5
EHESS Le sacré hors religions by Françoise Champion; Sophie Nizard; Paul Zawadzki Review by: Daniel Vidal Archives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 218-221 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116935 . Accessed: 17/06/2014 02:52 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Le sacré hors religionsby Françoise Champion; Sophie Nizard; Paul Zawadzki

Embed Size (px)

Citation preview

EHESS

Le sacré hors religions by Françoise Champion; Sophie Nizard; Paul ZawadzkiReview by: Daniel VidalArchives de sciences sociales des religions, 53e Année, No. 142 (Apr. - Jun., 2008), pp. 218-221Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116935 .

Accessed: 17/06/2014 02:52

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences socialesdes religions.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

2z18 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

eurent des consequences ndfastes mais momen- tan&es pour la congregation. Elle fut chass&e de Rome par la republique de Mazzini et ses 6tablissements d'fmilie et de Romagne furent malmends. Par contre, le gouvernement provi- soire de Modine se montra plus respectueux des institutions ecclsiastiques et des commu- nautes religieuses. La tourmente r&volution- naire fut sans lendemain et les sceurs de la Charite reprirent partout leurs activitbs ante- rieures. Leur exemple illustre parfaitement le souci des nouvelles congregations d'utiliser l'instruction non seulement pour une recon- quote religieuse, mais aussi g des fins sociales. Cette adaptation a l'6volution de la societ engendrait un esprit d'ouverture dans l'6du- cation qui s'eloignait en partie du modele tra- ditionnel des < petites &oles > de l'Ancien Regime et contribuait largement a l'expansion de la congregation. On aimerait toutefois en savoir davantage sur la p6dagogie pratiquie dans les ecoles de charite. Cette r6serve n'en-

leve rien aux merites du livre present6 par R. Sani et A. Ascensi qui ouvre la voie A des approfondissements ultirieurs.

Michel Ostenc

142-14 Frangoise CHAMPION, Sophie NIZARD,

Paul ZAWADZKI, (dirs.)

Le sacri hors religions Paris, L'Harmattan, coil. '< Religions en questions , 2007, 280 p,

Pour bien prendre la mesure des enjeux de cet ouvrage a plusieurs voix, il apparait indis- pensable de discerner, dans la rifirence au sacra, ce qui en constitue a la fois, dans l'ac- ception durkheimienne, une categorie structu- rale et permanente de la religion - ou, plus rigoureusement, de la relation & un < Dieu > -, et, au terme de l'analyse maussienne du don et de son inigme, ce que M. Godelier identifie comme ce qui, en toute soci&d, constitue l'en- semble des ( biens inalienables >. Qui, frappes de l'interdit de circulation, s'abstraient de la logique de l'&change. Ce qui est sacrb est cet interdit, et non le < bien > qui en est l'objet, meme si ce bien prend aussit6t valeur port&e en absolu. C'est en cette double qualification - r6quisit religieux fondateur/! bien ) inali&- nable (irriductible, non n6gociable) -, que le < sacr >> avbre sa double op&rativite sociale et culturelle, d'8tre au fondement d'un rapport de transcendance, et d'&tre, parmi les < choses

communes ,,, un 6Ulment (quelconque, singu- lier, marqueur de mythe ou de savoir) auquel s'impose un interdit d'ali~nation. Ces deux acceptions ne se recouvrent pas, et de cette non- coincidence, de cette difference mime, I'ou- vrage t~moigne en explicitant la multiplicit6 des sites d'accueil du < sacre >.

Un constat: le sacr6 ne cesse d'habiliter des pratiques sociales, des formes de croyances, religieuses ou s&culieres, toujours d~portees hors la sphere de la seule schne religieuse. Mais une question se pose, d'emble, qui anime et oriente la plupart des contributions du Sacre hors religions : en cette diss6mination du sacr6 en des lieux sans rapport avec l'ins- tance de religion, mais a coup stir affectes d'un fort coefficient de ( croyance >, s'agit-il d'un ( transfert de sacraliti >, reportant sur de nouveaux < supports ) des investissements existentiels et collectifs qui temoigneraient de la permanence d'une < religiosit >> inscrite au profond de la societ ? Ou n'est-on pas conduit, par cette < delocalisation > radicale et multidirectionnelle du sacre, a la mise au net d'une nouvelle conception du sacra, d~sa- just&e de toute connotation religieuse ? Autre- ment dit, si l'on peut sans difficult6 conceptuelle majeure penser le sacr6 comme ( hors ) de I'instance religieuse, et done hors de toute rf&rence g une transcendance ( divine >, une recomposition compl&te de ses attributs et de ses imp&ratifs s'impose. Notre modernitr6 en offre une occasion remarquable, que les auteurs soulignent avec force. Si en effet les soci&t~s de l'Age classique contraignent le sacrd a ne pouvoir s'enoncer qu'en religion - hors de

