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Gérard PIERRE-CHARLES (1991) Le système économique haïtien 2 e édition, octobre 1991 LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES CHICOUTIMI, QUÉBEC http://classiques.uqac.ca/

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Gérard PIERRE-CHARLES

(1991)

Le système économiquehaïtien

2e édition, octobre 1991

LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALESCHICOUTIMI, QUÉBEChttp://classiques.uqac.ca/

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Les Classiques des sciences sociales est une bibliothèque numérique en libre accès développée en partenariat avec l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC) depuis 2000.

http://bibliotheque.uqac.ca/

En 2018, Les Classiques des sciences sociales fêteront leur 25e anni-versaire de fondation. Une belle initiative citoyenne.

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Politique d'utilisationde la bibliothèque des Classiques

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Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Clas-siques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif composé exclusivement de bénévoles.

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L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa-teurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 4

Cette édition électronique a été réalisée par Wood-Mark Pierre, bénévole, étudiant en sociologie à la Faculté des sciences humaines à l’Université d’État d’Haïti et membre du comité de direction du Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences sociales en Haïti,Page web dans Les Classiques des sciences sociales.à partir de :

Gérard PIERRE-CHARLES

Le système économique haïtien.

Port-au-Prince, Haïti : une publication du CRESFED, (Centre de re-cherche et de formation économique et sociale pour le développe-ment), 2e édition, 1991, 60 pp.

[Autorisation formelle accordée par la directrice du CRESFED, Madame Su-zie Castor, de diffuser ce mémoire, en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriels : Dr Suzy Castor : [email protected] du Centre de Recherche et de Formation Économique et Sociale pour le Développement

Polices de caractères utilisée :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 29 août 2019 à Chicoutimi, Québec.

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 5

Cet ouvrage est diffusé en libre accès à tous grâce à une entente de partenariat entre le REJEBECSS-Haïti (Le Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences sociales en Haïti) et le CRESFED (Centre de Recherche et de Formation Économique et Sociale pour le Développement), entente entérinée le 11 juillet 2019.

Courriels : Dr Suzy Castor : [email protected] du Centre de Recherche et de Formation Économique et Sociale pour le DéveloppementRency Inson Michel : [email protected] du REJEBECSS-Haïti Tania Pierre-Charles : [email protected] Lunie Yvrose Jules : [email protected] Elise Golay : [email protected]

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de gauche a droite: Tania Pierre-Charles, responsable de projet au CRESFED; Wood-Mark Pierre, responsable relations publiques RE-JEBECSS; Suzy Castor, directrice du CRESFED; Lunie Jules, Offi-cier de projet au CRESFED.

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Merci aux universitaires bénévolesregroupés en association sous le nom de:

Réseau des jeunes bénévolesdes Classiques des sciences socialesen Haïti.

Un organisme communau-taire œuvrant à la diffusion en libre accès du patrimoine intel-lectuel haïtien, animé par Ren-cy Inson Michel et Anderson Layann Pierre.

Page Facebook :https://www.facebook.com/Réseau-des-jeunes-bénévoles-des-Classiques-de-sc-soc-en-Haïti-990201527728211/?fref=ts

Courriels :

Rency Inson Michel : [email protected] Wood-Mark PIERRE : [email protected]

Ci-contre : la photo de Rency Inson MICHEL.

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Gérard PIERRE-CHARLES

Le système économique haïtien

Port-au-Prince, Haïti : une publication du CRESFED, (Centre de re-cherche et de formation économique et sociale pour le développe-ment), 2e édition, 1991, 60 pp.

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Note pour la version numérique : La numérotation entre crochets [] correspond à la pagination, en début de page, de l'édition d'origine numérisée. JMT.

Par exemple, [1] correspond au début de la page 1 de l’édition papier numérisée.

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LE SYSTÈMEÉCONOMIQUE

HAÏTIEN

Gérard Pierre-Charles

2ème éditionOctobre 1991

CRESFEDCENTRE DE RECHERCHE

ET DE FORMATIONÉCONOMIQUE ET SOCIALEPOUR LE DÉVELOPPEMENT

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[2]

Le système économique haïtien

Table des matièresINTRODUCTION. Quelques définitions et concepts [5]

La production [9]

CHAPITRE 1. L’activité de production [13]

L’unité de production [13]La domination externe, facteur de déstructuration [18]Le cas du cheptel porcin [19]Ruine de l’agriculture [21]L’unité productrice dans l’industrie [21]

CHAPITRE 2. La production nationale [25]

Facteurs intervenant dans la production d’un pays [25]Les origines et la composition de la production [28]La production agricole [29]La production industrielle [30]

1- L’agro-industrie [30]2- L’industrie de substitution d’importation [31]3- Les entreprises de sous-traitance [31]

Le secteur tertiaire et les activités informelles [35]Production nationale et production per capita [37]Le produit national brut (P.N.B.) [37]P.N.B comme indicateur de développement [38]

CHAPITRE 3. La production au niveau international [39]

Développement et sous-développement [39]Les pays capitalistes développés [42]Les pays sous-développés [44]Les pays socialistes [47]

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[3]

CONCLUSION [51]

ANNEXES [55]

Tableau 1. Haïti: Produit intérieur brut par principaux secteurs aux prix du marché [55]

Tableau 2. Haïti: Principaux indicateurs économiques [56]

Tableau 3. Haïti: Indicateurs de la production agricole et de l’élevage [57]

Tableau 4. Produit intérieur brut par habitant [57]

BIBLIOGRAPHIE [59]

[4]

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[5]

Le système économique haïtien

INTRODUCTION

Quelques définitions et concepts

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On entend par système économique l’ensemble des structures pra-tiques, institutions, sujets et mécanismes de production, de distribu-tion, d’échange et de consommation qui assurent le fonctionnement d’un ensemble économique social donné. Cet ensemble, de même que le système économique qui le structure, doivent être étudiés dans la double dimension d’espace et de temps.

L’espace définit le contexte géographique local, national, régional, international et mondial qui est le cadre où se développent des phéno-mènes et rapports donnés, de caractère économique, financier, com-mercial, politique et culturel.

Le temps se réfère au passé, à l’histoire économique, à l’évolution historique, résultante de la lutte des classes, des relations internatio-nales et du développement des structures de production et d’échanges.

Pour la compréhension des faits économiques, aussi bien dans leur autonomie que dans leurs rapports mutuels et leur dynamisme, il est indispensable de bien connaître et de prendre en considération ces fac-teurs de temps et d’espace.

Les structures sont les lignes maîtresses, façonnées historiquement par les faits, les intérêts, les luttes et les choix sociaux, culturels et économiques qui s’imposent de façon durable et qui servent de cadre au développement social et [6] politique. Par exemple, quand on parle

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de structure agraire, on se réfère aux données stables, historiquement définies de la propriété de la terre, de la distribution des exploitations, des rapports de travail établis autour de la terre.

Les pratiques institutionnelles sont le résultat des usages et cou-tumes, des phénomènes économiques et culturels, des croyances reli-gieuses, du droit, des normes de fonctionnement sanctionnées ou tolé-rées par la loi. Elles ont un caractère stable et deviennent le point de rencontre de certaines pratiques économiques et sociales. Elles naissent le plus souvent de structures économiques et socio-culturelles données, et de certaines influences externes de caractère économique, politique et idéologique. Comme exemple d’institutions économiques: nous pouvons citer le marché rural, la contrebande, la borlette. Les agents économiques sont les divers acteurs sociaux (groupes et indivi-dus) qui participent à l’activité économique dans ses multiples ins-tances en tant que producteur, acheteur, vendeur, ou consommateur.

Des mécanismes surgissent de manière spontanée, ou bien sont mis en place afin d’assurer l’articulation des structures et des institu-tions, des faits et des sujets économiques. Ce sont des manières de fonctionnement, d’articulation et de régulation des rapports entre les diverses parties de l’économie comme cela se vérifie au niveau de mé-canismes de prix qui dépendent aussi bien de l’offre et de la demande que de la situation éventuelle de monopole, ou de l’intervention de l’État.

Les structures, institutions et mécanismes économiques s’intégrant à divers paliers de l’activité sociale embrassent l’ensemble de la vie économique soit :

* La production est l’organisation et le processus de travail dans la création de biens et de services pour la satisfaction des [7] besoins de la société et des hommes. Dans le processus de pro-duction interviennent le capital et le travail.

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* La distribution est la répartition des revenus, bénéfices, sa-laires, profits, prestations entre les agents économiques qui par-ticipent au processus de production de richesses.

* L’échange constitue le point de rencontre, la charnière d’articu-lation et de circulation, en fonction de leur valeur d’usage, des marchandises, des biens et services produits dans une société.

* La consommation est l’activité de mise en usage des biens et services destinés à la satisfaction des besoins humains ou en-trant dans la fabrication de ces biens et services. C’est le point de rencontre entre la demande et l’offre de ces biens.

Vue dans ces divers paliers d’organisation et de fonctionnement, l’économie haïtienne apparaît comme un ensemble complexe, tiraillé par de nombreuses forces et impulsions, provenant à la fois de vieilles structures et institutions archaïques, quelques-unes propres à notre histoire et d’autres qui sont le fruit des pressions et attractions de la pénétration étrangère, du voisinage des U.S.A, du phénomène massif de l’émigration. À cela il faut ajouter la contradiction historique entre l’intégrité et la réalité de la nation et les influences du capitalisme mondial. En effet les intérêts du pouvoir économique et politique, su-bordonné aux puissances de tutelle ou simplement de la mafia interna-tionale ont fait de l’État une institution anti-nation... De là cette com-plexité structurale de la formation sociale haïtienne, où coexistent et s’interpénètrent tant de phénomènes contradictoires, d’exploitation, de dépendance, d’arriération et de modernité sectorielle, de concentration de grandes fortunes entre les mains d’une minorité formée d’un mil-lier de familles et la détresse absolue des majorités.

[8]Il est important d’étudier sur tous ses angles ce système qui, depuis

le 7 février 1986 est identifié et mis en question par la majorité de la population de larges couches moyennes et populaires, les paysans, les ouvriers, les démunis, les exploités et certains secteurs éclairés de l’élite économique, sociale et politique comme étant la cause des maux de la nation.

