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RE V U E D E L’ HA B I TAT - FÉ V R I E R 2011 1 1 Le règlement de copropriété est le texte qui fixe, entre autres, la quote-part a f f é rente à chaque lot. Pourtant, les charges de copropriété peuvent être considérées comme pénalisantes par des copropriétaires qui s’en rendent compte tardivement. Faisons le point sur les outils juridiques à la disposition de ces copropriétaires s’estimant lésés. Répartition des charges de copropriété Ne pas confondre action en révision et action en nullité * par Patrick Baudouin, Avocat à la cour d’appel de Pa r i s C o p r o p r i é t é N ombreux sont les copropriétaires qui, parfois tardivement, constatent être pénalisés dans l’imputation de leurs charges de copropriété. Cette répartition défa- vorable peut concerner aussi bien leurs quotes- parts de charges générales que les quotes-parts de charges particulières, relatives par exemple à des éléments d’équipement commun, tels que l’ascenseur ou le chauffage collectif. La question se pose alors pour ces copropriétaires de savoir si une action est, ou non, envisageable pour voir cesser une situation qui leur est financièrement préjudiciable. LES DONNÉES DE BASE DU PROBLÈME L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, dont les termes sont d’ordre public, dispose que c’est le règlement de copropriété qui « fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges ». Ce même article pose également les règles applicables en distinguant : - les charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun (art. 10, al. 1), qui doivent être réparties en fonction de l’utilité que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot ; - les charges relatives à la conservation, à l’entre- tien et à l’administration des parties communes (art. 10, al. 2), qui doivent être réparties propor- tionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans les divers lots, telles que ces valeurs résultent de l’article 5 de la loi, c’est-à-dire en fonction de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation. Il est à noter que, compte tenu de l’absence trop fréquente de respect de ces critères, la loi du 13 décembre 2000, dite loi « SRU », a rajouté un alinéa à l’article 10, aux termes duquel « tout règle- ment de copropriété publié à compter du 31 décembre 2002 indique les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges ». Mais toujours est-il qu’hormis des cas spécifiques prévus - travaux, actes d’acquisition ou de disposition, aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot - l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965 a posé le principe selon lequel la répartition des charges ne peut être modifiée que par un vote d’assemblée générale statuant à l’unanimité de tous les copropriétaires composant le syndicat. Autant dire que, pour un copropriétaire lésé, il est pratiquement impossible d’obtenir de l’assemblée une modification de répartition de charges permettant de corriger l’irrégularité dont il est victime. L’ ACT I O N EN RÉVISION POUR LÉSION DE PLUS DU QUART C’est pourquoi, la loi du 10 juillet 1965 avait tout de même prévu en son article 12 une soupape de sûreté dans l’hypothèse d’une lésion mathé- matiquement caractérisée. Cet article offre ainsi la possibilité à un copropriétaire de poursuivre en justice la révision de la répartition des charges « si la part correspondant à son lot est supé- rieure de plus d’un quart, ou si la part correspondant à celle d’un autre copropriétaire est inférieure de plus d’un quart, dans l’une ou l’autre des catégories de charges, à celle qui résulterait d’une répartition conforme aux dispositions de l’article 10 ». 1 2 Mots Clés • Charges de copropriété • Action en révision • Action en nullité * Cette étude de Patrick Baudouin, parue dans la Gazette du Palais des 17 et 18 sep- tembre 2010, est reproduite ici avec les aimables autorisations de l’auteur et de l’éditeur.

Le règlement de copropriété est le texte qui fixe, entre ... · d’ascenseur d’un lot situé au rez-de-chaussée n ’ ayant aucune utilité de cet élément d’équi-pement

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RE V U E D E L’ HA B I TAT - FÉ V R I E R 2011 1 1

Le règlement de copropriété est le texte qui fixe, entre autres, la quote-part a f f é rente à chaque lot. Pourtant, les charges de copropriété peuvent être considéréescomme pénalisantes par des copropriétaires qui s’en rendent compte tardivement.Faisons le point sur les outils juridiques à la disposition de ces copropriétaires s’estimant lésés.

