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Les origines Nous sommes dans les années 1980, au plus fort de la guerre froide où les économies des pays africains végètent, les politiques de développe- ment sont à bout de souffle et mar- quées par la dictature des partis uniques acquis à la cause d’une clas- se de privilégiés. Une crise sociale sans précédent se fait sentir partout sur le continent. Même le discours sur la foi chrétienne est fait au parfum des vicissitudes de l’air du temps. Conscients de l’ampleur de crises, les acteurs sur la scène politique africai- ne remuaient ciel et terre pour trouver une issue magique aux problèmes qui minaient l’équilibre de tout un conti- nent. L’Église également n’était pas en reste. Plus proche des populations laborieuses partout en Afrique, l’Égli- se a vite compris qu’une solution à long terme exigeait un engagement sociopolitique de ses fils et filles pour accompagner le continent dans sa lutte noble et souveraine. C’est alors qu’un groupe de mis- sionnaires d’origine américaine : les Missionnaires d’Afrique, les Spiritains et la Société des Missions Africaines se lancèrent dans une réflexion tous azimuts sur les raisons profondes de la crise sociopolitique du continent africain. Ces missionnai- res américains qui avaient connu le continent et ses habitants, étaient per- suadés du bien-fondé de la lutte de cette Afrique qui cherchait ses repè- res. Il est ressorti de leurs analyses que les responsables politiques afri- cains avaient une part de responsabi- lité dans la crise mais les vraies sour- ces du problème se trouvaient ailleurs. Ailleurs, dans un système qui ne disait pas son nom mais qui gardait le continent captif et à jamais dépen- dant du gotha financier international. Comment comprendre qu’un conti- nent qui regorge d’importantes res- sources humaines et minières peine à asseoir les bases de son développe- ment ? Comment expliquer la déroute de l’Afrique ? Est-ce une fatalité ? si non, que doit faire l’Afrique pour tirer son épingle du jeu pour amélio- rer le bien-être de ses peuples ? Au terme de leur réflexion, les dif- férents partenaires décidèrent de la création d’un cadre de concertation et de lutte auprès des décideurs améri- cains, notamment le Congrès, le Département d’État et les institutions onusiennes. Dans le courant de l’an- née 1983, the Africa Faith and Justice Network (le Réseau Foi et Justice Afrique-USA ) était porté sur les fonts baptismaux pour défendre les intérêts du continent africain. La mission et les acquis Le réseau Foi et Justice Afrique- USA est une organisation catholique; elle s’inspire des valeurs de l’Évangi- le et de la doctrine sociale de l’Église (le respect de la dignité humaine, du bien commun, l’option préférentielle pour les pauvres et les valeurs socia- les : vérité justice liberté etc.) Basée à Washington dans la capitale fédérale, Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA À la Maison Blanche avec les trois leaders religieux et médiateurs dans la crise en République Centrafricaine Père Barthélémy Bazémo, ce Burkinabé de 37 ans, ordonné en 2005, après avoir travaillé en Tanzanie et au Kenya, se retrouve en mission aux USA. Situé à Washington, il travaille dans l’équipe de Justice et Paix-USA. Il nous parle de son travail au sein de VOIX D’AFRIQUE - n° 1 8

Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

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Page 1: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

Les originesNous sommes dans les années

1980, au plus fort de la guerre froideoù les économies des pays africainsvégètent, les politiques de développe-ment sont à bout de souffle et mar-quées par la dictature des partisuniques acquis à la cause d’une clas-se de privilégiés. Une crise socialesans précédent se fait sentir partoutsur le continent. Même le discours surla foi chrétienne est fait au parfumdes vicissitudes de l’air du temps.Conscients de l’ampleur de crises, lesacteurs sur la scène politique africai-ne remuaient ciel et terre pour trouverune issue magique aux problèmes quiminaient l’équilibre de tout un conti-nent. L’Église également n’était pasen reste. Plus proche des populationslaborieuses partout en Afrique, l’Égli-se a vite compris qu’une solution àlong terme exigeait un engagementsociopolitique de ses fils et filles pouraccompagner le continent dans salutte noble et souveraine.

C’est alors qu’un groupe de mis-sionnaires d’origine américaine : lesMissionnaires d’Afrique, lesSpiritains et la Société des MissionsAfricaines se lancèrent dans uneréflexion tous azimuts sur les raisons

profondes de la crise sociopolitiquedu continent africain. Ces missionnai-res américains qui avaient connu lecontinent et ses habitants, étaient per-suadés du bien-fondé de la lutte decette Afrique qui cherchait ses repè-res. Il est ressorti de leurs analysesque les responsables politiques afri-cains avaient une part de responsabi-lité dans la crise mais les vraies sour-ces du problème se trouvaientailleurs. Ailleurs, dans un système quine disait pas son nom mais qui gardaitle continent captif et à jamais dépen-dant du gotha financier international.Comment comprendre qu’un conti-nent qui regorge d’importantes res-sources humaines et minières peine àasseoir les bases de son développe-ment? Comment expliquer la déroutede l’Afrique? Est-ce une fatalité ? sinon, que doit faire l’Afrique pourtirer son épingle du jeu pour amélio-rer le bien-être de ses peuples ?

Au terme de leur réflexion, les dif-férents partenaires décidèrent de lacréation d’un cadre de concertation etde lutte auprès des décideurs améri-cains, notamment le Congrès, leDépartement d’État et les institutionsonusiennes. Dans le courant de l’an-née 1983, the Africa Faith and JusticeNetwork (le Réseau Foi et JusticeAfrique-USA ) était porté sur lesfonts baptismaux pour défendre lesintérêts du continent africain.

La mission et les acquisLe réseau Foi et Justice Afrique-

USA est une organisation catholique ;elle s’inspire des valeurs de l’Évangi-le et de la doctrine sociale de l’Église(le respect de la dignité humaine, dubien commun, l’option préférentiellepour les pauvres et les valeurs socia-les : vérité justice liberté etc.) Basée àWashington dans la capitale fédérale,

Le Réseau Justice et Paix,Afrique-USA

À la Maison Blanche avec les trois leaders religieux et médiateurs dans la crise en

République Centrafricaine

Père Barthélémy Bazémo, ceBurkinabé de 37 ans, ordonné en2005, après avoir travaillé enTanzanie et au Kenya, se retrouveen mission aux USA. Situé àWashington, il travaille dans l’équipede Justice et Paix-USA. Il nousparle de son travail au sein de

VOIX D’AFRIQUE - n° 115 juin 20178

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l’organisation a pour vocation d’édu-quer et de lutter contre une campagnede désinformation et de reportagesbiaisé des médias sur l’actualité ducontinent africain. Le réseau promeutà sa juste valeur l’expérience ducontinent, ses potentialités, ses peu-ples et la richesse de ses cultures. Ilmilite également pour que l’Afriquepuisse s’exprimer dans les cercles dedécision et influencer la définitiondes grands enjeux géopolitiques quigarantissent l’avenir de ses peuples.

Après un peu plus de trois décen-nies d’existence, le réseau a acquis del’expérience dans son champ d’ac-tion. Les axes majeurs de son travailont porté sur des domaines variés telsque le pillage abusif des ressourcesnaturelles du continent, l’accapare-ment des terres, l’agriculture, le voletde la gouvernance démocratique, lecommerce international, la dette, leréchauffement climatique, la prolifé-ration illicite des armes légères, lesréfugiés, les conflits, le terrorisme, laquestion sécuritaire et bien d’autres.Certains dossiers ont particulièrementretenu son attention ces dernièresannées, il s’agit des conflits dans lesGrands Lacs et en RépubliqueCentrafricaine, la nébuleuse BokoHaram dans le nord du Nigeria, laquestion des réfugiés et la famine quisévit actuellement en Afrique del’Est.

