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Progrès en urologie (2013) 23, 1258—1264 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Le traitement non hormonal de la maladie métastatique du cancer de la prostate The non-hormonal treatment of metastatic prostate cancer P. Mongiat-Artus a , I. Brenot-Rossi b , P. Beuzeboc c , F. Bruyère d , G. Karsenty e , L. Guy f , C. Bastide g,a Service d’urologie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, université Paris 7—Denis-Diderot, 75010 Paris, France b Service de médecine nucléaire, institut Paoli-Calmettes, CRLC PACA, 13009 Marseille, France c Service d’oncologie, institut Curie, 75005 Paris, France d Service d’urologie, CHRU Bretonneau, université Franc ¸ois-Rabelais de Tours, PRES Centre-Val de Loire université, 37000 Tours, France e Service d’urologie et transplantation rénale, hôpital de la Conception, AP—HM, Aix-Marseille université, 13385 Marseille cedex 5, France f Service d’urologie, hôpital G.-Montpied, université d’Auvergne, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France g Service d’urologie, hôpital Nord, AP—HM, Aix-Marseille université, 13015 Marseille, France Rec ¸u le 27 aoˆ ut 2013 ; accepté le 28 aoˆ ut 2013 MOTS CLÉS Cancer de la prostate ; Résistant à la castration ; Métastases ; Radiothérapie métabolique ; Chimiothérapie ; Bisphosphonates ; Dénosumab ; RANK-Ligand Résumé But. Décrire les médicaments utilisés dans le traitement non hormonal de la maladie méta- statique du cancer de la prostate. Matériel. Recherche bibliographique à partir de la base de données bibliographique Medline (National Library of Medicine, outil PubMed), des sites de l’HAS et de l’ANSM. La recherche était centrée sur les caractéristiques, le mode d’action, l’efficacité et les effets secondaires des différentes classes de médicaments concernées. Résultats. La radiothérapie métabolique bien que sous-utilisée dans cette indication garde une place au début de la maladie. Le chlorure de radium 223 semble devoir occuper une place importante dans les prochaines années. La chimiothérapie, seul recours jusqu’à récemment dans le cancer de la prostate résistant à la castration, doit redéfinir en partie sa place. Le dénosumab apparaît être une alternative très intéressante aux bisphosphonates. Auteur correspondant. Service d’urologie, hôpital Nord, pavillon l’Étoile, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France. Adresse e-mail : [email protected] (C. Bastide). 1166-7087/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.08.322

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rogrès en urologie (2013) 23, 1258—1264

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

e traitement non hormonal de la maladieétastatique du cancer de la prostate

he non-hormonal treatment of metastatic prostate cancer

P. Mongiat-Artusa, I. Brenot-Rossib, P. Beuzebocc,F. Bruyèred, G. Karsentye, L. Guyf, C. Bastideg,∗

a Service d’urologie, hôpital Saint-Louis, AP—HP, université Paris 7—Denis-Diderot, 75010Paris, Franceb Service de médecine nucléaire, institut Paoli-Calmettes, CRLC PACA, 13009 Marseille,Francec Service d’oncologie, institut Curie, 75005 Paris, Franced Service d’urologie, CHRU Bretonneau, université Francois-Rabelais de Tours, PRESCentre-Val de Loire université, 37000 Tours, Francee Service d’urologie et transplantation rénale, hôpital de la Conception, AP—HM,Aix-Marseille université, 13385 Marseille cedex 5, Francef Service d’urologie, hôpital G.-Montpied, université d’Auvergne, 63003 Clermont-Ferrandcedex 1, Franceg Service d’urologie, hôpital Nord, AP—HM, Aix-Marseille université, 13015 Marseille, France

Recu le 27 aout 2013 ; accepté le 28 aout 2013

MOTS CLÉSCancer de laprostate ;Résistant à lacastration ;Métastases ;Radiothérapie

RésuméBut. — Décrire les médicaments utilisés dans le traitement non hormonal de la maladie méta-statique du cancer de la prostate.Matériel. — Recherche bibliographique à partir de la base de données bibliographique Medline(National Library of Medicine, outil PubMed), des sites de l’HAS et de l’ANSM. La rechercheétait centrée sur les caractéristiques, le mode d’action, l’efficacité et les effets secondairesdes différentes classes de médicaments concernées.

