour décoder les regards portés sur les envoyés marocains à cette

période.

Ainsi il faut commencer par revenir d’abord sur l’origine de

l’établissement des liens surtout diplomatiques entre les deux pays jusqu’au

XVIIe siècle. A partir du dernier quart de celui-ci s’ouvrent alors des

relations profondes entre les deux souverains de l’époque : Moulay Ismaïl

(1672-1727) et Louis XIV (1643-1715). Mais l’impossibilité de conclure un

traité alimente les tensions entre le Maroc et la France. Néanmoins c’est à

ce moment que pour la première fois des ambassadeurs marocains sont

reçus officiellement par le roi. Enfin sous le règne du sultan Mohammed III

(1757-1790), les rapports avec la France reprennent un nouveau départ

grâce à la conclusion d’un accord de paix et de commerce en 1767 et

l’envoi de plusieurs représentants en France par la suite.

Page 14: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

13

Chapitre premier.

La France et le Maroc : des origines au XVIIe siècle.

Page 15: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

14

En prenant connaissance de l’historique des liens diplomatiques

entre le Maroc et la France avant les XVIIe et XVIIIe siècles, c’est

l’occasion de cerner quelques clefs du regard diplomatique français porté

sur le Maghreb Al-Aqça. Les relations franco-marocaines des origines

jusqu’au XVIIe siècle sont en effet marquées par de multiples événements

influents dont les conséquences restent présentes aux siècles suivants. En

outre l’envoi d’ambassadeur auprès du roi de France n’est pas une

nouveauté à l’époque moderne.

Il paraît donc primordial d’étudier en premier lieu l’évolution des

rapports entre le Maroc et la France de l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle.

Puis les relations avec le roi français sous le règne du souverain saadien

Moulay Zidan (1603-1627) prennent de l’ampleur. Les premiers litiges

apparaissent alors entre les deux États. Enfin il faut terminer par décrire les

rapports entre 1627 (mort de Moulay Zidan) et 1672 (accession au trône de

Moulay Ismaïl) marqués par l’impossibilité de faire respecter un traité par

les deux parties.

Les antécédents diplomatiques

Les relations de la France et du Maroc ainsi que l’envoi d’émissaires

entre les deux pays sont en effet très anciens. L’antériorité des liens permet

Page 16: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

15

d’analyser en détails les mécanismes du regard complexe de la

« diplomatie » française sur « l’autre » marocain. Quelle est donc la nature

des rapports entretenus par la France avec cet État musulman indépendant

des origines jusqu’au début du XVIe siècle ? De quelles manières évoluent

ces relations ?

« Les premières relations de la France avec le Maroc remontent à

l’Antiquité1. » A cette époque le Maghreb extrême entretient surtout des

liens commerciaux avec Marseille. La domination de Rome sur les deux

rives de la Méditerranée accentue considérablement les circuits d’échanges

entre la Maurétanie Tingitane et la Gaule. Mais les rapports entre les deux

provinces romaines restent purement commerciaux. Les premiers contacts

diplomatiques entre les souverains du Maghreb extrême et de la France ont

lieu à l’époque médiévale.

Les tentatives de rapprochement entre les deux rives datent en effet

du Haut Moyen Age. « Si l’on en croit certains auteurs, le souverain

idrissite de Fès aurait envoyé à Charlemagne, en l’an 801, une ambassade,

qui se serait trouvée à la cour de l’empereur d’Occident en même temps

qu’un représentant du calife abbasside Haroun ar-Rachid2. » Mais en l’état

des sources actuellement connues, il ne paraît guère possible d’affirmer

1 Gisèle Chovin, « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc, des origines à la fin du Moyen Age », Hespéris, tome XLIV, 1957, 3e-4e trimestre, p. 249. 2 Jacques Caillé, « Ambassades et missions marocains en France », Hespéris Tamuda, volume 1-fascicule 1, 1960, p. 41. Un résumé clair et précis avec l’indication des principales études consacrées sur la question se trouve dans l’article de G. Chovin, « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc », art. cité, p. 263-264.

Page 17: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

16

l’envoi d’un représentant de Moulay Idriss II (803-828/829) dans l’Empire

de Charlemagne.

Toutefois à la fin du XIIIe siècle, le sultan mérinide Abou Youssef

Yacoub (1258-1286) écrit au roi Philippe III le Hardi (1270-1285). La lettre

contient alors un projet d’alliance en Al-Andalus 3 . Aucune suite n’est

malheureusement donnée à cette affaire par le roi de France. Néanmoins

des liens diplomatiques apparaissent entre les deux pays pendant la grande

période des croisades. Les relations commerciales se poursuivent tout de

même entre les deux pays : « A la fin du XIIe siècle, et début XIIIe siècle,

Montpellier et Narbonne vont pouvoir trafiquer directement au Maroc grâce

à une série de traités avec Gênes. Au XIIIe siècle, Marseille profitant du

conflit entre cette dernière et Pise, parvient à étendre son commerce au

Maroc4. » Mais elles connaissent un net déclin au cours des siècles suivants.

C’est dans ce contexte que Charles VII (1403-1461) correspond avec

le dernier mérinide Abd El-Haqq (1421-1465) vers les années 1450. C’est

la première fois qu’un roi français prend l’initiative d’écrire à un souverain

du Maghreb Extrême 5 . Il désire nouer durablement des rapports

commerciaux avec le Maghreb Al-Aqça. Il demande au sultan mérinide

d’accueillir favorablement les navires marchands français et de garantir la

3 Gisèle Chovin, « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc », art. cité, p. 269-270. 4 Mohammed Ennaji, « Le Maroc et l’Atlantique durant les Temps modernes », dans Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique, Rabat, Faculté de Rabat, 1992, p. 97. 5 G. Chovin, « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc », art. cité, p. 295.

Page 18: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

17

sécurité de ses sujets6. Charles VII évoque dans sa lettre la réciprocité pour

les éventuels Marocains qui cherchent à commercer avec le royaume de

France. Cependant l’autorité du mérinide sur le pays n’est plus que

théorique. Le Maghreb Extrême traverse une triple crise politique,

économique et sociale. En outre le pays est devenu la proie des Portugais et

des Espagnols qui s’installent progressivement sur les côtes marocaines.

« Il faut attendre le XVIe siècle et le règne de François Ier pour voir

s’amorcer un renouveau des relations commerciales et les premières

relations diplomatiques7. » Le contexte international s’y prête. Le Maroc est

harcelé par les Turcs à l’est. De plus les Espagnols détiennent des territoires

marocains depuis le XVe siècle. Encerclé d’ennemis, le sultan noue des

liaisons avec des pays européens tels que les Pays-Bas, l’Angleterre et la

France. Quant à cette dernière, elle se sent menacée par l’hégémonie des

Habsbourg maîtres de l’Empire espagnol, l’Autriche et ses dépendances,

Bohême, Hongrie, Pays-Bas et une partie de l’Italie. C’est pourquoi

François Ier (1515-1547) s’allie de manière secrète à la Sublime Porte en

1529 par le traité de Cambrai.

Ennemis communs, François Ier est également à l’origine du

rapprochement avec la dynastie des Saadiens (1517-1659). Le Maroc

connaît alors une période de troubles. Les Saadiens continuent en effet de

lutter contre la dynastie déchue : les Ouattassides. En 1525 ils prennent

6 G. Chovin, « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc », art. cité, p. 295. 7 Idem, p. 296.

Page 19: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

18

Marrakech et seulement en 1554 Fès. Ils mènent en même temps le djihad

ou « combat sacré » face aux Ibériques.

François Ier écrit donc en 1533 au saadien Ahmed Ben Mohammed

El-Ouattassî. Il recommande au sultan de protéger ses sujets8. Il envoie

également la même année le colonel Pierre de Piton comme ambassadeur à

Fès. Il est reçu par le sultan Ahmed en lutte contre le Saadien Moulay

Mohammed. Le souverain accorde aux navires français le libre accès des

ports marocains.

Puis l’année 1576 correspond à la première mission marocaine

connue en France. Elle est alors sous l’égide d’un aventurier français patron

de navire du nom de Louis Cabrette9. Le prince saadien Abd El-Malik le

rencontre à Alger en 1573. Devenu sultan, il lui donne aussitôt la mission

d’aller porter au roi Henri III (1574-1589) une lettre. Celle-ci annonce son

avènement au trône.

Le Français arrive à Paris à la fin du mois de juin 1576. Sa tâche

réalisée, il repart avec une lettre d’Henri III à Moulay Abd El-Malik du

mois de novembre. Mais avant de rentrer directement au Maroc, Louis

Cabrette se rend toujours à la demande du sultan marocain en Espagne.

8 Younès Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, Paris, Albin Michel, 1987. 9 Des informations approfondies relatif au personnage de Louis Cabrette sont présentes dans Henri de Castries, « Agents et voyageurs français au Maroc : 1530-1660 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, première série, dynastie saadienne, Archives et Bibliothèques de France, tome III, Paris, Ernest Leroux, 1911, p. IV-VI. [Par la suite on utilise l’abrégé S.I.H.M.].

Page 20: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

19

Un an après, les relations s’accélèrent avec l’envoi de Guillaume

Bérard10 directement chargé de contracter alliance avec le royaume de

France. Ce chirurgien barbier est originaire de Savoie. En 1574 il guérit de

la peste le prince Moulay Abd El-Malik à Constantinople. Deux ans plus

tard, le sultan marocain lui prouve sa reconnaissance en le faisant venir près

de lui comme médecin. Son ambassade accomplie en France au nom de

Moulay Abd El-Malik, Bérard est naturalisé français par le roi Henri III. Il

est en outre nommé consul de la nation française au Maroc. « Il fut ainsi le

premier des agents qui représentèrent la France dans l’empire chérifien,

presque sans interruption jusqu’en 191211. »

Le royaume français noue en même temps la première des relations

commerciales régulières avec ce pays. La raison principale de la jouissance

de ces privilèges par les Français réside particulièrement dans trois faits.

D’une part, ils ne détiennent aucun territoire marocain. L’Espagne est leur

ennemi comme pour le Maroc. Et enfin ce pays chrétien entretient de très

bonnes relations avec l’Empire ottoman.

Sous le successeur du Saadien Moulay Abd El-Malik, Moulay

Ahmed El-Mansour (1578-1603), il existe un projet d’ambassade en 10 Deux sources principales évoquent cette mission de Guillaume Bérard au nom du sultan en France. La première constitue les provisions de consul de France au Maroc en faveur de Guillaume Bérard du 10 juin 1577, dans S.I.H.M., première série, France, op. cit., tome I, p. 367-370. La deuxième source est un passage dans Vincent Le Blanc, Les Voyages fameux du sieur Vincent Le Blanc, marseillois, qu’il a faits depuis l’âge de douze ans jusques à soixante aux quatre parties du monde…, le tout recueilly par le sieur Coulon, Paris, 1648, p. 155-156. Enfin pour des détails sur Bérard, il faut consulter H. de Castries, « Agents et voyageurs français au Maroc : 1530-1660 », art. cité, p. VI-IX. 11 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 42.

Page 21: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

20

direction de la France vers 1583. Cette initiative est connue grâce à une

lettre datée du 28 août 1583 du consul Guillaume Bérard. D’après celle-ci,

le dessein est abandonné à cause de difficultés survenues lors des

préparatifs. Les capitaines de deux navires de Rouen semblent avoir refusé

d’embarquer plusieurs chevaux destinés au roi de France. Cependant

« aucun autre renseignement sur la question n’a pu être retrouvé12. »

En 1588 Guillaume Bérard est remplacé par Arnoult de L’Isle. Ce

consul médecin et professeur d’arabe au Collège de France reste à son poste

de 1588 à 1599. Son bilan est aussi positif que sous le consulat de Bérard

comme peuvent en témoigner les bonnes relations franco-marocaines de

l’époque. Ces bons rapports s’expliquent sans doute qu’au XVIe siècle les

captifs sont peu nombreux. Quand le consul du roi de France demande leur

libération, le sultan la lui accorde d’ailleurs.

Le désir de la France de se rapprocher du Maghreb al-Aqça ne date

pas ainsi de l’époque moderne. Progressivement les souverains français

s’intéressent au Maroc. La politique amicale envers les États musulmans et

notamment envers le Maghreb Al-Aqça de François Ier et de Henri III

(1574-1589) reste exemplaire. Les rois de France désirent effectivement

intégrer l’État marocain dans une alliance. L’intérêt porté au Maroc est

alors grand. Qu’en est-il durant le règne d’Henri IV (1589-1610) et de

Louis XIII (1610-1643) ? Continuité ou rupture du projet diplomatique des

derniers Valois ?

12 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 42.

Page 22: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

21

Sous le Saadien Moulay Zidan (1603-1627)

La période qui s’étend de la mort du sultan marocain Ahmed El-

Mansour en 1603 à celle de son fils et successeur Moulay Zidan en 1627

correspond à une recrudescence dans les rapports franco-marocains. Les

ambassades se multiplient en effet entre les deux rives de la Méditerranée.

Le développement de la correspondance épistolaire entre les souverains

français et marocains accompagne cette multiplication des émissaires.

Cependant deux moments sont à distinguer. Premièrement il existe

une phase de consolidation des rapports entre les deux pays de 1603 à 1612.

Puis à partir de 1612 jusqu’à la mort de Moulay Zidan apparaît un net

refroidissement dans les relations entre le Maroc et le royaume chrétien.

Durant la première période connaissant les bonnes relations entre la

France et l’Empire ottoman, les sultans traitent convenablement les captifs

français jusqu’à les libérer. « Jusqu’à la mort d’Henri IV, les relations entre

les sultans saadiens et la cour de France furent aussi bonnes que

possible13. » Le roi de France demande en effet au sultan par l’intermédiaire

de son consul Guillaume Curiol (nommé en 1607) le respect des franchises

et des privilèges des Français au Maroc. Mais surtout plusieurs lettres

13 Charles Penz, Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Marie de Médicis à Louis XIV, Casablanca, Albert Moynier, 1947, p. 9.

Page 23: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

22

d’Henri IV mentionnent une volonté d’établir une amitié et un traité comme

celui conclu avec les Ottomans14.

Les raisons d’une alliance sont multiples. Le commerce entre la

France et le Maroc doit en être favorisé. Le Bourbon désire également créer

une coalition contre l’Espagne. Les Pays-Bas, l’Empire ottoman y

participent, assurés de l’appui des Morisques résidant en terre espagnol.

Effectivement comme le note Louis Cardaillac, à propos des liens existant

entre les Maures et le Bourbon : « la communauté morisque […] s’adresse à

plusieurs reprises à Henri IV par l’intermédiaire d’émissaires officiels, pour

lui demander son aide en vue d’un éventuel soulèvement en Espagne15. »

L’assassinat du roi doit toutefois contrecarrer ces projets, au moins en ce

qui concerne la France. En outre la régente Marie de Médicis adopte, à

l’inverse de son mari, une politique pro-espagnole.

Les rapports entre les Saadiens et les Bourbons atteignant leur

apogée durant cette période connaissent finalement à partir de 1612 un net

déclin. En décembre 1611, un marchand marseillais du nom de Jean

Philippe Castellane remplace Guillaume Curiol à son poste. Le nouveau

consul désire faire signer à Moulay Zidan un traité analogue à celui conclu

entre la France et Istanbul en 1604. Il décide d’aller porter lui-même à sa

cour les conditions acceptées par le sultan en 1612.

14 Abdelhadi Tazi, At-tarikh ad-diplomassi li al-maghreb, mina al-ossoul ila al-yawen [Histoire diplomatique du Maroc, des origines à nos jours], tome VIII, la dynastie saadienne, Mohammedia, Fdala, 1986, p. 175-176. 15 Louis Cardaillac, Morisques et Chrétiens : un affrontement polémique (1492-1640), Paris, Klincksiek, 1977, p. 143.

Page 24: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

23

Mais Moulay Zidan doit faire face à une révolte. Chassé de sa

capitale par le marabout Abou Mahalli, il rejoint avec quelques fidèles, ses

femmes et se biens les plus précieux le port de Safi où Castellane est consul

de France et possède un navire, le Notre-Dame-de-la-Garde. Le sultan

affrète ce bâtiment moyennant trois mille ducats pour transporter à Agadir

ses richesses et notamment sa bibliothèque, d’une très grande valeur16.

Arrivé à Agadir, Castellane ne veut pas décharger sa cargaison avant

d’avoir reçu le prix convenu. Comme le paiement ne se fait pas et que ses

vivres commencent à s’épuiser, le Français prend la mer et se dirige vers

Marseille.

Le 5 juillet 1612 le navire, l’équipage et la cargaison sont capturés

par les Espagnols au large de Salé. Les livres de Moulay Zidan sont

transportés à l’Escurial où ils sont encore17. La riposte est brutale : deux

cents Français du Maroc sont mis à la chaîne. C’est un tournant capital dans

les relations des deux pays : la tension monte entre la France et le sultan.

Des missions marocaines sont alors envoyées par le Saadien à la cour

du jeune Louis XIII. Leurs objectifs résident dans la récupération de sa

prestigieuse bibliothèque prise par les Espagnols. Moulay Zidan désigne le

caïd Ahmed El-Guezouli dès que le Notre-Dame-de-la-Garde quitte Agadir

et avant même que les Espagnols s’en emparent. C’est une nouveauté par

rapport au XVIe siècle. Les agents envoyés en France ne sont plus des

chrétiens d’Europe. Le mahrzen utilise à présent ses propres hommes pour 16 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 43. 17 Ibid, p. 43.

Page 25: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

24

effectuer les ambassades en France. El-Guezouli accompagné de diverses

personnes s’embarque à destination des Provinces-Unies, d’où il doit se

rendre à Paris.

En même temps, Moulay Zidan écrit aux États-Généraux des

Provinces-Unies, avec lesquelles il entretient alors d’excellentes relations. Il

les prie d’appuyer sa demande auprès de Louis XIII. Cependant le

représentant des Provinces-Unies à Paris ne réussit pas à obtenir un sauf-

conduit pour El-Guezouli. La cour de France refuse de le recevoir.

L’ambassade s’avère être un échec. Au mois d’août 1613 et sur l’ordre de

son souverain, Ahmed El-Guezouli s’embarque pour Agadir. Resté aux

Provinces-Unies, il n’existe par conséquent aucun témoignage français sur

El-Guezouli et son ambassade18.

Au moment où cet ambassadeur essaye en vain de se rendre à Paris,

un autre envoyé marocain, Ahmed El-Hajeri séjourne en France de

1610/1611 à 1613. Abou Abbas Ahmed Ben Kacem Ben Fqih Ben Cheikh

El-Hajeri El-Andalusi connu sous les noms de Afoukay et de Chihab est un

Maure originaire d’un village nommé Ahhjar près de Grenade. Il part très

jeune avec sa famille s’installer à Séville. Puis El-Hajeri se rapproche de la

côte espagnole afin de pouvoir fuir les persécutions des Espagnols. En 1599

il part enfin clandestinement pour le Maghreb Al-Aqça. Homme très

18 La mission de Ahmed El-Guezouli est traitée dans l’article de J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 43-44. Les sources relatives à cette ambassade proviennent principalement des États-Généraux traduites dans S.I.H.M., première série, dynastie saadienne, Archives et Bibliothèques des Pays-Bas, tome II, Paris, Ernest Leroux, 1907, p. 106-108, 131-139, 142-143, 161-162, 172-174, 191-196, 607-610, 733-740 et 743-744.

Page 26: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

25

cultivé, il obtient à Marrakech le poste de secrétaire interprète auprès du

sultan. Il garde son poste jusqu’en 1636, date de son pèlerinage. Lors de son

retour du lieu saint, il s’arrête en Ifriqiya où l’on perd sa trace dans les

années 1640.

En l’absence totale de sources françaises sur cette mission de Ahmed

El-Hajeri, le spécialiste français Jacques Caillé n’accorde qu’une petite note

dans son article19. Il n’a sûrement pas connaissance du récit de voyage de

celui-ci intitulé Nasir ad-din alla el-kaoum el-kaferin [Le Défenseur de la

foi face aux Infidèles]. Dans ce dernier, il relate son ambassade en France,

mais également son voyage à Amsterdam en 1613 et son périple à La

Mecque en 1636. Ahmed El-Hajeri le compose après les événements à la

demande d’un cheikh tunisien entre 1637 et 1641 au retour de son

pèlerinage. Il manque très souvent de précisions dans ses informations. En

outre comme le souligne le titre de sa rihla, son ouvrage est fortement

imprégné de religiosité. El-Hajeri a composé son livre sous une forme de

débats entre lui, les chrétiens et les juifs rencontrés lors de son périple.

19 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 44, note 5. L’auteur de l’article s’appuie notamment de sources hollandaises reproduites dans S.I.H.M., première série, dynastie sadienne, Archives et Bibliothèques des Pays-Bas, tome III, Paris, Paul Geuthner, 1922, p. 108, 304 note 2, 305, 411, 418, 423, 430, 435, 438, 506, 516 et 519 ; et du livre d’Ahmed Al-Naciri, Kitab el-Istiqça. Les Saadiens [1894], trad. M. El-Naciri, Paris, 1936, p. 295 note 1 et 348 note 3. Toutefois pour plus de précisions sur la rihla de El-Hajeri en France, il faut consulter Abdelmajid Kaddouri, Sufaraa marhariba fi Europa (1610-1922) : fi el-way bi at-tafawatt [Ambassadeurs marocains en Europe (1610-1922) : dans la conscience du déséquilibre], Casablanca, Faculté de Rabat, 1995, p. 7-22, 39-70 et 90-114 ; et une maîtrise d’histoire de Rabih Saïed, Deux ambassades marocaines en France au XVIIe siècle. Images et représentations de la France du XVIIe siècle chez deux ambassadeurs marocains, Christophe Duhamelle (dir.), Université de Picardie Jules Verne, Amiens, 2000 dans laquelle est traité entre autre le regard de El-Hajeri porté sur le royaume de France à travers son récit de voyage.

Page 27: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

26

Dans l’introduction de son récit de voyage, Ahmed El-Hajeri indique

bien être venu en France comme « embachador » ou ambassadeur de

Moulay Zidan20. La cause officielle du départ du traducteur interprète du

sultan, El-Hajeri n’est pas la restitution des trésors du Saadien. Le but de

l’ambassade est la libération de Morisques et de leurs biens capturés par des

corsaires français. En effet lors de l’expulsion des Maures de la péninsule

ibérique à partir de 1609, certains d’entre eux ont loué des navires français

pour rejoindre l’Afrique du Nord21. Les Andalous réussissant à atteindre les

côtes marocaines se sont donc plaints auprès du sultan Moulay Zidan.

Celui-ci décide d’envoyer son secrétaire interprète Ahmed El-Hajeri lui

aussi d’origine maure. El-Hajeri connaît donc les affaires des morisques.

En 1610/1611, il s’embarque de Safi pour arriver dans le port du

Havre de Grâce. Il est reçu en audience à Paris par le roi et une lettre lui est

remise afin de circuler en toute liberté dans le royaume22. L’ambassadeur

du Maroc voyage dans tout le pays. Il s’arrête à Saint-Denis, Olonne,

Bordeaux, Toulouse. Sa mission est un demi-succès. Il obtient à Bordeaux

une somme d’argent des capitaines de vaisseaux comme dédommagement.

El-Hajeri n’évoque pas néanmoins le sort des captifs maures dans la suite

de son récit. Sa mission réalisée, il s’embarque pour Amsterdam en 1613.

La date de son retour définitif au Maroc n’est pas connue.

20 Ahmed Ben Kacem El-Hajeri El-Andalusi connu sous le nom d’Afoukay, Nasir ad-din alla el-kaoum el-kaferin [Le Défenseur de la foi face aux Infidèles], adapté par Mohammed Razzouq, Casablanca, Faculté de Casablanca, 1987, p. 17. 21 A. El-Hajeri, Nasir ad-din alla el-kaoum el-kaferin, op. cit., p. 43. 22 Idem, p. 44.

Page 28: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

27

En été 1617, la France tente de renouer avec le sultan. Louis XIII

envoie Robert Boniface de Cabanes et Claude Du Mas auprès du sultan

mais sans succès. En janvier 1619, Du Mas accompagné du chevalier Isaac

de Razilly sont envoyés auprès du sultan pour obtenir la libération de ses

compatriotes captifs. Ils obtiennent le départ d’un ambassadeur marocain en

France du nom de Sidi Farès. Sa mission a le même objet que celle de

Ahmed El-Guezouli en 1612 : « solliciter l’intervention de Sa Majesté Très

Chrétienne pour la restitution de la bibliothèque prise par les Espagnols à

un capitaine marseillais23 ». Il doit en outre demander l’envoi à Marrakech

de François Razilly comme négociateur.

Toutefois il n’a pas plus de succès que ce dernier. Arrivé à Marseille,

Du Mas par intérêt privé empêche tout contact entre Sidi Farès et la Cour.

L’envoyé marocain n’a pas plus de succès que Ahmed El-Guezouli. D’autre

part, les protestations de Sidi Farès n’empêchent pas Claude Du Mas d’être

désigné, au lieu de François de Razilly, pour aller négocier avec Moulay

Zidan. Il n’existe pas de sources françaises abondantes concernant cette

mission en France24.

23 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 45. 24 Les seules sources françaises existantes sont les instructions pour la Molle de 1619, des extraits de l’Histoire de la mission des P.P. capucins au Maroc (1623-1624) et les mémoires de Razilly à Richelieu du 26 novembre 1626 et de fin 1626 publiés dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, première série, dynastie saadienne, Archives et Bibliothèques de France, tome III, Paris, Ernest Leroux, 1911, p. 54-58, 99-111 et 115-122. 22 Mémoire de Razilly du 26 novembre 1626 adressé à Richelieu à Pontoise dans S.I.H.M., première série, France, op. cit., tome III, p. 117.

Page 29: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

28

Seul un passage d’un mémoire du chevalier Isaac Razilly du 26

novembre 1626 rédigé à Pontoise et adressé au cardinal de Richelieu

renseigne sur le traitement de Sidi Farès à Marseille :

[…] lorsqu’il [Moulay Zidan] envoya en France son ambassadeur pour se playndre, on le retint quatre moys enfermé dans la maison, de l’advertissement de Sa Majesté, sans qu’il eust moyen de sortyr du tout. Ceste affaire fut très mal conduytte25.

La cour de France a sans aucun doute négligé cet envoyé du sultan.

Le traitement infligé à Sidi Farès – envoyé comme véritable ambassadeur et

accompagné des envoyés français – ressemble à celui d’un prisonnier. La

« diplomatie » française envers le Maroc de ce moment est jugée par

Razilly lamentable. Moulay Zidan est de toute manière très mécontent de

l’échec de cette ambassade. Le récit de son représentant peut y être pour

quelque chose. De retour au Maroc en 1620, Claude Du Mas représente

Louis XIII pendant cinq ans comme consul26. Toutefois les relations entre

le sultan et Louis XIII sont rompues.

Les rapports entre la France et le Maroc sous Moulay Zidan

demeurent un moment capital dans l’histoire diplomatique des deux pays

pour deux raisons essentielles. D’une part, le rapprochement entre les deux

États atteint son apogée sous le règne du Saadien et d’Henri IV. Et d’autre

23 Ch. Penz, Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Marie Médicis à Louis XIV, op. cit., p. 33.

Page 30: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

29

part, cette période correspond également au début des relations

conflictuelles entre la France et le Maghreb Al-Aqça. La captivité de

Français au Maroc y contribue sûrement. Mais la cour refuse également de

recevoir la plupart des représentants du sultan.

Sous les derniers Saadiens et les premiers Alaouites (1627-1672)

Les relations se modifient durant cette période. Des facteurs internes

aux États sont à prendre en compte comme la lutte pour le pouvoir au

Maroc et la naissance de la course. La France tente de son côté de conclure

un accord définitif avec le Maghreb al-Aqça. Les raisons sont multiples. Le

commerce français est en danger à cause des corsaires et le nombre des

captifs français augmente au Maroc. Quelles en sont les conséquences ?

Le chevalier Isaac de Razilly effectue ainsi quatre voyages au Maroc

(en 1625, 1629, 1630 et 1631) afin de conclure un traité de paix27. En 1625,

le cardinal de Richelieu confie la mission d’imposer pour la première fois

au Maroc le respect du pavillon français. Il autorise également le

commandeur Isaac de Razilly à s’emparer de Mogador28. Ce projet échoue.

27 Pour plus de renseignements sur les voyages au Maroc du chevalier de Razilly, il faut consulter le livre de Ch. Penz, Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Marie de Médicis à Louis XIV, op. cit., p. 43-49. 28 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 30.

Page 31: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

30

Toutefois il marque la volonté de la France de conquérir des territoires

marocains comme l’ont fait les Portugais et les Espagnols.

C’est lors de son deuxième voyage que Razilly obtient la signature

d’une trêve avec les corsaires du Bou Regreg (fleuve qui sépare Rabat de

Salé). Salé devient en effet totalement indépendante à cause de l’anarchie

régnante à la mort de Moulay Zidan et jusqu’en 1641. Elle conserve la

totalité de ses bénéfices. Plusieurs facteurs l’ont permis. Tout d’abord sa

situation géographique mais aussi des facteurs historiques comme la guerre

de Trente Ans et l’expulsion des Morisques d’Espagne29.

Les Morisques chassés d’Espagne entre 1609 et 1614 organisent la

ville. Leur arrivée correspond à une recrudescence de la course. Les

corsaires de Salé ont pour armateurs les riches Maures. Ils fournissent les

bateaux, les vivres, les agrès, les canons et les armes. Les capitaines ou raïs

sont souvent des Andalous mais également des Européens convertis. Les

succès des corsaires salétins sont très rapides. En outre quatrième ville

corsaire après Alger, Tunis, et Triploli, Salé a les pirates les plus redoutés

sur mer30.

Le 30 novembre 1629 André Prat négociant marseillais est nommé

consul de Tétouan et de Salé. Mais il faut attendre le dernier voyage de

Razilly pour que le fils de Moulay Zidan, le sultan Moulay El-Oualid

29 Jean Brignon, Abelaziz Amine, Brahim Boutaleb, Guy Martinet et Bernard Rosenberger, Histoire du Maroc, Paris, Hatier, 1967, p. 229. 30 J. Brignon et autres, Histoire du Maroc, op. cit., 1967, p. 230.

Page 32: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

31

(1631-1636) signe un accord avec la France. Le traité du 17 septembre 1631

est composé de seize articles.

L’article premier passe l’éponge sur les différends survenus dans le

passé. Le second et troisième article insistent sur la mise en liberté de tous

les captifs français, même amenés dans les ports marocains par des navires

d’Alger ou de Tunis. 180 marins français sont alors libérés par le sultan.

Mais il n’y a pas de réciprocité sur d’éventuels captifs marocains en France.

L’article quatre donne des droits aux commerçants français et marocains.

Le 24 septembre 1631, des précisions sont apportées avec la

rédaction d’un acte en rade du port de Safi. « Ce deuxième instrument

diplomatique fixe quelques points de politique étrangère communs à la

France et au Maroc, et renforce la portée du traité signé à Marrakech une

semaine auparavant31. » Un agent du sultan est envoyé en décembre 1631

en France demander la ratification du traité par le roi. « L’envoyé du Sultan

fut reçu comme un véritable ambassadeur. On le gratifia de riches présents,

et le 12 avril 1632 on lui donna le texte du traité ratifié par Louis XIII32. »

Cependant il reste un an et demi aux Provinces-Unies avant de retourner au

Maroc. La course reprend alors.

Vers 1634, un capitaine français apprend au Bourbon que Moulay

El-Oualid n’a jamais reçu le texte ratifié par le roi. Ce dernier décide ainsi

31 Ch. Penz, Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Médicis à Louis XIV, op. cit., p. 51. 32 Idem, p. 77.

Page 33: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

32

de signer un nouvel accord. Le 19 juillet 1635 est donc mis en place un

nouvel instrument diplomatique33. L’article premier désire le rétablissement

de la correspondance entre les deux souverains. Le second insiste sur la

libération de tous les captifs. L’article cinq regroupe des dispositions visant

à éviter les actes d’hostilités sur mer. Le même jour, une ordonnance

importante de Moulay El-Oualid valide le traité et le rend exécutoire dans

tout le pays.

L’autonomie des corsaires de Salé vis-à-vis du pouvoir oblige tout de

même la France à conclure un autre accord avec les Salétins. Ces derniers

acceptent finalement les articles de la paix signée à Safi le 19 juillet 1635.

La république morisque n’est plus à l’écart de l’accord entre la France et le

Maroc. Le commerce franco-marocain peut alors se développer en toute

sûreté.

Trente cinq années s’ensuivent de bonne intelligence et d’échanges

commerciaux mutuellement bénéfiques entre les deux États. Puis survient

dans le pays une longue période d’anarchie que la dynastie alaouite (qui

règne depuis 1666) met à profit pour conquérir le pouvoir au détriment des

Saadiens. Quelles relations s’établissent entre les nouveaux maîtres du

Maroc et le royaume des Bourbon ?

Durant ces années-là, le négoce français subit la perte de plusieurs

bateaux capturés par les corsaires salétins. Les échevins de Marseille

33 Ch. Penz, Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Marie de Médicis à Louis XIV, op. cit., p. 77-81.

Page 34: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

33

s’adressent alors à Colbert le sollicitant d’accréditer l’un des leurs, Roland

Fréjus, comme négociateur auprès du nouveau sultan Moulay Rachid.

Colbert accepte mais Fréjus a des vues ambitieuses. Fondateur de la

Compagnie des Albouzèmes [Alhoucéma], il projette de s’emparer

d’Alhoucéma et d’y construire un fort pour ses futures activités

commerciales34. Emmenant dans ses bagages le plan du fort envisagé, il est

reçu à Taza par le sultan. Cependant ses projets découverts, Fréjus est

aussitôt arrêté et mené à Salé d’où il est embarqué en partance pour

l’Europe.

Les habitants de La Rochelle arrêtent le projet d’envoyer un

marchand, Samuel Roy, tenter de racheter leurs compatriotes captifs à Salé.

Informé, le secrétaire d’État à la Maison du roi et à la Marine Jean-Baptiste

Colbert décide transformer celui-ci en négociateur officiel. Le 21 février

1672 Louis XIV écrit à Moulay Rachid (1666-1672). Il le félicite de ses

succès et lui annonce l’envoi prochain de Samuel Roy chargé de proposer

un échange réciproque des captifs35. Toutefois peu de jours après il donne

l’ordre à l’escadre de Château-Renaud de bombarder Salé.

Cette ambivalence caractérise la politique permanente de Louis XIV

à l’égard du Maroc. La lettre du roi de France n’a aucune suite. Moulay

Rachid trouve la mort dans un tragique accident de cheval le 9 avril 1672.

En France on doit différer l’envoi à Salé du négociateur annoncé, Samuel

34 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 31. 35 Ibid, p. 31.

Page 35: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

34

Roy. Enfin l’escadre de Château-Renaud échoue dans ses tentatives contre

les Salétins et reprend la route de Brest.

Le 13 août 1672, Louis XIV envoie au nouveau sultan Moulay

Ismaïl la même lettre que celle adressée à son frère le 23 février 1672. Il lui

annonce la prochaine arrivée d’un négociateur en la personne du même

marchand rochelais Samuel Roy. Toutefois marqué par si peu de

considération, le sultan refuse de recevoir ce marchand comme

ambassadeur36. Les deux souverains sont occupés chacun de leur côté : l’un

s’engage dans ses guerres d’Europe ; et l’autre consolide son autorité dans

son pays. Louis XIV et Moulay Ismaïl ne tentent de renouer que de

nombreuses années plus tard.

Les liens diplomatiques entre la France et le Maroc de leurs

premières origines au XVIIe siècle se sont sensiblement modifiés. Le

rapprochement entre les deux pays est au départ purement commercial. Puis

à l’époque médiévale, la péninsule Ibérique sous domination musulmane est

l’occasion de rapprochement – mais sans résultats – entre les deux États. Il

faut attendre le XVIe siècle pour connaître une volonté de conclure une

alliance notamment militaire contre l’Espagne.

Les rapports sont alors des plus amicaux entre le royaume des Valois

et le Maghreb Al-Aqça. Henri IV poursuit d’ailleurs cette politique en

faveur du rapprochement avec le Maroc. Mais la mort du Bourbon, l’affaire

36 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 31.

Page 36: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

35

Castelane et la politique pro espagnole modifient les relations. Tout au long

du XVIIe siècle, les conflits se multiplient, la course marocaine progresse,

les captifs français augmentent, le commerce français au Maroc est touché

et aucun traité n’est appliqué. La France projette même de conquérir des

territoires sur les côtes marocaines.

La vision diplomatique de la France sur le Maroc se modifie elle

aussi au cours des siècles. Pour la période antérieure au XVIe siècle, il est

certes difficile de donner une petite idée par manque d’informations. Mais

sous François Ier et jusqu’à Henri IV, le Maghreb Al-Aqça est très

considéré. Cependant cette considération s’efface à partir des années 1610.

La France semble négliger le Maroc à en juger par exemple le refus de

recevoir les représentants marocains en France par rapport à la période

précédente. Comment est considéré le Maroc de Moulay Ismaïl par la

France de Louis XIV ? Quelles relations s’installent entre les deux

souverains ?

Page 37: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

36

Chapitre 2.

Les relations franco-marocaines à la fin du XVIIe siècle.

Page 38: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

37

Les rapports entre la France et la Maroc de 1672 à 1718 possèdent un

caractère particulier par rapport au passé. Le roi de France de l’époque n’est

autre que Louis XIV, le Roi-Soleil. Au Maroc, le sultan est Moulay Ismaïl

que certains historiens ont comparé au roi français. Leurs règnes sont en

outre très longs. Ils construisent tous deux de nouvelles capitales

politiques : Versailles et Meknès. Ils règnent en monarque absolu dans leur

pays respectif. Enfin les deux souverains ont multiplié les initiatives par

rapport aux siècles antérieurs afin d’arriver à un véritable accord définitif

durant leurs règnes. Plusieurs ambassades des deux côtés sont envoyées à

cet effet. Mais c’est la première fois que des envoyés marocain et

musulman du sultan sont accueillis officiellement à la cour de France.

Dans ce chapitre, il faut montrer tout d’abord les multiples

problèmes existant entre les deux pays à la fin du XVIIe siècle. Quels sont-

ils ? Le deuxième point important concerne les Français envoyés au

Maghreb Al-Aqça par Louis XIV. Ces ambassadeurs et ces consuls ne sont-

ils pas des acteurs et des témoins précieux des relations entre les deux

États ? Enfin il faut remettre dans leurs contextes les ambassades et

missions marocains en France. Comment sont-elles perçues à leur départ

par les autorités françaises ? Quels sont leurs résultats ?

