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Le travail Les temps modernes, Chaplin, 1936.

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Le travail

Les temps modernes, Chaplin, 1936.

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Le travail est au coeur des contradictions du monde moderne.

Valeur centrale de l'existence : - satisfaction des besoins- développement- émancipation- accomplissement de soi

Contrainte à laquelle on rêve d'échapper : - stress ; pression- contrainte économique- contrainte sociale- peur du chômage- attente de la retraite...

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Travaille-t-on pour vivre ou vit on pour travailler ?

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Le problème du travail :

Double médiation :

Par la conscience (aspect subjectif) : l'homme se représente ses besoins, ses désirs, et les opérations pour les satisfaire.

Par autrui (aspect objectif) : chacun, en travaillant, satisfait ses besoins, en satisfaisant ceux d'autrui = division du travail.

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Ces deux médiations sont ambiguës :

Pour la conscience le travail peut être :

- accomplissement de soi : liberté dans la maîtrise de la nature ; image de soi dans l'oeuvre

- perte de soi : travail moderne déshumanisé, aliéné.

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Dans la relation à autrui, le travail peut être :

- accomplissement de soi : intégration, participation, coopération

- perte de soi : travail soumis, dominé, exploité...

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Peut-on se libérer par le travail, ou bien faut-il se libérer du travail ?

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I) Qu'est-ce que le travail ?

3 principaux aspects :

1) L'effort pénible pour produire = le labeur

2) L'activité en vue d'un gain = l'emploi

3) L'activité technique de transformation = le métier.

Remarque : le sens physique : « produit d'une force par le déplacement de son point d'application ».

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II) Le travail est-il l'essence de l'homme ou une création historique ?

Dimension universelle, anthropologique, trans-historique du travail :

- Cf Marx : « nécessité physique de la vie humaine » (Le Capital, I, 7)

- cf Sartre : fait partie de la condition humaine, comme la mort, et le rapport à autrui.

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Bien sûr le travail est nécessaire à l'homme, comme médiation avec la nature. Mais c'est une considération abstraite.

Concrètement le travail est le produit de l'histoire : - les rapports de production sont historiques : esclavage, servage, salariat, délocalisation ; les diverses formes de division du travail..

- les forces de production sont historiques : outils, ateliers, manufactures, machines à vapeur, usines, automates, énergie électrique...

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Historicité du travail : quelques indications :

Dans les premières sociétés :Cf Rousseau, Discours sur l'origine des inégalités

Cf Marchall Sahlins : Age de pierre, âge d'abondance, 1972Dans les sociétés primitives : - faible temps de travail (4 ou 5 h par jour) - travail intermittent - pas d'exploitation - et pourtant abondance.

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Antiquité grecque :Cf JP Vernant, Mythes et pensée chez les grecs, 1965- pas de catégorie unifiée pour le travail- distinction entre les activités relevant du « ponos » (labeur) et celles relevant de « l'ergon » (oeuvre)- le « ponos » du laboureur est une activité à la fois physique, morale et religieuse.- distinction entre la production (« poiesis ») et l'action (« praxis »).

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Les grecs ne valorisaient pas le travail, au sens de « ponos », ou de « poiesis », et valorisaient la vie de loisir (scholè) ou l'action (praxis).

D'où l'esclavage, mais attention... : « Dire que le travail et l'artisanat étaient méprisés dans l'antiquité parce qu'ils étaient réservés aux esclaves, c'est un préjugé des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu'il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. »Hannah Arendt, Condition de l'homme moderne

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Etymologie du mot « travail » :

Du bas latin « tripallium » = instrument pour contraindre les animaux ; puis instrument de torture.

Le mot « travail » apparaît au 12ème siècle : sens de torture ou tourment : le « travail » de l'accouchement.

A relier à l'Ancien Testament ; la malédiction infligée au péché originel : « tu travailleras à la sueur de ton front, et enfanteras dans la douleur”

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A partir du 15ème siècle (selon G Lefranc), le mot perd le sens de « torture », et prend celui d'activité productrice prolongée réclamant un effort.

A partir du 17ème / 18ème siècle apparaît le concept moderne de « travail en général », avec l'apparition de l'économie politique : l'étude rationnelle de la production des richesses et des échanges économiques.

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La notion de « travail en général » apparaît avec la société bourgeoise et l'économie capitaliste.

Tout bien (valeur d'usage) est considéré comme une marchandise possible (valeur d'échange).

Dès lors le travail devient la source et la mesure de la valeur.

Cf Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx.