Au-delà des acquis de son plai-doyer à Washington, le réseau a réus-

si à coordonner les efforts de bonnombre d’organisations acquises à lacause de l’Afrique en créant unesynergie des stratégies de lutte enfaveur du continent. En ce sens, encollaboration avec les ConférencesÉpiscopales de l’Afrique et deMadagascar, le réseau a organiser àNairobi (Kenya), en novembre 2015,une conférence internationale surl’accaparement des terres en Afrique.Les cent quarante-six participantssont venus de plus de quarante pays,quatre continents, de plus de centseize organisations à travers lemonde. Sur le même registre, leréseau a parrainé des colloques natio-naux ou régionaux pour réfléchir surdes questions d’ordre géopolitique,voire au Cameroun, au Ghana,Ouganda, Nigeria, Angola, Tanzanie.… Le réseau a développé partout surle continent des partenariats, descommissions mixtes pour le transfertet partage de compétences en matièrede plaidoyer et des techniques d’ana-lyse sociopolitiques.

Les défis et les enjeux d’avenir

Comme toute activité humaine, leréseau a souvent eu des moments decrise, de tergiversation ou de replisstratégiques. Sa ligne éditoriale a tou-jours privilégié la protection du biencommun et la défense des politiquesqui soutiennent l’intérêt primordialdes populations laborieuses du conti-

nent. Le réseau a toujours lutté contrela gestion abusive du pouvoir d’Étattout en prônant l’ancrage d’une vraieculture de gouvernance démocratique,seul gage pour l’émergence du conti-nent. Évidemment, cela n’est pas tou-jours du goût des intérêts égoïstes desgroupes de pression qui contre-atta-quent. Ainsi est fait le jeu démocra-tique dans le pays de l’Oncle Sam.

Il y a également le problème desmoyens financiers, un sérieux handi-cap dans la couverture des objectifs duréseau à long terme. Le nombre limitédu personnel, et la nouvelle adminis-tration américaine constituent pour leréseau des défis importants à relever.À long terme, le réseau entend recent-rer ses priorités sur la gouvernancedémocratique, les investissements etl’économie des pays africains.

Pour conclure, il est de bon ton desouligner que l’implication person-nelle du Pape François contre le capi-talisme destructeur a permis à l’opi-nion en Occident et aux États-Unis deréaliser la nécessité d’une justiceinternationale pour les pays du Sudqui sont victimes du système finan-cier international. Les enjeux de lalutte sont énormes et rien n’est gagnéd’avance. Notre foi chrétienne nousinterpelle tous et toutes à rester vigi-lants et à lutter contre les causesstructurelles de l’injustice sociale.

Père Barthélémy Bazémo, M. Afr.

Photo de famille de l'équipe d'AFJN

n° 115 juin 2017 9

Page 3: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

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SŒURS DE NOTRE-DAME D’AFRIQUE

Nous habitons dans un quartier oùla popu lation est majoritairementmusulmane, au milieu de nombreusesfamilles économiquement pauvres,des femmes seules, des veuves, des

mères célibataires avec plusieursenfants à charge. Et la porte de notremaison est ouverte à tous sans dis-tinction.

Certaines femmes vivent d’unpetit com merce : vente de légumes,d’arachides, frites de pata tes douces ;malheureusement d’aut-res doivent se prostituerpour trouver de quoivivre. Cette détresseengendre un pourcen-tage élevé de PVVS(Personnes Vivant avecle VIH-SIDA), ce quiag gra ve l’état de pauv-reté, et favorise la pro-pagation de la maladie.

À notre arrivée àGitega en 1988, aprèsavoir vécu quelquetemps au milieu de lapopula tion, nous avonsdécou vert l’étendue decette pau vreté sous tou-tes ses formes, vécue parcelles et ceux que nous côto yions.C’était pour nous un lieu privilégié,pour vivre notre charisme deSMNDA. Nous avons alors décidé devenir vivre dans ce quartier deNyamugari.

Notre premier ob jectif a été d’ai-der les femmes à sortir de la prosti-tution en fondant le Centre dePromotion des Femmes, « shirukaUbu te », qui signifie en kirundi :« Mets-toi debout pour vaincre laparesse ». Nous avons aussi com -men cé à soigner les malades et lesblessés de la guerre.

Actuellement, c’est dans un cent-re de soins que nous prenons en char-ge, les personnes porteu ses du

VIH/SIDA, et que nous veillons à lasanté des enfants dénutris, en leurapportant une alimenta tion équili-brée, pour les aider à grandir norma-le ment.

Dans notre communauté, deuxsœurs travaillent plus particulière-

ment dans ce centre, en collaborationavec une équipe de laïques, en grandepartie des femmes mariées. Depuisavril 2012, notre Centre est agréépar le Ministère de la santé. Noussommes aidées par l’État, notammentpar la prise en charge de six infirmiè-res. Cette aide nous permet de nousacheminer vers l’autofinancement.En outre, il est bien fréquenté partoute la population, sans distinctionde religion ni de classe sociale. Lesgens aiment venir chez nous pour se

faire soigner.

Avec les habitants duquartier, nous avons desrelations de bon voisina-ge. Lorsque nous sortons,les enfants viennent noussaluer spontanément etnous embrasser, c’est lajoie partagée pour eux etpour nous. L’accueil et lasolidarité bien sûr, fontpartie de notre quotidien.Ainsi, dans la maison enface de la nôtre, habiteMarciana, une vieillema man isolée, pauvre etmalade. Nous avons dé ci -dé de partager notre repasavec elle. Ainsi cha que

jour, nous lui rendons visite et luiapportons ce dont elle a besoin. Parnotre ouverture, nous tenons à ceque tous se sentent bien accueillis.

Nous visitons éga le ment les genschez eux, pour leur montrer que noussommes proches de tout ce qu’ils

Le Burundi, petit pays d’Afrique de l’Est, est situédans la région des Grands Lacs. Il est frontalier avec laRDC à l’ouest, le Rwanda au nord et la Tanzanie à l’estet au sud. À Gitega – deuxième ville du pays - une com-munauté de sMnDA est présente depuis plusieursannées. Les sœurs nous expliquent ce qui les fait vivreau quotidien.

Sœur Herenia au centre des soins

VOIX D’AFRIQUE -

Un petit pays, aux nombreux visages

Page 4: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

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vivent, particuliè rement en cesmoments où la situation politiquegénè re beaucoup de souffrances.

De même, avec nos voisinsmusulmans nos relations sont trèsamicales. Nous sommes notammenten contact régulier :

P avec Maman Pili, que nousaidons à vivre, en soutenant son petitcommerce de charbon et de bois.

P Avec Isaac, le muezzin de lamosquée. Ils sont tous attachés auxvisites de courtoisie que nous leur fai-sons, et sont très heureux de nousrecevoir, lorsque par notre présence,lors d’évènements joyeux ou tristes(fête familiale, mariage, baptême,deuil), nous venons leur dire notreproximité et notre solidarité.

Quant aux chrétiens, nous lesrencontrons dans notre paroisse deMucunguzi. Chaque jour, beaucoupd’entre eux participent à la mes se dumatin. De plus, nous assistons sou-vent aux rencontres et réunionsparoissiales.

Toutes ces relations fraternelles etamicales, nous apportent de grandessatisfactions. Ainsi, il y a quelquesannées, nous avons vécu une trèsbelle expérience avec les gens denotre quartier, en célébrant « le noëldes pauvres ».

En collaboration avec la Caritasde notre paroisse, nous avons pré paréun repas pour les plus démunis. Faceà la si tuation de pauvreté, nous avonsdécidé en communauté, de nous pri -ver chaque jour de quel que chose,

afin de partager avec ceux qui sonttellement moins favorisés que nous.

Au lieu de distribuer de la nourri-tu re, nous avons organisénous–mêmes une journée de fête oùnos invités d’honneur ont été lesplus pauvres. Nous avons préparé lerepas, les avons servis et avons dînéavec eux. Nous désirions rassemblermusul mans, catho liques, pro tes tants,païens, gens de diffé rentes ethnies,vivant ainsi réellement, le « tout àtous » du Cardinal Lavigerie. Ce futpour tous, une journée de grandejoie !