Page 39: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

38

Enjeux et sources de conflits entre Moulay Ismaïl et Louis XIV

Sous Louis XIV et Moulay Ismaïl (1672-1727) les relations franco-

marocaines tendent à prendre un cours plus régulier que le passé. Le sultan

Moulay Ismaïl comme Louis XIV désire en effet contracter une solide et

durable alliance. Mais deux sources de conflits demeurent : la course

marocaine et la captivité des sujets marocains et français. La deuxième est

la conséquence de la première. Ce sont deux clefs primordiales pour

comprendre la manière dont le royaume de Louis XIV perçoit le Maghreb

Al-Aqça de l’époque. Toutefois voyons d’abord les raisons qui poussent le

sultan du Maroc et la France à conclure un traité de paix.

Durant le règne de son frère Moulay Rachid, Moulay Ismaïl est alors

gouverneur de Meknès. Il exerce en même temps son autorité sur

l’important centre de trafic et de course qu’est Rabat-Salé. Par conséquent il

est amené à s’informer sur la situation politique de l’Europe. Le sultan

s’intéresse particulièrement aux puissances européennes – dont la France –

qui ont cherché à conclure des traités de paix et de commerce avec Moulay

Rachid.

Bien renseigné sur la situation en Europe, il [Moulay Ismaïl] était au courant de la politique « de prestige et de gloire » du Roi-Soleil, du faste de sa Cour, des premiers succès de ses armées […]. Il savait – et il appréciait – que Louis XIV exerçait son métier de roi en souverain absolu, avec méthode et autorité, et qu’il était l’allié des puissants

Page 40: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

39

Ottomans, gardiens de La Mecque et de Médine, les deux lieux saints de l’Islam37.

Mais d’autres raisons peuvent expliquer cette volonté de

rapprochement. Le royaume de France n’a jamais occupé de territoires

marocains. La France possède en outre dans le Maroc une représentation

consulaire très ancienne. Le royaume de Louis XIV désire accentuer le

développement du commerce avec ce pays musulman. Enfin ils possèdent

des ennemis en commun.

L’Espagne tout d’abord occupe sur la côte marocaine La Marmora,

Larache, Asilah, Ceuta et Mélilla. Elle est également l’ennemi héréditaire

des Bourbon. Tanger est cédé par les Portugais aux Anglais en 1661. A la

chute du roi Stuart Jacques II en 1688, l’Angleterre devient partisane de la

lutte à outrance contre Louis XIV. Enfin les Turcs d’Alger exercent la

piraterie en Méditerranée contre des navires français et ils tentent des

incursions dans l’est du Maroc.

L’alliance avec la France constitue donc la colonne vertébrale de la

politique extérieure de Moulay Ismaïl jusqu’à la fin du XVIIe siècle38. Le

sultan a besoin de cet allié. Ce pays chrétien peut lui fournir en effet des

armes et des matériaux pour la construction de navires. De nombreuses

37 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., 1987, p. 34. 38 Ahmed El-Azemi, « Jawanib mina ssiassa el-kharijiya li-sultan Moulay Ismaïl mouassis ad-dawela al-alawiya » [Quelques aspects de la politique extérieure du sultan Moulay Ismaïl fondateur de la dynastie alaouite], dans Actes de la première rencontre de l’université Moulay Ali Chérif d’automne à Rissani, Rabat, Faculté de Rissani, 1990, p. 193.

Page 41: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

40

lettres sont tout au long de la période échangées entre Meknès et Versailles.

Mais les relations entre les deux souverains présentent des aspects assez

litigieux.

Le premier contentieux entre les deux sultans résulte des corsaires de

Salé 39 . Moulay Ismaïl s’est assuré progressivement le monopole de la

course. Le sultan ne se contente plus de la dîme. Il devient le propriétaire de

la moitié des bateaux corsaires. Les prises des Salétins sont contrôlées et

taxées par le mahrzen. Leur théâtre d’opération s’élargit dans l’océan

Atlantique. Mais la réaction des marines européennes notamment celle de

Louis XIV devient une constante dans les relations entre les deux États.

En mars 1680 et avril 1681, Château-Renaud bloque à nouveau le

port de Salé sans succès. Toutefois le corsaire de Dunkerque Jean Bart

capture en juin 1681 cent trois Marocains sur un navire salétin. Un mois

après, un équipage de cent vingt-cinq Marocains est pris par le chevalier de

Béthune. Ils sont tous envoyés aux galères de Marseille.

En 1684, Moulay Ismaïl nomme le grand corsaire Abdallah Ben

Aïcha général des vaisseaux de Salé40. Ses exploits maritimes se multiplient

en 1687 surtout contre la France. En mai, il capture la Non Pareille, la

Françoise et la Notre-Dame-de-Bonport originaires de Saint-Valéry-en-

39 L’étude essentielle sur la course salétine au XVIIe siècle reste l’ouvrage de Roger Coindreau, Les Corsaires de Salé, Paris, Société d’Editions Géographiques Maritimes et Coloniales, 1948. L’auteur donne d’amples renseignements concernant les activités, les techniques et l’évolution de la course marocaine. 40 R. Coindreau, Les Corsaires de Salé, op. cit., p. 70.

Page 42: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

41

Caux. Il emmène ces prises à Alger. Sa réputation grandit et son activité

préoccupe de plus en plus les autorités françaises. Cependant les opérations

de représailles s’avèrent infructueuses.

Le 24 juillet 1687 est alors promulgué une ordonnance du roi

prohibant toutes relations commerciales avec le Maroc. La même année

une puissante flotte de vingt-cinq vaisseaux de guerre est armée en vain

contre les Salétins. La campagne de Ben Aïcha de 1691 est une des plus

fructueuses de sa carrière de pirate41. Six prises sont portées à son actif de

mars à mai. Le général des vaisseaux de Salé commande en 1693 un

bâtiment de vingt-quatre canons et un équipage de cent quatre-vingts

hommes42. Il réalise toute sa campagne de course de 1694 en compagnie de

son frère Abderahman. Toute la famille Ben Aïcha (les deux frères et

Mohammed Ar-Raïs, fils d’Abdallah) est alors à la mer. Mais l’année 1696

est moins heureuse pour eux. L’année suivante Ben Aïcha reprend ses

activités.

Ses rapports avec le consul de France à Salé depuis 1689, Jean-

Baptiste Estelle, jadis cordiaux sinon amicaux, deviennent brusquement

aigris. Dans un mémoire du 18 juin 1697 adressé au secrétaire d’État à la

Marine, le consul Estelle déclare à propos du corsaire salétin Abdallah Ben

Aïcha :

41 R. Coindreau, Les Corsaires de Salé, op. cit., p. 71. 42 Ibid, p. 71.

Page 43: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

42

Ce general se montre ennemy en toutes sortes d’occasions des Français […]. Sy son bonheur vouloit qu’il fusse mené en France, sa rençon doit être de dix esclaves françois et de cinquante mille escus, étant un des hommes le plus riche qu’il y aye en ce pays. Je vous donne, Monseigneur, cest advis, pour que Vostre Grandeur s’en servy sy l’occasion se presentoit, ce qui seroit un grand coup43.

La dernière croisière de course d’Abdallah Ben Aïcha a lieu en 1698.

Il monte alors son propre vaisseau, armé de vingt canons et deux cents

hommes44. Sur cinq vaisseaux capturés trois sont français. Cette suite de

hauts faits vaut à Ben Aïcha d’être tenu en particulière estime par Moulay

Ismaïl 45 . C’est pourquoi le sultan lui confie d’ailleurs sa fameuse

ambassade à la cour de France en 1698-1699. Au mois de mai 1698, seize

navires de guerre sont encore lancés aux trousses des corsaires sans

résultats tangibles. En 1705, une dernière expédition française contre Salé

échoue une nouvelle fois.

Un deuxième point de litige qui demeure primordial entre

Louis XIV et Moulay Ismaïl est celui des captifs46. Ce problème envenime

43 Mémoire du consul Jean-Baptiste Estelle à Salé du 18 juin 1697, Archives Nationales, Affaires Etrangères, correspondance consulaire, Maroc, volume 2, p. 368 r°, original. 44 R. Coindreau, Les Corsaires de Salé, op. cit., p. 75. 45 Ibid, p. 75. 46 L’ouvrage de référence sur le sujet demeure celui de Charles Penz, Les Captifs français au Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), Rabat, Imprimerie officielle, 1944. L’auteur met en avant l’importance du problème de la captivité dans les relations diplomatiques entre la France et le Maroc. Il faut signaler au passage que les travaux sur les galériens marocains en France à l’époque moderne restent inexistants.

Page 44: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

43

les rapports entre les deux souverains. L’impossibilité de trouver un accord

sur la question a rendu tout traité impossible à signer.

Les corsaires salétins ainsi que les Français réduisent en esclavage

les équipages des navires capturés. En 1674, les religieux de Notre-Dame

de La Merci de Paris procèdent au rachat de captifs français à raison de sept

cents livre47. Le sultan décide alors de se réserver cette nouvelle source de

richesse non négligeable. C’est pourquoi Moulay Ismaïl ordonne à ses

gouverneurs de racheter tous les esclaves chrétiens détenus par des

particuliers et de les lui envoyer à Meknès.

En 1687, le nombre de captifs français s’élève à deux cents soixante-

dix pour baisser vers 1708 à cent cinquante48. Les travaux de construction

constituent les principales besognes. Les ordres rédempteurs français

entreprennent plusieurs voyages au Maroc afin de libérer leurs

compatriotes. En février 1681, les Pères de la Merci repartent par exemple

avec soixante-treize captifs dont le fameux Georges Mouette, prisonnier

depuis 167149.

Le nombre de Marocains en France n’est pas connu. Les sujets du

sultan ont été capturés sur leurs bateaux ou achetés sur les marchés

d’esclaves de Livourne ou de Malte. Les captifs marocains servent

essentiellement dans la chiourme d’une galère à Marseille ou Toulon. La

47 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 47. 48 Idem, p. 264-265. 49 Idem, p. 72.

Page 45: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

44

chiourme est un assemblage ou corps de galériens enchaînés, à la fois les

uns aux autres et à leurs bancs, et devant assurer le maniement des rames.

La captivité dans les deux pays reste par conséquent très dure.

Malgré une politique en faveur de la France pratiquée par Moulay

Ismaïl, les litiges demeurent. La course salétine sous contrôle du mahrzen

continue à capturer des bateaux français. L’équipage de ces navires rejoint à

Meknès les autres captifs chrétiens détenus par le sultan. Par représailles, la

marine royale bombarde souvent Salé et capture les Marocains au large des

côtes. Ils rejoignent les autres musulmans dans les galères de Toulon et de

Marseille. Mais les deux souverains essayent bien avant cette période

d’essayer de résoudre le dilemme par la « diplomatie ». Moulay Ismaïl

envoie le premier un représentant à Louis XIV en 1681.

L’ambassade de Hadj Mohammed Temim (1681-1682)50

Les tensions connues de part et d’autre n’ont pas effectivement omis

le recours à l’envoi d’émissaires. L’initiative appartient au sultan du Maroc.

50 La mission de cette ambassade marocaine est traitée longuement dans Ch. Penz, Les Captifs français du Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), op. cit., p. 93-111 et dans Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 83-104. Ces deux auteurs mettent surtout en avant le déroulement des négociations diplomatiques entre la cour et Mohammed Temim.

Page 46: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

45

Pour quelles raisons ? Quels sont les objectifs de la mission marocaine ?

Comment est perçue l’arrivée d’un ambassadeur en France ?

A la suite de campagnes françaises sur les côtes marocaines, le 1er

juillet 1681, une trêve est négociée entre Château-Renaud et les autorités de

Salé. Elle est suivie d’un traité entre le caïd Omar Ben Haddou et Lefebvre

de La Barre à Mehdiya le 13 juillet. Par l’article treize, le Maroc accepte

désormais le régime des capitulations comme celui signé par Alger en 1666

et Tunis en 1672.

Un mois plus tard, Moulay Ismaïl écrit deux lettres au roi de France.

La première en date du 13 septembre explique qu’il y a eu tout de même un

manquement à son égard. Néanmoins il laisse la porte au dialogue amical.

Puis deux jours plus tard, le 15 septembre, le sultan adresse sa fameuse

lettre par laquelle il invite Louis XIV à se convertir à l’islam51.

Le sultan envoie en outre un ambassadeur – comme convenu dans le

traité – afin d’obtenir la ratification de celui-ci par le roi de France. Le

choix du sultan se porte sur le caïd de Tétouan, Hadj Mohammed Temim. Il

s’embarque le 21 septembre 1681 à Tahaddert, l’avant port de Tétouan sur

le navire du chevalier Lefebvre de La Barre.

Comment perçoit-on en France l’arrivée d’un envoyé marocain ? Les

sources émanent directement du pouvoir royal. Dans une lettre du 28 août

51 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 78.

Page 47: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

46

1681 écrite par Colbert au chevalier Lefebvre de La Barre, le secrétaire

d’État désavoue son agent. Le roi de France refuse de ratifier le traité du 13

juillet. La France ne désire pas la venue d’un ambassadeur marocain :

[…] Elle [Sa Majesté] m’a ordonné de vous escrire qu’Elle veut que vous retourniez avec le pretendu ambassadeur de ce roy, qui vient icy, et que vous le reportiez en son paÿs, Sa Majesté ne voulant pas entendre parler d’une paix aussy honteuse que celle que vous avez fait. […]. […] Elle [Sa Majesté] m’ordonne de vous dire qu’elle ne veut point d’alliance particulière avec le roy de Maroc, et que, si cet ambassadeur a quelque raison pour pretendre qu’on luy rende ces deux cens et tant d’hommes d’equipage escouez sur les costes de Portugal, Sa Majesté veut que vous le reportiez à l’instant mesme au lieu où vous l’avez pris ; mais, s’il n’avoit aucune raison ny pretexte de demander ces deux cens et tant d’hommes, en ce seul cas, qui n’est pas vraysemblable, Sa Majesté vous permet de le laisser à Brest et vous en venir icy en poste pour rendre compte de ce que vous avez fait […]52.

Colbert doute sur le titre d’ambassadeur porté par Temim alors qu’il

ne s’est même pas encore embarqué pour la France. L’ambassadeur est

déconsidéré dans son titre ainsi que l’objet de sa mission. Louis XIV refuse

de négocier avec l’envoyé marocain sur le problème des captifs. Toutefois

ce litige reste à l’origine des relations orageuses entre les deux pays.

L’ambassade marocaine n’est donc pas voulue en France. Le pouvoir royal

ne voit pas l’envoi du Marocain d’un très bon œil. Louis XIV confirme les

52 Lettre de Colbert au chevalier Lefebvre de La Barre écrite à Fontainebleau le 28 août 1681, Archives Nationales, Marine, B2 45, p. 312 v°-314 r°, copie.

Page 48: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

47

paroles de Colbert dans une lettre adressée un mois plus tard à Lefebvre de

La Barre :

[…] vous avez esté informé […] de la résolution que j’ay prise de ne pas souffrir que l’ambassadeur du roy de Maroc vinst icy […]. […] en cas que vous puissiez penetrer par les discours de cet ambassadeur qu’il n’ayt aucune pretention pour la restitution de ces esclaves, – à quoy je ne puis consentir, – je trouve bon que vous le fassiez demeurer à Brest […]. Mais, si vous voyez que cet ambassadeur ayt quelque raison pour pretendre la restitution desdits esclaves, ne manquez pas de m’en donner advis, parce qu’en ce cas j’envoyeray mes ordres pour le faire rembarquer sans venir icy53.

L’envoyé marocain débarque à Brest le 17 octobre 1681. Il est

finalement reçu par le roi de France au château de Saint-Germain-en-Laye

le 4 janvier 1682. Cependant Louis XIV veut renégocier un nouvel accord

plus favorable à son royaume avec l’envoyé de Moulay Ismaïl. Il désigne à

cet effet deux secrétaires d’État, le marquis Colbert de Croissy et le marquis

de Seignelay. Le 29 janvier 1682 est donc signé un traité à Saint-Germain-

en-Laye. Toutes les contre-propositions de Temim sont rejetées54.

Il comporte vingt articles. Les deux premiers articles affirment la

paix entre les deux États. Les deux suivants concernent la libre navigation

53 Lettre de Louis XIV au chevalier de La Barre écrite à Fontainebleau le 28 septembre 1681, Archives Nationales, Marine, B2 44, p. 390 r° et v°, copie. 54 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 88.

Page 49: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

48

des bâtiments français et marocains. Mais ces derniers doivent être munis

d’un certificat établi par le consul français à Salé. C’est là une grave atteinte

à la souveraineté du Maroc. L’article quatre prévoit l’approvisionnement

des vaisseaux français par le Maroc. Le cinquième point du traité prévoit

une aide marocaine contre les autres corsaires musulmans. Cependant il

n’est pas fait mention de réciprocité. L’article sept stipule le rachat

réciproque au prix de trois cents livres pièce permettant aux parties

contractantes de rapatrier leurs prisonniers respectifs. La France détient

évidemment plus de captifs que le Maroc55.

Si l’accueil est réservé à l’annonce de l’envoi de Temim en France,

la cour arrive à faire imposer à cet ambassadeur de Moulay Ismaïl le traité

désiré. Toutefois le traité doit être ratifié par le sultan du Maroc. Le 22 mars

1682, l’ambassadeur s’embarque de Toulon pour atteindre Tétouan le 12

avril.

55 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 100.

Page 50: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

49

Louis XIV envoie un ambassadeur à Meknès56

Louis XIV envoie alors à Meknès un ambassadeur. C’est le premier

représentant extraordinaire du roi de France envoyé au Maroc. La cour

nomme le 3 juin 1682 le baron de Saint-Amans. Ses instructions consistent

à obtenir de Moulay Ismaïl la confirmation et l’observation du traité du 29

janvier 1682. Saint-Amans doit mener également une véritable enquête sur

le Maroc.

Saint-Amans rentre à peine à Toulon, après une campagne de

quatorze mois contre les corsaires de Tripoli, quand Seignelay lui fait

parvenir sa lettre de créance. Le jeune Pétis de La Croix est choisi comme

interprète pour l’accompagner. Le 12 juillet 1682, l’ambassadeur et sa suite

s’embarquent de Toulon à bord du Vaillant pour Tétouan. Il n’emmène

avec lui aucun esclave marocain.

Le Vaillant arrive à Tahaddert, l’avant-port de Tétouan, le 2 octobre

1682. Les Marocains tirent trois coups de canon pour saluer l’arrivée du

vaisseau. Ils sont accueillis par le gouverneur Hadj Mohammed Temim à

Tétouan en octobre 1682. La réception officielle de l’ambassadeur se

poursuit avec des spectacles en son honneur57. Les Français sont logés à

56 Le déroulement précis de l’ambassade de Saint-Amans est traité dans Ch. Penz, Les Captifs français du Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), op. cit., p. 111-124 et dans Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 104-121. 57 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 111-112.

Page 51: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

50

Tétouan dans quatre somptueuses maisons préparées spécifiquement pour

Saint-Amans et sa suite.

Moulay Ismaïl en guerre contre son neveu dans le sud du pays

donne l’ordre d’emmener l’ambassadeur de France auprès de lui. Le caïd

Temim accompagne les Français. Dix-huit étapes sont nécessaires pour

atteindre Salé. Saint-Amans est à chaque étape reçu par le cheikh de la

région concernée. Il est salué par les cavaliers et des plats marocains lui

sont remis. L’envoyé de Louis XIV reçoit à Salé et à Rabat la visite des

gouverneurs de ces deux villes. Tout au long de son voyage vers le Sud, les

cheikhs et caïds viennent à sa rencontre. Le 10 décembre 1682 le camp du

sultan est en vue. Le caïd Ben-Haddou, de retour de son ambassade en

Angleterre vient saluer Saint-Amans et le conduit avec sa suite sous leurs

tentes. Le lendemain matin, les Français sont conduits auprès de Moulay

Ismaïl.

Les négociations s’ouvrent le jour même. Selon Saint-Amans le

souverain n’a pas eu connaissance de la signature du traité de paix en

France58. Temim a eu sans doute peur des réactions de son maître. Moulay

Ismaïl ordonne la renégociation d’un accord avec l’envoyé de Louis XIV.

Les négociateurs marocains dont Temim marquent leur opposition à

certains articles du traité de Saint-Germain-en-Laye. Saint-Amans répète

plusieurs fois qu’il n’a pas le pouvoir de modifier le traité. Les tensions sont

alors très vives entre les deux parties. Limité par des instructions très

58 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 97.

Page 52: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

51

précises, l’ambassadeur refuse de changer un point du traité. Au contraire il

se permet d’ajouter des articles favorables à la France59. Le 13 décembre

1682, Saint-Amans est reçu par Moulay Ismaïl pour son audience de congé.

Le lendemain, l’ambassadeur et sa suite, escortés par Temim et des

gardes reprennent le chemin du retour vers Tétouan. L’envoyé de France

continue à recevoir un traitement dû à son rang. Le 13 janvier 1683 il arrive

à Tétouan. Saint-Amans reçoit alors une lettre de Moulay Ismaïl destinée à

Louis XIV, ainsi que vingt esclaves français libérés par le sultan et remis en

présent au roi de France60. Embarqué sur le Vaillant le 23 février, arrivé à

Toulon le 24 mars, l’envoyé français part pour la Cour le 30 mars.

Il remet la lettre du sultan à Louis XIV daté du 14 décembre 1682.

Moulay Ismaïl effectue dans celle-ci un historique de ses relations avec le

Roi-Soleil. Puis il regrette que le monarque français n’ait pas envoyé de

captifs marocains avec son ambassadeur. Il propose enfin l’échange

d’esclaves tête pour tête. Louis XIV répond par une lettre en date du 5

juillet 1683. Le roi de France réaffirme sa position et s’en tient au traité du

29 janvier 1682 imposé à Temim qui prévoit à l’article 7 le rachat et rien

d’autre. Le désaccord entre les deux souverains semble complet61 . Les

relations entre le Maroc et la France n’aboutissent pas à une conclusion et à

l’application d’un accord pour le bénéfice des deux parties.

59 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 117-118. 60 Idem, p. 121. 61 Idem, p. 121-126.

Page 53: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

52

Le deuxième voyage de Temim en France (1685)

Le traité du 29 janvier 1682 n’est donc pas ratifié par Moulay Ismaïl.

L’ambassadeur français, le baron de Saint-Amans ne peut s’entendre sur

son exécution avec le sultan. Les Salétins reprennent alors leur course

contre les navires français. Mais vingt-huit Marocains sur une tartane

française sont capturés par des vaisseaux de guerre espagnols à hauteur

d’Oran alors qu’ils sont munis de passeports délivrés par Saint-Amans62.

Moins de deux mois plus tard, le mahrzen doit se plaindre d’un

nouvel acte de piraterie. Un armateur de Tétouan, Mohammed Et-Tadj a

obtenu du baron de Saint-Amans un passeport pour se rendre à Alger. Son

bateau acheté, il prend la mer avec son équipage de vingt-six Marocains.

Cependant le marquis d’Amfreville, de l’escadre d’Abraham Duquesne, le

prend en chasse, le capture et l’emmène à Toulon63. Les relations entre les

deux pays s’enveniment de plus en plus.

En juillet 1684 arrive néanmoins à Salé Jean Périllé, nouveau consul

de France. Ce dernier se rend à Meknès auprès du sultan. Moulay Ismaïl ne

peut lui cacher son mécontentement. Le sultan écrit une semaine plus tard à

Louis XIV pour relancer les négociations. Il réclame la liberté des captifs

62 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 143. 63Idem, p. 144.

Page 54: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

53

marocains détenus en France. Mais en octobre 1684, la France achète à

Lisbonne trente-trois Marocains et les expédie à Marseille pour ramer sur

les galères64.

Au mois de mars 1685, le caïd Ali Ben-Abdallah, vice-roi du Gharb

dépêche en France Hadj Mohamed Temim avec une lettre adressée à Louis

XIV. En substance, il est indiqué dans celle-ci que Moulay Ismaïl n’a pas

reçu de réponse du roi de France. Le sultan a autorisé Ali Ben-Abdallah à

envoyer Temim pour réclamer la libération du rais Et-Tadj et de son

équipage65.

Il arrive à Marseille le 20 mars. Il reste deux mois dans la ville car

Versailles ne lui reconnaît pas le caractère d’ambassadeur. Mais l’intendant

de la Marine à Marseille Vauvré transmet la lettre du caïd Ali Ben-Abdallah

à Versailles. Temim part de Marseille le 20 mai 1685 et débarque à Salé le

19 juin.

Louis XIV écrit entre temps à Moulay Ismaïl le 6 mai 1685. Il

menace le sultan de reprendre les hostilités s’il ne se plie pas au traité de

Saint-Germain66. Aucune réponse n’est donnée par Meknès. Les litiges

s’accentuent de part et d’autre. Les prises de chaque côté augmentent

également.

64 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 147. 65 Idem, p. 148. 66Idem, p. 149-150.

Page 55: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

54

Le consul Jean-Baptiste Estelle67

Les relations entre les deux pays sont rompues. Le commerce est

touché à cause de l’ordonnance de Louis XIV de 1687. Le roi de France

prohibe en effet toutes relations commerciales françaises avec le Maroc.

Le sultan essaye alors de relancer les discussions avec la France.

Moulay Ismaïl envoie un captif français comme courrier porter une lettre au

roi de France dans laquelle il formule l’échange réciproque des esclaves68.

En réponse, le chevalier Des Augiers part pour le Maroc pour renouer des

pourparlers. Il est autorisé cette fois à traiter sur la base d’un échange des

captifs, homme pour homme. Pour faciliter les négociations, Louis XIV

lève l’interdiction de commercer avec ce pays le 25 octobre 1688. Débarqué

le 10 décembre à Salé, Des Augiers prend la route de Meknès dès le

lendemain, en compagnie du consul Périllé. L’audience accordée à l’envoyé

français par Moulay Ismaïl se déroule mal. Des Augiers est aussitôt

reconduit à Salé. Sa mission est un échec.

Les relations sont à nouveau gelées entre les deux États. Jean-

Baptiste Estelle devient tout de même le nouveau consul à Salé en 1689. Il

67 Pour plus d’indications sur le consulat de Jean-Baptiste Estelle au Maroc, il faut consulter Ch. Penz, Les Captifs français du Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), op. cit., p. 177-201 et Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 184-206. 68 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 171-172.

Page 56: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

55

remplace Jean Périllé nommé en 1683. Estelle débarque à Tétouan en juillet

1689 muni de ses provisions. Son père Pierre Estelle vient d’être expulsé en

juin. Mais dès son arrivée, Jean-Baptiste Estelle sur ordre du caïd Ali est

mis et reste en prison plusieurs mois. Les documents officiels manquent en

ce qui concerne les raisons de cet emprisonnement69. De la prison, il obtient

cependant une ordonnance royale en date du 17 novembre 1689 nommant

un chancelier chargé du consulat de Salé en attendant sa sortie de prison.

Libérés de leurs prisons respectives, les deux Estelle, père et fils, se

retrouvent à Salé le 20 février 1690. Ils se rendent alors tous deux à Meknès

le 10 mars suivant. Ils y sont accueillis par le caïd Ahmed Ben-Haddou et

reçus en audience par Moulay Ismaïl. Ils visitent aussi les captifs français.

Après quoi sans en avoir informé sa Cour, le jeune Jean-Baptiste prend et

débarque à Marseille début juillet afin de soumettre des propositions de

paix du sultan. Celles-ci sont jugées par Seignelay non raisonnables70. Le

jeune consul retourne au Maroc et visite à nouveau les captifs français alors

que Temim n’a pas été autorisé à voir les galériens marocains à Marseille et

à Toulon.

Il s’applique alors à rédiger de denses mémoires au secrétaire d’État

et ministre de la Marine le comte de Pontchartrain. Il renseigne sa Cour sur

la situation au Maroc et continue à se dévouer à conclure un accord entre

les deux pays. Jean-Baptiste Estelle repart ainsi pour Marseille en février

69 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 187. 70 Idem, p. 192.

Page 57: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

56

1692. Reçu à Versailles, il remet une lettre de Moulay Ismaïl destinée à

Louis XIV du 22 novembre 1691. Le sultan n’est pas tendre avec le jeune

consul et demande l’échange tête pour tête des esclaves71. Il propose enfin

l’envoi d’un ambassadeur français au Maroc. Cette lettre est très bien reçue

par Pontchartrain et Louis XIV qui décide l’envoi d’un ambassadeur à

Meknès.

Jean-Baptiste Estelle réussit lui à obtenir le renouvellement des

provisions de consul à Tétouan pour son père Pierre Estelle auquel on

confie aussi le consulat de Tanger. Renouvelant ses provisions de consul à

Salé, son traitement est même porté de 3000 à 4000 livres, et celui de son

père de 2600 à 3000 livres72. Porteur d’une lettre de Louis XIV adressé à

Moulay Ismaïl en date du 23 avril 1692, Estelle retourne au Maroc et remet

celle-ci au sultan. Le roi de France annonce l’envoi prochain d’un

représentant à Meknès.

71 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 197. 72Idem, p. 200.

Page 58: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

57

L’ambassade de Saint-Olon au Maroc (1693)73

Obtenant les bonnes faveurs du sultan, Jean-Baptiste Estelle est à

l’origine de l’envoi d’un ambassadeur français à Meknès pour une solution

définitive. Mais huit mois se sont écoulés depuis que Louis XIV a annoncé

à Moulay Ismaïl l’envoi d’un représentant. Le sultan marocain est irrité par

ce retard.

Enfin le 14 janvier 1693 est désigné un gentilhomme de la maison du

roi, le chevalier François Pidou, seigneur de Saint-Olon, connu par diverses

missions diplomatiques. Cet homme n’a cependant aucune connaissance

des affaires marocaines et généralement africaines74. Sa mission la plus

importante a été jusqu’alors celle de Gênes en 1682. Il y reste deux ans dans

cette ville en qualité d’envoyé extraordinaire du Roi-Soleil où les Français

sont mal supportés.

Les instructions qu’il reçoit lui laissent une certaine latitude dans la

conduite des négociations. Porteur du traité de 1682 dont il doit exiger la

ratification, il est néanmoins habilité à modifier l’article sept qui a trait à la

libération des captifs. Au cas probable où il ne lui est pas permis de faire

73 Pour plus de détails sur cette ambassade, il faut se référer au livre de Ch. Penz, Les Captifs français au Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), op. cit., p. 201-215 et à celui de Y. Nekouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p.213-238. 74 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 215.

Page 59: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

58

prévaloir la thèse du rachat réciproque qui est la plus favorable aux intérêts

de la France, il est donc autorisé à proposer ensuite en premier lieu un

échange général et en dernier un échange homme pour homme. Il faut

également procéder comme Saint-Amans précédemment à une enquête

détaillée sur cet État musulman. « Comme Richelieu auparavant, Louis le

Grand, précisant sa pensée, songeait à une tentative de colonisation du

Maroc75. »

Pidou de Saint-Olon prend son temps pour préparer son voyage. Puis

il se rend à Toulon au mois de mars 1693. Il dresse alors une liste des

captifs marocains, soit deux cents trente-trois dont vingt-neuf invalides. Le

4 avril 1693, il s’embarque sur l’Arc-en-ciel pour Tétouan où il arrive le 5

mai. Saint-Olon reçut l’accueil dû à son rang. Le 2 juin il arrive avec sa

suite et le consul Jean-Baptiste Estelle à Meknès. De hauts dignitaires du

marhzen viennent le saluer. Moulay Ismaïl le reçoit deux fois.

Le 12 juin 1693 commencent les négociations. On procède à la

lecture et à l’examen du projet de traité apporté par l’ambassadeur de

France. Les plénipotentiaires marocains acceptent tous les articles du projet

de traité apporté par Pidou à l’exception de l’article cinq et sept. Le premier

concerne la protection réciproque que s’accordent la France et le Maroc

contre les corsaires algériens, tunisiens et tripolitains.

75 Y. Nekouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 216.

Page 60: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

59

Pour les Marocains, c’est contraire à la loi islamique qui

recommande la solidarité entre musulmans76. Quand au second, traitant du

rachat ou de l’échange des captifs, les négociateurs marocains préfèrent le

laisser à l’appréciation du sultan.

Pour l’ambassadeur français sa mission est un échec et il décide de

rentrer en France. On lui remet une lettre du sultan destinée à Louis XIV en

date du 12 août 1693. Moulay Ismaïl écrit au roi de France qu’il a bien reçu

Saint-Olon. Mais les pouvoirs de celui-ci ne lui ont pas paru suffisants pour

traiter en personne avec lui des conditions de la paix77. Arrivé à Marseille,

Saint-Olon transmet la lettre, y joignant son Mémoire et une note où il croit

devoir résumer ses ultimes conclusions. Selon lui, il est inconcevable

d’espérer arriver à un arrangement raisonnable avec le sultan.

Après ces échecs renouvelés, tout espoir de conclure un jour la paix

et de délivrer les captifs paraît de plus en plus difficile. Durant six ans, les

relations diplomatiques entre les deux pays sont à nouveau suspendues.

Mais le trafic commercial entre la France et le Maroc prospère. Quelques

échanges individuels de captifs sont consentis et les prises de part et d’autre

se poursuivent.

76 Y. Nekouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 225. 77 Idem, p. 232.

Page 61: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

60

L’ambassade d’Abdallah Ben Aïcha (1698-1699)78

De 1693 à 1698, les corsaires marocains continuent à s’emparer des

vaisseaux français et de leurs équipages tandis que le gouverneur de

Tétouan, le caïd Ali Ben Abdallah, et le fameux raïs salétin, Abdallah Ben

Aïcha, informent le consul Estelle ou le secrétaire d’État, Pontchartrain, des

intentions pacifiques de leur souverain. A toute demande de reprise des

conservations, il est répondu qu’il appartient d’abord au sultan de signer le

traité de 1682.

Le 28 mai 1698, l’envoi d’une escadre placée sous les ordres du

chevalier de Coëtlogon est décidé. Elle a pour mission de chasser les

corsaires salétins. C’est ce moment que choisit Ben Aïcha pour engager de

nouvelles négociations. Il sollicite et obtient en juillet l’autorisation de se

rendre à bord des vaisseaux de guerre mouillés à l’embouchure du Bou

78 Cette fameuse ambassade marocaine a fait l’objet de plusieurs études. On peut citer notamment Ch. Penz, Les Captifs français du Maroc au XVIIe siècle (1577-1699), op. cit., p. 247-274 ; Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 304-326 et Philippe De Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie filâlienne, Archives et Bibliothèque de France, tome V, du 11 novembre 1698 au 28 décembre 1699, Paris, Paul Geuthner, 1953, p. 1-10. Les auteurs mettent parfaitement en évidence les différentes phases des négociations entre l’ambassadeur marocain et Versailles. Une récente maîtrise d’histoire s’est elle intéressée au regard porté par Ben Aïcha sur le royaume de France : R. Saïed, Deux ambassades marocaines en France au XVIIe siècle. Images et représentations de la France du XVIIe siècle chez deux ambassadeurs marocains, Maîtrise d’histoire, Christophe Duhamelle (dir.), Université de Picardie Jules Verne, Amiens, 2000.

Page 62: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

61

Regreg pour faire des propositions de paix. Deux mois plus tard, il rapporte

de Meknès où il est allé conférer avec le sultan un projet de traité.

Ce dernier ne diffère de celui présenté par Saint-Olon en 1693 que

sur quelques points : l’article quatre est modifié, le six réservé et enfin le

fameux article sept laissé en blanc pour montrer qu’il est appelé à être remis

en discussion79. Ni Coëtlogon, ni Estrées, devenu entre temps son supérieur,

n’ont reçu le pouvoir de traiter, mais ce dernier croit bon de profiter de

l’occasion favorable qui s’offre à lui.

Il convient donc avec son adversaire de conclure seulement une trêve

de huit mois, pendant laquelle un envoyé du sultan vient en France pour

traiter des conditions de la paix. Abdallah Ben Aïcha est accrédité comme

ambassadeur par Moulay Ismaïl le 29 septembre 1698. Le comte d’Estrées

écrit à ce sujet à son supérieur : « Il m’a semblé, d’ailleurs, qu’il étoit de la

grandeur du Roy d’obliger ces infideles à envoïer un ambassadeur pour lui

demander la paix, à quoy la treve donne naturellement occasion par les

engagemens qu’ils ont déjà pris80. »

Le commandant français justifie l’envoi d’un ambassadeur marocain

en France à son supérieur. Mais il déconsidère ce représentant du sultan

79 Philippe de Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie filâlienne, Archives et Bibliothèque de France, tome V, du 11 novembre 1698 au 28 décembre 1699, Paris, Paul Geuthner, 1953, p. 4. 80 Lettre du comte d’Estrées à Pontchartrain du 8 septembre 1698 en rade de Cadix, Archives Nationales, Marine, Campagnes, B4 19, 1698, p. 194 r°, original.

Page 63: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

62

comme ses prédécesseurs en 1681-1682. L’envoyé marocain ne vient pas

négocier à Versailles. Il doit simplement ratifier et implorer la paix au Roi-

Soleil. L’argument du comte d’Estrées réside dans la supériorité et le

rayonnement de Louis XIV.

Il se comporte en vainqueur. Les vaincus envoient un des leurs pour

signer la paix car ils ont perdu la guerre. Pontchartrain confirme à son

consul à Tétouan Pierre Estelle la vision de ses prédécesseurs vis-à-vis de la

venue du représentant du Maroc : « Elle [Sa Majesté] n’escoutera point

Benache qu’on escrit devoir venir en France, s’il n’a point le pouvoir de

signer le traitté dont le projet a esté remis par Monsieur de Saint Olon, et

ensuitte par vôtre fils [Jean-Baptiste Estelle]81. »

La mission de Ben Aïcha comme celle de Temim en 1681-1682 est à

l'origine minimisée. Aucune négociation ne semble prévue en dehors de la

ligne politique française sur la question. La France se comporte en pays

vainqueur et supérieur à l’encontre du Maroc. Ce dernier n’a aucune chance

de faire valoir ses droits. Louis XIV ne semble pas décidé à traiter son

homologue sur un pied d’égalité. Jean-Baptiste Estelle – chassé récemment

du Maroc à cause en partie de Ben Aïcha – laisse dans un mémoire une

image très négative sur l’ambassade du corsaire :

Si Benache vient en France, il n’aportera point de traitté de paix signé de son Roy, mais seulement une lettre de créance […]. […]. Et s’il se tient au pouvoir de la lettre de son Roy, il n’y a rien a fier, temoin

81 Lettre du secrétaire d’État à la Marine le comte de Pontchartrain à Pierre Estelle du 15 octobre 1698 [s.l.], Archives Nationales, Marine, Ordres et dépêches, B2 136, 1698, p. 255 r°, copie.

Page 64: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

63

l’exemple de feu Monsieur le Baron de Saint Amant, a qui le Roy de Maroc nia le pouvoir de la lettre de creance qu’il avoit donné à Lugy Tumin lors qu’il vint en ambassade pour la paix, ainsy le traitté qu’il signa fut nul, comme l’on voit au memoire dudit feu sieur Baron de Saint Amant […]82.

Estelle discrédite Ben Aïcha, ses pouvoirs et sa mission. Les deux

hommes ne se portent pas dans leurs cœurs. Une haine particulière anime le

consul Jean-Baptiste Estelle envers le raïs de Salé. Tout est donc mis en

œuvre pour saboter l’ambassade du Marocain en France. Ben Aïcha est

désavoué alors qu’il n’est même pas encore arrivé à Brest. L’exemple pris

par Estelle pour illustrer son argument à son supérieur concerne le discrédit

de Moulay Ismaïl à l’égard de Temim à son retour de France.