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Plus précisément, le travail est conçu (à partir du 18ème), comme le fondement de la valeur d'échange des biens reproductibles.

Cela s'oppose - aux mercantilistes, qui pensaient que la valeur reposait sur les métaux précieux ou les denrées rares (ex : Colbert, Petty).- aux physiocrates, pour lesquels c'est la production agricole. (Quesnay)

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Exemple : Adam Smith (1723/ 1790)Recherches sur la richesse des nations, 1776.Distingue valeur d'usage et valeur d'échange : Un bien peut être une valeur d'usage absolument nécessaire (l'eau) et n'avoir que peu de valeur d'échange.Un bien peut n'avoir que peu de valeur d'usage, et une grande valeur d'échange (le diamant)La différence est dans le travail nécessaire pour le produire.

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« Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise »

Mais selon Adam Smith, la valeur d'échange “est égale à la quantité de travail que cette denrée le met en état d'acheter ou de commander. »

Ainsi il inclut le profit et la rente dans le travail. Pour Ricardo, puis Marx, c'est le travail nécessaire pour produire un bien (et non pour l'acheter ou le commander) qui fonde la valeur d'échange.

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III) Le travail n'est-il que servitude ?

III) A) Le travail aliéné et exploité

A1) L'aliénation du travail(Cf Marx, Manuscrits de 1844)

Du latin « alienus » = autre, étrangerEst aliéné ce qui est rendu étranger à soi-même, dépossédé de son essence.

Cf Marx « l'ouvrier est ravalé au rang de marchandise »

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Selon Marx, dans l'économie capitaliste, l'ouvrier est triplement aliéné, cad étranger lui-même :

1- étranger au produit de son travail

2- étranger à son activité de travail

3- étranger au travail comme activité générique

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A2 : L'exploitation du travail (le Capital, I,7) : - comme Ricardo, Marx pense que le travail est la base de la valeur d'échange. D'où la question de l'origine du profit.- Quelle est la valeur du travail lui-même ?Selon Marx le travail n'a pas en lui-même de valeur : « tautologie absurde ».- Ce qu'achète le capitaliste c'est la force de travail.- La valeur d'échange de la force de travail = le travail nécessaire à sa reproduction (manger, dormir, prendre quelques loisirs, nourrir et loger sa famille etc.)

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La force de travail a donc une valeur d'échange = le salaire.

La force de travail a aussi une valeur d'usage = force de production.

Or la valeur d'échange produite par la force de travail peut être supérieure à la valeur d'échange de cette force de travail : - valeur du produit du travail > prix du travail.

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Dans une journée de travail, une partie est consacréeà la reproduction de la force de travail (=salaire), et le reste est consacré au profit : c'est le « Surtravail »

Le « surtravail », ou « travail gratuit », produit la « survaleur », cad le profit, la plus-value.

Cette utilisation du salariat pour en tirer un travail gratuit générateur de profit, Marx l'appelle « exploitation ».

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L'échange économique entre l'ouvrier et le capitaliste : - est égal puisque la force de travail est payée à sa valeur. - est inégal car dans l'échange le capitaliste obtient une marchandise dont la valeur est supérieure au salaire (du moins si son affaire est rentable...).

On voit ici deux conceptions de l'égalité (et donc de la justice) : la première est abstraite, la seconde est concrète.

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Ajoutons que la survaleur sera d'autant plus grande, que la productivité sera grande. D'où la tendance du capitalisme à développer le machinisme.

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III) B) Le travail moderne est réduit à la production.Cf Hannah ArendtDistinction : - Vie de plaisir : jeu, amusement, voyages...- Vie contemplative : étude, théorie...- Vie active : travail, oeuvre, action.

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La vie active se décline en :

- Travail = « l'activité qui correspond au processus biologique du corps humain » : production / consommation

- Oeuvre : « activité qui correspond à la non-naturalité de la vie humaine » : fabrication, usage; durabilité.

- Action : activité liée à l'interaction entre les hommes : politique, vie publique, éducation...

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Le monde moderne réduit les 3 activités au seul travail.- réduction de l'action à l'oeuvre : transformer le monde comme si c'était une chose matérielle : technocratie, bureaucratie, totalitarisme

- réduction de l'oeuvre au travail : tout produit est une marchandise ; toute activité est travail.L'artisan, le journaliste, le médecin, l'enseignant, le soldat et même le politicien, sont tous des « travailleurs ».

