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amnistia.net Le rêve bleu des mineurs tanzaniens Photos de Isabelle Cridlig Fabien Grasser ©Isabelle Cridlig/amnistia.net

Le rêve bleu des mineurs tanzaniens - isabelle cridlig · 2014-11-03 · Quatre mineurs, sur la quinzaine présente, comprennent qu’il vaut mieux donner le change. Ils s’emparent

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Le rêve bleudes mineurs tanzaniens

Photos de Isabelle Cridlig

Fabien Grasser

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Le rêve bleudes mineurs tanzaniens Par Fabien GrasserPhotos de Isabelle Cridlig

La tanzanite est une pierre précieuse extraite au pied du Kilimandjaro.Très rare, elle n’existe que danscette région du nord de la Tanzanie. Côté cour, elle s’affiche en compagnie des plus grandes fortunes de la planète. Côté jardin, des milliers de mineurs risquent chaque jour leur vie pour une poignée deshillings. Et affrontent l’appétit vorace d’une multinationale sud-africaine.

C e matin, le travailn’a pas repris dans

les mines de Lucas. Unegrève ? Un mouvementde grogne ? Non. Juste leweek-end qui se pro-longe un peu commechaque lundi. Et desouvriers qui ne pensaientpas voir débouler leurpatron si tôt dans lasemaine. Lucas dissi-mule mal son agacement.Time is money. Surtoutquand on est l’heureuxpropriétaire de trois gise-ments de tanzanite.

Quatre mineurs, sur la quinzaine présente, comprennent qu’il vaut mieux donner le change.Ils s’emparent de lampes torches bon marché et agrippent une corde pour descendre la pentepresque verticale du puits. Une soixantaine de mètres plus bas, ils posent le pied dans une gale-rie étroite, aussi pauvrement étayée que le gouffre qu’ils viennent de dévaler. Au fond, la tem-pérature atteint les 50 C°. Pour respirer, ils s’en remettent au bon fonctionnement d’un gigan-tesque compresseur qui pulse de l’air depuis la surface. L’engin est flambant neuf, une chance !

Un gamin qui ne doit pas avoir plus de douze ans est assis au bord de l’excavation obscure.Son regard préoccupé trahit son hésitation. « Il vient d’avoir quatorze ans, il ne va plus à l’écoleet peut gagner un peu d’argent ici », soutient Lucas avec un rictus gêné.

amnist ia .net- les enquêtes interdi tes Supplément au n°71

Supplément au n°87 — 2 octobre 2007

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Mererani : une dizaine de kilomètres carrés de collines, seul site au monde renfermant de la tanzanite.

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Si la chance souritau jeune garçon et àses aînés, ils décou-vriront une ou plu-sieurs pierres, seulegarantie de toucherquelques shillings tan-zaniens à la fin de lajournée. C’est la règledans les mines dites« artisanales » : lesalaire est fonction destanzanites extraites.

Cette pierre, dontle spectre varie dubleu pâle à l’indigoen passant par le vio-let , es t des plusconvoitée, car Mererani, dans le nord de la Tanzanie, est le seul gisement connu au monde.Sur une poignée de kilomètres carrés, des dizaines de mines se partagent une étendue de col-

Lundi matin : les ouvriers de Lucas prolongent le week-end. Ils ne s’attendaient pas àvoir débarquer leur patron.

« La chance sourit aux audacieux » : Lucas a fait fortune en rachetant une mine apparemment stérile. Il possèdedésormais trois mines et investit dans le tourisme de luxe.

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lines mutilées, face au légen-daire Kilimandjaro. Sur cer-taines concessions, lesmineurs ont creusé parfoisdes années sans remonter lemoindre carat. Une aubainepour les audacieux commeLucas, qui a racheté àmoindre frais une mine enapparence stérile, mais quipeu de temps après fit de luiun homme chanceux.

C’éta i t en 1996.Aujourd’hui, l’homme, âgé àpeine de 38 ans, conte avecfierté sa succes story. Au début il descendait au fond chaque jour. Désormais, il circule à bord d’unrutilant 4X4 japonais et ne quitte jamais l’oreillette de son téléphone portable. Grâce à la tanzanite,Lucas est à la tête d’un bureau de change, d’une agence de voyage spécialisée dans les safaris etd’un confortable patrimoine immobilier à Arusha, la grande ville de la région, à soixante-dix kilo-mètres de Mererani. Débordant de projets et de dollars, il s’apprête à construire un hôtel de luxeen bordure du parc national du Taranguire, mondialement réputé pour ses éléphants et ses baobabs.