Mais il ne faut pas oublier que cette pratique existe également chez

Louis XIV. Le roi catholique a désavoué La Barre lorsque celui-ci a signé

un traité avec le caïd Omar Ben Haddou le 13 juillet 168183. En outre le

traité de Saint-Germain est imposé à Temim. En tout cas la mission

d’Abdallah Ben Aïcha débute comme celle de Temim très mal. Les rapports

effectués à son sujet sont très néfastes et non prometteurs pour la suite de

l’ambassade.

Ben Aïcha s’embarque le 17 octobre 1698 à bord du Favory. Le 11

novembre il débarque à Brest. L’intention du roi de France est alors de lui

82 Mémoire de Jean-Baptiste Estelle du 18 octobre 1698 à Fontainebleau, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 826, volume 2, 1693-1698, p. 435 r°-v°, original. 83 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 312.

Page 65: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

64

faire signer dans ce port un traité reproduisant dans leurs clauses

essentielles ceux rédigés en 1682 et en 169384. L’ambassadeur marocain

ayant manifesté avec la plus grande énergie sa volonté de ne rien conclure

avant d’avoir remis personnellement au souverain sa lettre de créance.

Louis XIV lui accorde satisfaction. Le 12 janvier 1699, il quitte donc Brest

en compagnie de Saint-Olon, le consul Jean-Baptiste Estelle et l’arabisant

Pétis de La Croix.

Arrivé à Paris le 10 février, l’ambassadeur marocain est reçu le 16 en

audience solennelle à la cour. Le même jour, Torcy et Maurepas, fils et

futur successeur de Pontchartrain au département de la Marine, sont

désignés comme plénipotentiaires pour traiter avec Ben Aïcha. Dix jours

après, les négociations s’ouvrent à Versailles, où l’on communique aussitôt

à l’envoyé de Moulay Ismaïl le projet français. Mais les négociateurs

français veulent tout simplement imposer à Ben Aïcha la signature d’un

traité presque semblable à celui de 168285. L’article sept concernant la

libération des captifs propose par exemple le rachat réciproque à trois cents

livres pièce stipulée en 1682.

A la lecture de presque toutes les clauses, le corsaire salétin

témoigne son désaccord. Il désapprouve le libellé des articles trois, quatre,

cinq, six, sept, huit, dix, douze, treize, quatorze, seize, dix-sept, relatifs au

droit de visite, au paiement des fournitures consenties dans les ports

français à des Marocains, à l’interdiction de faire des prises à moins de six

84 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 306. 85 Ibid, p. 306.

Page 66: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

65

lieues des côtes de France, à la mise en liberté des captifs amenés au Maroc

par d’autres Barbaresques ou pris sur des bateaux étrangers, à la perception

des droits de douane, à la protection due aux navires des parties

contractantes et à la juridiction des consuls français86. En ce qui concerne la

libération des esclaves, Ben Aïcha s’oppose au système du rachat

réciproque et préconise l’échange général87.

Moins d’une semaine après, Pétis de La Croix, professeur d’arabe au

Collège Royal, donne lecture à Ben Aïcha des réponses faites à ses contre-

propositions par Monsieur de La Touche premier commis de la Marine.

Celui-ci se montre néanmoins favorable à la solution préconisée par

l’envoyé du sultan pour régler le point le plus important, à savoir l’échange

des captifs88. Le raïs rédige donc de nouvelles propositions communiquées

le 11 mars 1699 aux commissaires du roi. Ben Aïcha estime sa mission

remplie. Il menace même de demander son congé.

Dans l’espoir d’éviter cette éventualité, le gouvernement français fait

appel à Denis Dusault, ancien capitaine de la Compagnie du Bastion de

France. Naguère consul d’Alger et ensuite à plusieurs reprises en qualité

d’envoyé extraordinaire, ce personnage paraît tout désigné par son

expérience et par son renom en Afrique du Nord pour reprendre les

pourparlers. Avec l’aide d’Estelle et de Pétis de La Croix, Dusault établit

86 Philippe de Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, op. cit., deuxième série, tome V, p. 5. 87 Ibid, p. 5. 88 Idem, p. 6.

Page 67: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

66

donc un nouveau projet de traité en trente articles remis le 29 mars à

l’ambassadeur marocain. Toutefois le texte élaboré par Dusault ne

comporte aucune innovation importante susceptible de modifier l’attitude

réticente adoptée par l’envoyé du sultan89. La suggestion émise par La

Touche sur l’échange général des esclaves captifs est même abandonnée

pour revenir au principe d’un échange tête pour tête complété par un rachat

réciproque au prix de cent cinquante piastres par homme.

Ben Aïcha s’obstine à réclamer des réponses à son propre projet. Le

3 avril, les commissaires du roi lui répondent par une répétition et une

justification du projet de Dusault. De son côté, Dusault a jugé inutile de

prolonger la discussion, tant que la question de la libération des captifs

n’est pas réglée. Les négociations sont pratiquement rompues. Le 6 avril,

Pontchartrain écrit à Clairambault, commissaire de la Marine à Brest pour

lui annoncer le prochain renvoi dans ce port de l’ambassadeur marocain. En

même temps, il lui ordonne de hâter l’armement de trois frégates destinées à

reprendre la lutte contre les Salétins, dès l’expiration de la trêve conclue

pour huit mois le 15 septembre précédent90.

Le Marocain redoute alors de ne pas rentrer à temps chez lui pour

avertir ses compagnons. Son audience de congé est fixée au 26 avril 1699.

C’est au cours de cette journée que se produit un véritable coup de théâtre.

Saint-Olon informe Versailles que Ben Aïcha lui a donné la veille son

89 P. de Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, op. cit., deuxième série, tome V, p. 7. 90 Ibid, p. 7.

Page 68: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

67

assentiment à l’échange tête pour tête des esclaves, mais encore il est prêt à

approuver tous les autres articles91. Il est donc décidé qu’aussitôt après la

cérémonie officielle, les commissaires royaux lui présentent le traité à

signer. Mis en présence de Saint-Olon, le corsaire donne une version

différente des propos colportés sur son compte. « Les violentes

contestations qui s’ensuivent mettent fin à la séance92. »

En reconduisant à Paris au sortir de la conférence l’envoyé marocain,

le baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs, apprend en même

temps la rupture et sa cause. Il décide alors de mettre à profit les derniers

jours qui restent pour tenter de réparer le malentendu. Avec l’approbation

du ministre Torcy et à l’insu d’Estelle et de Saint-Olon, il réunit donc le 2

mai dans sa maison de campagne de Charonne Abdallah Ben Aïcha, Pétis

de La Croix et le négociant Jean Jourdan intéressé par le commerce du

Maroc. Un à un, au cours de l’après-midi, les articles soumis à

l’ambassadeur pour la première fois le 26 février sont examinés à nouveau.

Ben Aïcha consent à signer un projet reproduisant les clauses essentielles

du traité93. Il approuve l’échange tête pour tête des captifs.

Porté le 3 mai à Versailles, ce texte en revient le 4 mai chargé des

annotations des ministres qui exigent plusieurs modifications. Le Salétin se

résigne à faire quelques ultimes concessions, mais il demeure intraitable sur

91 P. de Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, op. cit., deuxième série, tome V, p. 8. 92 Ibid, p. 8. 93 Idem, p. 9.

Page 69: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

68

trois points : le détroit de Gibraltar ne peut pas être excepté de la zone à

l’intérieur de laquelle les sujets des deux pays ne doivent pas faire de prises

sur leurs côtes respectives, il revendique pour ses compatriotes le droit de

capturer des Français enrôlés dans des équipages ennemis, et enfin il n’est

pas possible de s’opposer à l’armement dans un port marocain de navires

appartenant à des puissances musulmanes en lutte avec la France94.

Cette fois, les négociations sont définitivement rompues et le

lendemain 5 mai, l’ambassadeur marocain quitte Paris pour se rendre à

Brest. Revenu au Maroc sur la frégate de guerre française, la Dauphine,

Abdallah Ben Aïcha débarque le 10 juin 1699 à Salé. « Pour la cinquième

fois en moins de vingt ans, un accord général s’était avéré impossible95. »

La voie « diplomatique » est donc un échec.

Vers la rupture des liens diplomatiques

Après l’échec de l’ambassade de Ben Aïcha en France, le divorce

semble consommé entre les deux pays. Comment les rapports évoluent-ils

entre les deux États ?

94 Philippe de Cossé Brissac, « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11 novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, op. cit., deuxième série, tome V, p. 9. 95 Ibid, p. 9.

Page 70: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

69

Le comte Ferdinand de Relingue, lieutenant général des armées

navales reçoit l’ordre de commander une escadre de dix frégates armées

contre les Salétins96. Sans obtenir des résultats, elle accentue la tension

entre les deux pays. Relingue fait déposer à Salé une lettre de Louis XIV

adressée à Moulay Ismaïl. Le roi de France écrit avoir reçu son envoyé Ben

Aïcha dont les pouvoirs ont été insuffisants pour conclure la paix. Louis

XIV espère que le sultan renseigné sur la puissance de la France accepte les

conditions de paix proposées à son ambassadeur. Moulay est irrité à

l’extrême. Le sultan répond au roi de France qu’il ne le craint pas97.

Alors que les rapports « diplomatiques » sont conflictuels, les

relations commerciales entre les deux pays connaissent un relatif

développement. Tous les marchands français réalisent de bonnes affaires au

Maroc. A la fin du XVIIe siècle, le commerce français au Maroc encouragé

par le sultan occupe la première place. Des relations étroites se nouent entre

Ben Aïcha et Jean Jourdan en France qui en profite pour obtenir des

avantages commerciaux au Maroc. Moulay Ismaïl assure Jourdan,

négociant et directeur de la manufacture de glaces du Faubourg Saint-

Antoine, qu’en remerciement de l’assistance prêtée à Ben Aïcha, de

favoriser ses transactions avec le Maroc. Jourdan est autorisé à exporter

toutes les marchandises qu’il désire à l’exception du blé et de l’huile. Il lui

est interdit également de fabriquer des boissons alcoolisées.

96 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 326. 97 Idem, p. 328.

Page 71: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

70

Le 24 janvier 1700 est donc signé l’acte de constitution de la

compagnie de Salé constituée par Jourdan98. Ce dernier envoie aussitôt un

représentant à Salé Manier de La Closerie. Il engage en même temps la

première opération de négoce triangulaire entre l’Asie, la France et le

Maroc. Malgré des débuts favorables, la société de Salé cesse ses activités

commerciales en décembre 1701 car elle ne réalise pas les bénéfices

escomptés par Jourdan. Puis à partir de 1703, la compagnie tombe en

déconfiture. Elle est l’objet de poursuites de ses créanciers et l’année

suivante un arrêt du Conseil d’État du 25 mars 1704 ordonne la vente des

biens de la société de Salé au Havre et à Cadix.

Une autre conséquence mais cette fois inattendue de l’ambassade de

Ben Aïcha et une raison pour laquelle celle-ci reste connue est la fameuse

demande en mariage d’une fille légitimée de Louis XIV, la princesse de

Conti par Moulay Ismaïl 99 . A son retour du royaume du Bourbon,

l’ambassadeur procède à un compte rendu portant sur ses négociations en

France et entreprend de décrire à Moulay Ismaïl tout ce qu’il a vu là-bas.

Le sultan est alors charmé par la charmante description d’une fille de

Louis XIV, la princesse de Conti. Moulay Ismaïl demande à Ben Aïcha

d’écrire à la cour de France. Le Salétin s’adresse alors à Pontchartrain le 14 98 L’étude essentielle sur ce sujet demeure celle de Jeanne-Marie Salmi, « Jean Jourdan et la société de Salé », dans S.I.H.M., op. cit., deuxième série, tome V, p. 129-133. 99 Plusieurs ouvrages ont évoqué cette demande en mariage. Il faut citer entre autre Marie-Joseph-Raymond Thomassy, De la Politique maritime de la France sous Louis XIV, et la demande que Mulay-Ismael, empereur du Maroc, adressa à ce monarque pour demander en mariage la princesse de Conti, Paris, Delaunay, 1841 ; Eugène Plantet, Moulay Ismaïl, empereur du Maroc et la princesse de Conti, Paris, Jamim, 1893 et enfin Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 326-340.

Page 72: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

71

novembre 1699. Dans la lettre, il émet le souhait de son maître d’épouser la

princesse de Conti. Si Louis XIV accepte cette proposition, Abdallah Ben

Aïcha doit s’embarquer aussitôt pour aller conclure au nom du sultan un

traité d’alliance avec la France. Pourquoi Moulay Ismaïl désire se marier

avec une fille du roi de France ?

Le sultan marocain doit en fait se douter que Louis XIV en cet

automne 1699 se prépare tant en raison de sa filiation que de son mariage à

recueillir, pour l’un de ses fils ou petit-fils, la succession au trône du roi

d’Espagne mourant. A l’agressivité des Espagnols, ennemis héréditaires du

Maroc, risque donc de s’ajouter sur les bords du détroit de Gibraltar, la

puissance militaire et financière de Louis XIV.

La volonté d’épouser une princesse française a par conséquent sons

doute auparavant une visée politique. Moulay Ismaïl espère en effet

récupérer Ceuta et Melilla encore sous le joug des Espagnols sur son

territoire si l’Espagne est rattaché à la couronne française. Louis XIV n’a

pas répondu à la demande en mariage marquant ainsi son refus. « La Cour

se gaussa d’une proposition dont Moulay Ismaïl ne pouvait saisir l’ironie et

on répondit, avec insolence, en invitant le chérif à se convertir au

christianisme100. »

Mais surtout Louis XV entre en guerre contre une coalition

européenne pour la succession au trône d’Espagne à partir de 1700. Son

100 Charles-André Julien, Histoire de l’Afrique du Nord (Tunisie-Algérie-Maroc), tome II, de la conquête arabe à 1830, Paris, Payot, deuxième édition, 1952, p. 236.

Page 73: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

72

petit-fils Philippe V devient roi d’Espagne. Les deux pays sont unis par les

liens de parenté et défendent alors les mêmes intérêts. La France ne peut

plus servir les desseins de Moulay Ismaïl pour récupérer les derniers

territoires espagnols sur la côte marocaine. En outre il est interdit pour les

Français de vendre des armes, des munitions et du soufre au Maroc.

Au début du XVIIIe siècle, le roi de France n’est représenté qu’à Salé

par le Marseillais Jean Périllé. Le consul de Tétouan Pierre Estelle est

expulsé du Maroc à la suite de plaintes portées contre lui en 1701 par ses

propres ressortissants 101 . Les négociants français de Salé supportent de

moins en moins la concurrence des autres nations. La plupart d’entre eux

quittent le pays ruinés. Le 14 avril 1705, Pontchartrain fait parvenir à Jean

Desjean, baron de Pointis, chef d’escadre, les instructions de Louis XIV

visant à lui faire entreprendre une expédition navale sur les côtes

marocaines 102 . Tanger est bombardé. En représailles, les corsaires

marocains capturent plusieurs navires français.

Le 6 octobre 1706, Louis XIV signe les provisions du consul de

France à Tétouan et à Tanger pour Pierre de La Magdeleine. Ce dernier

débarque à Tétouan au début de 1708. Le consul de France à salé, Jean

Périllé commence à être l’objet de reproches sévères tant de Pontchartrain

que des échevins de Marseille.

101 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 352. 102 Idem, p. 353.

Page 74: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

73

En 1711 La Magdeleine obtient également la charge de Salé car

Périllé, discrédité par son incapacité et les dettes contractées au Maroc est

relevé de ses fonctions103.

Au même moment, les ordres rédempteurs s’organisent pour se

rendre au Maroc pour racheter les Français captifs à Meknès 104 . Le

secrétaire d’État à la Marine le comte de Pontchartrain les encourage. A

partir d’avril 1704, les Trinitaires menés par le Père Busnot, les

Mercédaires de Paris sous la conduite du Père Nicolasque Néant et ceux de

Toulouse avec le Père Forton entreprennent plusieurs voyages au Maroc.

Au premier voyage, Moulay Ismaïl se fait intransigeant. Sur la base

des conditions accordées à d’autres pays, il demande trois de ses captifs

galériens contre un Français, ce que les Rédempteurs refusent. Revenus en

1705 et en mai 1707, Mercédaires et Trinitaires sont reçus le 28 juillet 1708

par le sultan. Au cours de ces voyages, des échanges partiels sont effectués.

De 1700 à 1718, les ordres rédempteurs libèrent au total quelque soixante-

dix captifs français de Meknès105.

103 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 370-371. 104 Afin d’un développement sur les ordres rédempteurs et les captifs français au début du XVIIIe siècle, il est conseillé l’étude de Philippe De Cossé Brissac, « La Rédemption des captifs français au Maroc (1700-1718) », dans S.I.H.M., deuxième série, dynastie filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome VI, du 6 janvier 1700 au 2 mai 1718, Paris, Paul Geuthner, 1960, p. 1-12. 105 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 355.

Page 75: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

74

Le 22 juillet 1709 Moulay Ismaïl écrit à Louis XIV confronté à une

forte coalition. Le sultan propose d’envoyer des troupes au roi de France

s’il le désire 106 . Le Bourbon lui répond un an plus tard en refusant

l’assistance militaire du sultan. Moulay Ismaïl est persuadé qu’il n’a plus

rien à attendre de la France. Il favorise par conséquent la concurrence

européenne dans les ports marocains et améliore ses rapports avec

l’Angleterre et la Hollande. Enfin en 1718, l’Espagne et la France rompent

leurs relations diplomatiques avec le Maroc pour un demi-siècle107. Les

consulats français au Maroc sont alors supprimés.

A la prépondérance française succède la prépondérance anglaise. Le

trafic anglais s’intensifie au début du XVIIIe siècle spécialement après la

prise de Gibraltar en 1704. Un important traité de paix et de commerce est

signé le 28 janvier 1721 et respecté par l’Angleterre et le Maroc. Selon

Younès Nekrouf, « par cet important acte diplomatique, les Anglais eurent

l’intelligence, tout en obtenant des avantages, d’en accorder la réciprocité

absolue aux Marocains et de respecter la souveraineté marocaine108. »

Les relations entre Moulay Ismaïl et Louis XIV peuvent être

qualifiés de conflictuelles. La course et la question des captifs ont

empoisonné les rapports entre les deux souverains. L’incompatibilité de

leurs intérêts respectifs demeure la raison principale de l’échec dans leurs

106 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 366-367. 107 Idem, p. 374. 108 Idem, p. 379.

Page 76: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

75

tentatives de rapprochement définitif. Les agents français envoyés auprès

du sultan sont restés impuissants. Les représentants marocains avant leur

départ sont déconsidérés par le pouvoir royal. Leurs missions l’on été aussi.

Louis XIV a essayé en vain d’imposer un accord au sultan. Il n’a pas traité

avec Moulay Ismaïl sur un pied d’égalité. Le divorce entre ces deux grands

souverains est consommé.

A la mort de Louis XIV et de Moulay Ismaïl, les rapports sont

interrompus. L’Espagne et la France pratiquent une politique conjointe. Le

royaume des Bourbons soutient les positions espagnoles au Maroc. Ce

dernier se tourne donc vers son nouveau voisin : l’Angleterre. Comment

évoluent par conséquent les rapports entre les deux protagonistes au XVIIIe

siècle ?

Page 77: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

76

Chapitre 3.

Les rapports diplomatiques au XVIIIe siècle.

Page 78: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

77

Au XVIIIe siècle s’ouvre une nouvelle période dans les relations

franco-marocaines. Après un demi-siècle de rupture, un traité est en effet

signé entre le Maroc et la France en 1767. Les ambassades et missions du

sultan s’effectuent alors dans un contexte inédit. Les grands litiges réglés, la

tension doit être moindre entre les deux parties. Les limites portées sur la

course salétine par le traité ainsi que la fin de la captivité modifient-ils

pourtant le regard de la France sur le Maroc.

Quelles sont les nouvelles clefs de la vision française du XVIIIe

siècle sur le Maroc ? Les acteurs – témoins des événements – changent

également au fil du temps. Qui sont-ils ? L’objet de ce troisième chapitre

est de répondre à ces interrogations. Mais il faut mettre également l’accent

sur les ambassades et missions marocaines en France durant cette période.

Le contexte de leurs départs et l’objet de leurs missions demeurent à nos

yeux les centres d’intérêt de cette partie. Il faut s’interroger enfin sur les

premières impressions des autorités françaises à l’occasion de l’arrivée des

Marocains en France. Le traité de Marrakech de 1767 ne doit-il pas

modifier le regard porté sur la venue des représentants du Maroc ?

Avant de répondre, mettons l’accent tout d’abord sur l’évolution des

rapports de la rupture officielle à la signature du traité entre le Maroc et la

France.

Page 79: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

78

Les relations entre la France et le Maroc de 1727 à 1767109

Les liaisons officielles entre la France et le Maroc sont rompues

depuis que le régent Philippe d’Orléans a rappelé les consuls du roi qui y

exercent alors leurs fonctions. Cependant le problème des captifs n’est

toujours pas résolu au XVIIIe siècle et la course continue à sévir parmi les

navires français. De quelles manières évoluent par conséquent les rapports

entre les deux États jusqu’à la signature du traité de 1767 ?

Moulay Ismaïl meurt le 22 mars 1727. Le Maroc tombe alors dans

l’anarchie. Néanmoins son fils et successeur Moulay Ahmed Ad-Dhahbi

autorise deux esclaves à se rendre en France. Ils sont porteurs de lettres

pour le cardinal de Fleury et pour Maurepas dans lesquelles le nouveau

sultan se déclare prêt à négocier en vue du rachat de cent onze Français

restés à Meknès110. Leur mission terminée, les deux esclaves repartent au

Maroc accompagnés des Pères de la Merci. Mais pendant ce temps, un autre

fils de Moulay Ismaïl, Moulay Abd El Malek s’empare du pouvoir.

Les Mercédaires ne peuvent obtenir du nouveau sultan ce que son

prédécesseur leur a fait espérer. Un des caïds du souverain leur donne en

109 Il n’existe aucunes études précises concernant cette période dans les rapports diplomatiques entre la France et le Maroc. 110 Charles Penz, Journal du consulat général de France à Maroc 1767-1785 paraphé par Louis Chénier, texte publié d’après le manuscrit autographe avec une introduction et des commentaires par Charles Penz, Casablanca, Imprimeries Réunies, 1943, p. 44.

Page 80: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

79

outre une lettre pour le Cardinal de Fleury, datée du 28 mai 1728 dans la

quelle il déclare que le sultan ne peut remettre les esclaves français à des

Religieux venus au Maroc sans apporter un message du roi de France111.

Entre temps Moulay Abdallah (1728-1757) détrône son frère. Une nouvelle

tentative de rédemption est donc réalisée par les Pères de la Merci. Six

esclaves sont libérés.

Moulay Abdallah est détrôné lui aussi par son frère Moulay Ali El

Aredj. Son successeur est alors favorable à des négociations avec l’Espagne

et la France par l’intermédiaire des Franciscains de Meknès112. Philippe V

accepte les conditions de rachat à n’importe quel prix. Les Mercédaires de

Paris et de Bordeaux se décident alors de se joindre aux négociations. Les

Rédempteurs arrivent à Salé en 1736. Cependant Moulay Abdallah remonte

sur son trône et refuse d’écouter les propositions de rachat.

A la fin de 1736, Moulay Mohammed Ben Arbia chasse son frère et

règne pendant deux ans. Les Rédempteurs espagnols réussissent à acheter

quatre-vingts dix captifs. Les Pères de la Merci désirent également racheter

des esclaves français. Maurepas les soutient financièrement. Soixante-

quinze Français sont libérés car le sultan a besoin d’argent pour payer son

armée113. Le 26 août 1737, deux vaisseaux avec à leurs bords les captifs

français quittent La Mamora et arrivent à Toulon le 9 octobre. Un an plus

111 Ch. Penz, Journal du consulat général de France à Maroc 1767-1785 paraphé par Louis Chénier, op. cit., p. 44. 112 Idem, p. 45. 113 Ibid, p. 45.

Page 81: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

80

tard, des Religieux marseillais rachètent treize Provençaux détenus à

Tanger.

En 1757 c’est la fin de l’anarchie. De 1738 jusqu’à sa mort, Moulay

Abdallah est revenu quatre fois au pouvoir. Son successeur n’est autre que

son fils Sidi Mohammed Ben Abdallah ou Mohammed III (1757-1790). La

piraterie continue et les esclaves augmentent à Salé et à Meknès.

Un marchand provençal du nom de Joseph-Etienne Rey intervient

sur la scène diplomatique alors que les rapports officiels n’ont toujours pas

repris entre la France et le Maroc. Rey a vécu vingt ans au Maroc. Il jouit

de la confiance du fils du sultan, le jeune Sidi Mohamed Ben Abdallah qui

règne alors sur la région de Marrakech et le Maroc occidental. En 1756,

Rey propose aux ministres de Louis XV de s’entremettre auprès du sultan

pour conclure un traité de paix. Toutefois « le gouvernement français ne

répondit pas à cette ouverture114. »

En 1759, un marocain nommé Hadj Taham Medout séjourne quelque

mois à Marseille. Il adresse plusieurs lettres au secrétaire d’État à la Marine

Berryer, pour demander la restitution des biens appartenant à un juif

marocain. Mais l’absence de sources ne permet pas d’en savoir plus sur

cette mission115. La même année, un juif nommé De Paz – à l’origine des

premières négociations entre le Danemark et Sidi Mohammed – offre à la

114 Jacques Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », Revue d’Histoire diplomatique, juillet-septembre 1961, p. 247. 115 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 52.

Page 82: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

81

cour d’entamer de nouvelles négociations avec le souverain marocain. « Il

pourrait aisément, disait-il, amener le sultan à conclure un traité et se faisait

fort d’obtenir de celui-ci : la permission d’exporter du Maroc des

« cargaisons de bœuf salé » pour nos colonies d’Amérique ; la cession du

port de Tanger ; l’autorisation de créer un établissement sur la côte sud de

l’empire chérifien. Par la suite, l’Israélite suggéra même de s’emparer par la

force de Tanger 116 ». Les ministres de Louis XV ne repoussent pas

d’emblée ce projet, mai l’étudient plusieurs mois avant d’y renoncer117.

Six ans plus tard, Rey est envoyé par Sidi Mohamed pour conclure

un traité de paix et de commerce avec la France118. Mais une grave maladie

le retient à Marseille jusqu’à la fin de septembre 1763. Entre-temps, le

sultan lui a envoyé de nouvelles de créance, en date du 24 avril 1763. Le

duc de Praslin, le secrétaire d’État à la Marine l’invite à venir à la Cour

présenter ses lettres. Le marchand provençal s’efforce de le persuader du

désir réel de paix émanant du sultan.

Néanmoins le duc de Praslin ne se laisse pas convaincre et charge

Rey, malgré lui, de faire parvenir au Maroc un projet de traité. Cependant

ce projet renferme des conditions inacceptables. En effet le ministre de

Louis XV ne veut racheter les esclaves qu’à un très bas prix ; de plus, il 116 J. Caillé, « L’Ambassade de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 247-248. 117 Idem, p. 248. 118 La mission de Joseph-Etienne Rey en 1762-1764 est traitée dans l’article de J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 52-54 et dans l’ouvrage de Paul Masson, Histoire des établissements et du commerce français dans l’Afrique barbaresque (1560-1793), Paris, Hachette, 1903, p. 613-622.

Page 83: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

82

demande la concession d’une place forte, analogue à celle que la France

possède à La Calle, en Algérie119. Ces propositions, portées par le beau-

frère de Rey, sont unanimement réfutées par Sidi Mohamed Ben Abdallah.

Le représentant du sultan est alors congédié par le secrétaire d’État au mois

de juin 1764. La Cour le tient pour le responsable de l'échec des

pourparlers. Rey est en réalité un intermédiaire malheureux.

A la fin de 1764 et par l’intermédiaire d’un marchand de Safi, Jean-

Jacques Salva, la cour de France reprend les négociations. Le Français est

donc envoyé auprès du sultan avec une lettre du secrétaire d’État à la

Marine le duc de Praslin et une copie du traité de Saint-Germain

(1682). « En effet, les ministres de Louis XV, qui avaient renoncé à

demander la cession d’une place marocaine, entendaient prendre ce traité

comme base du nouvel accord120 ». Il est convenu ainsi que la France ne

founisse pas d’armes ou de munitions au mahrzen, que les marchandises

françaises paieraient les droits habituels de douane, « mais bénéficieraient

de la clause de la nation la plus favorisée, et que les escalves seraient

rachétés121 ».

Cependant une escadre française est envoyée pour réagir contre les

prises continuelles de navires marchands par les corsaires salétins. En deux

campagnes, quinze navires chrétiens – dont dix appartiennent à la flotte

119 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 248. 120 Ibid, p. 248. 121 Idem, p. 249.

Page 84: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

83

française – sont la proie des Salétins. Une des pertes les plus cuisantes pour

le pavillon national est celle de la Sirène qui tombe en 1764 aux mains des

corsaires. C’est à la suite de ces événements qu’une escadre, sous les ordres

du comte du Chauffault reçoit l’ordre de faire une démonstration de force

devant les côtes marocaines. L’escadre bombarde Salé du 2 au 17 juin 1765

puis entreprend une action contre le port de Larache. Cette entreprise se

termine de façon malheureuse.

Trois cents hommes sont tués pendant le combat et quarante sept

Français sont faits prisonniers122. Les captifs sont conduits à Marrakech.

Les négociations sont suspendues entre les deux pays. Mohammed III est

fort mécontent de la France. Au mois de septembre 1765, des dépêches de

la Cour de France apportent la nouvelle de la cessation des hostilités que

réclame le sultan. La trêve est signée à Mogador le 10 octobre entre Salva et

le cousin du sultan, Moulay Driss pour une durée d’un an123 . Elle est

prolongée à deux reprises et la dernière fois jusqu’au 1er mai 1767. Les

missions des Trinitaires et des Mercédaires se poursuivent néanmoins

pendant ce temps.

Au mois de février 1766, Jacques Salva propose la signature d’un

traité de commerce et de paix. Mais des difficultés subsistent en ce qui

concerne le rachat des captifs de Larache. Des négociations s’ouvrent à ce

122 Ch. Penz, Journal du consulat général de France à Maroc (1767-1785) paraphé par Louis Chénier, op. cit., p. 45. 123 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 249.

Page 85: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

84

sujet. Il est décidé d’échanger des esclaves marocains plus de l’argent

contre les Français. « Dès 1766 et sur les instructions du duc de Praslin,

Salva avait annoncé à Sidi Mohammed ben Abdallah la venue comme

ambassadeur du prince de Beaufremont, chef d’escadre124. »

Tout au long de la première moitié du XVIIIe siècle, des contacts se

poursuivent entre les deux pays. Mais ils n’ont pas de caractère officiel. Les

tensions restent vives entre les deux antagonistes. Les projets de

colonisation de la France demeurent même d’actualité. Il faut de longues

années de négociations pour enfin tomber sur un accord mutuel en 1767.

Le traité de Marrakech (le 28 mai 1767)

Trois ans de discussions entre Versailles et Marrakech débouchent

enfin sur un traité final. Il peut être considéré comme le plus important de

l’époque moderne car il met fin officiellement aux hostilités entre les deux

pays. Comment se déroule la signature de l’acte ?

En 1767, des dispositions sont modifiées par Louis XV en ce qui

concerne l’envoyé français au Maroc. Le souverain nomme finalement le

124 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 250.

Page 86: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

85

capitaine de vaisseau le comte de Breugnon125, ambassadeur extraordinaire

chargé de conclure avec le sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah un traité

de paix et d’amitié. Jacques Caillé note au sujet de Breugonn :

[…] il avait apporté l’accord du duc de Praslin à la trêve proposée par le sultan et où il se trouvait encore quand on y connut la signature de la suspension d’armes. Les autorités locales et notamment le gouverneur de la ville, un fils de Sidi Mohammed ben Abdallah, l’avaient très cordialement reçu. Il était tout indiqué d’envoyer comme ambassadeur un officier qui connaissait déjà le Maroc et y avait entretenu des relations, brèves mais excellentes, avec un des enfants du sultan126.

Les pouvoirs et les instructions de l’ambassadeur sont précis : signer

un traité de paix et de commerce, faire libérer les esclaves français et

installer un consul au Maroc 127 . Le comte de Breugnon et sa suite

s’embarquent à Brest. L’ambassade se compose du consul Louis de

Chénier, le chancelier Barthélémy Potonier, deux écuyers, un secrétaire, un

aumonier, un chirurgien, trente-deux soldats. La maison de l’ambassadeur

125 Pierre-Claude Hocdenault, comte de Breugnon, chevalier de Saint-Louis est né à Brest en 1717. Depuis 1733, il sert dans la marine et en 1756 commande la frégate la Licorne qui fait partie de l’escadre de Du Chaffault. Il appartient à une famille de marins. Il est promu chef d’escadre à son retour du Maroc. A la fin de l’année 1772, il devient commandant de la marine à Brest ; lieutenant-général en 1779 et vice-amiral en 1792. Il est une des victimes des massacres du mois de septembre 1792. 126 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 251. 127 Idem, p. 255.

Page 87: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

86

comprend pas moins de vingt-huit personnes. « Jamais aucune ambassade

française envoyée au Maroc n’avait été si importante128. »

Le 24 avril arrive en rade de Safi le vaisseau de ligne l’Union,

escorté de la frégate la Sirène et de la corvette la Lunette. Il est parti de

Brest le 7 et a fait escale à Cadix. Le 16 mai le comte de Breugnon et sa

suite arrivent à Marrakech. Deux jours après, Sidi Mohammed le reçoit en

audience. Les discussions débutent avec les représentants du sultan le 19

mai. Neuf jours après, un accord est trouvé sur tous les points.

On ne pensait pas que la conclusion du traité put soulever la moindre difficulté, car les clauses en avaient été fixées à l’avance, par Moulay Driss et Salva, conformémént aux instructions du souverain marocain et de la cour de Versailles. Il fallut cependant toute une semaine pour se mettre d’accord sur le texte à signer. Le comte de Breugnon avait apporté un projet, rédigé en français et en arabe, mais il n’y eut à la cour chérifienne qu’un seul homme, élevé en Egypte, qui fut capable de comprendre l’arabe de l’interprète du roi129. »

Conclu définitivement le 28 mai, signé officiellement le 30, ce traité

doit conclure pendant près d’un siècle les relations franco-marocaines.

Louis XV le ratifie le 21 septembre 1767. Cent quatre-vingt dix Français

contre de l’argent sont libérés à l’issue de ce traité pour « une dépense

considérable, de beaucoup la plus importante de toutes celles faite par

128 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première partie) », art. cité, p. 256. 129 Idem, p. 272.

Page 88: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

87

l’envoyé du Roi Très Chrétien130 ». Officiellement il n’y a plus de captifs

français au Maroc. « Dans cette affaire, les ministres de Louis XV se

montrèrent beaucoup plus humains que Colbert et Pontchartrain, au siècle

précédent, lorsqu’ils négociaient eux aussi la libération des captifs avec les

représentants du mahrzen131. »

Ce traité s’insère dans toute une série d’accords analogues conclus

avec les principales puissances commerciales européennes. Dès son

avènement, Mohammed III comprend que le développement du commerce

extérieur peut devenir la source d’un revenu important et régulier, alors que

les produits de la course ne peuvent être qu’aléatoires tout en exigeant de

continuelles dépenses132. De plus il n’ignore pas que les forces navales des

États européens se sont considérablement accrues.

Ce sont ces considérations qui déterminent le sultan à conclure avec

la plupart des puissances maritimes d’Europe des accords de caractère

analogue, ayant pour base essentielle la liberté du commerce et de la

navigation133. Dès la première année de son règne, le sultan renouvelle avec

130 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (seconde partie) », Revue d’histoire diplomatique, janvier-mars 1962, p. 70. 131 Idem, p. 70-71. 132 Pierre Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1970, p. 33. 133 Pour plus de détails sur les traités signés entre Mohammed III et les pays d’Europe, il faut consulter l’excellent ouivrage de Jacques Caillé, Les Accords internationaux du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah (1757-1790), Paris, Librairie générale de Droit et de Juirsprudence, 1960. L’auteur analyse dans cet ouvrage le contenu de chaque traité signé entre le sultan marocain et les puissances européennes en les comparant entre eux.

Page 89: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

88

l’Angleterre le traité de 1728, et confirme avec les Provinces-Unies celui de

1732 ; puis il signe successivement en 1757 avec le Danemark, en 1763

avec la Suède, en 1765 avec la république de Venise, enfin en 1767 avec

l’Espagne et avec la France, des traités qui garantissent à chacune de ces

différentes puissances le libre exercice de la navigation et du commerce.

Mais « la France obtient le statut de la nation la plus favorisée134 ». Avec le

Portugal un accord analogue aux précédents est signé plus tard en 1773.

Toutes les pays, qui ont été ainsi amenées à traiter avec le Maroc, se

trouvent économiquement placées sur le même pied, « car Sidi Mohammed,

bien loin d’être disposé à accorder un traitement de faveur à une nation

chrétienne, quelle qu’elle fût, n’était que trop attentif à entretenir une

concurrence entre les États européens135 ».

Pour la France, le principal objectif du traité est d’assurer également

la sûreté de sa navigation dans les eaux marocaines et de protéger la liberté

de son commerce136. Aussi, la plupart des articles du traité de Marrakech

concernent les relations commerciales entre les deux États.

L’article onze en particulier prévoit l’établissement au Maroc de

consuls français. Cette disposition n’est pas nouvelle puisqu’elle a été

insérée dans le traité de Saint-Germain en 1682. Mais elle a pour

134 J. Brigon et autres, Histoire du Maroc, op. cit., p. 280. 135 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 33-34. 136 Idem, p. 8.

Page 90: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

89

conséquence immédiate le rétablissement des relations consulaires

interrompues depuis le début du siècle.

L’article deux prévoit que les sujets respectifs des deux souverains

naviguent en toute liberté. L’article cinq donne à la France sur le plan

commercial le bénéfice du traitement réservé à la nation la plus favorisée.

Quant aux navires des deux États, ils peuvent non seulement se ravitailler

librement dans les ports français ou marocains, mais encore y trafiquer en

toute assurance (article quatre et cinq) : il suffit aux navires de commerce

français d’être munis d’un passeport signé de l’amiral de France, et aux

bâtiments marocains d’un certificat du consul français. Les uns et les autres

sont en outre invités à se rendre réciproquement de bons offices (article

trois).

La nouvelle de la signature de cet accord a sans aucun doute réjoui

les marchands français et la Chambre de Commerce de Marseille puisque

désormais ils ne sont plus exposés aux entreprises des corsaires de Salé. A

la sûreté s’ajoute le souci d’assurer par l’établissement d’un consul la

protection des intérêts des commerçants établis au Maroc.

