4
Communication Le trouble disruptif avec dysre ´ gulation de l’humeur Disruptive mood dysregulation disorder Diane Purper-Ouakil a, * ,b a Service de me ´decine psychologique de l’enfant et de l’adolescent, hoˆpital St E ´ loi, CHRU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34000 Montpellier, France b Inserm U894, centre psychiatrie et neurosciences, 75014 Paris, France 1. Introduction Les travaux concernant les troubles de l’humeur de l’enfant et de l’adolescent ont connu plusieurs grandes e ´ tapes a ` partir des anne ´ es 1980 avec les premie ` res e ´ tudes longitudinales des troubles de ´ pressifs en population pe ´ diatrique [13,14]. Ces e ´ tudes ont souligne ´ la gravite ´ potentielle et le retentissement a ` long terme des troubles de ´ pressifs, car si le premier e ´ pisode est souvent suivi d’une re ´ mission, les re ´ currences de ´ pressives sont fre ´ quentes a ` cinq ans, tout comme les conse ´ quences en termes de retentissement psycho-adaptatif. Quelques anne ´es plus tard, vers le milieu des anne ´es 1990, une nouvelle e ´ tape est franchie par certains auteurs qui attirent l’attention sur le trouble bipolaire pe ´ diatrique qui serait sous-diagnostique ´ et me ´ connu [5,11,12,25]. Ainsi, dans une publication de 1994, Geller a montre ´ que 32 % des enfants ayant un e ´ pisode de ´ pressif majeur re ´ pondaient aux crite ` res d’un trouble bipolaire I ou II lorsque la manie de l’enfant est caracte ´ rise ´e par la pre ´ sence d’une e ´ lation de l’humeur sans les crite ` res habituels d’e ´ pisodicite ´. En effet, elle de ´ crit la possibilite ´ de cycles rapides, ou ultrarapides avec plusieurs changements de polarite ´ par jour et des sympto ˆmes ne de ´ butant pas ne ´ cessairement en me ˆme temps [16]. Wozniak et Biederman vont e ´ galement contribuer a `e ´ largir le phe ´ notype bipolaire chez l’enfant puisque pour ces auteurs la manie pe ´ diatrique se caracte ´ rise en premier lieu par la pre ´ sence d’une irritabilite ´ chronique, sans que l’e ´ lation de l’humeur ou les ide ´ es de grandeur ne soient ne ´ cessairement pre ´ sentes [5,25,26]. Annales Me ´ dico-Psychologiques 172 (2014) 663–666 I N F O A R T I C L E Historique de l’article : Disponible sur Internet le 26 septembre 2014 Mots cle ´s : Adolescent DSM Enfant Nosographie psychiatrique Trouble de l’humeur Keywords: Adolescent Child DSM Mood disorder Psychiatric nosography R E ´ S U M E ´ Le trouble disruptif avec dysre ´ gulation de l’humeur (TDDH) est la seule nouvelle entite ´ diagnostique du DSM-5 concernant spe ´ cifiquement l’enfant et l’adolescent. Elle appartient aux troubles de l’humeur et a e ´te ´ cre ´e ´e pour rendre compte de troubles mixtes du comportement et des e ´ motions affectant des enfants et adolescents qui auraient par le passe ´ fait l’objet d’un diagnostic de trouble bipolaire ou d’un trouble du comportement perturbateur. Cette nouvelle entite ´ diagnostique est la re ´ sultante d’un certain nombre de travaux et de de ´ bats dont nous retracerons les principales e ´ tapes et les enjeux en termes de diagnostic et de caracte ´ ristiques neuropsychologiques. ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s. A B S T R A C T Disruptive mood dysregulation disorder (DMDD) is a new DSM 5 diagnosis specifically addressing children and adolescents. DMDD belongs to the category of mood disorders and has been created to improve recognition of a condition characterized by both mood and behavioral symptoms and to avoid a diagnosis of bipolar disorder in children and adolescents with severe chronic irritability and temper tantrums. Its validity and possible overlap with disruptive behavior disorders such as oppositional defiant disorder or conduct disorder and neurodevelopmental disorder such as attention deficit hyperactivity disorder especially in children with severe emotional liability or comorbidities are still subject to debate. This review addresses the background of DMDD, diagnosis and neuropsychological correlates. ß 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. * Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]. Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.08.009 0003-4487/ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve ´s.

Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur

  • Upload
    diane

  • View
    263

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur

Annales Medico-Psychologiques 172 (2014) 663–666

Communication

Le trouble disruptif avec dysregulation de l’humeur

Disruptive mood dysregulation disorder

Diane Purper-Ouakil a,*,b

a Service de medecine psychologique de l’enfant et de l’adolescent, hopital St Eloi, CHRU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34000 Montpellier, Franceb Inserm U894, centre psychiatrie et neurosciences, 75014 Paris, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Disponible sur Internet le 26 septembre 2014

Mots cles :

Adolescent

DSM

Enfant

Nosographie psychiatrique

Trouble de l’humeur

Keywords:

Adolescent

Child

DSM

Mood disorder

Psychiatric nosography

R E S U M E

Le trouble disruptif avec dysregulation de l’humeur (TDDH) est la seule nouvelle entite diagnostique du

DSM-5 concernant specifiquement l’enfant et l’adolescent. Elle appartient aux troubles de l’humeur et a

ete creee pour rendre compte de troubles mixtes du comportement et des emotions affectant des enfants

et adolescents qui auraient par le passe fait l’objet d’un diagnostic de trouble bipolaire ou d’un trouble du

comportement perturbateur. Cette nouvelle entite diagnostique est la resultante d’un certain nombre de

travaux et de debats dont nous retracerons les principales etapes et les enjeux en termes de diagnostic et

de caracteristiques neuropsychologiques.

� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

Disruptive mood dysregulation disorder (DMDD) is a new DSM 5 diagnosis specifically addressing

children and adolescents. DMDD belongs to the category of mood disorders and has been created to

improve recognition of a condition characterized by both mood and behavioral symptoms and to avoid a

diagnosis of bipolar disorder in children and adolescents with severe chronic irritability and temper

tantrums. Its validity and possible overlap with disruptive behavior disorders such as oppositional

defiant disorder or conduct disorder and neurodevelopmental disorder such as attention deficit

hyperactivity disorder – especially in children with severe emotional liability or comorbidities – are still

subject to debate. This review addresses the background of DMDD, diagnosis and neuropsychological

correlates.

� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

1. Introduction

Les travaux concernant les troubles de l’humeur de l’enfant etde l’adolescent ont connu plusieurs grandes etapes a partir desannees 1980 avec les premieres etudes longitudinales des troublesdepressifs en population pediatrique [13,14]. Ces etudes ontsouligne la gravite potentielle et le retentissement a long terme destroubles depressifs, car si le premier episode est souvent suivid’une remission, les recurrences depressives sont frequentes a cinqans, tout comme les consequences en termes de retentissementpsycho-adaptatif. Quelques annees plus tard, vers le milieu des

* Correspondance.

Adresse e-mail : [email protected].

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2014.08.009

0003-4487/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

annees 1990, une nouvelle etape est franchie par certains auteursqui attirent l’attention sur le trouble bipolaire pediatrique quiserait sous-diagnostique et meconnu [5,11,12,25]. Ainsi, dans unepublication de 1994, Geller a montre que 32 % des enfants ayant unepisode depressif majeur repondaient aux criteres d’un troublebipolaire I ou II lorsque la manie de l’enfant est caracterisee par lapresence d’une elation de l’humeur sans les criteres habituelsd’episodicite. En effet, elle decrit la possibilite de cycles rapides, ouultrarapides avec plusieurs changements de polarite par jour et dessymptomes ne debutant pas necessairement en meme temps[16]. Wozniak et Biederman vont egalement contribuer a elargir lephenotype bipolaire chez l’enfant puisque pour ces auteurs lamanie pediatrique se caracterise en premier lieu par la presenced’une irritabilite chronique, sans que l’elation de l’humeur ou lesidees de grandeur ne soient necessairement presentes [5,25,26].