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En nous efforçant de définir le système économique haïtien, nous nous référons: à la forme concrète qu’a pris historiquement le capita-lisme en Haïti capitalisme dépendant et sous-développé qui a intégré dans sa structure et son fonctionnement des mécanismes de produc-tion, de distribution et d’échanges propres au sous-développement et à la dépendance. Nous nous référons aux structures et mécanismes de production et de fonctionnement de l’économie où s’interpénètrent des pratiques féodales, mercantilistes simples, et des résidus de men-talités tribales ou esclavagistes, avec les mécanismes découlant des relations de notre pays avec le capitalisme mondial contemporain, et en particulier avec les U.S.A, principale force de domination de notre économie.

Nous nous référons à la base matérielle sur laquelle s’appuie la production et qui donne ses traits propres à la configuration des classes sociales en Haïti, aux fondements matériels de la domination d’une oligarchie composée de bourgeois industriels et commerciaux d’un type spécifique, de grands propriétaires fonciers, de banquiers, d’usuriers, d’affairistes, des trafiquants de drogue, et enfin au pouvoir d’état totalitaire tel qu’il existe historiquement dans notre pays.

Dans le cadre de cette caractérisation du système économique haï-tien, la présente analyse de la production, sera suivie par l’étude de la distribution, de l’échange et de la consommation.

[9]

La production

L’activité la plus importante pour la vie des hommes en société est la production. Cette activité est vitale dans toutes les sociétés, de la société primitive à la société capitaliste moderne ou la société socia-liste. Elle se réfère à divers types de création :

• Production de biens qui, au-delà des besoins de la subsis-tance, peuvent servir à l’échange.

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• Production de marchandises agricoles, artisanales ou in-dustrielles.

• Production de services (pour l’éducation, la santé, les loi-sirs, le tourisme...)

Le processus de production se fait dans un cadre physique donné, (écologique, agricole, industriel). Il réunit des producteurs, des ma-tières premières et des techniques, fruit de la créativité, de l’expé-rience de chaque époque, de chaque société, de chaque groupe d’hommes. Il donne lieu à la création et de biens matériels et spiri-tuels, tels que les œuvres d’art, l’éducation ainsi que des services les plus divers mis ensuite à la disposition des hommes.

Les producteurs directs peuvent être, selon les conditions sociales dans lesquelles ils travaillent, des agriculteurs, des propriétaires de leur lopin, des fermiers, des grands propriétaires fonciers, des deux moitiés (métayers), des exploitants capitalistes, des ouvriers agricoles, des coopérativistes, des travailleurs de l’État, des travailleurs d’une économie socialisée.

Les rapports de propriété et de travail entre les groupes humains au sein d’une société définissent le mode de production en vigueur dans cette société et se reflètent dans la [10] nature, la quantité des biens, services produits et disponibles dans cette société ainsi que dans la répartition de ces biens et services.

Par exemple, le mode de production de la société coloniale, société fondée sur la rationalité du capitalisme colonial et des rapports so-ciaux de caractère esclavagiste, apportait beaucoup de richesses aux colons. La culture de la canne-à-sucre à Saint Domingue qui exigeait de la main d’œuvre intensive, traduisait le haut degré d’organisation économique de ce mode de production.

Après l’indépendance, avec l’élimination de l’esclavage et la rup-ture avec le capitalisme colonial, avec ses capitaux, son marché mon-dial, l’organisation économique de la société évolue. Pendant cette phase de transition, coexistent plusieurs types d’organisation socio-économique: on retrouve la grande propriété terrienne, travaillée par des 2 moitiés, et détenue par des grandons militaires ou civils, géné-raux, chefs d’arrondissement absentéistes, ainsi que la petite produc-

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tion paysanne et le capital marchand. La canne-à-sucre disparaît. La production du café n’exigeant ni travail intensif, ni capitaux, ni tech-nologie, s’accommode facilement avec la société post-esclavagiste. Dans cette société, alors très peu intégrée au marché capitaliste mon-dial, le mode de production et les rapports sociaux de production res-tent marqués par de nombreux traits d’une économie à dominance féodale et précapitaliste.

Ces traits, malgré les influences modernisantes du marché mondial, ont caractérisé notre économie dépendante depuis les origines de la nation, se projetant aujourd’hui encore sur les institutions sociales po-litiques et sur les mentalités. Ils se définissent, entre autres, à partir du mode de propriété de la terre (grands domaines improductifs), des re-lations d’oppression entre grandons et 2 moitiés, du faible degré de commercialisation et de monétarisation de l’économie, de [11] la na-ture non productive, parasitaire et arriérée des groupes sociaux domi-nants, ainsi que du caractère de l’État au service de ces classes possé-dantes.

Ces traits archaïques se sont combinés de plus en plus avec ceux découlant de la pénétration du capital marchand et financier, d’origine externe ou local. Ils ont continué même après l’occupation améri-caine, à exercer leur influence sur les structures productives de l’agri-culture, bien que les rapports salariés, marchands et financiers de-vinrent plus étendus sous l’effet de la pénétration du capital impéria-liste dans l’agriculture et la domination étrangère sur l’ensemble de l’économie.

On le sait, la production de marchandises est caractéristique du développement du capitalisme. En effet à partir de la découverte de l’Amérique, avec la création d’un marché mondial, la production capi-taliste s’est intensifiée. Cela a entraîné des changements profonds au niveau de l’organisation du travail, de la formation et l’accumulation de capital, de la création de technologie, du développement des trans-ports et communications.

C’est ce qui a stimulé l’expansion du capital marchand dans les sociétés coloniales et post-coloniales.

Dès lors, le phénomène de la production acquit une dimension in-ternationale, liée à l’expansion coloniale. La production de matières premières pour le marché capitaliste mondial, de la part des pays colo-

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niaux et semi-coloniaux, évolua parallèlement à la production de pro-duits manufacturés, des centres du capitalisme aux pays de la périphé-rie d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Asie.

En Haïti, dès le 19e siècle les flux expansionnistes du capitalisme mondial influèrent sur l’économie marchande. L’impérialisme des U.S.A introduisit au début du 20e siècle des [12] Rapports de produc-tion capitaliste avec la constitution de plantations de canne-à-sucre principalement (HASCO), d’ananas et de bananes. Ce secteur de pro-duction ne parvint pas, pour des raisons diverses, à changer l’en-semble des relations dans l’agriculture et à promouvoir la production croissante de marchandises et le développement du pays.

Cependant le capital financier américain renforça la dépendance d’Haïti vis-à-vis des U.S.A. La dette extérieure qui, depuis la "recon-naissance" de l’indépendance par la France en 1826, nous liait à l’an-cienne Métropole, passa des mains de banquiers français à celles des banquiers américains.

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[13]

Le système économique haïtien

Chapitre 1L’ACTIVITÉ

DE PRODUCTION

Retour au sommaire

Les systèmes de production, les modes de production et le phéno-mène de la production prennent donc une double dimension : tempo-relle et spatiale. Dans cette double perspective, la production (telle qu’elle est organisée chez nous en cette fin du 20e siècle) peut être étu-diée à 3 niveaux qui sont intimement liés:

• Production au niveau de l’unité de production, l’exploita-tion agricole, le shop artisanal, l’entreprise industrielle;

• Production au sein d’un marché national; • Production à dimension internationale, soit du marché capi-

taliste mondial.

l’Unité de production

La structure, le contenu de l’unité de production, les rapports entre les hommes qui y travaillent varient d’un mode de production à l’autre, d’un système économique à l’autre.

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L’unité productive de la société esclavagiste était la plantation et l’atelier d’esclaves.

L’unité productive dans la société féodale était le fief, le lati-fundium dans la société traditionnelle de l’Amérique [14] Latine, le lakou ou la propriété du grandon en Haïti.

L’unité productive dans le capitalisme industriel est la manu-facture, l’usine; dans le capitalisme agraire, la ferme moderne, l’exploitation agricole.

La structure de l’unité productive dans le capitalisme se définit par la propriété du capital et des moyens de production (l’usine, les ma-tières premières, l’équipement etc.). Les rapports entre les hommes ou les femmes qui travaillent au sein d’une entreprise capitaliste et les propriétaires des moyens de production passent par le salaire. Le sa-laire est donc un rapport social et économique de caractère capitaliste, entre deux classes de producteurs :

• Les propriétaires du capital, des moyens de production et • Les propriétaires de la force de travail, les travailleurs.

Le salaire est le prix payé par le patron à la force de travail, c’est-à-dire à l’ouvrier qui participe à la production d’un bien donné. La valeur de ce bien est plus élevée que le prix payé à l’ouvrier pour sa production. La différence entre le prix payé à cet ouvrier et la va-leur créée par sa force de travail s’appelle la plus-value.

L’addition ou la multiplication, à l’échelle de l’entreprise, de la plus-value gagnée sur chaque ouvrier et l’augmentation du volume de plus-value donnent lieu à l’accumulation de cette plus-value. Cette accumulation augmente le capital du patron, augmentation qui peut se traduire en termes de prospérité, de croissance des investissements fixes, de modernisation technologique, de plus grande productivité et rentabilité, de prestations sociales aux travailleurs ou de consomma-tion improductive des patrons.

Cette accumulation de plus-value, à l’échelle de la classe [15] pa-tronale ou d’une économie nationale donnée, détermine les niveaux de capitalisation et les volumes d’investissements ainsi que les degrés de

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 22

participation spécifique des capitalistes dans l’appropriation du revenu national.

Dans un pays comme Haïti, comme le démontre avec clarté Benoît Joachin, la classe des patrons, (soit la bourgeoisie commerciale, agri-cole et industrielle) historiquement n’a pas réinvesti au sein de l’éco-nomie nationale. Cela aurait permis, comme cela s’est passé dans d’autres pays, de renforcer et de moderniser l’appareil productif. Les ressources de cette bourgeoisie ont été utilisées plutôt à des fins im-productives - construction immobilière, dépenses de luxe - exportation de capitaux vers des banques étrangères. Cela a contribué, de façon décisive, à maintenir le bas développement des forces productrices soit des ressources de capitaux et d’équipement, de main-d’œuvre uti-lisée et efficiente, de capacité de mise en valeur des ressources natu-relles. Les niveaux de la production nationale sont restés terriblement précaires.

