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Études
Le régime des produits et charges de la propriété industrielle 1
Philippe Oudenot,
professeur associé à l'université de Bordeaux
La loi de finances pour 2019 a profondément modifié le régime fiscal de la propriété
industrielle qui a donné lieu à des commentaires de l'Administration ayant fait l'objet
d'une consultation publique du 17 juillet au 15 septembre 2019. La publication au
BOFiP des commentaires définitifs de l'Administration le 22 avril 2020 donne l'occasion
d'expliquer les principaux mécanismes résultant de la mise en œuvre de ce dispositif.
1. - Suite aux recommandations de l'Union européenne et de l'OCDE 2, la loi de finances pour
2019 3 a profondément modifié le régime fiscal applicable à la propriété industrielle.
Aujourd'hui, les revenus de la propriété industrielle et des logiciels protégés par le droit
d'auteur perçus par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés 4 sont soumis à l'impôt au
taux de 10 % alors qu'ils étaient imposés, mais avec un champ différent, au titre des exercices
ouverts avant le 1er janvier 2019 au taux de 15 %. Corrélativement, l'assiette soumise à ce taux
a été doublement réduite : d'une part, les charges supportées afférentes aux actifs générant des
revenus imposés à ce taux réduit ne sont plus déductibles de l'impôt sur les sociétés au taux de
droit commun ; d'autre part, seule la quote-part des revenus réputée provenir des dépenses de
recherche et développement engagées par la société ou confiées à des sociétés n'appartenant
pas à son groupe est effectivement soumise à l'impôt sur les sociétés au taux de 10 %.
Compte tenu de la complexité de ce régime, une société doit exercer une option pour en
bénéficier (1). Lorsque la société appartient à un groupe fiscal, l'option est exercée par la
société tête de groupe et les règles fiscales applicables aux sociétés imposées séparément sont
transposables sous réserve de quelques aménagements destinés à faire en sorte que le groupe
fiscal soit considéré pour l'application de ces dispositions comme une seule entreprise (2).
1. La société est imposée séparément
2. - Les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent dans certaines conditions
bénéficier du taux réduit de l'impôt sur les sociétés de 10 % à raison de certains revenus de la
propriété industrielle, ce qui nécessite de délimiter tout d'abord le champ d'application du
dispositif (A). L'imposition au taux de 10 % se fait en exerçant une option, qui peut être
différenciée selon les actifs (B). Le résultat de cet actif est alors déterminé selon des
conditions particulières complexes (C). Il leur faut alors se soumettre à d'importantes
obligations documentaires (D).
1 Extrait de Fiscalité approfondie des sociétés, Ph. Oudenot, Lexisnexis, à paraître. 2 V. OCDE, Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables en prenant en compte la
transparence et la substance, Action 5 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base
d'imposition et le transfert de bénéfices : Éditions OCDE, 2016. 3 L. n° 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 37 : Dr. fisc. 2019, n° 1-2, comm. 21, note P. Fumenier. 4 Mais également les entreprises individuelles et depuis l'entrée en vigueur de l'article 50 de la loi de finances
pour 2020 les sociétés de personnes dès lors que ces dernières sont détenues par des personnes redevables de
l'impôt sur les sociétés ou des personnes physiques participant à leur exploitation.
A. - Le champ d'application du dispositif
1° Les actifs éligibles
3. - Aux termes de l'article 238 du CGI, les concessions, les sous-concessions et les cessions
de certains droits de la propriété industrielle peuvent sur option bénéficier, sous certaines
conditions, d'un taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 10 % en application de
l'article 219, I, a du même code. Entrent dans le champ d'application de ce régime 5 :
- les brevets 6 ;
- les certificats d'obtention végétale ;
- les procédés de fabrication industriels qui doivent, aux termes du 4°du 1 de l'article 238 du
CGI, satisfaire à trois conditions : (i) constituer le résultat d'opérations de recherche, (ii) être
l'accessoire indispensable de l'exploitation d'un brevet et (iii) être cédés ou concédés
simultanément au brevet ou à l'invention brevetable dont ils sont l'accessoire et aux termes du
même contrat que celui-ci ;
- les logiciels protégés par le droit d'auteur. Ce qui est susceptible de poser des difficultés
dans la mesure où, d'une part, le Code de la propriété intellectuelle ne définit pas le logiciel et
d'autre part, la protection du droit d'auteur, qui suppose une œuvre « originale » ne requiert
pas de formalité particulière 7.
En revanche, les concessions ou cessions de marques, de savoir-faire, de dessins ou modèles
ne peuvent bénéficier de ce taux réduit. Il en va en principe de même des inventions
brevetables non brevetées, sauf si elles appartiennent à une PME, qu'elle soit indépendante ou
membre d'un groupe dès lors notamment 8 que le chiffre d'affaires qu'elle réalise ou celui de
son groupe n'excède pas 50 millions d'euros au niveau mondial.
4. - Pour que l'entreprise puisse bénéficier du taux réduit, les actifs faisant l'objet d'une de ces
opérations doivent, aux termes du 1er alinéa du I de l'article 238, présenter le caractère
d'actifs incorporels immobilisés. Un actif incorporel qui ne figurerait pas au bilan de
l'entreprise car les frais de R & D ayant permis sa création auraient été passés en charges
pourra donc bénéficier de ce régime 9.
2° Les opérations éligibles
5 On se reportera utilement aux commentaires de la doctrine administrative sur le champ d'application de ce
régime, V. BOI-BIC-BASE-110-10, 22 avr. 2020, § 1 et s. 6 L'Administration admet que puissent également bénéficier de ce régime les brevets en cours de délivrance à la
condition toutefois que le brevet soit délivré dans les 3 ans à compter de la date d'option pour le régime de
l'article 238 du CGI, V. BOI-BIC-BASE-110-10, 22 avr. 2020, § 30. 7 On lira avec grand intérêt C. Silberztein et R. Bricard, Réforme des modalités d'imposition des produits de
propriété industrielle : un environnement fiscal international complexe, des opportunités pour les logiciels : Dr.
fisc. 2019, n° 9, étude 172. 8 Il est en outre nécessaire d'une part, que la brevetabilité ait été certifiée par l'INPI, et d'autre part, que le chiffre
d'affaires provenant des actifs entrant dans le champ d'application de ce régime soit inférieur à 7,5 millions
d'euros par an. 9 BOI-BIC-BASE-110-20, 22 avr. 2020, § 1.