La ruée vers « l’or bleu » tanzanien a débuté en 1967. La légende dit que c’est un gardiende troupeau qui découvrit par hasard la première zoïsite bleue, nom scientifique de la gemme.Deux ans après, le joaillier new-yorkais Tiffany la baptisait tanzanite. La jet set américaineen est très friande puisqu’elle absorbe à elle seule 70% de la production. Le prix de la tan-zanite polie varie de 500 à2000 dollars le carat, ce quien fait la pierre la plus chèreaprès le diamant.

A Mererani, les achats sontle quasi -monopole desMasaïs. Ils circulent en motoentre les concessions ou fontaffaire sur un petit marchéimprovisé. Vêtus de leur cos-tume traditionnel, ils négo-cient implacablement lescailloux bruts, avant de lesrevendre auprès des négo-ciants d’Arusha.

Des tanzanites brutes. Une fois taillées et polies, elles se vendent de 500 à2000 dollars le carat. Contrairement au diamant ou au saphir, il n’y a aucuneapplication industrielle pour la tanzanite qui n’est utilisée qu’en bijouterie.

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Lucas présente un énorme cristal incrusté de tanzanite, une pièce qu’ilconserve dans sa collection personnelle.

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« Moi aussi je suis Masaï »,dit Lucas en marquant unepause, certain de l’effet de sur-prise produit par sa révélation,tant son style vestimentaire etson mode de vie semblent éloi-gnés de ceux des fiers guerriersde la steppe tanzanienne. « Jesuis un Masaï des villes », pré-cise-t-il, expliquant qu’il ne sereconnaît pas dans le mode devie ancestral de ses semblables,auxquels il reproche l’arroganceet la façon dont ils se complai-sent dans un rôle de curiositétouristique.

La deuxième exploitation minière de Lucas est d’un aspect plus élaboré : des bâtiments endur, des machines-outils de toutes sortes et deux puits, l’un pour le personnel, l’autre pourremonter les gravats d’extraction. Au centre de la concession, les ouvriers lézardent sur un mon-ticule de sacs soigneusement empilés, profitant de l’été austral naissant.

Le « marché » de Mererani où les mineurs vendent une partie de leurspierres. Le commerce de la gemme est le quasi-monopole des Massaïsqui possède une connaissance intuitive de leur valeur.

Dans une des mines de Lucas, les ouvriers lézardent au soleil sur des sacs contenant le graphite qui emprisonnela tanzanite.

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Lucas ne relève même plus l’apa-thie de ses ouvriers. Il ouvre l’un dessacs dont il tire une poignée de gra-phite qu’il laisse filer entre sesdoigts. Le graphite est omniprésentà Mererani : il donne un aspect à lafois grisâtre et luisant au paysage deterrils, il colle à la peau des mineurs,il recouvre les pistes et les véhicules.

Le graphite de Mererani est d’unepureté et d’une dureté exceptionnelles.Il emprisonne littéralement la tanzaniteà des profondeurs qui peuventatteindre 400 m. Pour en venir à bout,les mineurs usent de dynamite. Chaquemine possède son propre stock.

Dans un appentis sombre, Lucasen entrepose plusieurs cartons. Unchaton ébouriffé est blotti contre laboîte que Lucas a précisément décidéd’ouvrir. Il en extrait un bâton d’unevingtaine de centimètres de long.N’est-ce pas dangereux de le mani-puler ainsi, une cigarette vissée aubec ? Lucas et les ouvriers qui l’en-tourent éclatent d’un long rire. Apeine troublé, le chaton s’affalecontre un autre carton…

Les mineurs ne sont cependant pas artificiers et une mauvaise manipulation de l’explosifprovoque parfois des catastrophes. Qui s’additionnent aux éboulements, chutes et meurtres ali-mentant la rubrique nécrologique de Mererani. Evénement marquant, en juin 2002, quarante-deux mineurs périrent étouffés au fond d’une galerie, victimes d’une explosion qui endom-magea le compresseur d’air. Les autorités réagirent vivement, laissant trente jours aux pro-priétaires pour renforcer la sécurité, sous peine de mettre fin à leurs juteuses opérations. Passûr, pour autant, que l’ultimatum ait été suivi d’effet, tant le pouvoir de persuasion des patronsest élevé face aux modiques salaires des fonctionnaires tanzaniens.

