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Le Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder et les enfants réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale Rahel Christen Dr. Alix Heiniger Projet de recherche en histoire générale Université de Genève Août 2013

Le Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder et les enfants réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale

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Dr. Alix Heiniger Projet de recherche en histoire générale

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Illustration: AF, J2.15, 1969/7, Zentralsekretariat des Schweizerischen Roten Kreuzes, « Adieu », Foto Cadaux, Genf, III 322.

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Table des matières REMERCIEMENTS................................................................................................................................. 1 INTRODUCTION.................................................................................................................................... 2

A. LA SUISSE ET LES ENFANTS REFUGIES ................................................................................ 4 I. CONTEXTE ET POLITIQUE D’ACCUEIL DES ENFANTS REFUGIES........................................................ 4

1. Politique suisse concernant les réfugiés ..................................................................................... 4 2. Séparation de la famille .............................................................................................................. 6 3. Procédure d’accueil des enfants sans famille............................................................................. 7

II. L’ORIGINE DU SHEK ...................................................................................................................... 8 III. LE SHEK ET LES AUTRES ORGANISATIONS CARITATIVES........................................................... 10

B. SCHWEIZER HILFSWERK FÜR EMIGRANTENKINDER .................................................. 13 I. FONCTIONNEMENT DU SHEK ........................................................................................................ 13

1. Organisme................................................................................................................................. 13 2. Financement.............................................................................................................................. 14

II. ACTIONS........................................................................................................................................ 16 1. Kinderzüge ................................................................................................................................ 16 2. 300-Kinderaktion ...................................................................................................................... 17 3. Collectes.................................................................................................................................... 18 4. Placement des enfants............................................................................................................... 18 5. Santé.......................................................................................................................................... 20 6. Rapatriement ou réémigration.................................................................................................. 20

C. LA VIE DES ENFANTS REFUGIES DANS LES HOMES SUISSES...................................... 21 I. LES HOMES GENEVOIS .................................................................................................................... 22

1. Les Murailles ............................................................................................................................ 22 2. Le Jugend-Alijah Heim Versoix ................................................................................................ 23 3. La Forêt .................................................................................................................................... 24

II. L’AVENIR DES ENFANTS................................................................................................................ 27 CONCLUSION ..................................................................................................................................... 28 SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 30

ANNEXES ............................................................................................................................................ 32 LISTE D’ABRÉVIATIONS..................................................................................................................... 32 INTERVIEW AVEC SIMON BLASS ....................................................................................................... 33

Remerciements Je souhaiterais ici remercier les personnes qui m’ont apporté leur aide et leur soutien au cours

de ce travail.

Un gros merci à Madame Heiniger pour son accompagnement et ses conseils utiles qui m’ont

fortement motivée. Je suis également très reconnaissante envers Monsieur Blass pour sa

bonne volonté de me donner une interview. Ceci a été un apport considérable à mon travail.

Enfin, j’aimerais remercier Madame Biner-Pardo pour ses corrections incroyables et le temps

qu’elle a investi dans mon travail.

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Introduction

Le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale a fait l’objet de discussions très

controversées dans les vingt dernières années. Un des sujets les plus discutés est notamment le

traitement des réfugiés qui sont venu chercher abri en Suisse avant et pendant la guerre. Tout

au début de cette année, l’actualité perpétuelle de ce sujet a été confirmée quand, dans le

contexte de la journée internationale de commémoration de l’holocauste, les discussions

portant sur le refoulement des réfugiés ont été relancées. Les discussions se focalisaient

notamment sur le nombre exact de réfugiés refoulés aux frontières suisses et les conséquences

néfastes que ce refoulement a eu pour nombreux d’entre eux.

Dans ce travail, nous examinerons une partie de la politique de réfugiés qui a été beaucoup

médiatisée avant et pendant la guerre, et ne l’est plus tellement aujourd’hui : le rôle que la

Suisse a joué pour les enfants réfugiés. Dans la littérature, une distinction est souvent faite

entre ‘enfant réfugié’ et ‘enfant émigré’. Les enfants émigrés sont définis comme étant ceux

qui entrent en Suisse légalement entre 1933 et 1942, et les enfants réfugiés sont ceux qui

arrivent illégalement en Suisse entre août 1942 et la fin de la guerre.1 Dans le cadre de ce

travail, nous utiliserons le terme ‘enfant réfugié’ pour tous les enfants, indistinctement du

moment auquel ils arrivent en Suisse, car, comme bien résumé dans le rapport Bergier, « le

terme d’émigrant laisse en effet planer un doute sur les motifs de la migration, et peut donner

à penser qu’il s’agit d’un départ ou de la poursuite d’un voyage librement consenti ».2

Dû au grand nombre de réfugiés ayant besoin d’aide, de nombreuses organisations caritatives

voient le jour en Suisse avant l’éclatement de la guerre. Chacune met l’accent sur une forme

d’aide ou un groupe de réfugiés spécifiques. Une des premières organisations suisses se

spécialisant dans le secours aux enfants réfugiés est le Comité d’aide aux enfants des émigrés

allemands, Schweizersektion, fondé en 1933, qui deviendra, deux années plus tard,le

Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder (SHEK). Pendant les quinze années de son

existence, le SHEK a des fonctions très variées, toutes dans le but d’améliorer la vie présente

et future des enfants réfugiés en Suisse.

Il est le but de ce travail d’analyser la situation des enfants réfugiés en Suisse, ainsi que

l’œuvre du SHEK en faveur de ces enfants. Pour ce faire, nous examinerons dans une

1LASSERRE André, Frontières et camps – Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne : Payot, 1995, p. 370. 2COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 24.

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première partie le contexte plus large de guerre et d’avant-guerre et la politique de la Suisse

envers les réfugiés, pour autant que celle-ci influence la vie des enfants réfugiés. Ensuite nous

verrons comment le SHEK s’est formé et quelles autres organisations collaboraient avec le

SHEK. Dans une deuxième partie nous nous concentrerons sur le SHEK en tant

qu’organisation, en examinant son fonctionnement et ses actions en faveur des enfants

réfugiés. Dans une dernière partie, nous regarderons enfin la vie quotidienne des pupilles du

SHEK dans les homes d’enfants en Suisse et la façon dont cette expérience a influencé la vie

future des enfants.

Le sujet des enfants réfugiés est abordé dans plusieurs travaux traitant la Suisse et les réfugiés

pendant la Seconde Guerre mondiale.3 La majorité deces ouvragesne gratte, par contre, que la

surface de ce vaste sujet. Entre ces ouvrages se trouvent notamment le Rapport Bergier de la

commission indépendante d’experts et Frontières et camps d’André Lasserre, qui traitent en

détail le sort des réfugiés en Suisse, mais ne parlent des enfants que brièvement. L’ouvrage le

plus instructif pour ce travail aété celui d’Antonia Schmidlin appelé Eine andere Schweiz,

Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, qui parle dediverses

organisations caritatives s’engageant pour les enfants réfugiés. Or, Schmidlin s’intéresse

surtout aux enjeux entre les différentes organisations et à la question de savoir si l’aide aux

enfants est politique ou non.

Ils manquent donc des travaux spécifiquement sur le SHEK et sur la vie des enfants encadrés

par cette organisation. L’étude suivante vise à combler cette lacune. Etant donné la rareté des

sources secondaires traitant ce sujet, il fallait consulter de nombreux documents dans les

archives fédérales à Berne. Le fonds J2.55 sur le SHEK a été de grande utilité.Uneinterview

menée par Skype avec le belge Simon Blass, qui était à Genève en tant qu’enfant réfugié

pendant la guerre,est venue compléter le travail.Grâce à cette diversité de sources, nous visons

à prendre une approche englobante et en même temps détaillée du sujet.

3 Ces travaux sont les suivants: UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG (éd.), Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, Bern: 1999, 360 p ; LASSERRE André, Frontières et camps, Le refuge en Suisse de 1933-1945, Lausanne : Payot, 1995, 396 p. ; NESSI Serge, La Croix-Rouge suisse au secours des enfants 1942-1945, Et le rôle du docteur Hugo Oltramare, Genève : Slatkine, 2011, 261 p. ; SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, 428 p.

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A. La Suisse et les enfants réfugiés

La Suisse en tant que pays neutre peut être vue comme refuge idéal pour les personnes

cherchant la sécurité ou tout simplement une vie normale. Dès l’arrivée au pouvoir du parti

national socialiste allemand en 1933, on voit un afflux énorme de réfugiés allemands, qui se

tourneront également vers la Suisse. En 1937 se trouvent environ 5000 réfugiés sur le sol

suisse.4 Parmi ces personnes se trouvent aussi des enfants. Comment le gouvernement suisse

gère-t-il la tâche énorme d’accueillir tous ces réfugiés, spécifiquement les enfants ? Quelles

autres institutions l’aident à réussir dans cette tâche ardue ?

I. Contexte et politique d’accueil des enfants réfugiés

Dans cette première partie, nous aborderons la politique de réfugiés en Suisse avant et

pendant la guerre, en mettant l’accent sur les implications que celle-ci a sur les enfants

réfugiés et leurs familles. Quel statut est conféré aux enfants réfugiés ? Comment ces enfants

sont-ils accueillis à leur arrivée ? Par quelles procédures doivent-ils passer pour être pris en

charge par les organisations caritatives et recevoirune place dans une famille ou un home

d’enfants ?

1. Politique suisse concernant les réfugiés

Après la prise de pouvoir du parti national socialiste allemand en 1933, de nombreuses

personnes quittent l’Allemagne pour chercher refuge dans les pays voisins. Ce sont des

hommes et des femmes appartenant à un des groupes persécutés par les nazis, entre eux des

juifs, des communistes et des sociale-démocrates, des homosexuels et des intellectuels.

Souvent ils partent avec leurs familles. En même temps en Suisse, le gouvernement décide de

distinguer, parmi les réfugiés civils, entre les réfugiés politiques et tous les autres. Il compte

comme réfugié politique seulement celui qui est personnellement persécuté, ce qui exclut de

ce statut la majorité des réfugiés et notamment des enfants. Ceux-ci seront, par conséquence,

traités comme des étrangers ‘normaux’:5 ils sont soumis à la loi sur le séjour et

4PORTMANN-TINGUELY Albert, VON CRANACH Philipp, « Flüchtlinge », In: Dictionnaire historique de la Suisse, 2012. 5Idem.

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l’établissement des étrangers de 1931. Ceci implique qu’ils sont autorisés à rester en Suisse

seulement pour une courte durée. Ensuite ils sont obligés de poursuivre leur voyage.6

A la suite de l’Anschluss de l’Autriche en mars 1938 et des pogromes en novembre de la

même année, un exode massif de juifs prend place.7 En Suisse en même temps les tendances

antisémites qui étaient présentes déjà avant deviennent plus apparentes : les autorités suisses

décident de refouler les allemands ‘non ariens’ qui ne possèdent pas un visa et, en

collaboration avec les allemands, le gouvernement introduit le tampon ‘J’, obligatoire pour

toute personne ayant des racines juives.8 Quand la guerre éclate en septembre 1939 le départ

des réfugiés se trouvant en Suisse est rendu plus difficile. Par conséquence, les réfugiés

reçoivent le statut juridique d’émigrants et sont soumis aux autorités cantonales.9

En été 1942 la poursuite et la déportation de juifs, notamment en France occupée, prennent

une ampleur jamais vue. Ceci a pour conséquence que les arrivées illégales de réfugiés en

Suisse augmentent fortement. Le Département fédéral de justice et police prend la décision

« d’interner tous les réfugiés qui se trouvaient à l’intérieur du pays et qui – pour des raisons

pratiques ou des motifs humanitaires – ne pouvaient pas être refoulés ».10 Les réfugiés,

désormais placés sous l’autorité de la Confédération, sont accueillis pour une durée limitée

dans les camps d’accueils dirigés par l’Armée.11 La vie quotidienne des hommes, des femmes

et des enfants dans ces camps ressemble à celle de recrues. Ils doivent se mettre au garde-à-

vous à l’appel de leur nom et pendant la nuit ils dorment sur des planches avec de la paille.12

Il est évident que les conditions de vie dans ces camps ne sont pas idéales pour les enfants.