Au lieu d’un système deux consulats qui a prédominé encore au

début du siècle au Maroc, le gouvernement de Louis XV décide de nommer

un consul général sans spécifier le lieu de sa résidence137. Les fonctions et

prérogatives d’un consul général au Maroc sont identiques à celles d’un

137 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1970, p. 8.

Page 91: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

90

consul général dans les Grandes Echelles du Levant ou de Barbarie. Sa

mission essentielle est de protéger l’activité économique des siens, de les

défendre contre les mesures arbitraires ou vexatoires, dont ils peuvent avoir

à se plaindre, et d’intervenir en leur faveur auprès des autorités locales.

Toutefois à l’inverse des Echelles de la Méditerranée – placées sous

la dépendance plus ou moins effective de Constantinople – qui jouissent des

privilèges des capitulations dont le traité a reçu un caractère perpétuel lors

de son renouvellement le 28 mai 1740, le Maroc indépendant ne connaît pas

le régime capitulaire138. L’exercice du commerce des négociants étrangers,

à l’intérieur du territoire du sultan, dépend ainsi de la seule interprétation

que le souverain entend donner aux traités qu’il a pu souscrire.

« De même le consulat général de France au Maroc n’était pas placé,

à l’égard de la Chambre de Commerce de Marseille, dans la même position

de subordination que ses collègues du Levant et de Barbarie139. » Pendant

longtemps, elle a eu le privilège de choisir et de proposer à la désignation

du roi les consuls et vice-consuls, dont la plupart sont encore des

Marseillais ou des Provençaux. Si, depuis la réforme de 1691, les agents

consulaires sont devenus de véritables fonctionnaires royaux, les finances

des Echelles demeurent sous la surveillance directe de la Chambre de

Commerce.

138 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1970, p. 8. 139 Idem, p. 9.

Page 92: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

91

Or à cet égard, le consulat général du Maroc fait exception : tout ce

qui concerne la gestion financière de cet établissement relève du secrétariat

d’État à la Marine140. Mais en raison même de ses fonctions, le consul

général ne s’en trouve pas moins en rapports étroits avec le grand

organisme marseillais pour tout ce qui a trait aux mouvements des navires,

aux échanges commerciaux, aux escales et aux séjours que peuvent faire à

Marseille les représentants officiels du sultan, à l’acheminement des

dépêches ministérielles, et pour quantité d’autres détails.

« L’ambassade du comte de Breugnon marque une date essentielle

dans l’histoire des relations franco-marocaines. En effet, elle rétablit la

bonne entente entre les deux pays, après une rupture qui durait depuis

quarante-neuf ans et permit de signer un traité qui devait rester en vigueur

jusqu’au XXe siècle141. » La paix règne désormais entre les Bourbons et les

Alaouites. Dans la foulée, un consul s’installe au Maroc. Le poste a été

supprimé au début du XVIIIe siècle. Ce nouvel acteur joue un rôle de

premier ordre dans l’entretien des bonnes relations entre les deux pays. Il

faut par conséquent s’attarder quelques instants sur ce personnage.

140 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 9. 141 J. Caillé, « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (seconde partie) », art. cité, p. 80.

Page 93: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

92

Le consul Louis de Chénier

Pour exercer les fonctions de consul général, le gouvernement royal

désigne Louis de Chénier dès le 16 mars 1767. C’est la première fois qu’il

se voit confier un poste de cette importance.

Né le 3 juin 1722 à Montfort dans le Languedoc d’un père

commerçant, il fait des études au collège des Doctrinaires de Limoux. En

août 1742, il devient commis au service de la maison Lavabre et Dussol qui

exploite à Constantinople un important comptoir de tissus. Le 1er janvier

1748 il en devient le propriétaire. Sa compétence et son habileté lui vaut en

1750 d’être désigné par l’ensemble des commerçants français de

Constantinople comme leur délégué auprès de l’ambassadeur de France142.

Mais en 1765, il décide de rentrer en France avec sa famille après avoir

essayé d’obtenir sans succès la direction commerciale des Echelles du

Levant. Après vingt-deux ans d’absence, il séjourne à Marseille puis se rend

à Paris.

Il est finalement nommé en mai 1767 consul de France au Maroc. La

longue expérience qu’il a acquise au contact des musulmans d’Orient n’est

pas étrangère à sa nomination de consul général au Maroc143. Mais le traité

142 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes, 1970, p. 10-11. 143 Idem, p. 11.

Page 94: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

93

de Marrakech tombe également au bon moment pour Chénier. Son séjour

doit durer jusqu’au 15 septembre 1782, avec une interruption de vingt et un

mois et demi – du 15 juillet 1773 au 22 avril 1775 – pendant lesquels il est

autorisé à prendre un congé en France, où il a laissé sa femme et ses

enfants. D’après l’ordre du secrétaire d’État à la Marine le duc de Praslin,

son premier acte au Maroc consiste à interdire aux marchands français de

rentrer en négociation directe avec le sultan.

Passionné de lectures sérieuses, Chénier a acquis à Constantinople

une grande partie des connaissances qui lui sont utiles dans ses relations

avec le monde musulman. Il doit en tirer plus tard, en 1789, un ouvrage

intitulé Révolutions de l’empire ottoman et observations sur ses progrès,

sur ses revers et sur l’état présent de cet empire. « De même, il occupera

les loisirs que lui laissera, à Salé, l’exercice de sa charge, à lire à peu près

tout ce qu’on avait pu écrire, à l’époque, sur l’Afrique et ses habitants,

depuis la Guerre de Jugurtha de Salluste jusqu’aux récits de voyage

contemporains144. »

Quelques années après son retour définitif en France, il lui suffit de

mettre en ordre les matériaux ainsi rassemblés pour former les trois

volumes de ses Recherches historiques sur les Maures et l’histoire de

l’empire de Maroc (1787). Il n’est pas sans intérêt de noter au passage que

l’auteur, pour composer son ouvrage, a largement utilisé les mémoires qu’il

144 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 12.

Page 95: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

94

est tenu de rédiger lui-même chaque année, à partir de 1777, en exécution

des instructions ministérielles.

Au moment de son arrivée au Maroc, le consul général est

accompagné d’un seul collaborateur, Barthélémy de Pothonier, nommé aux

fonctions de chancelier du consulat. Il reste à son poste jusqu’au 12

septembre 1774, date à laquelle il devient vice-consul à Rhodes. Il est

remplacé d’abord par le sieur Mille, à partir de décembre 1776, puis par le

sieur Berrin à partir de novembre 1777, enfin par le sieur Gaillard, titulaire

de ce poste au mois de décembre 1779, mais en fonctions avant cette date

avec le titre de chancelier substitué.

A son retour de congé, ayant reçu le titre de chargé d’affaires du roi,

Louis de Chénier se voit adjoindre à partir de 1776 un vice-consul qui est

d’abord l’ancien chancelier Mille, puis Henri-Noël Mure. Celui-ci, nommé

dès le 28 juin 1779, rejoint son poste au cours de l’été 1781. Il doit

demeurer à la tête du consulat après le départ définitif de Chénier jusqu’en

1795.

Ce n’est pas sans difficultés que le consul peut se procurer un

interprète. De 1772 à 1778, ces fonctions sont remplies par un sujet

marocain, frère d’un secrétaire interprète du sultan, le juif Meyer Soumbel,

intelligent et adroit, mais auquel le consul estime ne pouvoir complètement

Page 96: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

95

se fier145. A partir de 1778, le titulaire de ce poste est un négociant de Salé,

Honoré Gilly, qualifié de secrétaire interprète de Sa Majesté.

Dès le 21 juin 1767, avant même le départ de l’ambassade du comte

de Breugnon, Louis de Chénier s’est préoccupé de fixer la résidence

consulaire. Rien n’a été prévu à ce sujet, et il lui appartient de prendre sur

place une décision, sous réserve de la soumettre à l’approbation du ministre.

Il demeure d’abord un mois à Mogador. Puis il opte pour Salé.

Deux raisons principales inclinent Chénier à y établir la résidence

consulaire : d’une part, il peut mieux surveiller le mouvement des

corsaires ; d’autre part, il estime être ainsi plus à portée de se rendre soit sur

un point quelconque de la côte, soit à Meknès où le sultan fait de fréquents

séjours146. Mais le consul ne peut songer à s’établir à Salé sans avoir obtenu

l’agrément de Sidi Mohammed, ce qui lui est accordé au cours d’un voyage

qu’il fait à Marrakech, au mois de mai 1768. C’est seulement le 19 juillet

suivant que le consulat de France s’ouvre à Salé.

145 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 15. 146 Idem, p. 16.

Page 97: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

96

L’évolution de la course salétine sous Mohammed III147

Quand, au cours de l’été 1768, le consul Louis de Chénier vient

s’installer à Salé, la course – qui a fait au siècle précédent la richesse de la

ville – a bien perdu de son activité148. « Malgré des essais de reprise au

début du règne de Sidi Mohammed Ben Abdallah, la course marocaine

disparaît ou deveint très sporadique dans la deuxième moitié du XVIIIe

siècle149. »

Aucune convention internationale n’est intervenue pour interdire de

mettre en esclavage les passagers et l’équipage d’un navire capturé en mer.

Toutefois les accords conclus entre le sultan et les principales puissances

maritimes ont pour conséquence une diminution de plus en plus sensible

des esclaves chrétiens.

147 L’évolution de la course salétine sous Sidi Mohammed Ben Abdallah (1757-1790) a fait l’objet de nombreuses études historiques. On peut citer entre autre la thèse d’histoire de Pierre Grillon, Sidi Mohammed Ben Abdallah et la fin de la piraterie marocaine, Thèse Lettres, Paris, 1951 ; et les deux articles plus récents de l’historien espagnol Ramon Lourido Diaz, « Transformacion de la pirateria marroqui en guerra del corso por el Sultan Sidi Muhammad B. Abd Allah : entre 1757 y 1768 », Hespéris Tamuda, volume 10-fascicule 1-2, 1969, p. 39-69 et « Sidi Muhammed B. Abd Allah y sus intentos de cracion de una marina de guerra al-estilo eurpeo : 1769-1777 », Hespéris Tamuda, volume 12-fascicule unique, 1971, p. 133-156. 148 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 36. 149 J. Brigon et autres, Histoire du Maroc, op. cit., p. 275.

Page 98: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

97

La course prend elle un caractère officiel150. Le sultan Mohammed

III se fait armateur. Il engage des capitaines et des matelots, leur assigne

une solde fixe et s’approprie la totalité du produit des courses : navires,

marchandises et esclaves. Ces mesures ruinent en quelques années la

piraterie salétine. « Réduits au rôle de fonctionnaires et privés des bénéfices

de la course, les corsaires se détournent d’une entreprise qui continue de

comporter les mêmes risques que par le passé sans offrir les mêmes

avantages151. »

Cependant la décadence de la piraterie salétine n’apparaît pas

immédiatement. L’agonie de la course est plus longue : elle s’inscrit entre la

soumission de Salé à Sidi Mohammed Ben Abdallah et les dernières années

du règne de ce souverain.

Dans les premières années qui suivent son avènement, Mohammed

III s’est efforcé de donner à la course une impulsion nouvelle en accroissant

sa flotte de plusieurs unités. Mais ces navires s’avèrent inutilisables et la

plupart finissent par périr faute d’expérience de leurs commandants. Malgré

cet échec, l’activité des corsaires marocains paraît retrouver un regain

d’agressivité à la faveur de la paix de 1763 qui en mettant fin à la guerre de

Sept Ans rend de nouveau les mers au commerce152. 150 Abdelmajid Kaddouri, « Le Maroc et l’Atlantique à la fin du XVIIIe siècle à travers un kunnach inédit », dans Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique, op. cit., p. 79. Cet article met très bien en avant la nouveauté du caractère impérial de la course salétine sous Mohammed III. 151 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 37. 152 Idem, p. 37.

Page 99: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

98

La composition d’un navire corsaire, à quelque type qu’il appartient,

est invariable : seul change le nombre des matelots et des hommes d’armes.

Les Marocains n’ayant guère d’aptitudes nautiques, la plupart des raïs sont

des renégats. Il en est de même du lieutenant, du pilote et de quelques

professionnels de la mer, dont l’ensemble constitue l’état-major du navire

corsaire. D’autres raïs sont d’origine morisque, turque, tripolitaine,

algérienne, mais dans le choix de ses capitaines, Sidi Mohammed se laisse

guider par des considérations tout à fait étrangères à la navigation. Il ne

confie en effet ses bâtiments qu’à ceux dont la fortune présente des

garanties suffisantes pour que le souverain puisse y trouver une indemnité

en cas de perte du navire.

La correspondance du consul français à Salé renseigne assez bien sur

le nombre et le type des navires dont dispose le sultan, ainsi que sur les

sorties des corsaires153. Effectivement en l’application de l’article trois du

traité de 1767, chaque fois qu’un raïs part en expédition, il est tenu de se

faire délivrer par les services du consulat de France un certificat. A la fin de

chaque année ou au début de l’année suivante, le consul adresse au ministre

un état des navires corsaires mis à la mer au cours de l’année écoulée.

D’après la correspondance consulaire, il semble bien que la flotte corsaire

de Mohammed III n’a jamais dépassé une trentaine de bâtiments154.

153 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 39. 154 Idem, p. 39.

Page 100: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

99

Le danger représenté par les marines européennes décourage

progressivement les corsaires de Salé155. Les années 1770 marquent une

décadence de plus en plus rapide non seulement de la course mais de la

marine marocaine. En 1778, une douzaine de navires prennent encore la

mer156. En 1780, les seuls navires qui reçoivent un passeport consulaire se

rendent à Cadix, à Lisbonne ou à Tanger pour des missions bien

déterminées. Le reste de la flotte du sultan n’a d’autre activité que le

cabotage. L’affaiblissement de la force navale de Mohammed III est

considérable. Vers mars 1780, la piraterie cesse de vivre ainsi que la marine

du sultan157.

La mission d’Ali Pérés en 1772

Le 1er août 1772, le sultan marocain Sidi Mohamed Ben Abdallah

écrit au roi de France Louis XV. Le souverain du Maroc confirme dans sa

lettre la bonne amitié avec la France et le respect de l’application du traité

de 1767158. Mais il approuve également la politique française vis-à-vis de

155 J. Brignon et autres, Histoire du Maroc, op. cit., p. 275. 156 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 40. 157 Idem, p. 43. 158 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 38.

Page 101: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

100

l’Empire ottoman et le soutien qu’elle apporte à celui-ci face à la Russie. Ce

courrier garantit par conséquent la bonne entente entre les deux pays. C’est

alors l’occasion d’une mission à Versailles, projet prévu de longue date par

Marrakech. Le raïs Ali Pérès de Tétouan est chargé de porter en personne à

la Cour de France la lettre du sultan.

Comment les autorités françaises perçoivent-ils l’envoi d’une

mission marocaine en France ? Après la signature de l’accord de 1767, le

royaume des Bourbon modifie t-il sa vision politique par rapport au XVIIe

siècle ? Quels sentiments prédominent à la possibilité de l’arrivée d’un

représentant d’un État ami ? La riche correspondance entre le consul de

France à Salé Louis de Chénier et le secrétaire d’État et ministre de la

Marine offre tout d’abord d’amples renseignements sur ces interrogations.

Chénier écrit ainsi le 30 juin 1772 :

Sidi Ahmet Elgazel, Monseigneur, […] lui [au sultan] a inspiré à présent la ruse la plus honnête à laquelle Votre Excellence ne s’attend sûrement pas ; c’est l’envoy d’un capitaine de navire qui doit aller à Brest et delà à Versailles, pour présenter à Sa Majesté une lettre de politesse de la part du Roi de Maroc […]. J’ay écrit en même tems, Monseigneur, au sieur Sumbel […] pour détourner, si je le puis, la mission […] ou toute autre qui pourrait nous venir après. [Ses lettres] instruiront Votre Excellence et du projet du roi de Maroc et des premiers soins que j’ai dûs me donner, pour en ecarter les embarras et en prévenir les inconvéniens. […] si nous ne pouvons pas éviter à présent les chevaux, les lions, et les tigres, ce serait toujours beaucoup d’éviter la visite d’un hôte incommode, qui augmenterait la charge et qui ferait peut-être moins de bien que de mal159.

159 Lettre de Chénier à Monseigneur du 30 juin 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, p. 141, original.

Page 102: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

101

Le consul Chénier marque un certain mécontentement au projet de

Sidi Mohamed. Sa colère se manifeste principalement contre les procédés

diplomatiques du Maroc. Effectivement le sultan ne charge pas Chénier

d’annoncer la nouvelle à sa Cour. Le secrétaire Sidi Ahmed El-Gazel

envoie un négociant français du nom de Salva à Versailles avec une lettre

de sa part160. Le consul de France ne pardonne pas au sultan cette initiative.

Selon lui, la décision d’envoyer un représentant résulte d’une politique

d’opportunité et d’intérêt.

Il porte donc un regard très négatif sur le fonctionnement de la

« diplomatie » du Maroc. Les mots utilisés par Louis Chénier à propos de

l’envoi d’une mission marocaine en France semblent très catégoriques :

« ruse », « embarras », « inconvéniens », « incommode », « charge » et

« mal ». L’agent français à Salé dénigre complètement le dessein du sultan.

Il considère l’envoi d’un Marocain comme un fardeau pour son pays. Il se

fixe alors un but précis : empêcher à tout prix la réalisation du projet.

Chénier formule dans une lettre à son « indicateur » l’interprète du sultan,

le juif Soumbel à Marrakech le fond de sa pensée dont il envoie une copie à

son supérieur :

[…] les ambassades doivent être reservées pour des occasions marquées, et n’y en ayant aucune aujourd’hui qui puisse donner lieu à une pareille mission, je désirerais beaucoup, je vous assure, que vous puissiez adroitement détourner l’envoy de reis Ali Perés à Brest, pour nous épargner les embarras […]. […] je ne m’ouvre à vous à cet égard,

160 Lettre de Chénier à Monseigneur du 30 juin 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, p. 141, original.

Page 103: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

102

que pour que vous puissiez, sans vous compromettre ni moi non plus, arranger adroitement les choses de façon à nous épargner les embarras et les chicanes d’une ambassade […]161.

Le terme « embarras » est utilisé deux fois par l’auteur. Un mot que

Chénier utilise aussi dans sa lettre à son supérieur. Ce vocabulaire résume

très bien la pensée du consul au sujet des ambassades du Maroc en France.

Pour Louis Chénier, la « diplomatie » marocaine manque de logique et

d’organisation :

[…] cette mission d’ailleurs est toute déplacée aujourd’huy et ne servirait tout au plus qu’à nous montrer sans aucun déguisement, l’envie que Sa Majesté paraît avoir d’exciter la générosité de la France, sous des prétextes spéciaux qui n’ont point de fondement et qui luy sont même tout-a-fait étranger […]. […] je désirerais beaucoup que vous pussiez détourner l’envoy d’aucun ambassadeur, parce que n’en ayant point été envoyé lorsque l’occasion en était naturelle, celle que l’on fait naître aujourd’hui est tout-à-fait hors de propos et hors de saison […]162.

Il renforce cette idée d’opportunité et d’intérêt qui paraît guider

l’axe de la politique étrangère du sultan. Le consul critique également le

fonctionnement de celle-ci. Le 8 juillet 1772, Chénier indique à

Monseigneur : « […] nous pourrons éviter peut-être la visite dont nous

161 Lettre de Chénier à Soumbel du 27 juin 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, joint à la p. 141, copie. 162 Lettre de Chénier à Soumbel du 6 juillet 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, joint à la p. 143, copie.

Page 104: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

103

sommes menacés163. » Il qualifie négativement la venue prochaine d’Ali

Pérès. Le consul dramatise et exagère la situation. Il utilise un mot fort et

inquiétant pour sensibiliser son supérieure. Pourquoi Chénier transforme

une mission d’amitié en un danger pour son pays ? Dans la lettre du 27 juin

1772 destiné à Soumbel, l’agent français explique :

Quelque plaisir que l’on ait en France, Monsieur, d’entretenir la bonne intelligence avec le roi de Maroc, je crois que l’on y verra avec plus de plaisir encore que l’on éloigne l’envoy de toute personne chargée de commission, parce que, comme vous le savez vous-même, les Maures par intérêt ou autrement sont faciles à éléver des prétentions plus propres à détruire la bonne intelligence qu’à l’entretenir […]164.

Il craint en fait pour la paix entre les deux États. Il pense que l’envoi

de missions marocaines en France représente un danger pour les relations

amicales entre les deux pays. Il faut rappeler que Sidi Mohamed Ben

Abdallah désigne à l’origine Ali Pérès pour porter une lettre au souverain

français. Par conséquent le dénigrement des ambassades marocaines par

Chénier ne semble pas justifié. Cependant ce jugement s’avère

systématique :

[…] au retour de son corsaire, l’Empereur votre maître se propose d’envoyer un ambassadeur en France. […] mais on sera surpris, peut-être,

163 Lettre de Chénier à Monseigneur du 8 juillet 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, p. 143, original. 164 Lettre de Chénier à Soumbel du 27 juin 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, joint à la p. 141, copie.

Page 105: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

104

de voir annoncer une ambassade aujourd’hui, n’y en ayant point eû lors de la paix qui en était une occasion toute naturelle, attendu que les ambassadeurs, comme vous le savez, ne sont réservés que pour des occasions extraordinaires. […] je doute de vous à moi, qu’aucune Cour de l’Europe soit jalouse de pareilles démonstrations qui entrainent bien des dépenses sans espoir d’en retirer aucune utilité165.

Le consul donne un cours de « diplomatie » au secrétaire du sultan.

Mais il explique surtout que la France ne tire aucun avantage à la réception

d’un ambassadeur marocain. Au contraire elle constitue un fardeau

notamment financier. Chénier se montre ici très soucieux d’effectuer des

économies à son pays. Quelles sont les positions de Versailles sur l’envoi

de représentants marocains en France ? Est-ce que la Cour confirme la

politique pratiquée par son agent au Maroc ?

Dans des instructions à Chénier datés du 24 août 1772, il est précisé :

« Vous en avés très bien jugé, et rien en effet ne pouvoit me causer plein de

suspicion que les dits que vous a inspiré ce Roy du Maroc de faire passer

ainsi et subitement en France un ministre et sans prétexte166 ». Le pouvoir

royal montre du doigt la politique d’opportunisme du sultan dont elle se

méfie largement. Ses supérieurs sont en total accord avec leur représentant.

Versailles approuve les méthodes de son consul. Les ordres du roi sont très

explicites sur la question des Marocains en France :

165 Lettre de Louis de Chénier à Sidi Ahmed El-Gazel du 17 août 1772 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 834, volume 10, 1772-1773, joint à la p. 147, copie. 166 Dépêche du secrétaire d’État à la Marine à Louis de Chénier du 24 août 1772 à Compiègne, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Levant, BI 17, 1772, p. 345 r°, copie.

Page 106: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

105

La lenteur qu’éprouve l’armement de la fregatte qui doit passer Aly Perez a Brest me fait esperer que nous en serons débarrassés. […]. Au surplus ce sera a vous a en differer l’usage si les dispositions du Roy de Maroc ont changé lorsqu’elle vous parviendra. Je vous avoüe que je compte beaucoup sur le succès des demarches que vous ferés pour détourner cette mission, et qu’elle n’aura point lieu167.

L’autorité royal est catégorique : éviter par tous les moyens la

mission. Elle ne désire pas recevoir comme au siècle précédent les

représentants du sultan. Toutefois le raïs Ali Pérès part quand même de Salé

le 10 septembre 1772 à bord d’une frégate du sultan et arrive le 13 octobre

suivant à Brest. « Mais il était malade, atteint d’une forte fièvre et dut

demeurer plusieurs semaines dans le port breton168. »

Il part pour Paris qu’à la fin du mois de novembre. Le 13 décembre

1772 il est présenté au roi Louis XV et lui remet la lettre de Sidi

Mohammed Ben Abdallah en date du 1er août 1772. L’envoyé marocain

passe plusieurs jours à Versailles et à Paris. « Mais il tomba de nouveau

malade et ne quitta la capitale, pour regagner Brest, qu’au mois de février

1773169. » Ali Pérès retourne au Maroc sur sa frégate et débarque le 5 avril

à Larache. Un an plus tard, un autre Marocain est envoyé en France par

Mohammed III.

167 Dépêche du secrétaire d’État à la Marine à Louis de Chénier du 14 septembre 1772 à Versailles, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Levant, BI 17, 1772, p. 385 r°-v°, copie. 168 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 54. 169 Idem, p. 55.

Page 107: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

106

Le voyage d’Abdallah Scalante (1774-1775)

Au mois de juillet 1774, Barthélémy Pothonier du consulat de France

au Maroc remet au sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah une lettre du roi

Louis XVI, annonçant son avènement au trône170. Le Alaouite décide alors

de faire porter sa réponse à la cour de Versailles par un envoyé spécial.

Pothonier écrit alors au comte de Sartine, le secrétaire d’État à la marine

pour lui en rendre compte :

[Ahmed El-Gazel] m’a parlé d’une ambassade de felicitation en France, ça été un point delicat pour moy sur lequel j’ay répondu d’une façon honnète mais a ne pas l’a tenter, parce que ces gens cy sont plus importuns et à changer que discrets et avisés ; ce secrétaire […] a avancé peut être cela de luy même par l’envie qu’il en auroit de l’être de la France […]171.

Les mots du chancelier sont moins virulents que ceux utilisés par

Chénier. Mais la méfiance à l’encontre de l’envoi d’éventuels Marocains en

France reste présente. L’opportunisme de la politique étrangère du Maroc

est également dénoncé par Pothonier, ainsi que la prééminence de la notion

170 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 55. 171 Lettre du chancelier Barthélémy de Pothonier au secrétaire d’État et ministre à la Marine le comte de Sartine du 23 juillet 1774 à Meknès, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 835, volume 11, 1774, p. 62, original.

Page 108: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

107

d’intérêt. Un passage d’une autre lettre adressée à son supérieur le

confirme :

[…] s’il m était permis de dire mon sentiment à votre Excellence, je prendray la respectueuse liberté […] de ne luy [à l’envoyé du sultan] donner tout au plus qu’une montre pour tout present. Le Roy de Maroc voyant ce traitement peu lucratif ne sera plus tenté d’envoyer à chaque instant des emissaires pour occasionner des depenses, cette conduite détournera sans contredit l’ambassade en France plus à charge qu’agréable […]172.

Pour le chancelier Pothonier, la mission marocaine n’a aucun

fondement diplomatique. Elle est selon le Français « plus à charge

qu’agréable173. » Le sultan recherche plutôt les gratifications et c’est à partir

de là que sa politique étrangère se base. Il accuse également le Maroc

d’envoyer incessamment des représentants en France.

Il se montre ainsi dans la ligne droite de la pensée de Chénier. Il

s’oppose alors dans l’intérêt de son pays à la venue des Marocains à la cour

de France : « […] Elgazel m’a dit que je ne devais plus renouveller au Roy

cette espece d’opposition que je montrais a la résolution qu’il avait prise

172 Lettre du chancelier Barthélémy de Pothonier au secrétaire d’État et ministre à la Marine le comte de Sartine du 20 août 1774 à Meknès, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 835, volume 11, 1774, p. 69, original. 173 Lettre de Barthélémy de Pothonier au comte de Sartine du 20 août 1774, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 835, volume 11, 1774, p. 69, original.

Page 109: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

108

d’envoyer ce courrier à Paris174 ». Le chancelier veut montrer au secrétaire

d’État à la marine qu’il fait tout pour empêcher l’arrivée d’un ambassadeur.

Mais c’est un échec.

Pour remplir cette mission, le sultan désigne le sous-gouverneur de

Salé, Abdallah Scalante175. Celui-ci part de Salé le 12 septembre 1774,

accompagné – sur la demande du sultan – du chancelier Pothonier. Les

deux hommes s’arrêtent d’abord à Tétouan, puis à Gibraltar et n’arrivent

que le 6 novembre à Marseille. Après y avoir séjourne quelques temps, ils

se mettent en route pour Paris. A Versailles, le 23 janvier 1775, Abdallah

Scalante est présenté au roi Louis XVI par le comte de Sartine, secrétaire

d’État à la marine. L’envoyé marocain remet la lettre de son maître. Ce

dernier adresse au jeune monarque ses condoléances pour la mort de son

père et le félicite à l’occasion de son avènement176. Scalante passe plus de

huit semaines à Paris.

A la fin du mois de mars seulement, il part pour Brest. Il y arrive le 2

avril et y est rejoint quatre jours plus tard par Louis de Chénier, invité par le

sultan à regagner son poste à Salé. Toutefois le titre de Chénier est modifié

174 Lettre de Barthélémy de Pothonier au comte de Sartine du 20 août 1774 à Meknès, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 835, volume 11, 1774, p. 69, original. 175 Ce personnage n’est connu que par des documents français qui lui donnent le nom de Scaland, ou Scalant, ou bien Ascalan, ou encore Excalent. Il semble bien qu’il s’appelle en réalité Scalante si l’on se réfère à C. Penz, Journal du consulat général de France à Maroc 1767-1785 paraphé par Louis Chénier, op. cit., p. 151, note 5. 176 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 56.

Page 110: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

109

mais pas ses fonctions177. Il devient le chargé d’affaires de Sa Majesté. Sidi

Mohamed a en effet notifié en 1774 à tous les souverains de l’Europe qu’il

ne donnerait à l’avenir aucune audience aux consuls qui résident dans ses

États. Tous deux s’embarquent le 12 avril 1775 à bord de la frégate royale

l’Aigrette, qui jette l’ancre à Salé le 22 du même mois.

L’ambassade de Tahar Fennich (1777-1778)178

Dans la nuit du 26 au 27 décembre 1775, le navire marchand La

Louise, du port de Nantes, fait naufrage près du cap Bojador. Le capitaine et

vingt hommes de l’équipage peuvent gagner la côte, mais sont capturés par

les habitants du pays et vendus plusieurs fois comme esclaves179. Au mois

d’avril 1776, le chargé d’affaires de France au Maroc, Chénier, a

connaissance de l’accident et apprend que les naufragés se trouvent sur les

bords de l’oued Noun, dans la plus déplorable situation. Il s’adresse

177 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 47. 178 Les causes de cette ambassade marocaine en France sont analysées en détail dans l’article de Jacques Caillé « Les Naufragés de la Louise au Maroc et l’ambassade de Tahar Fennich à la cour de France en 1777-1778 », Revue d’histoire diplomatique, juillet-septembre 1964, p. 225-264. L’auteur retrace précisément l’aventure des naufragés français au Maroc (p. 225-241). 179 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 56.

Page 111: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

110

immédiatement au sultan, Sidi Mohamed Ben Abdallah et lui demande

d’agir en faveur de ses compatriotes.

Le souverain rachète alors les Français. « Sidi Mohammed refusa le

remboursement de la somme ainsi versée ; il aurait voulu qu’en échange le

roi de France lui fasse remettre des Maures esclaves sur les galères de

Malte 180 . » Les négociations se prolongent sans aboutir entre les

représentants du sultan et Chénier. Le sultan prend alors la décision

d’envoyer en France un ambassadeur chargé d’offrir à Louis XVI les

naufragés de la Louise. Le caïd Tahar Fennich181 est choisi pour remplir

cette mission.

Le dernier ambassadeur marocain venu en France remonte à la fin du

XVIIe siècle. Durant ce siècle, les représentants du sultan partent à

Versailles afin de conclure un traité de paix. L’ambassade de Tahar Fennich

se déroule elle dix ans après la signature de l’accord de Marrakech.

Comment est perçu l’envoi du Marocain en France ?

Le consul de Salé Louis de Chénier est le premier informé des

projets de Mohammed III. Dès le 23 août 1777, il écrit au secrétaire d’État

et ministre de la Marine : « […] le sieur Soumbel me mande que Sidi Tahar

Fennich […] a ordre d’amener l’équipage du capitaine Dupuis et les autres

180 J. Caillé, « Ambassades et missions en France », art. cité, p. 57. 181 Tahar Fennich est aussi le commandant de l’artillerie marocaine. Il jouit de la faveur de son souverain. En 1773 il est envoyé comme ambassadeur du sultan à Londres. Puis il est désigné en 1777 pour se rendre aux Pays-Bas mais finalement Tahar Fennich est choisit pour diriger l’ambassade en France. En 1786, il discute les clauses du traité entre les États-Unies et le Maroc avec le consul américain Barclay.

Page 112: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

111

Français disgrâciés qui se trouvent ici 182 . » Dans ce même courrier, il

n’hésite pas à qualifier cette mission de « contradictoire et singulièrement

arrangé » et de « commission aussi dispendieuses et aussi

embarrassante183 ».

Il désire par conséquent comme pour les missions marocaines

précédentes l’éviter en faisant intervenir Soumbel :

Le même jour, 26 [août], j’expédiai un courrier au sieur Soumbel, pour l’engager à employer ses talents et ses ressources pour éviter les embarras de cette mission, et à profiter de l’inconstance de son maître pour ramener ce prince à une plus juste résolution et à renvoyer ces Français avec moins d’éclat. Je lui observai cependant de suspendre toute démarche à cet égard, pour peu qu’elle pût retarder la liberté et le départ de ces disgraciés184.

L’envoi de Tahar Fennich gêne le consul de France à Salé parce qu’il

la juge inutile. L’occasion ne correspond pas selon lui à un départ d’une

ambassade. Cependant ces efforts sont cette fois limités. Il ne veut pas

s’opposer au projet du sultan car il craint pour la vie de ses compatriotes

prisonniers. Ainsi Louis de Chénier indique au comte de Sartine :

182 Lettre de Chénier au comte de Sartine du 23 août 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 156, original. 183 Lettre de Chénier au comte de Sartine du 23 août 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 156, original. 184 Lettre de Chénier au comte de Sartine du 10 septembre 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 158, original.

Page 113: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

112

Il m’a paru convenir cependant de suspendre toute représentation et de ne rien opposer aux dispositions bizarres du roi de Maroc, dans cette circonstance, pour ne point retarder le départ des Français et pour ne point aigrir le caractère avide du prince, qui, de tous les moyens propres à manifester sa justice, ne saisit que ceux qu’il suppose se concilie le mieux avec ses intérêts et qui s’embarrasse peu de tout le reste185.

Chénier accuse toujours le sultan Mohammed III d’agir par intérêt

seulement. Il critique une fois de plus le fonctionnement de la

« diplomatie » marocaine. Le sultan du Maroc s’en sert selon son

raisonnement pour recueillir auprès des souverains européens uniquement

des présents :

[…] la mission de Sidi Tahar Fennich dévoilera mieux que je ne l’ai fait les idées et les vues du roi de Maroc. Elle pourra servir en même temps à ma justification. […]. Il n’a pas été en mon pouvoir, Monseigneur, de détourner cette ambassade comme je l’ai fait avec succès dans d’autres occasions ; mais je n’ai été, dans celle-ci ni consulté ni prévenu, et la circonstance était trop délicate pour hasarder insinuation contraire aux dispositions de ce souverain et à l’utilité qu’il paraît en attendre186.

L’appât du gain demeure selon le consul de France la principale

motivation de l’envoi de Fennich en France :

185 Lettre de Louis de Chénier au comte de Sartine du 10 septembre 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 158, original. 186 Lettre de Louis de Chénier au comte de Sartine du 20 septembre 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 162, original.

Page 114: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

113

Les différents prétextes que le Roi de Maroc a fait intervenir pour éluder la réclamation des Français disgraciés qui étaient en son pouvoir, ne laissent aucun doute sur les vues intéressées qui ont dirigé ce Prince dans cette circonstance délicate ; et la résolution qu’il a pris d’envoyer ces Français avec un ambassadeur, est une preuve plus convaincante encore du motif d’intérêt qui le fait agir187.

Dans le même courrier, le consul met bien en relation

l’ambassade et l’intérêt recherché par le sultan : « […] ce Prince

n’envoie un ambassadeur à cette occasion, que pour intéresser

davantage la générosité de Sa Majesté188. »

Tahar Fennich s’embarque le 11 octobre 1778 à Tanger sur un

bâtiment rouennais. Il emmène avec lui les marins français et, de plus, six

chevaux pour les offrir au roi de France 189 . Après avoir fait escale à

Gibraltar, Fennich arrive le 1er novembre suivant à Marseille. L’envoyé

marocain, accompagné de sa suite et de l’interprète Ruffin, attaché à sa

personne, arrive vers le 10 janvier 1778 à Paris. Il est reçu le 22 janvier en

audience solennelle par le roi Louis XVI. Fennich lui remet à cette occasion

une lettre de Sidi Mohamed Ben Abdallah, en date du 4 septembre 1777.

Dans son courrier, le sultan fait d’une part des reproches à Chénier

pour son comportement au cours des négociations suivies en vue de la

187 Lettre de Chénier au comte de Sartine du 18 octobre 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 170, original. 188 Lettre de Chénier au comte de Sartine du 18 octobre 1777 de Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 838, volume 14, 1777, p. 170, original. 189 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 57.

Page 115: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

114

libération des naufragés français. D’autre part, le souverain marocain

propose au roi de France un projet d’échange perpétuel des Européens

tombés entre ses mains contre les Maures captifs dans les États chrétiens.

« Il ne semble pas que cette question ait fait l’objet de longues discussions ;

en tout cas, il n’y fut pas donné suite190. »

Mais la forme de la lettre du sultan a retenu l’attention des ministres

français. Effectivement, Sidi Mohamed ne donne pas à Louis XVI le titre

d’empereur de France. Sur l’ordre du comte Sartine, des négociations

s’ouvrent avec Fennich à ce propos. Les autorités françaises obtiennent

finalement l’accord de l’ambassadeur pour régler la question. Le secrétaire

d’État et ministre de la Marine et le Marocain signent le 18 février 1778 un

règlement protocolaire aux termes duquel « Sidi Mohammed ben Abdallah

prenait l’engagement d’appeler désormais le roi Louis XVI « le plus grand

des Chrétiens, l’Empereur de France » et, d’autre part, celui-ci promettait

de donner au sultan « les titres et qualités du plus grand des Musulmans,

l’Empereur du Maroc et du Magreb »191. »

Tahar Fennich quitte Paris avant la fin du mois de février 1778. Il

s’embarque le 16 mars à Toulon sur la frégate royale la Gracieuse et arrive

dix jours plus tard à Tanger.

190 J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 58. 191 Ibid, p. 58.

Page 116: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

115

La deuxième mission d’Ali Pérès en France (1781)

Mohammed III ne dissimule plus son hostilité à l’égard de

Chénier. « Il lui fit même savoir qu’il nécouterait plus à l’avenir ses

représentations. La position du consul devint alors très délicate192. »

Au cours de l’été de 1778, Sidi Mohammed ayant décidé d’assujettir

les consuls européens au payement de la douane pour les effets qu’ils

reçoivent à titre personnel, Chénier proteste dans les formes contre une

disposition contraire à l’article onze du traité de 1767193. Il ne peut obtenir

satisfaction. Au début de 1780, les rapports se tendent encore : désirant

confier l’exploitation du commerce des ports de Salé et de Larache à des

juifs marocains, le sultan a enjoint aux négociants européens établis dans

ces deux villes d’abandonner leurs comptoirs pour aller se fixer à Fédala.