Une autre activité prend égale-ment une grande place dans notrecommunauté, c’est l’AMV(Animation Missionnaire etVocationnelle.) Parmi nous, deuxSœurs travaillent plus spécialementavec les jeunes. Elles sont présentesdans différentes activités aposto-

liques : cours de religion dans plu-sieurs écoles de la ville, visites dansles paroisses à l’invitation des grou-pes vocationnels, sessions d’AMVpendant les vacances d’été et de Noël,ou encore collaboration avec lesMissionnaires d’Afrique (PèresBlancs) dans leur Centre de jeunes :« Le Pélican. »

Le 20 septembre, 4 jeunes ontcommencé chez nous le pré-postulat.Outre leur accompagnatrice, c’esttoute la communauté, qui est impli-quée dans leur cheminement.

Dans la même ligne, six jeunesfilles ont com mencé leur parcoursavec nous « Venez et voyez » C’est la1re étape de formation, pour les jeu-nes qui expriment le désir d’entrerdans notre con gré gation.

D’autre part, nous sommes heu-reuses que Sœur Flo ri de ait pu com-men cer les études d’assistante so -ciale. Sa présence au milieu des élè-ves de différentes religions, est unebelle occasion pour elle, de témoignerde sa vie religieuse missionnaire. Deplus, au sein de notre communauté,Floride est la seule Burundaise, et sonconcours est pré cieux, pour nous quisommes étrangères, car elle nous aideà mieux comprendre la mentalité deses com pa triotes, et à en tenir comptedans nos activités.

Oui, au milieu de cette populationqui nous accueille, nous voulons qu’àtravers nos pensées, nos gestes, nosparoles et nos actions, notre présencesoit réellement un signe visible del’Amour de Dieu pour tous.

La communauté

La communauté est complice !

Devant le centre de santé

n° 115 juin 2017

Page 5: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

Justice & Paix

Le fatalisme paralyse

Très souvent, j’ai entendu auMalawi et au Mozambique,ces mots : « Pyachitika! »,

« Titani nanga! », ce qui veut dire :« c’est comme ça! on n’y peut rien,nous ne pouvons rien faire » Cettefaçon de penser démobilise, empêched’aller de l’avant, fait de nous des pri-sonniers. On subit les injustices, caron croit qu’on est impuissant, qu’onnous a dit de se soumettre, qu’on n’apas confiance en soi, qu’on a unemauvaise image de soi (c’est se sous-estimer!), » c’est la volonté de Dieu !Le puissant sera toujours le puissant,et le pauvre toujours pauvre…

Dans nos sessions de formation,nous faisions le jeu de rôle suivant :deux personnes, allant à une réunion,devaient traverser une rivière, maiscelle-ci avait monté durant la nuit àcause de grosses pluies ; alors ils sesont résignés et se sont assis, atten-

dant que quelqu’un trouve une solu-tion à leur problème. Arrive un troi-sième personnage qui, après avoirrepéré les pierres où s’appuyer,prend l’un sur ses épaules et le dépo-se au milieu de la rivière : celui-ci nefait aucun effort pour continuer saroute, et il restera là ; puis notretransporteur prend le second sur sesépaules et le laisse au milieu ducours d’eau, mais il lui montre où ilfaut passer pour traverser et éven-tuellement, dans l’avenir, revenir au

point de départ : il lui apprend ainsi àprendre sa vie en mains.

Mais nous lisons en Matthieu22,39 : « Tu aimeras le Seigneur tonDieu… et ton prochain comme toi-même ». Et nous disons que nousavons été créés à l’image de Dieu…moi et tous les autres. Dieu veut-ilvraiment notre malheur ??? Et nousnous croyons ses enfants bien-aimés ! Quand nous lisons leMagnificat en Luc 1,47, nousvoyons une femme, Marie, très hum-

Notre avocate parle aux représentants de la population menacée d’expulsion

C’est un jeu de rôle que j’ai souvent utilisé

au Mozambique au cours de “Training For Transformation” : cet homme-là n’avait pas prévu

que la rivière qu’il devait traverserà gué, serait si haute à cause de lamontée des eaux : devant cette dif-

ficulté, il est paralysé et baisse les bras.

12 VOIX D’AFRIQUE -

Page 6: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

ble, et qui après la visite duMessager de Dieu, chante les mer-veilles qu’Il fait en elle. La SœurEmmanuelle disait : « Croire enDieu, pour moi, ce n’est pas le plusimportant. Le plus important c’estde croire en l’Homme. » On ne peutavoir Foi en Dieu si on n’a pas Foien l’Homme. En réalité, nous som-mes appelés à être de vrais hommes,à grandir en humanité, donc à réagirface aux injustices, à tout ce qui nousempêche d’être. Si donc un autre(étranger ou non) vient s’approprierce qui n’est pas à lui, nous devonsréagir et ne pas nous soumettre tropvite : nous serions alors les compli-ces du mal !

Ces dernières années, nousvoyons une ruée sur les terres et lesous-sol au Mozambique (c’est unesituation générale en Afrique, etaussi d’autres pays dans lemonde…) : on vient d’autres payssouvent s’approprier les terres despauvres (Au nom de qui ? De queldroit ? Pour quel développement?),pour résoudre nos problèmes cheznous (souvent pour faire des agro-carburants, parfois pour produire desaliments, ou pour investir tout sim-plement) ; les gens sont rarementconsultés : on les ignore, comme sice n’était même pas des humains. En2013, un homme m’a dit :« Autrefois, moi et ma famille, on

mangeait trois fois par jour, mainte-

nant qu’on a découvert du pétrole

dans mon champ, on a été expulsés,

et on a peine à manger une fois par

jour » Serait-ce cela le développe-ment? Et pour qui ? Le riche ou lepauvre?

Avec une équipe de laïcs, nousavons voulu aider les gens à réagir età ne pas accepter n’importe quoi,surtout quand on venait d’ailleurs,avec de belles promesses, leur volerleurs terres : dans le nord du pays, onest venu acheter jusqu’à 13 millionsd’hectares (le tiers du pays), et doncplus de 4 millions de personnesétaient expulsées de chez elles ; etpour aller où??? Là-bas, il n’y avaitni eau, ni école, ni hôpital, ni infras-tructures (comme des routes), nicommerces… ils avaient seulementle droit de mourir de faim… depuis

des mois, on nous répète que « lafaim n’est pas une fatalité ! ». Est-ceainsi qu’on va résoudre la questiondu développement?

Quelle était donc la cause deleurs malheurs ??? Ne serait-ce pasla voracité ou la rapacité ou la cupi-dité de quelques-uns, mieux nantisqu’eux : ils avaient les moyens,appuyés par de grands organismesinternationaux ! Nous avons vitecompris que contre ces exploiteurs,on n’y arriverait pas, à moins deprendre un avocat qui viendrait avecnous sur le terrain. Et c’est elle (carc’était en fait « une avocate ! ») qui aconvaincu la population de se mobi-liser pour défendre ses droits. Sinon,les gens allaient perdre leur sécuritéalimentaire, leur travail, leur chez-soi, leur dignité humaine car consi-dérés ignorants de tout, leur vivre-ensemble car dispersés à droite et àgauche … ils ne seraient plus rien !Un journaliste officiel avait mêmeété contacté pour faire des repor-tages à la Radio et la TV ! nousavions prévu d’utiliser les radioscommunautaires pour faire connaîtreleurs droits à ceux qui n’avaient pualler à l’école ou y sont allés trèspeu : des traductions vernaculaires(en Chisena et Chindau, les deuxlangues parlées localement) avaientété faites pour familiariser la popula-

tion sur leurs droits et les fairerespecter. Il est indispensable deconscientiser la population d’avan-ce : nous avons organisé des sessionsde Formation à la Transformation(Training For Transformation), basésur les idées de Paulo Freire.