5. - Le régime dérogatoire s'applique aux opérations de concessions de licences d'exploitation,
de sous-concessions et de cessions des actifs éligibles mentionnés ci-dessus.
Rappelons qu'un contrat de concession permet au titulaire de l'invention juridiquement
protégée d'en transférer la jouissance du droit d'exploitation au licencié moyennant
redevances. L'Administration admet cependant que les redevances de licences en provenance
d'un État dans lequel l'invention n'est pas juridiquement protégée puissent bénéficier de ce
régime dès lors qu'un brevet ou un certificat d'utilité a été déposé en France ou dans l'Union
européenne ou dans l'Espace économique européen 10.
L'hypothèse de la sous-concession vise le cas où le concessionnaire, qui tient lui-même ses
droits du contrat de licence d'exploitation que lui a octroyé le concédant, sous-concède au
sous-concessionnaire tout ou partie des droits qu'il tient du contrat de concession.
La cession d'un actif éligible ne peut bénéficier de l'imposition au taux réduit que si deux
conditions supplémentaires sont réunies :
- d'une part, l'actif doit avoir été acquis depuis au moins deux ans à la date de la cession,
- d'autre part, il ne doit pas exister de lien de dépendance entre les entreprises cédante et
cessionnaire au sens de l'article 39, 12 du CGI 11. En conséquence, une cession entre sociétés
d'un même groupe ne permettra pas de bénéficier de ce régime de faveur.
3° Les dépenses éligibles
6. - Sont concernées « les dépenses de recherche et de développement ou d'acquisition en lien
direct avec la création, l'acquisition ou le développement de l'actif incorporel » en cause.
L'article 238 du CGI ne donne pas de définition des dépenses de recherche et développement ;
il ne renvoie pas non plus à celle retenue pour bénéficier du crédit impôt recherche.
L'Administration a commenté cette disposition 12 en indiquant qu'il convenait de prendre en
compte les dépenses de personnel de recherche, des matières premières utilisées, des dépenses
d'acquisition d'installations techniques, de matériels et outillages nécessaires à l'activité de
recherche ainsi que les dépenses d'acquisition d'un actif éligible. Il y a lieu également de tenir
compte des dépenses provenant de l'externalisation des travaux de R & D.
B. - Le régime est optionnel
7. - Lorsque ces conditions sont satisfaites, les concessions de licence, les sous-concessions de
licence et les cessions de ces droits remplissant les conditions ci-dessus peuvent bénéficier de
ce régime dérogatoire. Mais compte tenu de la complexité du régime et des incidences qu'elle
emporte sur la déduction des dépenses de recherche et développement, ce régime est
optionnel. L'entreprise dispose d'une grande latitude pour déterminer le périmètre de l'option
puisqu'elle est libre, d'une part, de choisir les actifs pour lesquels elle entend se prévaloir de
ce régime et, d'autre part, la date à laquelle l'option prend effet pour chacun de ces actifs. 10 BOI-BIC-BASE-110-10, 22 avr. 2020, § 290. 11 CGI, art. 39, 12 : « Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises :
a-lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce
en fait le pouvoir de décision ;
lorsqu’elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d'une même tierce
entreprise ». 12 BOI-BIC-BASE-110-30, 22 avr. 2020, § 80.
Nous verrons ci-après que la latitude donnée à l'entreprise pour choisir la date d'option n'est
pas sans conséquence sur les modalités d'imposition du résultat provenant de la gestion ou de
la cession de cet actif.
Aux termes du V de l'article 238 du CGI, l'option est en principe formulée pour chaque actif
(un brevet par exemple). Il est toutefois possible d'exercer l'option pour un bien ou un service
ou une famille de biens ou services lorsque la société justifie de l'impossibilité d'assurer un
suivi actif par actif. En effet, lorsque plusieurs actifs sont nécessaires à la mise au point d'un
bien ou service (telle que la formule d'un médicament), voire d'une famille de produits ou
services (les versions successives d'un logiciel), il est parfois très difficile de dissocier actif
par actif les dépenses de recherche et développement ou les revenus correspondants 13.
L'option exercée au titre d'un exercice déterminé portant sur un actif, un bien, un service ou
une famille de biens, de services oblige l'entreprise à remplir une annexe à la déclaration de
résultat de chacun des exercices suivants sur laquelle devra figurer le calcul du résultat net et
du ratio Nexus pour chaque actif, bien, service ou famille de biens, de services. Le non-
respect de cette obligation déclarative « constitue une déchéance de l'option » 14 qui fait
perdre définitivement à l'entreprise le bénéfice de ce régime dérogatoire. Le non-respect de
cette obligation déclarative annuelle pour un actif déterminé, un bien, un service ou une
famille de biens, de services permet donc de ne plus appliquer le régime à ce dernier.
C. - Les modalités d'imposition du résultat
8. - La détermination du résultat imposable au taux de 10 % implique de procéder en deux
temps : tout d'abord en déterminant le résultat net procuré par l'actif visé par l'option (1°) puis
en appliquant à celui-ci un rapport d'assujettissement à ce taux réduit, également appelé ratio
Nexus (2°).
1° La détermination du résultat net de la concession, sous-concession ou cession de l'actif
incorporel
9. - Ce résultat net n'a évidemment pas à être calculé tant que l'option pour ce régime n'a pas
été exercée. Mais une fois cette dernière effectuée, il ne devra l'être qu'à partir du moment où
cet actif produit des revenus provenant de la concession ou de la sous-concession de celui-ci
ou un produit exceptionnel du fait de sa cession. En principe, le résultat net se calculant
exercice par exercice, il conviendra de prendre en compte les revenus acquis au titre de
chaque exercice et de soustraire de ceux-ci les dépenses de R & D engagées au titre du même
exercice relatives à cet actif ainsi que les coûts générés pour l'avoir acquis ou l'avoir pris en
concession. En conséquence, puisque le taux réduit de 10 % s'applique à un revenu net de
dépenses de recherche et développement, cela signifie que ces dernières ne sont plus
déductibles du résultat imposable au taux de droit commun mais de l'impôt sur les sociétés au
taux de 10 %. Toutefois, en cas de résultat net négatif, il demeurera déductible au taux de
droit commun mais viendra réduire les années suivantes le résultat positif soumis au taux
réduit, et c'est ce résultat net positif qui devra être déduit du résultat fiscal soumis au taux de
droit commun.