métabolique ;Chimiothérapie ;Bisphosphonates ;

Résultats. — La radiothérapie métabolique bien que sous-utilisée dans cette indication gardeune place au début de la maladie. Le chlorure de radium 223 semble devoir occuper une placeimportante dans les prochaines années. La chimiothérapie, seul recours jusqu’à récemment

Dénosumab ;RANK-Ligand

dans le cancer de la prostate résistant à la castration, doit redéfinir en partie sa place. Ledénosumab apparaît être une alternative très intéressante aux bisphosphonates.

∗ Auteur correspondant. Service d’urologie, hôpital Nord, pavillon l’Étoile, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France.Adresse e-mail : [email protected] (C. Bastide).

166-7087/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.08.322

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Le traitement non hormonal de la maladie métastatique du cancer de la prostate 1259

Conclusion. — Le traitement non hormonal de la maladie métastatique du cancer de la pros-tate est en pleine mutation avec l’émergence de nouvelles molécules que l’urologue doitparfaitement connaître.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSProstate cancer;Metastaticcastration-resistantprostate cancer;Metabolicradiotherapy;Chemotherapy;Bisphosphanates;Denosumab;RANK-Ligand

SummaryAim. — To describe drugs used in the non-hormonal treatment of metastatic prostate cancer.Material. — Bibliographical search was performed from the database Medline (National Libraryof Medicine, PubMed) and websites of the HAS and the ANSM. The search was focused on thecharacteristics, the mode of action, the efficiency and the side effects of the various drugsconcerned.Results. — The metabolic radiotherapy although under-used for this indication, kept a placeat the beginning of the disease. Radium-223 chloride seems to have to occupy an importantplace in the coming years. The chemotherapy, the only recourse until very recently in thecastration-resistant prostate cancer, must redefine its place partially. The denosumab providean interesting alternative to bisphosphonates.Conclusion. — The non-hormonal treatment of the metastatic disease of the prostate cancer ischanging rapidly with the emergence of new molecules. Urologist must know perfectly thesenew drugs.

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© 2013 Elsevier Masson SAS.

La radiothérapie métabolique ouradiothérapie interne vectorisée

Molécules

Deux molécules sont aujourd’hui disponibles en France pourune radiothérapie métabolique dans le cancer de la pros-tate métastatique résistant à la castration : le chlorure de89Strontium et le 153Samarium Lexidronam.

Chlorure de 89Strontium (Métastron®)C’est un cation divalent analogue du calcium.

Administration : injection intraveineuse lente uniqued’une solution aqueuse, prête à l’emploi de 150 MBq (doserecommandée). Cette activité peut cependant être adap-tée selon la corpulence des patients (2 MBq/kg). Elle doitêtre réalisée par un médecin qualifié ayant recu les auto-risations par les autorités compétentes pour utiliser desradionucléides dans un service agréé [1].

Toute supplémentation calcique doit être interrompuedeux semaines avant le début du traitement.

Coût d’une dose de Métastron® : 1297 euros (150 MBq).SMR non évalué, ASMR non évalué.

153Samarium Lexidronam (Quadramet®)Le 153Samarium Lexidronam est un complexe formé desamarium 153 radioactif et d’un chélateur tétraphosphanate(l’éthylène diamine-tetraméthylène-phosphanate). Il s’agiten fait d’un bisphosphonate marqué.

Administration : solution prête à l’emploi pour injectionintraveineuse lente unique de 37 MBq/kg. Elle doit être réa-lisée par un médecin qualifié ayant recu les autorisations par

les autorités compétentes pour utiliser des radionucléidesdans un service agréé [1].

Il n’est pas nécessaire d’interrompre un traitementconcomitant par bisphosphonates.

1

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ights reserved.

