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REVUE FORESTIERE FRANÇAISE 425 LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ÊTRE UN TRACTEUR AGRICOLE ? Depuis ces dernières années, et principalement depuis 1946, le tracteur agricole qui était à l'origine une « automobile champêtre », a évolué peu à peu vers des formes mieux adaptées à son travail spécifiquement agricole et est devenu un organe moteur-porteur- propulseur d'outils aratoires. Sa forme ja évolué en conséquence et s'est éloignée peu à peu de la disposition classique: moteur sur les roues avant directrices, boîte de vitesse et pont propulseur arrière pour devenir une sorte de châssis automoteur sur lequel se fixent les outils. Au point de vue forestier, l'évolution n'a pas été aussi spectacu- laire, la plupart des constructeurs se sont contentés de mettre un treuil à l'arrière de leur tracteur et cette adaptation hâtive terminée, de baptiser leur engin de « tracteur forestier ». Un tel appareil peut-il rendre les services que Ton attend de lui en forêt ? C'est pour répondre à cette question que les Nations Unies, par le canal du Comité Mixte des Techniques de Travail en Forêt et de la Formation des Ouvriers Forestiers, émanation de la Commission Economique pour l'Europe (E.C.E.) et de l'Organisa- tion pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) ont décidé de faire une enquête parmi les Techniciens des divers pays que ce problème intéresse. Les résultats de cette enquête ont été publiés en mars 1953 dans un rapport intitulé « Les Critères Forestiers et l'Outillage pour les Tracteurs » dont une nouvelle édition revisée et complétée a paru en décembre 1955, sous la référence FAO/EFC/LQG 28 — rev. 1. (Office Européen des Nations Unies, Palais des Nations - Genève). En juin 1955, cette étude a fait l'objet d'une conférence avec projections, à la Société des Ingénieurs de l'Automobile ; cette con- férence s'intitulait : « Le tracteur forestier peut-il être un tracteur agricole ? » et le présent compte rendu est un résumé de cet exposé. Pour savoir si le tracteur forestier type tracteur agricole muni d'un treuil peut rendre de réels services en forêt, il convient avant tout de préciser quels sont les travaux que l'utilisateur demande à un tracteur lorsqu'il le fait travailler en forêt. Dès l'abord, il convient de faire observer qu'un tracteur qui pé- nètre en forêt n'y est pas obligatoirement employé à débarder du

LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ÊTRE UN TRACTEUR AGRICOLEdocuments.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/27209/RFF_1956_6… · leur effort de traction en fonction du terrain considéré

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REVUE FORESTIERE FRANÇAISE 425

LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ÊTRE UN TRACTEUR AGRICOLE ?

Depuis ces dernières années, et principalement depuis 1946, le tracteur agricole qui était à l'origine une « automobile champêtre », a évolué peu à peu vers des formes mieux adaptées à son travail spécifiquement agricole et est devenu un organe moteur-porteur-propulseur d'outils aratoires.

Sa forme ja évolué en conséquence et s'est éloignée peu à peu de la disposition classique: moteur sur les roues avant directrices, boîte de vitesse et pont propulseur arrière pour devenir une sorte de châssis automoteur sur lequel se fixent les outils.

Au point de vue forestier, l'évolution n'a pas été aussi spectacu­laire, la plupart des constructeurs se sont contentés de mettre un treuil à l'arrière de leur tracteur et cette adaptation hâtive terminée, de baptiser leur engin de « tracteur forestier ».

Un tel appareil peut-il rendre les services que Ton attend de lui en forêt ? C'est pour répondre à cette question que les Nations Unies, par le canal du Comité Mixte des Techniques de Travail en Forêt et de la Formation des Ouvriers Forestiers, émanation de la Commission Economique pour l'Europe (E.C.E.) et de l'Organisa­tion pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) ont décidé de faire une enquête parmi les Techniciens des divers pays que ce problème intéresse.

Les résultats de cette enquête ont été publiés en mars 1953 dans un rapport intitulé « Les Critères Forestiers et l'Outillage pour les Tracteurs » dont une nouvelle édition revisée et complétée a paru en décembre 1955, sous la référence FAO/EFC/LQG 28 — rev. 1. (Office Européen des Nations Unies, Palais des Nations - Genève).

En juin 1955, cette étude a fait l'objet d'une conférence avec projections, à la Société des Ingénieurs de l'Automobile ; cette con­férence s'intitulait : « Le tracteur forestier peut-il être un tracteur agricole ? » et le présent compte rendu est un résumé de cet exposé.

Pour savoir si le tracteur forestier type tracteur agricole muni d'un treuil peut rendre de réels services en forêt, il convient avant tout de préciser quels sont les travaux que l'utilisateur demande à un tracteur lorsqu'il le fait travailler en forêt.

Dès l'abord, il convient de faire observer qu'un tracteur qui pé­nètre en forêt n'y est pas obligatoirement employé à débarder du

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Crayon

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bois. Il existe en forêt une infinité d'utilisations du tracteur, allant des travaux publics, c'est-à-dire, ouverture de route, entretien des chemins forestiers, dessouchage, au jardinage lorsque Ton mécanise le travail de pépinières, en passant par le labour forestier quelque­fois nécessaire avant une plantation.

Mais ces travaux forestiers demandent des tracteurs déjà spécia­lisés et bien adaptés à ces travaux. Les caractéristiques sont Jes mêmes que celles d'un tracteur travaillant en terrain non boisé, la seule différence vient de ce que le tracteur rencontrera fréquemment des souches et aura intérêt, pour permettre le dessouchage, à être muni d'un « stumper », sorte de bulldozer très étroit destiné à pas­ser sous la souche, ou d'un bulldozer dont la lame est formée de dents pour permettre de repousser les souches tout en laissant pas­ser le sol. Il ne s'agit là, somme toute, que d'adaptation d'accessoi­res; il en est de même pour la mécanisation des pépinières où les tracteurs du type ROWCROP, qu'ils soient à roues ou à chenilles, sont parfaitement utilisables à moins que, pour des raisons de prix-

de revient à cause de la petite surface des pépinières, on ne lui pré­fère le tracteur de faible puissance à deux roues motrices appelé improprement en France : motoculteur.

En ce qui concerne le labour forestier, il se rapproche beaucoup du problème agricole, avec cette seule différence qu'il s'agit géné-

* ralement d'un défrichement dans un sol le plus souvent vierge, ce qui exige un matériel très robuste et comportant un dispositif de sécurité, pour résister aux à-coups occasionnés par des racines en­terrées ou des roches affleurantes que peuvent rencontrer les socs : là encore, c'est une question d'adaptation du matériel accessoire, plu­tôt que du tracteur proprement dit.