Cela a permis à beaucoup dereprendre conscience de leur dignitéhumaine, de reprendre confiance ensoi, et d’exiger justice. Le résultatfut que la population est restée surses terres. Et on est allé célébrer celapar l’offrande d’un sacrifice auxAncêtres sous l’Arbre parce qu’ilsles ont protégés et n’ont pas vouluque ces terres ancestrales soient vio-lées ! Et la fête s’est poursuivie parun grand dîner en commun. Et pourmoi, de revenir à la maison avec unbouc pour continuer la fête !!!

Le jeu de rôle se poursuit : quelqu’un vient au secours de celui qui estmort de peur pour le faire traverser la rivière, mais c’est pour lui per-

mettre de traverser seul à l’avenir ; il lui montre le chemin comment s’y prendre.

norbert Angibaud, M. Afr.Référent Justice et Paix pour les

Missionnaires d’Afrique de France

n° 115 juin 2017 13

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14 VOIX D’AFRIQUE -

Mon insertion pastorale auprès des Scouts Unitaires de France

à la paroisse Sainte-Foy-lès-Lyon

M on insertion pastoraleauprès des scouts(SUF) à la paroisse Ste-

Foy-lès-Lyon consiste à participeraux activités organisées par legroupe dans le cadre de la forma-tion intégrale des jeunes.

Une fois par mois, nous nousretrouvons avec les chefs depatrouilles pour une rencontre deformation autour d’un thème choi-si par les responsables du groupe.Les sujets abordés au cours de cesréunions touchent diverses ques-tions en rapport avec l’engage-ment de ces jeunes dans leurmilieu de vie : familles, écoles,Églises, leur responsabilité au sein

du groupe. Au cours de ces échan-ges, les scouts partagent leursexpériences et s’enrichissentmutuellement en profitant aussides enseignements et témoignagesde leurs aînés (responsables degroupe, aumôniers). C’est uneoccasion de se retrouver pour voirensemble l’organisation et ledéroulement des activités, la pro-gression et le suivi des jeunes quenous encadrons et la mise enœuvre de la pédagogie scoute.

Les chefs de groupe ont dans cecadre, la responsabilité d’épaulerles autres chefs pour assurer le bonfonctionnement de leur unité et deles aider à grandir dans la mission

qu’ils assument. Dans ce mêmeespace, les chefs vivent la convi-vialité et profitent pour se connaî-tre les uns les autres dans un cli-mat de vie, d’échanges et de for-mation. C’est le seul moment oùles chefs scouts ne sont pas ensituation de responsabilité d’enca-drement et où ils peuvent vivreentre eux.

Lors de nos sorties en week-endavec le groupe, nous veillons àrespecter un certain équilibre entreles différentes activités : veillée-réflexion autour d’un thème,eucharistie célébrée en plein air(parfois dans la neige en l’hiver),adoration, randonnées, jeux. Tout

AMV

La pastorale avec les scouts de France entre dans la droite ligne de l’animation missionnaire et vocationnelle dans ce milieu où la jeunesse se fait de plus en plus rare dans nos Églises.

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15n° 115 juin 2017

cela contribue positivement à lacohésion du groupe.

La mission de l’aumônierLa mission de l’aumônier scout

que j’assure auprès de ces jeu-nes est de marcher en “tandem”avec les encadreurs pour animer lacommunauté des chefs avant derayonner sur l’ensemble des acti-vités des unités et patrouilles de latroupe. Avec les autres chefs, nousessayons d’annoncer la BonneNouvelle aux enfants ou aux jeu-nes dont nous avons tous la char-ge. Nous le faisons à travers diffé-rentes activités organisées aucours de nos sorties en camps ouen week-end (eucharistie, adora-tion, méditation, confessions.).Nous assurons ainsi la progressionspirituelle de l’ensemble du grou-pe en respectant le cheminementet le niveau de chacun.

Au-delà des prières et bénédic-tions diverses, je participe au mieuxet selon ma disponibilité à la vie desunités ou de la communauté deschelfies : sorties en week-end,camp, services divers, tempsforts… Ces jeunes adultes, qui ontentre 17 et 25 ans, mettent ensem-ble leur savoir-faire au service desplus jeunes qu’ils encadrent. Ils

bénéficient d’une formation qui lesprépare à être responsables de leurvie en prenant bien au sérieux leurtâche au sein du groupe et de leurvie comme étudiants ou jeunesemployés.

La pastorale avec les scoutsunitaires de France rentre dans ladroite ligne de l’animation mis-sionnaire et vocationnelle dans cemilieu où la jeunesse se fait deplus en plus rare dans nos Églises.Ce que ces jeunes scouts appren-nent à travers la formation spiri-tuelle et humaine qui leur est pro-posée, ils essaient ensuite de levivre au quotidien dans leur milieude vie et attirent par leur exempled’autres jeunes qui les rejoignentdans le groupe. Quoi de mieux quede proposer à la jeunesse d’aujour-d’hui un espace où ils peuvent enmême temps vivre des momentsforts avec des jeunes de leur âge,dans un climat de joie (jeux, sor-tie, échanges) et être à l’écoute desaînés ayant une expérience de viedans la foi, l’espérance et la chari-té ! Quand les scouts se retrouvent

ensemble, ils parlent souvent entreeux et discutent de leur vie enfamille ou à l’école en parlant deleurs projets d’avenir, leurs ambi-tions, ainsi que des valeurs chré-tiennes qu’ils incarnent. Ils s’en-couragent, s’apprécient et s’esti-ment quand il le faut et en mêmetemps ils expriment leur désarroien cas de mécontentement sur uneexpérience dévalorisante.

Les parents ont un rôle impor-tant à jouer dans l’animation etl’accompagnement de ces jeunesscouts. Ils sont informés et sensibi-lisés sur les activités du groupe, lapédagogie du mouvement afinqu’ils s’en imprègnent pour aiderleurs enfants à marcher dans laligne proposée par les scouts. Unmanuel scout, “Au cœur des SUF”,est remis aux parents à chaqueadhésion d’un jeune au mouve-ment. Les informations et rensei-gnements généraux y sont donnéspour que les parents connaissent cequi est proposé à leurs enfants. Dece fait, la formation qui est donnéeaux jeunes touche aussi les parentsdans la mesure où ils sont au cou-rant de ce qui se passe dans le grou-pe, et les jeunes en parlent aussidans leurs échanges en famille.

Riche expérience, dans uncadre où la croissance humaine seconjugue avec l’approfondisse-ment de la foi, pour une jeunessequi prend de plus en plus cons-cience de sa place dans l’Église etdans la société. Les scouts bénéfi-cient d’une formation qui, sur leplan humain et spirituel tientcompte des tranches d’âge selonune pédagogie propre au mouve-ment.

Les aînés encadrent, initient etforment les plus jeunes qui, à leurtour prendront le relais. Ainsi latradition se transmet de générationen génération en tenant comptedes nouvelles situations de la vie.

Père Odon Kipili, M. Afr.

Les jeunes adultes mettentensemble leur savoir-faire

au service des plus jeunes

Un groupe de scouts autour du Père Odon Kipili

Page 9: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

VOIX D’AFRIQUE -

Témoignage

Une autre planèteCe 24 décembre 1986, Anne-

Marie, Loulou, Annick et Jean-PierreTricoire, atterrissons à l’invitation duP. Jean-Yves, sur une autre planète, àBoken, au Burkina Faso. C’est lechoc ! Encore ensommeillés, nousassistons, éberlués, à la messe deminuit au son des tam-tams, danses etchants fervents qui résonnent encore.

Quelle nostalgie au souvenirde ces rencontres !

La joie de rencontrer tous ces genssouriants et accueillants, dans lesvillages où il faut d’abord saluer le

« vieux » et boire l’eau de bienvenuedans la calebasse passée de main enmain.

Les visages apeurés de ces enfantsqui n’avaient jamais vu de blanc ! Lasurprise de découvrir les appels deces femmes allongées sur leur nattedans la pénombre de la maternité.

Les classes surchargées aux élèvestrès disciplinés, avec un crayon pourdeux ou trois, qui attendent parfoisdehors leur tour d’apprendre !