Exemple 1
13 L'Administration fournit deux autres exemples montrant jusqu'à quel point peuvent se regrouper les actifs ou
les produits, V. BOI-BIC-BASE-110-20, 22 avr. 2020, § 100. 14 BOI-BIC-BASE-110-20, 22 avr. 2020, § 170.
La « tunnellisation » des dépenses de recherche et développement (1)
Une société française a engagé des dépenses de R & D qui lui ont permis de déposer un
brevet. Au titre de l'exercice N, elle le donne en concession et perçoit des redevances de 100
mais supporte des dépenses de R & D afférents à ce brevet de 40. Elle a exercé l'option pour
le régime dérogatoire au titre de N.
Quelles sont les étapes que doit effectuer le fiscaliste ?
Le résultat net de cette opération (60) sera donc soumis à l'impôt sur les sociétés au taux
réduit.
On s'aperçoit ainsi que les revenus (100) ont été imposés dans le secteur à 10 % et que les
dépenses de R & D (40) ont été déduites du résultat imposable à ce taux et non de l'impôt sur
les sociétés au taux de droit commun.
10. - Par exception, l'article 238, II, 1 du CGI dispose que le résultat net du premier exercice
doit être déterminé en soustrayant des revenus de cet exercice l'ensemble des dépenses de R &
D engagées non seulement au titre de cet exercice mais également celles réalisées
« antérieurement au cours des exercices ouverts à compter de la date à laquelle l'option pour
le présent régime est exercée ».
La mise en œuvre de ce mécanisme dit de « recapture » n'est pas sans soulever une difficulté
d'interprétation quant à son application temporelle qui peut être illustrée par l'exemple
suivant : supposons que la société exerce l'option pour ce régime au titre de l'exercice qui
clôture le 31 décembre N. Cette option devra donc être effectuée lors de la déclaration de
résultat de cet exercice, soit en mai N + 1. L'exercice ouvert à compter de cette date étant
celui débutant le 1er janvier N + 2, l'interprétation littérale conduit à ne prendre en compte que
les dépenses exposées à compter de l'exercice N + 2. Ce n'est pas toutefois l'interprétation
retenue par l'Administration puisque celle-ci considère qu'il convient de retenir les dépenses
engagées « au cours des exercices ouverts à compter de l'exercice au titre duquel l'option pour
cet actif ou ce groupe d'actifs a été exercée » 15. Selon le BOFiP, les dépenses engagées à
compter de l'exercice N viendront en diminution des revenus soumis au taux de 10 %. Nous
faisons nôtre cette analyse qui semble correspondre à la volonté du législateur, comme en
15 BOI-BIC-BASE-110-30, 22 avr. 2020, § 140.
témoigne d'ailleurs le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui
indique : « Il s'agit toutefois d'une lecture littérale du dispositif. Il est probable - et
particulièrement souhaitable dans un souci d'intelligibilité - que, dans le cadre de son
application par l'Administration, une souplesse correspondant à l'intention manifeste du
Gouvernement et du législateur prolongera la « recapture » jusqu'à l'exercice concerné par
l'option » 16.
Quelles sont les conséquences de ce mécanisme de « recapture » ?
11. - Il conduit à calculer le résultat net au taux de 10 % en déduisant au titre du premier
exercice au cours duquel la gestion de l'actif procure des revenus l'ensemble des dépenses de
R & D engagées depuis l'ouverture de l'exercice au titre duquel l'option a été exercée.
12. - Quelles sont les incidences sur les charges précédemment déduites du résultat imposable
au taux de droit commun ? Elles ne sont pas forcément aisées à appréhender et ce d'autant que
la lecture de la doctrine administrative selon laquelle « les dépenses ainsi déduites des revenus
(des actifs pour lesquels l'option a été exercée) restent déductibles pour la détermination du
résultat imposable au taux de droit commun » 17 peut semer le trouble chez le lecteur non
averti. Examinons les conséquences par l'exemple ci-après :
Exemple 2
La « tunnellisation » des dépenses de recherche et développement (2)
Une société française a engagé au titre de l'exercice N-1 50 de dépenses de R & D qui lui ont
permis de déposer un brevet. Elle a exercé l'option pour le régime dérogatoire au titre de
l'exercice N-1.
Au titre de l'exercice N, elle l'a donné en concession, a perçu des redevances de 100 et a
supporté des dépenses de R & D afférentes à ce brevet de 40.
Quelles sont les conséquences sur le résultat imposable au taux de droit commun et sur celui
imposable au taux de 10 % ?
16 Rapp. AN n° 1302, commission des finances, t. 2, p. 486. 17 BOI-BIC-BASE-110-30, 22 avr. 2020, § 70.
On s'aperçoit ainsi que les dépenses de R & D qui ont été déduites du résultat imposable au
taux de droit commun de l'exercice N-1 (lorsqu'il n'y avait pas de revenus du brevet) viennent
en augmentation du résultat imposable au taux de droit commun de l'exercice N pendant
lequel la société perçoit des redevances.
Conformément à la doctrine administrative précitée, aucune réintégration des dépenses de R
& D n'a donc effectivement lieu d'être effectuée.
13. - Lorsque le montant des redevances perçues au titre du premier exercice est insuffisant
pour couvrir les charges de cet exercice et celles prises en compte en application du
mécanisme de « recapture », le résultat net déficitaire dégagé dans le secteur imposable au
taux de 10 % ne peut qu'être reporté sur les résultats bénéficiaires ultérieurs imposables à ce
taux de l'actif en cause.
Exemple 3
La « tunnellisation » des dépenses de recherche et développement (3)
Une société française a engagé au titre de l'exercice N-1 80 de dépenses de R & D qui lui ont
permis de déposer un brevet. Elle a exercé l'option pour le régime dérogatoire au titre de
l'exercice N-1.
Au titre des exercices N et N + 1, elle l'a donné en concession. Au titre de chacun de ces
exercices, elle a perçu des redevances de 100 et supporté des dépenses de R & D afférentes à
ce brevet s'élevant respectivement à 40 et 50.
Quelles sont les conséquences sur le résultat imposable au taux de droit commun et sur celui
imposable au taux de 10 % ?
Les dépenses de R & D déduites du résultat imposable au taux de droit commun (80) venant
en diminution du résultat imposable à 10 % au titre des exercices suivants, le résultat
imposable au taux de droit commun se trouve augmenté d'autant (à hauteur de 60 en N et 20
en N + 1). En conséquence, les charges de R & D n'auront finalement pas été déduites sur la
période.