Chénier proteste encore et tout aussi vainement. Mohammed III décide de

demander son rappel en s’adressant directement au roi de France194.

Dès le mois de février 1781, le raïs Ali Pérès qui commande à Salé

une frégate de quatorze canons et montée par cent dix hommes d’équipage

reçoit l’ordre de se rendre à Tanger pour y attendre les instructions du

192 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 48. 193 Ibid, p. 48. 194 Ibid, p. 48.

Page 117: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

116

souverain195. Il est chargé de remettre au roi Louis XVI une lettre de Sidi

Mohammed Ben Abdallah en date du 26 février 1781. Son maître demande

cette fois-ci le rappel du chargé d’affaires Chénier et de le remplacer par un

nouvel agent.

Ali Pérès part de Tanger le 27 mars et arrive le 15 avril 1781 à

Marseille. La Cour de France ne reconnaissant pas la mission, elle refuse de

le recevoir à Versailles. Le représentant du sultan remet alors aux autorités

marseillaises la lettre dont il est porteur. Contrairement à l’accord du 18

février 1778, Sidi Mohamed Ben Abdallah s’abstient de donner à Louis

XVI le titre d’Empereur de France196. En conséquence, c’est le secrétaire

d’État à la Marine qui répond au sultan et lui explique les raisons pour

lesquelles son envoyé n’a pu remplir la mission dont il est chargé. Le raïs

quitte Marseille sur son navire le 16 juin 1781. Le 11 juillet, il rentre dans

le port de Salé.

L’échec de la mission d’Ali Pérès a des répercussions directs.

Furieux d’apprendre que la Cour a refusé de recevoir son envoyé, le sultan

convoque en effet Chénier à Marrakech. Au cours d’une audience publique,

le 21 septembre 1781, il lui adresse les plus vifs reproches, lui fait attacher

autour du cou la lettre du maréchal de Castries, qui n’a pas été ouverte et

l’envoie résider d’aborder quelques jours à Mogador, puis à Tanger, d’où le

chargé d’affaires du roi rentre définitivement en France au mois de

195 P. Grillon, Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du consul Louis de Chénier 1767-1782, volume 1, 1767 à 1777, op. cit., p. 48. 196 J. Caillé, « Ambassades et misssions marocaines en France », art. cité, p. 60.

Page 118: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

117

septembre 1782197. Il s’ensuit une assez grave tension entre les deux pays

et, jusqu’en 1786, le roi Louis XVI n’est plus représenté au Maroc que par

le vice-consul Henry-Noël Mure à Salé.

Le voyage de Hadj Larbi Moreno (1785-1786)

En 1785, le sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah décide d’envoyer un

ambassadeur à Constantinople. Le chef d’une des plus vieilles familles de

Salé, Hadj Larbi Moreno est alors désigné pour y aller avec deux frégates.

Cependant il est également chargé d’une mission en France. Larbi Moreno

doit conduire en leur pays les marins français qui ont fait naufrage le 17

janvier 1784 sur la côte marocaine, près de l’oued Noun198. Capturés par les

habitants de la région et vendus comme esclaves, ils ont été – de même que

l’équipage de la Louise en 1775 – rachetés par Sidi Mohamed Ben

Abdallah. En outre le sultan charge Larbi Moreno de porter au roi de France

Louis XVI une lettre en date du 26 novembre 1785.

Dans cette lettre, il annonce au souverain français le retour des

naufragés et demande que ses frégates en assez mauvais état, soient

197 J. Caillé, « Ambassades et misssions marocaines en France », art. cité, p. 60. 198 Idem, p. 61.

Page 119: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

118

réparées199. Le vice-consul de France à Salé, Mure écrit au secrétaire d’État

à la marine le maréchal de Castries le 16 octobre 1785 au sujet du projet du

sultan :

Ce prince [Sidi Mohamed] m’a désigné en même tems, un de ses sujets nommé L’hady Laber Moreno […] pour conduire ces Français, et remettre son present au Grand Seigneur. J’ai crains d’abord, Monseigneur, que ce particulier n’eut quelque ordre de se rendre à Paris, et j’ai demandé à l’Empereur une explication à cet égard, bien résolu de lui faire connoistre que cette mission ne seroit pas agréable à la Cour ; ce Prince m’a répondu positivement que cet envoyé resteroit à Toulon jusqu’à ce que ses corsaires fussent en etat de suivre leur voyage et de le conduire à Constantinople200.

Comme Chénier, Mure doit éviter les ambassades marocaines à la

Cour de France. Il semble que c’est une des fonctions des agents français au

Maroc. Ces derniers doivent empêcher tout envoi de la part du sultan de

représentants dans la capitale française. Mure s’inscrit dans la tradition

instaurée par ses prédécesseurs. Toutefois le vocabulaire usité par Mure ne

contient aucuns termes dégradant ou négatif pour qualifier l’envoi de Larbi

Moreno en France.

Ainsi c’est une rupture avec la vision de Chénier et celle d’Estelle au

XVIIe siècle. Mais le manque de documents émanant de Mure ou du

199 J. Caillé, « Ambassades et misssions marocaines en France », art. cité, p. 61. 200 Lettre de Mure au marquis de La Croix-Castries du 16 octobre 1785 à Salé, Archives Nationales, Affaires Etrangères, Correspondance consulaire, Maroc, BI 842, volume 18, 1783-1785, p. 90, original.

Page 120: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

119

pouvoir ne peut donner de plus amples informations relatives au regard

porté sur la mission marocaine de 1785.

Parti du Maroc à la fin du mois de décembre 1785, El-Hadj Larbi

Moreno arrive le 25 janvier 1786 à Toulon, après s’être arrêté quelques

jours à Marseille. L’envoyé du sultan fait naturellement débarquer les

marins français qu’il a à son bord, mais refuse obstinément de remettre la

lettre du souverain marocain 201 . Grand est l’embarras des autorités de

Toulon. Il leur faut discuter pendant près de deux mois avec le Marocain.

Celui-ci maintient sa prétention de se rendre à Paris.

Le 16 mars 1786 seulement, il consent à remettre au directeur du port

de Toulon, le comte d’Albert de Ryons la lettre de Sidi Mohamed, quelques

jours après avoir pris l’engagement de partir dès que ses navires seront en

état de reprendre la mer202. Le Salétin part de Toulon finalement le 27 avril

1786, à destination de Constantinople. L’envoi de Larbi Moreno en France

constitue la dernière mission marocaine du siècle 203 . Les événements

révolutionnaires en France et la mort de Mohammed III en 1790

201 J. Caillé, « Ambassades et misssions marocaines en France », art. cité, p. 61. 202 Ibid, p. 61. 203 En effet, Mohammed III au début de l’année 1788 désigne un ambassadeur pour se rendre à la cour de Versailles. L’envoyé est Mohammed Ben Abd El-Hadi. Il est chargé de demander au roi de France de racheter en Europe des esclaves musulmans pour le comte du sultan. Cependant le chargé d’affaires français au Maroc, Du Rocher, accueille cette nouvelle avec réserve. Mohammed III fait savoir par conséquent qu’il renonce à son projet et que la question sera traitée par correspondance. Il existe aux Archives Nationales, série Affaires Etrangères, sous-série Correspondance consulaire BI 843, une traduction d’une lettre adressée au nom du sultan à Du Rocher du 5 avril 1788. Une note est accordée à ce projet d’ambassade dans J. Caillé, « Ambassades et missions marocaines en France », art. cité, p. 62, note 9.

Page 121: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

120

interrompent momentanément les relations entre souverains. Mais le

commerce français au Maroc garanti par le traité de 1767 se poursuit.

Si les rapports sont rompus officiellement entre les deux États entre

1718 et 1757, des tentatives de dialogues se sont maintenues. Toutefois

l’anarchie régnante au Maroc à cette période, les projets se sont avérés tous

des échecs. A l’arrivée de Mohammed III en 1757, la situation intérieure est

rétablit. Les initiatives diplomatiques reprennent et aboutissent finalement à

la signature d’un traité en 1767. Cet accord règle alors les différents litiges

survenus au cours du XVIIe siècle.

Après la conclusion du traité de Marrakech, le sultan Sidi

Mohammed envoie plusieurs de ses représentants en France. Les missions

n’ont plus l’objet de signer un accord de paix comme sous Moulay Ismaïl.

Les Marocains sont plus amenés à porter une lettre au roi de France ou de

conduire des captifs français échoués sur les côtes marocaines. Toutefois

l’annonce de leur arrivée prochaine en France n’est pas très bien vue par les

autorités françaises. Le consul français à Salé Louis de Chénier a l’ordre de

les détourner à tout prix. A l’époque de Louis XIV c’est compréhensible.

Des litiges importants demeurent en suspens. Mais même après la

conclusion du traité en 1767, les premières impressions de la cour de France

n’ont pas changé vis-à-vis des ambassades et missions marocaines.

Page 122: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

121

L’étude des relations diplomatiques entre le Maroc et la France des

origines à la fin de l’époque moderne permet ainsi de réunir les outils

nécessaires pour décrypter le regard diplomatique à l’encontre de « l’autre »

marocain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les liens entre les deux souverains

débutent réellement sous François Ier. Jusqu’au roi Henri IV, le Maghreb

Al-Aqça semble bien considéré aux yeux de la France. Puis à partir des

années 1610, des litiges apparaissent entre les deux États qui offrent la

possibilité de comprendre le changement du regard.

Ces problèmes sont de deux ordres : d’une part la progression de la

course marocaine ; et d’autre part la captivité de Français au Maroc. Ils

correspondent à deux outils indispensables du regard français porté sur le

Maghreb Extrême au XVIIe siècle. Cela peut expliquer en partie que la

venue des ambassades et missions marocaines à Versailles n’est pas désirée.

Cependant en 1767 un accord est enfin conclu entre les deux protagonistes.

Le traité de Marrakech normalise ainsi les relations franco-marocaines en

mettant fin au problème de la captivité et en réglementant la course des

Salétins. Toutefois l’envoi de représentants marocains en France reste

toujours mal perçu par les autorités françaises.

Quelles peuvent être par conséquent les autres raisons qui poussent

la France a ne pas désirer recevoir les envoyés du sultan ? Avant de

formuler des réponses à cette interrogation essentielle, il faut revenir sur les

ambassades et les missions des Marocains afin de connaître les traitements

et les honneurs rendus pendant leurs séjours en France. En effet si elles ne

sont pas souhaitées au départ, le pouvoir royal se résigne tout de même à les

Page 123: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

122

accueillir. Sont-elles alors traitées avec les mêmes égards que celles des

autres pays lointains ou moins bien traitées ? Quelles attentions sont portées

à ces ambassadeurs marocains en France ? Voici les questions auxquelles il

faut répondre à présent.

Page 124: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

123

DEUXIEME PARTIE

TRAITEMENTS ET HONNEURS RENDUS EN FRANCE

Page 125: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

124

Après avoir décrit les relations diplomatiques entre la France et le

Maroc, après avoir remis les ambassades et missions marocaines en France

dans leurs contextes, il est nécessaire de s’attarder maintenant sur les

traitements et les honneurs rendus à l’égard des représentants du sultan à

l’époque moderne.

Entre 1681 et 1786, l’annonce de l’arrivée prochaine des envoyés du

sultan reste mal reçue par les autorités françaises. Celles-ci ne souhaitent

évidemment pas leur venue. Certaines raisons ont été évoquées dans la

partie précédente. Ces Marocains arrivent cependant en France pour remplir

leurs missions. La cour de France se résout contrairement au siècle de Louis

XIII à accueillir officiellement les envoyés marocains musulmans. De

quelles manières sont donc honorés ces agents du mahrzen sur le sol

français ? Quels égards leur sont rendus ?

Ces problèmes paraissent primordiaux lorsqu’il faut cerner la vision

diplomatique porté par la cour sur le Maroc à cette période. Effectivement

les premières impressions données par les agents français sur ces

ambassades et missions marocaines montrent très peu de considérations

diplomatiques à l’égard du Maghreb Al-Aqça. Y a-t-il confirmation ou non

de ces sentiments à travers l’accueil réservé aux Marocains en mission en

France ?

Pour répondre, il semble nécessaire d’analyser les différentes étapes

traversées par les représentants du sultan depuis leur arrivée dans les ports

français à leur embarquement pour leur pays. Le premier chapitre est ainsi

Page 126: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

125

accordé à l’accueil reçu par les envoyés du Maroc de leur descente dans les

ports français jusqu’à leur arrivée à Paris. Un deuxième chapitre est

consacré au séjour parisien des représentants du sultan. Enfin un dernier

chapitre a pour objectif de s’occuper uniquement de toutes les dépenses

effectuées par la cour à l’occasion de la présence de ces Marocains

Page 127: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

126

Chapitre 4.

Des ports français à Paris.

Page 128: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

127

La réception des envoyés marocains en France est un autre moyen

pour cerner le regard de la « diplomatie » française. Il est possible de

continuer de montrer l’intérêt diplomatique affiché par les Français à

propos des missions marocaines. Mais il faut démontrer également

comment les Marocains par rapport aux autres envoyés musulmans en

ambassade en France sont-ils honorés ? Y a-t-il des divergences entre

musulmans ?

L’accueil signifie premièrement une mise en place de dispositions

afin de réceptionner ces Marocains. De quelles manières se manifeste-elle ?

Est-elle la même pour tous les représentants musulmans venus en France ?

Le deuxième point consiste à connaître le déroulement de la vérification des

titres portés par les envoyés du sultan. Il faut s’arrêter enfin sur les

traitements et les honneurs rendus dans les villes de passage.

Le système de réception

Cette première sous-partie cherche à connaître les premières

dispositions de Versailles à l’égard des envoyés marocains. La cour de

France est mise au courant de leur venue prochaine par ses différents

agents. Si les représentants du sultan ne sont pas désirés au début, la France

se résigne tout de même à les accueillir quand elle ne peut mieux faire.

Page 129: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

128

Comment s’organise par conséquent le pouvoir royal lors de ces

événements ? Quelles dispositions sont prises par le roi de France ? Y a-t-

il au moins une organisation ? Est-ce que le système de réception est le

même pour tous les Marocains envoyés en France ? Ce système est-il

analogue ou différent de ceux mis en place pour les autres ambassadeurs du

monde musulman ? Peut-on retrouver la même organisation en ce qui

concerne des ambassades européennes ?

Ces multiples questions permettent ainsi d’établir la considération

allouée aux représentants marocains en France à l’époque moderne. La

comparaison essentielle entre les missions et ambassades du Maroc et celles

d’autres États peuvent apporter sans aucun doute des éléments précieux

pour répondre.

Les points à cerner deviennent nombreux. Les correspondances entre

les ports d’accueil et la capitale restent les sources primordiales. Elles

comprennent essentiellement les rapports des commandants de navires, des

intendants des ports, de la Chambre de Commerce de Marseille et les ordres

et décisions des secrétaires d’État à la Marine. Les informations doivent

être traitées de façon chronologique.

Page 130: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

129

1 Les Marocains à bord des vaisseaux français

Pour la plupart des ambassades et missions marocaines des XVIIe-

XVIIIe siècles, la France se charge du transport des sujets du sultan entre les

deux États. Les capitaines des vaisseaux français apparaissent alors en

contact direct avec ces musulmans. Ils relatent rigoureusement à leur

supérieur le déroulement du voyage des Marocains.

Quels traitements et honneurs leur sont accordés à bord des

bâtiments français à l’aller et au retour de leurs missions en France ? Quels

cérémonials sont accordés aux envoyés du Maroc à leur montée et descente

des vaisseaux français ?

Arrivés dans les ports du royaume, les Marocains sont pris en charge

par les autorités locales. Comment se déroule leur accueil ?

2 Les envoyés du sultan à Brest

A la descente des bâtiments français, les envoyés en ambassade

reçoivent un premier accueil par les autorités de Brest en attendant les

ordres de Versailles. Ils sont ensuite pris en charge par les agents envoyés

par la cour. Durant leurs séjours dans le port, ils sont évidemment logés et

nourris.

Page 131: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

130

Il faut noter que seuls les Marocains parmi les autres ambassades

musulmanes de l’époque en France descendent dans le port de Brest. Est-ce

que les représentants du sultan ont été traités pour autant de manière

distinguée ? A l’inverse, il est possible de comparer l’accueil reçu dans les

ports méditerranéens entre les différents envoyés des pays lointains.

3 Les envoyés du sultan à Toulon et à Marseille

En comparant la réception faite à d’autres ambassadeurs non

européens et à moindre degré européens, il est ainsi nécessaire de déceler

les différences ou ressemblances entre eux afin de savoir si les Marocains

ont été maltraité ou au contraire.

A leurs arrivées dans les ports méridionales, les envoyés du sultan

sont accueillis différemment en comparaison à Brest. Les Marocains sont

contraints d’abord de séjourner le plus souvent en rade de Toulon avant

d’accéder au port marseillais par exemple ou à la terre ferme. Les autorités

toulonnaises contrôlent le personnel des navires marocains pour dépister

éventuellement des épidémies.

A Marseille, la Chambre de Commerce s’occupe des Marocains et de

leur suite. Comment s’organise la Chambre de Commerce de Marseille à

l’arrivée de ces hommes du Sud ?

Page 132: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

131

Les Marocains réceptionnés dans les ports du royaume, les ordres du

roi restent formels : vérifier si les agents du sultan portent le titre

d’ambassadeur ou de simples envoyés.

La vérification des titres

Le premier contact établi entre les Marocains et les autorités

françaises, une longue période s’ouvre au sujet du titre porté par les

représentants marocains. Les ordres de Versailles s’avèrent effectivement

unanimes. Les envoyés du Maroc sont invités avant de pouvoir se rendre à

la cour de France à montrer leurs pouvoirs.

Cette pratique institutionnalisée à tous les pays est logique. Elle

permet de dissocier les agents envoyés véritablement par le sultan des

personnes mal attentionnées. De quelles manières s’effectuent cette

vérification ? Sur quels critères repose-t-elle ?

Les points intéressants à exploiter dans cette partie répondent tous à

un seul objectif : est-ce que le titre accordé aux envoyés marocains par les

autorités françaises correspond réellement à celui décerné par leur

Page 133: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

132

souverain à leur départ ? Quelle considération est portée par la France aux

agents du mahrzen en comparaison avec ceux d’autres États ?

1 Les ordres de Versailles

Quels sont-ils à ce sujet ? Est-ce les mêmes pour tous les autres

envoyés en France à cette époque ? Qui exécute les ordres émanant de

Versailles ? Comment s’y prennent-ils pour mener à bien leur tâche ? Sur

quels critères se basent-ils ?

Les consignes sont très strictes à ce sujet. Il est nécessaire à tout prix

de vérifier les titres portés par les envoyés du mahrzen. Pourquoi ?

Premièrement la cour de France doit se prémunir d’éventuelles impostures.

Deuxièmement, les traitements et les honneurs rendus aux Marocains

dépendent du titre reconnu par les autorités françaises. Il faut savoir

évidemment qu’un ambassadeur ne peut être traité comme un simple

courrier.

Il existe par conséquent des ordres précis émanant de la cour sur la

vérification des titres des Marocains. Comment sont donc jugés les

pouvoirs des envoyés du sultan ?

Page 134: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

133

2 Les pouvoirs des envoyés

Les représentants du Maghreb Al-Aqça sont envoyés en France avec

des pouvoirs précis. Ces derniers sont transcrits dans « une lettre de

créance » émanant soit directement du souverain soit d’un secrétaire. Elle

est rédigée en arabe et porte le sceau du sultan. Ces pouvoirs sont souvent

accompagnés d’une lettre de la main du Alaouite destinée au monarque

français. Elle renforce alors de manière considérable la véracité des

documents présentés par le Marocain en France.

Quelle est par conséquent la valeur des pouvoirs des représentants du

Maroc en France ? Cette interrogation demeure capitale puisque Versailles

n’est pas obligé au final d’accorder le titre dont l’envoyé marocain se

réclame. La cour décide par conséquent elle-même selon son bon vouloir du

traitement qu’elle désire accorder à « l’autre » marocain. Mais il est

possible que des problèmes linguistiques sont entrés en jeu dans la

traduction des lettres marocaines.

3 Les problèmes linguistiques

C’est alors en effet qu’intervient le secrétaire interprète du roi de

France en langues orientales. Il se rend à la rencontre des Marocains dans

Page 135: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

134

les ports. Il doit travailler rapidement et donner la traduction des pouvoirs

des envoyés du sultan à sa cour.

Les difficultés rencontrées doivent être nombreuses. La langue parlée

au Maroc diffère de l’arabe utilisé par d’autres pays musulmans. Les

secrétaires interprètes ne sont pas évidemment formés à ces divergences

linguistiques. La signification des termes apparaît aussi comme un dilemme

non négligeable.

Comment se déroule donc le travail des traducteurs ? Fournissent-t-

ils une traduction fidèle au texte d’origine? Font-ils consciencieusement

leur travail d’interprètes ?

La phase de vérification terminée, la cour autorise un nombre limité

de Marocains – trois sur huit missions entre 1682 et 1786 – à rejoindre la

capitale avec le titre d’ambassadeur. Deux agents du sultan portent le titre

de courrier mais sont reçus par le roi. Quels traitements et honneurs sont

donc rendus aux représentants du Maroc lors de leurs traversées du

royaume des Bourbon ?

Page 136: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

135

Traitements et honneurs rendus dans les villes de passage

Lorsque la vérification des titres des envoyés marocains est terminée

et que leurs pouvoirs apparaissent en règle après de longues discussions

avec la cour, Versailles les autorise à prendre la route pour parvenir auprès

du roi de France. C’est alors une nouvelle étape dans le voyage des

représentants du sultan du Maroc au royaume des Bourbon. Durant le trajet

ils traversent effectivement plusieurs villes.

Les Marocains s’y arrêtent quelques jours et sont accueillis par les

autorités citadines. Comment se déroulent leurs courts séjours ? Quels sont

les ordres de Versailles ? Quels traitements et honneurs sont rendus à ces

musulmans ?

En comparant avec des ambassades non européennes contemporaines

aux missions marocaines en France, il faut mettre d’abord l’accent sur le

trajet effectué par les envoyés du sultan du Maghreb Al-Aqça. La

connaissance du chemin emprunté par les Marocains est à étudier puisqu’il

est choisi par la cour de France. Pourquoi ? Quel est ce trajet emprunté ?

Quelles sont les villes traversées ? Il faut comparer avec le trajet des autres

envoyés musulmans en France.

Leurs entrées dans les différentes villes du royaume traversé. Enfin il

semble primordial de connaître l’accueil réservé aux envoyés du Maroc

dans celles-ci. De quelle manière s’exerce l’entrée des ambassadeurs du

Page 137: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

136

Maroc ? Est-il le même pour tous les représentants du sultan ? Quel

cérémonial s’établit à cette occasion ? Quels honneurs sont rendus à ces

agents du sultan ? L’accueil à l’entrée des villes françaises permet de

connaître l’intérêt accordé à ces envoyés.

Enfin il semble important de connaître l’accueil réservé aux envoyés

du Maroc dans celles-ci. Lors de leur trajet vers Paris, les envoyés

marocains passent quelques jours dans les villes de province. Quelles

attentions sont portées à leur égard ? Qui rend visite aux Marocains ? Ils

sont invités par les pouvoirs locaux à des soupers, des réceptions et des

bals.

Des ports français à Paris, les traitements et les honneurs rendus dans

les villes de passage offrent un avant goût de la considération accordée aux

envoyés marocains. Il semble que par comparaison avec d’autres célèbres

ambassades orientales, celles des Marocains n’ont pas eu l’attention

attendue. Qu’en est-il à Paris et à Versailles où rayonne la puissance

royale ? Comment se déroule le séjour parisien des représentants du sultan ?

Page 138: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

137

Chapitre 5.

Le séjour parisien.

Page 139: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

138

Plusieurs étapes se sont déroulées dans le voyage des envoyés du

Maroc. Mais l’arrivée à Paris et le long séjour qui suit constitue la phase

essentielle de la rihla des représentants du sultan. Son importance

s’explique pour plusieurs raisons. En effet la durée passée dans la première

ville du royaume reste un facteur déterminant. Mais c’est également à Paris

et à Versailles que rayonne le faste de la cour. Les agents du mahrzen sont

aussi présentés au roi de France. Enfin ils côtoient de hauts dignitaires de

l’État français.

Tous les ambassadeurs des pays lointains sont invités à séjourner

longtemps à Paris. Mais le cérémonial varie largement entre envoyés d’un

pays considéré par Versailles à un autre. Qu’en est-il pour les musulmans

d’Extrême Occident ? Quels comparaisons et différences existent-ils avec

les ambassadeurs orientaux voire d'Europe orientale ?

L’entrée marocaine dans Paris constitue le premier point à étudier.

Le second est centré sur l’audience royale accordée aux ambassadeurs du

sultan du Maroc. Le séjour parisien des Marocains est subdivisé entre les

visites et la vie de cour. Enfin il faut accorder un dernier point aux relations

établies entre les Français côtoyés et les sujets du sultan.

Page 140: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

139

Entrée à Paris des Marocains

Le long trajet des ambassadeurs marocains se termine à Paris.

L’entrée dans la plus grande ville du royaume marque alors un premier

moment fort. Les ambassadeurs envoyés à la cour de France jouissent en

effet du privilège d’effectuer solennellement leur première entrée à Paris.

C’est un usage établi pour honorer les souverains qui accréditent des

missions extraordinaires ou permanentes auprès du roi, et pour donner en

même temps à leurs représentants une haute idée de la majesté royale. Cette

tradition est-elle pratiquée pour les envoyés du sultan marocain ?

A partir des témoignages de l’époque, il semble plausible de

recomposer le déroulement du passage des envoyés du Maroc dans Paris.

Quel est le trajet dans la grande ville ? Qui est présent à cette entrée ? Quel

cérémonial est usité à cette occasion ?

Il demeure essentiel de s’arrêter sur le déroulement des entrées

parisiennes des Marocains. C’est effectivement un moment crucial dans une

ambassade étrangère. Il faut savoir qu’une foule immense se déplace lors de

l’entrée d’ambassadeurs étrangers comme par exemple celle des Persans en

1715. Elle montre par conséquent la considération accordée aux envoyés de

pays lointains.

L’entrée dans Paris enfin se termine à l’arrivée des musulmans à leur

demeure allouée pour eux dans la ville. L’endroit où descendent les

Page 141: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

140

Marocains revêt alors une importance pour connaître la considération

reconnue aux représentants du sultan. Où sont-ils par conséquent logés ?

Quel est le décor installé dans l’hôtel en leur honneur ? Quels sont les

moyens mis à leur disposition par le pouvoir royal ?

Le séjour parisien débute ainsi par un moment fort : l’entrée dans

Paris. Toutefois il s’avère qu’à l’époque moderne aucun ambassadeur

marocain n’a eu l’honneur de pénétrer dans Paris de manière officiel. C’est

le plus souvent de manière discrète que les envoyés du sultan sont introduits

dans la première ville du royaume. De quelles manières se déroule dans ces

conditions l’audience du roi accordée aux Marocains ?

L’audience royale

Le deuxième moment fort connu par les envoyés du Maghreb Al-

Aqça reste l’audience donnée par le monarque français. Elle se déroule à

Versailles. La réception des représentants étrangers demeure un moment de

fête. Mais le cérémonial dépend de l’importance du pays d’origine des

ambassadeurs. La cérémonie est donc plus ou moins fastueuse selon cette

idée.

Page 142: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

141

La considération accordée à un pays dépend du faste de la

cérémonie. Comment se déroule par conséquent l’audience royale accordée

aux Marocains ? La connaissance minutieuse du déroulement de celle-ci

répond à la question. Trois temps sont à prendre en compte.

Le trajet effectué de leur logement parisien au château de Versailles

constitue le premier. Grâce aux témoignages français de l’époque, il faut

décrire la route empruntée par les Marocains de leur logement à Paris

jusqu’à leurs arrivées à Versailles. Quels sont les ordres donnés par le roi ?

Qui est présent lors de cette traversée ?

L’entrée proprement dite dans le château de Versailles compose le

second acte. Elle répond à un protocole précis. Comment s’effectue l’entrée

des représentants du sultan dans le château de Versailles ? Comment se

déroule la cérémonie ? Où se passe la scène ? Quels dignitaires sont

présents à cette audience ? Comment est habillé le roi de France ? Quelle

est la position du roi ? Celle des membres de la famille royale ?

Enfin la prononciation des harangues par les ambassadeurs conclut

l’audience du roi. Les envoyés du Maroc prononcent au cours de cette

cérémonie une harangue en arabe. Celle-ci est traduite sur le champ par le

secrétaire interprète du roi en langues orientales. Ces traductions sont

retranscrites dans la plupart des gazettes du moment. Quelle image indirecte

ressort des envoyés marocains dans ces harangues traduites ?

Page 143: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

142

L’audience royale est par conséquent un moment privilégié dans les

ambassades et missions marocaines en France des XVIIe et XVIIIe siècles.

La connaissance de son déroulement permet de confirmer le regard

diplomatique français porté sur les représentants du Maghreb Al-Aqça.

Mais le séjour à Paris des Marocains continue après avoir été reçus par le

monarque. C’est ainsi l’occasion d’effectuer de multiples visites dans la

première ville du royaume et dans ses alentours.

Les visites

Les envoyés du sultan sont logés à Paris durant leurs missions en

France. La durée de leur présence dans la grande ville du royaume varie

selon l’importance de celles-ci. Mais le troisième temps qui compose le

séjour parisien des représentants du sultan correspond aux visites dans la

ville de Paris et de ses alentours. Tous les envoyés des souverains étrangers

connaissent ce privilège. Ils sont menés prioritairement à découvrir les

« miroirs de l’absolutisme » français.

Les Marocains sont ainsi emmenés dans les manufactures

parisiennes telles que l’Imprimerie royale, La Monnaie des Médailles, la

manufacture des Gobelins, la Savonnerie et la manufacture des glaces. Ils

visitent également les établissements culturels comme la Bibliothèque du

Page 144: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

143

roi et l’Académie de peinture et de sculpture. Les ambassadeurs marocains

pénètrent également dans les Invalides, le château de Versailles, le Louvre,

les domaines royaux de Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye et de Marly.

Est-ce que les lieux visités sont-ils les mêmes pour tous ces visiteurs

venant de pays lointains? Est-ce que les démonstrations ont le même

objectif chez les Marocains que chez les autres ambassadeurs musulmans

ou orientaux de l’époque ? Comment sont peints les visiteurs marocains

lors de leurs parcours « touristiques » dans les sources françaises ?

La visite de Paris et de ses alentours demeure un temps

incontournable dans le déroulement des ambassades marocaines durant la

période moderne. Elle étale aux représentants du Maroc la grandeur et la

puissance du roi de France. Le but des visites est ainsi clair : impressionner

les Marocains. Mais ces derniers sont tout de même conviés à participer aux

fastes de la cour de France.

La vie de cour

Autre que les visites, le séjour parisien des Marocains comporte

également une participation à la vie de cour. Les représentants du sultan

sont invités à de multiples festivités organisées par la cour de France. Les

Page 145: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

144

envoyés du sultan sont effectivement conviés à des repas, des bals et des

réceptions. Mais ils assistent aussi à des représentations théâtrales. Ce n’est

pas une première pour eux. Ils ont effet déjà été invités à des festivités lors

de leurs passages dans les villes de province.

Les sources iconographiques et littéraires ne manquent évidemment

pas à immortaliser ces moments. Elles mettent en scène ces représentants

du Maghreb Al-Aqça dans le monde des courtisans. Toutefois sont-ils

traités de manière convenable ? Reçoivent-ils les honneurs et traitements

dus à leur rang ? Qui invite ces musulmans ? Comment sont perçus enfin

les représentants marocains lors des réceptions à la cour par les Français ?

La vie à la cour forme le dernier temps du séjour parisien des

ambassadeurs du Maroc. L’accès aux solennités paraît être un privilège

accordé aux Marocains. Cependant ce ne sont pas des festivités en

l’honneur de l’ambassadeur. Les représentants du mahrzen sont uniquement

conviés à assister comme simple invité. Les sorties et les divertissements de

ces musulmans permettent ainsi d’évaluer l’attention qui leur est attribuée.

La longueur des séjours à Paris et à Versailles amène à présent

l’intérêt d’une réflexion sur les relations humaines entretenues par les

Français avec ces Africains du Nord.

Page 146: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

145

Les relations des Français avec les Marocains

Un dernier point à résoudre consiste à étudier les relations

personnelles entre les envoyés du sultan et les différents Français côtoyés

durant leurs périples. Des échanges verbaux et par courrier sont

effectivement échangés tout au long du voyage des Marocains au royaume

de France. Il est ainsi plausible de déterminer les liens qui s’établissent

entre les deux communautés. Quels échanges intimes se créent-ils ? Quelle

part de sincérité doit-il être accordé à ces relations ? Durent-ils après la fin

de la mission des Marocains en France ?

Les représentants du Maroc ont d’abord le privilège de rencontrer le

roi et certains membres de sa famille principalement. Ces confrontations se

déroulent principalement lors d’audiences accordées par le roi et par

d’autres membres royaux comme ses frères, ses enfants et ses cousins. Mais

ces musulmans du Maghreb Al-Aqça sont également côtoyés lors de

certaines festivités à la cour. Quels liens s’établissent entre les membres de

la famille royale et les Marocains ?

Les autres Français rencontrés par les représentants du Maroc sont

des agents du pouvoir royal. Ils sont le plus souvent nommés auprès des

Marocains pour les accompagner ou bien pour traiter des missions pour

lesquels ils sont envoyés. Ce sont entre autre les secrétaires interprètes, les

introducteurs des ambassadeurs, les consuls, les courtisans et les secrétaires

Page 147: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

146

d’État. Comment se déroulent par conséquent les relations entre ces deux

« élites » ? De quelle manière s’opère le choc des cultures ?

Il s’agit d’indiquer dans cette partie la nature des rapports humains

entre les deux communautés. La considération de « l’autre » marocain peut

passer en effet par le degré de la relation créée par le Français avec lui. Il

faut donc mettre en évidence les tensions existantes entre eux. Puis il est

nécessaire de déceler les agissements par intérêts dans l’établissement de

liens proches avec les envoyés marocains.

Les relations humaines entretenues par les Français avec les

Marocains doit ainsi continuer à développer l’idée du peu d’estime apportée

à ces musulmans. Les liens réels d’amitié demeurent éphémères. A part

quelques exceptions, les rapports entre les deux « élites » sont très tendus.

Les envoyés du sultan restent en général mal perçus par les sujets du

royaume.

Le séjour parisien des Marocains apparaît comme riche en

renseignement pour cerner les traitements et les honneurs rendus à

l’encontre des envoyés du mahrzen. Les différents temps de leurs séjours

prouvent en effet que les représentants du sultan n’ont pas été accueillis de

la même manière que leurs homologues orientaux. Le pouvoir royal s’est

indéniablement contenté d’un strict minimum en ce qui concerne deux

moments cruciaux des ambassades : les entrées parisiennes et les audiences

royales. L’étude à présent des dépenses occasionnées par la présence des

agents marocains en France doit permettre de trancher sur le sujet.

Page 148: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

147

Chapitre 6.

Les dépenses.

Page 149: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

148

La considération politique des envoyés marocains peut enfin être

démontrée par l'examen minutieux des dépenses effectuées à l’occasion de

la présence de ces Africains du Nord dans le royaume. Logiquement plus la

valeur des dépenses s’élève, plus on est certain que la France accorde de

l’importance aux ambassadeurs envoyés auprès d’elle. En étudiant par

conséquent en détails les frais occasionnés par les Marocains aux XVIIe-

XVIIIe siècles et ceux occasionnées par d’autres ambassadeurs orientaux à

la même période, il faut arriver à déterminer ce qu’il en est des ambassades

et missions du sultan.

Les choix financiers du pouvoir royal en ce qui concerne les

Marocains en France montre en effet directement les attentions qui leur sont

consenties. Est-ce que les envoyés des sultans alaouites ont eu un traitement

pécuniaire particulier ? Ou au contraire ont-ils été négligés par rapport à

d’autres ambassadeurs d’Orient ou d’Extrême-Orient venus à la même

période en France ?

Pour répondre à ces questions, il faut commencer premièrement à

décrire le système de prise en charge des dépenses mis en place par le

pouvoir royal pour les ambassadeurs du sultan. Deuxièmement il est

nécessaire de rendre compte précisément des premiers frais important

engendrés par l’arrivée des Marocains : les transports. La nourriture de ces

musulmans en France compose troisièmement l’autre dépense essentielle

des autorités. Les ambassades et missions du Maghreb Al-Aqça

occasionnent également en quatrième lieue de nombreux frais

« extraordinaires ». La valeur des présents offerts en l’honneur des agents

Page 150: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

149

du mahrzen et à leurs sultans reste aussi à connaître. Enfin au retour

définitif des Marocains dans leur pays, le pouvoir royal tient ses comptes

finals et remboursent ses agents. Quel est donc le coût total de chaque

ambassade et mission du Maghreb Al-Aqça ?

La prise en charge

L’arrivée de représentants étrangers en France pose la question de la

prise en charge du financement des dépenses causées par leur venue. La

cour prend seulement en charge le financement à Paris et à Versailles. Le

reste est délégué à d’autres personnes qui sont remboursées plus tard par le

pouvoir royal. Une différence géographique apparaît alors à partir du port

où débarquent les Marocains.

Effectivement lorsqu’ils sont à Marseille, c’est le plus souvent la

Chambre de commerce qui prend en charge les dépenses financières. Elle

rajoute à ses multiples fonctions celle de « banquier ». A l’inverse à Brest,

ce n’est pas un organisme mais des particuliers qui s’en occupent. Au

départ des ports français et jusqu’à l’arrivée à Paris, ce sont les

accompagnateurs des ambassadeurs qui sont chargés du règlement des

dépenses. Comment s’organise le système de prise en charge ? Quelles sont

les consignes royales sur les dépenses à l’encontre des Marocains ?

Page 151: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

150

L’étude de l’organisation de la prise en charge des frais engendrés

par la présence de ces musulmans offre une fois de plus la possibilité de

connaître l’égard porté par la France aux envoyés marocains. Une étroite

économie doit être effectivement réalisé selon le pouvoir royal. Qu’en est-il

dans les faits et tout d’abord en ce qui concerne les transports ?

Les transports

La première grande dépense financière regroupe tous les frais

entraînés par les moyens de locomotion empruntés par les représentants du

Maghreb Al-Aqça. De leur départ de leur pays d’origine à leur retour

définitifs, les envoyés du mahrzen en empruntent trois.

La plupart des Marocains sont d’abord transportés dans des

bâtiments de la marine française des ports du Maroc aux ports français. Les

capitaines reçoivent alors une gratification pour ce service rendu. Les

ambassadeurs du sultan, leurs suites et leurs bagages empruntent ensuite des

« voitures » pour traverser tout le royaume. Enfin une « voiture » est mise à

la disposition des Africains pour leurs divers déplacements dans Paris et les

alentours.