Les visages creusés de « vieilles »bannies, à genoux, suppliant de leurvenir en aide.

La visite de courtoisie chez leNaba, chef coutumier, entouré de sacour, en attendant qu’il nous donne“la route” pour repartir.

Une histoire d’amitié de plus de 30 ans

La Châtaigneraie, village de Vendée, et Boken du Burkina

grâce à un Père Blanc

Tout a commencé, en 1986, par uneréunion à la mairie de La Châtaigneraie. Oncherchait quoi faire pour soutenir un paysd’Afrique? « Je connais un Père Blanc invi-

tons-le » a déclaré un conseiller… Tout levillage s’est senti concerné, et fête en cesjours trente ans d’actions et d’amitiés...

Les dentistes de La Châtaigneraie soignent au dispensaire de Boken.

Loulou, un entrepreneur de La Châtaigneraie, enseigne la construction de l’autel du village de Yimiugu.

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Les concessions joyeuses d’oùpartent les éclats de rire devenus sirares chez nous ! Alors que les condi-tions de vie rudimentaire nous don-nent plutôt l’envie de les plaindre.

Nous découvrons, grâce à Jean-Yves, ce qu’est une mission au cœurde la brousse. Nous sommes admira-tifs devant l’énergie qu’il déploie pourêtre à l’écoute de tous et son attentionportée aux jeunes des ARB (ArtisansRuraux de Boken qu’il a créés), sou-cieux de préparer leur avenir.

Que de moments passés à côté detous ces gens sans se parler, avec dessilences qui en disent bien plus longque des paroles !...

Quel plaisir de partager tant demoments inoubliables avec ceux quisont devenus des amis: Jean-Yves biensûr, l’homme de terrain, Pascal l’amipatient et fidèle qui nous a permis d’al-ler au cœur des réalités de l’Afrique,Fati et Moumini les piliers de Boken,Siméon le petit berger… et tous ceuxqui attendent de nous des miracles!

La première maxime africaine estvenue de Maurice, un jeune des ARB,qui nous a lancé cet appel : « Le

contenu d’une cacahuète est suffisant

pour que deux amis puissent le parta-

ger ». Après de telles rencontres, je nepouvais pas ne pas parler, ne pas agirpour eux et avec eux.

Le retour sur terreAu retour, les images défilent sans

cesse, nous avons le virus del’Afrique qui ne nous quittera jamais.Et le “ensemble” de Lagem Taaba estconcrétisé avec la création de cetteassociation ici chez nous. J’en écrisles statuts en octobre 1987, soutenupar le maire d’alors, des membres duconseil municipal et du Rotary sensi-bilisés. Et j’en suis le premier prési-dent. Puis tout va très vite : en 1988un camion pour l’Espoir, en 89 unséjour au pays de Germain, présidentdes ARB. Puis, cette fois, nous par-tons à 20 ! et prenons nos quartierssous les tôles derrière l’église, avecun foyer pour la cuisson. Chaquematin, la dizaine de jeunes accompa-

gnés du vicaire Yannick part pour lechantier de briques qui serviront à laconstruction de l’école d’Imiugu.L’équipe médicale, médecin, dentiste,infirmières, gagne le dispensaire quine désemplit pas. Les enseignants etformateurs, rejoignent les ARB : cou-turiers, soudeurs, menuisiers, forge-rons, et maçons. Une expériencemajeure ancrée dans nos cœurs !

À leur tour, des jeunes burkinabésviennent découvrir notre culture et seformer quelques mois, hébergés chezles uns et les autres.

Les réunions s’enchaînent, des pro-jets avancent, comme cette Course del’Espoir de Chantonnay à LaChâtaigneraie. Là-bas les attentes sefont plus pressantes, ici on se mobili-se… Puis on y retourne, pour retrou-

ver les amis, suivre les projets; et ontransmet cette passion en y amenantd’autres amis qui s’envolent à leurtour…

Une leçon de vie… Rencontrer une autre culture nous

renvoie à la nôtre ! Nous y avonsdécouvert bien des valeurs qui se sonteffritées chez nous : le sens de l’ac-cueil et son temps d’écoute, le respectde toute personne, du travail, de lafamille… En fait, on reçoit bien plusque l’on donne ! De telles expérienceshumaines sont d’une richesse inesti-mable. Toute une vie en est marquée.« Il n’y a pas de plus grand bonheur

que la venue d’un hôte dans la paix et

l’amitié » dit-on là-bas.

Il n’est pas de mon propos de fairele bilan de Lagem Taaba : il est énor-me, il suffit de voir les avancées dansles domaines de la santé et de l’école,que nous avons accompagnées. Nousavons avancé ensemble, les burkina-bé ne nous ont pas attendus, ils ontpris en charge leur propre développe-ment. Et ici, ce sont des centaines depersonnes qui se sont ouvertes à cetteautre culture, qui ont participé à cepartage pour une vie plus digne.

« Là où le cœur est, les pieds n’ontpas de peine à aller ».

Longue vie à Lagem Taaba et àtous ces amis du Burkina qui nous ontfait vibrer durant toutes ces années !

Jean-Pierre TricoireFondateur de Lagem Taaba

Le P. Jean-Yves premier rang à droite : « Le Missionnaire est un pontentre son pays d’origine et son pays de mission ! »

Aux entrées de la ville cette pan-carte rappelle l’amitié qui la lie à

Boken et Birkenfel en Allemagne.

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18 VOIX D’AFRIQUE -

L’agroforesterie chez les Batwa

D’une extrême pauvreté, les Batwa représententaujourd’hui plus ou moins 1 % de la population duBurundi et vivent une discrimination de longue date. Ilspartagent le même sort que des milliers de pygméesd’Afrique et ne sont pas traités sur le même pied d’égali-té que les autres composantes ethniques du Burundi quiles ont toujours considérés comme des parias. Cette situa-tion sociale et les conditions précaires de vie ne permet-tent pas aux Batwa de jouir de certains droits. Ils n’ont pasd’habitats décents ou pour dire mieux, ils sont pratique-ment des sans-abri. Très défavorisés dans le domaine del’éducation, ils sont de facto exclus de toutes les instancespolitico sociales de prise de décision et de représentativi-té. Depuis plus d’une décennie, nous nous efforçons dechanger quelque chose en nous impliquant dans lesdomaines de la scolarisation, de la santé, de l’agriculture,de l’habitat et des mentalités à corriger. Les dernières évo-lutions de l’histoire du pays donnent espoir puisqu’ellesprévoient la cooptation des Batwa à l’assemblée nationa-le. Cependant beaucoup reste à faire.

Jadis, les Batwa étaient des habitants de la forêt etvivaient de la chasse et de la cueillette. En raison du reculde la forêt et de l’occupation progressive des terres par lesagriculteurs et les éleveurs, ils se retrouvent à vivre dansde petits villages sur des espaces très réduits, et se voientobligés malgré eux de se convertir en agriculteurs.Souvent, ces terres sont accidentées et moins fertiles.

L’objectif du projet d’agroforesterie est de donnerl’opportunité à 500 familles batwa de gagner en autono-mie pour se nourrir, se soigner, se fournir en bois, etcontribuer à enrayer ainsi la position de fragilité socialedans laquelle ils se trouvent. L’action consiste donc àplanter des arbres d’utilité diverse et complémentaire : les

essences forestières qui cohabitent avec les culturesvivrières, les essences fruitières, les essences médicinales,les essences de protection contre l’érosion et de fertilisa-tion du sol. Le financement demandé correspond à l’achatde ces essences végétales, du matériel aratoire et d’un peude carburant pour le véhicule. Les Batwa, bénéficiairesdirects du projet, constituent la main-d’œuvre pour le tra-çage des courbes de niveau et la plantation des espècesfournies.

Créée en 1999 par lesMissionnaires d’Afrique, ActionBatwa est une organisationvenant en aide aux Batwa, peu-ple pauvre et défavorisé qui évo-lue en marge de la sociétéburundaise. Plusieurs projets ontété présentés en leur faveur à laFédération des Amis des PèresBlancs. Entre 2012 et 2016 qua-tre projets ont été ainsi réalisés :la construction de latrines, cellede petites salles polyvalentes,une aide à la scolarisation desenfants, et le dernier sur l’agro-foresterie dans les villagesbatwa.

AAPB

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L’été est une période où l’activité est réduite : tout lemonde vient de récolter les cultures de la deuxième sai-son. Les Batwa ne s’occupent que de la poterie, activitéqui rallie toutes les populations batwa. C’est donc unmoment favorable pour lancer le programme et impliquertous les membres de la famille, en particulier les enfantsqui viennent aider leurs parents dans l’accomplissementdes activités du projet pendant les congés scolaires. Desséances de sensibilisation à la protection de l’environne-ment pour les jeunes sont organisées. L’objectif est defaire prendre conscience aux jeunes de l’utilité et de lanécessité de sauvegarder les espèces végétales pour unevie saine des humains et des animaux, la connaissance ducycle de l’eau et la manière de protéger les terres et lessources d’eau. Nous n’oublions pas de leur apprendre lestechniques élémentaires de gestion des déchets tout en lesmettant aussi en garde contre les mauvaises pratiques quipolluent la nature et perturbent l’environnement et le cli-mat.

Houes, pelles et pioches sont remises dans chacun des14 villages ciblés dans l’Archidiocèse de Gitega pour laréalisation du projet mais aussi pour l’entretien ultérieurdes infrastructures laissées et la culture des champs fami-liaux. Le lancement du travail de traçage des courbes deniveau commence en vue de mettre à l’abri de l’érosionles terres arables et les sources d’approvisionnement eneau. Il est même créé pour chaque famille une fosse àcompost servant à recueillir les déchets ménagers, initiati-ve que nous venons de prendre en complément du projet.

Pour la distribution des plants achetés, nous avons toutcompte fait loué des camionnettes au regard du seul véhi-cule que nous avons à notre disposition. Il faut que lesarbres soient plantés tôt, profitent au maximum des préci-pitations, et prennent solidement racine avant que nedébute la saison sèche du mois de mai. Tout le monde par-ticipe à la plantation.

Une autre initiative est la mise en place des pépinièresexpérimentales qui permettent aux familles d’acquérir desconnaissances nécessaires pour faire pousser eux-mêmesles plantes et les arbres dont elles auront besoin : une pépi-nière a été installée à Zege et confiée à une association desfemmes du village, une autre à Murayi confiée aux bonssoins des enfants et de leurs parents, une troisième àGitega faite de plantes médicinales. Nous nous servons decelle-ci comme source d’approvisionnement pour vulgari-ser ces plantes dans les villages batwa. L’artemisia qui estla plus importante de ces plantes, les aide à soigner la malaria surtout que les Batwa ne disposent pas de moyenspour s’acheter les médicaments contre cette maladie tro-picale qui fait beaucoup de ravages.

Fin décembre 2016, les différentes étapes d’implanta-tion des arbres d’agroforesterie sont toutes réalisées. L’undes facteurs de réussite et qui me pousse à espérer lapérennité du projet est l’acquisition de connaissances parles familles batwa. Elles pourront continuer le travailcommencé en prenant leurs propres décisions par la suite.

Le projet a suscité un grand enthousiasme auprès desBatwa, bénéficiaires comme s’il répondait à leur besoin leplus profond. Moi-même et toute l’équipe avec laquelle jetravaille sommes contents d’avoir pu communiquer unsavoir-faire et inculquer chez les jeunes l’esprit du bien-fondé de ce travail, avec la ferme conviction que cesactions vont se poursuivre. Nous sommes aussi heureuxparce que ce projet fait écho, d’une façon modeste, à l’en-cyclique “Laudato si” du pape François, qui nous invite àprotéger la terre, notre maison commune.

Père Bernard Lesay M. Afr.

AAPB LILLE

* Vente solidaire :24, 25 et 26 novembre 2017Salle Doumer Place Doumer MARCQ-en-BAREUIL (59)

AAPB PARIS* Journées d’Amitié :

17, 18 et 19 novembre 2017Crypte Sainte Odile2 av. Stéphane Mallarmé PARIS (75)

AAPB LYON

* Expovente :13, 14 et 15 octobre 2017Centre théologique 15 chemin de La Carronnerie MEYLAN (38)

* Expovente :10, 11 et 12 novembre 2017Salles Paroissiales église des Fin26 av. de Genève ANNECY (74)

* Expovente :24, 25 et 26 novembre 2017Clinique Natécia22 av. Rockefeller LYON (69)

Les plans d’Artémisia servent de remède contre la malaria.

Page 13: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

Les Pères Blancs et la prévention du trafic

et du travail forcé des enfants au Nigeria

Dans sa lutte contre les mauxdu trafic et du travail forcédes enfants, qui est très pré-

sent au Nigeria et en Afrique en géné-ral, la Commission de Justice,Développement et Paix de l’archidio-cèse d’Ibadan au Nigeria travaille encollaboration avec les institutionsgouvernementales et d’autres com-missions et organisations pour la pré-vention du trafic et du travail forcédes enfants. Les intervenants sont desmembres et des représentants desagences de renforcement de la Loi(incluant la Loi du Droit des enfants),la police, l’immigration et les agents

douaniers, des juges de la paix, desexperts en éducation, des médias etdes représentants de la commissionJDPC de notre paroisse dirigée par lesMissionnaires d’Afrique.

C’est un fait indiscutable que letrafic et le travail forcé des enfantsexistent au Nigeria et dans notremonde contemporain. Il est bien diffi-cile d’estimer les conséquencesimmédiates et à long terme de cesdeux fléaux. Comme Missionnairesd’Afrique, nous sommes des interve-nants au Nigeria et nous continuons àunir nos efforts avec d’autres organis-mes dans le but de réduire cette réali-té inhumaine.

Le trafic humain est devenu unphénomène global et ne devrait pasêtre toléré. Il n’y a aucune justifica-tion pour ce trafic illégal, scandaleuxet inhumain. C’est tout à fait contrai-re au plan de Dieu d’être traitée ainsipour la personne humaine qu’Il acréée à son image et à sa ressemblan-ce ! Personne n’a le droit d’abuser,d’exploiter, d’opprimer ou défigurerla propre image de Dieu et sa ressem-blance !

Cependant il est très regrettableque la personne humaine, pour sesintérêts égoïstes, soit le seul êtreintelligent qui puisse consciemmentagir contre la volonté du Créateur ence qui concerne le respect et la pro-motion des droits de la personnehumaine. Une personne fabrique unAK47, non pas pour chasser un ani-mal, mais pour tuer son frère et sasœur. La personne humaine a déve-loppé un système démoniaque devente et d’achat d’enfants dans le butde s’enrichir aux dépens des victimesau lieu de promouvoir la vie. Ceci estla base du trafic et du travail forcé desenfants. Durant les dernières années,le gouvernement du Nigeria, à l’aidede citoyens engagés, a découvert unnombre de baby factories* : des jeu-

Justice Développement et Paix

Manifestation contre la traite et le travail des enfants

Quelques enfants victimes du trafic et du travail secourus à Ibadan

20 VOIX D’AFRIQUE -

Page 14: Le Réseau Justice et Paix, Afrique-USA

nes filles sont kidnappées, misesenceinte et, à la naissance, le bébé estmis en vente !

Il est évident que lorsqu’un êtrehumain devient un objet d’enrichisse-ment, le futur de l’humanité est endanger, conduisant à une catastrophe !Dans des cités métropolitainescomme Ibadan et Lagos au Nigeria,beaucoup d’enfants et femmes tra-vaillent comme des serviteurs domes-tiques. En fait, ils subissent l’esclava-ge sexuel (prostitution) et le travailforcé. Le trafic humain est devenuune forme structurée d’esclavage.Pourtant l’esclavage a été abolidepuis longtemps. Notre fondateur, lecardinal Charles Lavigerie, a dirigélui-même un mouvement contre l’es-clavage. Mais, malgré cela, une nou-velle forme d’esclavage a fait surface

dans notre monde contemporain. Ilest moins visible, mais très dangereuxà cause d’un recrutement systéma-tique et bien organisé, car les victimesse trouvent parmi les adultes et lesenfants vulnérables.

La commission Justice, Dévelop-pement et Paix de l’archidiocèsed’Ibadan, dans son approche prophé-tique, a opté pour une approche holis-

tique pour lutter contre cette pratiqueinhumaine. Cela nécessite d’adresseret de dénoncer les causes premièresdu trafic et du travail forcé desenfants. La commission JDPC nepeut pas faire beaucoup par elle-même ; un effort conjoint est essen-tiel. Ceci est la raison expliquantl’implication d’autres intervenantsmentionnés plus haut dans cette luttecommune. Il est nécessaire de s’unirensemble pour atteindre notre but.

La commission JDPC travaille àunir les efforts des intervenants dansla prévention du trafic et du travailforcé des enfants dans la métropoled’Ibadan et des environs. Il n’y a pasde doute qu’il vaut mieux prévenirque guérir !

Nous demandons à Dieu de nousdonner

- la Sagesse dont nous avons besoin,

- la Force dont nous avons besoin,

- la Grâce dont nous avons besoin,

- la Stratégie dont nous avons besoin,

- le Courage dont nous avons besoin,

- et les Moyens dont nous avons besoin,

Celà, dans le but de diminuer etmême arrêter le trafic et le travailforcé des enfants, et ainsi promouvoiret faire respecter les Droits desenfants que Dieu a créés à son imageet ressemblance !

James ngahy, M. Afr.

* baby factories : usines à bébés

Le P. James Ngahy (au milieu) avec des participants JDPC lors d'un atelier de formation sur la traite et le travail des enfants.

Le AK47 est fabriqué non pourchasser mais pour tuer l’homme.

Rencontre familiale des enfants victimes de la traite

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22 VOIX D’AFRIQUE -

CINéMA

Ahmed Sylla comédien, humoriste déclare : « Je suis très croyant ! »

Biographie d’Ahmed Sylla

- Né, en 1990, à Nantes de parents immigrés Sénégalais, AhmedSylla vit dans un quartier populaire : Les Dervallières. Fort del’environnement multiculturel dans lequel il grandit, et mis auservice de son jeu de comédien, Ahmed prend alors consciencede la capacité instinctive de son humour à fleur de peau et de saprédilection et de son amour pour la comédie.Mais c’est au collège à l’âge de 14 ans qu’Ahmed découvre lethéâtre. Après quelques vidéos, filmées dans sa chambre par sonpetit frère et postées sur Facebook, Ahmed se fait remarquer.

- En 2011, tout s’accélère avec l'aventure « On ne demande qu’à

en rire » sur France 2. Après avoir été sélectionné, d'abord sousle pseudonyme d'Ahmed Sarko, il trouve vite ses marques. Ildevient connu du grand public dans toute la France en compo-sant des sketches où il se déguise en une myriade de personna-ges tous aussi farfelus les uns que les autres.

- En 2012, Ahmed Sylla présente son tout premier one-man-show« À mes délires ! ».

- Début 2017, il joue au cinéma en tant que personnage principaldu film « L'ascension » un banlieusard qui décide de grimperl’Everest par amour. Le film remporte le prix du public et le prixspécial du jury au festival de l’Alpe d’Huez.

- “Irrésistible” serait sans doute le qualificatif qui le définit le mieux.Son humour, sa bonne humeur viennent à bout de tout et rien nerésiste à son charme désarmant !

Décidément son nouveau spectacle Ahmed Sylla, « Avec un grand

A », est bien une autre histoire. À découvrir d’urgence !

On a demandé à Ahmed « Quelleplace a la spiritualité dans votrevie?»

Il a répondu :

« J’ai un rapport à la religion quiest hyperpudique. Je ne parle jamaisde ma religion dans les médias. J’aiune spiritualité qui m’aide beaucoupau quotidien. Je sens que j’ai besoinde Dieu pour me guider tous lesjours.

Cela fait partie de ma culture, jesuis Sénégalais donc musulman,même s’il y a aussi des chrétiensavec qui il y a une bonne coexisten-ce au Sénégal. Quand je parle deDieu, c’est comme si je me mettais ànu. Aujourd’hui, la spiritualité, j’enai besoin plus qu’hier. Je me raccro-che à des choses plus essentiellescomme ce rapport à Dieu. Je suistrès croyant.

Je me demande comment des gensqui ont grandi au fin fond de la cam-pagne peuvent avoir une autre imagede l’Islam que celle qui est retranscri-te à la télévision. Je m’interroge surce que je peux faire pour empêcherles gens de faire l’amalgame. »

Paru dans l’ACRE

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23n° 115 juin 2017

I l y a 50 ans, le 24 juin 1967, en la fête de Saint Jean-Baptiste, je prononçais, au noviciat de Gap enFrance, mon premier serment missionnaire. Deux

autres suivront et le Jeudi saint 1972, je prononçais, dansl’église paroissiale de Chaville, maparoisse natale, mon serment mis-sionnaire définitif.

Tout avait commencé en 1964,quand j’entrais au postulat desMissionnaires d’Afrique à Mours aucours du mois d’octobre. Je venais determiner mes études à l’écoled’Optique Appliquée de Paris (EOA)et j’avais pris contact depuis un cer-tain temps avec les Missionnairesd’Afrique sur Paris. L’Afrique m’atti-rait ! On m’encourageait à me prépa-rer au sacerdoce mais je préféraiscommencer comme missionnaireFrère pour me donner le temps d’envi-sager cette préparation pour plus tard.N’ayant jamais fait de séminaire, jeme disais que j’avais d’abord beau-coup à apprendre. Je voulais aussifaire une expérience en Afrique et savoir si je pourrais yvivre car ma santé n’a jamais été forte.

Le 11 septembre 1965, je faisais un nouveau bond enavant, en entrant au noviciat à Gap, dans les Hautes Alpesfrançaises. Dépaysement, étonnement… le lieu d’abord etl’ambiance quasi monastique du noviciat. J’y demeuraisdeux ans et ce fut une réelle expérience spirituelle.

En mission à San au MaliService militaire oblige, je décidais de partir au titre de

la Coopération au Mali pour deux ans où je fus instituteurdans le diocèse de San. Le climat et la situation politique

au moment du coup d’État de Moussa Traoré m’ontsérieusement éprouvé. On m’a alors proposé de poursuiv-re mes études à Strasbourg. Je suis revenu ensuite au Mali,toujours comme Frère, pour trois nouvelles années d’en-

seignement, au petit séminaire SaintPaul du diocèse de San.

En France vers la prêtriseC’est au cours de ce nouveau

séjour au Mali qu’avec mon accom-pagnateur spirituel, je décidais dereprendre mes études en vue dedevenir prêtre. Je me sentais prêt etc’était aussi à une période délicatede l’histoire de l’Église de France,après le Concile Vatican II où beau-coup de prêtres quittaient le sacerdo-ce. Les supérieurs de l’époque m’ontproposé de me préparer dans le cadredu CERM (Centre d’Études et deRecherches Missionnaires). Ce cent-re était l’un des premiers consor-tiums missionnaires mis en route à lasuite du Concile. Il était ouvert auxMissions étrangères de Paris,

Salésiens, Montfortains, Spiritains, Missions Africainesde Lyon et quelques autres encore. Je vais être le premiermissionnaire d’Afrique à me préparer au sacerdoce dansle cadre de cet institut.

