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Le rôle essentiel des laïcs dans l'essor de l'Eglise en Afrique Extrait du Société des Missions Africaines de Strasbourg http://missionsafricaines.org/le-role-essentiel-des-laics-dans-l,781.html Le rôle essentiel des laïcs dans l'essor de l'Eglise en Afrique - Chronique Missionnaire - Date de mise en ligne : samedi 20 avril 2013 Société des Missions Africaines de Strasbourg Copyright © Société des Missions Africaines de Strasbourg Page 1/7

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Le rôle essentiel des laïcs dans l'essor de l'Eglise en Afrique

Extrait du Société des Missions Africaines de Strasbourg

http://missionsafricaines.org/le-role-essentiel-des-laics-dans-l,781.html

Le rôle essentiel des laïcs

dans l'essor de l'Eglise en

Afrique- Chronique Missionnaire -

Date de mise en ligne : samedi 20 avril 2013

Société des Missions Africaines de Strasbourg

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Le rôle essentiel des laïcs dans l'essor de l'Eglise en Afrique

Les soirées-conférences organisées par le pèlerinage Notre-Dame de Marienthal dans le cadre de l'année de la foiont accueilli, lundi 15 avril 2013, le Père sma Jean-Paul Eschlimann qui a pu partager avec un public nombreux sariche « expérience missionnaire » en Côte d'Ivoire et évoquer plus particulièrement le rôle des laïcs dans la fondationet la vie des Eglises africaines, dans le sillage du Concile Vatican II.Si les chrétiens d'Alsace n'ont eu de cesse d'admirer le courage et l'esprit de sacrifice des premiers missionnaires etde leurs successeurs dans les pays de mission où ils mouraient souvent très jeunes, fauchés par la fièvre jaune, laplupart ignorent le rôle essentiel joué, dans la propagation de l'Evangile, par les Africains eux-mêmes qui ont été dece fait « des précurseurs de Vatican II, puis ses fidèles adeptes », a introduit le Père Eschlimann.

Catéchisme dans un village de Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Autoritarisme, juridisme et cléricalismeL'ancien supérieur du District de la Société des Missions Africaines de Strasbourg a d'abord souligné quelques traitscaractéristiques de l'histoire de l'Eglise dans la culture occidentale, dont nous sommes toujours tributaires. Ainsi,l'opposition entre laïc (qui veut dire « peuple » en grec) et clerc, la signification du mot « laïc » évoluant au cours dessiècles pour qualifier le monde profane par opposition au monde religieux et ecclésiastique, et pour désignerfinalement tout ce qui est indépendant de toute croyance religieuse. Cette évocation linguistique, a relevé leconférencier, est révélatrice d'une mentalité et de clivages profonds apparus dans l'histoire sociale et religieuse descivilisations occidentales, sur lesquels les Pères conciliaires de Vatican II devaient débattre il y a 50 ans pour adopterune approche plus positive du laïcat quant à sa place et sa mission dans la vie de l'Eglise et la propagation de la foi.Il a lu à cet égard un extrait de la Constitution dogmatique Lumen Gentium : « Les chrétiens qui, étant incorporés auChrist par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale,prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l'Eglise et dans le monde, la mission qui est celle detout le peuple chrétien. »

Autre trait caractéristique qu'a souligné l'orateur, les deux états de vie bien définis dans les Ecritures et le Droit del'Eglise : l'état laïque séculier et l'état religieux au sein d'un ordre ou en ermite. Mais, contrairement à d'autresconfessions chrétiennes, l'Eglise romaine a développé une sorte de tiers état, l'ordre sacerdotal, qui ne serait nilaïque, ni religieux, une « caste sacerdotale » qui va se couper progressivement du peuple de Dieu par l'attributionde privilèges et l'observance d'interdits spécifiques. Plus grave, cette caste prétendit représenter le peuple de Dieu,l'Eglise se résumant alors à sa hiérarchie et à son clergé. Le Père Eschlimann a souligné les conséquencesimportantes de cette évolution des états de vie : l'état clérical devint un but en lui-même ; aux côtés des religieux, leclergé considérait son état comme un état de perfection - une discrimination supplémentaire à laquelle Martin Lutherréagit vivement en supprimant les moines et le clergé dans la Réforme, pour restaurer une sainteté quotidienne,ordinaire, égale pour tous. Plusieurs échelons apparurent finalement dans la sainteté, le commun du peuple setrouvant tout naturellement au bas de l'échelle !