La réduction conduit à une « société de travailleurs »

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Si l'on considère le machinisme et la réduction du travail humain :

« Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire. »

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C) Le temps de loisir est il un temps libre ?Cf Baudrillard, La société de consommation, 1970.Qu'est-ce que le loisir ?Pour Aristote, c'est la « scholè », l'étude, ou l'école. Ce qui s'oppose au travail d'une part, et au jeu d'autre part.

Pour Baudrillard, le loisir ce sont les loisirs, ces moments consacrés à autre chose que le travail.

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Selon Baudrillard, les loisirs ne sont pas vraiment du temps libre : 1) Le temps de loisir est chronométré, calculé, réglé, optimisé... comme celui du travail.2) Le temps de loisir est producteur de valeurs symboliques (prestige, distinction, privilège). Il a une valeur d'échange comme le travail.3) Les loisirs sont produits pour être consommés. Il n'est pas question de « perdre son temps ».

Conclusion : le temps de loisir n'est pas libre, parce qu'on ne pas le droit de le perdre.

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IV) Peut-on se libérer par le travail ?

A) Le travail formateur. Discipline de soi.Selon Kant, dans le Traité de pédagogie, le travail est nécessaire à l'homme pour qu'il développe ses facultés, physiques et intellectuelles.Sans le travail, l'homme demeurerait un animal stupide et borné.Le rôle de l'Ecole serait de lui apprendre à travailler : d'où une critique de la pédagogie du jeu.

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B) Intégration sociale et libertéLe travail permet l'intégration sociale : coopération, reconnaissance, estime de soi, « solidarité organique » .

Mais intégration sociale ne veut pas dire forcément liberté : intériorisation de la hiérarchie, de l'obéissance, de la soumission au règlement etc..

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Pourquoi faudrait il s'intégrer « par » le travail ?

Dans les sociétés traditionnelles, l'intégration se fait par d'autres moyens : rites religieux, éducation collective, échanges symboliques, cérémonies et fêtes...

L'idée d'intégration par le travail, est liée à une société où le travail est devenu la médiation exclusive entre des individus privés.

Méfions nous des pseudo-évidences...

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C) La dialectique du maître et de l'esclaveCf Hegel, Phénoménologie de l'esprit (1801)

Cette analyse montre comment l'être humain affirme progressivement sa liberté, en plusieurs étapes qui s'enchaînent dialectiquement.

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Temps 1 : Les hommes sont en lutte les uns contre les autres pour être reconnus comme des êtres libres. Dans cette lutte, l'un affirmera sa liberté au péril de sa vie (le Maître), et l'autre affirmera sa vie au détriment de la liberté (l'Esclave). Le maître a surmonté sa peur de la mort, donc la nature. L'Esclave a cédé à sa peur de la mort, donc à la nature.

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Temps 2 :Le Maître contraint l'esclave à travailler. Il affirme sa liberté par rapport à la nature, car il peut en « jouir » (profiter) sans avoir à travailler (souffrir).Réciproquement l'Esclave est contraint, et doit réfréner ses désirs. Il travaille, mais jouit peu du produit de son travail.

Mais la liberté du maître est abstraite : c'est la « licence », ou liberté de faire ce qui lui plaît. Le maître a fait entrer l'humanité dans l'histoire, mais à présent il mène une vie oisive.

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Temps 3 : L'Esclave travaille : il transforme la nature, et se transforme lui-même (compétences). Il est le seul à donner une forme humaine à la nature.

Le Maître a besoin de l'Esclave essentiellement (pour mener sa vie de plaisir). L'Esclave n'a besoin du Maître qu'accidentellement (pour obtenir les moyens matériels de production).

Le Maître est esclave de l'Esclave. L'Esclave est maître du Maître.

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Conclusion : l'Esclave, en maîtrisant la nature, se libère de ce qui l'a asservi. Il devient le Maître Concret.

Mais pour accomplir le processus, il faudrait que l'opposition Maître/Esclave disparaisse, et que chacun reconnaisse l'autre, comme une liberté qui a besoin du travail pour se donner une forme concrète.

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V) Peut-on se libérer du travail ?

A) Critique de la glorification du travailSelon Nietzsche, dans Aurore, 1881, la glorification du travail (la « valeur travail ») masque la peur de ce qui est individuel : création, originalité, affirmation de soi, divergence etc.Le travail est « la meilleure des polices » : - mobilise les facultés sur des buts précis et « mesquins » (utilité, gain)- empêche de réfléchir, de rếver, de désirer...