l'Eglise point de salut, parce que nul sacrb ne se peut au dehors -, les soci&t~s modernes occi- dentales, formant monde a la fois globalis6 et fragmentr6, monotone et multiversel, d'expan- sion illimit&e des systimes de communication et d'6change, et individualisant a l'extrime l'inscription singuliere de chacun en un tout valant universalit6 - ces soci&ts genbrent continfiment un desordre du sacr6 qui rompt definitivement avec l'ancien ordre sacral. A la limite, il ne serait de < sacrb > que sous condi- tion d'<< a-religion >, autorisant ainsi un champ d'analyse de nouvelle coherence.

Tout l'enjeu, et l'efficacitr, de l'ouvrage reposent en cette possibilit6 de coh~rence. Le debat se joue dis lors entre une quite des moda- litrs de ( recomposition du croire religieux >,

et ce que Fr. Champion et ses collaborateurs appellent la < relocalisation de l'absolu ,>, assur6s, selon la formule de G. Balandier, que

This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

les < effets de sacre >> sont imprevisibles, parce qu'( orient6s vers des objets inattendus

,>. On

ne s'aventure pas en telle recherche, sans se livrer d'abord a de radicales ( d&construc- tions >. L'un des lieux th~matiques pro- fanes

,, ou s'est de longue date refugie le

sacre, est sans conteste la notion de progris, qui fut, ainsi que le souligne P.A. Taguieff, longtemps assimile a < la s&ularisation de l'id6e chr&tienne de Providence >, refer6e impli- citement .< l'historicisation de l'attente escha-

tologique ,>,

pour &tre conque, chez Weber, comme < la forme post-religieuse du sens de l'Histoire >. Si l'on doit en finir avec cette ins-

cription ideologico-religieuse du sacr6 au coeur de la problematique du progres, c'est en faisant basculer sa conception en un registre d&ci- d6ment a-teleologique, combinant exigence morale et raison d'agir >>, en pleine conscience de sa contingence : un progrs < deglobalise >,

Sd~fatalisU >, < d~sutopise >. Le nouvel absolu est la - en cette capacite a penser le < progris >

en termes de temporalites pratiques, et produit d'actions humaines non r~f~renci~es. Le thime de la laicit6 obeit a un semblable d&crochage. Certes, note J. Bauberot, elle peut se d~finir globalement comme < regulation democratique du sacrU >, mais un ( sacre > qui se d6finit par distinction radicale avec le sacre entendu comme

categorie nucl6aire du religieux. < Sacr6 pro- fane >, ou < catho-laicite > ? Sacre < civique >

dolt-on conclure, oii ne s'inscrit nulle valeur religieuse, mais dont 1'( absoluite > advient de cela pr&cisment: de cet arrachement sans condition aux pesanteurs de la transcendance. Car trancher ce noeud gordien qui enlace l'une a l'autre religion et civilitb relive de cet acte de rupture en quoi Kierkegaard reconnait ( le soupir de l'absolu >>. De ne pas avoir dlid rap- port a la transcendance et rapport au pouvoir, d'avoir considere tel pouvoir sous condition d'identification a des schemes religieux, d'avoir admis comme necessaire et imperative la fusion de la Loi et de la V~rite - furent ainsi fond&s, rappelle P. Zawadzki, ( de l'interieur mime de la conscience historique >, les mythes tota- litaires du xxe siecle, qui emporterent plus d'un intellectuel en un fanatisme aveuglant. Du plus profond de la soci&t viennent ainsi de nouveaux sortiliges, dont l'apparentement aux seductions religieuses ne suffit pas A les y reduire et les confondre. Sacre < negatif , pourrait-on dire, oii l'absolu bascule sur son axe.