Le coût : 1087,69 euros (2 GigaBq).SMR important, ASMR non évalué.

e chlorure de radium 223e chlorure de radium 223 (Alpharadin®, Xofigo®) qui estujourd’hui recommandée par l’American Urologic Associa-ion est en demande d’ATU de cohorte pour la France chezes patients métastatiques osseux résistants à la castration.e traitement apporte un bénéfice sur la survie globale. Lehlorure de radium 223 est un mimétique du calcium qui an tropisme osseux (matrice d’hydroxyapatite). Il s’agit d’unmetteur �. Il délivre une forte énergie avec une pénétra-ion dans les tissus < 0,1 mm et par conséquent, il présenteoins d’effet de myélosuppression [2].

odes d’action

hlorure de 89Strontiume chlorure de 89Strontium (89Sr) s’intègre dans les cristaux’hydroxyapatite selon l’activité ostéoblastique. Le ratio dexation lésion ostéoblastique/os normal est de 5. Le 89Srrésente une demi-vie biologique longue dans les lésionsstéoblastiques (supérieure à sa demi-vie physique qui este 50,5 jours), tandis que sa rétention dans l’os sain n’estue de 14 jours. Ceci augmente donc l’irradiation dans laétastase osseuse, alors qu’elle reste faible dans la moelle

sseuse. L’effet sera d’une durée de 6 mois, avec un délai’apparition retardée de 10 à 15 jours. Le 89Sr est un émet-eur �- pur, d’énergie maximale de 1,46 Mev. Ces particules- sont responsables de l’effet thérapeutique. Leur parcoursaximal est de 7—8 mm dans les tissus et de 3—4 mm dans

’os. Il n’y a donc pas d’irradiation de l’entourage [1,3].

53Samarium Lexidroname 153Samarium Lexidronam se concentre dans l’os selon unapport de fixation os sain/os tumoral de 5, dans les zones

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turn-over élevé. Il peut être administré avec un autreisphosphonate. La période physique du 153Samarium Lexi-ronam est courte (46,3 heures). Ce radionucléide émet desarticules �- d’énergie maximale 810 Kev. Il a une pénétra-ion moyenne dans les tissus (0,8 à 3 mm).

Ce radionucléide émet également un rayonnement (103 Kev), qui permet de réaliser une scintigraphieost-thérapeutique et d’objectiver la distribution du radio-harmaceutique ainsi que l’étendue de la maladie.

Le délai d’action est assez rapide (dans la semaine quiuit l’injection) et persiste 3 à 4 mois [1,3—7].

ndications

es deux molécules ont une indication dans le traitementntalgique des métastases osseuses ostéoblastiques doulou-euses multiples chez des patients atteints d’un cancer dea prostate résistant à la castration.

Il est nécessaire avant de débuter une radiothéra-ie métabolique de confirmer la présence de métastasesstéoblastiques (hyperfixantes) par la réalisation d’une scin-igraphie osseuse au diphosphonate de 99mTc [1].

La thérapie est efficace dans 70 à 80 % avec une dis-arition complète des douleurs dans 20 % à 30 % des casarrêt total de la prise d’antalgique). Il est nécessaire deémarrer une radiothérapie métabolique précocement (dès’apparition des douleurs).

Une 2e administration, voire plus, est possible en res-ectant un délai de 3 mois pour le chlorure de 89Strontiumt de 2 mois pour le 153Samarium Lexidronam, en fonctione l’efficacité du 1er traitement, de l’espérance de vieu patient (performans status > 50 %) et de la récupérationématopoïétique [6—8].

écurité

récautions de prescriptionn bilan biologique est nécessaire avant de prescrire uneadiothérapie métabolique. Il comporte : NFS, plaquettes,onogramme sanguin, urée sanguine et créatininémie.

Le patient doit avoir recu une information verbale etcrite. Les mesures de radioprotection doivent avoir étérécisées.

Une radiothérapie concomitante n’est pas possible avece 153Samarium Lexidronam [1,9,10].

Les contre-indications à respecter sont la thrombo-énie (< 100 000 plaquettes), la leucopénie (< 2000 GB),’insuffisance rénale, le superscan à la scintigraphie osseusehyperfixation globale), l’envahissement médullaire et/oun traitement myélosupresseur.

ffets secondaireses effets secondaires les plus souvent observés sont : unehrombopénie, une neutropénie et/ou une anémie.