L’unité productive en général dans notre pays est l’expression de rapports sociaux archaïques et du retard des techniques. Ces caracté-ristiques reflètent le poids et la prédominance des modes de produc-tion précapitalistes dans l’économie ainsi que la mentalité retardée des classes dominantes. L’unité productrice dans l’agriculture peut être :

• Le petit lopin de subsistance (propriété) qui, à peine, arrive à nourrir une famille paysanne.

• La petite ferme cultivée "en deux moitiés" qui produit des vivres et génère un excédent pour le marché (intégré à l’écono-mie marchande simple).

• La petite exploitation marchande produisant le café, le [16] le riz ou d'autres produits de valeur commerciale.

• La grande propriété du grandon ou la rente de la terre des "2 moitiés" se combine à l’emploi du salariat agricole et aux formes commerciales et usurières du capitalisme marchand.

• L'agro-exploitation capitaliste moderne payant des salaires, utilise le calcul de coûts de production et de la rentabilité selon la rationalité du capitalisme.

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L’unité productive de type capitaliste, soit la ferme agricole mo-derne, est encore peu répandue dans la campagne.

L’usage du salaire est réduit - les rapports capitalistes de produc-tion sont limités, même si le capital commercial, les rapports moné-taires et la circulation monétaire connaissent une certaine extension. La faible capacité productive et le caractère restreint des rapports ca-pitalistes de production liés à d’autres limitations structurales au ni-veau de la distribution des richesses, maintiennent la prédominance des rapports et des modes de production arriérés de style féodal.

Les exploitations agricoles tenues, dans leur majorité, en particu-lier les terres des grandons, par des deux moitiés ou fermiers, génèrent la rente de la terre. Cette rente de la terre - rente foncière - de carac-tère féodal est historiquement la forme principale d’exploitation de la paysannerie qui se traduit par le travail des deux moitiés, les bas ni-veaux de revenus de la paysannerie et les rapports autocratiques.

Cette pratique et les autres formes usurières et commerciales d’ex-ploitation de la paysannerie renforcent le pouvoir des grandons et ré-duisent les niveaux de revenus des paysans.

Le marché interne de consommation s’en trouve diminué, ainsi que la capacité des paysans à améliorer leur méthode de production. Mais pour leur part les propriétaires terriens, de même que les paysans moyens n’investissent pas dans [17] l’amélioration des méthodes de culture. Le parasitisme des grandons s’exprime par leur tendance à convertir la rente accumulée en acquisition urbaine - maison - auto-mobile - compte en banque, investissements politiques pour "achat" de postes.

L’État, de son coté, n’entreprend aucun travail d’amélioration fon-cière avec le produit des taxes exorbitantes perçues sur les marchés et les biens de consommation. Il ne construit pas de canaux d’irrigation, ni d’usines d’engrais, non plus de systèmes de crédit ou d’encadre-ment efficaces.

Les méthodes de culture restent archaïques. L’établissement agri-cole à tous les niveaux est de basse productivité. La terre ne nourrit pas son homme. Le nombre des sans terres augmente et aussi l’exode rural. Selon les estimations de Gérald Brisson correspondant aux an-nées 60, plus de la moitié des paysans ne disposaient pas de terres en

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 24

exploitation et 1.15% du fonds agraire appartenant en propriété à l’État et aux grandons occupent 2/3 de la superficie des terres culti-vées.

Cette situation s’est aggravée durant les 3 décennies du duvalié-risme. Dans les régions les plus fertiles particulièrement dans les plaines de l’Artibonite, du Cul-de-Sac et de Léogane, on a assisté à un important mouvement d’accaparement de terres des petits paysans par les macoutes. Le transfert d’un secteur de la propriété agraire des mains de moyens et petits paysans, ainsi que de membres de vieilles familles oligarchiques, aux détenteurs du pouvoir d’État, a provoqué certains changements dans la tenure de la terre. Ces changements n’ont pas pour autant signifié la modernisation des méthodes de culture par des investissements productifs. Ils ont contribué à renfor-cer l’absentéisme, à accélérer l’exode rural, à diminuer la production et les revenus de paysans, à accroître le déboisement et à stimuler la crise de la production agricole.

[18]À cette dynamique, il convient d’ajouter les effets d’une politique

désastreuse des pouvoirs publics. L’insouciance administrative, la routine et l’incompétence des fonctionnaires agricoles, le manque de crédit et de subventions, l’absence d’encadrement technique ont eu pour effet de provoquer la ruine de l’agriculture, le dépérissement des moyennes et petites exploitations.

La domination externe,facteur de déstructuration

L’action des puissances de domination externe s’exerce, par l’en-semble des rapports de dépendance qui lie Haïti aux U.S.A, au niveau des institutions de financement, des investissements - (particulière-ment la sous-traitance) - du marché qui fournit à notre population la plupart des biens de consommation - et dans le cadre d’une totale tu-telle financière exercée par le Fonds Monétaire International et l’Agence Internationale de Développement USAID. Cette action s’ex-primant par la multiplicité des organismes non gouvernementaux dans

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des centaines de "projets" et de "programmes". Elle n’a pas conduit à l’implantation de plantations et d’agro-industries modernes et n’a ap-porté, dans le meilleur des cas, que des résultats localisés de caractère expérimental. Cette intervention multiforme de caractère externe, a plutôt provoqué la déstructuration de l’économie paysanne, la rupture des mécanismes traditionnels d’équilibre, de caractère socio-culturel et macroéconomique.

Par exemple, la liberté de commerce, élevée à son niveau extrême par la contrebande institutionnalisée, a eu des désastreuses consé-quences: elle a causé la ruine de nombreuses exploitations agricoles tel est le cas des producteurs de riz de l’Artibonite, qui ont été inca-pables de soutenir la [19] concurrence de produits introduits dans le pays, libres de droits de douane. Elle a contribué à modifier les mo-dèles de consommation en imposant des produits cosmétiques, type "corn flakes", ou des biens importés qui déplacent les produits de consommation locale traditionnelle. Elle donne lieu au gonflement inconsidéré des importations, alors que les exportations tendent à bais-ser. Le déficit de la balance des importations et exportations, soit la balance commerciale, s’élargit de plus en plus. Les transferts d’argent des haïtiens d’outre-mer, qui permettent de compenser ce déficit sont ainsi déviés de ce qui pourrait être leur fonction de capitalisation et d’investissement productif. Ils alimentent des importations de biens qui pourraient être produits dans le pays.

L’assistance alimentaire des U.S.A., de son côté, en introduisant sur le marché sous la forme de donations de grands volumes de riz, de son de blé, de soya, a eu pour effet de diminuer la demande d’autres céréales, le maïs en particulier, ce qui a contribué à baisser les prix de ces produits et à ruiner les producteurs.

Le cas du cheptel porcin

La portée de l’influence impérialiste, en termes de déstructuration des bases de fonctionnement de l’économie nationale, est illustrée par la politique de destruction du cheptel; ce qui a obéi aux intérêts et in-jonctions du Ministère de l’agriculture des U.S.A, soucieux de la pro-tection du cheptel porcin américain contre la menace représentée par

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les cas endémiques de fièvre porcine africaine en Haïti. L’abattage de près d’un million de cochons créoles avec un plan de repeuplement fondé sur l’importation de porcs "sentinelle" provenant des U.S.A a causé des dommages à l’exploitation agricole et à l’ensemble de l’éco-nomie rurale.

[20]Selon une estimation de l’AID, cette opération d’abattage aurait

causé à la population paysanne des pertes de l’ordre de 12 à 15 mil-lions de dollars. En principe, pour chaque animal abattu, le paysan devait recevoir une compensation de $ 50. En général, cette compen-sation n’a pas été offerte.

En faisant disparaître le porc créole dont l’élevage est peu coûteux, cette opération a réduit considérablement les revenus de l’exploita-tion, et même le contenu de l’alimentation paysanne.

Réalisée sans tenir compte de la précarité des unités agricoles haï-tiennes, elle a imposé un porc dont le coût d’exploitation est si élevé que le paysan perd la possibilité d’acquérir, d’élever et de gérer ce cheptel importé. Or, 85% des ménages ruraux élevaient le porc créole.

Ainsi, le porc est définitivement sorti de l’espace d’exploitation paysanne pour rentrer dans un circuit contrôlé par des commerçants et des capitalistes urbains. L’effet de cette politique se fait sentir de fa-çon catastrophique à tous les niveaux de la vie paysanne. Elle a contri-bué à augmenter les importations d’aliments: son de blé, porc fumé, abats de volaille, tout ce qui pourrait aider à compenser le déficit de viande, puisque le repeuplement porcin qui prévoyait une population de 400.000 porcs au terme de 4 ans (1988) n’a pas pu atteindre ses objectifs.

La disparition du porc créole, en privant le paysan d’un élément d’épargne familiale, a aussi accéléré la destruction de l’écosystème. Désormais, au lieu de vendre un porc pour faire face à un besoin urgent de caractère familial, le paysan abattra, il coupera un arbre frui-tier pour en faire du charbon. Quelques hectares de plus s’ajoutent aux 10 à 15.000 hectares de terre qui s’en vont à la mer chaque année.

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[21]

Ruine de l’agriculture.

Dans ce contexte, la production paysanne, la survie même du pay-san producteur est de plus en plus précaire et menacée. Les structures archaïques de l’agro souffrent de plus en plus de la désorganisation imposée par la dégradation des sols, la diminution des revenus déjà si maigres, les impératifs de la survie, l’émiettement de l’exploitation qui caractérise la tenure agraire (3/4 des fermes ont moins d’un hec-tare), l’incertitude de la propriété, le prix élevé des semences, des ou-tils, des transports. Cette complexe conjonction de causes a conduit l’agriculture à un niveau extrême de crise qui se reflète dans la baisse de la production, l’exode rural, la dégradation des conditions de vie etc.