Le travail demandé au tracteur de débardage peut se diviser en plusieurs opérations :

i° Dès que l'arbre a été abattu, il faut le tirer du point où il a été abattu et l'approcher de l'engin de débardage proprement dit, cette opération s'appelle le « débusquage » par analogie avec le cas de l'animal qui débusque du fourré.

Cette première partie du débardage s'effectue généralement à l'aide d'un treuil qui permet d'approcher la grume du tracteur; on verra plus loin les caractéristiques souhaitées pour ce treuil d'un emploi un peu particulier.

2° La grume approchée du tracteur doit ensuite être évacuée de la coupe ; c'est la 2e opération que l'on appelle le débardage propre­ment dit ou vidange de la coupe. Cette opération requiert de l'en­gin tracteur des qualités spéciales que nous analyserons plus loin en passant en revue les diverses qualités requises pour un tracteur forestier.

3° Enfin, une fois amenées en bordure de route à l'aide d'un trac­teur, les grumes doivent encore être chargées sur un camion et ache-

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minées au point d'utilisation, scierie ou papeterie; cela exige en­core des engins spéciaux: camions tous terrains, si possible, et, pou­vant se charger eux-mêmes... mais cela est un autre problème qui dépasse le cadre du débardage et est un point spécial de la question du transport du bois et peut faire l'objet d'une étude différente de celle-ci.

Afin d'analyser les qualités requises par un tracteur forestier, nous avons divisé cette étude selon les caractéristiques principales d'un véhicule : poids, encombrement, vitesses, caractéristiques souhai­tées pour le moteur, la transmission, les accessoires, etc..

I. — CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES TRACTEURS UTILISABLES

POUR LES TRAVAUX FORESTIERS

Io Le Poids

Le débusquage, tel qu'il a été défini précédemment, permet d'effec­tuer, à l'aide d'un treuil, cette première phase du débardage. Le poids du tracteur doit alors permettre des efforts de traction suffi­sants pour le déplacement des grumes sans nécessiter un amarrage long et difficile, surtout en région montagneuse, et principalement sur un terrain rocheux.

Par contre, dans les terrains de plaine où il est possible'de s'an­crer convenablement et rapidement en une seule opération, à l'aide d'une bêche solidaire du treuil, le poids est sans grande influence pour cet effort de traction au treuil du tracteur.

Le débardage proprement dit varie de la simple sortie de la coupe sur un terrain forestier de quelques centaines de mètres de long, jusqu'au transport sur les chemins de plusieurs kilomètres inacces­sibles aux camions.

.Pour cette opération, le poids, sur les éléments moteurs d'un trac­teur, détermine son coefficient d'adhérence au sol, ou coefficient de friction, et, par conséquent, pour un sol donné, l'effort de trac­tion qui sera disponible à la barre.

Les sols forestiers sont généralement mauvais, très souvent hu­mides en sous-bois, et simplement recouverts d'une petite couche d'humus ou de feuilles ; le fond du sol est sans consistance et les tracteurs se trouvent devant le dilemme: ou d'être lourds et de s'enfoncer dans un sol spongieux, ou d'être légers et, par consé­quent, de circuler sur la couche supérieure mais sans adhérence.

Le problème est difficile à résoudre et la solution idéale serait sans doute d'avoir un tracteur qui, pour les jours secs, soit lourd et ait de l'adhérence sur ses pneus, et, par les jours humides, se transforme en appareil à grande surface portante, ayant une pres­sion spécifique au sol faible. Si un tel appareil existait, il serait

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possible de l'employer à son maximum en forêt pendant presque toute Tannée.

De toute façon, un tracteur utilisé pour des transports forestiers est appelé, par principe, à transporter une charge de bois ; il semble donc logique de se servir de cette charge pour donner au tracteur l'adhérence voulue et, dans une certaine mesure, doser cette adhé­rence en fonction du pouvoir porteur du sol.

Une solution est peut-être dans la remorque à essieu déplaçable, qui reporte sur le tracteur une plus ou moins grande partie de la charge.

Il semble qu'il serait possible de réduire le poids des tracteurs actuels qui ne peuvent donner satisfaction qu'à condition d'être em­ployés en semi-porteurs et c'est d'ailleurs vers cette technique de travail qu'il semble opportun d'orienter les efforts (fig. 1).

2° L'Encombrement

La largeur des tracteurs forestiers appelés à circuler sur coupe est étroitement liée au genre de travail qu'il effectue: lorsqu'il s'agit d'une coupe à blanc-étoc, la largeur a peu d'importance, car il peut sans inconvénients circuler sur toute la coupe; par contre, lorsqu'il s'agit d'une coupe sélective où le tracteur est appelé à circuler entre les arbres, sa largeur ne doit pas dépasser 1,40 m.

En ce qui concerne le transport sur chemins, c'est la largeur de ce dernier qui conditionnera le plus souvent celle du tracteur. Dans les pays où Ton utilise d'anciens chemins de débardage qui ser­vaient autrefois aux animaux, il semble qu'il ne faille pas dépasser également la largeur de 1,40 m pour la voie et 1,70 m hors tout.

3° Les Combinaisons de vitesses

L'effort au crochet d'un tracteur est fonction de la puissance du moteur et de sa vitesse de déplacement. Mais il est limité par le coefficient d'adhérence du tracteur au sol, coefficient qui varie dans de grandes proportions et est fonction du poids du tracteur sur ses éléments moteurs. Il en résulte que, si les vitesses très lentes sont utiles pour éviter les à-coups de traction, leur efficacité sera détruite par ce manque d'adhérence du tracteur et ce dernier patinera avant de donner son effort maximum. Il convient donc de déterminer la vitesse minimum du tracteur en fonction de Tétat du terrain sur lequel il sera appelé à circuler et du mode de travail qu'il aura à effectuer.

Sur coupe, le terrain forestier est généralement mauvais; aussi, une vitesse très lente ne paraît pas utilisable dans de telles con­ditions au point de vue adhérence au sol. Mais cette dernière peut être conseillée pour mieux échelonner l'effort d'arrachage lors du

FIG. I.

Tracteur demi-porteur à chenilles souples « Motormuli

FlG. 2.

Tracteur Latil type Navette équipé en forestier

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Crayon

Vue d'un différentiel commandé. Tracteur continental.

Etablissements Richard à Lyon.

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F i a 4. Tracteur Ferguson équipé en semi-chenilles.

Type « Bombardier ».

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démarrage, en particulier avec des moteurs à petit nombre de cylin­dres qui perdent beaucoup de leur puissance au ralenti.

Les vitesses suivantes seront échelonnées de très près pour per­mettre d'employer, le plus souvent possible, le tracteur à son meil­leur effort de traction en fonction du terrain considéré. Plus le nom­bre de vitesses sera grand, plus on pourra tirer le meilleur parti du moteur du tracteur; mais il ne faut pas tomber dans un excès de complications mécaniques trop onéreux.