Le patient doit être informé qu’il existe un risque de

ecrudescence des douleurs dans 10 à 20 % des cas dans les

à 4 jours qui suivent l’injection (flare phenomena).Ces médicaments sont similaires en termes de tolérance

t d’efficacité.

1

t

P. Mongiat-Artus et al.

adioprotectiones recommandations internationales concernant l’élimi-ation des déchets radioactifs doivent être respectées [1,5].

Une élimination urinaire est observée les premièreseures après injection (30 % de l’activité injectée poure 153Samarium Lexidronam, plus faible pour chlorure de9Strontium). Il faut maintenir un bon état d’hydratationt une diurèse importante. Les urines sont recueillies les

premières heures qui suivent l’injection.Les patients ayant un risque de rétention ou une

ncontinence doivent être sondés. Des mesures de radio-rotection vis-à-vis de l’entourage doivent être respectéeses heures qui suivent l’injection, plus particulièrementvec le 153Samarium Lexidronam (émission �). Une chambreadioprotégée les 6 premières heures pour le 153Samariumexidronam est nécessaire.

himiothérapie du cancer de prostate

olécules

e docétaxel (Taxotere®)l est prescrit à la dose de 75 mg/m2 chaque 21 jours en asso-iation avec de la prednisone 10 mg/j (5 mg × 2/j).

SMR important, ASMR niveau III.Prix : 20 mg/1 mL : 70 euros.Le docetaxel hebdomadaire à la dose de 35 mg/m2 n’a

as montré d’amélioration en survie globale dans l’étudeAX 327.

e cabazitaxel (Jevtana®)e cabazitaxel (Jevtana®) est prescrit à la dose de5 mg/m2 en perfusion d’une heure tous les 21 jours, égale-ent en association avec la prednisone 10 mg/j. Au regardu risque élevé de survenue d’événements indésirablesévères, constaté avec une posologie de cabazitaxel à5 mg/m2 et dans l’attente des résultats d’une étude de non-nfériorité avec une dose de 20 mg/m2, la posologie optimaleu cabazitaxel reste à définir.

SMR important, ASMR niveau III.Prix non encore déterminé.

a mitoxantrone (Novantrone®)a mitoxantrone (Novantrone®) est prescrite à la dose de2 à 14 mg/m2 chaque 21 jours en association à une cortico-hérapie (prednisone ou hydrocortisone).

SMR non évalué, ASMR non évalué.Prix : 20 mg/10 mL : 230 euros.

’étoposide (Celltop®)’étoposide (Etoposide®, Celltop®) peut s’utiliser en perfu-ion à la dose de 100 mg/m2 j1j2j3/21 jours ou sous formerale (comprimés de 25, 50 ou 100 mg), à la dose de 75 à

00 mg/j sur 10 à 15 jours tous les 21 jours.

SMR non évalué, ASMR non évalué.Prix : 10 euros le comprimé de 50 mg (Celltop®). Prix solu-

ion injectable : non règlementé.

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Le traitement non hormonal de la maladie métastatique du

Le cisplatine (Cisplatyl®)Le cisplatine (Cisplatyl®) sera utilisé à la dose de70 à 100 mg/m2 chaque 21 jours avec un protocoled’hyperhydratation si la fonction rénale est correcte(clairance rénale ≥ 60 mL/min).

SMR non évalué, ASMR non évalué.Prix : 50 mg/50 mL : 3 euros.

Modes d’action

Le docetaxelLe docetaxel est un taxane analogue semi-synthétique quia la propriété de se lier aux micro-tubules (constituants ducytosquelette cellulaire et du fuseau mitotique). La liaisondes taxanes à la tubuline entraîne une inhibition de la dépo-lymérisation du fuseau mitotique et un arrêt de la mitose.

Le cabazitaxelLe cabazitaxel est également un taxane semi-synthétique,extrait des aiguilles d’une variété d’if. Il inhibe également ladépolymérisation des micro-tubules et interrompt la divisioncellulaire.