Page 2: Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur

D. Purper-Ouakil / Annales Medico-Psychologiques 172 (2014) 663–666664

Ces travaux vont contribuer a une inflation du diagnostic debipolarite, aux Etats-Unis mais egalement dans une moindremesure en Europe [19]. Cette augmentation des diagnostics debipolarite est probablement liee a differents facteurs. Il faut toutd’abord souligner que le trouble bipolaire pediatrique, en dehorsde quelques cas typiques, reste un diagnostic difficile, soumis a desvariations developpementales de l’expression clinique. Comme pourd’autres troubles de l’humeur, la symptomatologie maniaque estplus indifferenciee chez les plus jeunes et se precise avec l’age[20]. Le caractere moins stigmatisant d’un diagnostic de trouble del’humeur par rapport a celui d’un trouble du comportement, l’accesau remboursement de certains traitements comme les antipsycho-tiques atypiques (conditionnes a un diagnostic compatible avec leurautorisation de mise sur le marche aux Etats-Unis) ont pu egalementjouer un role dans l’augmentation des diagnostics de bipolariteconstatee au cours des deux dernieres decennies. Des differencesdans les classifications internationales existent egalement ; ainsi, leDSM-IV requiert la presence d’un episode maniaque ou d’un episodedepressif et d’un episode hypomaniaque pour retenir le diagnosticde trouble bipolaire, alors que l’ICD-10 necessite au moins deuxepisodes de manie et un episode depressif [2]. Le phenotypeelargissant la manie pediatrique a l’irritabilite chronique a fait l’objetde critiques mettant en avant le risque de surdiagnostic du troublebipolaire chez l’enfant et l’adolescent. Pour un certain nombred’auteurs, le caractere episodique des symptomes est necessaire audiagnostic de bipolarite devant une irritabilite et/ou des idees degrandeur [9,20].

2. De la dysregulation severe de l’humeur au trouble disruptifavec dysregulation de l’humeur

La dysregulation severe de l’humeur (Severe MoodDysregulation – SMD) est une entite clinique proposee parLeibenluft [15–17] pour differencier les difficultes emotionnelleschroniques du trouble bipolaire. Ses caracteristiques principalessont :

� une humeur chroniquement anormale definie par la presenced’une irritabilite, de coleres ou de tristesse, presents presque laplupart du temps ;� une hyperexcitabilite necessitant la presence d’au moins trois

symptomes parmi les suivants : insomnie, instabilite/nervosite,distractibilite, enchaınement rapide des idees, debit verbalrapide, style intrusif des relations interpersonnelles ;� une hyperreactivite aux stimuli negatifs, caracterisee par un

minimum de trois crises de colere par semaine.

Parmi les autres criteres proposes pour caracteriser le SMD,citons le debut des troubles avant 12 ans, la duree d’evolution d’aumoins un an et le retentissement fonctionnel dans au moins deuxdomaines de vie.

C’est l’irritabilite chronique qui constitue la dimension centraledu SMD. Elle n’est pas forcement associee a une oppositionsystematique aux regles comme dans le trouble oppositionnel avecprovocation (TOP) et la presence dans les criteres de la qualitenegative de l’humeur, non comprise dans les criteres de TOP,rapproche cette nouvelle entite des troubles de l’humeur.