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La catéchiste Liliane Nanan est ses enfants de catéchisme à Adjamé. Photo Pierre Trichet

Dernière caractéristique relevée par l'orateur, la progressive organisation monarchique de l'Eglise sur le modèleimpérial depuis Constantin et l'instauration du christianisme comme religion officielle de l'empire romain, avectendance à l'autoritarisme, au juridisme, à la centralisation des pouvoirs. Aujourd'hui encore, le pape cumule tous lespouvoirs entre ses mains. Sur ce terreau se développa le cléricalisme, cette prise de pouvoir des clercs dans lesdomaines et temporel et spirituel. Le sacerdoce n'est plus vécu comme un service, mais comme la prise de pouvoirsur les consciences et la vie sociale des fidèles... Et le grand perdant dans cette histoire, du moins en Occident,reste le laïcat, a regretté le Père Eschlimann.

Catéchisme dans un village de Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Les laïcs, « vrais bâtisseurs des jeunes Eglises africaines »Le conférencier a développé ensuite, dans la partie centrale de sa contribution, le rôle essentiel du laïcat africaindans l'histoire missionnaire et fait revivre à son auditoire - anecdotes significatives à l'appui - quelques temps forts etétapes clés de son expérience personnelle en Côte d'Ivoire.En pays de mission, l'Evangile s'est propagé et l'Eglise a pris racine grâce aux gens du cru, aux laïcs, a-t-il insistéd'emblée, en rappelant les conditions et les circonstances dans lesquelles les populations autochtones sont entréesau fil des siècles en contact avec la religion chrétienne dont des Africains devinrent des adeptes [1].

Les premiers missionnaires catholiques, arrivés en Afrique près d'un siècle après des missions protestantes animéespar des laïcs, ne rencontrèrent donc pas des populations totalement ignorantes du christianisme. Ils purent s'appuyerd'emblée sur de petits groupes - surtout de jeunes - désireux de partager leur foi. Lorsque les missionnaires sedéployèrent d'abord en petit nombre dans le pays, les laïcs remplirent à leurs côtés un rôle essentiel selon leurs

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capacités et leur disponibilité : interprètes auprès des autochtones, traducteurs d'une anthologie des Ecritures,accompagnement des missionnaires dans leurs tournées apostoliques, visiteurs des bourgades et communautés desympathisants de la vaste paroisse, et même dirigeants de communautés. Partout, les missionnaires ont pus'appuyer sur des laïcs responsables, sérieux, engagés, animés d'une foi et d'un courage solides. Les vraisbâtisseurs des jeunes Eglises locales furent donc des laïcs, a insisté le conférencier qui a dans la foulée fait part deson expérience singulière.