14. - Les sociétés, dans la mesure du possible, ont donc intérêt à exercer l'option à une date à
laquelle elles commencent à percevoir les revenus provenant de la concession de l'actif
incorporel.
Exemple 4
L'intérêt de retarder la date d'option
Reprise de l'exemple 2 mais cette fois la société a exercé l'option pour le régime dérogatoire
au titre de l'exercice N.
Rappel des données : une société française a engagé au titre de l'exercice N-1 50 de dépenses
de R & D qui lui ont permis de déposer un brevet.
Au titre de l'exercice N, elle l'a donné en concession, a perçu des redevances de 100 et a
supporté des dépenses de R & D afférentes à ce brevet de 40.
Quelles sont les conséquences sur le résultat imposable au taux de droit commun et sur celui
imposable au taux de 10 % ?
L'option au titre de l'exercice N permet donc de déduire les dépenses de R & D antérieures à
cet exercice du résultat soumis à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun alors que
nous avons vu dans l'exemple 2 que l'option au titre de N-1 conduisait à ce que les charges de
N-1 ne puissent être déduites du résultat imposable au taux de droit commun.
2° L'application du ratio Nexus
15. - Les sommes effectivement soumises au taux réduit sont égales au montant du résultat net
de concession, sous-concession ou cession de chaque actif dans la proportion du rapport
d'assujettissement à ce taux, également dénommé ratio Nexus par référence à l'appellation
retenue dans l'action 5 du plan BEPS élaboré dans le cadre des travaux de l'OCDE.
Quel est l'objet de ce ratio ? Permettre « à un contribuable de bénéficier d'un régime de la
propriété intellectuelle dans la seule mesure où ledit contribuable a lui-même engagé les
dépenses de recherche et développement autorisées ayant généré les revenus de la propriété
intellectuelle » 18.
En d'autres termes, puisque les États ont instauré des régimes de faveur en matière de
propriété intellectuelle « ayant vocation à encourager les activités de R & D et à stimuler
l'emploi et la croissance », il convient de « s'assurer que les contribuables bénéficiant de ces
régimes se trouvent bien à la source desdites activités et ont engagé des dépenses réelles à
l'égard de celles-ci » 19.
16. - Ce ratio consiste donc à calculer la proportion des dépenses de recherche et
développement que l'entreprise a elle-même effectuées par rapport à l'ensemble des dépenses
de R & D qu'elle a supportées pour rémunérer des travaux de recherche et développement
réalisés par d'autres sociétés.
Toutefois, parce qu'une entreprise ne peut pas souvent effectuer elle-même tous les travaux de
recherche et développement exigés par le développement d'un projet, le recours à la sous-
traitance ou à l'externalisation de ces derniers n'est pas considéré comme un facteur de nature
à réduire la portée du régime préférentiel à la condition toutefois que les entreprises à qui il
est fait appel ne soient pas des entreprises liées au sens du 12 de l'article 39 du CGI, c'est-à-
dire en pratique des entreprises appartenant au même groupe. En d'autres termes, ce qu'a
voulu éviter le législateur est qu'une entreprise puisse bénéficier du taux réduit à raison d'un
revenu net de charges provenant d'un actif éligible (brevet, logiciels, etc.) alors qu'elle n'aurait
pas elle-même effectué (directement ou par l'intermédiaire de sous-traitants indépendants) des
dépenses de recherche et développement.
17. - Contrairement au résultat net de concession, de sous-concession ou de cession de chaque
actif qui doit être calculé en retenant les produits et charges de l'exercice considéré, le ratio
Nexus est calculé, au titre de chaque exercice, en prenant en compte le cumul des charges
engagées depuis l'origine du projet (et non depuis l'exercice au titre duquel l'option a été
exercée). Si le législateur avait limité temporellement les dépenses à la date de prise d'effet de
l'option, il aurait pu en résulter « des pratiques abusives consistant à n'exercer l'option qu'une
fois toutes les dépenses externalisées auprès d'entreprises liées, conduisant à un gonflement
artificiel du ratio » 20. Toutefois, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui auraient eu
recours à la sous-traitance auprès d'autres sociétés du groupe avant l'entrée en vigueur de la
loi 21 puisqu'antérieurement ce recours n'emportait pas de conséquence fiscale défavorable,
l'article 238, III, 2 du CGI autorise les entreprises qui le souhaitent à ne retenir que les
dépenses réalisées au cours des deux derniers exercices pour les exercices ouverts en 2019
18 V. OCDE, Lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la
transparence et la substance, Action 5 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base
d'imposition et le transfert de bénéfices, préc., p. 9 et 10. 19 V. Ibid. 20 Rapp. AN n° 1302, préc., p. 490. 21 Exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019.
et 2020 et celles réalisées au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 pour les
exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.
18. - Ce rapport d'assujettissement se calcule en faisant figurer :
● au numérateur :
- les dépenses de recherche et de développement « en lien direct avec la création et le
développement de l'actif incorporel » réalisées directement ou sous-traitées auprès de sociétés
n'appartenant pas au groupe ;
- majorées de 130 %.
Il en résulte que ne peuvent figurer au numérateur, non seulement les dépenses de recherche
et développement effectuées auprès des entreprises liées, mais également les coûts
d'acquisition d'actifs incorporels (tels qu'un brevet). Il en va d'ailleurs de même des
redevances de concession versées au titulaire des droits de propriété intellectuelle en cas de
sous-concession de l'actif en cause. En conséquence, lorsque l'entreprise n'a pas réalisé de
dépenses de recherche et développement, directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise
sous-traitante sans lien avec elle, le ratio Nexus est égal à zéro. En conséquence, lorsqu'une
société, après avoir acquis un actif éligible ou l'avoir pris en concession, ne réalise pas de
travaux de recherche et développement, les produits liés à cet actif ne peuvent être imposés au
taux réduit de 10 %.
Exemple 5
L'imposition des redevances de sous-concession
Une société américaine A concède une licence d'exploitation de brevet à sa filiale française B
moyennant le paiement d'une redevance annuelle de 80 000 €. La société française sous-
concède cette licence à sa filiale C qui lui verse une redevance annuelle de 100 000 €.
À titre liminaire, notons qu'à la différence des opérations de cession, une sous-concession à
une société du même groupe n'est pas de nature à empêcher l'application du régime
dérogatoire.