Après un certain temps dans ce type de camp, les hommes sont envoyés dans des camps civils

de travail. Pour les femmes et les personnes âgées on prévoit des homes ou des camps de

travail spécifiques, séparés de ceux des hommes.13 Le 1er décembre 1942 le Conseil fédéral

décide dans son Internierungsbeschluss, que tous les enfants réfugiés entrés illégalement en

Suisse et ayant entre six et seize ans, doivent être libérés des camps militaires et placés dans

6COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 23. 7Idem, p. 12. 8PORTMANN-TINGUELY Albert, VON CRANACH Philipp, « Flüchtlinge », In: Dictionnaire historique de la Suisse, 2012. 9COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 23. 10Idem, p. 23. 11Idem, p. 161. 12Idem, p. 162. 13Idem, p. 161.

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des homes et des familles d’accueil suisses.14 Ceci est un moment décisif pour les enfants

réfugiés.

2. Séparation de la famille

Des homes spéciaux sont prévus pour les mères avec nourrissons. Quand l’enfant atteint l’âge

pour aller à l’école maternelle, il est transféré avec sa mère dans un camp de travail qui

dispose d’une sorte de garderie. Tous les enfants ayant plus de six ans sont séparés de leurs

familles et transférés dans un home d’enfants ou dans une famille d’accueil.15

Pourquoi les familles réfugiées sont-elles séparées ? Les autorités justifient cette mesure par

« des contraintes matérielles d’ordre organisationnel ».16 Il est évident que des parents qui ne

doivent pas s’occuper de leurs enfants, ont plus de temps pour travailler et constituent ainsi

une main d’œuvre plus précieuse pour le pays. Il s’ajoute à cela le fait qu’une grande partie

des dépenses des homes d’enfants et des familles d’accueil est couverte par des dons privés et

n’est pas à la charge de la confédération.17

Pour les familles concernées, cette séparation est très dure. Même si le SHEK prévoit que les

parents puissent voir leurs enfants tous les trois mois pour trois jours, ceci ne peut pas

compenser le temps qu’ils passent séparément.18 La lettre d’une mère au pasteur Paul Vogt

montre clairement le désespoir que cette situation peut causer :

«Aujourd’hui, mercredi, nous avons le droit d’avoir nos enfants de 2h à 5h ; mais déjà le

fait de penser à la séparation prochaine nous tourmente. Nous allons nous promener,

nous tenons nos enfants dans nos bras comme des âmes en peine, nous les pressons

contre nous, parce que nous savons qu’ils vont bientôt nous les arracher […] Mon mari

est dans le camp d’Andelfingen, mon fils est placé à Winterschwil (Argovie), ma petite

14AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Lettre de la Zentralstelle aux sections régionales, Zürich, 4 décembre 1942, p. 1. 15AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Protokoll zur Ausschuss-Sitzung der Zentralstelle für Flüchtlingshilfe, 9 novembre 1942, p. 1. 16COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 166-167. 17AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Protokoll zur Ausschuss-Sitzung der Zentralstelle für Flüchtlingshilfe, 9 novembre 1942, p. 2. 18 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, 1. Bericht des SHEK an das SRK, KH für die Zeit vom 1.3.43 bis 31.3.43, 30 avril 1943, p. 2.

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fille et moi sommes à Langenbruck, elle au premier étage et moi au second. La nuit, je

me réveille et je me demande : est-ce que la petite dort ? »19

3. Procédure d’accueil des enfants sans famille

Pour les enfants qui arrivent en Suisse tout seuls la situation se présente un peu différemment.

Pour eux, le placement dans un home d’enfants est souvent un moment de soulagement après

une longue période d’insécurité. Après avoir franchi la frontière illégalement, il arrive souvent

que les réfugiés sont emprisonnés pendant quelque jours, voire, semaines.20 Les enfants ne

sont pas exemptés de cette procédure. Simon Blass, un réfugié belge qui a quatorze ans

lorsqu’un passeur l’aide à entrer en Suisse en 1943, raconte comment ses premiers jours en

Suisse se passent.

« On arrive tous les deux en Suisse. Il m’apporte dans une famille dans le petit village

de Boncourt. […] Ils m’ont très chouettement accueilliet j’ai dormi chez eux. Le matin

[…] je vois à 20, 25 mètres deux allemands casqués avec de grands chiens. J’étais

terrorisé. Il me dit :‘tu ne dois pas avoir peur, t’es en Suisse ici’. Et c’est là où j’ai eu la

conscience de ce que c’est une frontière. Vers dix, onze heures il y avait une voiture de

la police fédérale qui est venue me chercher. »21

La police l’apporte à la prison de Porrentruy où il doit rester à peu près un mois, emprisonné

avec les détenus de droit commun. Ils prennent des photos de lui pour son livret deréfugié.

Pendant tout ce temps le jeune garçon ne sait pas s’il va pouvoir rester en Suisse ou s’il va

être refoulé, mais il dit « c’était pas mal parce que je croyais, …, je savais qu’on n’allait pas

me tuer pendant qu’en Belgique on risquait de me tuer ».22

La procédure par laquelle Blass doit passer est assez typique pour l’arrivée de réfugiés depuis

1940.23 Dans son ouvrage Freiheit in Grenzen, Edith Dietz qui a vingt et un ans lors de son

arrivée en Suisse en 1942 raconte une histoire semblable. Après avoir franchi la frontière

suisse, elle et sa sœur cadette sont amenées à la prison de Schaffhouse, où elles sont

19 Lettre d’une femme au Pasteur Paul Vogt, 16 novembre 1943, citée par COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 167, la Commission citant KOCHER. 20COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 162. ; Interview avec Simon Blass, 22.4.2013. 21 Interview avec Simon Blass, 22.4.2013. 22 Idem. 23COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 162.

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interrogées et leurs photos sont prises. Dietz souligne l’angoisse qu’elles passent dans la

prison et la peur d’être refoulées, jusqu’au jour où elles sont finalement autorisées à rester en

Suisse en dehors de la prison.24 Beaucoup plus tard, les études de l’essayiste Henry Spira ont

montré qu’effectivement « de nombreux réfugiés ont été refoulés après avoir passé quelques

jours en prison ».25 Leurs craintes de refoulement n’étaient donc pas sans fond.

Après ce premier choc, les enfants sont, tout comme nous l’avons vu pour les familles,

envoyés dans les camps d’accueil gérés par l’Armée et ce n’est qu’après

l’Internierungsbeschluss en 1942, qu’ils sont libérés des camps et placés dans les familles

suisses ou dans les homes d’enfants.26

II. L’origine du SHEK

Quelle est la place du SHEK dans le contexte politique concernant les réfugiés que nous

venons d’examiner ? Une grande partie des allemands qui s’enfuient de leur pays après la

prise de pouvoir du parti national-socialiste en 1933, va en France. Dû à cet afflux agrandi, les

lois françaises concernant les émigrants se durcissent.27 Ceci rend plus difficile la vie des

émigrants. Les enfants réfugiés sont dans une situation spécialement misérable, non

seulement à cause de la sous-alimentation constante, mais aussi parce qu’ils ne sont pas

proprement soignés et ils n’ont pas de possibilité d’éducation. C’est dans ce contexte là qu’en

juin 1933 est fondé le Comité d’aide aux enfants à Paris, qui organise des séjours pour les

enfants réfugiés allemands auprès de familles françaises ou dans des homes. En septembre

1933, une représentante du comité voyage à Zürich pour chercher du soutien en Suisse.28

Dans une réunion de vingt femmes suisses à Zürich, elle témoigne la détresse des émigrants

allemands et leurs enfants à Paris. Par la suite, les femmes, dont la plupart vitdans des

conditions plutôt aisées, décident d’aider à améliorer le sort de ces enfants.29 Dans ce but,

elles créent en octobre 1933 le Comité d’aide aux enfants des émigrés allemands,

24DIETZ Edith, Freiheit in Grenzen, Meine Internierungszeit in der Schweiz 1942-1946, Frankfurt am Main : Brandes & Apsel Verlag GmbH, 2004, p. 11-14. 25COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE – SECONDE GUERRE MONDIALE, La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, 1999, p. 162. 26Idem, p. 162. ; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, lettre de la Zentralstelle aux sections régionales, 4 décembre 1942, p. 1. 27SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 25. 28 Idem, p. 26. 29SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 23.

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Schweizersektion (section suisse). Le nom choisi montre que c’est d’abord conçu comme une

section du comité à Paris. L’historienne Nettie Sutro devient directrice de l’organisation et

Ellen Seeburger-Vogel en devient la présidente.30 Dans un premier temps, la section suisse du

comité veut soutenir les émigrants allemands à Paris même.

En hiver 1933/34 le nombre de réfugiés en France augmente fortement etleur situation

alimentaire se détériore. La section suisse décide d’organiser des parrainages en Suisse pour

soutenir au moins une partie des enfants réfugiés avec des paiements réguliers. Pour trouver

des parrains suisses, l’organisation lance sa propre propagande.31 A la suite de « plusieurs

malentendus » (« Reihe von Missverständnissen »)32 la section suisse fait sécession du Comité

d’aide aux enfants et crée en février 1934 le Comité suisse d’aide aux enfants d’émigrés

(CSAEE), qui est censé devenir une association composée de plusieurs sections locales. Le

nom allemand Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder n’est adopté qu’en 1935.33

Entre-temps à Paris s’était créé un centre de consultation médicale pour les émigrés,

subventionné en partie par le CSAEE : l’Assistance médicale aux enfants d’émigrés (AM).34

Les enfants des familles émigrées en France ont souvent peu de contactavec d’autres enfants,

ils souffrent d’unmanquede soleil, d’eau et de repas chauds. Ils sont sous-alimentés et

tombent facilement malades.35 Les représentants du CSAEE et de l’AM constatent bientôt que

pour améliorer véritablement le sort de ces enfants, l’aide médicale doit être accompagnée par

l’aide sociale.36 En avril 1934 le CSAEE organise en collaboration avec la Arbeiterkinderhilfe

der Schweizun premier convoi d’enfants qui est envoyé en Suisse.37 Dès 1935 le SHEK se

spécialise dans l’organisation de ces convois, appelés Kinderzüge, que nous verrons par la

suite.38

30SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 27. 31Idem, p. 28. 3223.7.1941: Brief von Wilhelmine Wehrle-Keckeis an Alfred Siegfried, BAR: J.II.15, 1969/7, AZ 293, Mappe: Vorstand, Januar 1940-Dezember 1941, cité par: SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 29. 33SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 29. 34 Idem, p. 31. 35SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 39-40. 36SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 31. 37UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG, Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, 1999, p. 64. 38SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 31.

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III. Le SHEK et les autres organisations caritatives

Le SHEK a donc été créé par un groupe de femmes suisses dans le but d’aider les enfants

réfugiés négligés et sous-alimentés. Or, il n’est pas la seule organisation suisse qui se charge

du secours aux enfants réfugiés. Dans cette partie nous regardons quelles autres organisations

caritatives existent et comment le SHEK collabore avec elles.