Page 152: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

151

Les transports pris par les envoyés du sultan sont aux frais de l’État

français. Quelles sont les consignes relatives aux transports que doivent

emprunter en France les Marocains ? Quelle part est accordée à cette

dépense par la cour ? Par rapport aux dépenses effectuées pour le transport

des autres ambassadeurs des pays lointains, quelle est l’importance de celles

réalisées à l’occasion des ambassades marocaines ?

Les dépenses relatifs aux transports pris par les ambassadeurs du

Maghreb Extrême ne s’avèrent pas élever. Est-ce également le cas pour ce

qui concerne la consommation des aliments par les agents du sultan au

royaume des Bourbon ?

Les frais alimentaires

Après les transports, la deuxième préoccupation du pouvoir royale

concerne les besoins alimentaires des envoyés du Maroc. Des ports français

jusqu’à leur arrivée à Paris, les autorités locales s’occupent de ravitailler les

ambassadeurs du sultan. Puis comme la précédente dépense, les frais

relatifs à la nourriture des Marocains durant leur séjour parisien est

l’occupation directe du pouvoir royal.

Page 153: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

152

Quels sont les ordres donnés par la cour pour subvenir aux besoins

primaires des hommes du mahrzen ? De quoi se compose la nourriture

quotidienne des envoyés du sultan ? Quel est son coût ? La France est-elle

généreuse à l’égard de leur hôte musulman ?

L’examen de la consommation journalière des ambassades et

missions du sultan au royaume de France à l’époque moderne établit que

d’importantes économies sont réalisées dans ce domaine. La différence

avec les frais alimentaires des ambassadeurs des États lointains reste

frappante. Néanmoins les dépenses de l’autorité centrale ne s’arrêtent pas à

ce niveau. D’autres sommes d’argents sont versées par la cour à l’occasion

de la présence de ces Africains pour de diverses raisons qu’il faut à présent

discerner.

Autres dépenses

Outre les dépenses « ordinaires », d’autres frais interviennent avec la

venue des envoyés du Maghreb Al-Aqça aux XVIIe et XVIIIe siècles. En

quoi consistent ces nouveaux coûts pour le pouvoir royal ?

Ces dépenses sont principalement de trois natures. Le roi met

premièrement à disposition des ambassadeurs marocains une somme

Page 154: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

153

d’argent comme gratification personnelle lors de leur séjour parisien. A

combien s’élève-t-elle ? Est-ce que les contributions financières offertes

aux autres ambassadeurs sont comparables à celles concédées aux

Marocains ?

La cour de France doit deuxièmement gratifier les loyaux services

des agents qui se sont occupés des envoyés du sultan durant tout leur séjour

dans le royaume. Cette dépense est tout à fait normale. Elle se retrouve à

chaque ambassade étrangère. Toutefois il faut la prendre en note pour avoir

une idée très vaste de tous les frais engendrés par l’arrivée des hommes du

mahrzen.

Enfin il arrive troisièmement que des dépenses imprévues entrent en

compte comme la réparation dans les ports français de navires en mauvais

état appartenant à l’envoyé du sultan. Il faut souligner une certaine

générosité de la part de la cour.

Tous ces frais énumérés montrent que d’abord les dépenses des

Marocains en France peuvent varier l’une à l’autre. Mais les coûts élevés

concernent plus l’accueil proprement dit des ambassadeurs du Maroc que

les hommes. Le dernier engagement financier concerne enfin les présents

du roi à ces envoyés musulmans.

Page 155: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

154

Les présents offerts

Au départ pour son pays d’origine, la coutume veut que le roi de

France offre une multitude de présents pour l’ambassadeur, sa suite et son

maître. Les Marocains n’ont pas évidemment dérogé à la règle. Néanmoins

la richesse des cadeaux octroyés à cette époque dépend largement de

l’estime portée par la cour de France aux pays étrangers.

Les ambassades et les missions marocaines aux XVIIe et XVIIIe

siècles ont été perçues par les contemporains comme ayant pour seul but

d’apporter des présents à leur souverain. Le moyen de vérifier cela est par

conséquent de connaître la nature des cadeaux et surtout leur valeur

financière.

L’autre méthode indissociable de la première est enfin de comparer

au passage les présents offerts aux Marocains avec ceux offerts aux autres

émissaires des pays lointains.

En comparaison avec d’autres ambassadeurs orientaux, les présents

offerts aux Marocains lors de leurs missions permettent d’affirmer que

l’estime porté par le royaume des Bourbon sur le Maroc est bien moindre

que d’autres États indépendant d’Orient et d’Extrême-Orient durant cette

période. La valeur financière des cadeaux du roi aux agents du sultan ne

dépasse pas effectivement ceux des autres envoyés étrangers. A présent il

Page 156: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

155

est temps de conclure en additionnant toutes les dépenses occasionnées par

les Marocains pour savoir si la cour a été généreuse ou pas avec ces

Africains du Nord.

Les coûts définitifs des missions marocaines

Cette dernière étape se réalise à la fin des ambassades et missions

marocaines. Versailles doit alors rembourser les différentes personnes qui

ont dépensé de l’argent à ces occasions. C’est pour la cour le moment

d’établir les comptes définitifs et de régler ses dettes.

Le total des dépenses peut donner ainsi une idée générale du coût

d’une ambassade marocaine en France à l’époque moderne. En la

comparant avec d’autres missions musulmanes du moment, une typologie

peut être définie.

L’étude des coûts définitifs des ambassades et missions marocaines

s’avère très fructueuse pour déterminer la considération allouée à celles-ci

par le royaume de France à la période moderne. Le résultat confirme les

conclusions précédentes : le pouvoir de l’époque s’est contenté d’un strict

minimum.

Page 157: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

156

La connaissance précise de toutes les dépenses causées par la venue

des envoyés du Maghreb Extrême en France apparaît donc essentielle pour

cerner le regard du « moi » français sur « l’autre » marocain. L’examen des

coûts détaillés des missions marocaines montrent en effet que le royaume

des Bourbon a déconsidéré les représentants du Maroc par rapport aux

autres émissaires étrangers en l’occurrence les Ottomans, les Persans et les

Siamois. Concernant les Marocains, la volonté d’établir des économies

demeure en fait l’élément primordial de la cour.

Page 158: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

157

L'analyse méticuleuse du déroulement des ambassades et missions

marocaines en France confirme la déconsidération vis-à-vis du Maroc. Les

réceptions et les égards rendus à l’encontre des Marocains relèvent le peu

d’attention accordée au Maghreb Al-Aqça.

En effet sur les huit tentatives d’envoi de représentants entre 1682 et

1786, trois seulement obtiennent le statut d’ambassadeur. En comparaison

avec d’autres envoyés de pays lointains comme la Perse ou le Siam, aucune

des ambassades n’est fastueuse. Les multiples litiges diplomatiques entre

les deux pays peuvent expliquer ce manque de considération.

Toutefois il semble qu’il subsiste une autre raison plus profonde et

plus essentielle. Elle se trouve dans les images et les représentations du

Maroc et de ses habitants chez les Français à l’époque moderne. Le regard

porté sur « l’autre » marocain paraît être d’une portée capitale pour

comprendre le mépris de la France vis-à-vis du Maghreb Al-Aqça.

C’est pourquoi il faut maintenant discerner en détails les sentiments

français à l’égard des envoyés du sultan en tant que Marocains musulmans.

Effectivement ces ambassadeurs – représentants de leurs pays – reflètent

aux yeux des Français l’archétype du peuple marocain.

Page 159: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

158

TROISIEME PARTIE

LES ENVOYÉS MAROCAINS : MIROIR DE LEUR PAYS

Page 160: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

159

En outre de l’image exclusivement diplomatique touchant les

ambassadeurs du sultan, un regard culturel ressort très nettement des

sources françaises. Celui-ci se manifeste par des jugements et des

sentiments sur le Marocain en tant que peuple et appartenant à la

civilisation de l’Islam.

Les envoyés marocains viennent d’un pays lointain. Ils relèvent de

plus d’une culture entièrement différente de celle de l’Europe. Les

croyances religieuses mais également les mœurs et les coutumes divergent

de celles des Français. C’est pourquoi ces derniers par le nombre des

témoignages montrent qu’ils n’y sont pas restés indifférents.

Quels sont les sentiments de la France en ce qui concerne les

Marocains ? Sont-ils amicaux ou bien hostiles à leurs égards ? Les sujets

abordés dans les écrits chrétiens sont au nombre de quatre. Le premier

examine directement le pays d’origine des représentants. Plusieurs

informations géographiques et historiques relatives au Maroc sont à cet

égard mis en avant. Le second regarde l’État marocain, c’est-à-dire le sultan

et le mahrzen car les envoyés appartiennent à ce cercle. Les Marocains en

tant que nation est également traité par les Français. Les représentants du

sultan continuent en effet à vivre durant leurs missions comme dans leurs

pays. Enfin le regard porté sur la religion musulmane constitue le dernier

point. Eloignés de leurs pays, les Marocains pratiquent quand même leur

culte. « L’autre » musulman attise par conséquent la curiosité du « moi »

chrétien.

Page 161: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

160

Chapitre 7.

Le Maghreb Al-Aqça.

Page 162: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

161

La présence des envoyés marocains en France est d’abord l’occasion

pour certains Français de donner des précisions géographiques sur leur pays

d’origine : le Maghreb Al-Aqça. Les gazettes qui suivent ces Marocains

venus en France indiquent par exemple à leurs lecteurs des données

relatives au Maroc. Ce dernier semble en effet un pays lointain que la

majorité des Français ne doit pas connaître particulièrement.

Seuls les envoyés du roi en mission, les captifs, les religieux et les

aventuriers ou autres voyageurs qui ont laissé des écrits ont pu visiter le

Maroc. Il est d’ailleurs intéressant de comparer le regard porté par ces gens

qui ont vu et vécu avec ceux qui portent un regard à partir des Marocains

arrivés en France. Est-ce que les représentations diffèrent ou bien se

ressemblent-elles ?

Les points à cerner ici sont au nombre de trois. Premièrement, les

délimitations géographiques du Maroc constituent un point primordial.

Quelles sont les frontières du Maroc pour les Français du XVIIe et XVIIIe

siècles ? Sur quelles étendues règne le sultan marocain de l’époque ? Les

informations émises par les écrits français se fondent-elles sur la réalité ?

Le deuxième thème qu’il faut privilégier demeure les descriptions du pays.

C’est la géographie proprement dite du pays traité par les Français qui

englobe ce second point. Enfin troisièmement, l’histoire du Maroc est aussi

un thème récurent dans les écrits de la période.

Page 163: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

162

Délimitations géographiques

Les premières indications émanant directement des sources

françaises relatifs au Maghreb Al-Aqça touchent les délimitations de ses

« frontières ». Les ambassadeurs du Maroc sont en effet l’occasion pour les

auteurs des écrits d’informer les lecteurs sur l’étendue de cet État

musulman.

Il est très important de s’attarder sur la vision des Français sur

l’étendue du territoire marocain à l’époque moderne. « L’autre » marocain

pour être apprécié en France doit obligatoirement venir d’un pays dont

l’étendue frappe les imaginations. Les écrits français s’intéressent alors à

décrire surtout le rayonnement de l’autorité du sultan sur le Maroc.

Quelle est l’étendue territoriale du Maghreb Al-Aqça selon les écrits

français à l’époque moderne ? Sur quels territoires règne le souverain

marocain ? Comment est désigné le Maroc à cette époque ? Est-ce un

empire, un royaume ou autre ? Existe-t-il une évolution entre le XVIIe et le

XVIIIe siècle dans l’appellation du Maroc ?

La représentation des « frontières » du Maghreb Extrême établis, le

« moi » français juge de l’importance de l’État. Toutefois il semble que la

grandeur du territoire du Maroc de l’époque est minimisée dans les écrits

chrétiens. Comment est perçue la géographie du pays par les Français ?

Page 164: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

163

Descriptions du pays

Après avoir configuré les limites du Maghreb Al-Aqça, il faut

s’arrêter sur les descriptions géographiques du pays chez les Français de

l’époque moderne. La correspondance des consuls de France résidant à Salé

reste ici essentielle et notamment les longs mémoires adressés au secrétaire

d’État à la Marine. Mais les relations des ambassadeurs français envoyés au

Maroc ainsi que ceux des voyageurs sont également riches

d’enseignements. A ces sources, il faut inclure enfin les gazettes comme le

Mercure Galant qui ne font que reprendre ces informations. Comment

décrit-on la géographie du Maroc à cette époque ? Correspond-t-elle à la

réalité ? Les connaissances géographiques de ce pays ont-elles un but

politique ?

La majorité des écrits français évoque en premier lieu les paysages

marocains. Frappés par la diversité du territoire qui s’offre à eux, les

Français en décrivent effectivement les caractéristiques. Les idées conçues

à ce sujet se rapportent ensuite au pays et même aux habitants.

Les multiples paysages peints, les chrétiens s’intéressent en second

lieu à la faune et à la flore du Maroc. Complètement divergente du royaume

de France, la végétation et les animaux qui se trouvent au Maroc attirent en

Page 165: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

164

effet la curiosité des Français. Les envoyés marocains sont de plus souvent

porteurs de lions, autruches et chevaux à la cour.

Le troisième et dernier élément des descriptions françaises concerne

la géographie urbaine. Les villes et les ports marocains sont largement

traités par les écrits français. Quels renseignements géographiques prévalent

à ce sujet ? Les sites des villes, leurs situations et leurs activités demeurent

les thèmes principaux abordés. Les documents consulaires sont à ce sujet

très nombreux.

Les Français accordent par conséquent un grand intérêt à la

géographie du Maroc. Cette sollicitude explique sûrement les entreprises de

domination tentées par la cour sur l’État musulman. Les descriptions

géographiques terminées, les Français se penchent ensuite sur l’histoire du

Maghreb Al-Aqça.

Histoire du Maroc

Le dernier thème exploité par les Français regroupe les données

historiques. Les sources restent pour l’essentiel les mêmes que pour les

informations géographiques. Néanmoins à la différence de l’étude du

territoire, certains récits ont pour sujet principal de relater l’histoire du pays.

Page 166: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

165

Cette dernière se confond le plus souvent avec l’histoire des souverains et

des dynasties du Maghreb Al-Aqça.

Sur quels fondements reposent les écrits historiques sur le Maroc ?

Est-ce que les auteurs décrivent la même histoire dans leurs ouvrages ?

Quel regard les Français portent-ils sur l’histoire d’un pays musulman ?

Quels sont les événements historiques privilégiés ? Pour quelles raisons ? Y

a-t-il un essai de construction de l’histoire lorsque les auteurs français

écrivent notamment sur les relations diplomatiques entre le Maroc et la

France ?

L’histoire du Maroc passionne les Français de l’époque. Mais leurs

manières de relater les événements historiques ne cachent pas une certaine

partialité. La réalité est ainsi largement faussée surtout en ce qui concerne

les rapports entre le sultan marocain et le roi de France. Leur royaume tient

généralement le bon rôle.

Les représentations françaises sur le Maghreb Extrême illustre ainsi

très bien le regard supérieur du « moi » chrétien sur « l’autre » marocain.

Les indices géographiques et historiques concernant le pays des envoyés du

sultan relevés dans les divers écrits des XVIIe-XVIIIe siècles contribuent

effectivement à cette idée. Après s’être intéressé au pays en général, les

Français ont porté leurs yeux sur le fonctionnement étatique du Maroc.

Comment distinguent-ils par conséquent le pouvoir central marocain ?

C’est l’objet du chapitre suivant.

Page 167: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

166

Chapitre 8.

L’État marocain.

Page 168: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

167

Les représentants du sultan sont des agents de l’État marocain. Ils

appartiennent à l’appareil gouvernemental du pays. Ce sont des hommes en

effet du mahrzen. Il semble par conséquent tout à fait normal que les

Français portent un regard sur l’État marocain. Ces informations émanent

pour la grande partie des agents du royaume de France. Mais certains écrits

littéraires ont également effectué des allusions politiques sur le pouvoir

marocain de l’époque. Quelles sont les remarques des Français en ce qui

concerne l’État marocain ?

Les thèmes privilégiés dans ce chapitre recoupent toutes des notions

politiques. Par ordre de puissance, il faut commencer à montrer l’image du

sultan du Maroc dans les écrits politiques et littéraires français du XVIIe et

XVIIIe siècles. Il faut deuxièmement donner les visions sur le

fonctionnement de l’appareil dirigeant : le mahrzen. Enfin, le dernier point

reste de démontrer les forces et faiblesses de l’État marocain selon les

Français.

Le sultan selon les écrits français

Au plus haut niveau de l’État marocain est le sultan. Depuis 1659 ce

dernier appartient à la dynastie alaouite. Les témoignages français des

ambassades et missions marocaines en France à l’époque moderne sont

Page 169: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

168

nombreux seulement à partir de la fin du XVIIe siècle sous Louis XIV.

Entre cette période et 1789, seuls deux sultans marocains ont envoyés au

royaume des Bourbon des Marocains en mission. Ce sont Moulay Ismaïl

(1672-1727) et son petit-fils Sidi Mohammed Ben Abdallah ou Mohammed

III (1757-1790).

Les écrits français ont largement développé sur ces deux souverains

marocains. Les regards des Français s’inclinent sur eux pour des raisons

différentes et personnelles. Celles-ci sont importantes car elles sont les clefs

pour comprendre leurs visions. Quelles sont les représentations du « moi »

français sur le sultan ? Quelle est la part du mythe, du mensonge et de la

réalité dans l’image du maître du Maroc chez le Français ? Quelles

réflexions sont apportées au fait que la dynastie alaouite se dit descendante

du Prophète ?

1 Moulay Ismaïl

Le règne de Moulay Ismaïl (1672-1727) est le plus long connu par le

Maroc. Les écrits français le concernant sont très nombreux. Comment est-

il peint par les Français ? Quels traits s’établissent dans les diverses

descriptions françaises ? Quelle puissance politique est accordée à Moulay

Ismaïl ?

Page 170: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

169

Les relations orageuses entre le sultan Moulay Ismaïl et le roi Louis

XIV ont certainement influé sur le regard porté à l’encontre du premier. Les

corsaires attaquent les bâtiments marchands français. Le souverain détient

de plus des sujets du monarque de France.

Il est intéressant de comparer les tableaux dressés sur le sultan par

les Français avec ceux d’autres Européens de la période. Néanmoins

l’image de Moulay Ismaïl dans les écrits français apparaît très sombre. Les

récits français accordent effectivement au personnage une cruauté

légendaire. Qu’en est-il pour son petit-fils Sidi Mohammed Ben Abdallah

dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ? Mettant fin aux calvaires des

captifs français, bénéficie-t-il d’un regard plus chaleureux ?

2 Sidi Mohammed Ben Abdallah

Mohammed III (1757-1790) a également longtemps régné sur le

Maghreb Al-Aqça comme son grand-père. Mais les écrits à son sujet restent

moins nombreux que ce dernier. Quelles images de ce sultan ressortent de

ces lectures ? Existe-t-il des similitudes avec Moulay Ismaïl ?

Sous Sidi Mohammed Ben Abdallah, les rapports entre la France et

le Maroc deviennent plus paisibles. En 1767, un traité de paix et de

commerce est conclu en 1767. Les corsaires marocains ne s’attaquent plus

aux navires français et c’est la fin de la captivité des Français au Maroc. Les

Page 171: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

170

récits d’esclaves ou de rédempteurs diminuent par conséquent par rapport

au siècle précédent. Cependant les écrits sur le sultan – et notamment ceux

du consul de Salé Louis de Chénier – demeurent captivants.

Mohammed III subit en effet comme Moulay Ismaïl d’une certaine

hostilité. Il est diabolisé par les Français de l’époque alors que les relations

sont désormais bonnes entre les Bourbon et les Alaouites. Bourré de défauts

moraux, sa cruauté est aussi mise en relief.

Les sultans sont par conséquent montré comme des bêtes cruelles

soif de sang et avide de richesses. L’exercice d’un pouvoir autoritaire leur

est aussi reproché à plusieurs reprises. Après ces regards portés sur le

premier des Marocains, le « moi » français s’est soucié de son mahrzen et

ses agents qui la composent. De quelles manières sont peintes

l’administration et le gouvernement du sultan ?

Le mahrzen

Les Français ont montré ainsi une attention toute particulière aux

maîtres du Maghreb Al-Aqça : les sultans. Mais ces derniers tiennent le

pays grâce à leur mahrzen.

Page 172: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

171

Cette notion spécifiquement marocaine recoupe en fait à la fois le

gouvernement et l’administration du Maroc. Le sultan est évidemment à la

tête du mahrzen. Les membres de sa famille et le personnel de son palais à

Meknès ou à Marrakech constituent le noyau principal. Certains fils du

sultan sont installés aux hautes fonctions de vice-roi d’une région. Les caïds

des villes appartiennent également à cette institution. Les corsaires sont

aussi pour la plupart des agents mahrzeniens surtout pour le XVIIIe siècle.

Quelles sont les connaissances de la France sur le mahrzen ? Quels

hommes composent cette institution d’après les écrits français ? Quel regard

politique est porté par les Français sur le fonctionnement du gouvernement

et de l’administration du Maghreb Al-Aqça à l’époque moderne ?

Les sources sur la question abondent surtout du côté des consuls du

roi en poste au Maroc. Mais il faut y rajouter les récits de voyage des

Français tels que ceux des ambassadeurs de Louis XIV venus auprès des

sultans. Enfin les histoires concernant les souverains marocains ont laissées

de fructueuses données sur le sujet.

Le mahrzen évoqué, les Français se sont penchés sur l’étude des

forces et faiblesses de l’État marocain aux XVIIe-XVIIIe siècles. Quelle est

la puissance du Maroc à cette période d’après les écrits français ?

Page 173: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

172

Forces et faiblesses du pays

Certaines relations de voyage évoquent la puissance du pays au

niveau économique et militaire. Les ambassadeurs français au Maroc sous

Louis XIV ont pour mission d’établir des rapports détaillés sur le Maghreb

Al-Aqça. Mais les consuls de France rédigent également de façon annuelle

des mémoires précis sur les forces et faiblesses de cet État à l’attention de

Versailles.

Quelle est la situation du Maroc d’après les auteurs français ? Quels

sont les handicaps et les problèmes de l’État marocain à l’époque ? A

l’opposé, quels sont les atouts que possède le pays ? Quelles sont les

évolutions constatées durant le XVIIe et le XVIIIe siècles ? Comment est

perçu le pays d’alors ? Quel est le but de ces récits détaillés ?

Les agents du pouvoir royal ont montré en premier lieu une grande

sollicitude en ce qui concerne les productions et les ressources du Maroc.

Des détails précieux touchent les richesses extraites du sol et de la mer par

les Marocains ainsi que le commerce terrestre et maritime. Les intérêts

commerciaux de la France au Maroc semblent motiver cette volonté de

connaître de cette manière le pays.

Les forces militaires à la disposition du souverain marocain

constituent le deuxième thème. La puissance des armées est un sujet très

Page 174: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

173

important. Il faut absolument s’interroger sur les représentations françaises

à son égard. En effet plus la force militaire d’un État est connue et donc

jugée considérable ; plus le pays provoque un profond respect chez les

autres nations. Qu’en est-il pour le Maroc de l’époque ?

La connaissance des points forts et points faibles de l’État marocain

par les Français a sans aucun doute influencer les représentations de

déconsidération de « l’autre » marocain. Les images hostiles à l’encontre

des sultans Moulay Ismaïl et Sidi Mohammed ainsi que du mahrzen vont

également dans ce sens. Les écrits français critiquent par conséquent

énormément l’État marocain et surtout son fonctionnement. Le « moi »

français compare d’ailleurs les bonnes mœurs et valeurs de l’État royal avec

les institutions perfides et corrompues du Maghreb Al-Aqça entretenues par

les souverains marocains. Quelles visions explicites les Français portent-ils

maintenant sur les habitants même du Maroc ? Sont-ils aussi critiques à

leurs égards qu’ils le sont sur l’État marocain et le sultan ?

Page 175: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

174

Chapitre 9.

Les habitants.

Page 176: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

175

Une multitude de détails dans les écrits qui ont suivis les envoyés

marocains en mission en France évoquent des renseignements sur la

population marocaine. Ce sont effectivement des Marocains qui

appartiennent à un peuple. Les informations concernent en général les

représentants du sultan mais certains auteurs français n’hésitent pas à

fournir des précisions sur l’ensemble de la population marocaine de

l’époque. Il est d’ailleurs intéressant de corroborer les indices diffusés par

les récits de voyage avec les écrits français concernant directement les

comportements en France des ambassadeurs du Maroc. Quelles idées sont

véhiculées sur ces Marocains ? Quelle est l’opinion en France qui circule

sur la population du Maghreb Al-Aqça ?

Les sujets choisis pour répondre sont nombreux. Tout d’abord

qu’est-ce que signifie le Marocain pour les Français à l’époque moderne ?

Y a-t-il un ou des Marocains ? Utilise t-on le terme pour définir les sujets

du sultan ? La mentalité de ces musulmans décrite par des chrétiens est

l’objet d’un second point. Les mœurs et les coutumes des habitants du

Maghreb Al-Aqça constituent le troisième. L’aspect physique peint

notamment à travers les estampes forme un nouveau point. Enfin

l’observation dans leurs vies quotidiennes donne des précisions sur ces

Marocains.

Page 177: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

176

Maures, Berbères, Marocains…

L’appellation utilisée par les Français pour définir les Marocains de

l’époque devient fondamentale pour connaître le regard porté sur les

représentants du sultan et en général sur « l’autre » marocain. Quels mots

sont donc usités pour parler des Marocains aux XVIIe et XVIIIe siècle ?

Comment sont appelés les envoyés du sultan en France ?

L’étude des termes offre l’opportunité de montrer d’abord la

multitude de désignations existantes pour dénommer les envoyés du sultan

à cette période. Le vocabulaire employé permet en outre de discerner les

connaissances des Français sur l’ensemble de la population du Maroc à

l’époque moderne. Les écrits des consuls en poste au Maroc – surtout ceux

de Louis de Chénier – demeurent essentiels puisqu’ils sont au contact direct

avec cette population musulmane.

Les renseignements fournis par ces agents royaux fourmillent

effectivement de remarques pertinentes sur la composition « ethnique » du

Maghreb Al-Aqça. Il faut comparer les affirmations des consuls avec celles

des autres voyageurs officiels ou non sur la question pour obtenir les

divergences existantes ou au contraire les généralités qui apparaissent au

cours des siècles. Il reste intéressant à ce sujet de cerner l’influence des

écrits de ces Français sur ceux qui écrivent juste au moment de l’arrivée des

envoyés du sultan et qui ne sont jamais allés au Dar al-Islam.

Page 178: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

177

Enfin il faut prendre en compte les adjectifs attribuées aux

ambassadeurs marocains et démontrer une tendance à généraliser ces

attributs au peuple entier voir au sultan même. Le plus souvent hostile, il

pose la question d’un certain mépris envers « l’autre ». Les Français

évoquent aussi la mentalité des Marocains cette époque. Que sont leurs

sentiments à ce sujet ?

Leurs « caractères »

La mentalité des Marocains est un thème largement traité dans les

écrits des Français. Les indices sur le sujet sont indéniable surtout à

l’occasion de la présence des représentants du Maghreb Al-Aqça. De

quelles manières la France perçoit-elle le « caractère » des envoyés du

sultan et en général du peuple marocain ? Quels sont les préjugés qui

prévalent ? Quelles sont les origines de ces jugements ? Est-ce que la vision

de la mentalité de « l’autre » marocain évolue entre le XVIIe et le XVIIIe

siècle ?

La mentalité de « l’autre » marocain semble avoir intéressé

grandement le « moi » français comme peut en témoigner l’abondance des

réflexions trouvées dans les sources sur le sujet. Des témoignages émanant

du pouvoir royal à ceux des littéraires en passant par ceux des captifs et des

Page 179: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

178

hommes d’église, il existe un mutuel intérêt à peindre le « caractère » des

représentants marocains. Il faut évidemment séparer les qualités et les

défauts personnels des envoyés du mahrzen de ceux que les Français

amputent en général à tous les Marocains à l’époque moderne.

Les différents discours français montrent en effet une tendance à

généraliser des traits de caractères à partir de l’exemple de l’envoyé

marocain à l’ensemble de toute la population du Maroc y compris et surtout

le sultan. Cette généralisation pose alors l’interrogation des préjugés

hostiles et méprisant envers l’Africain du Nord à cette période. Le « moi »

français paraît effectivement décrire le Marocain comme inférieur à lui. Les

défauts du musulman prédominent aux yeux des Français. Que pensent ces

derniers par conséquent des mœurs et coutumes de « l’autre » marocain ?

Mœurs et coutumes

Le comportement des envoyés marocains lors de leurs missions en

France fait l’objet de curiosité chez la plupart des Français. Ces derniers

notent effectivement dans leurs écrits la vie quotidienne des Marocains au

royaume des Bourbon. Des détails sur certaines mœurs et coutumes de ces

musulmans sont alors peintes par le « moi » français. Quelles sont les

impressions à l’encontre de ces habitudes étrangères ?

Page 180: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

179

Néanmoins les comportements de ces représentants ne peuvent

représenter ceux de la majorité des Marocains. Il ne faut pas oublier que les

ambassadeurs appartiennent à l’élite mahrzenienne. Certaines attitudes

peuvent être propres à ces agents du sultan. Toutefois les Français de

l’époque moderne ont une nouvelle fois tendance à généraliser les mœurs et

coutumes des envoyés en mission à toute la population du Maghreb Al-

Aqça.

1 La vie quotidienne en France

Les ambassadeurs marocains séjournent au royaume des Bourbon

pour une durée généralement longue. Personne ne reste différent à la

présence de ces musulmans. Les représentants du Maroc ont alors été

décrits dans leurs vies de tous les jours en France. Les estampes relatives à

ces Marocains à Paris ainsi que les écrits français – surtout les gazettes de

l’époque – ne laissent passer aucuns détails sur les habitudes des envoyés

du sultan. C’est un sujet qui semble avoir considérablement passionné les

Français.

Les remarques touchent entre autre leur façon de saluer, de dormir

leur manière de se tenir à table et de manger, leurs mets traditionnels et

leurs occupations préférés. Plusieurs commentaires très intéressants pour

l’étude accompagnent les renseignements fournis par les auteurs des écrits.

Page 181: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

180

A partir de l’exemple de l’envoyé du sultan, les Français posent un regard

général sur les habitudes des Marocains. Un certain mépris apparaît alors

dans les représentations de ces dernières.

2 L’image de la femme

Durant tout leur voyage au royaume de France, les envoyés

marocains sont énormément sollicités par le sexe féminin sur les femmes de

leurs pays. Les dialogues entre les Marocains et les Françaises sont alors

reproduits principalement dans les gazettes du moment telles que le

Mercure Galant. Il faut y accorder une très grande attention puisque les

dires à ce sujet véhiculent en fait un regard précis porté sur la condition des

musulmanes.

Une énorme curiosité semble animer les courtisanes. Il n’existe

aucune source émanant directement de la main des femmes françaises.

Seules les gazettes peuvent en témoigner. Elles questionnent les Marocains

de manière indirecte sur le sexe féminin. Les interrogations des dames

portent autour du droit à la polygamie. Les envoyés marocains tout au long

de leur périple sont harcelés par des questions relatif à ce thème. Il semble

que ce sujet intéresse fortement les courtisanes très curieuses de connaître

les raisons autorisant ces musulmans à prendre pour épouse plusieurs

femmes.

Page 182: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

181

Les mœurs et coutumes des envoyés du sultan sont donc généralisées

à tous les Marocains. Un certain mépris à l’encontre de leurs

comportements ressort très nettement des lectures de l’époque. Quels

jugements les Français portent-ils sur les tenues vestimentaires de ces

Africains du Nord ?

Les tenues vestimentaires

Le regard des Français sur les tenues vestimentaires des envoyés du

Maroc est intéressant à mettre en valeur dans le but de connaître la

considération apportée à ces hommes de l’autre rive de la Méditerranée. A

partir notamment des estampes mettant en scène les ambassadeurs du

Maroc en France mais aussi à partir des sources écrites, il est par

conséquent plausible de fournir de précieux détails sur les tenues

traditionnelles des Marocains.

Les habits divergent en effet de la tête au pied avec ceux de la cour.

Le costume des représentants du sultan demeure ainsi un objet de curiosité.

Les impressions des Français restent nombreuses à ce sujet. Les jugements

français concernent aussi bien la manière dont les Marocains se couvrent la

tête que ce qu’ils portent au pied en passant évidemment à leur longue robe

traditionnelle.

Page 183: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

182

Il faut signaler que la vision portée par les Français sur cette tenue

vestimentaire semble imprégné d’un certain dédain. Les descriptions qui

ressortent des estampes et des écrits montrent effectivement une supériorité

du « moi » par rapport à « l’autre » marocain.

Cette dernière constatation résume en fait très bien ce chapitre sur les

habitants du Maroc. Les Français méprisent en général le Marocain. Ils

critiquent en effet sévèrement ce musulman. De multiples défauts moraux

leur sont adjugés dans les documents de l’époque. Leurs mœurs et

coutumes sont mal vues. Les tenues vestimentaires portés par les envoyés

du sultan sont jugées avec mépris. Le « moi » français reste par conséquent

très ancré sur une image négative des sujets du sultan à cette époque. Quel

est dans ces conditions son regard sur la religiosité du Marocain en France ?

Page 184: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

183

Chapitre 10.

La religiosité de « l’autre » marocain.

Page 185: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

184

La religion demeure à cette période un sujet très important. Elle

rythme la vie quotidienne de chacun. En outre l’arrivée de personnes d’une

autre religion constitue une curiosité pour les chrétiens. Durant leurs séjours

en France, les représentants du sultan – dont certains sont hadj – ont

continué à pratiquer leur religion bien qu’ils soient éloignés de leurs pays.

Frappés par leurs piétés, les Français qui ont suivis ces musulmans tout au

long de leurs voyages ont pris des notes des faits et gestes religieux de ces

hommes du Sud. Il faut noter immédiatement que c’est le regard de

chrétiens sur avant tout des musulmans.

Quels sont par conséquent les regards portés sur la religiosité des

représentants du Maghreb Al-Aqça par le « moi » français ? Différencie-t-il

un islam pratiqué par les Marocains par rapport à celui pratiqué par d’autres

musulmans venus en France comme les Ottomans, les Persans ou les

« Barbaresques » ?

Les propos abordés par les Français sont abondants. Le premier par

exemple concerne le dieu des musulmans et leur prophète Mahomet. Un

deuxième thème évoqué ce sont les moments de prière et de dévotion.

Troisièmement des détails dans le comportement même des Marocains régis

par les préceptes de la religion musulmane n’ont pas échappé à certains

contemporains. Le ramadan pratiqué parfois par les envoyés du sultan

pendant leurs missions en France constitue aussi une curiosité pour les

chrétiens. Enfin les interdits religieux pour ces pratiquants font l’objet de

discussions chez les chrétiens.

Page 186: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

185

La religion des Marocains

L’image française des ambassadeurs du sultan ne se discerne pas de

celle de la religion pratiquée par ces derniers. Les commentaires concernant

les pratiques religieuses des Marocains demeurent alors très nombreuses

dans les écrits français de l’époque. Le sujet passionne les témoins de

l’époque.

Il faut dire qu’à cette période il n’existe pas de communauté

musulmane installée en Europe à l’inverse de celle des Juifs. Dans ces

conditions l’islam ne laisse pas évidemment insensible les Français. Ainsi

les seuls musulmans côtoyés par eux officiellement demeurent les

représentants de souverains musulmans. Leur venue restent néanmoins

extraordinaires.

L’arrivée des Marocains en France est ainsi l’occasion d’évoquer

leur livre de référence, leur prophète et leur dieu. Quels sentiments

prédominent alors à l’encontre de l’islam ? Comment est-elle perçue par les

Français ? Comment considèrent-ils le Coran ?

La religion musulmane comprend différentes tendances. Les

Marocains suivent un islam sunnite d’école juridique malékite. Ils se

différencient ainsi des Ottomans qui prêchent un sunnisme d’école juridique

hanafite. Les différences entre les deux écoles reposent sur les sources sur

Page 187: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

186

lesquelles se fondent selon eux la charia. Les Persans suivent eux la branche

chiite : il réserve ainsi au gendre du Prophète, Ali et à ses descendants le

droit de diriger la communauté. En conclusion des interprétations sur la

religion et des pratiques diffèrent entre ces trois communautés musulmanes.

Il semble par conséquent captivant de savoir si les Français des

XVIIe-XVIIIe siècles sont sensibles à ces distinctions religieuses. Mais

surtout il faut cerner les particularités diffusées par les chrétiens sur la

religion même des Marocains en France. Enfin il est nécessaire de mettre en

valeur l’hostilité à l’encontre de la confession des envoyés du Maroc et de

l’islam en général. Quels regards sont portés par les Français maintenant sur

les interdits religieux des ambassadeurs du Maghreb Extrême ?

Les interdits religieux

Le dernier élément auquel les chrétiens se sont attachés à décrire

dans les principes de la religion musulmane semble être les interdits

religieux. Le Coran proscrit effectivement la consommation de certains

produits ainsi que certaines pratiques jugées illicites. Les Marocains en

France apparaissent respecter ces interdits. Comment est représenté le

musulman marocain par les Français à cette occasion ?

Page 188: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

187

Les écrits français ne sont pas restés indifférents à l’assiduité des

agents du mahrzen aux principes de leur religion. Les interdits notés

concernent principalement la nourriture. Le croyant doit se plier à des

règles très précises. Il ne peut manger n’importe quel viande. Le porc lui est

interdit et les animaux doivent être égorgé selon la tradition islamique. Le

musulman ne peut pas également consommer des boissons alcoolisées.

Toutefois les pratiques illicites concernent aussi d’autres domaines.

Les Français mettent ainsi en évidence la condamnation du culte de

l’image. Les informations sur la question sont en effet très nombreuses.

Lors de leur séjour à Paris, les ambassadeurs marocains sont conduits à

visiter les arts français dont la peinture et la sculpture. A cette occasion, les

témoignages chrétiens pullulent sans équivalent.

Les jugements portés sur les devoirs religieux des Marocains

contribuent donc à renforcer l’image pieuse de ces musulmans. Mais les

Français montrent toujours un certain mépris à l’égard des principes

religieux des envoyés du sultan. Quels sentiments jaillissent à présent lors

des moments de dévotions de ces musulmans ?

Page 189: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

188

Les moments de dévotions

Après cette mise en point générale sur les sentiments des Français

sur la religion des Marocains, les écrits se recentrent plus particulièrement

sur les pratiques religieuses au quotidien de ces musulmans. Ainsi le

deuxième thème privilégié par les écrits de l’époque concerne les moments

voués directement au Dieu des Africains du Nord.

Les temps de ferveur se manifestent de deux manières essentielles.