1 - Détermination du résultat net :
Redevances perçues - redevances versées : 100 000 - 80 000 = 20 000
2 - Calcul du ratio Nexus :
3 - Résultat net soumis au taux réduit :
Le résultat net de la sous-concession ne pourra pas bénéficier du taux réduit de 10 %. Cette
conséquence est cohérente avec les principes retenus par l'OCDE transcrits dans notre
législation : la société n'ayant pas elle-même engagé de dépenses de R & D puisqu'elle se
contente de prendre un brevet en licence et de le sous-concéder, elle ne contribue pas à
développer les activités de recherche et développement en France.
● au dénominateur :
- l'ensemble des dépenses figurant au numérateur ;
- les dépenses de R & D sous-traitées à des sociétés du même groupe 22 ;
- les redevances de concession dont l'entreprise supporte la charge ;
- les coûts d'acquisition d'actifs incorporels.
Exemple 6
La détermination du ratio Nexus
Une société française a engagé au titre des exercices N-1, N et N + 1 un montant global de
dépenses de recherche et développement qui s'élèvent respectivement à 80, 40 et 50 afin se
mettre un point un nouvel actif éligible.
Parmi ces dépenses, figurent d'une part, des dépenses de sous-traitance auprès d'une autre
société du groupe (20 par exercice) et d'autre part, des redevances de concession d'un brevet
(10 par exercice).
Elle a exercé l'option pour le régime dérogatoire au titre de l'exercice N.
Le ratio Nexus se calcule comme suit :
22 Il s'agit plus précisément des entités liées au sens du 12 de l'article 39 du CGI.
19. - Enfin, le législateur a prévu une clause de sauvegarde aux termes de laquelle l'entreprise
peut remplacer le ratio Nexus par un rapport de remplacement. Toutefois, ce dernier ne
devrait jouer que très rarement puisque le 3 du III de l'article 238 du CGI subordonne son
application à l'obtention d'un agrément ministériel qui ne peut être sollicité qu'à raison « de
circonstances exceptionnelles ».
3° L'imposition au taux réduit de 10 %
20. - Nous avons vu précédemment que lorsque le résultat net de concession est déficitaire, il
s'impute sur le résultat bénéficiaire des exercices ultérieurs et ce sans limitation de durée.
Nous attirons toutefois l'attention du lecteur sur l'impossibilité de compenser le résultat net
bénéficiaire provenant de la gestion d'un actif éligible avec le résultat net déficitaire provenant
d'un autre actif pour lequel l'option a été également exercée.
Exemple 7
La non-compensation entre résultats bénéficiaire et déficitaire
Une société française a engagé à compter de N-2 deux programmes distincts de R & D dans le
but de mettre au point deux brevets A et B. Au titre de l'exercice N, elle opte pour le régime
de l'article 238 du CGI pour chacun de ces brevets qui sont donnés en licence à compter de
l'exercice N pour le brevet A et de l'exercice N + 1 pour le brevet B.
La société F sera donc soumise à l'impôt sur les sociétés au taux de 10 % à hauteur de 50, et
150 en N et N + 1.
21. - Ce n'est que lorsque le résultat net du secteur à 10 % d'un actif est, après imputation du
déficit antérieur lié à cet actif, bénéficiaire qu'il convient de lui appliquer le ratio Nexus pour
déterminer le montant du bénéfice effectivement soumis au taux de 10 %.
Exemple 8
Le montant du bénéfice effectivement soumis à l'impôt sur les sociétés au taux de 10 %
Reprise de l'exemple du n° 18 en supposant que la société a donné le bien en concession à
compter du 1er avril N. Elle a perçu des redevances s'élevant à 35 et 100 au titre des exercices
N et N + 1.
Rappel des données : Une société française a engagé au titre des exercices N-1, N et N + 1 un
montant global de dépenses de recherche et développement qui s'élèvent respectivement à 80,
40 et 50 afin de mettre au point un nouvel actif éligible et a exercé l'option pour le régime
dérogatoire au titre de l'exercice N.
22. - Si la société génère par ailleurs un déficit d'exploitation, elle peut, conformément à
l'article 219, I, a, 2e alinéa modifié par la loi de finances pour 2020, choisir de compenser à
l'euro l'euro le bénéfice soumis au taux de 10 % avec le déficit d'exploitation de l'exercice.
Toutefois, l'Administration 23, par mesure de tolérance, admet que le bénéfice net taxable au
taux réduit soit compensé avec les déficits antérieurs. Dans cette hypothèse, la société ne peut
revendiquer qu'une fois l'application de la franchise de 1 million d'euros. La société aura donc
intérêt à imputer la fraction de ce déficit sur le bénéfice de l'exercice imposable au taux de
droit commun.
D. - Les obligations documentaires
23. - À la date d'engagement d'une vérification de comptabilité (c'est-à-dire lors de la
première intervention du vérificateur), la société doit tenir à la disposition du vérificateur une
documentation inspirée de celle relative aux prix de transfert faisant apparaître :
- d'une part, l'organisation générale du service de recherche et développement ;
- d'autre part, les modalités de détermination du résultat soumis au taux réduit en fournissant
notamment une description détaillée des actifs, biens, de services ou famille de biens, de
services concernés et les modalités de calcul du ratio Nexus.
Lorsqu'elle ne peut satisfaire à cette obligation, l'entreprise doit y remédier dans les trente
jours suivant une mise en demeure de la présenter ou de la compléter. À l'expiration de ce
délai, elle encourt une pénalité égale à 5 % des sommes imposées au taux réduit relatives aux
actifs pour lesquels la documentation n'a pas été fournie ou de manière incomplète.
2. Le régime de la propriété industrielle dans le cadre de l'intégration fiscale
24. - Les principes examinés précédemment lorsqu'une société est imposée séparément sont
transposables en matière d'intégration fiscale (A), sous réserve de quelques aménagements
23 BOI-BIC-BASE-110-30, 22 avr. 2020, § 420.
relatifs aux dépenses de R & D antérieures à l'entrée dans le groupe fiscal (B), à certaines
opérations réalisées entre sociétés membres du groupe fiscal (C) et aux conséquences
provenant de la sortie du groupe de la société détenant l'actif (D).
A. - La transposition des principes en matière d'intégration fiscale
25. - En présence d'un groupe ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale, la société tête
de groupe étant seule redevable de l'impôt sur les sociétés, c'est donc elle qui doit exercer
l'option pour l'imposition au taux de 10 % du résultat net d'ensemble de concession, sous-
concession ou cession d'actifs éligibles réalisé par une ou plusieurs sociétés membres du
groupe (CGI, art. 223 H, I, 1). C'est également à la société intégrante qu'incombent les
obligations déclaratives et documentaires.