Les enfants du catéchisme dans la paroisse du Père J. Fleck, en Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Immersion et inculturationA son arrivée en 1970 dans la paroisse de Tankessé [2], érigée 34 ans plutôt par un confrère qui y oeuvrait toujours,le mode de vie au presbytère du centre était une réplique parfaite de celui en Alsace, s'est souvenu avec une pointed'humour le Père Eschlimann, qui se sentit très vite mal à l'aise et décida donc de modifier son mode de présence etd'action.Après l'échec d'une première tentative de prêche de « missions » dans un village [3], car le fond et la forme de sonmessage dépassait l'entendement de son auditoire, il changea radicalement de méthode en allant s'immerger pourde bon dans ce peuple qui l'accueillait et à qui il voulait partager sa foi chrétienne. Il s'installa dans une bourgade oùrésidait un chef important qui pouvait autoriser les villageois à lui expliquer les coutumes et les grandes dimensionsde leur univers religieux et leur vision du monde. Je devins donc un villageois parmi d'autres et j'appris ce quesignifiait concrètement « être étranger » dans une culture autre, a reconnu le Père Eschlimann, placé par lesresponsables du village sous la « tutelle » de la famille du chef des chrétiens, Simon Kouakou Amorofi, qui l'initia àtous les gestes quotidiens. Au bout d'un an, les anciens du village lui assignèrent une place dans la structureparentale de la famille de Simon, avec un nom traditionnel mais aussi avec les droits et les devoirs qu'une telleinculturation suppose. Il avait acquis une identité locale.

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Le P. J.-P. Eschlimann devant un fétiche lobi, en Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Cette immersion dans la société locale frappa vivement la conscience des populations, comprit le Père Eschlimannun soir à la réflexion d'un vieux qui le voyait jouer à un jeu de société, l'awalé, avec des jeunes : « Je n'aurais jamaispensé voir la panthère jouer avec mes enfants ! ». Seul fauve qui tue pour le plaisir et non pour satisfaire sa faim, lapanthère symbolise en effet l'Européen colonisateur et exploiteur. Pour moi, tout ce parcours de près de cinq ans futune vraie mort-renaissance. L'homme et le prêtre que je suis aujourd'hui, je le dois à la formation reçue d'un peupleet des laïcs africains, et en premier lieu de Simon, à l'époque père de cinq enfants, qui était en somme devenu moncoach culturel et mon directeur spirituel, dont l'influence déborda largement ma personne.Tout ce que Simon lui a donné de vivre et réfléchir ouvrit une nouvelle vie d'évangélisation au Père Eschlimann, quis'est étendu ensuite sur la méthode et l'organisation de son travail avec et auprès des laïcs. Mais si cette nouvelleapproche de l'évangélisation fut appréciée par les populations, elle ne fut en revanche pas du goût des tenants dupouvoir traditionnel qui reprochaient aux chrétiens de libérer les femmes, les jeunes, en les soustrayant aux peurs etaux secrets qui faisaient fonctionner le système, de multiplier les adultères, les manques de respect..., en somme de'gâter' le monde, a observé le conférencier. Mais le fait est que Simon et l'équipe des catéchistes laïques infléchirentles méthodes et mentalités missionnaires traditionnelles, et marquèrent de leur empreinte le visage des jeunescommunautés ecclésiales de cette région de Côte d'Ivoire.

« Précurseurs et adeptes de Vatican II »Dans la dernière partie de sa contribution, le Père Eschlimann est revenu à l'approche des laïcs par le ConcileVatican II, où les évêques missionnaires présents pesèrent de tout leur poids pour favoriser une nouvelle approchede l'Eglise comme « peuple de Dieu », qui rend justice à tout le travail des laïcs dans la naissance des Eglisesafricaines. Toutefois, vu le grand nombre de vocations sacerdotales et religieuses en Afrique, une cléricalisation desEglises est à l'oeuvre, dont le laïcat risque de faire les frais, s'est-il inquiété. C'est pourquoi il a dit toute son

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espérance dans l'émergence, encore timide mais bien réelle, d'un laïcat théologiquement bien formé dans lesuniversités catholiques d'Europe et d'Afrique, ou dans des instituts religieux comme le CERAP d'Abidjan quiregroupe des décideurs, entrepreneurs, gestionnaires, politiciens..., pour une réflexion chrétienne sur la paix enAfrique.