Le Marocain continue d’abord à prier au royaume des Bourbon. La prière

est un des cinq piliers de l’islam. Le « Croyant » doit effectuer sa prière

cinq fois par jour. Comment la prière de ces musulmans est-elle interprétée

par les chrétiens ?

Mais la dévotion des envoyés du sultan s’exprime également par

d’autres gestes lors de leur voyage en France comme la lecture du Coran.

Pendant leurs périples en terre chrétienne, les représentants du Maroc

semblent redoubler de piété. Le fait de se trouver sur le territoire des

« Incrédules » ne semble pas innocent. De quelles manières les chrétiens

décrivent-ils cette ferveur des Marocains ?

Les sources françaises dont les gazettes abondent sur ce thème. La

piété des Marocains fait alors l’unanimité. Mais un certain dédain marque

les relations des Français concernant les moments de dévotion des envoyés

Page 190: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

189

du mahrzen. Les commentaires chrétiens dégagent effectivement des

ressentiments à voir « l’autre » marocain professé une fausse religion. Est-

ce que les impressions des Français demeurent les mêmes en ce qui

concerne un des cinq piliers de l’islam : le ramadan ?

Le ramadan

Le troisième sujet évoqué par les documents français touche un autre

moment de religiosité des Marocains : le jeûne sacré. Le ramadan consiste à

ne pas boire et manger à partie du lever du soleil jusqu’à son coucher. C’est

un mois sacré dévoué à la méditation religieuse. La date du ramadan varie

tous les ans.

Mais le voyage en France des envoyés du sultan tombe parfois avec

la période du jeûne sacré. Les représentants du Maghreb Al-Aqça jeûnent

par conséquent en terre « infidèle. Les chrétiens qui ont suivi ces

musulmans dans leurs périples ont relaté le déroulement de cet événement

dans leurs relations. Comment est décrit les ambassadeurs marocains à cette

occasion ? Que pensent les Français du ramadan pratiqué par ces

musulmans à l’époque moderne ?

Ils sont alors tous frappés par la ferveur religieuse des Marocains qui

suivent scrupuleusement leur religion en terre chrétienne. Certains des

envoyés du sultan vont même jusqu’à poursuivre leur jeûne après la fin

Page 191: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

190

officielle du ramadan. Il existe également des cas d’ambassadeurs qui

commencent le jeûne avant le début officiel. Ces pratiques sont tout à fait

normales. Elles montrent seulement la piété dont fait preuve ces musulmans

en France.

Les représentations des Français sur le ramadan sont très captivantes.

Une incompréhension paraît en effet se répandre dans le regard du « moi »

sur le sujet. Elle se généralise d’ailleurs à la religion des Marocains et à la

ferveur religieuse dont ces derniers font preuves en France. Cette

incompréhension s’accompagne aussi d’une hostilité du « moi » français à

l’encontre de l’islam pratiqué par ces Africains du Nord. Les envoyés du

mahrzen prêchent donc une fausse croyance dont les écrits chrétiens

condamnent en général toutes les pratiques.

Page 192: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

191

Le regard porté sur les ambassades et missions marocaines en France

offrent par conséquent la possibilité de cerner au passage les représentations

du « moi » français à l’encontre de leur pays d’origine : le Maghreb Al-

Aqça. Les sources évoquant les envoyés du sultan font en effet jaillir les

conceptions des Français de l’époque sur cet État musulman.

Une agressivité à l’encontre de « l’autre » marocain ressort en

conclusion des écrits. Le Maroc est perçu en général de manière négative.

Son importance au sein du continent africain est minimisée. L’État

marocain dont à la tête le sultan est diabolisé. Les souverains sont

imprégnés effectivement au XVIIe et XVIIIe siècles d’une image négative à

tous les niveaux. Mais les habitants du Maghreb Al-Aqça ne sont pas

épargnés. Leurs mœurs et coutumes ainsi que leurs traditions demeurent

méprisées par le « moi » français. Enfin la religiosité des Marocains et

l’islam est elle aussi condamnée.

L’image des envoyés du sultan en tant que représentants du Maroc

est sans aucun doute noircit. La tendance à généraliser à tous les Marocains

des reproches à l’origine destinés à un d’entre eux demeure la raison

primordiale. Néanmoins ce tableau sombre se véhicule parmi un petit

nombre de Français par l’intermédiaire des gazettes.

Page 193: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

192

CONCLUSION

Page 194: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

193

Les sources françaises sur lesquelles reposent tout d’abord ces

affirmations intéressent les ambassades et missions marocaines en France

aux XVIIe et XVIIIe siècles sous l’égide de Hadj Mohammed Temim

(1681-1682 et 1685), de Abdallah Ben Aïcha (1698-1699), de Ali Pérès

(1772-1773), de Abdallah Scalante (1774-1775), de Tahar Fennich (1777-

1778) et de Hadj Larbi Moreno (1786). L'observation minutieuse de celles-

ci peut par conséquent permettre de cerner le regard des Français de

l’époque sur « l’autre » marocain. Les représentations françaises concernant

les envoyés du sultan amènent en effet les Français à formuler des

sentiments sur le Maroc et la civilisation marocaine. Il semble alors qu’une

certaine hostilité règne à l’encontre de cet Africain du Nord. Plusieurs

indications le prouvent.

La connaissance des relations diplomatiques entre le royaume de

France et le Maghreb Al-Aqça démontrent en premier lieu la

déconsidération portée par l’État français sur ce pays musulman. Les projets

à visée « coloniale » sous Richelieu, Louis XIV et Louis XV l’illustrent très

bien. Mais l’arrivée des envoyés du sultan en France à l’époque moderne

demeure en outre très mal perçues par le pouvoir royal. Les consuls en

place au Maroc sont d’ailleurs chargés d’éviter à tout prix ces missions

jugées embarrassantes.

En second lieu, les traitements et les honneurs accordés aux agents

du mahrzen en France confirment le manque d’égard du pouvoir royal en ce

qui concerne les Marocains. L’analyse précise du déroulement de l’accueil

des représentants du Maghreb Al-Aqça grâce aux gazettes telles que le

Page 195: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

194

Mercure Galant et aux mémoires du baron de Breteuil certifie effectivement

le peu d’égard porté sur ces hommes du Sud. La continuelle comparaison

avec les ambassades d’autres pays lointains et indépendants arrive à cette

conclusion.

Enfin pour les Français de l’époque, les ambassadeurs du Maroc sont

l’archétype de leur peuple. Ils reflètent en effet selon eux très bien le peuple

marocain, ses comportements et ses traditions. Les visions sur le sujet qui

ressortent des sources françaises – comme les mémoires et les ouvrages du

consul Louis de Chénier au XVIIIe siècle – montrent alors la généralisation

d’un mépris à l’égard de « l’autre » marocain. Ce dernier est perçu comme

inférieur par rapport au « moi » français. Aux yeux des Français, la

civilisation de la France demeure bien au-dessus de celle du Maroc.

Ce regard des chrétiens sur les envoyés marocains ne s’oppose pas

par conséquent aux représentations négatives des récits de voyage sur le

Maghreb Al-Aqça rédigés par des captifs français, des rédempteurs et des

agents royaux et qui apparaissent entre la fin du XVIIe siècle et la première

moitié du XVIIIe siècle. Ces Français – qui ont connu concrètement le

Maroc – ont en effet largement diffusé une image négative du ce pays.

L’arrivée des ambassadeurs du mahrzen en France n’a pu modifier ce

regard hostile sur « l’autre » marocain. Au contraire, il semble que la

présence de ces musulmans contribue à certifier les dires véhiculés par les

récits de voyage.

Page 196: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

195

Néanmoins il faut apporter quelques nuances sur la vision française

qui ressort à l’égard des Marocains à cette époque. Des Français surmontent

la barrière culturelle qui sépare les deux communautés. Des liens amicaux

se créent entre des envoyés du Maroc et des membres de la cour. Le

corsaire Abdallah Ben Aïcha entretient par exemple une relation amoureuse

avec Charlotte Melson, veuve du conseiller d’État André Le Camus204. Les

ambassadeurs dans ces conditions laissent plutôt une bonne impression sur

ces Français. Toutefois en général, les préjugés à l’encontre de « l’autre »

marocain à cette période prédominent largement.

Les sources françaises concernant les ambassades et missions

marocaines entre 1682 et 1786 offrent également d’autres possibilités. La

richesse des correspondances épistolaires entre les différents agents du roi –

notamment des consuls de Salé et des intendants des ports – et le pouvoir

central met en évidence le fonctionnement de la « diplomatie » française

qui se perfectionne. Elles peuvent ainsi permettre par exemple de mieux

connaître l’organisation de la « diplomatie » française relative à l’accueil

des envoyés des pays lointains dont les Marocains. Enfin en évoquant

« l’autre » marocain, les gazettes françaises de l’époque – sources très

intéressantes – portent aussi indirectement un regard sur le royaume de

France et la civilisation française.

204 Y. Nekrouf, Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV, op. cit., p. 316. Ben Aïcha rédige en mai 1699 un poème d’amour en l’honneur de Madame Le Camus. Une mauvaise traduction de Pétis de La Croix qui ne rend pas malheureusement l’intensité poétique existe dans les Archives Nationales, Marine, Pays étrangers, commerce et consulats, Maroc, B7 223, 1682-1717, f° 1, copie.

Page 197: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

196

Il faut préciser enfin que tous les documents dépouillés à présent

résident dans les principaux centres d’archives parisiens. Il est en effet fort

possible de trouver des sources sur le sujet dans les villes de province dans

lesquelles les Marocains ont séjourné. Il s’agit surtout de Marseille avec les

archives de la Chambre de Commerce ou encore de Toulon et de Brest. Le

fait de pouvoir trouver des écrits français sur les agents du sultan autre qu’à

Paris permet d’empêcher d’obtenir un regard limité à un cercle parisien. Au

contraire il peut être intéressant de comparer les visions françaises en ce qui

concerne « l’autre » marocain selon un critère géographique.

Page 198: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

197

SOURCES

Page 199: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

198

I Sources manuscrites

I a Archives Nationales ou CARAN – Centre d’accueil et de recherche des

Archives Nationales (11, rue des Quatre-Fils, 75003 Paris)

Série. Affaires Etrangères.

Sous-série BI. Correspondance consulaire – Ordres du roi et

dépêches.

Levant et Barbarie

BI 17. 1772 (registre). Lettres du consul français

à Salé Louis de Chénier destinées à la Chambre de Commerce de Marseille

sur la mission de Ali Pérès.

Page 200: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

199

BI 18. 1773 (registre). Lettres de Louis de

Chénier à la Chambre de Commerce de Marseille sur Ali Pérès.

BI 19. 1774 (registre). Correspondance entre

Versailles et la Chambre de Commerce de Marseille sur l’accueil de

Abdallah Scalante.

BI 20. 1775 (registre). Lettres entre Versailles et

Marseille sur la mission de Scalante.

BI 22. 1777 (registre). Lettres de Versailles à ses

agents – entre autres les secrétaires interprètes – sur l’accueil de Tahar

Fennich.

BI 23. 1778 (registre). Correspondance de la

cour avec ses agents, avec la Chambre de Commerce de Marseille et avec

Louis de Chénier sur Tahar Fennich.

BI 26. 1781 (registre). Lettres diverses de la cour

à ses agents sur la mission de Ali Pérès.

Maroc

BI 825. Volume 1. 1577-1692. Lettres et

mémoires du secrétaire d’État à la Marine Seignelay et du consul Périllié

relatifs à l’ambassade de Hadj Mohammed Temim en France en 1681-1682.

Page 201: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

200

BI 826. Volume 2. 1693-1698. Lettres et

mémoires des consuls Jean-Baptiste et Pierre Estelle et du secrétaire d’État

à la Marine Pontchartrain relatifs à l’ambassade de Abdallah Ben Aïcha en

1698-1699.

BI 827. Volume 3. 1699-1705. Lettres et

mémoires du consul Estelle et du secrétaire d’État à la Marine relatifs à

l’ambassade de Abdallah Ben Aïcha en 1698-1699.

BI 834. Volume 10. 1772-1773. Lettres et

mémoires de Chénier au secrétaire d’État et ministre à la Marine Bourgeois

de Boynes.

BI 835. Volume 11. 1774. Lettres de Pothonier

au secrétaire d’État à la Marine le comte de Sartine sur la mission de

Abdallah Scalante.

BI 836. Volume 12. 1775. Lettres de Chénier au

secrétaire d’État à la Marine le comte de Sartine sur Scalante.

BI 838. Volume 14. 1777. Lettres et mémoires

de Chénier au secrétaire d’État à la Marine le comte de Sartine sur

l’ambassade de Tahar Fennich.

Page 202: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

201

BI 839. Volume 15. 1778. Correspondance de

Chénier au secrétaire d’État à la Marine le comte de Sartine sur Tahar

Fennich.

BI 841. Volume 17. 1781-1782. Correspondance

de Chénier au secrétaire d’État à la Marine le marquis de la Croix-Castries

sur la mission de Ali Pérès.

BI 842. Volume 18. 1783-1785. Lettres du

consul Mure au secrétaire d’État à la Marine le marquis de la Croix-Castries

sur la mission de Hadj Larbi Moreno.

BI 843. Volume 19. 1786-1789. Lettres des

intendants de Toulon destinées à la cour concernant Hadj Larbi Moreno.

Sous-série BIII. Consulats. Mémoires et documents – Levant et

Barbarie.

Correspondance de la Chambre de commerce de

Marseille destinée au secrétaire d’État et ministre à la Marine.

BIII 93. Juillet-décembre 1774.

Page 203: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

202

BIII 95. 1776-1777.

BIII 96. 1778-1779.

BIII 98. 1781.

BIII 108. Janvier-juin 1786.

Série. Marine.

Sous-série B1. Décisions du roi.

B1 79. 1773. Documents concernant la frégate de

Ali Pérès.

B1 86. 1778. Notes sur le cérémonial en ce qui

concerne l’ambassade de Tahar Fennich.

Sous-série B2. Ordres et dépêches.

Page 204: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

203

Ordres du roi et dépêches concernant la marine du

Ponant et du Levant

B2 45. Juin-décembre 1681 (1er rouleau,

microfilm). Lettres de la cour à l’intendant de Brest sur Mohammed

Temim.

B2 52. Janvier-avril 1685 (1er rouleau,

microfilm). Lettres du secrétaire d’État à la Marine Seignelay à l’intendant

de Toulon sur Mohammed Temim.

B2 53. Janvier-décembre 1685 (microfilm).

Lettres du secrétaire d’État à la Marine Seignelay à l’intendant de Toulon

sur Temim.

B2 54. Janvier-décembre 1685 (microfilm).

Lettres du secrétaire d’État à la Marine Seignelay à l’intendant de Toulon

sur Temim.

Correspondance entre le secrétaire d’État à la Marine Pontchartrain et ses

agents – principalement les chefs d’escadre et les intendants des ports –

concernant Ben Aïcha et son séjour en France.

B2 130. 1698 (microfilm).

B2 134. 1698 (microfilm).

B2 136. Juin-décembre 1698 (microfilm).

Page 205: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

204

B2 139. Janvier-Mars 1699 (microfilm).

B2 140. Avril-Juin 1699 (microfilm).

Sous-série B3. Service général.

Correspondance Ponant

B3 40. 1682. Lettres de l’intendant de Brest au

secrétaire d’État à la Marine Seignelay sur Mohammed Temim.

B3 49. 1685. Lettres de l’intendant de Toulon au

secrétaire d’État à la Marine Seignelay sur Temim.

Lettres diverses des agents royaux au secrétaire d’État à la Marine

Pontchartrain sur Ben Aïcha.

B3 107. Divers 1699.

B3 109. Divers 1700.

Sous-série B4. Campagnes.

B4 19. 1698 (microfilm). Lettres des chefs

d’escadre au secrétaire d’État à la Marine Pontchartrain relatives à Ben

Aïcha.

Page 206: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

205

Sous-série B7. Pays étrangers, commerce et consulats – Dépêches.

Correspondance épistolaire entre Ben Aïcha et certains Français dont

Torcy, Pontchartrain et le marchand Jean Jourdan.

B7 66. 1698-1699.

B7 218 1692-1700.

B7 220. 1696-1700.

B7 223. 1682-1717.

B7 440. 1776-1781. Documents concernant le

protocole d’accueil réservé à l’ambassadeur Tahar Fennich en 1777-1778.

I b Archives du Ministère des Affaires Etrangères (1, rue Robert Esnault

Pelterie, 75007 Paris)

Série. Mémoires et documents.

Page 207: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

206

Sous-série. Maroc.

Volume 1. 1629-1807. Documents d’origine

surtout consulaires concernant Temim en 1685 et Scalant en 1774-1775.

Volume 2. 1629-1810. Lettres, mémoires, et

relations sur les ambassades de Ben Aïcha en 1698-1699 et de Tahar

Fennich en 1777-1778.

Volume 3. 1630-1809. Documents divers

concernant la venue de Temim en France en 1685.

Série. Correspondance politique.

Sous-série. Maroc.

Correspondance épistolaire entre les sultans et les rois sur les ambassades et

missions marocaines en France.

Page 208: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

207

Volume 1. 1533-1811 (microfilm).

Volume 2. 1534- 1810 (microfilm).

II Bibliothèques nationales de France

II a Site François Mitterrand (Quai François Mauriac, 75013 Paris)

Récits de voyage contemporains

Angers (Père François d’), L’Histoire de la mission des Pères Capucins de

la Province de Toureine au royaume de Maroque en Afrique, Nyort, Vve J.

Bureau, 1644. [8-O3J-63].

Page 209: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

208

Charant (André), L’Histoire de Muley Arxid, roy de Tafilette, Maroc et

Tarudent avec la relation d’un voyage fait en 1666, vers ce Prince pour

l’établissement du commerce en ses Etats, Paris, G. Clouzier, 1670. [8-O3J-

54].

Desmay (Louis), Relation nouvelle et particulière du voyage des R.R.P.P.

de la Merci aux royaumes de Fez et de Maroc, pour la rédemption des

captifs chrétiens, négociée en l’année 1681 avec Moule Ismaël, roy de Fez

et de Maroc, régnant aujourd’huy, Paris, Vve G. Clouzier, 1682. [LD 44-

8].

La Tour (Abbé Seran de), Histoire de Mouley Mahamet, fils de Moulay

Ismael, roi de Maroc, Genève, 1749. [8-O3J-61].

Moüette (Germain), Histoire des conquestes de Mouley Archy, connu sous

le nom de roy de Tafilet, et de Mouley Ismaël ou Seméin, son frère et son

successeur à présent régnant, tous deux rois de Fez, de Maroc, de Tafilet,

de Sus, etc., contenant une description de ces royaumes, des loix des

coutumes et des mœurs des habitants, avec une carte du païs, à laquelle on

a joint les plans des principales villes et forteresses du royaume de Fez,

dessinées sur les lieux par le sieur G. Moüette, qui y a demeuré captif

pendant onze années, Paris, Edme Couterot, 1683. [8-O3J-56].

Relation historique de l’amour de l’empereur de Maroc, pour Madame la

Princesse de Conty, écrite sous forme de lettres à une personne de qualité

par Mr le comte D***, Cologne, P. Marteau, 1700. [Y2-61819].

Page 210: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

209

Saugnier, Relations de plusieurs voyages à la côte d’Afrique, à Maroc, au

Sénégal, à Gorée, à Galan, etc., avec des détails intéressans pour ceux qui

se destinent à la traite des nègres, de l’or et de l’ivoire, etc., tirées des

journaux de Mer Saugnier, qui a été longtemps esclave des Maures et de

l’Empereur de Maroc. On y a joint une carte de ces différens pays, réduite

de la grande carte d’Afrique, de Mr De Laborde, ancien premier valet de

chambre ordinaire du Roi et gouverneur du Louvre, Paris, Gueffier jeune,

1791. [8-O3J-29].

Mémoires

[Baron de Breteuil], « Extraits des Mémoires de Breteuil », dans Sources

inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie filâlienne,

Archives et Bibliothèques de France, tome V, du 11 novembre 1698 au 28

décembre 1699, Paris, Paul Geuthner, 1953, p. 213-248.

[Duc de Saint-Simon], Mémoires, tome I, 1691-1701, Paris, Gallimard

(Bibliothèque de la Pléiade), 1982.

[Marquis de Sourches], Mémoires du Marquis de Sourches sur le règne de

Louis XIV, publiés d’après le manuscrit authentique appartenant à M. le duc

des Cars, par le comte de Cosnac (Gabriel-Julien) et Edouard Pontal, tome

Page 211: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

210

VI, Janvier 1698-décembre 1700, Paris, Hachette, 1886. [LB 37-220 bis

(6)].

Journaux

[Marquis de Dangeau], Journal du marquis de Dangeau, publié en entier

pour la première fois par M.M. Soulié, Dussieux, De Chennevières, Mantz,

De Montaiglon, avec les additions inédites du duc de Saint-Simon publiées

par M. Feuillet De Conches, tome 6, 1696-1698, Paris, Firmin Didot frères,

1856. [LB 37-149 (6)].

[Marquis de Dangeau], Journal du marquis de Dangeau, publié en entier

pour la première fois par M.M. Soulié, Dussieux, De Chennevières, Mantz,

De Montaiglon, avec les additions inédites du duc de Saint-Simon publiées

par M. Feuillet De Conches, tome 7, 1699-1700, Paris, Firmin Didot frères,

1856. [LB 37-149 (7)].

Page 212: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

211

Œuvres littéraires

[Voltaire], « Candide ou l’optimisme », dans Voltaire, Romans et contes,

Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 179-259.

[Voltaire], « Histoire des voyages de Scarmentado écrite par lui-même »,

dans Voltaire, Romans et contes, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 159-

167.

Gazettes de l’époque

Gazette d’Amsterdam, numéro 4, du Lundi 12 janvier 1699. [G-4280-4289].

(Ambassade de Ben Aïcha en France).

Gazette de France, numéro 1, du Lundi 2 janvier 1775. [Lc2-1 (J)].

(Présence de Abdallah Scalant en France).

Gazette de France, numéro 8, du Vendredi 27 janvier 1775. [Lc2-1 (J)].

(Présence de Abdallah Scalant en France).

Page 213: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

212

Gazette de France, numéro 102, du Lundi 22 décembre 1777. [Lc2-1 (J)].

(Passages concernant le déroulement de l’ambassade de Tahar Fennich en

France).

Gazette de France, numéro 103, du Vendredi 26 décembre 1777. [Lc2-1

(J)]. (Passages concernant Tahar Fennich).

Gazette de France, numéro 8, du Lundi 26 janvier 1778. [Lc2-1 (J)].

(Passages concernant Tahar Fennich).

Gazette de France, numéro 38, du Lundi 11 mai 1778. [Lc2-1 (J)].

(Passages concernant Tahar Fennich).

Gazette de Rotterdam, [s. numéro], du Lundi 5 janvier 1699. [G-4280-

4287]. (Ambassade de Ben Aïcha en France).

Gazette de Rotterdam, numéro 3, du Lundi 19 janvier 1699. [G-4280-4287].

(Ambassade de Ben Aïcha).

Gazette de Rotterdam, numéro 7, du Lundi 16 février 1699. [G-4280-4287].

(Ambassade de Ben Aïcha).

Gazette de Rotterdam, numéro 8, du Jeudi 19 février 1699. [G-4280-4287].

(Ambassade de Ben Aïcha).

Page 214: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

213

Gazette de Rotterdam, numéro 8, du Lundi 23 février 1699. [G-4280-4287].

(Ambassade de Ben Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 17, du Jeudi 26 février 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de Ben

Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 18, du Lundi 2 mars 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de ben

Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 31, du Jeudi 16 avril 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de Ben

Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 32, du Lundi 20 avril 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de ben

Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 36, du Lundi 4 mai 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de Ben

Aïcha).

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 37, du Jeudi 7 mai 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de Ben

Aïcha).

Page 215: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

214

Histoire journalière de ce qui se passe de plus considérable en Europe,

numéro 38, du Lundi 11 mai 1699. [G-4280-4287]. (Ambassade de Ben

Aïcha).

Journal de Verdun ou La clef du cabinet des princes de l’Europe, décembre

1774, première partie. [FB-30287]. (Déroulement du séjour de Abdallah

Scalante en France).

Mercure de France, janvier et février 1778. (Relation de l’ambassade de

Tahar Fennich en 1777-1778).

Mercure Galant, janvier 1682. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade

de Hadj Mohammed Temim en 1681-1682).

Mercure Galant, février 1682. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade

de Hadj Mohammed Temim en 1681-1682).

Mercure Galant, février 1699. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade

de Ben Aïcha en 1698-1699).

Mercure Galant, mars 1699. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade de

Ben Aïcha).

Mercure Galant, avril 1699. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade de

Ben Aïcha).

Page 216: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

215

Mercure Galant, mai 1699. [microfilm 238]. (Relation de l’ambassade de

Ben Aïcha).

Mercure Galant, juin 1699. [microfilm 238]. (relation de l’ambassade de

Ben Aïcha).

Nouvelles extraordinaires de divers endroits, [s. numéro], du Jeudi 26

février 1699. [G-4280-4287].

Nouvelles extraordinaires de divers endroits, [s. numéro], du Jeudi 12 mai

1699. [G-4280-4287].

Nouvelles extraordinaires de divers endroits, [s. numéro], du Mardi 14 avril

1699. [G-4280-4287]. (Passages concernant l’ambassade de Ben Aïcha).

Nouvelles extraordinaires de divers endroits, [s. numéro], du Jeudi 16 avril

1699. [G-4280-4287]. (Passages concernant l’ambassade de Ben Aïcha).

Supplement de La Clef ou journal historique sur les matieres du tems,

contenant ce qui s’est passé en Europe d’interessant pour l’Histoire, depuis

la Paix de Riswick par le Sieur C. J., première partie, 1698-1700, Verdun,

chez Claude Muguet Marchand librairie, avec privilege du roi. [8° Lc2-61].

(Passages relatifs à l’ambassade de Ben Aïcha).

Page 217: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

216

II b Site Richelieu – Cabinet des Estampes (58, rue de Richelieu et 2, rue

Louvois, 75002 Paris)

Estampes mettant en scène l’ambassadeur Abdallah Ben Aïcha (1698-1699)

Collection Hennin, tome LXXIII, p. 24.

Collection Gaignières, ob. 10a, p. 62-65.

Histoire de France, QbI, années 1698-1699.

Estampe sur l’ambassade de Hadj Mohammed Temim (1681-1682)

Collection Hennin, tome LXXIII, p. 24.

Page 218: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

217

II c L’Arsenal (1, rue Sully, 75004 Paris)

Ismaël, prince de Maroc. Nouvelle historique, Paris, Jean Guignard, 1698.

[8° BL 18629].

Saint-Amant (baron de), Voyage de monsieur le baron de Saint Amant,

capitaine de vaisseau, ambassadeur du Roy très chrétien, vers le Roy de

Maroc par un officier de marine, Lyon, Hilaire Baritel, 1696. [8° H 1397].

III Institut du Monde Arabe (1, rue des Fossés Saint-Bernard, 75005

Paris)

Armand (Jean), Voyages d’Afrique faicts par le commandement du Roy, où

sont contenues les navigations des Français, entreprises en 1629 et 1630,

sous la conduite de Monsieur le commandeur Razilly és costes occidentales

Page 219: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

218

des royaumes de Fez et de Marroc, le traicté de paix fait avec les habitants

de Sallé et la délivrance de plusieurs esclaves français : ensemble la

description des susdits royaumes, villes, coustumes, religion, mœurs et

commodités de ceux dudit pays : le tout illustré de curieuses observations,

Paris, N. Traboulliet, 1631. [N 1818 R*].

Boulet (Abbé), Histoire de l’empire des Chérifs en Afrique, sa description

géographique et historique, la relation de la prise d’Oran par Philippe V

Roy d’Espagne, avec l’abrégé de la vie de Monsieur de Santa-Crux, cy

devant ambassadeur en France, et gouverneur d’Oran, depuis la prise de

cette ville, ornée d’un plan très exact de la ville d’Oran, et d’une carte de

l’Empire des Chérifs par Monsieur ***, Paris, Prault Père, 1733. [N 1822

R*].

Busnot (Père Dominique), Histoire du règne de Moulay Ismail Roy de

Maroc, Fez, Tafilet, Souz, etc… de la révolte et fin tragique de plusieurs de

ses enfans et de ses femmes, des affreux supplices de plusieurs de ses

officiers et sujets, de son génie, de sa politique et de la manière dont il

gouverne son empire, de la cruelle persécution que souffrent les esclaves

chrétiens dans ses Etats : avec le récit de trois voyages à Miquenez et

Ceuta pour leur rédemption, et plusieurs entretiens sur la tradition de

l’Eglise pour leur soulagement par le Père Dominique Busnot, Rouen, G.

Behourt, 1714. [N 1803 R*].

Chénier (Louis de), Recherches sur les Maures et l’histoire de l’empire de

Maroc, Paris, 1787, 3 volumes.

Page 220: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

219

Dan (Pierre), Histoire de Barbarie et de ses corsaires, deuxième édition

revue et augmentée, Paris, P. Rocolet, 1649. [N 20 111 R*].

Fréjus (Roland), Relation d’un voyage fait dans la Mauritanie, en Affrique,

par le sieur Roland Fréjus, de la ville de Marseille, par ordre de sa

Majesté, en l’année 1666 : vers le Roy de Tafilete, Muley Arxid, pour

l’establissement du commerce dans toute l’étendue du Royaume de Fez : et

de toutes ses autres conquestes, Paris, G. Clouzier, 1670. [N 1791 R*].

Follie (Adrien), Mémoire d’un François qui sort de l’esclavage par M.

Follie, Paris, Laporte, 1785. [N 598 R*].

Histoire de Muley Arxid, roy de Tafilete, Fez, Maroc et Tarudent. [Avec la]

Relation d’un voyage fait en 1666 vers ce prince pour l’établissement du

commerce en ses états, [et une] Lettre en response de diverses questions

curieuses faites sur la religion, mœurs et coustumes de son pais ; avec

diverses particularitez remarquables écrites par Monsieur****** qui a

demeuré 25 ans dans les Royaumes de Sus et de Maroc, Paris, G. Clouzier,

1670. [N 1792 R*].

La Faye (Père Jean de), Mackar (Père Denis), D’Arcisas (Père Augustin),

Relation en forme de voiage pour la rédemption des captifs, aux roiaumes

de Maroc et d’Alger, pendant les années 1723, 1724 et 1725 par les Pères

Jean de La Faye, Denis Mackar, Augustin d’Arcisas, Henry Le Roy, Paris,

L. Sevestre, 1726. [N 1821 R*].

Page 221: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

220

Le Blanc (Vincent), Voyages fameux du sieur Vincent Le Blanc marseillais,

qu’il a faits depuis l’âge de douze ans jusques à soixante, aux quatre

parties du monde : a scavoir aux Indes orientales et occidentales, en Perse

et Pegu, aux royaumes de Fez, de Maroc et de Guinée, et dans toute

l’Afrique, par les terres de Monomotapa, du Prestre-Jean et de l’Egypte,

aux isles de la Méditerranée, et aux principales provinces de l’Europe etc.,

redigez fidellement, sur ses mémoires par Pierre Bergeron parisien (1649),

et nouvellement revu corrigé et augmenté par le sieur Coulon, Paris,

Gervais Coulon, 1658. [N 1804 R*].

La Croix (Pétis de), Relation universelle de l’Afrique, ancienne et moderne,

ou l’on voit ce qu’il y a de remarquable, tant dans la terre ferme que dans

les îles, avec ce que le Roy a fait de mémorable contre les corsaires de

Barbarie, etc… en quatre parties par le Sieur de La Croix, Lyon, Amaulry,

1688. [N 1793 R*].

Mairault (Adrien Maurice de), Relation de ce qui s’est passé dans le

Royaume de Maroc, depuis l’année 1727 jusqu’en 1737, Paris, Chaubert,

1742. [N 1814 R*].

Rochon (Alexis), Voyages à Madagascar, à Maroc, et aux Indes orientales,

Paris, Prault, Levrault Frères, 1802, 3 volumes. [N 1800 R*].

Saint-Olon (François Pidou de), Estat present de l’Empire de Maroc, Paris,

M. Brunet, 1694. [N 1817 R*].

Page 222: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

221

IV Sources publiées à l’époque contemporaine

Grillon (Pierre), Un Chargé d’affaires au Maroc. La Correspondance du

consul Louis Chénier 1767-1782, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes,

1970, 2 volumes.

Penz (Charles), Journal du consulat général de France à Maroc 1767-1785

paraphé par Louis Chénier, texte publié d’après le manuscrit autographe

avec une introduction et des commentaires par Charles Penz, Casablanca,

Imprimeries Réunies, 1943.

- Les Émerveillements parisiens d’un ambassadeur de Moulay Ismaïl

(janvier-février 1682), Casablanca, Siboney, 1949.

Savine (Albert), Dans les fers du Moghreb : récits de chrétiens esclaves au

Maroc (XVIIe et XVIIIe siècles), Paris, Louis-Michaud, 1912.

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome I, du 23 mai 1661 au

29 mai 1682, Paris, Paul Geuthner, 1922.

Page 223: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

222

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome II, 1682-1686, Paris,

Paul Geuthner, 1924.

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome III, du 2 septembre

1686 au 12 avril 1693, Paris, Paul Geuthner, 1927.

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome IV, mai 1693-

novembre 1698, Paris, Paul Geuthner, 1931.

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome V, du 11 novembre

1698 au 28 décembre 1699, Paris, Paul Geuthner, 1953.

Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième série, dynastie

filâlienne, Archives et Bibliothèques de France, tome VI, du 6 janvier 1700

au 2 mai 1718, Paris, Paul Geuthner, 1960.

Page 224: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

223

BIBLIOGRAPHIE

Page 225: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

224

I Outils de travail

I a Manuels

Audisio (Gabriel) et Bonnot-Rambaud (Isabelle), Lire le français d’hier.

Manuel de paléographie moderne, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin,

1991.

Barbiche (Bernard) et Chatenet (Monique) (dir.), L’Édition des textes

anciens XVIe-XVIIIe siècle, Paris, L’Inventaire, 1993.

Cassagnes (Sophie), Delporte (Christian), Miroux (Georges), Turrel

(Denise), Le Commentaire de document iconographique en histoire, Paris,

Ellipses, 1996.

I b Encyclopédies et dictionnaires de langue française

Page 226: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

225

Furetière (Antoine), Dictionnaire universel contenant généralement tous les

mots françois tant vieux que modernes et les termes de toues les sciences et

des arts, divisé en trois tomes, Amsterdam, deuxième édition, remaniée et

corrigée, 1701.

Godefroy (Frédéric), Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous

ses dialectes, Paris, 1881-1902, 10 volumes.

La Curne de Saint-Palaye (Jean-Baptiste), Dictionnaire historique de

l’ancien françois ou Glossaire de la langue françoise depuis son origine

jusqu’au siècle de Louis XIV, Paris, 1875-1881, 9 volumes.

Le grand Robert de la langue française. Dictionnaire alphabétique et

analogique de la langue française de Paul Robert, Paris, Le Robert,

deuxième édition, 1985, 9 volumes.

L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences des Arts et des

Métiers par une société de gens de lettres, Paris, première édition, 1751-

1772.

Richelet (Pierre), Dictionnaire français contenant les mots et les choses, le

tout tiré de l’usage et des bons auteurs de la langue française, Genève,

1680, 2 volumes.

Page 227: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

226

I c Bibliographies relative au Maghreb

Gay (Jean), Bibliographie des ouvrages relatifs à l’Afrique et à l’Arabie.

Catalogue méthodique de tous les ouvrages français et des principaux en

langues étrangères traitant de la géographie, de l’histoire, du commerce,

des lettres et des arts de l’Afrique et de l’Arabie, San Remo, Jean Gay et

fils, 1875.

Jadda (M’hamed), Bibliographie analytique des publications de l’institut

des Hautes Etudes Marocaines (IHEM) : 1915-1959, Rabat, Faculté des

Lettres et des Sciences Humaines de Rabat (série : Thèses et mémoires

numéro 26), 1994.

Playfair (Sir R. Lambert), A Bibliography of Morocco, London, John

Murray, 1892.

Rouard de Card (Edgar), Livres français du XVIIe et XVIIIe siècles

concernant les Etats barbaresques : Régences d’Alger, de Tunis, de Tripoli,

et Empire du Maroc, Paris, Albert Pedone, 1911, supplément, 1917.

Turbet-Delof (Guy), La Presse périodique française et l’Afrique

barbaresque au XVIIe siècle (1611-1715), Genève, Droz, 1973.

Page 228: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

227

- Bibliographie critique du Maghreb dans la littérature française (1532-

1715), Alger, S.N.E.D., 1976.

II Ouvrage généraux

II a Le contexte général

Bennassar (Bartolomé) et Jacquart (Jean), Le XVIe siècle, Paris, Armand

Colin, deuxième édition, 1990.

Bercé (Yves-Marie), Molinier (Alain) et Peronnet (Michel), Le XVIIe siècle

1620-1740 de la Contre-Réforme aux Lumières, Paris, Hachette, 1992.

Braudel (Fernand), La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque

de Philippe II, Paris, Armand Colin, cinquième édition, 1982, 2 volumes.

- Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Paris,

Armand Colin, cinquième édition, 1983, 3 volumes.

Page 229: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

228

Cardaillac (Louis), Morisques et Chrétiens : un affrontement polémique

(1492-1640), Paris, Klincksiek, 1977.

Denis (Michel) et Blayau (Noël), Le XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin,

deuxième édition, 1990.

Lebrun (François), Le XVIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1967.

- L’Europe et le monde XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris, Armand Colin,

1987.

Meyer (Jean), L’Europe et la conquête du Monde XVIe-XVIIIe siècle, Paris,

Armand Colin, 1990.

Mousnier (Roland), Les XVIe et XVIIe siècles, la grande mutation

intellectuelle de l’humanité, l’avènement de la science moderne et

l’expansion de l’Europe, tome IV, Paris, Presses Universitaires de France,

troisième édition, 1961.

II b Les relations internationales à l’époque moderne

André (Louis), Louis XIV et l’Europe, Paris, Albin Michel, 1950.

Page 230: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

229

Baillou (Jean) (dir.), Les Affaires étrangères et le corps diplomatique

français, tome I, de l’Ancien Régime au Second Empire, Paris,1984.

Bély (Lucien), Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris,

Fayard, 1990.

- Les Relations internationales en Europe (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris,

Presses Universitaires de France, 1992.

- (dir.), L’Invention de la diplomatie Moyen Age – Temps Modernes, Paris,

Presses Universitaires de France, 1998.

Bély (Lucien), Bercé (Yves-Marie) et Corvisier (André), Guerre et paix

dans l’Europe du XVIIe siècle, Paris, SEDES, 1991, 2 volumes.

Bérenger (Jean) et Meyer (Jean), La France dans le monde au XVIIIe siècle,

Paris, SEDES, 1993.

Livet (Georges), L’Équilibre européen de la fin du XVe siècle à la fin du

XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1976.