Répartition des charges de copropriétéNe pas confondre action en révision et action en nullité*

par Patr ick Baudouin , Avocat à la cour d ’appe l de Pa r i s

C o p r o p r i é t é

N ombreux sont les copropriétaires qui,parfois tardivement, constatent êtrepénalisés dans l’imputation de leurs

charges de copropriété. Cette répartition défa-vorable peut concerner aussi bien leurs quotes-parts de charges générales que les quotes-partsde charges particulières, relatives par exemple àdes éléments d’équipement commun, tels quel’ascenseur ou le chauffage collectif. La questionse pose alors pour ces copropriétaires de savoirsi une action est, ou non, envisageable pour vo i rcesser une situation qui leur est financièrementpréjudiciable.

LE S D O N N É E S D E BA S ED U P RO B L È M E

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, dont lestermes sont d’ordre public, dispose que c’est lerèglement de copropriété qui « fixe la quote-parta f f é rente à chaque lot dans chacune des catégories dec h a rg e s ». Ce même article pose également lesrègles applicables en distinguant :- les charges entraînées par les services collectifs etles éléments d’équipement commun (art. 10, al. 1),qui doivent être réparties en fonction de l’utilitéque ces services et éléments présentent à l’égardde chaque lot ;- les charges relatives à la conservation, à l’entre-tien et à l’administration des parties communes(art. 10, al. 2), qui doivent être réparties propor-tionnellement aux valeurs relatives des partiesp r i va t i ves comprises dans les divers lots, tellesque ces valeurs résultent de l’article 5 de la loi,c’est-à-dire en fonction de la consistance, de lasuperficie et de la situation des lots, sans égard àleur utilisation.

Il est à noter que, compte tenu de l’absence tropfréquente de respect de ces critères, la loi du 13 décembre 2000, dite loi « SRU », a rajouté unalinéa à l’article 10, aux termes duquel « tout règle-ment de copropriété publié à compter du 31 décembre20 02 indique les éléments pris en considération et laméthode de calcul permettant de fixer les quotes-partsde parties communes et la répartition des charg e s ». Mais toujours est-il qu’hormis des cas spécifiquesprévus - travaux, actes d’acquisition ou de disposition,aliénation séparée d’une ou plusieurs fractionsd’un lot - l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965 aposé le principe selon lequel la répartition descharges ne peut être modifiée que par un vo t ed’assemblée générale statuant à l’unanimité detous les copropriétaires composant le sy n d i c a t .Autant dire que, pour un copropriétaire lésé, il est pratiquement impossible d’obtenir de l’assemblée une modification de répartition decharges permettant de corriger l’irrégularité dont il est victime.

L’ACT I O N E N R É V I S I O NP O U R L É S I O N D E P L U S D U Q UA R T

C’est pourquoi, la loi du 10 juillet 1965 avaittout de même prévu en son article 12 une soupapede sûreté dans l’hypothèse d’une lésion mathé-matiquement caractérisée. Cet article offre ainsila possibilité à un copropriétaire de poursuivreen justice la révision de la répartition descharges « si la part correspondant à son lot est s u p é-r i e u re de plus d’un quart, ou si la part corre s p o n d a n tà celle d’un autre copro p r i é t a i re est inférieure de plusd’un quart, dans l’une ou l’autre des catégories dec h a rg e s, à celle qui résulterait d’une répartitionconforme aux dispositions de l’article 10 ».

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Mots Clés

•Charges

de copropriété

•Action en révision

•Action en nullité

* Cette étude dePatrick Baudouin,parue dans laGazette du Palaisdes 17 et 18 sep-tembre 2010, est reproduite iciavec les aimablesautorisations del’auteur et del’éditeur.

C o p r o p r i é t é

1 2 RE V U E D E L’ HA B I TAT - FÉ V R I E R 2011

Il est ajouté que, si l’action intentée est recon-nue fondée, le tribunal procède à la nouvellerépartition des charges.Toutefois, une limite importante est apportéeà cet exercice d’une action en révision pourlésion de plus du quart puisqu’elle doit impé-r a t i vement être introduite soit dans les cinqans de la publication du règlement de copropriétéau fichier immobilier, soit avant l’expirationd’un délai de deux ans à compter de la premièremutation du lot concerné à titre onéreux inter-venue depuis la publicationdu règlement de copropriétéau fichier immobilier. La relativebrièveté de ce délai a eu pourconséquence qu’au fil dut e m p s, depuis l’entrée envigueur de la loi du 10 juillet1965, de nombreux copro-priétaires se sont trouvés forclos pour agir en justice surle fondement de l’article 12.Une autre restriction tient aufait que le copropriétairedemandeur doit rapporter la preuve non passeulement d’une répartition manifestementinéquitable, mais d’une lésion de plus du quart,laquelle constitue un seuil conséquent. Ce n’estque lorsque cette condition est remplie que letribunal sera amené, en pratique après expertise,à procéder à la nouvelle répartition des charges.Cette nouvelle répartition prendra effet au jourdu jugement et n’aura donc pas d’effet rétroactif(Cass. 3e civ., 20 octobre 1981, n° 80-10708 ;Administrer, janv. 1982, p. 34, note Guillot - CAParis, 23e ch. B, 12 juin 2003 : AJDI 20 03, p. 771). Le copropriétaire lésé pourra simple-ment, le cas échéant, obtenir des dommages etintérêts pour résistance abusive du syndicat.