Apeine sorti de l’enclos de sa deuxième concession, Lucas stoppe son 4X4 à côté d’un groupede mineurs. Une discussion en swahili s’engage. Les hommes lui demandent de l’argent car ils n’ontpas mangé depuis deux jours, traduit le patron. Bon prince, il leur glisse quelques billets. « Ils ne

Près de 10 000 mineurs travailleraient à Mererani. En général, ilssont payés en fonction des pierres qu’ils remontent.

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travaillent pas pour moi, mais pour un ami. Ilest normal de s’entraider », se félicite-t-il.

Lucas raconte que l’entente entre petitspropriétaires est généralement bonne, laplupart des conflits intervenant lorsqu’unegalerie empiète sur une concession voisine :« Une commission tranche le litige. Le fau-tif doit alors reculer de 15 mètres et creuserdans une autre direction. » Les choses,pourtant, ne finissent pas toujours aussiamicalement. Surtout quand le concurrent nejoue pas dans la même catégorie que vous !

Pour mieux comprendre, il faut revenir à1990. Face à la multiplication du nombre deprospecteurs et à l’anarchie qui régnait, lesautorités minières organisèrent Mererani enquatre « blocs » : A, B, C et D. En 1992, le« bloc C » fut entièrement concédé à TanzaniteOne. L’actionnaire majoritaire de cette firme,officiellement enregistrée aux Bermudes, estAfgem, une société sud-africaine égalementactive dans les mines de diamants.

Les conditions de vie des mineurs est difficile et la plu-part gagnent tout juste de quoi survivre au jour le jour.

Les exploitations sont protégées des regards indiscrets par de hautes palissades en tôle.Le travail est organisé en deuxéquipes :ces mineurs attendent de descendre à leur tour dans des galeries dont la profondeur peut atteindre 400 mètres.

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A Mererani, Tanzanite One fait les choses en grand. Et avec précaution. Le site est entouréd’une clôture chapeautée de barbelé. Au centre, trône un chevalement autour duquel, en per-manence, un bulldozer dégage et trie des centaines de tonnes de gravats. Avec leurs moyensindustriels, les Sud-africains assurent 40% de la production de tanzanite et réalisent des mil-lions de dollars de bénéfices. Tanzanite One est aussi la seule entreprise à Mererani possédantune usine de traitement du graphite.

L’arrivée de la société sud-africaine est à l’origine de conflits permanents, les petits mineursaccusant la multinationale de vouloir les évincer. Parfois avec la complicité des autorités. Ainsi,en octobre 2003, une ONG d’avocats tanzaniens suspectait le gouvernement de préparer l’expulsionde milliers de petits mineurs.Les autorités démentirent,affirmant viser les prospec-teurs dépourvus de permis.

Ad’autres moments, c’estTanzanite One qui sembleêtre dans le collimateur del’administration, accusant legroupe de monopoliser lecommerce de tanzanite. Enapposant son logo sur lespierres par un marquagelaser, la société renforce sacrédibilité sur un marchémondial de plus en pluspointilleux sur l’origine desgemmes. Après le 11 sep-tembre 2001 une rumeuraffirmait que le négoce detanzanite finançait les actionsterroristes d’al Qaïda, ce quifut très préjudiciable auxpetits exploitants.

Selon les géologues, lesgisements pourraient êtreépuisés définitivement d’ici15 à 20 ans. On comprendalors que l’enjeu soit de taille.

Au fil des ans, les escar-mouches en t re pe t i t s

Plusieurs milliers d’enfants travailleraient dans les entrailles des collines deMererani,au mépris des lois tanzaniennes et des engagements internationauxpris par ce pays d’Afrique de l’Est.

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mineurs et la multinationale deviennent de plusen plus sérieuses. En avril 2005, le Premierministre tanzanien s’est déplacé à Mereranipour inaugurer une campagne contre le sida,qui fait des ravages dans cette ville minière.Des petits exploitants exigèrent à cette occa-sion que soit rendues public les conclusionsd’une enquête sur « les pratiques déloyales desgros opérateurs ». Ils rapportèrent aussi quedes agents de sécurité de la multinationaleouvraient quelques fois le feu sur eux, pour lespousser à abandonner leurs exploitations.