Conformément à l'article 223 H, I, il convient de déterminer le résultat net d'ensemble soumis
au taux réduit en faisant « la somme algébrique des résultats nets déterminés par chaque
société du groupe » à raison des actifs, biens, de services ou famille de biens, de services pour
lesquels la société tête de groupe a exercé l'option d'imposition au taux réduit. Ce résultat net
doit être déterminé selon les principes examinés précédemment. En conséquence, cette
somme algébrique des résultats des sociétés membres du groupe doit s'effectuer par actif,
bien, service ou famille de biens, de services selon les principes examinés lorsque la société
est imposée séparément.
À l’instar de la règle applicable lorsqu'une société est imposée séparément, le 3 du I de
l'article 223 H du CGI dispose que « lorsque le résultat net d'ensemble […] est négatif, il est
imputé sur les résultats nets d'ensemble de cession, de concession ou de sous-concession du
même actif, du même bien ou service ou de la même famille de biens ou services ». Il ne peut
donc pas être effectué de compensation entre les résultats nets déficitaires et bénéficiaires de
plusieurs actifs réalisés par plusieurs sociétés membres du groupe fiscal pour lesquels l'option
a été exercée. En revanche, si plusieurs sociétés membres contribuent à la conception d'un
actif éligible donné en concession, il convient de faire la somme algébrique des résultats nets
de chacune des sociétés concernées liés à cet actif pour déterminer si le résultat net
d'ensemble de cet actif est bénéficiaire ou déficitaire. Ce résultat net d'ensemble au taux réduit
réalisé au titre d'un exercice peut être compensé avec le déficit fiscal du même exercice,
conformément à l'article 223 C du CGI, ou sur les déficits antérieurs, en application de la
doctrine administrative 24.
.
B. - Les conséquences résultant de l'entrée d'une société dans le groupe fiscal
26. - Une difficulté se pose lorsque la société tête de groupe opte pour le régime de
l'imposition des revenus au taux réduit d'un actif pour lequel une société avait engagé des
dépenses de recherche et développement avant d'entrer dans le groupe fiscal.
1° La détermination du résultat net
27. - En application des règles de droit commun de l'article 238 du CGI, seules les dépenses
engagées depuis la date d'effet de l'option exercée par la société sont prises en compte pour la
détermination du résultat net éligible au taux réduit. Ce n'est donc qu'à compter de la date
d'effet de l'option pour le régime de l'imposition au taux réduit par la société tête de groupe
que les revenus et dépenses afférents à un actif éligible seront pris en compte pour la 24 BOI-IS-GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 190.
détermination du résultat d'ensemble imposable au taux de 10 % (a). Toutefois, la valeur
vénale de l'actif détenu par une société avant son entrée dans le groupe a la nature d'une
dépense d'acquisition venant diminuer le résultat net éligible au taux réduit (b).
a) Seules les dépenses exposées depuis l'entrée dans le groupe sont prises en compte
28. - Les dépenses engagées par une société antérieurement à son entrée dans le groupe ne
peuvent donc pas être retenues, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la société avait ou non opté
pour le régime de l'article 238 pour cet actif quand elle était imposée séparément.
En conséquence, conformément au 1er alinéa de l'article 223 H, II du CGI, le résultat net
déficitaire qui aurait été dégagé par une société ayant opté pour le régime de l'article 238 du
CGI avant son entrée dans le groupe fiscal ne pourra être pris en compte, à compter de son
entrée dans le groupe, pour la détermination du résultat net d'ensemble.
b) Mais la valeur vénale de l'actif éligible à la date d'entrée de la société dans le groupe
fiscal est également retenue
29. - Le second alinéa de l'article 223 H, II du CGI dispose que « la valeur vénale d'un ou
plusieurs actifs détenus par une société à la date de son entrée dans le groupe constitue une
dépense d'acquisition retenue pour le calcul du résultat net d'ensemble de concession au titre
du premier exercice au cours duquel la société mère exerce l'option ». En conséquence,
lorsqu'une société intègre un groupe fiscal, il convient de déduire du résultat net de
concession du premier exercice de l'option, la valeur vénale de l'actif à la date d'entrée dans le
groupe 25. Tout se passe donc comme si le groupe fiscal avait acquis cet actif auprès d'une
société non-membre du groupe.
Exemple 9
Détermination du résultat net d'ensemble : La non-prise en compte du résultat net
déficitaire né avant l'entrée dans le groupe fiscal (1)
Une société A a engagé à compter de l'exercice N-1 un programme de R & D qui lui a permis
de mettre au point un brevet et a opté au titre de cet exercice pour le régime de l'article 238.
Elle rejoint le groupe fiscal formé par M à compter de l'exercice N. La société tête de groupe
a exercé l'option pour l'article 238 au titre de cet exercice.
Les données sont les suivantes :
Le résultat net de concession au titre de chacun des exercices se calcule comme suit :
25 Il n'en va toutefois ainsi que si l'entrée dans le groupe est intervenue à compter du 1er janvier 2019, BOI-IS-
GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 230.
Le résultat net déficitaire avant l'entrée dans le groupe fiscal n'est pas imputable sur le résultat
net de concession imposable au niveau de la société tête de groupe.
2° Pour le calcul du ratio Nexus
30. - Deux différences notables sont à signaler : d'une part, le ratio Nexus n'englobe pas toutes
les dépenses engagées depuis l'origine du projet mais seulement celles effectuées depuis
l'entrée dans le groupe fiscal (a) ; d'autre part, lorsqu'un actif éligible est détenu par une
société avant qu'elle n'entre dans le groupe fiscal, sa valeur vénale figure au seul
dénominateur du ratio et vient ainsi dégrader la quote-part du résultat net d'ensemble soumis
au taux de 10 % (b).
a) Les dépenses à prendre en compte
31. - En application du principe posé par l'article 238, III, 2 du CGI, les dépenses prises en
compte pour le calcul du ratio Nexus sont celles réalisées depuis le démarrage du projet de R
& D, même si elles sont antérieures à la date d'effet de l'option. Dans le cadre de l'intégration
fiscale, ce principe demeure applicable mais se heurte à la limite temporelle constituée par la
date d'entrée dans le groupe. Cette dernière constitue une date butoir puisqu'aux termes du
second alinéa de l'article 223 H, I, 4 du CGI, « les dépenses prises en compte pour le calcul de
ce rapport s'entendent des seules dépenses réalisées par une société membre du groupe
pendant la période au cours de laquelle le ou les actifs sont détenus ou sous-concédés par une
société membre du groupe ».
b) La prise en compte de valeur vénale de l'actif à la date d'entrée de la société dans le
groupe dégrade le ratio Nexus
32. - La valeur vénale d'un ou plusieurs actifs détenus par une société à la date de son entrée
dans le groupe constitue une dépense d'acquisition qui doit figurer au seul dénominateur du
ratio Nexus au titre du premier exercice au cours duquel la société mère exerce l'option (CGI,
art. 223 H, II, al. 2).