La mitoxantroneLa mitoxantrone est un antinéoplasique cytostatique appar-tenant à la famille des anthracène-diones de synthèse. C’estun inhibiteur de la topo-isomérase de type II. Il interromptla synthèse et la réparation de l’ADN aussi bien chez les cel-lules saines que chez les cellules cancéreuses. Il agit via sonaction intercalante.

L’étoposideL’étoposide est un inhibiteur de la topo-isomérase 2.

Les sels de platineLes sels de platine sont des agents alkylants. Ils forment desliaisons covalentes avec les nucléotides de la chaîne ADNet inhibent ainsi la réplication. Cependant, le mécanismed’action cytotoxique du cisplatine n’est pas complètementélucidé.

Indications

L’indication de la chimiothérapie est limitée aux cancersprostatiques métastatiques résistants à la castration.

Il n’y a plus aujourd’hui de réelles indications pour lamitoxantrone dans le cancer de la prostate résistant à lacastration.

Le docetaxel à la dose de 75 mg/m2 tous les 21 jours,associé à prednisone 10 mg/j, représente le traitement stan-dard dans le cancer de la prostate résistant à la castration[11]. Son indication n’est pas discutable dans les formesmétastatiques symptomatiques.

Cependant, il n’existe pas de preuve pour justifier dedébuter précocement le docetaxel chez les patients asymp-tomatiques. Chez ces patients, le début du traitement sera

discuté au cas par cas.

Il n’y a pas d’indication pour le docetaxel chez lespatients non métastatiques résistants à la castration endehors d’essais thérapeutiques.

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er de la prostate 1261

Un schéma hebdomadaire peut être envisagé chez desatients incapables de recevoir un schéma optimal du fait deeur âge avancé, de leur état général ou de pathologies asso-iées. Une évaluation gériatrique est recommandée chez lesatients âgés, présentant des co-morbidités.

Une méta-analyse a mis en évidence que l’addition’estramustine à un inhibiteur de microtubules amélioraite temps jusqu’à progression et la survie au prix d’une aug-entation du risque thromboembolique, justifiant ainsi unerévention par antivitamine K ou HBPM [12]. Cette associa-ion n’est pas retenue comme une recommandation.

Le cabazitaxel est devenu la chimiothérapie standard deeuxième ligne après docetaxel à la suite des résultats de’essai TROPIC [13]. Suite à l’avis de l’HAS, il fait partie dea réserve hospitalière. Ce médicament nécessite une sur-eillance particulière pendant le traitement. Sa prescriptionst réservée aux spécialistes en oncologie ou en hématolo-ie, ou aux médecins compétents en cancérologie.

Une deuxième ligne de docetaxel peut être discutéehez les patients ayant répondu à une première ligne [14].ne reprise du docetaxel chez les patients ayant présenténe bonne réponse initiale et présentant un intervalle libree plusieurs mois permet d’obtenir une réponse biologiquehez plus de la moitié des patients pour une durée médianee réponse d’environ six mois.

Les tumeurs de prostate métastatiques résistantes àa castration à composante neuroendocrine n’ont toujoursas trouvé de chimiothérapie très efficace que ce soit’étoposide ou les sels de platine [15].

écurité

our le docetaxelans l’étude TAX327, il a été décrit 32 % de neutropénie derade 3 ou 4 ; 3 % de neutropénie fébrile et 4,5 % d’anémie derade 3. Les autres toxicités sont représentées par : une ony-holyse, une alopécie, une neuropathie périphérique, deséactions allergiques et une toxidermie.

our le cabazitaxel’effet secondaire principal est la neutropénie. Lesiarrhées sont également fréquentes et peuvent être poten-iellement graves. Par rapport au docetaxel, l’alopécie n’estas systématique, il n’y a pas d’onycholyse, ni de neuro-oxicité. Dans l’étude TROPIC, les événements indésirablese grade ≥ 3 sont survenus chez 57,4 % des patients danse groupe cabazitaxel. Un arrêt du traitement pour événe-ents indésirables a été nécessaire chez 18,3 % des patients.

es événements indésirables de grade ≥ 3 les plus fréquentstaient : la neutropénie (21,3 %), les diarrhées (6,2 %) et’asthénie (4,6 %). Quelques cas décès toxique ont été rap-ortés [13].

a mitoxantronea mitoxantrone a essentiellement une toxicité hématolo-ique avec un risque leucémogène.