Le renversement de marche total semble un critère intéressant sur lequel tous les forestiers sont d'accord ; en effet, il est générale­ment désastreux de faire des demi-tours sur les coupes, car, avec un chenillard, cela arrache littéralement une grande partie du sol et, avec un tracteur à roues, les manœuvres font des ornières de tous côtés qui ne sont guère plus souhaitables, et le demi-tour demande un temps considérable.

Dans ce cas, il est également recommandé que le tracteur dispose d'un poste de commande reversible, ce qui facilite grandement les opérations de travail en marche avant ou arrière (fig. 2).

Sur route, où l'adhérence du tracteur est plus grande que sur le terrain forestier, il est possible d'utiliser rationnellement les vi­tesses lentes, surtout si les éléments moteurs du tracteur supportent une partie de la charge. L'avantage d'une telle vitesse (1,5 km/h) se fera surtout sentir dans les pentes, car les chemins forestiers ont souvent des pentes très abruptes qui réduisent notablement la charge transportée sans que cependant, la limite inférieure d'adhérence du tracteur soit atteinte.

Il est donc possible de passer ces mauvaises pentes à vitesse très démultipliée tout en conservant, pour le reste du parcours, une vi­tesse de déplacement compatible avec la charge transportée.

Il convient d'attirer également l'attention des constructeurs sur le fait qu'il y aurait intérêt à ce que les boîtes de vitesses utilisées sur les tracteurs permettent de passer d'une vitesse à l'autre, sans être obligé d'arrêter le tracteur, comme c'est actuellement le cas pour la majorité des tracteurs agricoles. Dans le même ordre d'idée, il serait souhaitable de voir se développer l'application des transmis­sions automatiques sur les tracteurs forestiers.

4° Garde au sol

Il convient de rappeler qu'un tracteur qui circule sur un sol fores­tier doit avoir une garde au sol importante pour passer aisément au-dessus des souches, roches et fondrières qu'il est appelé à ren­contrer.

On notera qu'il est particulièrement utile que le dessous du trae­te t i soit uni et efficacement protégé, c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'il soit recouvert d'une tôle épaisse qui protège les organes contre

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les branches ou autres impedimenta, et, d'autre part, en cas d'ennse-ment, évite les aspérités qui retiennent davantage le tracteur. Ceci, pour tracteurs à roues comme pour ceux à chenilles.

Cependant, pour conserver une bonne stabilité et permettre au tracteur de passer au-dessus des obstacles qu'il rencontre, il est né­cessaire qu'il y ait un rapport entre la largeur hors-tout du tracteur

4,5 et sa garde au sol. On propose que ce rapport soit de —— ce qui,

ι en pratique, donnerait pour un tracteur de plus de 2 m de large une garde au sol de Tordre de 50 cm et, pour un tracteur de 1,50 m, une garde au sol de 30 cm environ.

5° Rayon de braquage

Pour le travail en forêt, il est utile que le tracteur ait toute la mobilité voulue pour pouvoir passer entre les arbres restant sur la coupe. Dans le cas de tracteurs à chenilles, il convient d'observer que si on bloque uñe des chenilles, on risque fort de provoquer des dégâts au sol qui compromettent l'avenir de la forêt. Il semble donc nécessaire, si Ton veut circuler avec des chenilles sur un sol forestier, que ces chenilles restent toujours motrices pendant un virage. En effet, s'il n'en est point ainsi, lorsque Tune des chenilles est dé­brayée, tout l'effort se reporte sur l'autre qui se mettra à patiner et fera, par conséquent, des dégâts. D'autre part, en descente, avec une charge importante qui pousse le tracteur, le fait de débrayer une chenille peut être très dangereux en déterminant aussi un braquage du tracteur dans la direction opposée.

Par contre, en ce qui concerne les tracteurs à roues, la plupart des pays sont d'accord sur la nécessité d'avoir des freins séparés sur les roues motrices, afin d'aider au guidage du tracteur dans les tournants brutaux.

En conclusion, on souhaite que les tracteurs à chenilles puissent tourner dans leur propre longueur et les tracteurs à roues, dans la mesure du possible, avoir un rayon de braquage égal à la longueur de la diagonale du tracteur, cette dernière étant mesurée des deux points les plus extrêmes des côtés hors-tout de l'engin.

6° Pentes

Le problème de la pente à gravir intéresse les constructeurs à deux points de vue; d'abord, au point de vue effort car, dans une pente, l'effort additionnel est environ 1 kg par tonne de poids brut par 1/1 ocxy de pente. Ceci limite la pente longitudinale que le trac­teur peut remonter en fonction de son poids et de sa puissance. D'au­tre part, les constructeurs doivent soigner particulièrement leur

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construction en vue d'assurer le graissage du moteur du tracteur sur les pentes susceptibles d'être rencontrées par ces derniers.

La stabilité d'un tracteur forestier étant un point très important, la pente sur laquelle il doit pouvoir circuler doit, avant tout, être en relation avec la hauteur de son centre de gravité au-dessus du sol et, par conséquent, sa garde au sol. On propose comme limite maximum vers laquelle on peut tendre: en longueur 45 %, et trans­versalement 40 %.

II. — L E MOTEUR

Io Type de moteur

Le facteur principal déterminant le choix d'un moteur pour un tracteur, qu'il soit agricole, forestier ou de travaux publics, est avant tout: le prix de revient horaire d'emploi de ce moteur.

Pour déterminer ce prix de revient, il est nécessaire d'avoir deux paramètres de base.

Le premier est le nombre d'heures d'utilisation annuelles, ce qui détermine d'ailleurs la longueur de la vie du moteur.

Le second est le montant des frais variables, c'est-à-dire la con­sommation de carburant, d'huile et les réparations qui interviendront pour l'entretien du moteur.

Le prix du carburant influe donc directement sur son choix et c'est la comparaison de ces divers éléments' qui déterminera s'il est plus économique d'employer un moteur diesel, semi-diesel à essence ou même un, moteur muni d'un gazogène.

La tendance actuelle dans la culture est d'employer de plus en plus les moteurs diesel; c'est sans doute que ceux-ci ont l'avantage d'être plus robustes que les moteurs à carburateurs, ont un meil­leur rendement et un effort instantané plus important. Cependant, le diesel est plus lourd et plus cher que le moteur à carburateur, et d'autre part son entretien nécessite la présence d'un mécanicien che­vronné; la mise au point d'une pompe d'injection par exemple, ne peut s'effectuer que dans des stations-services équipées spécialement pour ce travail minutieux.

Il en résulte que, généralement, les frais d'entretien d'un moteur diesel sont plus onéreux que ceux d'un moteur à essence ; mais par contre, les frais de consommation à puissance égale sont générale­ment très inférieurs à cause de la différence de prix très sensible que l'on rencontre entre le gaz-oil et l'essence.

A l'heure actuelle, il existe des moteurs diesel de relativement pe­tite puissance: 15 CV et même moins, et qui donnent satisfaction. Ce n'est donc pas pour un forestier la puissance du moteur qui peut déterminer le choix d'un moteur à essence ou à gas-oil, mais plutôt l'amortissement de ce moteur et les possibilités locales d'entretien et de réparation.

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Il faut que la différence de prix, entre le moteur diesel et son équivalent en essence, puisse être largement couverte par la différence du montant de la consommation entre les deux moteurs considérés pendant leur période de travail effectif. En pratique, il semble que pour être équipé d'un moteur diesel, un tracteur doit faire au moins 800 heures de travail effectif par an.

Pour conclure cette question de moteur du tracteur forestier, on rappelle que l'emploi du tracteur travaillant sur une coupe fores­tière est généralement varié ; il doit approcher des grumes par halage au treuil ou traîner des remorques très lourdes, travaux demandant au moteur des efforts importants.

Ce travail est, dans l'ensemble, très différent de celui d'un tracteur agricole ; en effet, le tracteur agricole est destiné surtout à travailler sous charge constante ; il peut donc, dans ce cas, se contenter d'un moteur relativement brutal, alors qu'en forêt, au contraire, comme on l'a déjà dit, il y a grand intérêt à ce que le moteur ait une grande sou­plesse, afin qu'en cas d'effort exceptionnel, le tracteur puisse immé­diatement répondre et donner toute la puissance demandée.

Un point important pour un moteur de tracteur forestier est de pouvoir tourner au ralenti pendant de longues périodes sans inconvé­nient et tout en donnant cependant une certaine puissance, car il ar­rive souvent, en particulier lorsqu'on travaille avec un treuil, de n'utiliser qu'une faible partie de la puissance du moteur.

Il convient donc principalement pour cet usage d'employer un type de moteur dont la consommation soit la plus proportionnelle possible à la demande de puissance. Il semble que c'est le moteur à injection qui répond le mieux à cette exigence. Etant donné le grand inté­rêt de la souplesse de travail, les constructeurs auraient intérêt à es­sayer d'améliorer leurs réalisations clans ce sens en utilisant par exem­ple l'embrayage hydraulique; il existe d'ailleurs déjà sur le marché des tracteurs à chenilles de grande puissance munis de transmissions entièrement automatiques.

Le problème du transport sur routes peut être assimilé au trans­port par camions s'il s'agit de transport à grande distance et à relati­vement grande vitesse, soit au transport agricole s'il s'agit au contrai­re de transport à petite distance ou à vitesse réduite. Pour le premier cas, c'est plutôt vers le type de moteur pour camions qu'il faudra se tourner, c'est-à-dire vers un moteur avec grande réserve de puissance, de nombreuses démultiplications et une certaine souplesse. Pour le second cas, on aura au contraire intérêt à choisir des moteurs exces­sivement robustes et économiques, tant au point de vue consommation que réparations, et susceptibles de s'amortir sur un très grand nombre d'années. Le semi-diesel monocylindrique semble en particulier pou­voir rendre d'intéressants services pour ce dernier travail.

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2° Puissance du motear

La puissance des tracteurs forestiers est en relation directe avec le mode d'exploitation. Lorsqu'il s'agit de coupes à blanc étoc, la char­ge transportée par le tracteur doit être la plus importante possible et est en rapport direct avec la maniabilité de ce tracteur. Il semble qu'une puissance de 60 à 80 chevaux soit celle qui donne les meil­leurs résultats. Dans le cas de coupes sélectives, il est en général dif­ficile de débarder plusieurs arbres à la fois ; il est donc recommandé d'employer des tracteurs dont la puissance soit en relation avec la dimension moyenne du plus grand nombre d'arbres disponibles sur la coupe. Il convient de mettre en garde les forestiers de choisir les ar­bres de trop grande dimension, qui ne sont qu'exceptionnels pour déterminer la puissance du tracteur, car, agissant de cette sorte, ils emploient toute l'année un tracteur beaucoup trop puissant, alors que la moyenne des chargements pourrait être faite avec un tracteur de puissance beaucoup plus réduite.

Il semble, dans le cas d'une exploitation de feuillus où les grumes atteindraient 5 ou 6 m3, soit avant séchage un poids voisin de 6 ton­nes, qu'il faille un tracteur susceptible de traîner au moins une bille de ce poids sur un terrain de consistance le plus souvent douteuse, ce qui représente un effort horizontal de l'ordre de 3 tonnes.

Or, pour développer cette puissance sur un terrain avec un mau­vais coefficient d'adhérence, il faudra un tracteur à chenilles d'au moins 40 à 50 chevaux et, sans doute, un tracteur à roues de 50 à 60 CV, sinon plus.

Par contre, s'il s'agit de bois de plus petite dimension et d'une den­sité moins forte, on peut se contenter de tracteurs de 25 à 40 CV pour le débardage.

3° Démarrage

On a vu précédemment que le travail du tracteur forestier con­siste surtout à aller chercher des grumes aux endroits où elles se trouvent et à les approcher d'un point de stockage, ce qui nécessite de nombreuses allées et venues et des arrêts relativement fréquents. En conséquence, il est plus économique, dans de nombreux cas, pen­dant un arrêt où l'on fixe les grumes au tracteur, par exemple, de pouvoir arrêter le moteur de ce dernier et le remettre en route aus­sitôt que le chargement est effectué.

4° Utilisation de l'hydraulique

On ne considère ici que l'utilisation de dispositifs hydrauliques destinés à faciliter la conduite du tracteur.

A ce sujet, il est à remarquer que certains constructeurs ont pen-

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sé se servir de l'hydraulique pour rendre la conduite de leur trac­teur moins fatigante. En effet, sur les gros tracteurs à chenilles, la commande de la direction par freinage et embrayage manuels est quelquefois particulièrement pénible pour le conducteur. Le fait d'as­sister cette commande mécanique par des vérins hydrauliques allège grandement l'effort du conducteur. - Certains constructeurs vont même jusqu'à commander la boîte de

vitesse ou plus simplement un réducteur dans la transmission à l'aide d'un vérin hydraulique. D'autres constructeurs ont fait appel à l'air comprimé pour les mêmes usages.

Sur les gros tracteurs à quatre roues directrices en particulier, la servo-commande de la direction peut être utile ; cependant, si sui­des appareils très puissants et onéreux ces procédés peuvent être considérés comme un avantage, sur les tracteurs de plus petite taille ils ont l'inconvénient de compliquer la construction du tracteur et surtout d'amener de nouvelles sources de pannes et de réparations plus délicates que de simples tiges de leviers. La simplicité étant la qualité primordiale d'un tracteur, ces procédés ne seront retenus que pour les appareils de très grandes dimensions qui exigent réellement un effort musculaire fatigant.

III. — LA TRANSMISSION

Io Commande des roues

Il est généralement admis que le tracteur à 4 roues motrices est susceptible de rendre de beaucoup plus grands services en forêt que le modèle à 2 roues motrices : le «soi forestier étant particulièrement instable et d'une consistance très médiocre, les tracteurs à 2 roues motrices, dès qu'ils se mettent à patiner, se trouvent dans des con­ditions très délicates, alors qu'avec 4 roues motrices, si l'une patine, il est toujours possible de sortir de la mauvaise passe avec les trois autres.

La plupart des praticiens s'étant servi de tracteurs à 4 roues mo­trices font remarquer qu'il y a grand intérêt à ce qu'il y ait au moins 65 % du poids de la machine sur les roues avant. Lors de la traction d'une charge, cette dernière appuie uniquement sur les roues arrière et les roues avant risquent, à ce moment, de perdre leur adhérence, par conséquent, leur avantage d'être motrices.

2° Bloquage du différentiel

Pour le travail en forêt, cet accessoire semble indispensable à con­dition qu'il ne soit pas trop onéreux. Il serait souhaitable, pour évi­ter les accidents, que le bloquage du différentiel soit commandé par

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LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ÊTRE UN TRACTEUR AGRICOLE ? 435

une pédale qu'il faut tenir constamment appuyée lorsqu'on veut l'utiliser.

Cependant, il faut remarquer qu'avec la technique actuelle des freins séparés, on arrive à peu près a obtenir les mêmes résultats en freinant séparément chaque roue arrière. Lorsque l'une d'elles arrive à patiner, il suffit de la freiner pour que toute la puissance du mo­teur passe de l'autre côté par l'intermédiaire d'un différentiel classi­que.

3° Chenilles

Dans cette étude générale sur la transmission, il convient de con­sidérer séparément le problème du tracteur à chenilles ; on a vu pré­cédemment au paragraphe S de la ιΓβ partie intitulé « Rayon de braquage », l'intérêt pour le tracteur forestier du différentiel à pla­nétaires muni de freins qui permet aux deux chenilles de rester motrices dans les virages (fig. 3).

En ce qui concerne les autres détails de la transmission d'un trac­teur à chenilles, il convient de rappeler aux constructeurs que cette transmission est appelée à être soumise à des efforts considérables et doit être conçue de façon très simple, c'est-à-dire à engrenages droits si possible à l'exclusion de renvois d'angles ou de cardans qui 9ont toujours des sources d'ennuis s'ils se trouvent après îes freins de direction.

4° Prise de force

Pour travailler en forêt, il semble indispensable d'avoir une prise de force avant et une prise de force arrière. La prise de force avant sera utilisée pour des installations de treuils qui permettent l'auto-halage du tracteur et de sa charge remorquée. Elle devra donc être calculée en conséquence, et permettre la transmission de la puis­sance nécessaire pour ce travail. Il y aurait intérêt à ce que cette prise de force soit synchronisée avec les vitesses de déplacement du tracteur, afin que, en cas d'auto-halage, le treuil et les roues motrices puissent agir de façon concordante.

A l'arrière, il serait souhaitable d'avoir deux prises de force, l'une dont la vitesse standard sera de 540 tours/minute et l'autre devrait être synchronisée avec la vitesse de déplacement du tracteur, afin de pouvoir utiliser des remorques à essieu moteur.

5° Dispositifs antidérapants

• o n a vu précédemment que la consistance du sol forestier rend la circulation des tracteurs sur coupe relativement malaisée. Les dis­positifs antidérapants pour les tracteurs à roues ont toujours beau­coup excité l'imagination des chercheurs. Il existe des quantités de « chaînes,. dispositif s antidérapants se fixant sur les pneus, ou amovi-

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bles fixées à la roue, etc.. dont les résultats sont très variables, car ils dépendent trop étroitement de l'état du sol et du type de tracteur utilisé. Les principales difficultés d'emploi de ces appareils sont leur montage plus ou moins long, la présence de petites pièces trop faciles à égarer, trop fragiles, etc..

Jusqu'à ce jour, il semble que ce soit les appareils dérivés des chaînes plus ou moins classiques qui donnent le meilleur résultat. Il existe à l'heure actuelle de telles chaînes bien adaptées au travail forestier et qui semblent donner de bons résultats et ont une résis­tance à l'usure qui permet de considérer cette solution comme ren­table.

Lorsqu'il s'agit, par contre, de transport sur route, le système le plus classique semble être de jumeler les roues arrière. En effet, dans ce ¡cas, l'élargissement de la voie du tracteur n'a pas grande importance ; ce dernier procédé a l'avantage d'augmenter le pouvoir de traction du tracteur, et son pouvoir porteur, surtout s'il supporte une partie de la charge remorquée.

Les semi-chenilles pour circuler sur les mauvais chemins semblent une solution intéressante; celles-ci augmentent l'effort de traction d'un tracteur à roues de 20 à 40 % (fig. 4).

En conséquence, il convient d'attirer l'attention des constructeurs de tracteurs sur l'intérêt qu'il y aurait d'avoir entre les roues ar­rière et avant un espace suffisant pour pouvoir y mettre facile­ment un dispositif d'adhérence à semi-chenille.

6° Charge maximum de Vessieu arrière

Pour le débardage en forêt, le fait de charger l'élément moteur du tracteur est une solution très intéressante ; en effet, cela permet d'employer des tracteurs de conception relativement légère, car un tracteur léger coûte beaucoup moins cher à l'achat; d'autre part, cela lui permet souvent de monter des pentes plus importantes pour se rendre à son travail que ne pourrait le faire un tracteur de même

' puissance, mais plus lourd.

7° Système d'attelage

Le problème de l'attelage en forêt consiste à déterminer la meil­leure méthode ou la meilleure position d'accrochage des grumes au tracteur.

L'accrochage des grumes proprement dit s'effectue en Europe, à l'aide de crochets acérés que l'on enfonce dans le bois, ou de pinces autoserreuses, voire; dans certains endroits, de chaînes que l'on passe autour des grumes. En Amérique, on emploie depuis de nom­breuses années des élingues en câbles avec des crochets à mandrins soudés appelés « chokers ». Ces accessoires ont l'avantage de per-

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LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ETRE UN TRACTEUR AGRICOLE? 43^7

mettre un serrage de la bille très énergique ; d'autres crochets analo­gues ont été mis au point dans des centres de recherches européens.

Le but de tous ces appareils est d'augmenter la sécurité du ser­rage, tout en ménageant le câble. Pour ceinturer les billes, on a vite fait de détériorer 1l'extrémité de ce dernier et de le raccourcir au point de le rendre inutilisable.

L'avantage d'avoir des élingues ou des chaînes séparées pour cha­que bille est, dans l'organisation des chantiers et si les grumes sont d'un volume suffisant, de permettre le préélinguage, c'est-à-dire de passer l'élingue à l'avance autour de la bille pendant que le trac­teur est en train de conduire sa charge. Ainsi, lorsque le tracteur revient au point de chargement, il suffit d'accrocher les élingues à son câble de traction pour qu'il se charge totalement en quelques minutes, contrairement à ce qui se passe dans les procédés habituels où chaque grume doit être accrochée et approchée séparément. Mais ce qui importe au point de vue stabilité, c'est de déterminer l'em­placement où cette charge, d'une ou plusieurs grumes, doit être fixée au tracteur.

On a vu dans le paragraphe précédent qu'il y avait intérêt à cher­cher à augmenter l'adhérence du tracteur par la charge remorquée. Aussi, le point idéal de fixation des grumes serait sans doute le cen­tre de gravité du tracteur. Ce point est généralement impossible à atteindre, et on se contentera de s'en approcher le plus possible en soulevant l'avant des grumes de façon que la résultante des forces augmente la stabilité du tracteur plutôt que de la détruire. Il est assez difficile d'obtenir ce résultat avec la conception actuelle des tracteurs ; on peut y arriver en partie en employant le tracteur avec une sorte d'arche remorquée, celle-ci permettant de soulever l'avant de la grume pour réduire l'effort de traction, et de faire porter, si possible, une partie du poids de 'la charge transportée sur les roues motrices du tracteur. Cet accessoire ne semble pouvoir être utilisé que dans les forêts de piarne où il est possible de faire du traînage, mais il serait sans doute également souhaitable que l'on étudie la possibilité d'employer des triqueballes de façon analogue, toujours dans l'idée d'augmenter l'adhérence des roues motrices (fig. 5).

8° Transmission de la force motrice à la remorque

Sur le parterre même de la coupe, une remorque à roues motrices peut présenter un certain intérêt; elle peut, dans une certaine me­sure, suppléer à la carence actuelle des tracteurs de ne pas être por­teurs. La remorque motrice ayant plus d'adhérence que les roues du tracteur, se substitue à ces dernières ou, du moins, les aide de façon fort appréciable dans le cas de passage difficile.

En ce qui concerne les bois de toutes longueurs, il semble qu'il y aurait peut-être la possibilité d'employer des remorques à roues

4 3 8 . tòVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE

motrices, genre fardier, sur lesquelles reposerait l'avant des grumes, l'arrière du chargement pouvant traîner sur le sol, tant que Ton est sur la coupe. Dès que Ton arrivera sur un chemin, l'arrière de la charge devra le plus souvent être hissé sur un essieu porteur.

On arrive ainsi à un matériel de transport sur route. Des essais systématiques ont montré que l'effort de traction développé par le tracteur non muni de cet accessoire, est de 280 % inférieur à celui du tracteur muni d'un tel essieu porteur-moteur.

Il est à remarquer que les remorques à roues motrices ne sont intéressantes que dans les terrains où le tracteur est incapable de développer son effort de traction maximum sans patiner. Il semble, en pratique, que la meilleure utilisation de l'essieu porteur est d'être employé avec un tracteur possédant une prise de force synchroni­sée avec sa vitesse de déplacement car, dans ce cas, les roues de la remorque sont constammenut motrices, et les opérations de change­ment de vitesse sont particulièrement simplifiées. Mais il faut que ,1a boîte de vitesse du tracteur soit susceptible « d'encaisser » cet effort supplémentaire.

Certains constructeurs ne prévoient pour la remorque qu'une seu­le vitesse correspondant à la ire du tracteur; le reste du temps, la remorque se comporte comme un véhicule ordinaire surtout si le dispositif a un système de roue libre ; dans ce dernier cas, cepen­dant, il peut être intéressant de bloquer cette roue libre afin de pou­voir profiter du frein moteur du tracteur dans une descente.

9° Transmission de Iq force de freinage à la remorque

Tous les utilisateurs de matériel forestier sont unanimes sur la nécessité d'avoir des freins très efficaces en forêt. Sans doute, vu la rusticité de ce matériel, les conditions difficiles d'emploi, il est très difficile d'avoir un système de freinage mécanique efficace. Le dispositif autofreineur par action de la charge sur le tracteur est peu conseillé et donne généralement de mauvais résultats. La trans­mission par câble souple partant du siège du conducteur est éga­lement à éviter, car elle s'abîme trop rapidement en forêt. Il faut donc s'orienter vers des solutions plus complexes, telles que le frei­nage hydraulique, ou électrique, ou à air comprimé.

Il importe de toute façon que les freins d'une remorque fores­tière soient très largement calculés pour permettre de freiner de façon efficace pendant de longues descentes, sans un échauffement anormal. D'autre part, il faut qu'ils soient protégés sérieusement contre la iboue et il est essentiel que les freins de la remorque puis­sent être actionnés du siège du conducteur.

LE TRACTEUR FORESTIER PÈUT-IL. ETRE UN TRACTEUR AGRICOLE? 439

IV. — L E TREUIL

Io Emplacement du treuil sur le tracteur

Pour un tracteur circulant en forêt, le treuil est devenu un ac­cessoire quasiment indispensable qui prolonge, on Ta vu, en quel­que sorte, l'action du moteur. Selon la technique de travail em­ployée, les utilisateurs préfèrent que le treuil soit situé à l'avant ou à l'arrière du tracteur.

Dans les régions où le tracteur travaille sur la coupe et où le treuil ne sert qu'à sortir les grumes du fourré, le tracteur la traînant en­suite à l'aide de ses moyens de locomotion normaux, il semble, au premier abord, que la position arrière soit la plus logique, car, dans ce cas, le tracteur peut enchaîner immédiatement l'opération et entraîner aussitôt la charge remorquée (fig. 6). Par contre, si le treuil est situé à l'avant du tracteur, celui-ci doit effectuer un demi-tour avant de démarrer avec sa charge.

Cependant, il est à noter que le treuil avant n'empêche pas de faire travailler le câble vers l'arrière, soit en le passant au-dessus du conducteur, soit au-dessous.

Le travail d'approchage des grumes est, dans ce cas, comparable à celui d'un treuil situé à l'arrière, avec cependant l'avantage que, si le câble passe au-dessus du conducteur, la traction se fait vers le haut, ce qui facilite généralement les opérations de traînage sur !e sol, en évitant à l'avant de la grume d'accrocher les aspérités qu'elle rencontre. De plus, le treuil avant permet d'obtenir un meil­leur équilibrage du tracteur pendant le travail.

D'ailleurs, lorsque les tracteurs servent plus aux transports sur des chemins forestiers qu'au débardage proprement dit sur coupes, il semble que le treuil avant est plus rationnel. Mais il faut, on Ta déjà vu, que, dans ce cas, le treuil soit susceptible de traîner, et le tracteur et sa charge remorquée, qui est parfois considérable, et peut atteindre 20 tonnes et même plus. Ceci peut représenter un effort de 5 et même 6 tonnes (fig. 7).

Une autre utilisation du treuil pour les tracteurs est de l'utiliser comme treuil de grue pour charger les remorques. Les qualités re­quises pour un treuil de grue sont très différentes de celles d'un treuil de dépannage destiné à haler lentement de lourdes charges. Un treuil de grue doit pouvoir tourner vite afin que le chargement ne soit pas trop long; il ne doit pas être débrayé lorsqu'on arrête l'effort; en d'autres termes, il faut que le treuil soit irréversible, de façon que lorsqu'une charge est levée, le fait d'arrêter le treuil ne la fasse pas retomber sur le sol, mais au contraire la bloque à la hauteur où elle se trouve déjà.

L'aspect contradictoire du treuil de levage et du treuil de dépan­nage est cependant, peut-être, conciliable si le treuil n'est réellement

4 4 0 REVUE FORESTIERE FRANÇAISE

considéré que comme instrument de dépannage; en effet, dans ce cas, il suffit que la vitesse linéaire du câble soit un multiple direct de la vitesse de l'avancement du tracteur en première ; lors d'un dépannage par auto-halage, le treuil, même s'il est de petite puis­sance, pourra par mouflage avoir un effort suffisant pour haler le tracteur et son chargement. Le mouflage, dans ce cas, car il est tout de même exceptionnel, peut être accepté par les forestiers; étant le gage d'une économie considérable de matière et d'installation du treuil sur le tracteur.

2° Puissance du treuil

La puissance d'un treuil forestier est en relation directe avec la taille des arbres qu'il aura à déplacer. Il semble que l'on puisse classer les treuils en trois catégories :

Io Les treuils de 5 tonnes qui, montés sur un tracteur à chenilles, doivent permettre de déplacer le tracteur, toutes chenilles blo­quées.

2° Les treuils de 2 à 3 tonnes, plutôt destinés au tracteur à roues, dont le but est d'approcher les grumes de dimensions moyennes.

3° Les treuils légers de 1 tonne 1/2 à 2 tonnes maximum, ayant parfois deux tambours qui permettent le débardage et le chargement des bois de petite dimension.

Cependant, il y a une relation pratique entre la puissance du moteur et la puissance du treuil qu'il convient de respecter. Théo­riquement, il est possible avec un tracteur de faible puissance d'ob­tenir de très gros efforts, grâce à une grande démultiplication mais, pratiquement,. cela ne présente pas un très grand intérêt, car le trac­teur travaille alors à une vitesse tellement lente que c'est une perte de temps insupportable pour les ouvriers autant qu'inconcevable pour la rentabilité du matériel employé.

3° Vitesse du câble

La plupart des experts et des constructeurs estiment que la vitesse d'un câble doit être de 20 à 60 mètres par minute. D'ailleurs, beau­coup de treuils existant dans le commerce présentent presque cette variation de vitesse entre le tambour vide et le tambour plein.

Puisque les tracteurs possèdent une boîte de vitesse, il semble qu'il y a intérêt à ce que la prise de force du treuil soit à la sortie de la boîte de vitesse, ceci permettrait de posséder pour le treuil toute une gamme de vitesses permettant de proportionner l'effort néces­saire à la! taille de la grume à déplacer.

La marche arrière est souhaitable car elle facilite le travail de l'ouvrier chargé de dérouler le câble. Mais, pour être intéressante, cette marche arrière doit être rapide car, si elle est aussi démulti-

J ' j c . 5. Attelage d'une remorque

à un tracteur permettant de reporter le poids de la remorque sou:- les r mes motrices —»

"Rcnault-Garnicr.

FIG. 7. Treuil avant sur tracteur

Renault - Treuils Pan.

FIG. 8. Tracteur équipé d'une grue

servant au débardage et au chargement des billots.

(Landes).

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FIG. TO.

Petit bulldozer monté sur un tracteur à roues agri­cole.

P.H.C.

LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ETRE UN TRACTEUR AGRICOLE? 4 4 I

pliée que la marche arrière du tracteur, cela lui fera perdre beaucoup de son intérêt.

Il semble que la solution idéale est que le tracteur possède les mêmes vitesses avant et arrière et que cet inverseur général de mar­che puisse également commander le treuil.

Le débrayage total du tambour du treuil pour permettre le dérou­lement facile du câble est considéré, également, comme indispen­sable.

4° \Le câble

La longueur des câbles à employer dépend en grande partie des conditions d'exploitation de la forêt. Si le tracteur peut pénétrer sur la coupe, 50 à 60 mètres suffisent ; si le tracteur doit rester hors de la coupe — et c'est souvent le cas en montagne — il faut au moins 200 m.

Le diamètre du câble sera calculé en fonction de Teffort, en em­ployant un coefficient de sécurité qui sera 6, s'il y a des ouvriers qui travaillent sous le câble, et qui, en pratique, est généralement ra­mené à 2 lorsqu'il n'y a pas de danger immédiat pour la main-d'œuvre.

Il est possible, par mesure de précaution, de prévoir un débrayage automatique du treuil lorsque le câble travaille avec un coefficient de sécurité de Tordre de 2.

En ce qui concerne le câble lui-même, il est important que ce der­nier soit conçu spécialement pour le travail en forêt, c'est-à-dire que les fils les plus gros soient à l'extérieur et que le câble garde cepen­dant une grande souplesse.

5° Le tambour et Venroulement du câble

Le diamètre du tambour doit être en relation avec le diamètre du câble et avoir, au moins, environ 20 fois ce dernier.

Il est important que la jonction des joues du tambour et de son cylindre se fasse selon un rayon de courbure légèrement supérieur au rayon du câble.

L'acier dans lequel est fait le tambour peut être relativement doux alors que, par contre, si on utilise des rouleaux pour guider le câble, ou des poulies, il est indispensable que Tacier de ces derniers soit d'une dureté supérieure à celui du câble et que leur diamètre soit de l'ordre de 10 à 15 fois au minimum le diamètre du câble.

Pour que l'enroulement du câble sur le tambour soit correct, il est nécessaire d'avoir un point fixe sur lequel doit passer le câble, à une distance égale à environ 10 fois la largeur du tambour. Si ce point fixe ne peut être monté sur le tracteur même ou l'accessoire remorqué, il devra être fourni par une poulie fixée à proximité du lieu où Ton débarde.