Nous suivions les cours à l’Institut Catholique deParis, au séminaire des Missions étrangères de Paris, ruedu Bac, et au Grand séminaire St-Sulpice d’Issy lesMoulineaux. Après trois ans d’études intensives, je suisordonné diacre en juin 1977 à Boulogne Billancourt parMonseigneur Jacques Delarue, le premier évêque deNanterre, qui a proposé que je reçoive, à cette occasion, ladouble incardination pour bien signifier que c’est monÉglise d’origine qui m’envoie en mission. Un an plus tard,

Au noviciat de Gap

Il y a 50 ans

Le Père Alain Fontaine est actuelle-ment, à Ouagadougou, secrétaire duResponsable Pères Blancs d’Afrique del’Ouest francophone. Il célèbre cetteannée 50 ans de Serment Missionnaire

24/06/1967 - 25/06/2017

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24 VOIX D’AFRIQUE -

dans l’église de mon baptême, de ma confirmation et demon serment missionnaire, je suis ordonné prêtre. C’étaitle 28 mai 1978.

Retour au MaliJe repars au Mali, toujours dans le diocèse de San où

je vais travailler d’abord en paroisse à Mandiakuy. J’yapprends le boomu et m’initie aux activités pastorales.

C’est à ce moment-là que je participe au lancement desÉquipes Notre Dame, un mouvement de spiritualité fami-liale, à Mandiakuy. Le mouvement va progressivements’étendre dans plusieurs diocèses du Mali, à Ségou,Bamako et Kayes.

Après cette première expérience, on me demande derepartir au Petit Séminaire Saint Paul pour en prendre laresponsabilité et surtout pour permettre sa transmission auclergé local. Je vais y résider cinq ans.

À ToulouseEn 1988, la

Province de Franceme nomme à l’anima-tion missionnaire et jepars à Toulouse dansle Sud de la France.Je ne connaissais pascette grande ville et jecommence par m’yperdre. Un soir, jemets plusieurs heurespour retrouver la mai-son. Je vais travailler5 ans au service desOPM et vraiment êtreproche d’une réalitépastorale du Sud de laFrance.

Radio rurale à SanEntre la fin de l’animation missionnaire et mon retour

au Mali, on me demande, pendant une année entière de mepréparer à l’ouverture d’une radio rurale dans le diocèsede San au Mali. Je me prépare alors à l’informatique et autravail de mise en route d’une radio. C’était un domainetout à fait nouveau pour moi et je m’y suis mis avec pas-sion. Pendant 6 ans, je vais travailler à la mise en route, àSan au Mali, de la toute première radio privée catholiquedu Mali. Nous étions trois pour ce travail, l’Abbé AlexisDembélé, le directeur, un laïc formé à Lyon au CREC-AVEX et moi-même formé à Paris. Ce ne fut pas facile audébut mais ensuite nous avons pris notre vitesse de croi-sière et la radio - Radio Parana - est toujours là et fêteraen 2019, ses 25 ans d’existence.

En 2000, on m’accorde une année sabbatique que jecomptais organiser à ma guise mais on me demande alorsde me préparer dans un centre ignacien à Paris, à l’ac-compagnement et à l’organisation de retraites spirituelles.De là, on m’envoie à Jérusalem accompagner une retraitepour des prêtres africains francophones.

Centre Foi et Rencontre à BamakoC’est alors qu’on me demande de déménager sur l’ar-

chidiocèse de Bamako afin de participer avec JosefStamer à la mise en route des Centres Foi et Rencontre etde l’IFIC. Je vais travailler 10 ans dans ce secteur enapportant ma compétence sur le plan informatique et pourla logistique des formations données au Centre. J’ai aussiparticipé à la préparation du lancement de l’IFIC. C’étaitun gros travail de communication où l’on cherchait àinformer tous les évêques francophones d’Afrique. Duranttoute cette période, j’ai assuré aussi le secrétariat provin-cial de la Province du Mali et participé, du coup, à tout lecheminement qui va finir par créer la Province de la PAO

pour l’Afrique del’Ouest francophone.

BurkinaEn 2011, on me

demande de remplacerle Père Pierre Béné ausecrétariat provincial àOuagadougou. C’est làque je me trouveaujourd’hui et j’en suisà ma septième annéede service de laProvince.

Quoi dire au termede ces 50 ans de mis-sion, au Mali, enFrance et au Burkina

Faso? (40 ans au Mali et 7 ans au Burkina Faso) D’abordje veux exprimer une sincère action de grâce. Je m’estime

serment Missionnaire le 24 juin 1967

Ordination sacerdotale à Chaville 28 mai 1978

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25n° 115 juin 2017

très chanceux. Toutes les nominations que j’ai reçues -pour certaines, je ne m’y attendais pas du tout - m’ontbeaucoup enrichi.

Vraiment la Société a pris soin de moi et malgré unparcours que certains appelleront “mosaïque”, on a su meconseiller avec beaucoupde doigté et me proposer ceque je pouvais faire. On asu me faire confiance etj’en suis très reconnaissantà tous mes supérieurs.J’aurai pu faire davantageencore mais on a su meprendre comme je suis avecles capacités qui étaient lesmiennes, sans rien forcer.Je n’ai pas à mon actif desconstructions grandioses,des postes de premier plan,de grandes responsabili-tés… J’ai toujours préféré -et je crois que ça me convient mieux – des postes desecond où je suis plus efficace. Je n’ai jamais demandéune nomination particulière. J’ai préféré, non pas un suividocile et sans caractère, mais plutôt laisser l’Esprit m’ap-peler et me conduire où il croyait que je serais le plus àmême de servir la Mission.

Mon parcours missionnaire, de frère d’abord, de prêt-re ensuite, n’a pas représenté pour moi une quelconque

promotion. C’est la mission qui a compté pour moi etl’appel à rendre tous les services que je pouvais rendrepour que la Bonne Nouvelle trouve son chemin chez lespeuples d’Afrique où je serai envoyé. C’est pourquoi cepremier serment en 1967, il y a 50 ans, a vraiment cor-

respondu au oui que je voulaisdire au Seigneur pour saMission en Afrique. Le restec’est une vocation qui a trou-vé son chemin en répondantaux appels que j’entendais etque je faisais vérifier par ceuxqui m’accompagnaient. Auterme de ces 50 ans, je dis unsincère merci à tous ceux quim’ont accompagné d’unemanière ou d’une autre, à tousceux avec lesquels j’ai partagéle travail missionnaire, à tousceux qui m’ont supporté, mal-gré toutes mes imperfections,

dans la vie communautaire, à tous ceux qui sont devenusmes frères dans cette belle famille des Missionnairesd’Afrique. Au Seigneur Jésus, toujours mon compagnonde route, à sa Mère qui a si bien veillé sur moi, je dis toutema reconnaissance.

Alain Fontaine, M. Afr.

« Je suis heureux queScheut soit devenu unecongrégation internatio-

nale, comprenant de nombreux afri-cains et asiatiques. C’est pourquoileurs maisons sont toujours bien rem-plies. Hélas, les Pères belges ontdisparu. Cela m’attriste.

L’Église belge connaissait uneimportante dynamique missionnaire.Elle portait la foi dans le mondeentier. Vous aviez une tradition siforte de témoignage missionnaire…Où est passée cette flamme aujourd’-hui ? Il est bon que l’Église et lescongrégations se soient internationa-lisées, mais j’espère en même tempsque les racines belges de notre foi nese perdent pas, et que l’effort belgepuisse également porter du fruit pour

une prochaine génération dans votrepays.

Notre foi ne semble pas inspirerune conversion de la société compri-se comme un tout. Notre message esttrop orienté sur la conversion person-nelle et pas assez sur la conversioncollective. Peut-on miser plus forte-ment sur cette dernière?

Les pauvres ne sont pas seulementles destinataires de notre aide et denotre message. Ils sont eux-mêmesdes agents, des sujets agissants. Leurfoi simple, leur dévotion populaire,est une force étonnante d’espérance etde résilience. Leur foi est inspiranteet nous apprend à être chrétiens.

Le plus beau sourire est celui dupauvre. Ils sont comme des fleurs surla montagne de la pauvreté. Leur joieest contagieuse. »

Interview du cardinal LuisAntonio Tagle des Philippines

Alain au secrétariat provincial à Ouagadougou

Cardinal Luis Antonio Tagle

La flamme missionnaire des Belges