La crise de la structure agricole, celle de la production et la crise de l’unité de production sont les divers niveaux de la crise du système. De là l’importance de la réforme agraire comme moyen d'augmenter les revenus des paysans, d’élargir le marché interne et d’améliorer les méthodes de travail et de vie rurale, d'assurer le développement de l’économie nationale.

L’unité productrice dans l’industrie

Les caractéristiques de l’unité productrice dans l’industrie sont di-verses:

• La petite industrie, le shop artisanal ou industriel de carac-tère familial employant quelques ouvriers.

• L'entreprise industrielle de capitaux haïtiens produisant pour le marché local

• L’entreprise industrielle du secteur public

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[22]• L’entreprise de sous-traitance produisant pour le marché

extérieur, utilisant des managers haïtiens ou des patrons étrangers.

Les entreprises des trois premiers types sont en général confrontées à toutes les difficultés structurelles et institutionnelles propres de l’économie haïtienne: retard technologique, coûts de production éle-vés, manque de protection et d’encadrement de l’État, favoritisme po-litique, limitation du marché interne. Du fait des bas niveaux de reve-nus de la population et du phénomène de la contrebande, certaines d’entre elles doivent supporter la concurrence des produits étrangers en conditions très désavantageuses. D’autres, appartenant à la grande bourgeoisie, bénéficient à partir de la corruption politique, d’avan-tages monopolistiques qui les assurent des taux de bénéfices exorbi-tants. Ces profits industriels ou commerciaux ne sont pas en général réinvestis dans des activités productives, n’ont pas contribué à la construction d’œuvres d’infrastructure (routes, chemins de fer, éner-gie.) ou des services (hôpitaux - établissements modernes d’enseigne-ment) qui pourraient contribuer au développement économique et au bien-être social de la population. Cette classe n’a d’ailleurs exercé aucune influence sur l’État à son service pour la réalisation de ces œuvres publiques.

L’unité productrice de la sous-traitance, connectée aux avances techniques et financières du capitalisme transnational, introduisit un élément dynamiteur important dans le développement du capitalisme en Haïti. Un élément, cependant, entaché des déformations d’un sec-teur productif qui dépend des seules déterminations du capital étran-ger.

Le drainage des profits maximums vers ce pays implique leur non-réinvestissement dans l’économie nationale.

À part ces établissements industriels plus ou moins modernes, il convient de signaler les entreprises de services. [23] L’unité produc-trice de services (transports - communications - santé - éducation, ali-mentation), est en général très arriérée du point de vue technique et social. Ce domaine reflète le manque d’esprit national et innovateur

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des classes dominantes. Il suffit de se référer à l’école haïtienne, pri-vée et publique, et à tous les degrés d’enseignement, pour capter le lien indissoluble existant et le caractère dialectique des rapports entre le retard du mode de production, et des rapports de production du sys-tème, et l’arriération de l’école, mesurable en ce qui concerne les lo-caux et l’équipement, les méthodes d’enseignement, les manuels. Au-tant, on peut en dire des hôpitaux ou des unités de transports allant jusqu’à la brouette dont l’inefficience est caractéristique de la faible productivité dans l’utilisation du capital humain.

[24]

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[25]

Le système économique haïtien

Chapitre 2LA DE PRODUCTION

NATIONALE

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La production au niveau d’un pays est une condition et une des expressions les plus significatives de son développement.

Il est important de considérer le volume de la production et ses ten-dances en termes de croissance, de composition, de rapport entre pro-duction agricole et production industrielle, de répartition géogra-phique, d’investissement et de réinvestissement, de production pour la consommation locale et de production d’exportation.

Facteurs intervenantdans la production d’un pays

La production d’un pays dépend de plusieurs facteurs :

• Richesses naturelles et conditions géographiques • Son histoire économique, les conditions de sa participation au

marché mondial en fonction des phénomènes de colonialisme et d’impérialisme, son degré d’insertion au marché financier in-ternational.

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• Le développement des rapports capitalistes dans l’économie de ce pays pouvant être caractérisé par l’importance de la classe ouvrière et l’expansion du marché interne.

[26]• Des processus d’accumulation et d’investissement de capitaux

internes et étrangers.• De la politique de l’État dans le domaine fiscal et douanier;

politique de protection ou d’encouragement de nature à stimu-ler ou non la production dans tels ou tels secteurs.

• De la politique de l’État en termes de construction d’œuvres d’infrastructure, destinées à créer de meilleures conditions techniques et pratiques pour la production.

La production est une résultante du processus économique d’orga-nisation du travail et de la mise en exploitation de la terre, et des rap-ports capital - travail.

Elle peut être étudiée du point de vue de sa structure organique et à partir des critères suivants :

• Des investissements qui y sont faits (capital local - capital étranger, valeur de ces investissements) de la technologie ins-tallée, de la valeur de l’équipement, de la composition orga-nique du capital soit le rapport entre le capital fixe (équipe-ment - machine) et le capital variable (main-d’œuvre).

• De la productivité du travail, les coûts de production et le taux de plus-value.

• Du volume et de la spécialisation de la main-d’œuvre. • Du point de vue du volume et de la valeur de la production,

grandeurs qui doivent être considérées dans leur évolution et leur tendance.

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La fonction de l’État, en tant que promoteur du développement a pris avec le capitalisme une importance particulière et constitue un des attributs de l’État capitaliste moderne.

Ce dernier, étant au service du capital, a dû construire ou [27] contribuer à édifier les bases pour le développement du capitalisme. Cette fonction et la politique qui s’ensuit sont connues dans les pays sous-développés sous le nom de développements. L’État au moyen du budget, des impôts, des tâches attribuées aux ministères et organismes spécialisés entreprend de construire :

• Des systèmes de communication: routes, chemins de fer, che-mins vicinaux, circuits maritimes.

• Des systèmes de transports collectifs, interurbains et urbains. • Des réseaux de production et de distribution d’énergie élec-

trique.• Des services d’urbanisation, de drainage, d’eau potable. • Des écoles, établissements techniques, universités. • Des marchés urbains, marchés ruraux.

Autant d’éléments d’infrastructures ou de services publics qui contribuent à créer de meilleures situations pour la production, et à diminuer les coûts de production. Ces éléments sont à la fois des conditions et des indices de développement.

L’économie haïtienne, du point de vue structural et institutionnel, affiche toutes sortes de limites, en ce qui a trait à sa capacité de pro-duction agricole et industrielle. La production étant la base du déve-loppement d’un pays, on comprend donc que notre pays soit très sous-développé. Et ce sous-développement est mesurable en termes absolus et en comparaison avec d’autres pays.

En effet on peut mesurer l’ensemble de la production créée par les unités productives au sein d’un espace économique [28] donné.

Pour cela, on additionne la valeur en prix des biens d’auto-consommation et des marchandises produites par l’artisanat, la

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 33

pêche, les mines, les forêts, l’agriculture et l’industrie ainsi que les services créés et offerts à la population.

Cette totalité, mesurée pour une année, détermine le Produit Interne Brut, (P.I.B), appelé aussi produit social. Son calcul peut être plus ou moins approximatif en fonction des conditions même de la production dans les diverses branches de l’économie, du degré de dé-veloppement des statistiques et de la comptabilité des entreprises et aussi du niveau de technicité de la comptabilité nationale.

Plus un pays est développé, plus il arrive à maîtriser les techniques de quantification de sa production. Et cette maîtrise est un élément indispensable de la politique économique et financière, de l’interven-tion de l’État dans la vie économique, de la planification, des méca-nismes de contrôle des prix, de la monnaie.

La production matérielle et spirituelle d’un pays est un reflet de son développement économique, lequel se répercute dans les do-maines sociaux, culturels, idéologiques et politiques.

Les origines et la compositionde la production

La production peut s’étudier du point de vue de ses secteurs d’ori-gines :

• Secteur primaire: agriculture, pêche, mines et carrières.[29]

• Secteur secondaire ou industriel • Secteur tertiaire: services, commerce, transports, services

publics

Plus un pays est sous-développé, plus est considérable la participa-tion du secteur primaire dans la création de son produit national et plus est élevée sa population économiquement active, entre 14 et 60 ans, qui vit de l’agriculture.

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La production agricole

En Haïti, l’agriculture représente aujourd’hui 33% du P.I.B, alors que durant les années 60 elle représentait plus de 50%.

Cette diminution reflète la croissance des secteurs industriels et de services (et de la production agricole). Les produits d’exportation tra-ditionnels: café, coton, sucre, cacao ont perdu de leur importance, du point de vue de leur production ou de leur valeur marchande. Leur place dans les exportations est passée de 80% durant les années 60 à moins de 40% durant les années 80. Pour ce qui est du café, principal produit d’exportation, il est significatif que la production ne permet pas de couvrir le quota international de 25.000 tonnes. En 1982-1986 la moyenne d’exportation était de moins de 15.000 tonnes.

Les produits alimentaires, pour leur part (maïs, pois, bananes, riz) enregistrent une tendance à la baisse. Les rendements en céréales sont passés de 1.1 tonne par hectare à 0.1 tonne entre 1970 et 1980. Cette diminution des ressources agricoles est consécutive à la crise de la structure agraire, aux relations archaïques de production, à l’érosion, à l’incapacité de l’État. Elle a des conséquences tragiques sur les [29] conditions de vie de la paysannerie qui représente 75% de la popula-tion.

La production industrielle

Plus un pays est développé, plus les secteurs secondaires et ter-tiaires ont une forte participation dans la production globale. La P.E.A (Population Economique Active) correspondant à ces secteurs, est éle-vée de même que les taux d’urbanisation. Parallèlement à cette impor-tance des secteurs II et III, le secteur agricole fait montre d’une très haute rentabilité. Il est ainsi des pays très industrialisés comme les U.S.A et ceux de la Communauté Economique Européenne où l’agri-culture est extrêmement mécanisée.

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En Haïti, l’industrie a montré un certain dynamisme durant les an-nées 70 surtout dans le secteur de la sous-traitance.