442 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE

6° Le double treuil

La technique d'emploi du double treuil consiste à éviter à l'ou­vrier de traîner un câble de 24, 15 ou 12 mm de diamètre; il traî­ne un fil d'acier de 3 à 5 mlm, ce qui est beaucoup moins pénible, et le passe sur une poulie ultra-légère, en aluminium, par exemple, qu'il accroche lui-même sur la coupe, et redescend chercher le câble principal de traction.

Le mouvement de va et vient du câble se fait de façon très ra­pide, il suffit d'un ouvrier à chaque extrémité pour accrocher la charge et la décrocher du câble, et chaque mouvement de va et vient est beaucoup plus rapide que s'il fallait ramener chaque fois à la main le câble à vide. De toute façon, pour que cette méthode de travail soit rentable, il faut que le treuil auxiliaire soit un appareil excessivement léger, par conséquent très peu onéreux; d'ailleurs, l'effort qu'il a à accomplir est dérisoire car il s'agit uniquement de dérouler le.câble principal (fig. 9).

V. — EQUIPEMENT DIVERS

Un certain nombre d'accessoires divers peuvent être montés sur les tracteurs forestiers, tels que:

a) Une petite lame de bulldozer montée sur un tracteur, même de faible puissance, peut rendre d'appréciables services en forêt. Cet accessoire ne servira sans doute pas pour ouvrir de nouveaux che­mins, mais simplement pour entretenir des chemins déjà existants, élargir des pistes, combler des ornières, répandre des cailloux ou effectuer tout un petit service de voirie toujours indispensable dans une exploitation forestière. Ces services ne peuvent pas toujours être effectués avec un matériel plus puissant de façon plus écono­mique, et parfois l'exploitant forestier ne peut pas se permettre de posséder à la fois un tracteur à chenilles muni d'un bulldozer et un autre tracteur équipé de ces accessoires également onéreux.

Par ailleurs, une lame de grader amovible montée sur un tracteur permet d'entretenir et de rafraîchir les bords des fossés à un prix de revient très bas. Les possibilités d'utilisation de ces instruments modernes sont innombrables et il semble que les constructeurs au-raient intérêt à orienter leurs recherches dans ce sens.

b) De tels accessoires exigent d'ailleurs souvent la présence d'une pompe hydraulique sur le tracteur, ce qui permet de l'utiliser à d'au­tres fins ; cependant, il convient de remarquer que la majorité des pompes hydrauliques montées sur des tracteurs agricoles ne permet­tent pas d'utiliser toute la puissance du moteur du tracteur. Il sem­ble que pour les travaux forestiers, c'est là une lacune qui gêne beaucoup dans le développement des accessoires hydrauliques en forêt.

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LE TRACTEUR FORESTIER PEUT-IL ETRE UN TRACTEUR AGRICOLE? 4 4 3

En dehors des accessoires actuellement employés de façon cou­rante, tels que les bras hydrauliques pour soulever l'avant des gru­mes pendant le débardage ou le chargement et le déchargement de remorques, il est possible d'utiliser en forêt d'autres accessoires hy­drauliques tels que grues hydrauliques pour charger les remorques, flèches articulées pour lever l'avant de remorques lourdement char­gées, crics à huile, etc..

c) Une cabine pour protéger le conducteur contre les intempéries et surtout contre les bris de câbles dont le coup de fouet, en cas de rupture inopinée, peut être mortel; elle protège aussi de la chute de branches d'arbres dépérissants.

Il faut surtout que la cabine ne gêne pas la visibilité du conduc­teur, c'est pourquoi elle doit être aussi rustique que possible.

d) Il est conseillé de monter un compte-tour sur le moteur pour indiquer au conducteur le moment opportun pour changer de vi­tesse.

Certains constructeurs montent aussi un totalisateur générai de nombre de tours souvent libellé en heures de travail; cet appareil s'avère utile pour déterminer les périodes de graissage et de révi­sion.

e) Il est important, en outre, que le tuyau d'échappement soit disposé de façon à ne pas incommoder le conducteur.

CONCLUSION

En conclusion, on voit que le tracteur souhaité par les débardeurs est quelque peu différent du tracteur type agricole classique.

Ce que demandent les gens du Bois, c'est, avant tout, un engin de transport tous-terrains robuste et puissant.

Or, le tracteur agricole est de ¡plus en plus un engin de trans­port, car, si la mécanisation en agriculture est spectaculaire par le labour multisocs et les travaux. superficiels du sol, il ne faut pas oublier qu'une entreprise agricole est avant tout une entreprise de transport, transport des outils aux champs, des grains, fourrages3

tubercules, vendanges, etc.. On estime que dans une ferme moyen­ne, on peut utiliser le tracteur jusqu'à 60 % de son temps pour effec­tuer des transports.

Or, le tracteur agricole, s'il est bien adapté, comme nous le di­sions au début de cette conférence au travail agricole, il ne s'est pas aussi bien adapté au transport; il semble que les constructeurs n'ont pas attaché à cette importante fonction du tracteur agricole tout le soin qu'on aurait pu y apporter.

Un tracteur qui serait conçu en vue de permettre le transport en tous terrains de charges importantes en s'inspirant des souhaits formulés ci-dessus par les forestiers n'aurait, à mon sens, non seu­lement une clientèle forestière, mais aussi une clientèle agricole con-

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444 REVUE FORESTIÈRE FRANÇAISE

sidérable: toute la clientèle qui a trouvé, dans le G.M.C, et le Dodge des surplus, son engin idéal et qui, aujourd'hui, cherche en vain à les remplacer. »

Il semble que, sans être prophète, on peut espérer que c'est vers le tracteur à 4 roues motrices, à pneus basse pression ou pouvant être chenille, et surtout, semi-porteur ayant un jeu de remorques dont une au 'moins à roues motrices, que Ton trouvera cet engin tant attendu des forestiers et souhaité confusément des agriculteurs. Donc, au lieu d'essayer d'adapter des tracteurs agricoles à un mé­tier pour lequel ils ne sont ípas faits, il serait préférable de faire un tracteur forestier. Ce tracteur sera, par surcroît, un « best-seller » parmi les agriculteurs, et, c'est là la réponse à la question du titre de cette conférence : « Le tracteur forestier peut-il être un tracteur agricole ? », qui avait inquiété quelques-uns des membres de cet illustre auditoire.

Souhaitons que cette réalisation tant souhaitée voit le jour pour le plus grand bien de tous, industriels comme utilisateurs.

X . DE M E G I L L E ,

Président du groupe Essais de machines forestières du Comité mixte FAO/CEE.

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