L’ACT I O N E N N U L L I T É D E R É PA R T I T I O ND E C H A R G E S I L L É G A L E

Une constatation s’impose : en dehors des casd ’ o u verture d’une action pour lésion de plus duquart, il existe des répartitions de charges qui,lésionnaires de plus du quart ou non, sont illégales en raison de leur non-conformité auxrègles d’ordre public de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965. Selon l’article 43 de cette loi,toutes clauses contraires aux dispositions, notam-ment, de l’article 10 « sont réputées non écrites », et la loi du 31 décembre 1985 a même ajouté unalinéa 2 à l’article 43 selon lequel : « Lorsque lej u g e, en application de l’alinéa 1e r du présent article,répute non écrite une clause relative à la répartitiondes charg e s, il procède à leur nouvelle répartition ».

� Dès lors, indépendamment de l’action enr é v i s i o n de l’article 12, la jurisprudence aadmis la possibilité d’une action permettantde remettre en cause une répartition decharges non conforme aux règles poséespar l’article 10 . Cependant, elle a, dans unpremier temps, soumis l’exercice d’une procé-

dure au délai de prescription de dix ans de l’ar-ticle 42, alinéa 1, de la loi de 1965, applicableaux actions personnelles entre des coproprié-taires ou entre un copropriétaire et le syndicat.Mais il est désormais bien établi, suite à plusieursd é c isions de la Cour de cassation, qu’une clauser é p u t é e non écrite étant censée n’avoir jamaisexisté, tout copropriétaire, de même que lesyndicat, peut, à tout moment, faire constaterl’absence de conformité de clauses de réparti-tion du règlement aux dispositions légales

( C a s s. 3e c i v., 1e r avril 1987, n° 85-15010 : Revue de d r o i ti m m o b i l i e r, 1988, p. 246, o b s.G i vord & Giverdon - Cass. 3e

c i v., 26 avril 1989, n° 87-18384 :Bull. civ. 1989 III, n° 93, p. 51).Alors que l’action en révisionse trouve enfermée dans desdélais stricts, l’action en nullité e s to u verte sans limitation de durée.

� Cette action en nullité apu être admise sans difficulté

pour les charges afférentes aux servicescollectifs et éléments d’équipement communlorsqu’en violation de l’article 10, alinéa 1,de la loi de 1965, il n’y a aucune prise encompte du critère de l’utilité. Ainsi en va - t - i lpar exemple pour la participation aux chargesd’ascenseur d’un lot situé au rez-de-chausséen ’ ayant aucune utilité de cet élément d’équi-pement. Il en est de même d’une répartition decharges d’ascenseur établie sans applicationd’aucun coefficient de progressivité entre lesétages (CA Pa r i s, 24 septembre 1982 : AJDI1984, p. 79).Pour les répartitions illicites des charges généralesde l’article 10, alinéa 2, relatives à la conserva t i o n ,à l’entretien et à l’administration des parties com-m u n e s, la jurisprudence a longtemps continué àprivilégier la seule possibilité de l’action en révision.Il n’en allait différemment que dans des cas bienp a r t i c u l i e r s, par exemple celui d’une participationd’un copropriétaire à des charges afférentes à desparties communes dans lesquelles il n’a aucundroit (CA Pa r i s, 24 juin 1981 : AJDI 1982, p. 99,note Bouye u r e ) .P u i s, une approche plus souple l’a emporté, et il aété admis que, lorsque le calcul des charges généralesa été effectué en méconnaissance des critères del’article 5, auquel renvoie l’article 10, alinéa 2, lesdispositions correspondantes du règlement decopropriété doivent être réputées non écrites.C’est le cas si la répartition a pris en considération,en violation de la loi, l’utilisation commercialedes lots (Cass. 3e c i v., 6 mars 1991, n° 89-16943 :Inf. rap. de la copr. 1991, p. 152, note Capoulade).

DI S T I N CT I O N E N T R E ACT I O NE N N U L L I T É E T ACT I O NE N R É V I S I O N

La frontière est parfois ténue entre les deux typesd’actions puisqu’il est constant que, dans les deux

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4

Le copropriétairedemandeur à une actionen révision doit rapporterla preuve non pas seulementd’une répartition mani-festement inéquitable,mais d’une lésion de

plus du quart

alors que la démonstration de la violation descritères légaux ouvre la voie à l’action en nullité.

• Mais, pour de nombreux cas d’espèce,cette distinction n’est pas si évidente. Dansles deux hypothèses, il y a en effet toujours unproblème de quantum au niveau de millièmesde charges dont le chiffre n’est pas correct. Or, si le quantum d’une répartition est erroné,c’est souvent parce qu’il n’est pas conforme auxcritères légaux. Néanmoins, pour qu’une actionen nullité prospère, il ne suffit pas d’établir unesimple comparaison entre la quote-part decharges attribuée à un lot par le règlement decopropriété et celle à laquelle aboutirait un calcul conforme à la loi. Cette évaluation comparée de la valeur relative des lots relèved’un litige portant sur le quantum des chargespour lequel est exclusivement autorisée l’actionen révision (CA Paris, 23e ch. B, 15 septembre20 05 : Ad m i n i s t r e r, févr. 2006, p. 39 - Cass. 3e c i v., 19 décembre 2006, n° 05 - 21252 : op. cit.) .Il a encore été jugé, de manière discutable, que l’action en rectification des surcharges entantièmes - surévaluation des charges par suited’erreurs de calculs et de pondération des cri-tères, ayant provoqué une lésion par rapport àla répartition des charges qui résulterait d’unerépartition conforme aux dispositions de l’article 10, incluant les critères de l’article 5 -entre exactement dans la définition de l’article 12de la loi du 10 juillet 1965. Cette action s’ana-l yse en une action en révision prévue par cet e x t e, et elle est, dès lors, enfermée dans lescourts délais de cinq ans à compter de la publi-cation du règlement de copropriété et de deux ans à compter de la première mutation(CA Paris, 23e ch. B, 3 avril 2008 : Loyers etcopropriété 2008, comm. 227). Or, l’enjeu estd’autant plus important que, la plupart dutemps, la prescription sera encourue pour uneaction qualifiée d’action en révision.

• Dans un tel contexte, et en l’état actuel dela jurisprudence, le deman-deur qui souhaite voir a b o u-tir son action sur le fondementde la nullité de la répartitiondes charges, devra donc s’attacher particulièrement àconvaincre la juridiction saisie de l’absence de respectdes critères légaux. C e t t edémonstration est souve n t plussimple pour le critère d’utilitéque pour les critères cumulatifsdes millièmes de charges géné-r a l e s, qui sont aussi presquetoujours ceux du calcul des mil-lièmes de copropriété. Il faudra

donc bien prouve r, en analysant la compositiondes divers lots d’un immeuble en copropriété,qu’il n’a pas été tenu compte de la consistance( vo l u m e, hauteur de plafond…), de la situation(étage, orientation…) et/ou de la superficie duou des lots lésés, ou encore, à l’inverse, qu’a étéprise en compte à tort l’utilisation, par exemple

hy p o t h è s e s, la motivation de l’action est le coûttrop élevé de charges supporté par un ou plusieursc o p r o p r i é t a i r e s. Il appartient donc au demandeurà l’instance d’être particulièrement vigilant quantà la nécessité de justifier du fondement précis deson action.

� L’action en révision concerne en principeles cas où la répartition des charges a bien étécalculée en fonction des critères légaux, maisde façon erronée. Pour la ventilation descharges générales de l’article 10, alinéa 2, lescritères de consistance, superficie, situation deslots - sans égard à leur utilisation - auront bienété respectés, mais il y aura eu, par exemple,une erreur dans le calcul de la superficieconduisant à une répartition lésionnaire deplus du quart (Cass. 3e civ., 19 décembre 2006,n° 05-21252 : Administrer, mars 2007, p. 54,obs. Bouyeure). Pour les charges des élémentsd’équipement commun de l’article 10, alinéa 1,il s’agira par exemple aussi, lorsque des frais dechauffage collectif sont établis en fonction dela surface pondérée des lots, d’une erreur commise dans le mesurage des superficies. Ilest alors considéré que l’action concernant nonpas la légalité de la répartition des charges,mais un calcul erroné de coefficient de pondé-ration, s’analyse en une action en révision( C a s s. 3e c i v., 12 janvier 2000, n° 98-16848 :Ad m i n i s t r e r, mars 2000, p. 34, obs. Capoulade).