Mais l’ensemble de l’appareil industriel demeure terriblement ra-chitique. En 1971, le total de la main d’œuvre industrielle atteignait 120.317 personnes, selon le BIT, en 1988-89, les chiffres varient au-tour de 150.000 (7% du P.E.A); cette situation contraste avec la Répu-blique Dominicaine ou avec les pays les moins développés de l’Amé-rique Centrale, qui ont pu se construire un embryon industriel assurant leur consommation manufacturière élémentaire.

Cependant l’industrie haïtienne a évolué selon 3 lignes de produc-tion.

1. L’agroindustrie

Elle est la plus ancienne, d’origine haïtienne ou étrangère, (Rhum barbancourt - Hasco). Etablie au début de l’occupation américaine, elle a pris récemment un nouvel essor (Famosa, Facolef). Sa crois-sance est rendue difficile par des [30] problèmes d’infrastructure, par la concurrence étrangère, la contrebande et les problèmes même de l’agriculture.

2. L’industrie de substitution d’importation.

Dans ce domaine, le capital haïtien, installé depuis la fin de la 2e Guerre Mondiale, a été rejoint par des intérêts étrangers et par l’État. Ce secteur regroupe les plus importantes entreprises du pays (aciérie, cimenterie, huilerie). Il est partagé entre la grande bourgeoisie locale de caractère cosmopolite, l’État qui a pris le contrôle de certaines en-treprises clés appartenant antérieurement à des investisseurs étrangers et quelques entrepreneurs moyens. Bénéficiant de prix de monopoles sur le marché et d’exonérations douanières, quelques établissements privés de ce secteur ont réalisé de très importantes affaires. Cependant leur initiative dans le domaine productif et du réinvestissement n’a pas progressé au rythme de leurs profits exorbitants qui sont le plus sou-vent expatriés.

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3. Les entreprises de sous-traitance

Les factories qui ont commencé à s’installer en Haïti depuis envi-ron 20 ans produisent exclusivement pour le marché étranger d’où elles reçoivent la matière première déjà partiellement traitée. Elles couvrent la phase de travail intensif des processus de production.

Ces entreprises correspondent à un modèle de division de travail, de production et de services industriels mis en exécution par les com-pagnies transnationales des U.S.A en vue de baisser les coûts de pro-duction et d’augmenter les bénéfices. Ce modèle appliqué à Porto-Ri-co (1940-1960), à Taïwan (1960-1980) et en Corée du Sud 1970-80 se base sur les points suivants :

• Main-d’œuvre à bon marché de ces pays• Absence de syndicat

[32]• Exonération fiscale • Facilités de transports vers les U.S.A • Existence dans le pays récepteur d’infrastructures et de ser-

vices de base, (parcs industriels) qui diminuent au possible les coûts

• Conditions politiques qui garantissent la paix sociale et les profits optimums.

De 1970 à 1986 - sous la garantie de la paix des tombeaux offerte par le duvaliérisme - quelques 300 entreprises de fabrication de jouets, vêtements, et d’articles électroniques ont été installées, créant environ 40.000 nouveaux emplois.

Sous l’effet de la hausse des produits pétroliers et de la baisse de la production agricole qui fit monter les prix des produits de première nécessité, le phénomène de l’inflation fit son apparition durant les an-nées 70. Le salaire minimum d’un dollar par jour, au début des années 70, grimpa à 3 dollars au début des années 80. Dès lors Haïti com-mençait à perdre le bénéfice des coûts comparatifs vis-à-vis de la Ré-publique Dominicaine, du Mexique etc., pays qui, de surcroît, offrent

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des avantages énormes en termes d’infrastructures générales, des coûts d’électricité et de l’ambiance sociale.

Une enquête de février 1981, réalisée par le Secrétariat d’État aux Affaires Sociales et du Travail, sous le contrôle du PNUD et du Bu-reau International du Travail, recense 449 entreprises industrielles à Port-au-Prince, soit 521 usines, si l’on considère qu’un même établis-sement développe plusieurs activités.

Ces entreprises ont les tailles respectives suivantes :

• 33 grandes entreprises de plus de 300 salariés[33]

• 152 moyennes entreprises de 51 à 300 salariés. • 249 petites entreprises de 5 à 50 salariés. • 75 non classifiées (défaut de réponse).

Les principaux secteurs d’activité concernés sont :

• La confection, 28.1%, soit 126 entreprises. • Les produits alimentaires, boissons 22.0%, soit 98 entre-

prises.• Les ouvrages en métaux, les machines et le matériel élec-

trique ou électronique, 12.0%, soit 55 entreprises. • Le bois, le liège (et les fabriques de meubles), 8.9%, soit 40

entreprises.

Les entreprises d’État - cimenterie, minoterie, téléphone - ont été utilisées par la dictature comme un domaine de concussions des hauts fonctionnaires et de distribution de sinécures. Leur gestion peu effi-ciente accrédite la thèse de l’incapacité de l’État à la bonne gestion.

Les moyennes entreprises de la bourgeoisie à vocation nationale, loin de bénéficier d’une politique protectionniste qui leur permettrait de faire face à la concurrence étrangère, sont en butte aux difficultés nouvelles créées par la mainmise étrangère, la contrebande institution-nalisée.

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En 1985, l’industrie d’assemblage avec quelques 40.000 ouvriers répartis dans environ 150 usines, représentait 40% des exportations, soit 210 millions de dollars, dépassant de loin l’industrie du café où travaillent plus de 150.000 producteurs.

[34]Le total des investissements américains en Haïti, placés à 90%

dans le secteur d’assemblage se chiffrait à 70 millions de dollars, pro-cédant de sociétés qui comptent avec des associés et surtout des admi-nistrateurs haïtiens. Les transferts de bénéfices de ces entreprises at-teignent 50 millions de dollars par an selon le rapport de la Banque Mondiale, de juin 1985.

En ce qui concerne les volumes de production de l’industrie, ils reflètent, plus que la valeur de la production, l’évolution maladive de cette branche d’activité. En règle générale, le volume et la valeur de la production industrielle traditionnelle, destinée surtout au marché in-terne, indiquent quelle est l’importance de ce secteur dans la création de la richesse nationale. Cependant, contrairement au secteur de la sous-traitance, qui a cru de façon notoire entre 1970 et 1980, le sec-teur industriel national (aliment, tabac, textiles, chaussures, vêtements, construction et autres) montrait peu de dynamisme comme le si-gnalent ces données fragmentaires de l’évolution de la production. En 1960-61, la participation de ce secteur au P.I.B était d’un total de 260.5 millions soit un 12%. En 1985, l’ensemble du secteur industriel, incluant la sous-traitance représentait 17.2% du P.I.B. et apportait 260 millions de dollars au P.I.B qui atteignait un total de 1.200 millions de dollars.

En tant qu’indicateurs de la croissance réelle du secteur, les vo-lumes de production des biens de grande consommation sont signifi-catifs : le ciment, par exemple, est passé de moins de 100.000 tonnes au début des aimées 60, à 232.000 tonnes en 1976 à 243.000 en 1981 à 221.000 en 1987; le sucre pour sa part est tombée de 52.2 mille en 1976, à 33.0 mille tonnes en 1987.

L’ensemble de la production industrielle destiné au marché interne a vu sa croissance se limiter par l’étroitesse de ce marché et le manque d’encouragement et de protection à la [35] production locale qui doit faire face à une concurrence étrangère bénéficiant de toutes sortes d’avantages. C’est ainsi que durant la période 1960 - 1985, des

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 39

branches entières de production ont disparu. Le cas le plus typique est celui des chaussures. Durant ces dernières années, avec l’institution-nalisation de la contrebande, de nombreux secteurs de production pé-riclitent ou connaissent la faillite.

Le secteur tertiaireet les activités informelles

En Haïti, de façon encore plus accentuée que dans la majorité des pays sous-développés, le secteur tertiaire occupe une place qui ne sau-rait se mesurer en termes de volume de production, mais dont l’impact dans le domaine de l’emploi est notoire. Au total un demi-million de personnes tant bien que mal, y gagnent leur vie. La très basse produc-tivité des informels ne peut souvent que masquer le chômage déguisé qui frappe environ 60% de la population en âge de travailler, chiffrée à 3 millions.

Les traits même de la production agricole de subsistance, qui s’étendent à des milliers de petits exploitants, tendent à se reproduire dans le domaine de la production informelle.

Cette dernière difficilement mesurable est constituée par une infi-nité de micro-entreprises qui, selon le critère de l’OIT, fonctionnent avec moins de cinq employés, un investissement inférieur à 3.000 dol-lars et un chiffre d’affaire de moins de 1.000 dollars. Elles recouvrent des activités artisanales et manufacturières, la construction, les indus-tries extractives et les services. Les méthodes de fonctionnement et de gestion du secteur productif des informels rendent difficile d’en éva-luer la production et leur apport au revenu domestique.

[36]En résumé, le bas degré de développement des forces productives

détermine les niveaux rachitiques de la production du pays, les ef-froyables conditions d’existence, et l’importance du chômage et de l’émigration. Le modèle d’accumulation ne favorise guère la repro-duction élargie du secteur productif soit la création de nouvelles in-dustries, la modernisation de l’agriculture, l’équipement de l’écono-mie nationale. Les transferts des émigrés, assimilables au louage ou à

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la vente de services, apportent en Haïti plusieurs centaines de millions de dollars et distribuent des pouvoirs d’achat au sein de la population. Ces deux sortes de ressources invisibles pénètrent très peu, en tant que capitaux investis, dans le circuit productif. Il en résulte pour Haïti une nouvelle forme d’articulation dépendante du capitalisme des U.S.A. qu’il convient d’étudier avec ses répercussions sur la composition de classes et sur les phénomènes de pouvoir.

Pour sa part, le trafic de drogue passant fortement par Haïti consti-tue une source de revenus considérables qui est concentrée et nourrit des fortunes colossales. À la différence de ce qui ce passe dans d’autres pays, ces ressources ne sont pas investies dans la production touristique et industrielle. Elles grossissent les liquidités inutilisées du système bancaire et des placements de luxe...