Exemple 10
Calcul du ratio Nexus : La non-prise en compte des dépenses engagées avant l'entrée
dans le groupe fiscal (2)
Reprise de l'exemple 20-9
Rappel des données : une société A a engagé à compter de l'exercice N-1 un programme de R
& D qui lui a permis de mettre au point un brevet et a opté au titre de cet exercice pour le
régime de l'article 238. Elle rejoint le groupe fiscal formé par M à compter de l'exercice N. La
société tête de groupe a exercé l'option pour l'article 238 au titre de cet exercice.
Les données sont les suivantes :
Le ratio Nexus au titre de chacun des exercices se calcule comme suit :
La société A n'ayant intégré le groupe qu'en N, le ratio Nexus n'a pas à être calculé au titre de
N-1. De plus, les dépenses engagées antérieurement à cet exercice n'ont pas à être retenues
dans le calcul de ce ratio pendant la période d'intégration fiscale. En revanche, la valeur
vénale du brevet à la date d'entrée de la société dans le groupe doit figurer au dénominateur.
C. - Les particularités de certaines opérations intragroupes
33. - La détermination du résultat net d'ensemble soumis au taux réduit oblige à faire la
somme algébrique des résultats individuels de chaque société membre du groupe relatifs à
l'actif pour lequel l'option a été exercée par la société tête de groupe en appliquant aux
dépenses réalisées pendant leur période d'appartenance au groupe les règles examinées dans la
première partie. Il en va notamment ainsi en cas d'opérations de sous-concession de licence
entre sociétés membres du groupe (1°). Toutefois, des règles particulières s'appliquent en cas
de travaux de recherche et développement sous-traités à d'autres sociétés du groupe (2°) et en
cas de cession d'un actif éligible entre deux sociétés du groupe (3°).
1° L'actif est sous-concédé à une autre société du groupe
34. - Le traitement spécifique des opérations de sous-concession prévu quand une société est
imposée séparément s'applique également lorsque les sociétés A, B et C, respectivement
concédante, concessionnaire et sous-concessionnaire appartiennent à un groupe fiscal.
Puisqu'il s'agit de déterminer le revenu net d'ensemble provenant de la concession par A d'un
actif éligible et de sa sous-concession par B 26, le résultat net de A est déterminé par
différence entre les redevances perçues de B et les éventuels travaux de recherche et
développement engagés par A au titre du même exercice. Celui de B sera égal aux redevances
perçues de C sous déduction des redevances versées à A et des éventuelles dépenses de R &
D supportées au titre du même exercice par B 27, 28.
Le ratio Nexus est dégradé en cas de sous-concession lorsque la société concessionnaire est
imposée séparément puisque le montant des redevances versées pour obtenir la concession du
droit ne figure qu'au seul dénominateur. Il en va de même lorsque l'opération a lieu entre
sociétés d'un groupe fiscal.
Exemple 11
L'imposition des redevances de sous-concession intragroupe
Les sociétés A, B et C sont membres d'un groupe fiscal.
En N-1, A a effectué des dépenses de R & D à hauteur de 120 000 qui lui ont permis de
déposer un brevet qu'elle a donné en licence d'exploitation à B pendant l'exercice N
moyennant une redevance de 80 000. B a sous-concédé cette licence à C qui lui a versé une
redevance de 100 000 € en N.
La société tête de groupe a opté pour le régime de l'imposition au taux réduit du résultat net
du brevet au titre de l'exercice N.
1 - Détermination du résultat net :
2 - Calcul du ratio Nexus :
26 Le résultat de C n'est pas à considérer puisque cette société ne perçoit pas de revenus provenant d'une
opération de concession ou de sous-concession. 27 BOI-IS-GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 60. 28 Les dépenses de C ne sont pas à prendre en compte puisque C ne perçoit pas de revenus de sous-concession,
V. n° 18.
3 - Résultat net soumis au taux réduit :
3° L'externalisation de dépenses de R & D à une autre société du groupe
35. - Si l'intégration fiscale n'emporte pas de conséquences sur le résultat net d'ensemble
éligible au taux réduit (a), l'option pour ce régime permet en revanche d'inscrire au
numérateur du ratio Nexus les dépenses intragroupe qui, hors intégration fiscale, s'en
trouveraient exclues (b).
a) L'absence d'incidence sur le résultat net d'ensemble éligible au taux réduit
36. - Lorsqu'une société externalise une dépense auprès d'une autre société membre du groupe
fiscal, le montant retenu est le montant refacturé par la société prestataire et non le coût
effectivement supporté par cette dernière 29. Les résultats sont ainsi calculés selon les mêmes
règles que si les sociétés ne faisaient pas partie d'un groupe fiscal 30.
Exemple 12
Les dépenses de sous-traitance des travaux de R & D confiés à une société membre du
groupe fiscal sont retenues pour la détermination du résultat net éligible au taux de
10 %
Les sociétés A et B sont membres d'un groupe fiscal dont la société tête de groupe a opté pour
le régime de l'article 238 du CGI à raison des revenus d'un actif éligible donné en concession
à une société tierce par A qui a engagé directement des travaux de R & D à hauteur de 100 et
en a externalisé une partie à B.
Les données sont les suivantes :
29 BOI-IS-GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 50. 30 Ibid., § 70.
Les dépenses éligibles sont retenues pour leur montant refacturé et non pour leur montant
réellement supporté par l'autre société membre du groupe, soit 60.
Le résultat éligible au taux de 10 % correspond bien au résultat net réalisé par la société A sur
son activité de R & D, tandis que la marge réalisée par la société B reste imposable à l'impôt
sur les sociétés au taux de droit commun.
b) L'absence d'incidence sur le ratio Nexus
37. - Lorsqu'une société externalise ses travaux de recherche auprès d'une société liée, les
charges correspondantes sont en principe exclues du numérateur du ratio Nexus en application
des règles de l'article 238 31. Dans le cas où la société détentrice de l'actif est membre d'un
groupe fiscal, l'article 223 H, I, 4 du CGI prescrit de retenir au numérateur les dépenses
réalisées « directement par une société membre du groupe ou par des entreprises sans lien de
dépendance au sens du 12 de l'article 39 avec une société membre du groupe ».