Michaud (Claude), L’Europe de Louis XIV, Paris, Bordas, 1973.

Muret (Pierre), La Prépondérance anglaise, 1715-1763, Paris, Presses

Universitaires de France, 1949.

Page 231: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

230

Panzac (Daniel), Quarantaines et lazarets : l’Europe et la peste d’Orient,

XVIIe-XXe siècles, Aix-en-Provence, Edisud, 1987.

Picavet (Camille-Georges), La Diplomatie française au temps de Louis XIV

(1661-1715) : institutions, mœurs et coutumes, Paris, François Alcan, 1930.

Zeller (Gaston), Histoire des relations internationales, tome II, les Temps

Modernes, première partie, de Christophe Colomb à Cromwell, Paris,

Hachette, 1953.

- Histoire des relations internationales, tome II, les Temps Modernes,

seconde partie, de Louis XIV à 1789, Paris, Hachette, 1955.

II c L’Islam

Encyclopédie de l’Islam, Leiden, Brill, nouvelle édition, 1995.

Gaïd (Tahar), Dictionnaire élémentaire de l’Islam, Alger, Office des

publications universitaires, 1982.

Kadaré (Ismaïl), Dictionnaire de l’Islam, Paris, Albin Michel, 1997.

Page 232: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

231

Mantran (Robert), Les Grandes dates de l’Islam, Paris, Larousse, 1990.

- L’Expansion musulmane : VIIe-XIe siècle, Paris, Presses Universitaires de

France, quatrième édition, 1991.

Sourdel (Dominique), L’Islam, Paris, Presses Universitaires de France,

QSJ ? numéro 355, huitième édition, 1972.

Sourdel (Janine et Dominique), La Civilisation de l’Islam classique, Paris,

Arthaud, 1968.

- Dictionnaire historique de l’islam, Paris, Presses Universitaires de France,

1996.

Theodor Khoury (Adel), Hagemann (Ludwig), Heine (Peter), Cannuyer

(Christian), Dictionnaire de l’Islam : histoire, idées, grandes figures, trad.

J. Longton, Turnhout, Brepols, 1995.

II d Le Maghreb

Hamat (Ismaël), Histoire du Maghreb, Paris, 1923.

Page 233: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

232

Julien (Charles-André), Histoire de l’Afrique du Nord (Tunisie-Algérie-

Maroc), tome II, de la conquête arabe à 1830, Paris, Payot, deuxième

édition, 1952.

Laroui (Abdallah), L’Histoire du Maghreb : un essai de synthèse, Paris,

François Maspéro, 1970, 2 volumes.

II e Le Maroc

Al-Ifrani Ec-Ceghir (Mohammed), Nuzhat al-Hadi [Histoire de la dynastie

saadienne au Maroc (1511-1670)], trad. O. Houdas, Paris, PELOV, 1888-

1889, 2 volumes.

- Raoudat at-tarikh bi-mafakhir Maoulana Ismaïl [Le Déroulement de

l’histoire du grand Moulay Ismaïl], Rabat, Imprimerie royale, 1962.

Al-Naciri (Ahmed), Chronique de la dynastie alaouie du Maroc, trad. E.

Fumey, Archives Marocaines, tome IX, 1906.

- Chronique de la dynastie alaouie du Maroc, trad. E. Fumey, Archives

Marocaines, tome X, 1907.

Page 234: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

233

As-Sadi (Abderrahman Ibn Abd Allah), Tarikh as Soudan [Histoire du

Soudan], trad. O. Houdas, Paris, Maisonneuve, 1964.

Al-Zaydan (Moulay Abdelrahman), Ithaf aalam an-Nass [Le Meilleur des

nouvelles des grands personnages], Rabat, Imprimerie royale, troisième

édition, 1990, 5 volumes.

Al-Zayyani (Abou Al-Kacem), Le Maroc de 1631 à 1812 [1812], trad. O.

Houdas, Paris, PELOV, 1886.

- Al-torjoman al-kobra [La Grande Traduction], texte établi, annoté et

commenté par Abdelkrim El-Filali, Rabat, Ministère de l’Information,

1967.

An-Nasiri As-Salaoui (Ahmed Ben Khaled), « Kitab al Istiqsa fi akhbar

doual al Magreb Al-Aqça », trad. M. An-Nasiri, Archives Marocaines, Les

Saadiens : première partie (1509-1609), tome XXXIV, 1936.

Blunt (Wilrid), Black Sunrise, The Life and Times of Mulaï Ismaïl, Emperor

of Morocco, London, Methuen and C°, 1951.

Brignon (Jean), Amine (Abdelaziz), Boutaleb (Brahim), Martinet (Guy) et

Rosenberger (Bernard), Histoire du Maroc, Paris, Hatier, 1967.

Page 235: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

234

Caillé (Jacques), La Petite histoire du Maroc. Des origines à Moulay

Ismaïl, volume 1, Casablanca, Société de librairie et d’édition Atlantique,

1950.

- La Petite histoire du Maroc. De la mort de Moulay Ismaïl (1727) à 1850,

volume 2, Casablanca, Société de librairie et d’édition Atlantique, 1952.

Cour (A.), L’Établissement des dynasties des Chérifs au Maroc et leur

rivalité avec les Turcs de la régence d’Alger (1509-1830), Paris, 1904.

Defontin-Maxange, Le Grand Ismaïl, Paris, Marpon, 1929.

Hardy (Georges) et Aures (Paul), Les Grandes étapes de l’histoire du

Maroc, Paris, Larose, 1925.

Hespéris Tamuda, numéro spécial, Moulay Ismaïl, Rabat, 1962.

Ibrahim Harakatt, Al-Maghreb abra at-tarikh [Le Maroc à travers

l’histoire], Casablanca, Haditha, troisième édition, 1993, 3 volumes.

Julien (Charles-André), Le Maroc face aux impérialismes 1415-1956, Paris,

Jeune Afrique, 1978.

La Grande encyclopédie du Maroc, volume 8, Histoire, Rabat, 1987.

Page 236: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

235

Le Tourneau (Roger), « Le Maroc sous le règne de Sidi Mohamed ben

Abdallah, 1757-1790 », Revue de l’Occident musulman, 1966, 1er semestre,

p. 113-133.

L’Encyclopédie du Maroc. Dictionnaire alphabétique des connaissances

sur le passé et le présent du Maroc, Salé, Imprimeries de Salé, 1984, 10

volumes.

Lugan (Bernard), Histoire du Maroc, des origines à nos jours, Paris,

Critérion, 1992.

Martin (A.-G.), Quatre siècles d’histoire marocaine d’après les archives et

documents indigènes, Paris, 1923.

Park Kerlin (Thomas), Historical Dictionary of Morocco, London, The

Scarecrow Press, new edition, 1996.

Terrasse (Henri), Histoire du Maroc. Des origines à l’établissement du

Protectorat français, Casablanca, Editions Atlantides, 1949, 2 volumes.

II f Les Régences

Page 237: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

236

Bono (Salvatore), Les Corsaires en Méditerranée, traduit de l’italien par

Ahmed Somaï, Paris, Editions Paris-Méditerranée, 1998.

Monlau (Jean), Les États Barbaresques, Paris, Presses Universitaires de

France, QSJ ? numéro 1097, 1964.

Sebag (Paul), Tunis au XVIIe siècle. Une Cité barbaresque au temps de la

course, Paris, L’Harmattan, 1989.

II g L’Empire ottoman

Mantran (Robert), La Vie quotidienne à Constantinople au temps de

Soliman le Magnifique et de ses successeurs (XVIe et XVIIe siècles), Paris,

Hachette, 1965.

- L’Empire ottoman du XVIe au XVIIIe siècle : administration, économie,

société, London, Variorum reprints, 1984.

- (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Lille, Fayard, 1989.

- Istanbul au siècle de Soliman le Magnifique, Paris, Le Grand livre du

mois, 1995.

Page 238: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

237

II h La France

Antoine (Michel), Le Conseil du Roi sous Louis XIV, Paris, Droz, 1970.

- Le Gouvernement et l’administration sous Louis XV. Dictionnaire

biographique, Paris, CNRS, 1978.

- Louis XV, Paris, Fayard, 1980.

Argenson, (René-Louis de Voyer marquis d’), Journal du règne de Louis

XV. 1, 1697-1738, Clemont-Ferrand, Paleo (Collection : Sources de

l’histoire de France), 2002.

Babelon (Jean-Pierre), Henri IV, Paris, Fayard, 1982.

Barbiche (Bernard), Les Institutions de la monarchie française à l’époque

moderne XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.

- La France moderne 1498-1789, Paris, Presses Universitaires de France,

1994.

- (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime. Royaume de France, XVIe-XVIIIe

siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1996.

Page 239: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

238

Bluche (François), La Vie quotidienne de la noblesse française au XVIIIe

siècle, Paris, Hachette, nouvelle édition revue et corrigée, 1980.

- La Vie quotidienne au temps de Louis XIV, Paris, Hachette, 1984.

- Louis XIV, Paris, Fayard, 1986.

- La Vie quotidienne au temps de Louis XVI, Paris, Hachette, 1989.

- Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990.

- L’Ancien Régime. Institutions et société, Paris, Editions de Fallois, 1993.

- La Noblesse française au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1995.

Bellanger (Claude), Histoire générale de la presse française, tome I, Des

origines à 1814, Paris, Presses Universitaires de France, 1969.

Brocher (Henri), A la Cour de Louis XIV. Le Rang et l’étiquette sous

l’Ancien Régime, Paris, Alcan, 1934.

Cabourdin (Guy), Viard (Georges), Lexique historique de la France

d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1978.

Chaussinand-Nogaret (Guy), La Noblesse française au XVIIIe siècle, Paris,

Hachette, 1976.

Page 240: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

239

Cornette (Joël), Absolutisme et Lumières, 1652-1783, Paris, Hachette, 1993.

Corvisier (André), La France de Louis XIV (1643-1715). Ordre intérieur et

place en Europe, Paris, SEDES, 1979.

- La France de 1492 à 1789, Paris, Presses Universitaires de France,

deuxième édition, 1981.

- Précis d’histoire moderne, Paris, Presses Universitaires de France,

deuxième édition, 1981.

- Dictionnaire d’art et d’histoire militaires, Paris, Presses Universitaires de

France, 1988.

- (dir.), Histoire militaire de la France, Paris, Presses Universitaires de

France, 1992, 2 volumes.

Deregnaucourt (Gilles) et Poton (Didier), La Vie religieuse en France aux

16e, 17e et 18e siècles, Paris, Ophrys, 1994.

Durand (Yves), La Société française au XVIIIe siècle. Institutions et

sociétés, Paris, SEDES, 1992.

Fogel (Michel), L’État dans la France moderne de la fin du XVe au milieu

du XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1992.

Page 241: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

240

Les Français vus par eux-mêmes : le XVIIIe siècle : anthologie des

mémorialistes du XVIIIe siècle, Paris, Laffont (Collection : Bouquins),

1996.

Les Français vus par eux-mêmes : la France de Louis XIV, Paris, Laffont

(Collection : Bouquins), 1997.

Garnot (Benoît), Société, cultures et genres de vie dans la France moderne,

XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1991.

Garrisson (Janine), Henri IV, Paris, Seuil, 1984.

Gaxotte (Pierre), Le Siècle de Louis XV, Paris, Fayard, 1974.

- Louis XV, Paris, Flammarion, 1980.

Goubert (Pierre), L’Ancien Régime : tome I, La société, Paris, Armand

Colin, 1969.

- L’Ancien Régime : tome II, Les pouvoirs, Paris, Armand Colin, 1973.

Goubert (Pierre) et Roche (Daniel), Les Français et l’Ancien Régime, Paris,

Armand Colin, deuxième édition, 1991, 2 volumes.

Jacquart (Jean), François Ier, Paris, Fayard, 1994.

Page 242: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

241

Lacour-Gayet (Georges), La Marine militaire de la France sous le règne de

Louis XV, Paris, 1902.

- La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XVI, Paris, 1905.

Le Roy Ladurie (Emmanuel), L’Ancien Régime, 1600-1770, Hachette,

1991.

Lever (Evelyne), Louis XVI, Paris, Fayard, 1985.

Mandrou (Robert), Louis XIV en son temps 1661-1715, Paris, Presses

Universitaires de France, 1973.

Marion (Marcel), Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et

XVIIIe siècles, Paris, Picard, 1923 ; réimpression, 1984.

Méthivier (Hubert), L’Ancien Régime en France, XVIe, XVIIe, XVIIIe

siècles, Paris, Presses Universitaires de France, deuxième édition, 1994.

Meyer (Jean), La France moderne 1515-1789, Paris, Fayard, 1985.

Meyer (Jean) et Tarrade (Jean), Histoire de la France coloniale, tome I, Des

origines à 1914, Paris, Armand Colin, 1991.

Page 243: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

242

Mousnier (Roland), Les Institutions de la France sous la monarchie

absolue, 1598-1789, Paris, Presses Universitaires de France, 1974 et 1980,

2 volumes.

Petitfils (Jean-Christian), Louis XIV, Paris, Perrin, 1995.

Pluchon (Pierre), Histoire de la colonisation française, Paris, Fayard, 1991.

Roche (Daniel), La France des Lumières, Paris, Fayard, 1983.

Richet (Denis), La France moderne. L’esprit des Institutions, Paris,

Flammarion, 1973.

Solnon (Jean-François), La Cour de France, Paris, Fayard, 1987.

Taillemite (Etienne), Dictionnaire des marins français, Paris, Editions

Maritimes et d’Outre-Mer, 1982.

Zysberg (André), Les Galériens du roi : vies et destins de 60 000 forçats

sur les galéres de France : 1680-1748, Paris, Seuil, 1987.

Page 244: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

243

III Etudes particulières

III a Le Maroc et la mer

Ennaji (Mohammed), « Le Maroc et l’Atlantique durant les Temps

Modernes », dans Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique,

Rabat, Faculté de Rabat (Série : colloques et séminaires n° 21), 1992, p. 95-

120.

Kaddouri (Abdelmajid), « Le Maroc et l’Atlantique à la fin du XVIIIe siècle

à travers un kunnach inédit », dans Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc

et l’Atlantique, Rabat, Faculté de Rabat (Série : colloques et séminaires n°

21), 1992, p. 75-84.

Laghouat (Mohammed), « Le Maroc a-t-il une vocation maritime ? », Revue

Maroc Europe, n° 2, 1992, p. 155-170.

Lourido Diaz (Ramon), « El mar como elemento basico en la realizacion

del proyecto politico de Sidi Muhammad B. ‘Abd Allah », dans Abdelmajid

Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique, Rabat : Faculté de Rabat (Série :

colloques et séminaires n° 21), 1992, p. 207-222.

Page 245: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

244

Menfaa (Mohammed), La Politique maritime du Maroc (1757-1830), Thèse

3e cycle d’histoire, Jean Ganiage (dir.), Université Paris IV, Paris, 1983.

Miège (Jean-Louis), « Les Relations maritimes entre Marseille et le Maroc

1682-1863 », Revue Maroc Europe, n° 2, 1992, p. 25-69.

- « Pour une méthodologie de l’histoire maritime du Maroc », dans

Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique, Rabat, Faculté de

Rabat (Série : colloques et séminaires n° 21), 1992, p. 11-31.

III b La course salétine au XVIIe et XVIIIe siècles

Bookin-Weiner (Jerome), « The Moroccan corsairs of Rabat-Sale », dans

Abdelmajid Kaddouri (dir.), Le Maroc et l’Atlantique, Rabat, Faculté de

Rabat (Série : colloques et séminaires n° 21), 1992, p. 163-191.

Castries (Henri de), « Le Maroc d’autrefois. Les corsaires de Salé », Revue

des Deux Mondes, tome XIII, janvier-février 1903, p. 823-852.

Coindreau (Roger), Les Corsaires de Salé, Paris, Société d’Editions

Géographiques Maritimes et Coloniales, 1948.

Page 246: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

245

Dziubinski (Andrzej), « L’Armée et la flotte de guerre marocaines à

l’époque des sultans de la dynastie saadienne », Hespéris Tamuda, volume

13-fascicule unique, 1972, p. 61-94.

Grillon (Pierre), Sidi Mohammed Ben Abdallah et la fin de la piraterie

marocaine, Thèse Lettres, Paris, 1951.

Lourido Diaz (Ramon), « Transformacion de la pirateria marroqui en guerra

del corso por el Sultan Sidi Muhammad B. Abd Allah : entre 1757 y 1768,

Hespèris Tamuda, volume 10-fascicule 1-2, 1969, p. 39-69.

- « Sidi Muhammad B. Abd Allah y sus intentos de creacion de una marina

de guerra al estilo europeo : 1769-1777 », Hespéris Tamuda, volume 12-

fascicule unique, 1971, p. 133-156.

Mauran (Docteur), « Une République de pirates », Les Archives Berbères,

volume 2, fascicule 1, 1917, p. 36-43.

III c Le Maroc et l’Europe

Caillé (Jacques), « L’Abolition des tributs versés au Maroc par la Suède et

le Danemark », Hespéris, tome XLV, 1958, 3e-4e trimestre, p. 203-238.

Page 247: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

246

- Les Accords internationaux du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah

(1757-1790), Paris, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence, 1960.

Castries (Henri de), « Le Danemark et le Maroc 1750-1767 », Hespéris,

tome VI, 1926, 4e trimestre, p. 327-349.

El-Azami (Ahmed), « Jawanib mina ssiassa al-kharijiya li-sultan Moulay

Ismaïl mouassis ad-dawela al-alawiya » [Quelques aspects de la politique

extérieure du sultan Moulay Ismaïl fondateur de la dynastie alaouite], dans

Actes de la première rencontre de l’Université Moulay Ali Chérif

d’automne à Rissani, Rabat, Faculté de Rissani, 1990, p. 181-199.

Kaddouri (Abdelmajid), Sufaraa marhariba fi Europa (1610-1922) : fi el-

way bi at-tafawatt [Ambassadeurs marocains en Europe (1610-1922) : dans

la conscience du déséquilibre], Casablanca, Faculté de Rabat (Série :

recherche et étude, numéro 13), 1995.

Sahbi (Baba), « Moulay Ismaïl et l’Europe », dans Activité intellectuelle

sous le règne de la dynastie alaouite (XVIIe-XVIIIe siècles), Casablanca,

Faculté de Oujda, 1994, p. 17-24.

Tazi (Abdelhadi), At-tarikh ad-diplomassi li al-Maghreb : mina al-oussoul

ila al yawen [Histoire diplomatique du Maroc : des origines à nos jours],

Mohammedia : Fdala, 1986, 10 volumes.

Page 248: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

247

- Histoire diplomatique du Maroc des origines à nos jours (abrégé de

l’histoire de la diplomatie marocaine des origines à nos jours en dix

volumes) [1986], trad. par A. Ihraï-Aouchar, Mohammedia, Fdala, 1989.

III d Le Maroc et l’Espagne

Al-Ouazir (Mohammed), Voyage d’un ambassadeur marocain en Espagne

en 1690 [1690], trad. H. Sauvaire, Ernest Leroux, 1884.

Donnadieu (Marcel), Les Relations diplomatiques entre l’Espagne et le

Maroc (1592-1926), Thèse de Droit, Montpellier, 1931.

Larquié (Claude), « Le Maroc, l’Espagne et l’Atlantique à travers les

campagnes de rachat au XVIIe siècle », dans Abdelmajid Kaddouri (dir.),

Le Maroc et l’Atlantique, Rabat, Faculté de Rabat (Série : colloques et

séminaires n° 21), 1992, p. 147-162.

Rouard de Card (Edgar), Les Relations de l’Espagne et du Maroc pendant

le XVIIIe siècle, Paris, Albert Pedone, 1903.

Vilar (Juan) et Lourido (Ramon), Relaciones entre Espana y el Magreb

siglos XVII y XVIII, Madrid, Editoriel Mapfre, 1994.

Page 249: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

248

III e Le Maroc et la France

Caillé (Jacques), La Trêve franco-marocaine du 10 octobre 1765, Paris,

Albert Pedone, 1959.

Cénival (Pierre de), « Lettre de Louis XVI à Sidi Mohammed ben

Abdallah : 19 décembre 1778 », dans Mémorial Henri Basset, Paris,

Geuthner, 1928, p. 175-196.

Chovin (Gisèle), « Aperçu sur les relations de la France avec le Maroc des

origines à la fin du Moyen Age », Hespéris, tome XLIV, 1957, 3e-4e

trimestre, p. 249-298.

Durand-Evrard (Françoise), Les Relations franco-marocaines pendant le

consulat de Louis Chénier 1767-1782, Paris, Positions de thèses de l’Ecole

des Chartes, 1966.

Grillon (Pierre), « La Chambre de Commerce de Marseille et le consulat de

France au Maroc pendant la mission de Louis Chénier (1767-1782 »,

Hespéris Tamuda, volume 4-facsicule 1-2, 1963, p. 69-117.

- « La Chambre de Commerce de Marseille et le consulat de France au

Maroc pendant la mission de Louis Chénier (1767-1782) [suite et fin] »,

Hespéris Tamuda, volume 4-fascicule 3, 1963, p. 312-346.

Page 250: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

249

Masson (Paul), Histoire des établissements et du commerce français dans

l’Afrique barbaresque (1560-1793), Paris, Hachette, 1903.

Nekrouf (Younès), Une Amitié orageuse : Moulay Ismaïl et Louis XIV,

Paris, Albin Michel, 1987.

Penz (Charles), Les Rois de France et le Maroc, première série, de

François Ier à Henri IV, Casablanca, Albert Moynier, 1945.

- « Autour d’une lettre inédite de Moulay Ismaïl à Louis XIV », Hespéris,

tome XXXIII, 1946, 1er-2e trimestre, p. 160-164.

- Les Rois de France et le Maroc, deuxième série, de Marie Médicis à Louis

XIV, Casablanca, Albert Moynier, 1947.

- Les Rois de France et le Maroc, troisième série, de Louis XIV à Louis

XVI, Casablanca, Albert Moynier, 1948.

Plantet (Eugène), Moulay Ismael, Empereur du Maroc et la princesse de

Conti, Laval, Jamin, 1893.

Rambert (Gaston) (dir.), Histoire du commerce de Marseille, Paris, Plon,

1951, 7 volumes.

Rouard de Card (Edgard), Les Traités entre la France et le Maroc, Paris,

Albert Pedone, 1898.

Page 251: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

250

Thomassy (Marie-Joseph Raymond), De la Politique maritime de la France

sous Louis XIV, et la demande que Mulay-Ismael, empereur du Maroc,

adressa à ce monarque pour demander en mariage la princesse de Conti,

Paris, Delaunay, 1841.

III f Consuls, ambassadeurs et voyageurs français au Maroc

Babe Escoute (Monique), Les Voyageurs chrétiens au Maroc aux XVe et

XVIe siècles, Thèse 3e cycle d’histoire, Alain Ducellier (dir.), Université

Toulouse II, Toulouse, 1984.

Brahimi (Denise), Les Voyageurs du XVIIIe siècle en Barbarie, Thèse

d’État, Littérature comparée, Université de Paris IV, René Etiemble (dir.),

Paris, 1976.

Caillé (Jacques), « Ambassadeurs, envoyés particuliers et représentants

officieux de la France au Maroc », Hespéris, tome XXXVIII, 1951, 3e-4e

trimestre, p. 355-364.

- La Représentation diplomatique de la France au Maroc, Paris, Albert

Pedone, 1951.

Page 252: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

251

- « Le Consulat de Chénier au Maroc 1767-1782 : les dépenses de la

France », Hespéris, tome XLIII, 1956, 3e-4e trimestre, p. 261-304.

- La Fin du consulat de Louis de Chénier au Maroc, Paris, Albert Pedone,

1956.

- « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (première

partie) », Revue d’histoire diplomatique, juillet-septembre 1961, p. 245-

274.

- « L’Ambassade du comte de Breugnon à Marrakech en 1767 (seconde

partie) », Revue d’histoire diplomatique, janvier-mars 1962, p. 58-84.

- Le Consulat de Tanger (des origines à 1830), Paris, Albert Pedone, 1967.

Carrière (Claude), Négociants marseillais au XVIIIe siècle, Marseille,

Institut historique de Provence, 1973.

Castries (Henri de), « Agents et voyageurs français au Maroc : 1530-

1660 », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, première série,

dynastie saadienne, Archives et Bibliothèque de France, tome III, Paris,

Ernest Leroux, 1911, p. I-CVI (introduction).

Charles-Roux (François), France et Afrique du Nord avant 1830 : les

précurseurs de la conquête, Paris, Alcan, 1932.

Page 253: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

252

Charles-Roux (François) et Caillé (Jacques), Missions diplomatiques

françaises à Fès, Paris, Larose, 1955.

Huguet (Jean), « Le Diplomate Chénier au Maroc : 1767-1782 », Hespéris,

tome I, 1921, 3e trimestre, p. 343-347.

Lagarde (Lucie), « Un Matelot de Louis XIV sur les côtes marocaines »,

Hespéris, tome XLII, 1955, 1e-2e trimestre, p. 264-266.

Penz (Charles), Personnalités et familles françaises d’Afrique du Nord :

Maroc : 1533-1814, Paris, Edition du grand armorial de France, 1948.

III g Les captifs français au Maroc

Cossé Brissac (Philippe de), « La Rédemption des captifs français au Maroc

(1700-1718) », dans Sources inédites de l’Histoire du Maroc, deuxième

série, dynastie filâlienne, Archives et Bibliothèque de France, tome VI, du 6

janvier 1700 au 2 mai 1718, Paris, Paul Geuthner, 1960, p. 1-12.

Koehler (Père Henri), « Quelques points d’histoire sur les captifs chrétiens

de Meknès », Hespéris, tome VIII, 1928, 2e trimestre, p. 177-187.

Page 254: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

253

Penz (Charles), Les Captifs français du Maroc au XVIIe siècle (1577-1699),

Rabat, Imprimerie officielle, 1944.

- « Lettres inédites sur la captivité de Bidé de Murville à Marrakech (1765-

1767) », Hespéris, tome XXXVI, 1949, 1er et 2e trimestres, p. 221-232.

III h Les envoyés marocains en France à l’époque moderne

Caillé (Jacques), « Ambassades et missions marocaines en France »,

Hespéris Tamuda, volume 1-fascicule 1, 1960, p. 39-83.

- « Les Naufragés de la Louise au Maroc et l’ambassade de Tahar Fennich à

la cour de France en 1777-1778 », Revue d’histoire diplomatique, juillet-

septembre 1964, p. 225-264.

Cossé Brissac (Philippe de), « L’Ambassade d’‘Abd Allah Ben ‘Aïcha (11

novembre 1698-25 mai 1699 », dans Sources inédites de l’Histoire du

Maroc, deuxième série, dynastie filâlienne, Archives et Bibliothèque de

France, tome V, du 11 novembre 1698 au 28 décembre 1699, Paris, Paul

Geuthner, 1953, p. 1-10.

El-Andalusi (Ahmed Ben Kacem El-Hajeri connu sous le nom d’Afoukay),

Nasir ad-din alla el kaoum el-kaferin [Le Défenseur de la foi face aux

Page 255: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

254

Infidèles], adapté par Mohamed Razzouq, Casablanca, Faculté de

Casablanca, 1987.

Saïed (Rabih), Deux ambassades marocaines en France au XVIIe siècle.

Images et représentations de la France du XVIIe siècle chez deux

ambassadeurs marocains, Maîtrise d’histoire, Christophe Duhamelle (dir.),

Université de Picardie Jules Verne, Amiens, 2000.

III i Autres envoyés musulmans en France durant la même période

Boutin (Abel), Les Traités de paix et de commerce de la France avec la

Barbarie (1515-1830), Paris, 1902.

Efendi (Mehmed), Le Paradis des Infidèles, relation de Yirmisekiz Celebi

Mehemed Efendi, ambassadeur ottoman en France sous la Régence [1721],

trad. Julien-Claude Galland [1757], introduction, notes, textes annexes par

Gilles Veinstein, Paris, François Maspero, 1981.

Herbette (Maurice), Une Ambassade persane sous Louis XIV d’après des

documents inédits, Paris, Perrin, 1907.

Page 256: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

255

Kunerlap (Sinan) et Hitzel (Frédéric), « Ambassadeurs, ministres, chargés

d’affaires et envoyés en mission spéciale de la Porte ottomane et de la

République de Turquie auprès de la France de 1483 à 1991 », dans Jean-

Louis Bacqué-Grammont, Sinan Kuneralp et Frédéric Hitzel, Représentants

permanents de la France en Turquie (1536-1991) et de la Turquie en

France (1797-1991), Istanbul-Paris, Isis, 1991, p. 107-158.

Müge Göçek (Fatma), East encounters West : France and the Ottoman

empire in the eighteenth century, New-York, Oxford university press, 1987.

Mustapha (Zghal), Les Traités de paix et de commerce entre la France et la

Tunisie avant le Protectorat (1600-1835), D.E.S. Histoire du Droit, Paris,

1961.

Lewis (Bernard), Comment l’islam a découvert l’Europe, Paris, Gallimard,

1990.

Peter (Jean), Les Barbaresques sous Louis XIV. Le duel entre Alger et la

Marine du Roi (1681-1698), Paris, Economica et Institut de stratégie

comparée, 1997.

Rouard de Card (Edgard), Les Traités de la France avec les pays d’Afrique

du Nord, Paris, Albert Pedone, 1906.

Page 257: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

256

III j Autres envoyés non musulmans en France

Jacq-Hergoualc’h (Michel), L’Europe et le Siam du XVIe au XVIIIe siècle.

Apports culturels, Paris, L’Harmattan, 1993.

Van der Cruysse (Dirk), Louis XIV et le Siam, Paris, Fayard, 1991.

III k Représentation de « l’autre »

Hartog (François), Le Miroir d’Hérodote : essai sur la représentation de

l’autre, Paris, Gallimard, 2001.

III l Le monde musulman vu par les Européens

Page 258: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

257

Bonnerot (Olivier), La Perse dans la littérature et la pensée françaises au

XVIIIe siècle. De l’image au mythe, Paris-Genève, Champion-Slatkine,

1988.

Carnoy (Dominique), Représentations de l’Islam dans la France du XVIIe

siècle, Paris, L’Harmattan, 1998.

Charnay (Jean-Paul), Les Contre-Orients ou comment penser l’autre selon

moi, Paris, Editions Sindbad, 1980.

Desmet-Grégoire (Hélène), Le « Divan » magique : l’Orient turc en France

au XVIIIe siècle, Paris, L’Harmattan, deuxième édition, 1994.

Martino (Pierre), L’Orient dans la littérature française au XVIIe et au

XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1906.

Rodinson (Maxime), La Fascination de l’islam. Les étapes du regard

occidental sur le monde musulman. Les études arabes et islamiques en

Europe, Paris, François Maspéro, 1980.

Sénac (Philippe), L’Image de l’autre. Histoire de l’Occident médiéval face

à l’islam, Paris, Flammarion, 1983.

Turbet-Delof (Guy), L’Afrique barbaresque dans la littérature française

aux XVIe et XVIIe siècles, Thèse d’État d’histoire, Université Paris III, Paris,

1971.

Page 259: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

258

Vovard (André), Les Turqueries dans la littérature française : le cycle

barbaresque, Toulouse, Edouard Privat, 1959.

III m Représentations du Maroc dans l’Europe moderne

Ascione (Christiane), Le Maroc de Moulay Ismail à travers les écrivains

français, D.E.S. Histoire, Paris, 1959.

Bennani (Gilda), La Dimension mythique de Mulay Ismail à travers les

publications françaises des XVIIe et XVIIIe siècles, Thèse 3e cycle de

littérature comparée, Jacques Voisine (dir.), Université Paris III, Paris,

1979.

La Vérone (Chantal de), Vie de Moulay Ismaïl, roi de Fes et de Maroc

d’après Joseph de Léon (1708-1728), Paris, Paul Geuthner, 1974.

Lebel (Roland), « Le Maroc dans les relations des voyageurs anglais aux

XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles », Hespéris, tome IX, 1929, 4e trimestre, p.

269-294.

Page 260: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

259

- Les Voyageurs français du Maroc : l’exotisme marocain dans la

littérature de voyage, Paris, Larose, 1936.

- Le Maroc chez les auteurs anglais du XVIe au XIXe siècle, Paris, Larose,

1939.

- Le Maroc dans les lettres d’expression française, Paris, Editions

Universitaires, 1956.

Loupias (Bernard), L’Image du Maroc dans la littérature espagnole des

origines au temps des Lumières, Thèse d’État d’études ibériques, Charles

Minguet (dir.), Université Paris X, Paris, 1987.

Morsy (Magali), « A propos de l’Histoire de la longue captivité et des

aventures de Thomas Pellow récit anglais publié en 1739 », Hespéris

Tamuda, volume 4-fascicule 3, 1963, p. 289-311.

- La Relation de Thomas Pellow : une lecture du Maroc au XVIIIe siècle,

Paris, Edition Recherche sur les civilisations, 1983.

Page 261: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

260

GLOSSAIRE

Page 262: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

261

Ben : fils de

Cadi : juge d’après les lois coraniques.

Caïd : gouverneur

Calife : « vicaire » du Prophète.

Cheikh : « vieux », chef.

Chérif (chorfa au pluriel) : descendant du Prophète Mohamed, noble.

Dar al-Islam : « Demeure de l’islam ».

Djihad : « combat » sacré.

Émir : prince.

Fetoua : « dit » arbitral rendu par les docteurs en religion. Normalement la

fétoua n’est qu’une réponse à une personne qui est incertaine de ses droits.

Cependant elle devient au Maghreb Al-Aqça un procédé habituel de

gouvernement.

Hadj : qui a fait le pèlerinage.

Page 263: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

262

Maghreb Al-Aqça : cette expression signifie « l’Extrême Occident »

musulman. Elle est utilisée pour désigner au Moyen-Age le Maroc. Ce

dernier mot apparaît effectivement avec la dynastie saadienne (1525-1659).

Il résulte tout simplement de la contraction de Marrakech, capitale

principale du pays. Toutefois les limites géoploitiques restent toujours

imprécises malgré cette nouvelle appellation.

Mahrzen : à l’origine ce terme signifie la trésorerie de l’État. Mais aussi le

magasin (d’ou le mot français) dans lequel est gardé l’argent. Puis son sens

s’est élargi sous la dynastie almohade (1147-1269) pour désigner

l’organisme administratif du pouvoir au Maroc. Le mahrzen connote donc à

la fois la notion de gouvernement et celle d’administration.

Oued : cours d’eau.

Ouléma : savant dans les sciences musulmanes.

Raïs : capitaine de vaisseau corsaire.

Ramadan : mois de jeûne.

Rihla : voyage, récit de voyage.

Sultan : titre porté dans les pays musulmans par des souverains dont la

fonction peut être justifiée comme une délégation de pouvoirs accordée par

le calife, qui n’a été jamais institutionnalisée. Au Maroc, les sultans ont les

Page 264: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

263

mêmes prérogatives politiques et juridiques que les califes et exercent les

mêmes pouvoirs.

Page 265: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

264

TABLE DES MATIERES

Page 266: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

265

Introduction générale (p. 3-10)

Première partie (p. 11-122) LES RELATIONS ENTRE LE MAROC ET LA FRANCE

Chapitre premier. Le Maroc et la France : des origines au XVIIe siècle (p. 13-35) Les antécédents diplomatiques (p. 14-20) Sous le Saadien Moulay Zidan (1603-1627) (p. 21-29) Sous les derniers Saadiens et les premiers Alaouites (1627-1672) (p. 29-35) Chapitre 2. Les relations franco-marocaines à la fin du XVIIe siècle (p. 36-75) Enjeux et sources de conflits entre Moulay Ismaïl et Louis XIV (p. 38-44) L’ambassade de Hadj Mohammed Temim (1681-1682) (p. 44-48) Louis XIV envoie un ambassadeur à Meknès (p. 49-51) Le deuxième voyage de Temim en France (1685) (p. 52-53) Le consul Jean-Baptiste Estelle (p. 54-56) L’ambassade de Saint-Olon au Maroc (1693) (p. 57-59) L’ambassade d’Abdallah Ben Aïcha (1698-1699) (p. 60-68) Vers la rupture des liens diplomatiques (p. 68-75) Chapitre 3. Les rapports diplomatiques au XVIIIe siècle (p. 76-122) Les relations entre la France et le Maroc de 1727 à 1767 (p. 78-84) Le traité de Marrakech (le 28 mai 1767) (p. 84-91) Le consul Louis de Chénier (p. 92-95) L’évolution de la course salétine sous Mohammed III (p. 96-99) La mission d’Ali Pérès en 1772 (p. 99-105) Le voyage d’Abdallah Scalante (1774-1775) (p. 106-109) L’ambassade de Tahar Fennich (1777-1778) (p. 109-114) La deuxième mission d’Ali Pérès (1781) (p. 115-117) Le voyage de Hadj Larbi Moreno (1785-1786) (p. 117-122)

Page 267: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

266

Deuxième partie (p. 123-157) TRAITEMENTS ET HONNEURS RENDUS EN FRANCE

Chapitre 4. Des ports français à Paris (p. 126-136) Le système de réception La vérification des titres Traitements et honneurs rendus dans les villes de passage Chapitre 5. Le séjour parisien (p. 137-146) Entrée à Paris des Marocains L’audience royale Les visites La vie de cour Les relations des Français avec les Marocains Chapitre 6. Les dépenses (p. 147-156) La prise en charge Les transports Les frais alimentaires Autres dépenses Les présents offerts Les coûts définitifs des missions marocaines

Troisième partie (p. 158-191) LES ENVOYES MAROCAINS : MIROIR DE LEUR PAYS

Chapitre 7. Le Maghreb Al-Aqça (p. 160-165) Délimitations géographiques Descriptions du pays Histoire du Maroc Chapitre 8. L’État marocain (p. 166-173) Le sultan selon les écrits français Le mahrzen Forces et faiblesses du pays

Page 268: LE REGARD FRANÇAIS SUR - bmsenlis.comreste surtout de glorifier le pouvoir royal français. ... musulmans des pays lointains comme le royaume de Siam et l’Empire russe. Enfin face

267

Chapitre 9. Les habitants (p. 174-182) Maures, Berbères, Marocains… Leurs « caractères » Mœurs et coutumes Les tenues vestimentaires Chapitre 10. La religiosité de « l’autre » marocain (p. 183-190) La religion des Marocains Les interdits religieux Les moments de dévotions Le ramadan

Conclusion générale (p. 192-196)

Sources (p. 197-222)

Bibliographie (p. 223-259)

Glossaire (p. 260-263)

Illustration de couverture : Estampe concernant l’ambassade marocaine sous l’égide de Ben Aïcha à Paris en 1699 tiré de Abdelhadi Tazi, At-tarikh ad-diplomassi li al-Maghreb : mina al oussoul ila al-yawen [Histoire diplomatique du Maroc : des origines à nos jours], tome IX, la dynastie alaouite, Mohammedia, Fdala, 1986, p. 81. L’original se trouve au site Richelieu, Cabinet des Estampes, Histoire de France, QbI, années 1698-1699.