Le ( croire > se d&compose et recompose, les << paysages croyants > evoluent. Pour une

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 219

raison majeure, que precise P. Michel: ( la question de l'existence ou de la non existence de Dieu (...) a perdu sa capacit6 organisa- trice >. I1I s'ensuit que < le religieux ne consti- tue plus la dimension privil6gi&e du croire >. Et I'on ne peut plus penser le croire comme ~venement collectif, quand il s'agit, signature d'une modernite venue a ses accomplissements les plus intimes, d'un acte identitaire singulari- sant, et done r~ferU a ce que le xvIne siicle, grand si&cle des mystiques, et pour cette raison mime, notait comme ( int~riorite > ou < fond du coeur >. For interieur: ici, cet absolu qui reconstitue le sacre en tant que genise du sujet. Par quoi en effet s'instaure, selon l'au- teur, une < d&connection radicale entre sens et norme >>, entre regle sociale et sens ( existen- tiel >. De nouvelles ( militances > s'entent sur cette nouvelle donne du < sacr6 >, cet autre nom de l'absolu. Parce qu'il est liber6 de tout appel a transcendance, le

, sacre > fait retour

sur le sujet lui-mime, en tant que personne civile et responsable. Et face a ce sujet porte des lors en absolu, dolt advenir, en r&ciprocite, un nouvel ( objet >>, a son tour defini par une valeur absolue. Ainsi de l'humanitaire. Traitant de l'humanitaire comme mouvement social de solidarite, F. Mabille d~finit le ( Souffrant > comme ( figure de l'Absolu de notre &poque >, et le mouvement de solidaritr comme ( discours inaugural > tournant autour de la < figure de l'altr6ritr6 comme autour de son principe de subversion. Nouvelles alliances du < sacr6 > et du profane, ou efface- ment des frontirres qui les d~finissent autant qu'elles les distinguent ? Transferts de sacralit6 ?

La gestion sociale et symbolique de la pro- crhation temoigne de la resistance d'un champ eminemment < sacr6 >, surinvesti de religiositr et de < lecture > profane. Daniile Hervieu- Leger montre que loin de confirmer cet arase- ment des limites entre champ sp6cifiquement religieux et territoire vou6 a la seule comp&- tence profane, I'ev~nement de la procreation aurait tendance A les restaurer au fur et a mesure de l'accroissement des connaissances

scientifiques. L'analyse de < l'approche catho- lique > est de ce point de vue exemplaire. Tant s'en faut, en effet, que l'Eglise fasse fi des sciences naturelles et des avanc~es technolo-

giques. L'interdit qu'elle prononce sur toute intervention r~gulatrice dans le domaine de la procrhation ne s'enonce pas dans la m&con- naissance, et moins encore la d~negation, des < lois de la nature >. C'est au contraire < la conception de la nature qui (en) organise la

This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

220 - ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

formulation >. Aussi bien, la naturalit6 des liens sociaux porte en elle-mime attestation de la sacralite de ces liens. De l'ordre naturel I l'ordre biologique se d~ploie un vaste r6seau epistimologique qui renforce, aux yeux de l'~glise, la sacralisation de la famille et de I'acte sexuel qui s'y consomme. L'auteur ne manque pas de souligner ce paradoxe, une autorit6 ecclsiale < adoss&e > a l'autorit6 de la science, en toutes ses dimensions. Les lois de nature, d&chiffries par la science, sont intouchables, puisque leur source est en Dieu. L'interdit se dit en langage d'absolu. L'un est aussit6t l'autre.

Terre, Nature, F6minin, Sante Parfaite, Biens Publics Mondiaux, sont a l'ividence pris en des < discours de la difference > qui tendent g les sacraliser, - mais l'interdit n'a plus, ici, de pertinence. Les rmflexions d'A. Ferlat et de F. Rochefort, de L. Sfez, ou de J. Laroche, ne posent pas seulement la question de ce glisse- ment progressif vers de nouveaux sites de sacralit6, vers de

, nouveaux absolus > : elles

d~finissent les enjeux politiques que ce glisse- ment induit. Le F6minin invite cependant a une autre consideration, corps, parole, 6criture, sont instruments par quoi le sacr6 s'inscrit au

coeur de la ,, f~minitude >. La jouissance devient

le site sacral par excellence. Qu'est-ce I dire ? Que la jouissance est cet < espace de transcen- dance ) que F. Rochefort apparie au concept w~b~rien de < salut-d6livrance >>. Comparai- son n'est pas raison, mais bien plus : mutation conceptuelle. Car il est ici pleinement question de l'intimit6 mime du sujet comme plage du sacra, toute transcendance advenant comme parole de soi, et son offerte. C'est A l'&oute de cette parole virtuose que Jacques Maitre, rappelant en cet ouvrage les transgressions qu'il a dfi assumer, s'est engage dans ses ana- lyses de la mystique feminine.