Le groupe de travail du DSM-5 va reprendre les criteres du SMD,a quelques nuances pres, pour la nouvelle entite denommeetrouble disruptif avec dysregulation de l’humeur (TDDH) (Dis-ruptive Mood Dysregulation Disorder). Elle comprend les criteressuivants :

� A. Crises de rage :� agressivite verbale ou physique (dirigee vers les objets, vers soi

ou autrui),

� disproportionnee par rapport au contexte ;� B. Les crises ne sont pas compatibles avec l’age de

developpement ;� C. Elles surviennent en moyenne trois fois par semaine ;� D. Il existe une humeur irritable ou colerique :� la plupart du temps dans la journee, la plupart des jours ;� E. Les criteres A a D sont presents depuis 12 mois sans intervalle

libre de plus de trois mois ;� F. Severite ;� G. Le diagnostic de TDDH ne peut pas etre fait avant 6 ans ni apres

18 ans ;� H. Le debut des troubles doit avoir lieu avant 10 ans :� I. le diagnostic de TDDH ne peut etre fait qu’en l’absence de

symptomes maniaques ou hypomaniaques, actuels ou dans lesantecedents, des lors qu’ils ont dure plus d’un jour,� J. Les symptomes ne sont pas mieux expliques par un episode

depressif majeur ou par un autre trouble.

Par rapport au SMD, les auteurs du DSM-5 n’ont pas conserveles criteres d’hyperexcitabilite dans le TDDH ; le SMD se trouve defait inclus dans le TDDH. Dans le DSM-5, le TDDH appartient a lacategorie « troubles de l’humeur » en raison de l’evolution de cetype de symptomes vers les troubles depressifs et troubles anxieux(avec une proportion significative evoluant tout de meme versdes troubles du comportement).

Le TDDH partage avec le trouble oppositionnel avec provoca-tion (TOP) le trouble deficit d’attention/hyperactivite (TDA/H) etle trouble bipolaire des symptomes a type de labilite emotion-nelle, generalement consideres comme l’expression cliniqued’une hyperreactivite emotionnelle ou de difficultes de regula-tion emotionnelle. Il faut noter que le TOP appartient a lacategorie des troubles du comportement perturbateur, le secondest classifie dans le DSM-5 comme un trouble du neurodeve-loppement et le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur. Sile TOP et le TDDH sont tous deux des troubles chroniques, leTDDH se caracterise par une alteration durable de l’humeur entreles crises de rage, ce qui n’est pas le cas du TOP. Si la plupartdes enfants repondant aux criteres de TDDH repondent egale-ment a ceux du TOP, l’inverse n’est pas vrai. Le diagnostic deTDDH l’emporte sur celui de TOP lorsque les deux typesde criteres sont presents.

Certaines etudes se sont attachees a differencier les troublesde la regulation emotionnelle du trouble bipolaire du sujetjeune ; elles sont principalement basees sur les criteres de SMD.Une comparaison de la psychopathologie des parents d’enfantsSMD et bipolaires montre que les troubles de l’axe I sont plusfrequents chez les parents des enfants bipolaires (81 %) que chezles parents d’enfants SMD (59,5 %). Par ailleurs, un troublebipolaire est mis en evidence chez 33,3 % des parents debipolaires contre 2,7 % des parents d’enfants ayant un SMD[6,7]. Une etude longitudinale a compare la survenue d’episodesmaniaques chez des enfants et adolescents bipolaires et dans ungroupe de jeunes avec SMD. Sur une duree de deux ans, seul unadolescent avec SMD avait eu un episode hypomaniaque ; dans legroupe bipolaire, les episodes maniaques ou hypomaniaquesetaient 50 fois plus frequents que dans le groupe SMD [23]. Cesresultats vont dans le sens de la differenciation entre SMD ettroubles spectre bipolaire. Cependant, les frontieres diagnos-tiques du SMD/TDDH avec les troubles du comportementperturbateur (TOP/TC) sont moins claires.

3. Prevalence et evolution du TDDH

Les premieres etudes se referent principalement au SMD plutotqu’au TDDH dont les criteres ont ete publies plus tardivement. Saprevalence en population generale entre 9 et 19 ans est estimee a

Page 3: Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur

D. Purper-Ouakil / Annales Medico-Psychologiques 172 (2014) 663–666 665

3,3 % avec 1,8 % pour la forme severe. En population clinique, laprevalence publiee est de 26 % [6].