La commercialisation des produits agricoles est réalisée par des milliers de vendeurs, "madam sarahs" et revendeurs qui constituent et reproduisent une chaîne interminable conduisant à un micro com-merce aux revenus minuscules. Une chaîne de plus en plus tenue, de commercialisation des biens importés provenant de la contrebande, a donné lieu à la multiplication des réseaux informels à partir des 300 kms de frontière avec la République Dominicaine, des voies aériennes provenant de Panama, de Curaçao, de Porto-Rico et surtout d’une vé-ritable flotille de bateaux venant de Miami. Ce commerce informel, dont les chiffres d’affaires demeurent [37] incalculables, offre de l’emploi à des milliers de détaillants qui gagnent quelques gourdes par jour.

Production nationaleet production per capita

La valeur de la production des secteurs primaires, secondaires, et tertiaires, additionnée durant une année, définit le produit interne brut (P.I.B), soit la somme des biens et services créés durant une année par une économie nationale déterminée. Le calcul du P.I.B tient compte de la valeur ajoutée, comptabilise et déduit du total de la production la valeur des entrants (matières premières, énergétiques) correspondant aux diverses phases du processus productif.

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Le produit national brut (P.N.B)

Le produit national brut est égal au P.I.B, plus la balance positive ou négative des paiements nets à effectuer en termes de la différence entre les revenus des non-résidents et étrangers en Haïti ceux des rési-dents haïtiens venant de l’étranger. Le produit interne par tête d’habi-tant mesure le rapport entre la valeur totale de la production et la po-pulation d’un pays. C’est un indicateur qui permet de comparer le ni-veau de production et par conséquent de développement d’une écono-mie nationale par rapport à une autre.

[38]

Le P.N.B.comme indicateur de développement

L’indice de production nationale per capita est un indicateur utile pour la comparaison du niveau de développement général d’une socié-té par rapport à une autre ayant les mêmes structures globales, le même profil sociologique, par exemple entre Haïti et Honduras, la République Dominicaine ou la Jamaïque, entre Haïti et le Sénégal.

L’indice de production nationale reflète très peu la réalité des dif-férenciations économiques existant entre 2 nations à régimes sociaux différents. Entre Cuba et Porto-Rico, aucune comparaison n’est pos-sible. Le produit per capita n’est guère fiable pour caractériser la réali-té du développement entre 2 pays à régimes sociaux différents comme la Belgique et la Tchécoslovaquie. L’un présente les inégalités de re-venus propres au capitalisme; l’autre, une distribution de revenus dans sa population plutôt égalitaire. L’un dispose de plus de sources d’ac-cumulation externe de caractère colonial et néocolonial, ce dont ne bénéficie pas l’autre.

Le P.N.B par habitant n’illustre pas les différences sociales et ré-gionales existant au sein d’une même société. En effet, il n’exprime

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pas les différences de revenus entre les couches les plus riches, les millionnaires et les démunis.

De même dans un espace national déterminé, une activité écono-mique, par exemple l’industrie, le secteur minier, peut présenter une croissance sectorielle remarquable, alors que l’agriculture reste très retardée. Une région, par exemple le Nord-Est du Brésil, montre un sous-développement productif extrême aussi marqué qu’Haïti contras-tant avec le niveau de modernité et de productivité de la région de Sao Paulo qui est comparable aux U.S.A.

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[39]

Le système économique haïtien

Chapitre 3LA PRODUCTION

AU NIVEAUINTERNATIONAL

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La richesse des nations relève du volume et de la valeur de la pro-duction qu’elles réalisent dans les diverses activités: mines, pêches, agriculture, industrie et services. Ce volume et cette valeur s’ex-priment aussi en termes de productivité du travail, laquelle traduit des acquis technologiques et l’organisation sociale du travail dans cette société.

La production nationale se répercute au plan international par la capacité d’échange commercial qu’elle génère à partir de l’exportation des richesses produites au-delà du pouvoir de consommation du pays. Cette capacité d’expansion commerciale permet à un pays d’acquérir des devises étrangères et d’effectuer des échanges avec d’autres pro-ducteurs en fonction des réalités de la division internationale du tra-vail.

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Développement et sous-développement

La capacité d’organiser et d’accroître la production rend compte de la force d’un pays et des moyens à sa disposition pour procurer des niveaux de vie et de revenus croissants à l’ensemble de sa population; les résultats dans ce domaine ensuite des richesses au sein de la socié-té.

Ce critère est valide pour tous les pays, quelque soit leur régime économique et social. Dans les pays capitalistes sous-développés et dépendants qui appartiennent au tiers-monde, cette réalité s’exprime à partir du volume limité de [40] la production, de la basse productivité du travail et des retards technologiques. Le sous-développement est avant tout sous-développement des forces productives, sous-dévelop-pement de la capacité productive. Et cette cause première (de carac-tère historique - structural), cette détermination économique, se réper-cute à toutes les instances de la vie sociale, politique et culturelle de ces sociétés. Cette relation de cause à effet crée de nouveaux facteurs de conditionnement, d’approfondissement et de reproduction du sous-développement et rend particulièrement difficile la rupture du cercle du sous-développement.

Le sous-développement est un concept apparu dans les sciences sociales après la seconde guerre mondiale et qui se réfère à la condi-tion structurelle ainsi qu’aux caractéristiques de la production, de la distribution, de l’échange et de la consommation de certaines sociétés... Le sous-développement est produit de la dépendance, et est accompagné de fortes déformations sociales ainsi que de déséquilibres typiques (ville, campagne, modernité, archaïsmes). Ces réalités struc-turales se reflètent au plan social, politique et psychologique. La faible capacité productive naît à la fois du manque de capital productif, du faible rendement du travail humain, de la non utilisation des res-sources naturelles, du retard technique. Les biens disponibles à la po-pulation sont limités et nettement en-dessous de leurs besoins les plus élémentaires. Les bas niveaux l de consommation et d’existence de ces populations accusent un véritable abîme par rapport aux pays dé-veloppés...

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Le sous-développement et ses conséquences sur toutes les ins-tances est la résultante d’un processus historique au centre duquel s’est trouvée la domination coloniale et impérialiste. La plupart des pays aujourd’hui sous-développés qui forment la majorité de la pla-nète ont été des colonies.

La colonisation, la dépendance constituent la matrice du sous-dé-veloppement des nations d’Amérique Latine, d’Asie [41] et d’Afrique et aussi celle du développement des pays dominants. L’exploitation de ces nations, de leurs ressources naturelles et de leur main-d’œuvre a constitué la source fondamentale de l’accumulation à l’échelle mon-diale des pays capitalistes aujourd’hui développés qui ont tiré profit des pays dépendants et les ont maintenus dans le sous-développement.

Ce processus de drainage des ressources des pays dépendants vers les métropoles prend des formes multiples: exploitation des ressources naturelles, bas salaires à la main-d’œuvre, surprofits commerciaux sur les prix des produits d’exportation, exportation de dividendes, taux usuraires des intérêts de la dette externe etc... Ainsi l’accumulation d’origine externe représente une source de capitalisation de première importance pour les compagnies capitalistes, les corporations multina-tionales et les sociétés capitalistes.

La compréhension de cette réalité historique et structurale éclaire sur la dynamique du monde contemporain, le développement inégal entre les nations, et sur les différences croissantes qui se sont créées entre les pays capitalistes développés et les pays capitalistes dépen-dants, en termes de capacité productive, d’opportunités de consomma-tion et de niveaux de vie.

Ce rôle de la colonisation et de l’expansion impérialiste, en tant que facteur d’accumulation de capital des pays capitalistes, qui contri-bue, en plus de l’accumulation interne, à augmenter les volumes de profits des nations dominantes, a été signalé par Marx et étudié au dé-but du siècle par Lénine.

Ces dernières décennies, des économistes et sociologues du tiers monde ont contribué grandement à la connaissance de cette probléma-tique. Ils ont souligné comment la pauvreté, l’exploitation des oppri-més ont servi à l’enrichissement, à [42] l’opulence et au sur-dévelop-pement des nations dominantes.

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Parmi les chercheurs qui ont renforcé ces thèses par des études théoriques et pratiques retenons:

• Le trinidadien Eric Williams (CAPITALISME ET ES-CLAVAGE, en 1944), qui a étudié le rôle de l'esclavage aux Antilles.

• Les sociologues latino-américains des théories de la dépen-dance et de l'impérialisme : André Gunder Frank, Ruy Mauro Marini, Pablo Gonzalez Casanova.

• L'économiste égyptien Samir Amin qui a enrichi la question avec ses travaux sur l’accumulation à l'échelle mondiale.

• L'économiste guyanais Walter Rodney, avec son ouvrage COMMENT L ’EUROPE SOUS-DÉVELOPPA L’AFRIQUE.

Cette vision objective de l’évolution historique éclaire la dyna-mique de l’économie internationale marquée, comme on le sait, par l’existence de 3 grandes catégories de pays qui se différencient entre eux par leur structure productive, leur niveau technologique, le genre de distribution de la richesse et de vie sociale les caractérisant.

Les pays capitalistes développés

Les pays d’Europe Occidentale, les États-Unis, le Canada, l’Aus-tralie et le Japon ont en commun des traits de caractère structural qui leur donnent une certaine homogénéité. Ce sont des pays dont l’éco-nomie repose sur la propriété privée des moyens de production. Ce caractère privé de la propriété [43] prend des formes multiperson-nelles, s’agissant des sociétés anonymes. La propriété privée de ces entreprises et des compagnies multinationales fonctionne à partir de centaines, de milliers d’actions. L’actionnaire ou le groupe d’action-naires qui contrôle la majorité des actions détient le pouvoir de déci-sion découlant de cette propriété. Dans les pays capitalistes avancés, l’opposition d’intérêts entre le capital-travail constitue la principale contradiction sociale.

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Cependant, cette contradiction a été neutralisée historiquement par les acquis de la lutte des classes, les besoins de rationalisation de la production et les caractéristiques des relations internationales.