Entre 1933 et 1945, l’accueil et le séjour des réfugiés arrivant en Suisse est encadré en grande

partie par des organisations caritatives privées. Ces organisations sont nombreuses et

enchevêtrées. Elles se distinguent entre elles dans leur but, leur taille et leur relation avec le

gouvernement suisse.39 Les organisations s’occupent de différentes catégories de réfugiés.

Certaines s’occupent de tous, au nom du principe de l’amour du prochain ou de la sauvegarde

des droits de l’homme, mais la plupart d’entre elles fondent leur aide sur des affinités avec les

victimes.40 Ainsi, il y a des organisations qui offrent leur aide spécifiquement aux réfugiés

politiques de leur tendance, aux Juifs, catholiques ou protestants ou alors aux enfants. Le type

d’aide apportée aux réfugiés est généralement similaire: il s’agit d’un côté du support

financier et matériel, et de l’autre côté de l’assistance à trouver un pays d’accueil définitif.41

Plusieurs organisations centrent leur aide sur les enfants réfugiés. Une des premières qui

travaille dans ce domaine est la Proletarische Kinderhilfe, qui, avant 1933, arrangeait des

vacances pour les enfants de chômeurs suisses. En 1933 l’organisation change son nom à

Arbeiterkinderhilfe der Schweiz et commence à organiser des séjours temporaires en Suisse

pour des enfants réfugiés en France, en collaboration avec le SHEK. Plus tard, elle commence

à s’occuper également des enfants réfugiés en Suisse. En 1936, l’organisation étend son aide

aux réfugiés adultes et remet les enfants réfugiés au SHEK.42

Une autre organisation qui deviendra importante pour le SHEK est appelée Aide aux émigrés.

Cette organisation a pour but d’aider les réfugiés à émigrer depuis la Suisse. En 1942 elle doit

39SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 61. 40LASSERRE André, Frontières et camps – Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne : Payot, 1995, p. 87. 41UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG, Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, 1999, p. 62. 42LASSERRE André, Frontières et camps – Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne : Payot, 1995, p. 88.

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cesser ses activités suite à de nombreuses difficultés dues à la situation internationale de

guerre, et elle met à disposition son infrastructure au SHEK, dont elle deviendra la section

Genevoise.43

Avec l’éclatement de la guerre, la situation pour beaucoup d’enfants dans les pays belligérants

s’aggrave. Le Cartel suisse de secours aux enfants victimes de la guerre, qui avait été fondé

lors de la guerre civile en Espagne, reprend l’organisation des séjours temporaires,

abandonnée par le SHEK. Cette organisation devient également responsable des actions de

secours à l’étranger.44 Sous la tutelle du Conseil fédéral, le Cartel et la Croix Rouge suisse se

mettent ensemble pour créer la Croix Rouge suisse, Secours aux enfants (CRS, SE).45 Cette

organisation s’occupe dorénavant des Kinderzüge. En été 1942 l’afflux de réfugiés arrivant

depuis la France s’agrandit, dû aux déportations. Entre ces réfugiés se trouvent beaucoup

d’enfants. La CRS, SE ne va pas, dans un premier temps, s’occuper de ces enfants, étant

donné que la majorité d’entre eux est juive, et l’organisation ne veut pas paraître « juive ».

Pour quand même jouer son rôle dans l’aide à ces enfants, la CRS, SE s’engage, dans le cadre

d’un accord passé en février 1943, à verser une somme de 400'000 francs suisses au SHEK

pour le financement des enfants réfugiés.46

Peu avant la conclusion de cet accord, la CRS, SE perd sa mission principale, à savoir les

convois d’enfants qui viennent en Suisse pour des vacances. En mars 1942 la Belgique avait

arrêté d’envoyer des Kinderzüge « pour des raisons ‘techniques’ ».47 L’Allemagne nazie avait

interdit également les convois partant de la Serbie et en octobre 1942, les trains français

s’arrêtent dû à l’occupation allemande.48 Le CRS, SE étant resté sans beaucoup de travail, le

président de la Croix Rouge suisse, Johannes von Muralt, propose d’incorporer le SHEK à la

CRS, SE. Cette proposition est très mal accueillie par les représentantes du SHEK. Or, le

conseiller fédéral Eduard von Steiger exprime personnellement le souhait d’une collaboration

entre les deux organisations. Devant ces pressions, le SHEK doit céder une partie de ses

43UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG, Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, 1999, p. 64. 44LASSERRE André, Frontières et camps – Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne : Payot, 1995, p. 144; SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 14. 45SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 197. 46 Idem, p. 244. 47NESSI Serge, La Croix-Rouge suisse au secours des enfants 1942-1945, Et le rôle du docteur Hugo Oltramare, Genève : Slatkine, 2011, p. 84. 48SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 242-243.

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pupilles à la CRS, SE.49 La distribution des enfants pose, néanmoins, des problèmes. Le

SHEK refuse la proposition de les séparer selon leur confession, une solution qui aurait

permis à la CRS, SE de s’engager dans l’aide aux enfants réfugiés sans paraître une

organisation juive. Finalement les deux organisations passent un compromis, selon lequel le

SHEK s’occuperait des 2000 enfants entrés en Suisse entre 1942 et 1943, et la CRS, SE de

tous les suivants. Etant donné que la CRS, SE n’a pas d’expérience avec l’accueil et la prise

en charge à long terme des enfants réfugiés, des représentantes du SHEK l’aident dans un

premier temps pour remplir les nouvelles tâches.50

La collaboration entre le SHEK et la CRS, SE restera difficile. D’une partie, cela est dû au fait

que la CRS, SE est beaucoup plus médiatisée que le SHEK et a ainsi plus de facilité à trouver

des donateurs parmi la population suisse. De l’autre côté, les organisations ont des approches

très différentes en ce qui concerne l’aide aux enfants juifs. Le SHEK considère important le

fait que les enfants réfugiés puissent vivre leur confession et prendre des cours de religion

juive, pendant que la CRS, SE se montre de multiples fois très réticente à cela.51 Quand les

Kinderzüge peuvent être repris en été 1944, le CRS, SE rend la tâche des enfants réfugiés

complètement aux mains du SHEK.52 Elle se charge, néanmoins, encore du financement des

nouveaux arrivés pour faciliter la tâche au SHEK.53

En 1948 lors de la dissolution des sections régionales du SHEK, 583 enfants sont distribués à

des organisations suisses qui ont des expériences avec la question des réfugiés, mais qui

forment surtout des « communautés plus stables » pour ces enfants (« dauernde

Gemeinschaften »). Parmi ces organisations se trouvent le Verband Schweizerischer Jüdischer

Flüchtlingshilfen, la Caritas et la Pro Juventute.54

Nous pouvons conclure que le SHEK est une organisation extrêmement enchevêtrée et en

constante collaboration avec plusieurs autres organisations pour arriver au but d’améliorer la 49SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 245-246. 50 Idem, p. 246. 51 Idem, p. 247. 52NESSI Serge, La Croix-Rouge suisse au secours des enfants 1942-1945, Et le rôle du docteur Hugo Oltramare, Genève : Slatkine, 2011, p. 150. 53SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999. 248. 54 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, lettre du SHEK à la Eidg. Polizeiabteilung, expéditrices: Ellen Seeburger-Vogel und Dr. Nettie Sutro, 12 décembre 1947, p. 1.

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situation des enfants réfugiés en Suisse. A la différence d’autres organisations, notamment la

CRS, SE, le SHEK est déterminé à accueillir tous les enfants réfugiés, sans distinction de

confession ou origine. Ainsi, son rôle parmi les organisations caritatives est unique et capital

pour l’aide aux enfants réfugiés en Suisse.

B. Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder

Ayant analysé la place du SHEK au sein de la politique suisse pratiquée à l’égard des réfugiés

et parmi les autres organisations caritatives, nous nous pencherons sur l’organisation elle-

même et sur ses activités en faveur des enfants réfugiés.

I. Fonctionnement du SHEK

Pour comprendre l’apport du SHEK à l’aide aux enfants réfugiés, il faut connaître la structure

de l’organisation. C’est ainsi qu’on peut apercevoir les différentes responsabilités au sein de

l’organisation et savoir qui contribue financièrement aux divers projets de l’organisation.

1. Organisme Le SHEK est une association composée d’une Zentralstelle, un bureau central à Zürich, et

plusieurs sections régionales. Il s’agit de onze sections, représentant dix cantons différents.55

Toutes les sections ont leur propre présidente ou président, elles sont très indépendantes dans

leur travail et forment ainsi des sous-organisations.56 Chaque section décide du nombre

d’enfants qu’elle peut accueillir. Elle collecte des dons dans le territoire de sa compétence et

prend en charge les coûts des enfants dont elle est responsable.57 Si les familles suisses ont des

questions concernant leur enfant d’accueil, par exemple concernant l’achat de vêtements pour

celui, elles se tournent vers la section régionale compétente.58 Il est également du ressort des

55 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, lettre du SHEK à la Eidg. Polizeiabteilung, expéditrices: Ellen Seeburger-Vogel und Dr. Nettie Sutro, 12 décembre 1947, p. 1. 56SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 27. 57SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, p. 31.; SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 84. 58AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, lettre des sections aux parents adoptifs (exemplaire), [s.d.].

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sections régionales de s’occuper du placement des enfants. Or, tous les placements et tous les

changements de place doivent être rapportés à la Zentralstelle.59 Comme nous avons vu plus

haut, la présidente de la Zentralstelle est Ellen Seeburger-Vogel, la directrice est Dr. Nettie

Sutro.60 La Zentralstelle a des tâches de coordination entre les sections, ainsi que de

communication entre les sections et le gouvernement et le Département fédéral de justice et

police. Elle est également responsable desenfants habitant dans les zones qui ne disposent pas

d’une section régionale.61

2. Financement

Entre 1940 et 1945, les dépenses du SHEK s’élèvent à environ 5'350'000 francs suisses.62

Comment l’organisation finance-t-elle cette somme énorme ?

Le SHEK est lourdement dépendant de dons privés et d’aide de financement par d’autres

institutions. Pour gagner des donateurs, les sections font de la propagande, elles lancent des

appels à la population suisse dans leurs rapports annuels et elles organisent des conférences

où elles témoignent la détresse des enfants réfugiés. Un autre moyen qui est souvent utilisé est

le Suppentag (journée de soupe) : les sections font l’appel aux familles de manger la soupe

une fois par semaine au lieu d’un repas complet et donner l’argent qui reste (environ 75

centimes par repas) au SHEK. Ceci ne paraît pas être une contribution importante, mais pour

les sections qui le font, ces journées de soupe contribuent quand même1'000 francs suisses par

mois en moyenne.63 Pour augmenter les recettes budgétaires, certaines sections commencent à

envoyer des « jolis objets » (« hübsche Gegenstände ») avec les reçus de versements.64

Souvent, les articles de presse qui parlent de la détresse des enfants réfugiés, font également

appel à la population suisse de faire des dons en faveur de ces enfants. En total, les dons

privés collectionnés par les sections régionales du SHEK arrivent à une somme près de deux

millions, pendant les années de guerre.65

59AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, lettre de la Zentralstelle aux sections régionales, 15 décembre 1942, p. 1. 60SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 279. 61AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, lettre de la Zentralstelle aux sections et aux visiteurs des camps, 4 décembre 1942, p. 2. 62 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland, 1936-47), lettre de Dr. Nettie Sutro à Holger Hofmann, 20 août 1947, p. 1. 63SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 84. 64 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, SHEK 1946-1948, juin 1948, p. 2. 65 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland, 1936-47), lettre de Dr. Nettie Sutro à Holger Hofmann, 20 août 1947, p. 1.