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B) Une vie sans travail est-elle concevable ?Dans le livre III du Capital, Marx rappelle que la vie humaine est forcément attachée à la nature. Donc le travail, et le surtravail, sont des nécessités.

Mais, par la hause de la productivité, et la baisse du temps de travail, dans le cadre d'une société communiste (sans classes), il serait possible de libérer du temps, pour des activités vraiment libres.

Plus profondément, pour Marx, il faudrait se libérer du travail, comme seule médiation sociale entre les hommes. Oui, mais comment ?...

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C) Se libérer du travail, ne conduit-il pas à une vie totalement futile ?

Arendt observe l'émancipation de la classe laborieuse au 20ème siècle : droit du travail, diminution de la violence, amélioration des conditions de travail.

Mais le plus important selon elle, c'est l'émancipation du travail, bien plus ancienne : tout est travail (ou presque...) ; tout le monde travaille (ou presque...).

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« L'émancipation du travail, accompagné de l'émancipation des classes laborieuses libérées de l'oppression et de l'exploitation, a été certainement un progrès dans le sens de la non-violence. Il est moins sûr qu'elle ait été aussi un progrès dans le sens de la liberté »

Le travail s'est libéré, mais pas l'homme !

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Avec les progrès de l'automatisation, ce qui était une utopie au temps de Marx, est en passe de devenir réalité : l'humanité a de moins en moins besoin de travailler pour produire ce qu'elle désire.

Toutefois, nous n'échappons pas à la futilité du travail moderne : production / consommation.Si l'homme n'avait plus besoin de travailler pour produire, il continuerait, et de plus en plus, à consommer, sans d'autre but.

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Ce monde « utopique » serait entraîné dans une accélération et extension du processus production / consommation : y résisterait-il ? En tout cas ce serait un monde de l'éphémère, un monde sans mémoire (tout est consommé), sans durabilité.Ce ne serait justement pas un monde, au sens d'une totalité organisée susceptible d'accueillir les hommes.

Conclusion : pour se libérer du travail, il faudrait se libérer d'abord de notre culte de la consommation.

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D) Désenchanter le travail, ré-enchanter l'espace public

Pour Dominique Méda, dans Le travail, une valeur en voie de disparition, 1998, le travail exerce un « charme » sur les hommes : plus qu'un moyen de production, ou de socialisation, il est considéré comme la source de notre être.

D'où le caractère dramatique du chômage, alors même que produire plus en travaillant moins devrait être perçue comme une bénédiction.

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Selon Dominique Méda, pour désenchanter le travail, il faudrait montrer que l'utilité sociale, la coopération, peuvent passer par d'autres médiations que le travail. Il faudrait :

- diminuer le temps consacré au travail = la production (poiesis) de biens privés, marchands.

- augmenter le temps consacré à l'interaction sociale, au bien public (praxis), non-marchand.

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« Le défi lancé à l'Etat aujourd'hui n'est donc pas de consacrer plusieurs centaines de milliards de francs à occuper les personnes, à les indemniser ou à leur proposer des stages dont une partie sont efficaces, mais à parvenir à trouver les moyens de susciter des regroupements et des associations capables de prendre en charge certains intérêts et de donner envie de s'y consacrer, de susciter chez eux le désir d'autonomie et de liberté. »

Ne plus faire du travail le pôle exclusif de toute activité « sérieuse ».

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Quelques propositions concrètes (mais fort générales) de D. Méda : - une répartition régulée du travail, des revenus, des statuts, et de la protection sociale. - La publication transparente des revenus, et des inégalités - Plutôt qu'une allocation universelle, faire en sorte qu'une partie des richesses issues de la production finance directement des services publics gratuits : garde d'enfants, hôpitaux, services de santé de proximité, associations.- Prise en charge collective (et non individuelle) des risques et des biens sociaux.

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Conclusion : - le travail moderne n'est plus que production.

- « futilité » de la vie de production/consommation.

- Paradoxe : ce sont les sociétés les plus vouées au travail qui peuvent s'offrir le luxe des loisirs ; mais du coup ces loisirs n'en sont pas vraiment.

- Cercle infernal : vouloir s'émanciper du travail augmente l'endettement public, et risque de conduire à l'appauvrissement.

Page 52: Le travail - philo-freyssinet.e-monsite.comphilo-freyssinet.e-monsite.com/.../files/2013-le-travail-diaporama.pdf · prendre quelques loisirs, nourrir et loger sa famille etc.) La

- Mais qu'est-ce que la richesse ?Ne faut il pas rompre avec le cycle production / consommation pour démystifier la pauvreté économique ?