Dans le domaine de la production industrielle ou agricole, la tech-nologie de pointe et la rationalisation de l’organisation du travail se traduisent en haute productivité et dans l’efficacité des services: com-merce, administration, enseignement, santé publique, en termes d’ac-cumulation et de concentration financière. Tous ces traits s’expriment au niveau de la capacité productive de ces pays qui leur assure un pouvoir économique mondial.

Selon des données de 1985, le revenu annuel per capita de l’Alle-magne était de 10.940 dollars, celui du Japon de 11.300, du Canada 13.680, de la Norvège 14.370, des U.S.A de 16.690. La tendance à la croissance de ce per capita est constante et notoire dans ces pays.

Les sociétés financières, industrielles ou commerciales de ces pays, connues sous le nom de sociétés multinationales ou de corporations transnationales, réalisent des transactions fabuleuses et accumulent des bénéfices énormes. En 1981,27 sociétés géantes multinationales avaient un chiffre d’affaire supérieur au billion (un million de mil-lions) de dollars. L’expansion de ces sociétés, en dehors de leurs terri-toires nationaux, se fait au moyen de filiales et d’autres entreprises qui leur ouvrent l’accès aux matières premières, [44] au marché de consommation, à la main d’œuvre maigrement rétribuée des pays dé-pendants. Ces compagnies drainent vers les sociétés mères et les pays riches des profits considérables de sources extranationales.

L’accumulation de capital dans ces pays se fait donc de façon com-binée au sein de leur espace territorial et multinational capitaliste par l’exploitation déguisée des masses travailleuses. Ainsi, dans les pays dépendants, les populations sont dépouillées de l’excédent écono-mique qui pourrait contribuer au bien-être et au développement de ces pays.

Cette dynamique nourrit donc et reproduit le pouvoir économique et le développement technologique de ces sociétés qui, regorgeant de richesses, déversent sur le marché international et en particulier, dans ces pays capitalistes sous-développés, des volumes extraordinaires de marchandises avec de nouvelles retombées de profits.

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Les pays sous-développés

Du capitalisme, soit les pays d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique la-tine forment l’ensemble connu sous le nom de tiers monde. Sous ce dénominateur commun qui réunit plus d’une centaine de pays repré-sentant plus de 3 des 4 milliards d’êtres humains qui peuplent la pla-nète, se cachent bien des différences en termes de niveau de dévelop-pement des forces productives et de conditions sociales et écono-miques.

Certains pays ont atteint un niveau de développement remarquable, en ce qui concerne leur capacité financière et technique de production industrielle et agricole et de reproduction de la technologie. Tels sont les cas du Brésil, du Mexique, de l’Argentine, de Corée du Sud et Tai-wan en Asie. On les appelle les nouveaux pays industriels. Cette dé-nomination met en relief les traits les plus visibles de la [45] structure et de la croissance de ces pays durant les dernières décennies... Elles cachent cependant les faiblesses historico-structurales de ce dévelop-pement, et surtout son caractère dépendant. En effet, même si le capi-tal national a joué ou joue un rôle important dans les développements de ces pays, le poids du capital impérialiste, transnational se reflète dans leur production et leur structure sociale. En fait, l’économie de ces pays est contrôlée par le capital étranger, installé dans les princi-paux secteurs de la production: les mines et les matières premières - les manufactures - les secteurs de technologie avancée, le marché de consommation interne, les banques et les finances. La dette externe est un puissant élément de cette domination.

Cette situation de dépendance structurale rend particulièrement vulnérable à la décapitalisation au bénéfice du centre. La crise de la dette externe des pays du tiers-monde a mis en relief cette faiblesse. Les pays les plus riches, les plus développés du tiers-monde sont ceux dont la dette externe est la plus élevée. D’un total de 430 milliards en 1989, la dette du Brésil est de 150 milliards, celle du Mexique de 100 milliards, celle d’Haïti est de 800 millions.

Le développement prodigieux de certains secteurs de l’économie de ces pays, leur avance technologique, les immenses ressources fi-

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nancières que représentent les emprunts qu’ils ont reçus et les inves-tissements directs du capital impérialiste, tout cela ne leur a pas per-mis d’atteindre une réelle souveraineté économique. Ils n’ont pas pu éviter de sombrer dans la crise, le sous-emploi accentué, la dévalua-tion. Ils sont incapables de rembourser leur dette externe et de soutenir leur croissance économique ou leurs acquis sociaux. Cette situation illustre comment le sous-développement n’est pas une étape antérieure au développement. L’essor conjoncturel de telle ou telle économie nationale sous-développée ne permet pas de résoudre les graves pro-blèmes historico-structurels ni les déformations [46] et inégalités in-ternationales qui sont au centre de la contradiction entre développe-ment et sous-développement.

Cette réalité s’est imposée de plus en plus aux nations du tiers-monde, surtout à partir des années 60. Cette baisse constante des prix des matières premières exportables, la hausse des prix des produits manufacturés, la problématique i de la dette extérieure (boulet de for-çat des pays du tiers monde) ont renforcé la conscience des gouver-nants de la nécessité d’un nouvel ordre économique international.

De l’époque de l’après-guerre où l’aide extérieure paraissait la pa-nacée, on en est arrivé au développementalisme qui prône l’action de l’État comme promoteur du développement. Des politiques chaque jour plus autonomes sont mises en marche, revendiquant l’action pro-motrice de l’État, l’ouverture des rapports commerciaux et écono-miques avec les pays socialistes, des réclamations pour la renégocia-tion, un moratoire ou même le non-paiement de la dette extérieure.

Cette recherche de nouvelles voies vers le développement intégré et autonome est confronté à l’emprise du capital financier du F.M.I et à d’autres réalités inhérentes au capitalisme actuel, soit la révolution scientifique et technique, la notoire polarisation de l’économie qui rend les pays riches plus riches et les pauvres encore plus pauvres. Dans ce contexte les inégalités mondiales s’approfondissent et cela s’observe dramatiquement au sein des pays sous-développés dont la gamme devient plus vaste et la misère plus profonde.

Cette gamme des pays sous-développés est très large. Elle couvre, "les nouveaux pays industriels", qui, malgré leurs progrès, leur moder-nité réelle et leur capacité productive affichent des déséquilibres éco-

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nomiques et sociaux internes importants et s’étend jusqu’aux pays les plus démunis de la planète.

[47]Cette dernière catégorie de pays qui réunit 36 pays d’Asie et

d’Afrique est désignée parfois comme le 4e monde. Toutefois, ce titre, permet difficilement, d’évaluer l’ampleur de la

brèche entre ces pays totalement arriérés du point de vue des requis scientifiques, techniques et civilisateurs du monde actuel; il permet de distinguer les pays qui se trouvent à un niveau d’extrême pauvreté de la moyenne des autres pays sous-développés. Leur revenu annuel par tête d’habitant est inférieur à 250 dollars, soit approximativement à 50 fois moins que la moyenne des pays développés.

L’éloquence des chiffres ne traduit cependant pas la réalité du tun-nel de détresse séparant par exemple Haïti de la Jamaïque, de l’Équa-teur ou de la Côte d’ivoire, et qui éloigne la grande majorité des habi-tants de la planète des sociétés opulentes.

Les pays réunis dans cette catégorie sont des nations récemment sorties du colonialisme. Haïti et l’Éthiopie sont les seules nations de ce groupe qui ne soient pas de nouvelles venues dans le rang des na-tions indépendantes. Haïti est le seul pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes qui appartienne à ce sous-groupe.

Cette réalité historique et comparative qui se projette sur notre fu-tur, souligne la faillite des classes dominantes haïtiennes et met en cause notre capacité comme peuple à résoudre le défi du sous-déve-loppement.

Les pays socialistes

Les pays socialistes représentent une gamme très large de pays à économie collectivisée qui accusent des différences notoires en ma-tière de développement productif, technologique et de conditions de vie; différences qui ont pour point de départ les conditions même de la transition au socialisme.

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Gérard Pierre-Charles, Le système économique haïtien. (1991) 51

[48]Le niveau de revenu per capita des pays socialistes est en général

moins élevé que celui des pays développés du capitalisme. Cependant ces pays sont en avance par rapport à ces derniers du point de vue des bénéfices sociaux: sécurité dans l’emploi, de l’assurance maladie, fa-cilités généralisées dans les domaines de la culture, de l’éducation et des sports.

L’Union Soviétique, la République Démocratique Allemande at-teignent dans certains secteurs des niveaux de développement techno-logique égal ou supérieur aux pays capitalistes les plus avancés. Ils affichent de très faibles contrastes de revenus au sein de leur popula-tion où tout le monde jouit des mêmes opportunités.

Les autres pays de l’Europe de l’Est n’ayant pas encore atteint les niveaux des pays précités offrent des acquis remarquables qui leur ont permis, dans de nombreux domaines, de combler leur retard séculaire par rapport à l’Europe Occidentale. Des pays tels que la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord qui montraient par rapport à l’Occident, un retard millénaire, ont fait à partir de l’option socialiste, des bonds prodigieux dans la science, la technique. Les différences de niveaux de vie ou en terme de qualité de la vie dans ces pays, ne correspondent en aucun cas au sous-développement et à la misère.

Cuba, pour sa part, dans l’hémisphère occidental, accuse aussi des progrès très nets par rapport aux autres pays de l’Amérique Latine et dans divers domaines - santé - éducation - le pays s’est mis au pas des avances les plus notoires de notre temps, ceci malgré les conditions particulièrement difficiles créées par le blocus économique et com-mercial, exercé contre ce pays par les U.S.A. et ses principaux alliés. Les pays socialistes ont en commun la propriété sociale des moyens de production, l’équité dans la distribution des richesses, et les mé-thodes de planification du développement économique.

[49]Leur développement économique ne s’est opéré au détriment d’au-

cun autre pays. L’accumulation de capital dans ces pays, qui leur a permis d’édifier la base d ’une économie moderne (une industrie avancée) et d’offrir à leur peuple des conditions de vie meilleure, s’est fondée sur la socialisation des moyens de production, la rationalisa-

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tion extrême des ressources productives, l’austérité et des restrictions correspondant aux premiers temps, ainsi que sur la coopération socia-liste au cours de ces décennies de constitution d’un système mondial.