’étoposide’étoposide est responsable d’alopécie et de toxicité héma-ologique.

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e cisplatinee cisplatine a une toxicité essentiellement rénale eteurologique (périphérique), nécessitant un contrôle systé-atique de la fonction rénale.

es bisphosphonates

es molécules

DCI Nomcommercial

Dosage(mg)

Posologie Galénique SMR ASMR Prix annuel(euros)

Acide zolédronique Zometa® 4 IV lente (15 min),mensuelle

SD Important III 4872

Clodronate disodique Clastoban® 400 PO : 1600 mg/j endeux prises

CP Important V 2744800

Pamidronate de sodium Ostepam® 90 IV (2 heures),mensuelle

SD Important V 2844

CI : dénomination commune internationale ; SD : solution à diluer pour perfusion ; PO : per os ; IV : intraveineuse ; CP : comprimé.

ode d’action

es bisphosphonates sont des analogues synthétiques duyrophosphate, composant de la matrice osseuse. Ils sontncorporés dans la matrice osseuse où ils ont la particu-arité de se lier aux cristaux d’hydroxyapatite, diminuanta possibilité pour les ostéoclastes de les résorber. Ilsnt aussi la capacité d’inhiber directement l’activité desstéoclastes et de leurs précurseurs. Ils inhibent aussi,ndirectement par leurs effets sur les ostéoblastes, la dif-érentiation et l’activation des ostéoclastes. Ils ont enfin laapacité d’induire l’apoptose et d’inhiber l’expression deANK-Ligand dans les cellules d‘adénocarcinome de pros-ate.

La diminution du remodelage osseux par diminutione la résorption osseuse s’accompagne ultérieurement’une diminution de la formation osseuse. Les bisphospho-ates rendent positive la balance calcique, augmententa masse osseuse et diminuent la fragilité osseuse16].

ndications

raitement de l’ostéoporose liée à la castrationl n’y a pas de recommandation spécifique pour le traitemente l’ostéoporose ou de l’ostéopénie chez les hommes castréshttp://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/df/osteoporose synthese.pdf).

révention des complications osseuses chez lesatients avec une maladie métastatique osseuse’indication princeps des bisphosphonates dans la mala-ie métastatique osseuse réside dans la prévention desomplications osseuses (fractures pathologiques, compres-ion médullaire, irradiation ou chirurgie osseuse, hypercal-émie induite par des tumeurs) [17]. Dans le domaine de

Sécurité

Précautions de prescriptionAvant de prescrire des bisphosphonates et après le débutdu traitement, plusieurs mesures d’accompagnement sontnécessaires :• corriger un déficit en vitamine D et en calcium (doser

calcium sanguin, protidémie et vitamine D) ;

• normaliser les apports alimentaires en calcium et vita-mine D (éventuelle supplémentation) ;

• évaluer l’état buccodentaire par une consultation auprèsd’un spécialiste et réalisation d’un panoramique dentaire,éducation du patient sur la surveillance de son état bucco-dentaire et sur l’identification précoce d’une cellulite ;

• insister auprès du patient sur certains mesures hygié-nodiététiques : activité physique régulière spécifique(contractions isométriques), arrêt du tabac et de l’alcool.

Tous les bisphophonates sont contre-indiqués encas d’insuffisance rénale (clairance < 35 mL/min) oud’hypocalcemie.

Une surveillance biologique de la fonction rénale et cli-nique de l’état bucco-dentaire est recommandée.

Effets secondairesLes principaux effets secondaires communs aux bis-phosphonates sont : les céphalées (5 %), les douleursmusculo-squelettiques (8 %), les troubles digestifs, les réac-tions cutanées, l’altération de la fonction rénale (surtoutavec l’acide zolédronique). L’ostéonécrose mandibulairebien que rare représente une complication sévère.

La fracture fémorale atypique est très rare et survientaprès une prise prolongée sur plusieurs années.