A la qu&te d'une telle < transcendance , profane, et sa genbse ( dans la profondeur du

sujet ) : Freud et le travail psychanalytique, dont A. Leder propose une lecture tris sugges- tive. A l'inverse d'Augustin ou de Descartes, Freud < ne dispose plus du sujet omnipotent >>.

D'un Dieu toujours < muet >>, d'un moi tou- jours soumis g

, un champ de d~termina-

tion qu'aucune volont6 ne peut s'assujettir >>,

comment penser l'intime sacr6, I'absolue transcendance intirieure ? En indiquant, note l'auteur,

", une sphire de l'Ctant, I'inconscient,

qui fonde la conscience intentionnelle elle- mime >, et qui la fonde ' en nature >, par le recours << l'universalit6 du concept de

nature >>. La < pulsion '> oeuvre en cet entre- deux nature/inconscient, et permet g Freud d'exterioriser la source du sens, < mais vers l'int&rieur ,>. V&ritable < tour de force >,

commente A. Leder, qui d&cide A la fois de

,, l'universel de la nature >> et de la < particula-

rite intentionnelle de la conscience indivi- duelle >. La psychanalyse rompt das lors, me semble-t-il, avec tout < risque >> de religion, dans la mesure oiu la < transcendance >, et le sacrd qui s'y attache, est l'autre nom d'un sujet < hors dieu >. En va-t-il ainsi de tout ce qui constitue la < nibuleuse psycho-philo- spirituelle > oiu se dessinent des < itin~raires possibles de la transcendance > ? Plut6t que d'accriditer ici une religiosit6 de substitution, N. Garnoussi dit les glissements vers une "< immanence

,, comme < regime dominant du

sens ) en notre modernitr. Dilution du sacra, ou sa m&tamorphose, en ces reconductions multiples ?

De cette m~me < nibuleuse >, Fr. Champion identifie un trajet inverse : non plus le transfert d'une religiosite vers des espaces < profanes >,, mais le < glissement du psy au spirituel >. I1i ne s'agit plus alors de < bricolages psycho- spirituels >, mais d'une trajectoire qui fait transiter progressivement une experience exis- tentielle vers un horizon de transcendance. Dans l'6preuve d'une < maladie psychique >,

par exemple, se d&couvrent, et se nomment des

, facult&s perceptives &tonnantes et trou- blantes >, oiu se jouent des rapports nouveaux entre Ame et corps - de m~me que, dans l'exp&- rience psychothbrapeutique, qui peut equiva- loir B un procks d'initiation dans les soci&tes < traditionnelles >, un nouvel ordre symbo-

lique peut s'&tablir entre deux mondes aupa- ravant disjoints (masculin/feminin, etc.) Le chamanisme demeure, de ce point de vue, l'ex- pirience paradigmatique majeure. Enfin, des < "tats-limites > peuvent &tre v&cus comme < lieux du divin >, Dieu 6tant le nom par quoi ces lieux adviennent A une nouvelle, et d&ci- sive, sacralite. Un nom, au demeurant, peut &tre formule de l'absolu, < dans la sphere psy- chique et 6motionnelle de l'individu >. Pour K. Grierson, Shoah est ce nom, < absolu n~ga- tif psychique de tout le monde >, < immense mitaphore du traumatisme >. Et par le pou- voir de ce nom, peut se reconstruire un monde I soi, personnel, en faisant de cette < horreur historique et collective ) un outil thirapeu- tique par appropriation de la mtaphore. Le < sacr >> devient alors la condition d'un sujet

This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

restaure en son ethique et son identit6 singu- libres, et en la plknitude de sa responsabilitb. Hors religion, le sujet absolu.