Les pays socialistes ne participent pas comme bénéficiaires au pro-cessus d’accumulation à échelle mondiale par lequel les pays capita-listes développés, aujourd’hui et depuis des siècles pompent la sueur et le sang des populations d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie. Leur relation avec les pays du tiers monde ne s’inscrit pas dans l’his-toire de la colonisation, ni dans la dynamique de la néocolonisation et de l’exploitation impérialiste. Ce sont des rapports d’échanges basés sur la négociation et l’intérêt réciproque.

Haïti n’a jamais développé ces rapports d’échanges avec les pays socialistes. L’achat de quelques rares produits manufacturés - voitures Lada, vaisselles ! - représente un volume insignifiant du total des rela-tions commerciales de notre pays.

[50]

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[51]

Le système économique haïtien

CONCLUSION

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Le système économique haïtien, tel que caractérisé par sa base pro-ductive, porte les traits typiques de l’arriération, du sous-développe-ment des forces productrices, facteurs qui définissent le retard global de la société dans tous les domaines de la vie.

Durant plus d’un siècle, cette base productive et le système qu’elle soutient ont pu assurer tant bien que mal, leur reproduction au moyen de l’oppression économique et politique des masses. Mais déjà, à par-tir de 1910, la crise du système s’est fait sentir, se reflétant par le ma-rasme économique et social et l’instabilité politique qui ouvre l’ère des gouvernements provisoires.

L’intervention et l’occupation impérialistes des U.S.A (1915-1934) ont prétendu moderniser les structures productives. La greffe sur un organisme économique et social archaïque d’un secteur moderne de plantation et d’institutions étatiques n’a pas eu l’effet de moderniser réellement et moins encore de transformer ces structures.

La domination des U.S.A sur l’économie haïtienne s’exerçant dans les domaines de plus signification économique (les plantations su-crières, le commerce, la banque) a assuré à la puissance dominante le prélèvement, à des fins d’accumulation, d’une partie des maigres ri-chesses haïtiennes. Cette politique se poursuit aujourd’hui, à partir de l’industrie d’assemblage et de multiples autres formes qu’adoptent les relations de dépendance, lesquelles n’ont pas agi dans le sens de l’ex-pansion du capitalisme moderne en Haïti.

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[52]La base productive haïtienne reste donc déterminée par les rapports

de production précapitalistes qui règnent sur le secteur le plus impor-tant de notre économie. Les rapports de production capitalistes dans la campagne demeurent donc limités. Les volumes de production ainsi que les niveaux de productivité restent très bas. L’industrie pour sa part marque très peu de dynamisme. Le secteur d’assemblage le plus prometteur est limité dans son essor par des facteurs structurels (manque d’infrastructures, cherté des services de transports et d’élec-tricité et du coût de la vie) qui augmentent les coûts de production et compromettent la compétitivité du pays, laquelle est fortement ébran-lée par la crise sociale. D’autre part, l’industrie produisant pour le marché local fait montre, en plus des limites antérieures, des difficul-tés nées de la contrebande et de la réduction du marché local.

La base productive du système économique haïtien est donc com-promise par toute la dynamique du système telle que définie par le niveau et le profil de distribution des revenus, par toute la structure de l’échange national et international, par le marché des devises et de la monnaie. Cette base se reflète dans les domaines de la vie sociale, culturelle et politique du pays.

Malgré le travail opiniâtre de la paysannerie, l’effort productif de la nation ne l’a pas introduite dans une dynamique d’accumulation, de reproduction et d’élargissement de la base productive au moyen de l’investissement, de la modernisation des équipements, de la mise en exploitation de nouvelles terres, de rapports modernes de production, de progrès en un mot... Les valeurs produites, au-delà des frais de pro-duction qui sont susceptibles d’être capitalisés, sont drainées hors du circuit d’investissement productif par la rente de la terre et autres spé-culateurs et exportateurs. Une partie de ces valeurs produites est aussi canalisée au moyen des impôts et autres formes de spoliation par l’État qui [53] reçoit plus de 50% de son budget des producteurs agri-coles...

Une dynamique, tout aussi spoliatrice de prélèvement des valeurs produites par l’industrie est opérée par les patrons nationaux et étran-gers qui n’investissent pas leurs profits dans le pays; sans mentionner les gains exorbitants des gros intermédiaires. Voici donc les causes

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profondes du retard du pays, de sa faible capacité productive, du sous-développement extrême qui condamne la majorité à la misère absolue.

Le système productif du pays est donc incapable, dans ses struc-tures actuelles, de générer un processus de développement. Confronté depuis quelques décennies à l’épuisement des sols, l’érosion, le manque de modernisation de l’agriculture, la croissance de la popula-tion, il a conduit la nation à la spirale de la misère extrême.

Face à cette situation, les institutions étatiques manifestent une évi-dente incurie... Les ministères de l’agriculture, des finances, du com-merce et de l’industrie traditionnellement n’ont rien pu faire pour frei-ner les tendances à la dégradation et impulser un processus de déve-loppement. L’État, de par ses fonctions parasitaires et prédatrices, n’a montré ni la vocation, ni la capacité développementiste requise. Ceci caractérise, depuis la 2e Guerre Mondiale, les pays de l’Amérique La-tine et des Caraïbes.

Pour toutes ces caractéristiques structurales et institutionnelles (no-tamment les fonctions historiquement exercées au bénéfice des pro-priétaires fonciers, de la bourgeoisie d’entreprise, du capital étranger, et de l’État) - la base productive du système économique haïtien est incapable d’assurer le développement économique ainsi que les be-soins et aspirations de la nation. Cette base et ses articulations au ni-veau de la répartition de l’échange et de la consommation condamnent [53] notre pays au sous-développement extrême et à la pauvreté abso-lue des masses. C’est pourquoi, le changement de système est un im-pératif "Sine qua non" du développement national.

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Le système économique haïtien

ANNEXES

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Tableau 1

Haïti: produit intérieur brut par principaux secteurs aux prix du marchéRetour au sommaire

Million de gourdes 1980%

19871985 1986 19801987

Produit intérieur brut 6.976 7.016 6.974 100.0

Total partiel des biens 3.835 3.832 3.802 59.5

Agriculture 2.325 2.381 3.381 34.1

Industrie d’extraction 8 7 7 0.1

Industrie manufacturière 1.049 1.018 985 14.1

Construction 453 426 429 6.2

Total partiel des services de base 187 194 201 2.9

Electricité, gaz et eau

Transport, stockage et com-munications.

Total partiel des services divers 2 675 2.680 2.656 38.1

Commerce 1228 1.198 1.102 15.8

Gouvernement 785 805 882 12.6

Autres 662 677 674 4.0

Ajustement 279 310 315 1.6

Source: CEPAL, sur la base de chiffres communiqués par l’IHSI, 1988.

** Chiffres provisoires.

Les prix du marché se référant aux prix courants pour chaque année, et qui re-flètent l’inflation et autres facteurs d’augmentation du coût de la vie. Les prix constants sont calculés en défalquant les augmentations des prix et les diminu-tions de la valeur de la monnaie.

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Tableau 2

Haïti  : principaux indicateurs économiquesRetour au sommaire

Indicateurs de base

1981 1985 1986 1987

Produit intérieur brut aux prix du marché (millions de dollars à prix constants de 1980)

1,239.8 1,2153 1,2223 1215.0

Population totale (Millions d’habi-tants)

5.5 5.9 6.0 6.1

Produit intérieur brut par habitant (dollars de 1980)

225.4 206.0 203.7 198.6

Source: CEP AL, Rapport économique sur Haïti, 1987

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Tableau 3

Haïti : indicateurs de la production agricole et de l’élevage(En million de dollars de 1970)

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1985 1986 1986

Production des principales cultures d’exportation

Café 42.9 36.9 37.8Coton 5.9 8.0 8.4Cacao 3.4 5.1 5.6

Production des principales cultures de consommation interne

Riz 124.1 124.2 129.2Maïs 186.4 186.2 196.3Sorgho 125.2 121.4 119.2Haricots 52.6 47.6 48.2Bananes 519.7 510.4 525.4Canne à sucre 5 640.8 5727.5 5772.5

Indicateurs de l’élevage

Viande 69.4 68.8 73.8

Tableau 4

Produit interne brut par habitant(En million de tonnes)

1970 1975 1980 1985 1986 1987

Haïti 197 215 258 225 224 217

Jamaïque 1602 1569 1213 1105 1116 1162

République dominicaine 742 1011 1130 1092 1100 1161

Cuba - - 1965 2681 2684 2553

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Le système économique haïtien

BIBLIOGRAPHIE

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Rapport économique sur Haïti, CEPAL, 1985.Haïti: étude du secteur urbain, banque mondiale, 1979.Les relations agraires dans l’Haïti contemporaine, Gérald Bris-

son, 1969.Aide à la migration, Dewin Joseph et David Kinley, CIDHICA,

Montréal 1988.Les racines du sous-développement. Benoit Joachim, prix Henri

Deschamps, Port-au-Prince 1985.La bourgeoisie nationale, une entité controverse, Alix Lamaute,

inédit.Le commerce du café en Haïti, Christian Girault, Edition du

c.n.r.s., paris 1984.L’économie haïtienne, Paul Moral, imprimerie nationale, Port-au-

Prince 1959.Le paysan haïtien, Paul Moral, Maisonneuve et Larose, Paris

1964.L’économie haïtienne et sa voie de développement, Gérard Pierre-

Charles, Maisonneuve et Larose, paris 1967.

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Haïti: radiographie d’une dictature, Gérard Pierre-Charles, le natal, Port-au-Prince 1986.

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Responsable de publication: Suzy CastorConception graphique: Nicole Rochette

Assistant: Rony MillienPhotos de la couverture: Jean-Yves Urfié

Dépôt légal à la Bibliothèque Nationale d’HaïtiNo. 91-09-115,4ème trimestre 1991

CRESFED14, Rue Camille Léon, BoisVerna, Port-au-Prince, Haïti (W.l.)

B.P. 15294, P.V. Haïti (W.l.)Tél: 45-0185 / FAX: 45-2099

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