Mamans catéchistes en Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Simon et ses amis laïcs ivoiriens m'ont appris, a insisté l'intervenant, à entrer en dialogue avec un monde étrangerque, nous missionnaires, avions tendance à diaboliser avec leurs étranges rites et coutumes. Entrer en dialogueavec le monde des pauvres, des humiliés, des blessés de la vie, avec des mondes si différents de ceux qui noussont familiers, pour les centrer sur Dieu : c'est bien le charisme donné par l'Esprit à l'Eglise, et d'abord aux laïcs quiforment le peuple de Dieu.

Le catéchumène Didier Odjoukpa et sa maman. Photo sma strasbourg

Après avoir lu des extraits de la constitution Lumen Gentium sur la nouvelle vision conciliaire de l'Eglise qui met envaleur la « commune grandeur et dignité de tout baptisé », le conférencier a soulevé les problèmes et frictions quisurgissent dans les relations des laïcs avec les prêtres. D'abord, le caractère rigoureusement masculin de ladirection de l'Eglise ne laisse guère de place à la composante la plus importante du laïcat : les femmes. Ensuite, un

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Le rôle essentiel des laïcs dans l'essor de l'Eglise en Afrique

certain clergé est tenté d'instaurer un clivage infranchissable entre les affaires du monde, relevant de la mission deslaïcs, et la vie de la communauté chrétienne, relevant exclusivement du ministère presbytéral. Enfin, pour ne pasattiser la concurrence clercs-laïcs, les documents officiels et le Droit canonique évitent de parler à leur sujet de «ministères », mais qualifient leurs services et leurs missions « d'offices et de fonctions des baptisés ! ». Or,l'Exhortation apostolique Christi fideles laici de Jean-Paul II (1987) précise bien que les laïcs peuvent assurer toutesles fonctions de suppléance prévues par le Code ; que la célébration liturgique est l'action sacrée de toutel'assemblée et non pas du seul clergé ; que les laïcs ont leur place dans tous les conseils qui dirigent la viechrétienne et cultuelle (...) et que « la participation des fidèles à ces conseils (...), qui peut s'étendre à la prise dedécision, sera appliquée de manière étendue et plus ferme. »

Chorale féminine dans une paroisse de Côte d'Ivoire. Photo sma strasbourg

Comme Dom Ghislain Lafont, bénédictin de La Pierre-qui-Vire, dans son livre L'Eglise en travail de réforme [4],2011), le Père Eschlimann pense que c'est surtout le statut sacerdotal qui est à repenser selon l'Evangile pourréduire les tensions entre clergé et laïcs. Et avec le défunt Père Maurice Vidal, ancien professeur au séminaireSt-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux, à l'Institut catholique et à l'Ecole cathédrale de Paris, au livre duquel il s'est référé [5], il affirme que le Concile n'a pas fait des « concessions » aux laïcs (...). Baptisés, ils sont investis de la mêmedignité, liberté, mission que tous les autres membres de l'Eglise. Ils sont la demeure de l'Esprit (...). Nourris del'Evangile, témoignant en première ligne dans les milieux incroyants, indifférents ou agnostiques du monde, ils ont àéclairer les prêtres sur la manière d'annoncer l'Evangile, de le célébrer et d'exercer le ministère apostolique commeun service du monde. »

[1] Établissement de comptoirs commerciaux européens le long des côtes africaines à partir du XVIe siècle ; retour des Amériques d'anciens

esclaves noirs convertis au christianisme ; colonisation du continent noir et pénétration de l'arrière-pays par les grandes maisons de commerce qui

y installèrent des commis indigènes dont certains avaient eu connaissance de la religion chrétienne et étaient attirés par elle...

[2] Dans le centre-est de la Côte d'Ivoire.

[3] Comme elles se tenaient autrefois chez nous en Europe, avec prières, conférences, prédications, projection de diapos...

[4] Dom Ghislain Lafont, L'Eglise en travail de réforme, Cerf, 2011.

[5] Maurice Vidal, Cette Eglise que je cherche à comprendre, Atelier Chemin de dialogue, 2009.

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