Les bisphosphonates par voie parentérale peuvent êtreresponsables d’un syndrome pseudogrippal avec hyperther-mie (jusqu’à 17 %) dans les jours qui suivent l’injection.

Anticorps anti-RANK-Ligand

Molécules

Une seule molécule est disponible, c’est le dénosumab(Xgeva®). Le dénosumab est un anticorps monoclonal

’urologie, cette indication est représentée essentiellementar le cancer de la prostate au stade de résistance à la cas-ration. La réduction de la survenue d’un évènement osseuxst de 11 %.

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umain de type IgG2 qui a pour cible le système RANK/RANK-igand.

La posologie recommandée est de 120 mg, adminis-rée une fois toutes les quatre semaines, par injection

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sous-cutanée pour une durée indéterminée. Prix traitementannuel : 4219,20 euros.

SMR important, ASMR niveau IV.

Mode d’action

Le RANK-Ligand se lie à son récepteur transmembranaire(RANK) présent sur les cellules souches hématopoïé-tiques, les monocytes et les ostéoclastes. La liaisonrécepteur—ligand induit une cascade signalétique qui régulel’activation, la différentiation et la prolifération cellulaire.

Le dénosumab est un anticorps monoclonal humanisédirigé contre RANK-Ligand pour lequel il a une très forteaffinité. À l’opposé des bisphosphonates, le dénosumab nes’accumule pas dans l’os et il a une longue demi-vie (supé-rieure à 30 jours). En se liant à RANK-Ligand, il s’oppose doncà la liaison RANK-Ligand/RANK, ce qui supprime l’activitéostéoclastique de facon rapide et profonde. Il en résulte unediminution de la résorption osseuse et une augmentation dela densité osseuse [18].

Indications

La prescription de dénosumab est réservée aux spécialistesen oncologie ou en rhumatologie ou aux médecins compé-tents en cancérologie.

Le dénosumab a pour l’heure une seule indication dansle cancer de la prostate. En effet, il n’y a pas de recomman-dation spécifique pour le traitement de l’ostéoporose chezl’homme castré.

Son indication princeps concerne la prévention descomplications osseuses (fractures pathologiques, compres-sion médullaire, irradiation ou chirurgie osseuse) chez despatients adultes atteints d’un cancer de la prostate résis-tant à la castration avec métastases osseuses. Le dénosumabretarde de manière significative la survenue du premierévénement osseux (fracture pathologique, compressionmédullaire, chirurgie orthopédique, radiothérapie osseuse)de 3,6 mois par rapport à l’acide zolédronique, avec unetolérance identique [19].

Sécurité

Précautions de prescriptionAvant de prescrire le dénosumab et après le début dutraitement, plusieurs mesures d’accompagnement sontnécessaires :• rechercher une hypocalcémie qui représente une contre-

indication ;• réaliser une supplémentation systématique en vitamine

D (minimum 400 UI) et en calcium (miminum de 500 mg),excepté chez les patients ayant une hypercalcémie ;

• évaluer l’état buccodentaire par une consultation auprèsd’un spécialiste et réalisation d’un panoramique den-taire ;

• insister auprès du patient sur certains mesures hygié-

nodiétetiques : activité physique régulière spécifique(contractions isométriques), arrêt du tabac et de l’alcool ;

• éducation du patient sur la surveillance de son état buc-codentaire et sur l’identification précoce d’une cellulite ;

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er de la prostate 1263

surveillance biologique (vitamine D, calcémie et phospha-témie) est requise ainsi qu’une surveillance clinique del’état buccodentaire tous les 4 mois.

ffets secondaireses effets secondaires les plus souvent observésont : l’hypocalcémie (en cas de non-substitution),’hypophosphatémie, les infections (tissus sous-cutané)0,9—0,4 %), la dyspnée (< 10 %), la diarrhée (> 10 %),’hyperhidrose (< 10 %), l’ostéonécrose mandibulaire (1,8 %vec une incidence cumulée de 1,1 % la première année ete 4,1 % par la suite).

éclaration d’intérêts

es auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits’intérêts.

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