« Même s’il arrive que nous empiétionssur leur concession, ils n’ont pas le droit derégler leurs comptes ainsi, il y a des loispour ça », protesta l’un d’eux. Les petitspatrons accusèrent encore Tanzanite One defausser le prix du marché en dissimulant auxdouanes une partie de leurs exportations. LePremier ministre les écouta patiemment etpromit de changer les choses… à conditionqu’à l’avenir ils votent pour son parti, aupouvoir depuis 1962 !

Loin de toutecette agitation,dans la troisièmemine que pos-sède Lucas, desouvr ie rs sontaffalés sur unmatelas pois-seux. Cette fois-ci, la coupe estple ine . Avantd’admonester sesemp loyés , l epatron prie sesvisiteurs de l’at-tendre dans unvaste bâtiment enbois à l’extrémité

A l’écart du périmètre d’extraction normalement autorisé, des mineurs creusent la terreavec les moyens du bord.

Moses (à gauche) sait lire et écrire, contrairement à denombreux mineurs. Le jeune homme est directementpassé des bancs de l’université aux galeries deMererani, seule chance selon lui de faire fortune.

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de la concession. Fixée à la cloison, une boîte de premier secours fait illusion : elle ne contientqu’une brosse à dents et un tube de dentifrice.

A l’extérieur une dizaine de mineurs sont assis à l’ombre de la haute palissade de taulequi délimite la mine. Un jeune garçon esquive les questions sur son âge. Le sujet estdevenu sensible : les patrons sont très remontés contre les auteurs d’un documentaire quiaffirment que 4.000 enfants âgés de 8 à 14 ans travaillent à Mererani, au mépris des enga-gements internationaux pris par la Tanzanie.

Survient Moses. Agé de 22 ans, il vient de Dar es-Salaam, la capitale économique et méga-pole surpeuplée de Tanzanie. « J’ai fait des études », dit-il. « A quoi me servent-elles puisqueje suis obligé de travailler au fond pour me nourrir ? Nous gagnons juste de quoi vivre jus-qu’au lendemain… mais c’est notre seul espoir », s’indigne le jeune homme.

Lucas, de son côté, a remis les pendules à l’heure avec ses ouvriers et regarde samontre : il est temps de reprendre la route. En s’engageant sur la piste défoncée qui mèneau village de Mererani, il arrête une dernière fois son 4X4 près d’un trou de quelquesmètres de profondeur. Deux hommes s’échinent à remonter des sacs et des seaux rem-plis de terre. Ce sont des mineurs sans permis, prospectant au-delà du périmètre nor-malement autorisé. Lucas jette un coup d’œil sur le tamis avant de remonter dans sonvéhicule : « Rien d’intéressant. Ceux-là ne feront jamais fortune, leur problème est qu’ils

Les puits et les galeries sont mal étayées. Les mineurs s’y éclairent avec de simples lampes de poche. Les acci-dents sont fréquents et parfois tragiques.

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ont trop peur de descendre dans les mines », raille-t-il, avant de renchérir : « Moi je n’aijamais eu peur et de toute façon je n’ai pas le choix : quand mes ouvriers découvrent unfilon, c’est moi qui descends dégager les pierres. Je n’ai confiance en personne ! »

Au loin, un invraisemblable amas de terre s’étale sur des kilomètres. Les mines rejet-tent ici leurs déchets d’extraction. Des centaines de silhouettes vont et viennent sur deminuscules collines artificielles. Ils espèrent trouver des tanzanites dont la présencedans les gravats auraient échappé à la vigilance des mineurs en amont. A la nuit tom-bante, les silhouettes gagnent de fragiles abris faits de branchages et de sacs plastiques.A Mererani, ils sont tout au bas de l’échelle.

Dans un autre monde, quelque 250 km et une frontière plus loin, le Hilton de Nairobi :au cœur de la capitale kenyane, la galerie marchande du prestigieux palace abrite desboutiques à la mode et deux ou trois bijouteries dont la plus remarquable donne direc-tement sur le hall d’entrée de l’hôtel. Dans la vitrine trône un magnifique collier à plu-sieurs rangées. Le bleu étincelant de ses pierres éclipse les autres parures. Un bagagistedu Hilton abandonne son poste et s’avance sur l’épaisse moquette. Souriant, il désignele centre de la vitrine : « Ce sont des tanzanites. Il faut être très riche pour s’offrir cecollier. Un jour, j’irai tenter ma chance en Tanzanie. »

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