� L’action en nullité porte au contraire surune contestation de répartition dont les basesde calcul ne sont pas conformes aux critèresd’ordre public de l’article 10 de la loi du 10juillet 1965. La Cour de cassation a eu l’occasionde rappeler cette règle dans un arrêt relatif auxdeux catégories de charges (Cass. 3e c i v., 22 octobre2008, n° 08-81226 : Administrer, janv. 2009,p. 47, obs. Bouyeure). Elle a ainsi considéréqu’une cour d’appel a retenu à bon droit, sansi n voquer une quelconque erreurm a t é r i e l l e, que les stipulationsdu règlement de copropriétéconcernant l’affectation desmillièmes « e s c a l i e r » et « ascenseur » ne respectant pasle critère d’utilité de l’alinéa1e r de l’article 10, ces clausesd e vaient être réputées noné c r i t e s. La Cour suprême aégalement estimé qu’aya n trelevé que les clauses du règlement de copropriété relatives aux charges généralesne respectaient pas les dispo-sitions de l’alinéa 2 de l’article10, la cour d’appel en a exactement déduitqu’elles deva i e n t être réputées non écrites enapplication de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965.

� En résumé, la jurisprudence retient qu’enprésence d’une erreur mathématique, purementm a t é r i e l l e, seule l’action en révision est ouve r t e,

RE V U E D E L’ HA B I TAT - FÉ V R I E R 2011 1 3

C o p r o p r i é t é

Le demandeur qui souhaite voir aboutir

son action sur le fondementde la nullité de la répartitiondes charges devra donc

s ’ a t t a c her particulièrementà convaincre la juridiction

saisie de l’absence derespect des critères

légaux

C o p r o p r i é t é

c o m m e r c i a l e, de certains lots. Le requérantaura généralement avantage à consulter, avantintroduction de sa procédure, un expert spécialiséen copropriété dont il pourra ensuite utiliser l’av i s,si celui-ci est favo r a b l e, devant le tribunal.C’est très exactement selon ce schéma qu’il a étéjugé que, lorsque le demandeur se prévaut, preuveà l’appui, d’une absence de prise en compte descritères de consistance, superficie et situationdes lots, ainsi que d’une discrimination au préjudice de ses locaux commerciaux, l’actions ’ a n a l yse bien en une action en nullité, sur lefondement de l’article 43 de la loi du 10 juillet1965, non soumise au court délai de l’article 12(CA Pa r i s, 23e ch. B, 20 décembre 20 07 : AJDI2008, p. 218 ; dans le même sens : CA Pa r i s, 23e

ch. B, 23 octobre 2008, inédit : Liébault c/ COP70 rue Saint-Dominique, 750 07 Pa r i s ) .

CO N S É Q U E N C E D U B I E N-F O N D ÉD’U N E ACT I O N E N N U L L I T É

� Comme le prévoit l’article 43, alinéa 2, dela loi du 10 juillet 1965 modifié, le juge quiannule une répartition de charges irrégulièrea le droit, et même le devoir, de procéderà la nouvelle répartition rendue nécessaire(Cass. 3e civ., 30 janvier 2008, n° 06-19773 :Administrer, mai 2008, p. 66, obs. Bouyeure).Il faut toutefois préciser que les situations sontdifférentes selon la nature de la contestation :tantôt il suffira de déclarer non écrite une clause reconnue illicite du règlement de copro-priété, tantôt il pourra être procédé par voie deretranchement en diminuant ou supprimant unequote-part de charges, tantôt il y aura lieu derefaire tout un tableau de répartition de charges.