L'externalisation de travaux de R & D auprès d'une autre société du groupe fiscal n'a donc pas
d'influence sur le ratio Nexus. L'option pour l'intégration fiscale présente ainsi l'avantage de
pouvoir faire réaliser des travaux de R & D afférents à un actif éligible par plusieurs sociétés
sans qu'il en résulte une limitation du montant des revenus nets éligibles au taux de 10 %.
Les dépenses de sous-traitance des travaux de R & D confiés à une société membre du groupe
fiscal ne dégradent pas le ratio Nexus.
Exemple 13
Suite de l'exemple précédent :
31 V. n° 18.
L'externalisation des dépenses auprès de la société B n'a donc pas d'incidence sur le calcul du
ratio Nexus, dès lors que cette seconde société est elle-même membre du groupe.
3° L'actif fait l'objet d'une cession intragroupe
38. - Quand un actif immobilisé fait l'objet d'une cession entre sociétés membres d'un groupe
fiscal, les règles de l'intégration fiscale conduisent à neutraliser temporairement la plus ou
moins-value de cession imposable au taux de droit commun. Cette cession intragroupe est
également sans incidence sur le résultat net éligible au taux réduit (a) et sur le ratio Nexus (b).
a) L'incidence sur le résultat net d'ensemble éligible au taux réduit
39. - Le prix d'acquisition est pris en compte pour la détermination du résultat net de la société
ayant acquis l'actif éligible. En revanche, la société cédante ne peut prétendre au bénéfice du
taux réduit puisqu'en sont exclues, en application du VII de l'article 238 du CGI, les cessions
faites entre sociétés liées au sens de l'article 39, 12. Le résultat de la cession sera quant à lui
neutralisé en application des règles de l'intégration fiscale.
Exemple 14
La cession d'un brevet intragroupe
Les sociétés A et B sont membres d'un groupe fiscal.
B a supporté en N 400 de dépenses de R & D qui ont été immobilisées et lui ont permis
d'obtenir un brevet qu'elle a cédé à A au prix de 500 au cours du même exercice. À compter
du 1er janvier N + 1, A concède ce brevet à une société extérieure au groupe qui lui verse des
redevances annuelles de 100. L'option pour l'application du régime de l'article 238 a été
exercée par la société tête de groupe à compter de l'exercice N.
Quel est le résultat de ces opérations sur le résultat d'ensemble soumis à l'impôt sur les
sociétés au taux de droit commun et au taux réduit ?
b) L'absence d'incidence sur le ratio Nexus
40. - Lorsqu'une société cède un actif éligible à une autre société du groupe, la doctrine
administrative admet qu'il ne soit pas tenu pas tenu compte du prix d'acquisition au
dénominateur du ratio Nexus 32. Ce prix ne figurant pas non plus au numérateur en application
des règles de calcul du ratio Nexus examinées précédemment, la cession intragroupe n'a
aucune incidence sur le calcul du ratio.
D. - Les conséquences résultant de la sortie du groupe d'une société
41. - Lorsqu'une société sort du groupe, elle peut opter pour le régime de l'article 238 à raison,
d'un actif, d'un bien, d'un service ou d'une famille de biens, de services si elle n'avait pas déjà
exercé cette option antérieurement à son entrée dans le groupe. Dans l'hypothèse inverse,
l'option, qui avait été en quelque suspendue pendant la période d'appartenance au groupe,
reprend effet. Dans les deux cas, les dépenses qui ont été prises en compte pour le calcul du
résultat net d'ensemble pendant sa période d'appartenance au groupe ne sont retenues, ni pour
la détermination du résultat net (1°) ni pour le calcul du ratio Nexus (2°).
1° Sur la détermination du résultat net
32 BOI-IS-GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 130.
42. - Quand une société a opté pour l'article 238 du CGI avant son entrée dans le groupe, le
résultat net déficitaire n'est pas transféré au groupe. Mais il n'est pas définitivement perdu
puisqu'il pourra s'imputer sur le résultat bénéficiaire provenant de la concession ou sous-
concession du brevet ou assimilés lorsque la société ne sera plus membre du groupe fiscal. En
effet, dans cette situation, la société retrouve le bénéfice de l'option qu'elle avait exercée avant
son entrée dans le groupe fiscal.
Exemple 15
Le résultat net déficitaire né avant l'entrée dans le groupe fiscal est utilisable après la
sortie du groupe fiscal
Reprise de l'exemple précédent en supposant que la société A sorte du groupe fiscal en N + 2.
Les données sont les suivantes :
Le résultat net de concession de la société A au titre de l'exercice N + 2 sera calculé en
imputant le résultat net déficitaire généré par le brevet avant son entrée dans le groupe fiscal :
2° Sur le calcul du ratio Nexus
43. - Aux termes de l'article 223 H, III, 2e alinéa du CGI, « la société qui sort du groupe ne
prend pas en compte les dépenses réalisées pendant sa période d'appartenance au groupe
lorsque de telles dépenses ont été prises en compte pendant cette période par la société mère
du groupe ». En conséquence, le coût d'acquisition d'un actif éligible pendant sa période
d'appartenance au groupe auprès d'une autre société du groupe n'ayant pas été pris en compte
pour le calcul du ratio Nexus pour la détermination du résultat net d'ensemble imposable au
taux réduit, celui-ci devra figurer au dénominateur du ratio Nexus calculé par la société
redevenue imposable séparément 33.
En outre, selon cette même disposition du CGI, la société « a la possibilité de prendre en
compte les dépenses réalisées antérieurement à son entrée dans le groupe ». Selon 33 BOI-IS-GPE-20-20-120, 22 avr. 2020, § 260.
l'administration fiscale, lorsque l'option avait été exercée préalablement à son entrée dans le
groupe, la société doit faire figurer au numérateur et au dénominateur, non seulement les
dépenses engagées depuis sa sortie du groupe mais également celles qui avaient été prises en
compte pour le calcul de ce ratio au titre de l'exercice précédant celui son entrée dans le
groupe.
Mots-Clés : Produits de la propriété industrielle - Régime optionnel d’imposition à taux
réduit