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Examinons maintenant qui d’autre contribue au financement des actions du SHEK. Le don

suisse pour les victimes de la guerre contribue pendant la guerre 57'000 francs. La CRS, SE

fait une contribution d’environ un million et demi. Ensuite, le département fédéral de justice

et police se charge de 165'500 francs. Ils s’ajoutent les contributions importantes du American

Jewish Joint Distribution Committee(JOINT) et du Jewish War Appeal qui s’élèvent à

1'700'000 francs.66

Ayant examiné comment le SHEK trouve des donateurs et quelles institutions aident à

financer l’organisation, il reste à savoir comment l’argent collecté est utilisé. Une partie de

l’argent du département fédéral de justice et police est utilisée tout de suite après

leInternierungsbeschluss en décembre 1942. Pendant les trois mois suivant cette décision, les

homes d’enfants nouvellement crées sont financés par le service de police. L’argent provenant

des organisations juives mentionnées est largement utilisé pour subventionner les homes

rituels, tels que La Forêt à Genève ou le Jugend-Alijahheim à Versoix.67 Selon Blass, le home

la Forêt est même entièrement financé par le American Jewish Joint Distribution Committee,

une organisation juive d’assistance humanitaire.68 L’argent de la CRS, SE, va dans le

financement des enfants vivant dans les homes.69

Une des personnes clés concernant le financement des actions du SHEK est Georges Bloch,

dès 1936 le caissier de l’organisation. Sa tâche devient plus importante chaque année, car les

recettes du SHEK accroissent. S’élevant d’abord à un montant de six chiffres, elles passent à

des millions, et la responsabilité de Bloch s’accroit avec elles.70

Pour conclure, nous pouvons dire que le SHEK est une association décentralisée avec des

organes régionaux très indépendants et un bureau central qui s’occupe de la coordination et

des tâches représentatives. Du côté des finances, le SHEK est fortement dépendant de

donateurs très variés. Pour arriver à augmenter les recettes budgétaires, les sections utilisent

des moyens divers et parfois assez originaux. Les donateurs les plus importants sont des

organisations juives privées, comme le JOINT ou le Jewish War Appeal. Comme nous avons

pu voir plus haut, elles financent à peu près un tiers des dépenses du SHEK pendant la guerre. 66 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland, 1936-47), lettre de Dr. Nettie Sutro à Holger Hofmann, 20 août 1947, p. 1. 67 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland, 1936-47), 1. Bericht de la Zentralstelle, 1 mars 1943 – 31 mars 1943, p. 1. 68Interview Simon Blass, 22.4.2013. 69AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Protokoll, secrétaire de séance: G. Risler, 9 novembre 1942, p. 2. 70SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 28-29.

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II. Actions

En vue d’améliorer le sort des enfants réfugiés en Suisse, le SHEK lance des actions très

variées. Dans cette partie nous examinerons les tâches et les actions les plus importantes de

l’organisation.

1. Kinderzüge

Dans les années après sa formation, le SHEK prend en charge les Kinderzüge. Un premier

convoi avec 122 enfants réfugiés arrive en été 1934 depuis la France. Le SHEK négocie pour

cela une réduction des prix de transport avec le CFF. Les sections locales s’occupent de

trouver des familles d’accueil. Par le biais de lettres elles demandent les familles d’accueillir

un enfant réfugié allemand ou sarrois. Dans son ouvrage Jugend auf der Flucht, Nettie Sutro

mentionne la difficulté de connaître la motivation des familles suisses à accueillir un enfant :

« Es war gar nicht so leicht, sich über die Angebote klar zu werden. Waren es

Menschenfreunde, waren es Haushaltungen oder Bauernhöfe, die eine billige Arbeitskraft

suchten ? »71Or, à part cette citation, ce type de questions paraît avoir été très peu thématisé

par le SHEK. Plutôt qu’à l’indifférence, cela est probablement dû au fait qu’on avait besoin

de toutes les familles qui étaient prêtes à accueillir un enfant réfugié. Néanmoins, le SHEK

essaie d’assurer le bon placement des enfants par plusieurs mesures. Avant leur arrivée en

Suisse, un document citant les caractéristiques de chaque enfant est préparé. Les familles

d’accueil potentielles en Suisse doivent remplir un questionnaire détaillé. En plus, le pasteur

ou des infirmières locales rendent visite aux familles d’accueil au nom du SHEK. Il s’agit de

savoir, entre autres choses, leur profession, confession, situation financière, le nombre de

leurs propres enfants et s’ils ont un jardin ou non. Ensuite, une représentante du comité

central se charge d’attribuer les enfants aux familles qui paraissent aller bien ensemble.72

Les enfants restent en Suisse pendant deux ou trois mois. Quand ils retournent en France, ils

n’ont non seulement regagné du poids et de l’énergie, mais ils disposent souvent aussi de

nouveaux chaussures et pantalons.73 Entre le premier convoi en 1934 et le début de la guerre

71SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 41-42.; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Aufrufe, Propaganda, tract de la Zentralstelle “Wer verhilft Emigrantenkindern zu Ferien?”, [s.d.]. 72SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 42-43. 73 Idem, p. 44.

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en septembre 1939 le SHEK accueille presque 5000 enfants en Suisse dans le cadre de ces

séjours temporels.74

2. 300-Kinderaktion

Un convoi d’enfants, réalisé en 1938, a donné au SHEK une reconnaissance spéciale : c’est la

300-Kinderaktion. Après les pogromes allemands contre les juifs en novembre 1938, le SHEK

demande l’accord du Département fédéral de justice et de police pour un convoi de 300

enfants juifs allemands. Dans un premier temps, la demande est refusée dû au fait que la

réémigration des enfants n’est pas assurée à 100%. C’est Georgine Gerhard, directrice de la

section baloise du SHEK, qui réussit finalement à recevoir l’accord de l’Etat, en assurant que

tout sera mis en place pour que les enfants puissent réémigrer. Parmi les 300 enfants qui sont

censés d’arriver avec ce convoi, environ cent viennent d’un orphelinat israélite à Francfort.

Les autres sont des enfants abandonnés originaires de la région frontalière.75 Pour être choisis,

les enfants doivent répondre à plusieurs critères : ils doivent être des orphelins ou des enfants

dont le père a été déporté et la mère n’a plus de demeure. Il est obligatoire qu’ils possèdent un

passeport allemand valable.76 Les enfants arrivent seuls ou en petites groupes.77 Le premier

grand groupe d’enfants arrive en janvier 1939. Les procédures d’autorisation des convois par

les sections et les cantons impliqués sont longues. Six mois après l’approbation de la 300-

Kinderaktion par le Conseil fédéral, il n’y a que 160 enfants qui ont une place assurée.78

L’éclatement de la guerre en 1939 a pour conséquence que le contingent de 300 enfants n’est

pas atteint : 50 des 300 enfants n’arrivent jamais en Suisse. Il a également pour conséquence

que la réémigration des enfants prend place beaucoup plus tard qu’attendu :une grande partie

des enfants restent en Suisse jusqu’à la fin de la guerre.79

74 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland, 1936-47), lettre de Dr. Nettie Sutro à Holger Hofmann, 20 août 1947, p. 1.; UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG, Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, 1999, p. 64. 75 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 14, 300-Kinderaktion (1938-43), lettre de la Zentralstelle aux sections, expéditrices: E. Seeburger-Vogel, Dr. Nettie Sutro et Georges Bloch, 25 novembre 1938.; LASSERRE André, Frontières et camps – Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne : Payot, 1995, p. 65-66. 76SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 69-70. 77 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 14, 300-Kinderaktion (1938-43), Vorgeschichte und Prinzipielles zur sog. “300-Kinderaktion”, octobre 1943. 78SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948, Zürich: Europa Verlag, 1952, p. 71. 79 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 14, 300-Kinderaktion (1938-43), Vorgeschichte und Prinzipielles zur sog. “300-Kinderaktion”, octobre 1943.

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3. Collectes

En plus des parrainages, des familles d’accueil et des dons en espèces, le SHEK cherche

également desgens qui peuvent faire don de vêtements d’enfants, de linges, chaussures,

parures de lit, couvertures en laine et de toute chose qui peut améliorer la vie d’un enfant.

Dans toutes les lettres demandant des dons d’argent ou des dons en coupons, ils mentionnent

aussi la possibilité de faire desdons en nature.80 Dans les articles de presse on peut également

trouver de tels appels.81 En été 1945, en vue du départ d’un grand nombre d’enfants, ils font

une collecte spécifiquement pour les couvertures en laine, de façon à ce que les enfants

puissent partir en possession d’une telle.82

4. Placement des enfants

Une des tâches les plus importantes du SHEK après l’éclatement de la guerre est le placement

des enfants dans les homes et les familles. Entre le début et la fin de la guerre, 4709 enfants

réfugiés sont enregistrés auprès du SHEK.83 Tous ces enfants ont besoin d’une place. Le

SHEK fait la distinction entre place libre dans une famille, place payée dans une famille et

place dans un home d’enfants.84 L’organisation avait déjà accumulé des expériences dans ce

domaine pendant les années 1930 dans le cadre des Kinderzüge. En 1942 l’organisation de

places pour les enfants gagne en importance, suite à la décision du Conseil fédéral de sortir

les enfants entre six et seize ans des camps militaires et de les confier à la prise en charge du

SHEK.85 Pour donner une idée de l’importance de cette tâche, regardons les chiffres : au

moment de l’Internierungsbeschluss du Conseil fédéral, le 1er décembre 1942, on estime

qu’un maximum de 500 enfants pourrait être libéré des camps et placé ailleurs.86 En réalité ils

seront presque deux fois plus d’enfants : dans les quatre mois suivant le

Internierungsbeschluss, le SHEK libère 935 enfants des camps d’accueil militaires et les

80 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Aufrufe, Propaganda, lettre de propagande “Comité Suisse d’aide aux enfants d’émigrés”, [s.d.]; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Aufrufe, Propaganda, tract du SHEK “Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder, Wer hilft weiter?”, [s.d]. 81JOURNAL DE GENÈVE, Choses et autres, 27 mai 1942, p. 5. 82 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Aufrufe, Propaganda, lettre de la Zentralstelle aux donateurs “Wolldecken-Aktion”, juin 1945. 83 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder , document statistique émis par la Zentralstelle “Statistisches: Stichtag 1. Oktober 1945”, 1 octobre 1945, p. 1. 84 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, 1. Bericht des SHEK an das SRK, KH für die Zeit vom 1.3.43 bis 31.3.43, 30 avril 1943, p. 1. 85AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Flüchtlingskinder in der Schweiz, Besprechung vom 2. 12. 42, émis par la CRS, SE, 3 décembre 1942, p. 1. 86Idem, p. 2.

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place ailleurs. Environ deux tiers de ces enfants trouvent une place dans une famille d’accueil,

un tiers d’eux sont envoyés à des homes.87

Passons maintenant à examiner les critères selon lesquels est décidéquels enfants reçoivent

une place dans une famille et lesquels vont vivre dans un home. Dans un premier temps les

enfants sont tous envoyés à un des centres d’accueil à Heiden, Langenbruck ou Ascona.

Depuis là, les enfants considérés « familienfähig » sont successivement libérés et placés dans

des familles suisses. Ceux qui, « pour des raisons de santé ou d’éducation », ne se prêtent pas

à la vie dans une famille d’accueil, restent dans les camps.88Non seulement le caractère ou

l’état de santé d’un enfant joue un rôle pour son placement. Sans donner une explication de ce

phénomène, le SHEK constate dans plusieurs documents qu’il s’avère facile de trouver des

familles prêtes à accueillir une petite fille, et beaucoup plus difficile d’en trouver pour les

garçons.89Encore d’autres considérations ont une influence sur cette décision :

« La question de savoir s’il est préférable de placer un enfant réfugié dans un home ou

dans une famille privée a été souvent discutée. Sans entrer dans le détail de ces

problèmes psychologiques et pédagogiques si complexes, nous pouvons dire ici que,

certes, l’affection et l’intimité dont sont entourés les enfants accueillis dans une famille

leur manquerontquelque peu dans la vie collective d’un home. Cependant, le pupille

d’un home peut, en revanche, y vivre une camaraderie qui sera pour lui une expérience

aussi riche et précieuse que la stabilisation affective que permettra aux autres la vie

familiale. A cet avantage s’ajoute, pour les juifs en particulier, le fait de pouvoir

apprendre, par leur vie communautaire, à porter mieux et plus consciemment le lourd

poids du destin propre à leur nation et à se préparer […] à l’avenir difficile qui les

attend, ce qui n’est guère possible dans une famille adoptive90. Il va sans dire que ceci

s’applique plutôt aux adolescents, tandis qu’au contraire, pour des enfants plus jeunes,

la vie de famille répond mieux aux besoins d’affection et de tendresse si intenses à cet

âge. »91

87 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, 1. Bericht des SHEK an das SRK, KH für die Zeit vom 1.3.43 bis 31.3.43, 30 avril 1943, p. 1. 88AF, J2.55 (1970/95), Bd. 15, Flüchtlingskinder ab 1942, Flüchtlingskinder in der Schweiz, Besprechung vom 2. 12. 42, émis par la CRS, SE, 3 décembre 1942, p. 2. 89AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 6. 90 Famille adoptive est un terme souvent utilise pour les familles d’accueil. 91AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 7-8.

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5. Santé

Dans un de ses petits livrets de propagande, le SHEK explique la façon dont il se charge de la

santé de ses pupilles. Tous les enfants ont une assurance-accidents auprès de Helvetia et une

assurance-maladie mise en place par le SHEK lui-même.92 L’organisation jouit du soutien de

« nombreux médecins et dentistes » qui soignent les enfants gratuitement.93 Les enfants vivant

dans les homes « sont soumis à un contrôle médical régulier, tandis que ceux qui vivent avec

leur propre famille ou dans une famille d’accueil ne consultent le médecin qu’en cas de

nécessité ». Dans un des homes genevois ils ont même installé un petit cabinet dentaire.94

6. Rapatriement ou réémigration

Etant donné que la Suisse se définit comme terre de transit, les enfants réfugiés ne peuvent

pas y rester après que la guerre a fini. A ce moment, l’organisation du rapatriement et de la

réémigration des enfants deviennent les tâches les plus importantes du SHEK. L’organisation

aide ses pupilles à régler leur avenir.95 C’est une tâche difficile car il faut souvent d’abord voir

si un enfant a encore de la famille quelque part dans le monde. S’il en a à plusieurs endroits, il

faut décider à quelle partie de la famille envoyer l’enfant.96 De 4709 enfants qui sont

enregistrés auprès du SHEK entre l’éclatement de la guerre et sa fin, 2865 quittent le pays

pendant la guerre ou dans le mois après la fin de la guerre. La plus grande partie rentre dans

des pays comme la France, la Belgique, l’Italie ou part vers la Palestine.97

Le SHEK est une organisation avec des actions très diverses en faveur des enfants réfugiés. Il

adapte ses activités comme organisation à la situation politique et économique en Europe pour

répondre le mieux possible aux nécessités des enfants réfugiés. Il essaie d’encadrer avec ses

activités tout le séjour d’un enfant réfugié, dès son arrivée jusqu’à son départ.

92 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, 1. Bericht des SHEK an das SRK, KH für die Zeit vom 1.3.43 bis 31.3.43, 30 avril 1943, p. 2. 93 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Aufrufe, Propaganda, Que fait la Suisse pour les enfants réfugiés?, Hiver 1943/44, p. 3. 94AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 10. 95 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, Das Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder 1946-1948, juin 1948, p. 3. 96 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Presse vom und über das SHEK, Was geschieht mit den Emigrantenkindern?, 1947. 97 AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, Statistisches: Stichtag 1. Oktober 1945, p. 1.

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C. La vie des enfants réfugiés dans les homes suisses

Après avoir étudié la politique suisse concernant les enfants réfugiés, et après avoir examiné

le SHEK en tant qu’organisation, nous aborderons maintenant la vie quotidienne des enfants

réfugiés en Suisse. Il est certain que chaque enfant a vécu sa propre histoire et pour cette

raison il sera difficile de généraliser. Or, il y a bien des points communs dans ces histoires et

nous essayerons de les trouver. Pour faciliter cette tâche, nous nous concentrerons sur la vie

des enfants qui séjournent dans les homes, et nous laisserons de côté ceux qui sont envoyés à

vivre dans des familles. Ceci est partiellement dû à la difficulté de trouver des informations

sur les enfants dans les familles d’accueil, et partiellement au fait que leurs expériences ne

peuvent être qu’encore plus variées. Examiner de plus près la vie dans les homes a aussi

l’avantage de donner une idée comment l’éducation et les idéaux propres au home ont

impacté la vie future des enfants qui y séjournaient.

Pour ne pas donner une image trop restreinte, notre analyse inclura trois homes différents,

dirigés tous par la section genevoise du SHEK. Chacun de ces homes a des spécificités

propres. Les Murailles à Vésenaz est un home rituel qui met l’accent sur les études. A

Versoix, le Jugend-Alijah Heim prépare les jeunes juifs à émigrer vers la Palestine en tant que

pionniers. Ensuite, le home se trouvant à Genève s’appelle La Forêt et accueille, entre autres,

les jeunes qui veulent faire un apprentissage dans le cadre de l’Organisation Reconstruction

Travail (ORT).98 Deux des trois homes sont réservés exclusivement aux garçons. Ceci est dû

au fait déjà mentionné qu’il s’est avéré très facile à trouver des familles d’accueil pour des

jeunes filles, mais il en est beaucoup plus difficile pour les garçons.99

98AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder, Statistik über Flüchtlingskinder, inkl. Kinder der “300-Kinderaktion”.; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9.; Le ORT (Organisation Reconstruction Travail) est une association juive pour le travail artisanal et agricole. Il s’est engagé pendant la guerre pour permettre aux réfugiés d’effectuer une formation qui leur facilitera la vie après la guerre. 99AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 6.

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I. Les homes genevois

1. Les Murailles

Les Murailles est le premier home à être ouvert par la section genevoise, en février 1943, dans

le but de donner une place aux garçons pour lesquels la section ne trouve pas de familles

d’accueil. La maison spacieuse à Vésenaz, entourée par un grand jardin, héberge au début

trente garçons qui ont entre huit et seize ans.100 Même si le home est conçu comme un

« établissement interconfessionnel » tous les enfants qui y séjournent sont juifs.

Généralement, le personnage de la directrice ou du directeur d’un home est vu comme ayant

beaucoup d’impact sur la vie dans cette même institution. La directrice de Les Murailles,

Anny Plüss, est une infirmière. Elle est décrite comme étant une personne qui estime

beaucoup les bonnes manières et qui a « un cœur combien humain, compréhensif et dévoué ».

Elle paraît avoir une influence sur les enfants non seulement en ce qui concerne leurs bonnes

manières, mais également leur alimentation : elle même étant une végétarienne, elle a

l’habitude de récompenser avec une pomme chaque enfant qui a renoncé à manger de la

viande ce jour.101 Dans son rapport de l’année 1942/1943, la section genevoise du SHEK écrit

que les enfants s’habituent très vite à l’hygiène et aux manières à table exigées dans le home

et elle décrit comment ils commencent à parler de manière plus polie.102 Il semble qu’après un

certain temps, les garçons mêmes se font remarquer mutuellement leurs mauvaises

habitudes.103

L’accent de ce home est mis sur les études. Les garçons qui prévoient aller au lycée sont alors

envoyés dans ce camp.104 Ils vont à l’école à Vésenaz, Collonge ou Genève. En outre, l’ORT

installe un atelier dans le home même, pour que les garçons puissent faire des travaux de bois

et de cartonnage.105

100AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 7. 101AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Betr. “Les Murailles” Vésenaz-Genève, 8 mars 1943.; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Une visite au Home d’enfants “Les Murailles” à Vésenaz, [s.d.]. 102AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9. 103AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Betr. “Les Murailles” Vésenaz-Genève, 8 mars 1943. 104Idem.; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 7. 105AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9.;AF, J2.55

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Pendant leur temps libre, les enfants aident à faire les tâches ménagères et travaillent dans le

jardin. Chacun d’entre eux possède une petite parcelle de terre où il peut cultiver ce qu’il veut.

Les moniteurs font leur mieux pour créer un esprit de solidarité (« Gemeinschaftssinn »)

parmi les garçons.106 Les enfants sont organisés en trois groupes avec des horaires différents,

selon lesquels ils ont des cours d’histoire, d’hébreu, de musique, de lecture et des cours sur la

Palestine les soirs.107 En outre, le home organise des soirées de discussions, de conférences et

de cours de religion qui « contribuent à la formation des âmes des enfants », pour qu’ils

puissent redécouvrir leur « équilibre intérieur » et être préparés pour « le chemin dur à la vie,

qu’ils devraient reprendre après la guerre » [traduit de l’allemand par nos soins].108 Le home

compte comme home rituel. Il y a régulièrement des soirées de cérémonies et « il y a

certainement là une atmosphère juive et religieuse ».109

2. Le Jugend-Alijah Heim Versoix

Un mois après la création du premier home à Genève, un deuxième home est ouvert : le

Jugend-Alijah Heim à Versoix. Ce home est ouvert par la fédération sioniste de la Suisse en

collaboration avec le SHEK, dans la maison de l’Institut Monnier. Il héberge environ

cinquante enfants de douze à seize ans. Par différence à Les Murailles, ce ne sont pas

exclusivement des garçons. Le home prépare ses pupilles pour s’embarquer vers la Palestine

en tant que pionniers. En plus de la matière traditionnelle d’école, les enfants apprennent par

conséquent l’hébreu, l’anglais et l’histoire juive. On leur enseigne également à faire le

ménage, à cuisiner et jardiner. Les filles apprennent à faire la lessive et à rapiécer, les garçons

sont enseignés à faire la menuiserie. De cette façon, les instructeurs espèrent les préparer le

mieux possible à leur tâche future en Palestine. L’esprit de solidarité se forme et accroît

spécialement vite dans ce homeparce que les jeunes ont un but commun.110 Le Jugend-Alijah

(1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Rapport über meinen Besuch im Hôme “Les Murailles” Vésénaz/Genf, 2 mars 1945. 106AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9. 107AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Rapport über meinen Besuch im Hôme “Les Murailles” Vésénaz/Genf, 2 mars 1945. 108AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9. 109AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Une visite au Home d’enfants “Les Murailles” à Vésenaz, [s.d.].; AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Home Les Murailles, Vésenaz, vom März 1943 – Juni 1946, Rapport über meinen Besuch im Hôme “Les Murailles” Vésénaz/Genf, 2 mars 1945. 110AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943,Tätigkeitsbericht der Sektion Genf des Schweiz. Hilfswerkes für Emigrantenkinder, 1 septembre 1942 – 31 août 1943, p. 9.

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Heim est ouvert pendant deux ans. En mai 1945 les enfants partent en Palestine et ainsi « ont

été réalisés les espoirs d’un bon nombre de nos jeunes, et la période de préparation en Suisse a

trouvé son accomplissement tant désiré ».111

3. La Forêt

Le home La Forêt est ouvert en novembre 1943. Comme Les Murailles, c’est un home

exclusivement pour les garçons. Il est dirigé par l’Organisation des Suisses de l’étranger

(OSE).112

Le réfugié Simon Blass, dont nous avons parlé plus haut, y était transféré après avoir « écrit

partout » pour faire la demande d’aller à l’école. Au home La Forêt, il est soumis, avec tous

les autres enfants, à un examen psychotechnique pour décider à quelle école ils seraient

envoyés. Certains enfants sont envoyés au lycée, d’autres peuvent fréquenter une école

professionnelle.113 Blass et deux autres garçons entrent dans le Technicum de Genève. Après

deux ans au Technicum ils décident de faire la maturité fédérale, en vue d’être préparés pour

l’école polytechnique à Zürich. Pour pouvoir réussir la maturité on leur donne des professeurs

qui enseignent l’allemand, l’anglais, l’histoire et d’autres matières qu’ils n’avaient pas

étudiées au Technicum.114 D’autres enfants font un apprentissage : dans les ateliers de

mécanique, les laboratoires de technique dentaire de l’OSE ou dans les menuiseries de

l’ORT.115 Pendant la journée, de lundi à samedi midi, les garçons sont alors occupés avec

leurs études. Pour la majorité des enfants, l’école est extrêmement importante. Dans son

rapport de 1945, la section genevoise du SHEK cite un garçon de quinze ans :

« Pour moi […] l’école représente tout. C’est par l’école seule que je peux arriver à

quelque chose. Si je perds mon temps maintenant, que ferai-je plus tard ? Tous les

moments me sont trop précieux. Surtout que je suis déjà en retard, parce que je n’ai pas

pu aller à l’école en France, pendant les trois ans de guerre après l’occupation. Ce

temps, il faut que je le rattrape coûte que coûte. L’école, pour moi, ne signifie pas

seulement une grande salle, des bancs, des camarades, un maître, soit sévère, soit

111AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 8. 112AF, J2.55 (1970/95), Bd. 2, Angaben über die vom SHEK in Eigenregie geführten Kinderheime etc., Heime des S. H. E. K., 20 octobre 1944, p. 1.; UNITED STATES HOLOCAUST MEMORIAL MUSEUM, View of the Hôme de la Forêt children's home in Geneva, Switzerland. 113 Interview Simon Blass, 22.4.2013. 114 Idem. 115AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 9.

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indulgent. Non, derrière le décor s’étend une chose infinie que je ne peux pas encore

bien saisir : l’avenir. Que sera cet avenir ! Je ne peux pas le dire avant de m’y être

enfoncé. Et il n’y a qu’un chemin pour y arriver : ce chemin, c’est l’école. Autour, une

haute falaise. Certains y trouvent une autre issue, mais je n’en vois pas. Je ne peux donc

espérer qu’une chose à ce sujet, c’est pouvoir continuer mes études jusqu’à la fin. »116

Nous pouvons clairement voir, derrière le témoignage de cet enfant, l’importance que les

moniteurs et monitrices des homes, eux-mêmes, donnent aux études. Blass, lui aussi, parle du

rôle important que l’enseignement a eu dans sa vie. Le fait qu’il décrit son séjour à La Forêt

comme une « révolution », n’est cependant pas seulement dû aux possibilités plus vastes

d’étude.

« On m’a amené dans un home d’enfant du Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder.

Ça, ça a été une révolution dans ma vie. Ça a été vraiment […] la base de tout mon

avenir. Je vais vous dire pourquoi. Il y avait dans ce home, qui n’était que d’enfants

juifs, […] une vie culturelle d’une grande intensité que je ne connaissais pas en

Belgique. On nous venait faire des conférences avec des profs de l’Université. L’un

était un professeur de droit, je me rappelle, c’était le professeur Oltramare. Il y avait un

professeur de statistiques qui s’appelait Hersch et il nous donnait des leçons de

statistiques. Et puis il y avait sa fille, qui était très connue, qui était Jeanne Hersch […]

qui venait et nous apprenait l’anglais.117 Il y avait Monsieur Bernier ou Berner qui jouait

le piano et qui chantait des Lieder de Hugo Wolf. Puis on nous donnait des cours très à

gauche sur le marxisme, le matérialisme historique. »118

116AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 8. 117 Jeanne Hersch (1910-2000) était une philosophe Suisse. Elle enseignait, entre autres, à l’Université de Genève. Son père, Liebmann Hersch (1882-1955), était professeur de statistique et démographie, également à l’Université de Genève. 118 Interview Simon Blass, 22.4.2013.

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Le directeur du home La Forêt donne un cours en histoire juive. Simon Blass se trouve au premier rang à

droite.119

Dans les documents du SHEK aux archives fédérales, on ne trouve pas des informations

détaillées sur les personnes qui font des lectures et donnent des cours, mais considérant les

personnes que Blass nomme, on soupçonne que ces gens agissent en tant que bénévoles avec

des idéaux philanthropes.

La musique joue un rôle important dans la vie quotidienne des enfants dans le home La Forêt.

Blass raconte que les enfants sont réveillés avec le concerto pour violon de Mendelssohn. Ils

fréquentent des concerts au Victoria Hall et ils vont même voir des opéras. Dès fois ils jouent

des pièces de théâtre.120 Pour le SHEK, ces conférences et les soirées de musique sont une

façon d’ « élever leur [enfants réfugiés] niveau et de les mettre plus sensiblement en contact

avec le vaste monde et les problèmes qu’ils auront eux-mêmes à résoudre dans un avenir plus

ou moins rapproché ».121 Ils veulent donner à leurs pupilles une base morale et matérielle

solide et leur montrer l’importance de l’éducation et de l’enseignement.122 Par le témoignage

119 Photo des archives personnelles de Simon Blass 120 Interview Simon Blass, 22.4.2013. 121AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 7. 122Idem.

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de Blass, cité ci-dessus, on voit que ce plan a réussi dans la mesure où les activités dans le

home l’ont profondément impacté et ont même constitué la « base de tout son avenir ».123

A côté des activités culturelles et de l’école ou la formation professionnelle, les garçons de La

Forêt font souvent du sport. « Le matin on se levait tôt et on faisait de la gymnastique. Ça

nous plaisait pas toujours parce qu’il fallait se lever plus tôt».124 Dès fois ils jouent sur le

terrain de football de Servette. Blass se rappelle même un jour où les garçons de La Forêt sont

allés visiter le home de Versoix et ils ont joué un petit match de foot contre les garçons du

Jugend-Alijah Heim.125

Les jeunes ont aussi le droit de se balader en ville. Parfois le home organise une excursion où

tous vont à la montagne ensemble. Une fois par année,une partie des enfants a la possibilité

d’aller en vacances. Soit ils sont invités par une famille, soit ils vont dans une colonie de

vacance du SHEK. Leur voyage est payé par l’organisation et ils reçoivent un petit argent de

poche.126

Les directrices de La Forêt sont deux femmes, s’appelant Bertschi et Hohermuth. Blass les

décrit comme étant des « Fräulein », des femmes non mariées, qui ont autour de soixante ans

et n’ont jamais eu d’enfants. Ceci a eu des conséquences sur la vie dans le home. Blass

considère que ce fait a contribué chez les enfants à un sens de manque d’affection ou de

compréhension qui a, plus tard, eu un impact sur leur vie.127

II. L’avenir des enfants

Après avoir regardé de plus près la vie quotidienne des enfants, nous nous posons la question

de savoir, comment le séjour dans les homes a impacté la vie future des enfants qui y

séjournaient. Pour pouvoir y répondre de façon complète, il faudrait analyser la vie de tous les

enfants qui y habitaient pendant la guerre. Pour rester dans les limites de ce travail, nous nous

concentrerons une fois de plus sur le témoignage de Simon Blass.

La section genevoise du SHEK avait l’intention de préparer et « d’armer » les enfants le

mieux possible, pour qu’ils affrontent avec succès « la prochaine phase de leur existence et

123 Interview Simon Blass, 22.4.2013. 124 Idem. 125 Idem. 126 Idem. 127 Idem.

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pour [qu’ils deviennent] des membres utiles de la société de demain ».128 Selon Blass, la

plupart des garçons qui étaient dans le home avec lui ont bien réussi dans leur vie. Ils ont fait

de bonnes formations et ils ont eu du succès dans leur vie professionnelle. Lui-même, pour

donner un exemple, a fait carrière en tant que dirigeant d’une grande entreprise. Quand on

parle avec lui, on se rend compte que les idéaux qui prévalaient dans son home, notamment

l’importance de l’éducation et de l’enseignement, ont fortement et positivement influencé sa

vie.

Or, l’expérience de guerre, la crainte de déportation, la fuite, l’incertitude et le manque

d’affection familiale ont également marqué très fortement ces jeunes. Ils doivent vivre avec

des conséquences négatives très variées, comme les cauchemars, les crises d’angoisse et les

dépressions. La majorité d’entre eux s’est mariée plusieurs fois et ils ont eu des difficultés à

donner à leurs familles l’affection et l’amour dont ils n’ont pas fait l’expérience dans leur

enfance. Blass a été reconnu en Belgique comme invalide civil de la guerre. Aujourd’hui, ses

meilleurs amis sont tous des survivants de la guerre. Soixante-dix ans plus tard, il est encore

fortement marqué, positivement ainsi que négativement, par son séjour en Suisse en tant

qu’enfant réfugié.129

Conclusions Nous avons maintenant examiné de manière assez englobante la vie des enfants réfugiés en

Suisse, et l’œuvre du SHEK en faveur deceux-ci. C’est un sujet qui n’a pas été thématisé

beaucoup dans la littérature concernant le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre

mondiale et qui n’est pratiquement plus médiatiséà nos jours.Ceci est probablement dû au fait

que ça n’a jamais été considéré un sujet controversé : les enfants, présentés comme les

victimes innocents de la guerre, sont toujours dignes d’aide, en dehors de considérations

politiques ou militaires. Or, ce sujet mérite notre attention pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’œuvre du SHEK est preuve d’un engagement important de la population

suisse en faveur d’êtres humains ayant besoin de l’aide et elle montre qu’une organisation

peut réussir à secouer une grande partie de la population. Ceci pourrait être pris comme

exemple pour des défis présents et futurs auxquels notre pays est confronté. Les activités du 128AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 7. 129 Interview Simon Blass, 22.4.2013.

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SHEK pendant la guerre sont importantes et ne devraient pas être laissés de côté lorsque l’on

parle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ensuite, le sujet de l’aide aux enfants réfugiés reste actuel, dans le sens qu’il y a des

implications jusqu’à nos jours, notamment dans la vie des anciens enfants réfugiés. L’accueil

en Suisse a sans doute sauvé la vie de nombreux de ces enfants, mais c’était pour eux aussi un

temps d’incertitude, de peur pour leurs familles et de doutes concernant l’avenir et leur

réémigration de la Suisseà un pays d’où ils se sont enfuis ou à un pays qu’ils ne connaissent

pas encore.

A ces difficultés liées au temps de guerre s’ajoutent d’autres soucis potentiels pour les enfants

pupilles du SHEK, car en analysant les activités de l’organisation de plus près, certaines

questions critiques se posent : est-ce que l’organisation a fait assez pour prévenir qu’un enfant

réfugié n’était accueilli dans une famille que comme aide de ménage ou sur la ferme ? Est-ce

que la manière de mener les homes rituels du SHEK n’a pas, d’une certaine manière, imposé

une vie « Juive » à ces enfants dont en moins une partie n’avait pas du tout grandi avec ces

traditions religieuses ?

J’aimerais donc bien conclure ce travail avec une citation prise d’un rapport de l’année 1943

publié par la section genevoise, qui, je pense, résume bien l’apport du SHEK à l’aide en

faveur des enfants réfugiés.

« Pendant plus de deux ans, des centaines d’enfants réfugiés nous ont été confiés, des

enfants qui, pendant les années terribles de 1942 à 1944, ont fui vers nos frontières. Ici,

les enfants ont pu reprendre leur souffle. Aux expériences cruelles ont succédé des

impressions paisibles et réconfortantes. Cette humanité traquée et affolée a retrouvé une

partie de l’enfance dont elle avait été frustrée. Certes, les heures sombres ne peuvent

être entièrement effacées de leur mémoire, mais nous espérons pourtant que le séjour en

Suisse aura pu rendre à nos enfants une nouvelle confiance en la vie, afin qu’ils ne se

sentent plus écrasés par leur passé, à fin aussi qu’ils puissent regarder sans peur vers

l’avenir. »130

130AF, J2.55 (1970/95), Bd. 49, Jahresberichte, 1938-1943, Rapport de la section genevoise du comité Suisse d’aide aux enfants émigrés, 1943/1945, p. 10.

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Sources et bibliographie SOURCES Archives fédérales suisses, Berne J2.55, 1970/95, Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder Bd. 2 : Allgemeines über Flüchtlings- und Emigrantenkinder

Mitteilungen, Presse ; Aufrufe, Propaganda Presse vom und über das SHEK Statistische Angaben über unterstützte und betreute Schützlinge des SHEK (In- und Ausland) Angaben über die vom SHEK in Eigenregie geführten Kinderheime etc.

Bd 14 : Verschiedene Hilferufe an das SHEK 300-Kinderaktion

Bd 15 : Flüchtlingskinder ab 1942 Bd 49 : Home « Les Murailles », Vésenaz

Heim « La Forêt », Genf J2.15, 1969/7, Zentralsekretariat des Schweizerischen Roten Kreuzes Bd 403-421 : Photographien Journal de Genève « Choses et autres », 27.5.1942, p. 5. SOURCE ORALE Interview avec Simon Blass, enfant réfugié belge en Suisse pendant la Seconde guerre mondiale, 22. 4. 2013. (transcription voir annexes) BIBLIOGRAPHIE Témoignages DIETZ Edith, Freiheit in Grenzen, Meine Internierungszeit in Der Schweiz, 1942-1946, Frankfurt am Main : Brandes & Apsel Verlag GmbH, 2004, 95 p. SUTRO Nettie, Jugend auf der Flucht, 1933-1948. Fünfzehn Jahre im Spiegel des Schweizerischen Hilfswerks für Emigrantenkinder, Zürich : Europa Verlag, 1952, 288 p.

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Travaux COMMISSION INDEPENDANTE D’EXPERTS SUISSE-SECONDE GUERRE MONDIALE (éd.), La Suisse et les réfugiés à l’époque du national-socialisme, Berne, 1999, 359 p. UNABHÄNGIGE EXPERTENKOMMISSION SCHWEIZ – ZWEITER WELTKRIEG (éd.), Die Schweiz und die Flüchtlinge zur Zeit des Nationalsozialismus, Bern: 1999, 360 p. LASSERRE André, Frontières et camps, Le refuge en Suisse de 1933-1945, Lausanne : Payot, 1995, 396 p. NESSI Serge, La Croix-Rouge suisse au secours des enfants 1942-1945, Et le rôle du docteur Hugo Oltramare, Genève : Slatkine, 2011, 261 p. SCHMIDLIN Antonia, Eine andere Schweiz, Helferinnen, Kriegskinder und humanitäre Politik 1933-1942, Zürich : Chronos Verlag, 1999, 428 p.

Pages web PORTMANN-TINGUELY Albert , VON CRANACH Philipp, « Flüchtlinge », In: Dictionnaire historique de la Suisse [en ligne], mis en ligne le 14 août 2012, http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/d/D16388.php. Consulté le 3 mai 2013.

UNITED STATES HOLOCAUST MEMORIAL MUSEUM, View of the Hôme de la Forêt children's home in Geneva, Switzerland [en ligne], [s.d.], http://digitalassets.ushmm.org/photoarchives/detail.aspx?id=1124085. Consulté le 5 mai 2013.

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Annexes

Liste d’abréviations

AM Assistance médicale aux enfants d’émigrés

CRS, SE Croix Rouge suisse, Secours aux enfants

CSAEE Comité suisse d’aide aux enfants d’émigrés

ORT Organisation Reconstruction Travail

OSE Organisation des Suisses de l’étranger

SHEK Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder

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Interview avec Simon Blass

«Moi j’étais bien en Suisse. En Suisse on m’a sauvé la vie. Toutefois, je vous dirai pas

toujours des choses agréables. Je vous dirai les choses telles qu’elles se sont passées. »

En Belgique occupée :

• « J’ai failli être arrêté plusieurs fois quelques secondes prêts »

• « On sortait pas, c’était vraiment la chasse aux juifs partout », des « rafles

formidables »

• « J’ai vécu mon enfance dans la pauvreté »

• « Il fallait partir. Il y avait des gens qui se sont cachés en Belgique. Moi j’ai pas eu

cette possibilité, je suis parti en Suisse »

Fuite vers la Suisse :

• « Je suis parti en Suisse, et j’ai pris le train. »

• « Je suis parti seul. On m’a dit ‘prend un sac’ (pas une valise) », il ne sait pas

pourquoi.

• « Le train allait de Bruxelles – Metz – Nancy – Belfort et puis la frontière était

Delle, la partie Suisse s’appelait Boncourt. »

• « J’ai pris le train, et il y a eu un contrôle de la milice fasciste française [à Nancy].

Ils m’ont demandé mes papiers – je n’avais pas l’âge d’avoir des papiers. Ils m’ont

demandé où j’allais, et j’ai dit que j’allais voir ma tante. Bref, ils m’ont arrêté, ils

m’ont fait descendre du train. »

• « On m’a amené au poste de police des fascistes. »

• « Entretemps ils m’ont mis dans un cachot. Ils m’ont interrogé, ils m’y ont laissé

une nuit et puis ils m’ont laissé partir. Je ne peux pas vous dire pourquoi, je ne sais

pas pourquoi. »

• « Je suis parti et je suis arrivé pour finir […] à Delle. J’avais un peu d’argent et

l’adresse d’un passeur qui passait des gens en Suisse et qui ramenait du tabac. »

« Je l’ai trouvé, […] on est sorti de chez lui, il y a des allemands qui sont passés

eton a dû se cacher dans le jardin. Bref, c’était pas un voyage de tourisme. Il y

avait le couvre-feu pendant la guerre. »

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Arrivée en Suisse :

• « On arrive tous les deux en Suisse. Il m’apporte dans une famille dans le petit

village de Boncourt. […] Ils m’ont très chouettement accueilli et j’ai dormi chez

eux. Le matin je me suis trouvé dans la cour de la ferme […] et puis je vois à 20,

25 mètres deux allemands casqués avec de grands chiens. J’étais terrorisé. Il me

dit : ‘Tu ne dois pas avoir peur, t’es en Suisse ici’. Et c’est là où j’ai eu la

conscience de ce que c’est une frontière. »

• « Le matin vers dix, onze heures il y avait une voiture de votre police fédérale qui

est venue me chercher. Et puis, j’étais pas très content à ce moment-là de la

famille qu’ils m’ont donné à la police et puis j’ai compris, ils peuvent pas garder

tous les gens qui passent. Après, j’ai su qu’il y avait beaucoup de gens qui

passaient. »

• « Après, j’étais dans un bel hôtel à Porrentruy qui s’appelle la prison de

Porrentruy. J’étais en prison pendant à peu près un mois. Là, ils ont pris la photo

que vous avez vue [pour le livret pour/de réfugié]. Et la décision devait être, ou

bien on me garde, ou bien on me jette dehors. » [début 1943]

• « J’étais en prison avec les droits communs. Les droits communs c’est les voleurs,

les […] et quelques réfugiés comme moi. J’étais pas dans une cellule, je pouvais

un peu circuler, mais j’étais quand même 3, 4 semaines dans une prison. C’était

pas mal parce que je croyais, …, je savais qu’on n’allait pas me tuer pendant qu’en

Belgique on risquait de me tuer. »

Le camp de réfugiés :

• « Après ça on m’a accepté en Suisse et je suis parti dans un camp de réfugiés dans

un petit village […] près de Bienne. »

• « Je dormais sur des planches avec de la paille, mais ça allait, c’était gardé par

l’armée et puis j’étais très copain avec le cuisinier. Comme il y avait beaucoup de

gens je pouvais nettoyer les grandes casseroles, après j’ai pu avoir à manger un

peu plus. »

• « C’étaient tous des réfugiés [adultes], j’étais peut-être le plus jeune. »

• « Je suis resté, je crois, deux mois là-bas, et on m’a mis dans un home d’enfant de

la Schweizer Hilfswerk für Emigrantenkinder. »

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Premier home : Waldeck

• « Ce qu’on devait faire c’était travailler. […] pendant la Guerre en Suisse, il y

avait ce qu’on appelle le plan Wahlen, un plan pour travailler l’agriculture. »

• « Bref, moi j’avais jamais été dans une ferme. Alors j’ai travaillé là-bas, mais

j’avais jamais été [dans une ferme] et j’avais jamais rien fait comme ça. Alors il y

avait un garçon de ferme qui était pas gentil avec moi, c’était un raciste et il me

battait. Alors, comme j’étais en plus pas très bon… »

• « Le paysan m’a demandé un jour – je me souviens du mot en allemand – « heute

musst du heuen ». Alors il m’a donné un très grand cheval. Moi j’étais terrorisé.

[…] En plus ce cheval était aveugle. »

• « Bon, après mes prestations dans la ferme qui étaient pas extraordinaires, dans le

home il y avait une femme qui était la directrice. C’était une Fräulein, mais pas

comme vous, hein, je crois qu’elle avait quatre-vingt ans, une chose comme ça.

Elle écoutait pas bien et… comme ils étaient pas contents de moi, alors ils m’ont

jeté dehors du home. »

• « Fräulein [Perard ?] qui n’a jamais travaillé sur une ferme, sans doute, m’a jeté

dehors. »

• Le home était à Langenbruck, près de Liestal

• « Pour moi c’était nul. On nous envoyait dans la ferme, puis on rentrait. On nous

appelait des paysans, parce qu’on sentait tous les trucs de la ferme. »

Camp de travail :

• « On m’a envoyé à un camp de travail. Là-bas j’ai toujours mon livret de réfugié

que je vous ai montré. »

• Campo di lavoro per internati a Davesco, « c’est près de Lugano. »

• « Je suis resté deux mois. Quand je suis arrivé là-bas, j’étais de loin le plus jeune.

Les autres étaient des adultes. C’était un camp de travail mais c’était pas fait pour

les enfants. On se levait à cinq heures du matin pour arroser les tomates. Il fallait

porter des grands seaux. Il faisait très chaud là-bas. C’était le mois d’août, je crois,

alors on se levait tôt et on travaillait jusqu’à midi. »

• « J’étais pas très heureux là-bas parce que j’avais pas d’amis. J’étais trop petit. Les

gens rigolaient avec moi mais j’avais pas d’amis. »

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• « J’ai écrit partout. Je voulais aller à l’école. » [en Belgique il avait fini l’école

primaire, après c’était interdit aux juifs d’aller à l’école “ils voulaient qu’il n’y ait

plus de culture et de formation. Ils voulaient les diminuer“]

Seconde home : Home de la forêt

• «J’ai reçu une réponse. On m’a amené dans un home d’enfant du SHEK (CSAEE).

Ça, ça a été une révolution dans ma vie. Ça a été vraiment ça qui a été la base de

tout mon avenir. Je vais vous dire pourquoi. Il y avait dans ce home, qui n’était

que d’enfants juifs, à Genève, une vie culturelle d’une grande intensité que je ne

connaissais pas en Belgique. » (home prêt de Petit-Saconnex)

• « On nous réveillait le matin avec le concerto pour violon de Mendelssohn, ou des

[…] de pâques, j’savais même pas que ça existait. »

• « On nous venait faire des conférences avec des profs de l’Université. L’un était

un professeur de droit, je me rappelle, c’était le professeur Oltramare. Il y avait un

professeur de statistiques qui s’appelaitHersch et il nous donnait leçons de

statistiques. Et puis il y avait une fille, qui était très connue, qui était Jeanne

Hersch […] qui venait et nous apprenait l’anglais. Il y avait Monsieur Bernier ou

Berner qui jouait le piano et qui chantait des Lieder de Hugo Wolf. Plus de cours

qu’on nous donnait, des cours très à gauche sur le marxisme, le matérialisme

historique. »

• photo de la classe sur l’histoire juive (directeur du home)

• « On avait des conférences et des leçons et des choses comme ça. On allait faire du

sport, on jouait sur le terrain de football de Servette. Le matin on se levait tôt et on

faisait de la gymnastique. Ça nous plaisait pas toujours parce qu’il fallait se lever

plus tôt. On pouvait sortir, on allait dehors à Genève. Qu’est-ce qu’on faisait

sinon ? Ecoutez, moi j’aillais à l’école au Technicum, je rentrais le soir. Et j’étais

pas le seul, il y en a d’autres qui allaient au lycée, et d’autres qui allaient dans une

école professionnelle. Tout le monde était occupé. On allait à l’école du lundi au

samedi midi. L’occupation totale était donc l’enseignement, et autrement une forte

connotation culturelle où j’ai découvert la musique, plein de choses. On voyait

même des opéras. On allait au Victoria Hall et on entendait les célèbres de la

Suisse. »

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• « On faisait parfois des excursions. On est allé une fois à la montagne, et puis on

est allé, on a une photo, à la source du Rhin. »

• « Le samedi après-midi, dimanche on a fait parfois des devoirs. On est allé se

balader, en ville, voilà. »

• « Nous allions aux concerts de Victoria Hall. Il y avait à l’époque un dirigeant très

connu qui s’appelait Ernest Ansermet. »

• « On a joué des pièces de théâtre. »

• « Au total, je peux vous dire, moi j’étais très heureux, surtout les dernières années

au home de la forêt, où c’était exceptionnel, absolument exceptionnel. »

• « Tout ce qu’on avait là-bas, tout ce qu’on a eu, c’était payé par les juifs

américains. Ça n’a pas coûté un franc aux Suisses. Dans la tradition juive, l’étude

est importante. […] on voulait qu’on apprenne. »

• « On nous a tous fait passer des examens psychotechniques. Vous voyez ce que

c’est ? Ce sont des examens faits par un spécialiste qui est devenu très célèbre,

Professeur Rey [ ?] qui a examiné l’ensemble des 40, 50 enfants qu’on était pour

voir dans quelle école, dans quel enseignement il fallait nous diriger. »

• « Donc on a passé le test, et moi avec deux autres ont été destinés à aller au

Technicum de Genève. Et on est entré au Technicum de Genève. »

• « Quand j’étais à Genève au Technicum, on avait chacun un parrain. Mon parrain

s’appelait Monsieur Neumann, il avait une usine d’horlogerie. »

• « Après trois ans on serait devenus diplômés du technico. Après deux ans, on avait

réussi tous les trois, j’ai réfléchi et je m’ai dit je ne continue pas. J’ai dit aux deux

autres ‘moi je crois qu’il faut pas continuer, […] parce qu’après trois ans on est

entré tous les trois-là, on n’avait pas de diplôme de maturité ou de baccalauréat.

Donc on aurait été des diplômés du technico de Genève. Comme on est entré

comme immigrés … je n’ai rien contre, mais c’est une école moyenne. »

• « Je n’avais aucun ami au Technicum. Mais on était trois, dans le home d’enfants,

on était très amis. Les autres nous disaient « du cheibe Usländer, was chommsch

du in die Schwiiz machen. Du chomst unsere Mädchen nehmen ». Les Suisses

nous disaient ça. Pour les filles on était un peu plus exotique. »

• « J’ai eu une idée de ce qu’il fallait faire. J’ai dit, il faut faire la maturité fédérale,

et après on va tous à l’école polytechnique à Zürich. »

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• « Dans les homes du SHEK il y avait toujours des filles [qui y travaillaient].

C’étaient toujours des femmes pas mariées. Deux Fräulein. Une qui s’appelait

Bertschi, et une qui s’appelait… Hohenmuth. »

• « J’ai demandé qu’on nous paye des leçons, parce qu’au Technicum on avait des

mathématiques, la physique, chimique, mais il nous manquait l’allemand, qui était

important, et l’anglais, la géographie, les sciences naturelles, l’histoire et des

choses comme ça. »

• « Alors on nous a donné des profs et on a travaillé, et on a réussi tous les trois la

maturité fédérale. Pas mal ça, hein ? »

• « J’ai commencé avec l’histoire suisse, je la trouvais insupportable. » (explication)

• « J’avais un examen de sciences naturelles. […] le prof me demande de parler du

Darwinisme. Et je lui parle de ça, et je lui dis, il n’y a pas que le Darwinisme, il y a

…. je lui parle d’une autre théorie », « puis il m’arrête, il me dit ‘d’où est-ce que

vous savez tout ça ?’. Et puis je dis, je suis dans un home d’enfants, les gens nous

donnaient des conférences sur des choses comme ça. »

• « Il me dit que je devrais devenir médecin, étudier les sciences naturelles. »

Anecdotes de la vie quotidienne :

• « Je me baladais en ville dans la gallérie du passage. On pouvait sortir de temps en

temps. Puis il y a une femme qui vient me parler. Je comprends que c’était une

prostituée. Ça m’était jamais arrivé et puis je savais pas trop quoi dire. Elle m’a dit

qu’elle fait des prix pour les réfugiés. Mais je la trouvais très vieille. »

• « On avait le droit une fois par an d’aller en vacance si on était invité. Un ami à

moi a trouvé une invitation à St. Gall. On nous payait le voyage aller-retour et un

petit peu d’argent de poche. Alors, on est allé à la Gare Cornavin et on a changé

d’avis. On va à Lausanne. On a eu tout l’argent, et on a fait la fête pendant deux,

trois jours à Lausanne et on a dormi à l’Armée de Salut. »

Concernant le home de Versoix :

• « C’est un home avec des enfants qu’on a développé pour le sionisme, et qui plus

tard sont partis en Israël, …, Palestine. Moi je me suis pas laissé faire, j’ai dit, je

suis très jeune, après je verrai. Et après j’y étais pas... »

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• « Avec le home de la forêt, on a visité le home de Versoix, et on a fait un petit

match de football là. Et on n’a pas gagné. »

Critique homes :

• « Le home d’enfant où j’étais, n’était pas à la charge de la Suisse. Et les autres

probablement non plus. Les juifs américains, un organisme qui s’appelait JOINT,

donnaient tout ce que les enfants pouvaient avoir. »

• « On m’a jeté dehors de deux homes. Les directrices de ces homes c’étaient des

Fräulein. Je n’ai rien contre les Fräulein, mais c’est des femmes beaucoup plus

âgées qui n’ont jamais eu d’enfants, qui ne savent pas ce que c’est les enfants,

quand je vous lis ce qu’on écrit sur moi, voyez que malgré tout qu’on m’ait

accepté comme invalide civil de la guerre, sans doute psychiquement je suis aussi

atteint. »

Home de filles :

• « Le home de garçons était fermé, parce qu’on a été/était à la fin de la guerre et on

nous a mis dans le home de filles, le home de filles qui était toujours ouvert. »

• « Maintenant les pas bonnes nouvelles arrivent. Il se fait qu’entretemps j’ai

rencontré une jeune fille. Elle était pas genevoise. A cette époque j’avais 17, 18

ans. Le home d’enfants m’apportait la culture et beaucoup de choses, m’apportait

pas de l’amitié, des émotions. A cet âge-là on a des pulsions de tout ordre et je la

trouvais belle et chouette et tout. On se voyait que dehors parce que moi dans le

home, …, c’était comme ça. Et elle travaillait à la gare Cornavin. »

• « Alors elle devait partir un jour, c’était la fin de la guerre, c’était une française. »

• « Et elle m’a dit, écoute je pars demain, et elle me disait tellement de choses. Je

savais pas bien où j’étais. Elle m’a dit je veux aller dormir avec toi dans le home.

J’ai dit, on ne peut pas faire cela, c’est terrible. » (explication)

• « A six heure du matin, très tôt, je vais la reconduire chez elle. Il y avait un petit

chemin avec des petits cailloux et tout à coup il y a la fenêtre qui s’ouvre au

premier étage. C’est la directrice. »

• « Was ist das hier für eine Schweinerei ?! »

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Départ de la Suisse :

• « Le lendemain je suis convoqué à aller dans un … d’immigrés. J’ai les deux

Fräulein (Bertschi et Hohenmuth) et j’avais décidé que j’avais pas envie de

m’expliquer. Peut-être j’aurais dû. Mais, même si tout ce que j’ai trouvé ici était

magnifique, il me manquait de l’amitié, des émotions. Je pensais que les Fräulein

n’étaient pas capable de comprendre cela. C’étaient des filles, elles avaient à

l’époque 50 ans, elles n’ont jamais été mariées, elles n’ont jamais eu d’enfant. »

• « Bref. Après ça on m’a jeté dehors de la Suisse. Fini avec l’école politique

fédérale. »

• « Il est mis sur mon passeport de réfugié : annulé, annulé, annulé, partout. Donc on

m’a mis dehors et je suis rentré en Belgique où j’avais rien. Et j’ai commencé à

faire des petits boulots. Les deux autres sont entrés à l’école polytechnique à

Zürich, et moi j’étais dans la rue. […] J’ai mal digéré ça parce que je trouve que

c’était une punition imméritée et grave. »

• « Alors j’ai fait des petits boulots, ma mère elle est quelque part, ne s’occupe pas

de moi. »

• « En février je vais m’inscrire à l’Université de Bruxelles. »

Qu’est-ce qu’on est devenu des années plus tard :

• « La plupart de ceux qui ont été dans le home à Genève, ont bien réussi dans la

vie. L’un est devenu prof, l’autre est devenu un acteur très connu »

• « Mais, on était tous un peu perturbé après la guerre »

• « On a tous eu plusieurs mariages, qui n’ont pas tous été des succès »

• Autres problèmes mentionnés : troubles de sommeil, cauchemars, crises

d’angoisse, perte de confiance dans l’entourage, dépression

• « On est quand même marqués par la guerre et on est des miraculés à travers tout

ça »

• « J’ai été reconnu en Belgique comme invalide civil de la guerre » (lettre)

• « Mes amis très proches d’aujourd’hui sont tous les trois des survivants de la

guerre »