� La question complémentaire est celle desavoir si la nouvelle répartition ne joue quepour l’ave n i r ou si elle présente un caractèrer é t r o a c t i f .Comme pour l’action en révision, il a été long-temps admis que la décision judiciaire n’étaitpas rétroactive dans le cadre d’une action ennullité. Pour la période antérieure, les copro-priétaires demeuraient donc tenus au paiementde charges sur les bases anciennes illicites.Cette jurisprudence a été remise en cause par deux arrêts de la Cour de cassation (Cass. 3e

c i v., 9 juin 1999, n° 98-10 8 01 : Loyers et copro-priété, 1999, comm. 226 - Cass. 3e c i v., 20décembre 2000, n° 99-16059 : Bull. civ. 2000, III,n° 198, p. 137). To u t e f o i s, la plupart des juridic-tions du fond ont résisté et refusé de reconnaîtrecet effet rétroactif (CA Ve r s a i l l e s, 4e ch., 21 mars2004 : Ad m i n i s t r e r, juill. 2004, p. 36, obs. Bouye u r e- CA Pa r i s, 23e ch. B, 17 janvier 20 02 : Loyers etcopropriété, 20 02, comm.192, note Vigneron).La Cour de cassation a cependant confirmé,depuis lors, à plusieurs reprises, que lorsqu’uneclause du règlement concernant la répartitiondes charges est réputée non écrite, cette clauseest censée n’avoir jamais existé, ce qui impliquela rétroactivité (Cass. 3e c i v., 2 mars 20 05,

n° 03 - 1 6 7 31 : Ad m i n i s t r e r, juin 20 05, p. 43,note Bouyeure - Cass. 3e c i v., 27 septembre 20 05 ,n° 03 - 1 2 4 02 : Loyers et copropriété, 20 05 ,comm. 229, obs. Vigneron). Il en résulte que lescopropriétaires dont l’action en nullité est reconnuefondée peuvent obtenir le remboursement dessommes qui ont été indûment versées - dans lalimite des dix années de la prescription de l’article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965.Mais il y a lieu de souligner que cette juris-prudence de la Cour de cassation demeurec o n t r oversée et, en doctrine, certains auteursen limitent la portée. Elle ne semble en toutcas pas encore avoir convaincu certains jugesdu fond. La cour d’appel de Paris a ainsi estimé qu’en présence d’une clause réputéenon écrite étant censée n’avoir jamais existé, lecopropriétaire ne peut obtenir le rembourse-ment de charges réclamé en application d’uneclause illicite (CA Pa r i s, 23e ch., 30 octobre 2008 :L oyers et copropriété, 20 09, comm. 69, obs.Vigneron). Il est vrai que peu après, la mêmecour d’appel a statué en sens inverse… (CA Pa r i s,2 3e ch., 14 mai 20 09 : AJDI 20 09, p. 800).

� Telle est donc la situation actuelle auregard des actions envisageables pour lesc o p r o p r i é t a i r e s subissant une répartitionde charges illicites. Ces copropriétaires demeurentconfrontés à diverses difficultés. La premièretient naturellement au fait qu’en raison del’unanimité exigée, il est pratiquement impossibled’obtenir amiablement en assemblée généralede la copropriété une modification de la répar-tition irrégulière. La seconde réside dans lacomplexité, l’incertitude, la longueur, ou encorele coût d’une procédure qui, lorsque le cap dela recevabilité est franchi, nécessite le recours àune mesure d’expertise ordonnée aux fraisavancés du demandeur. Même si l’introductiond’une possibilité d’action en nullité a permisde remédier partiellement à l’impasse résultantdu nombre très limité de cas où l’action enrévision est receva b l e, cette action en nullitéparaît rester soumise à des conditions tropstrictes et aléatoires. Il serait donc souhaitabled’opérer une clarification, et d’admettre pluslargement le défaut de respect des critèreslégaux sans opposer constamment cette notion,dans des querelles apparemment byzantines, àcelle d’erreurs sur le q u a n t u m, alors qu’ellessont le plus souvent indissociables. �

1 4 RE V U E D E L’ HA B I TAT - FÉ V R I E R 2011

Il existe une alternative à la voie juridique classique pour

modifier la répartition des charges de copropriété : il

s’agit du recours à un arbitre. Cette solution, qui évite

l’assignation devant le TGI, doit être autorisée par

l’assemblée générale à la majorité de l’article 24.

Nous re v i e n d rons sur ce procédé original de traitement

des litiges dans un prochain numéro .

M O D I F I C ATION DE LA RÉPARTITION

DES CHARGES DE COPROPRIÉTÉ :

LE RECOURS À L’ A R B I T R A G E

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