Daniel Vidal

142-15 Giorgio CHIOSSO

Cariti educativa e istruzione in Piemonte. Aristocratici, filantropi e preti di fronte all'educazione del popolo nel primo '800 Torino, Societh Editrice Internazionale, 2007, 302 p,

Les mouvements insurrectionnels pie- montais de 1821 provoquerent l'avinement de Charles-Felix sur le tr6ne et le nouveau souve- rain confia l'organisation du systhme scolaire de son royaume au pere jesuite Luigi Taparelli D'Azeglio. A l'image de l'ordonnance du 22 fevrier 1816 qui regit I'enseignement pri- maire frangais jusqu'a la loi Guizot de 1833, les Regie Patenti du 23 juillet 1822 servirent de fondement a celui du Piemont jusqu'en 1848. L'instruction publique des couches popu- laires connaissait de fortes connotations &thico- religieuses, les cures etant autoris~s a enseigner dans leur paroisse alors que les instituteurs laiques devaient solliciter une autorisation de l'Ptat. Cette orientation clericale et conser- vatrice resta pourtant sans lendemain sous le regne de Charles-Albert, I'ascension sociale de la bourgeoisie piemontaise contribuant repandre une conception plus liberale de l'al- phab~tisation du peuple. Le maitre d'&cole rem- plagait progressivement le pritre et le carabinier dans les esprits. L'ouvrage de Giorgio Chiosso jette un eclairage tout a fait neuf sur ce chan- gement d'orientation qu'il attribue non seule- ment a la classe dirigeante mais aussi a un nouvelle attitude du clerge.

Les initiatives en faveur des asiles pour enfants s'inspirerent largement de celles du pr~tre Ferrante Aporti qui avait ouvert un pre- mier etablissement de ce type a Cr~mone en 1828. Il s'agissait de supplier aux carences des families en matiere d'education, en apprenant leurs prieres aux le1ves et en leur enseignant les rudiments de la lecture et de l'arithm~tique. Aporti restait silencieux sur ses relations avec les milieux qui soutenaient le mouvement des ecoles enfantines en France et en Angleterre pour ne pas s'exposer aux critiques de l'lglise; mais les philanthropes piemontais n'etaient pas tenus a de telles reserves. Ils connaissaient les salles d'asile de Jean-Marie Denis Cochin, lisaient L'Education progressive de madame

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE - 221

Necker de Saussure et le manuel d'Ambroise Rendu. Les Regie Patenti avaient largement ouvert I'enseignement primaire aux frbres des fcoles chr~tiennes qui jouissaient d'une grande notori&te. Leurs ecoles en langue vul- gaire etaient organisees en trois niveaux qui separaient I'etude de la lecture de celles de l'6criture et de l'arithmitique. Le maitre s'oc- cupait d'un seul &colier A la fois pendant que les autres consolidaient les notions acquises par des exercices a caractrre r~petitif. II est certain que les freres < Ignorantelli > contri- buerent a la diffusion de l'enseignement pri- maire en introduisant au Piemont la pratique des &oles du soir; mais ils se trouverent au centre des polkmiques lorsque les lib&raux poserent la question de l'education du peuple en se rif~rant aux methodes de l'enseignement mutuel. On leur reprocha une p~dagogie surannee et la place excessive de la religion dans leurs ecoles. L'opinion anti-lib~rale prit leur defense et leur enseignement fit figure de modele emblematique des conservateurs. II n'est done pas surprenant que le jugement de l'Histoire reste aujourd'hui tris mitig6 & leur 6gard.

Les critiques liberales &taient souvent emprunties A l'oeuvre p~dagogique du pere Grigoire Girard qui donnait A l'enseignement de Pestalozzi une dimension particulibre: la miere devenait un moddle d'6ducation et l'intuition le fondement de sa pratique. Cette

p~dagogie fortement impregn~e de culture romantique prisentait une sensibilitb spiritua- liste. Alors que Pestalozzi privilgiait encore l'observation empirique, le phre Girard souli- gnait la valeur educative de la langue, la parole etant une manifestation de la sp6cificite humaine d~bitrice du principe th~ologique de I'incarnation. Le pere Girard insistait aussi sur les m~thodes d'enseignement mutuel d'origines lancasteriennes et sur la dimension sociale de I'education dans son Cours iducatif de langue maternelle qui connut une tres large diffusion.

Le renouveau 6ducatif piemontais ne s'ar- ritait pourtant pas a la philanthropie des elites liberales. Le plus grand m&rite du livre de Giorgio Chiosso consiste a l'insbrer dans une renaissance religieuse qui puisait ses racines dans une nouvelle generation de pritres. A partir des annees 1840, les s~minaires privil&- gibrent les exigences pastorales sur I'enseigne- ment universitaire de la thbologie. Ils eurent recours g la morale d'Alphonse de Liguori dans une spiritualite encline A la comprehen- sion et au pardon plus qu'au rigorisme jans&-

This content downloaded from 185.44.78.156 on Tue, 17 Jun 2014 02:52:26 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions