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202 Cah. Nutr. Diét., 40, 4, 2005 aliments aliments LE SEL : VIGILANCE DANS LA PREMIÈRE ANNÉE DE VIE* Françoise MOSSER Le sel est l’un des 5 goûts que nos papilles perçoivent avec le sucré, l’amer, l’acide et l’umami (goût du bouillon de viande). Cependant le petit Homme ne perçoit la saveur salée que vers 4 à 6 mois [1]. Sa préférence pour le sel est donc acquise et fortement dépendante de ce qui accompagne le goût salé : le sucré, la concentration en énergie ou l’encouragement culturel [2]. Les apports conseillés sont bas. Nous examinerons l’impact d’une consommation excessive de sel et si les consommations courantes sont proches des recom- mandations des experts. Quels sont les apports nutritionnels conseillés ? Les grandes capacités de régulation de l’excrétion de Na, qui peut-être ramenée à des valeurs nulles en cas de carence ou d’augmentation rapide des besoins, expliquent que l’apport recommandé soit relativement faible. Il est estimé à 1mmol/kg/j en climat tempéré. Les recomman- dations françaises, américaines et anglaises (tableau I) varient entre 1 et 2 mmol/kg/jour. Les recommandations de l’AFSSA [3] sont de ne pas dépas- ser 40 mmol vers 1 an compte tenu de la charge osmolaire rénale qui en résulte. En effet, une charge osmolaire rénale importante n’est pas souhaitable chez le jeune enfant. Peut-on évaluer le besoin réel ? Samuel Fomon [6] nous montre le peu de certitude vis-à- vis des recommandations. De la naissance à 4 mois l’accrétion de sodium est esti- mée à 27 mg /jour et les pertes cutanées et urinaires iné- vitables sont estimées à 24 mg/jour. En conséquence le besoin de sodium est de 51 mg/jour ; en admettant que 95 % du sodium ingéré est absorbé, les recommandations de consommation devraient être de 54 mg/jour. On peut alors considérer l’exemple d’un enfant allaité qui consomme 750 ml de lait par jour. Comme la valeur moyenne de la concentration de sodium du lait de femme varie de 36 à104 mg/l, l’enfant reçoit de 27 à 78 mg/jour. Ce résultat laisse à penser que les recommandations cal- culées initialement sont au dessus des besoins réels car un grand nombre d’enfants montre une croissance normale alors qu’il reçoit des apports de sodium moins élevés. Il est surprenant de remarquer (tableau II, fig. 1) que l’accrétion de sodium diminue au cours de la première année alors que les recommandations augmentent. L’aug- mentation des pertes cutanées et urinaires justifie-t-elle seulement cette augmentation ? Il faut aussi noter que les besoins sont faibles mais qu’ils peuvent évoluer brutalement en cas de perte par la sueur, chaleur, fièvre, ou en cas de diarrhée. Correspondance : Fr. Mosser, Unité diététique, hôpital Necker Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15. * Conférence présentée à la 8 e Journée d’Étude du Club Européen des Diététiciens de l’Enfance à Bruxelles en mars 2004 : « Faut-il apprendre à manger sainement, pourquoi et surtout comment ? » Tableau I. Récapitulatif des recommandations de consommation de sodium. Recommandations de consommation 0 à 6 mois 0 à 6 mois 7 à 12 mois 7 à 12 mois mg/j mmol/j mg/j mmol/j Françaises AFSSA 2001 90 à 170 3,9 à 7,4 189 à 212 8,2 à 9,2 Américaines RDA 1989 120 5,2 200 8,7 Anglaises RNI 1991 242 10,5 334 14,5

Le sel : vigilance dans la première année de vie*

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aliments

aliments

LE SEL : VIGILANCE DANS LA PREMIÈRE ANNÉE DE VIE*

Françoise MOSSER

Le sel est l’un des 5 goûts que nos papilles perçoivent avec le sucré, l’amer,l’acide et l’umami (goût du bouillon de viande). Cependant le petit Hommene perçoit la saveur salée que vers 4 à 6 mois [1]. Sa préférence pour le selest donc acquise et fortement dépendante de ce qui accompagne le goût salé :le sucré, la concentration en énergie ou l’encouragement culturel [2]. Lesapports conseillés sont bas. Nous examinerons l’impact d’une consommationexcessive de sel et si les consommations courantes sont proches des recom-mandations des experts.

Quels sont les apports nutritionnels conseillés ?

Les grandes capacités de régulation de l’excrétion de Na,qui peut-être ramenée à des valeurs nulles en cas decarence ou d’augmentation rapide des besoins, expliquentque l’apport recommandé soit relativement faible. Il estestimé à 1mmol/kg/j en climat tempéré. Les recomman-dations françaises, américaines et anglaises (tableau I)varient entre 1 et 2 mmol/kg/jour.

Les recommandations de l’AFSSA [3] sont de ne pas dépas-ser 40 mmol vers 1 an compte tenu de la charge osmolairerénale qui en résulte. En effet, une charge osmolaire rénaleimportante n’est pas souhaitable chez le jeune enfant.

Peut-on évaluer le besoin réel ?

Samuel Fomon [6] nous montre le peu de certitude vis-à-vis des recommandations.De la naissance à 4 mois l’accrétion de sodium est esti-mée à 27 mg /jour et les pertes cutanées et urinaires iné-vitables sont estimées à 24 mg/jour. En conséquence lebesoin de sodium est de 51 mg/jour ; en admettant que95 % du sodium ingéré est absorbé, les recommandationsde consommation devraient être de 54 mg/jour.On peut alors considérer l’exemple d’un enfant allaité quiconsomme 750 ml de lait par jour. Comme la valeurmoyenne de la concentration de sodium du lait de femmevarie de 36 à104 mg/l, l’enfant reçoit de 27 à 78 mg/jour.Ce résultat laisse à penser que les recommandations cal-culées initialement sont au dessus des besoins réels car ungrand nombre d’enfants montre une croissance normalealors qu’il reçoit des apports de sodium moins élevés.Il est surprenant de remarquer (tableau II, fig. 1) quel’accrétion de sodium diminue au cours de la premièreannée alors que les recommandations augmentent. L’aug-mentation des pertes cutanées et urinaires justifie-t-elleseulement cette augmentation ?Il faut aussi noter que les besoins sont faibles mais qu’ilspeuvent évoluer brutalement en cas de perte par la sueur,chaleur, fièvre, ou en cas de diarrhée.

Correspondance : Fr. Mosser, Unité diététique, hôpital Necker Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15.

* Conférence présentée à la 8e Journée d’Étude du Club Européen des Diététiciens de l’Enfance à Bruxelles en mars 2004 : « Faut-il apprendre à manger sainement, pourquoi et surtout comment ? »

Tableau I.Récapitulatif des recommandations de consommation de sodium.

Recommandations de consommation

0 à 6 mois

0 à 6 mois

7 à 12 mois

7 à 12 mois

mg/j mmol/j mg/j mmol/jFrançaises AFSSA 2001

90 à 170

3,9 à 7,4

189 à 212

8,2à 9,2

Américaines RDA 1989 120 5,2 200 8,7Anglaises RNI 1991 242 10,5 334 14,5

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Peut-on établir une corrélation entre ingestion de sodium et pression artérielle chez l’enfant ?

Le métabolisme des 2 ions sodium et potassium est étroi-tement lié. Le sodium est un ion pour 95 % extracellulaire.Indispensable à la transmission des influx dans les tissusnerveux et musculaires, il joue un rôle essentiel dans l’équi-libre hydroélectrolytique. Le potassium est un ion pour97,5 % intracellulaire. Cette forte concentration est néces-saire au fonctionnement de nombreux enzymes et au méta-bolisme cellulaire. Il neutralise en particulier les chargesnégatives des protéines. Le système régulateur le plusimportant est « la pompe à sodium » autrement dit la Na+/K+ ATPase, enzyme de localisation membranaire qui trans-porte Na+ hors de la cellule et fait rentrer K+. Cette opéra-tion consomme une grande partie de l’énergie fournie parl’ATP cellulaire : 1/3 de l’énergie de la cellule.Plusieurs études ont été menées chez l’enfant pour savoirsi la consommation de sodium et/ou de potassium influen-çait la pression artérielle. Les résultats sont discordants : – Charles F. Whitten et al. 1980 [7] étudie une populationdont la consommation de sodium dans la tranche d’âge de[3-8] mois a été fixée soit à 3 mmol /100 kcal soit à9,25 mmol /100 kcal. L’observation de la pression arté-rielle est faite à l’âge de 8 mois puis à 8 ans. Elle ne montrepas de différence significative selon les ingesta de sodium.– Johanna M. Geleijnse et al., 1990 [8] contrôle la pres-sion artérielle 6 fois/an durant 7 ans chez des enfantsâgés de 5 à 17 ans. Si la pression artérielle n’a pas étésignificativement différente en fonction de l’ingestion desodium, on retrouve cependant une corrélation positiveentre la consommation de potassium et une réduction dela pression systolique.

– Alan R. Sinaiko et al. 1993 [9] mesure sur des adoles-cents, l’effet d’un régime pauvre en sodium (70 mmol/j)ou d’un régime libre en sodium avec une supplémentationen potassium (1 mmol/kg). Cette étude menée pendant3 ans avec un contrôle tous les 3 mois montre quel’apport de sodium et de potassium alimentaire peut dimi-nuer la pression artérielle chez les adolescentes avant20 ans mais pas chez les garçons.– Johanna M. Geleijnse et al. 1997 [10], dans une étudemenée sur des nouveau-nés durant les 6 premiers mois devie (apport de sodium/jour : 0,89 ± 0,26 mol versus 2,50± 0,95 mol), montre une pression systolique plus bassedans le groupe recevant la plus faible quantité de sodium.Après 15 ans, le groupe d’enfants ayant reçu une alimen-tation moins sodée dans la petite enfance a toujours unepression artérielle plus basse que le groupe témoin.Les conclusions de ces différentes études sont contradictoiresvis-à-vis de la corrélation entre niveau d’ingestion de sodiumet/ou de potassium et niveau de la pression artérielle. Cettecorrélation est apparemment plus forte avec d’autres paramè-tres comme le surpoids ou l’exercice physique. Elle est plusaffirmée chez l’adulte et se renforce avec le vieillissement.

Comment peut-on faire varier la consommation en sodium dans la première année de vie ?

La variabilité de l’apport en sodium sera montrée pour aumoins 2 types d’alimentation appropriée pour les âges de2 mois, 5 mois, 9 mois, 12 mois [11].On va considérer dans les exemples qui suivent : – d’une part, une alimentation peu salée avec du lait defemme et du lait adapté à l’âge, des préparations « mai-son » non salées ou industrielles sans sel ajouté ou non,des biscuits adaptés à l’âge ;– et d’autre part, une alimentation plus salée avec du laitadapté à l’âge, des préparations industrielles adaptées auxenfants, une diversification avec des aliments de la tablefamiliale.Il s’agit d’alimentation « normale » dans tous les cas.

Consommation théorique d’un enfant de 2 mois

Nous envisagerons ici de façon arbitraire 3 alimentationsdifférentes : une alimentation avec du lait maternel et2 autres avec des laits industriels adaptés répondant tousles 2 aux normes de la législation européenne.On remarque un écart de l’apport de Na de près de 50 %entre l’alimentation au sein et celle avec des laits pournourrissons. On peut souligner que l’apport de sodiumserait encore supérieur si on avait utilisé de l’eau VittelHépar® fréquemment prescrite pour ses propriétés laxati-ves (dans notre exemple 15,7 mg ou 0,7 mmol de plus).

Tableau II.Accrétion de sodium selon l’âge in Nutrition of Normal Infant

Samuel Fomon 1993 [6].

MoisGarçons

mg/jGarçons mmol/j

Fillesmg/j

Fillesmmol/j

0-1 33 1,43 28 1,211-2 31 1,35 24 1,042-3 24 1,04 20 0,863-4 20 0,87 17 0,734-5 18 0,78 16 0,695-6 17 0,73 16 0,696-9 16 0,69 16 0,699-12 14 0,60 15 0,65

Figure 1.Comparaison entre les chiffres d’accrétion de sodium et différents

apports recommandés.

Tableau III.Apports nutritionnels de 3 types différents d’alimentation

théorique à 2 mois.

alimentsNa

mmolProtides

gÉnergie

kcal800 ml de lait de mère 5,2 9,6 500800 ml de Nidal 1 liquide (Nestlé®) 5,6 13,6 534800 ml de Milumel 1 (Milupa®) + eau Volvic® 9,5 14,4 555

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Consommation théorique d’un enfant de 5 mois

On a établi cette fois une comparaison entre une alimen-tation partiellement au sein et une alimentation normalesans « attention particulière ». On notera que le nombrede repas diminue lorsque l’enfant n’est plus au sein.L’alimentation peu salée comporte 2 tétées dans le cassupposé d’une mère qui travaille. Dans cet exemple, lespurées industrielles choisies sont volontairement sans selajouté. L’alimentation plus salée est celle d’un enfant quin’est plus allaité, il consomme du lait de suite et des pro-duits infantiles prêts à être consommés. L’apport ensodium dans la 2e ration est de 35 % plus important quedans de la 1re.

Consommation théorique d’un enfant de 9 mois

Cette fois encore une comparaison est faite entre une ali-mentation partiellement au sein et une alimentation nor-male sans « attention particulière ».L’alimentation peu salée comporte du lait maternel et despréparations purée et potage faites à la maison. Dans cet

exemple, on a gardé une purée de légumes et de viandefaite à la maison sans sel ajouté et un potage industrielpour enfant. L’écart se creuse entre les 2 types d’alimen-tation puisque dans la 2e ration, on propose à l’enfant2 fois plus de sodium que dans la première ration.

Consommation théorique d’un enfant de 1 an

Pour cette tranche d’âge on compare une alimentationavec des produits pour « enfant en bas âge » et une alimen-tation partiellement partagée avec le reste de la famille.Dans l’exemple de l’alimentation peu salée, une des2 préparations industrielles a été choisie sans sel.Les apports alimentaires en sodium varient cette foisencore du simple au double.

Tableau IV.Description de deux alimentations théoriques,

peu salée et plus salée, à 5 mois.

Alimentation normale peu salée

Alimentationnormale

plus salée

6 h Une tétée 250 ml

7 h Lait 2e âge 220 mlCéréales infantiles vanille

9 h Lait 2e âge 120 ml

12 h Un biberon avec des légumes piae*

100 g

et du lait 2e âge 60 mlen dessert : 1/2 pot de fruits

50 g

13 h Repas à la cuillerpiae*choisi s/sel ajouté

190 g

1/2 pot de compote de fruits

60 g

17 h Lait 2e âge 120 ml Lait 2e âge 180 ml1/2 pot de compote de fruits

60 g 1/2 pot de fruits 130 g

21 h Une tétée 230 ml Lait 2e âge 200 mlCéréales aux légumes 10 g

* piae : préparation industrielle adaptée aux enfants.

Tableau V.Comparaison d’apports nutritionnels d’une alimentation

peu salée et d’une alimentation plus salée à 5 mois.

Na mmol Protides g Énergie kcal

Alimentation peu salée 8,6 15 650Alimentation salée 13,2 20 690

Tableau VI.Description de deux alimentations théoriques, peu salée

et plus salée à 9 mois.

Alimentationnormalepeu salée

Alimentationnormale

plus salée

7 h Biberon lait 2e âge

220 ml

Céréales infantiles 15 g9 h Une tétée 220 ml

Un biscuit pour bébé

10 g

10 h Pain 15 g12 h Une purée

de légumes, pomme de terre et viandeet un peu de beurre

150 g10 g + 5 g

En dessert : 1/2 pot de fruits

60 g

13 h Purée légumeviande piae*

200 g

1/2 pot de compote de fruits

60 g

16 h Lait 2e âge 220 ml17 h Biberon

lait 2e âge200 ml

Un petit biscuit 10 g20 h Un potage

de légumes piae*200 ml Potage piae*

+ 1 cuiller à café d’huile

200 ml + 3 g

1 fromage frais + sucre

60 g + 5 g

1 fromage frais + sucre

60 g + 5 g

22 h Une tétée 220 ml

*piae : préparation industrielle adaptée aux enfants.

Tableau VII.Comparaison d’apports nutritionnels d’une alimentation

peu salée et d’une alimentation plus salée à 9 mois.

Na mmol Protides gÉnergie

kcal

Alimentation peu salée 15,2 22,8 860Alimentation plus salée 32,2 29 870

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Il ne faut pas croire que cette dernière journée alimen-taire théorique soit exagérément déséquilibrée. Uneétude américaine récente [12] menée en 2002 sur1 677 enfants de 9 à 24 mois montre que dans la tran-che d’âge 9 à 11 mois, pour la moitié des enfants qua-lifiés de plus gros consommateurs, il existe uneconsommation non négligeable de pizza, fromage, bis-cuits salés, sandwiches, frites, macaronis au fromage etsaucisses. Ce qui conduit à une consommation moyennede 1 304 mg (57 mmol) de sodium par jour.

Discussion

– En fonction du type d’alimentation, on constate degrandes variations d’apport en sodium au cours de la pre-mière année. L’augmentation de la consommation estparticulièrement nette après l’âge de la diversification(fig. 2).

– Bien que les arguments développés par différentes étu-des soient contradictoires, il semble prudent de modérerla consommation de sodium [13] qui peut atteindre de 3à 7 fois les recommandations entre 9 mois et 1 an. Cettemodération est d’autant plus justifiée que l’on sait quel’appétence pour le sel, contrairement à celle pour lesucre, est l’héritage d’une culture alimentaire.– Les préparations de purées ou de mélange de légumeset de viande ou de poisson faites à la maison peuvent êtresans sel ajouté mais il semble qu’une tendance vers uneaugmentation de consommation des préparations prêtesà l’emploi se dessine. Si certains produits infantiles sontsans sel ajouté, ils ne représentent qu’une faible part del’offre du marché. Or tous les produits infantiles proposéssont de bonne qualité [14] et répondent à des normesrigoureuses. Il serait intéressant qu’ils soient moins salés ;ceci pour habituer l’enfant à un faible apport de sel. Leseuil de satisfaction gustative s’éduque.– Si les parents utilisent les produits infantiles dans lespremiers mois de vie, on voit par contre que les enfantsvers 9-10 mois, partagent rapidement les aliments de latable familiale. Il est important de souligner qu’une surcon-sommation de sodium à la fin de la première année va depair avec une surconsommation de protides et de graissessaturées (charcuterie, fromage, friture) et une moindreconsommation de fruits et de légumes qui apportent entreautre du potassium, des vitamines, des oligo-éléments etdes fibres.

Conclusions pour une meilleure éducation nutritionnelle

Il y a encore une fois là un argument pour favoriser l’allai-tement maternel qui apparaît toujours le mieux adapté aunourrisson.Il faut encourager les industriels à mettre sur le marchédavantage de préparation de légumes et de mélanges« légumes-viande » à teneur en sodium plus basse. Pourque cet effort ne soit pas un handicap commercial, il estnécessaire d’informer les parents que leur goût n’est pascelui de leur enfant.Au-delà du bénéfice attendu d’une moins grande consom-mation de sel, il apparaît surtout le bénéfice d’une éduca-tion nutritionnelle précoce qui conditionne les habitudesalimentaires plus tardives à l’adolescence et à l’âge adulte.

Tableau VIII.Description de deux alimentations théoriques, peu salée

et plus salée à 12 mois.

Alimentation normale peu salée

Alimentation normale

plus salée

8 h Lait 2e âge 250 ml Lait 2e âge 250 ml

Biscuits 20 g Pain blanc + beurre

15 g + 5 g

10 h Fruit cru 30 g Fruit cru 30 g

12 h Un plat piae* choisi sans sel ajouté + beurre

220 g + 5 g

Un plat piae* 200 g

Une fine tranche de saucisson

5 g

en dessert : 1 pot de fruits

130 g Un petit morceau de fromage à pâte cuite

25 g

1/2 fruit cru 50 g

16 h Lait 2e âge 250 ml Lait 2e âge 200 ml

Un biscuit 15 g Un biscuit 10 g

20 h Un potage épais piae* + crème fraîche

200 ml + 20 g

Un potage piae* + une pincée de fromage râpé

250 ml

5 g

Un laitage aux fruits 60 g Un laitage + sucre

125 g + 5 g

*piae : préparation industrielle adaptée aux enfants mois.

Tableau IX.Comparaison d’apports nutritionnels d’une alimentation peu

salée et d’une alimentation plus salée à 12 mois.

Na mmol Protides g Énergie kcal

Alimentation peu salée

37,2 21,7 900

Alimentation salée 60,9 33,3 960

Figure 2.Apport de sodium selon 2 types d’alimentation et comparaison avec les

recommandations américaines.

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L’attention que portent les parents à l’alimentation de leurenfant est d’autant plus grande que l’enfant est petit. Ilfaut en déduire l’importance, au-delà des premiers moisde leur enfant, de sensibiliser les mères à une alimentationplus « en santé » comme disent les Canadiens. C’est-à-direutiliser quand c’est possible des produits infantiles adaptésmais aussi éduquer le goût de leur petit, vers des alimentspeu salés, des fruits et des légumes.Pour cela, il apparaît primordial de mettre en place uneinformation dès la maternité, mais aussi dans les crècheset dans les centres de surveillance de la petite enfance.

Résumé

Chez le nourrisson, les recommandations de consomma-tion de sodium sont basses. Les résultats des étudesmenées chez l’enfant pour établir une corrélation entreconsommation de sodium et hypertension artérielle sontcontradictoires. L’apport de sodium alimentaire aug-mente régulièrement avec l’âge entre 2 et 12 mois.Cependant quel que soit l’âge, il peut varier dans un fac-teur de 1 à 2 en fonction de l’alimentation. Au début dela vie, il dépend du choix de lait, puis, plus tard, du choixdes produits infantiles voire du partage précoce des ali-ments de la table familiale. Outre qu’aucun bénéfice n’estattendu d’une consommation importante de sodium, unapport excessif de sodium est souvent lié à partir de 9–10 mois à une surconsommation de protides et d’acidesgras saturés. Il apparaît de ce fait prudent de limiter laconsommation de sodium et de favoriser une éducationnutritionnelle précoce en informant les mères à la mater-nité, dans les crèches ou par l’intermédiaire des centresde protection maternelle et infantile.

Mots-clés : Alimentation – Enfant – Sodium – Pressionartérielle – Apports nutritionnels recommandés.

Abstract

For infants, sodium recommended dietary allowancesare low. The influence of sodium intake on young chil-dren’s blood pressure has been shown contradictory.Sodium intake increases as children get older from2 months, 5 months, 9 months, 12 months. This isespecially influenced by complementary foods. Moreo-ver, sodium intake can also vary by a factor of 2 at anytime period, depending on food choice, i.e. milk for-mula, baby’s food and even usual family’s food. Inaddition no benefit is expected from a high levelsodium intake; an excessive sodium intake is often lin-ked in toddler’s food to an excess intake of protein and

saturated fatty acids. That’s why it seems safer to limitsodium level consumption. Therefore nutritional infor-mation has to be organised for mothers and caregiversin maternity wards and in day care centers to promotehealthy food habits in early childhood.

Key-words: Children feeding – Children – Sodium –Blood pressure – Recommended dietary allowances.

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[14] Arrêté du 1er juillet 1976 Aliments lactés diététiques etde régime de l’enfance. JO 14 septembre 1976 :5519-24.