Au debut de l’age adulte, le devenir du SMD comporte un risqued’episodes depressifs majeurs avec un OR : 7,2 (IC 95 % 1,3–38,8).Une etude de suivi longitudinal de deux ans dans une cohorteclinique dont l’age moyen etait de 9,5 ans montre que la presenced’un SMD et la presence d’un trouble du comportementperturbateur (TOP et/ou TC) elevaient le risque de troubles del’humeur, sans difference entre les deux groupes [3].

4. Bases neuropsychologiques et neurobiologiques

Les troubles de la regulation emotionnelle tels que le SMDsont caracterises par une hyperreactivite du cortex cingulaireanterieur en reponse a des situations de feed-back negatif(le sujet recoit une appreciation negative de sa reponse a untest) [21]. Cette region cerebrale est impliquee dans l’evaluationde l’action et interagit avec le cortex frontal dorsolateral pourla regulation des emotions et du comportement. Cette evalua-tion de l’action permet en particulier d’adapter le niveau decontrole emotionnel et comportemental ; elle differencie lessituations routinieres, connues, necessitant peu d’attention dessituations complexes necessitant un controle volontaire.D’autres regions pourraient etre hypoactivees en situation defeed-back negatif chez les sujets avec SMD : l’amygdale,impliquee dans la salience emotionnelle, les reseaux attention-nels importants pour la flexibilite de la reponse, et le reseaude recompense [10].

5. TDDH : les arguments du debat

Avant meme la publication du DSM-5, la possibilite d’unenouvelle entite diagnostique impliquant les troubles emotionnelsseveres chez l’enfant et l’adolescent a fait l’objet de vifs debats.Les arguments en faveur de ce diagnostic ont ete developpes par lesmembres du groupe de travail et sont detailles dans l’argumentaireprecedant les criteres diagnostiques du TDDH. Les principauxavantages sont les suivants : eviter l’inflation diagnostique detroubles bipolaires, permettre une meilleure identification etameliorer l’acces aux soins de sujets jeunes ayant des troublesemotionnels severes et associes a un retentissement psycho-socialsignificatif, developper la recherche autour de ce type desymptomes. On peut ajouter qu’un autre merite de cette entitediagnostique consiste a mettre l’accent sur la composantethymique des troubles externalises severes.

Les arguments contre le diagnostic de TDDH sont le fait queses symptomes centraux tels que les acces de rage et l’irritabilitesont proches de comportements qui peuvent survenir au coursdu developpement normal. Le risque serait donc d’attribuer atort un diagnostic a une population qui n’aurait auparavant pasete consideree comme deviante. Le recoupement importantdu TDDH avec les categories existantes de TOP/TC voire deTOP/TDAH pose probleme quant a sa validite. La stabilite dudiagnostic de TDDH semble egalement moins importante quecelle du TDA/H (53 % a 1 an vs 85 % pour le TDA/H) [8]. Enfin,certains auteurs craignent que l’emergence d’une nouvelleentite diagnostique augmente le risque de passer a cote d’undiagnostic au traitement plus « codifie » comme le TDA/H oule trouble bipolaire. Recemment, la question des relations entreTDDH et trouble bipolaire a ete examinee en population cliniqued’enfants hospitalises. La proportion d’enfants avec symptomesmaniaques recevant un diagnostic de TDDH depend desprocedures diagnostiques ; elle est faible lorsque le diagnosticrepose sur l’observation clinique par le personnel soignant,plus importante lorsqu’il s’agit d’un diagnostic reposant surl’anamnese parentale [18].

Le risque de confondre des manifestations normales avec uncomportement pathologique n’est pas corrobore par une recenteetude d’epidemiologie clinique. En effet, le TDDH a une prevalencefaible, une comorbidite psychiatrique elevee et les sujets repondantaux criteres ont une utilisation de services importante ; ces donneesindiquent que les criteres de TDDH selectionnent un grouperestreint de personnes en grande partie deja connu du systemede soins [8].

6. Conclusion

Les donnees actuelles sont en faveur d’une distinction effectiveentre TDDH et trouble bipolaire. La validite du TDDH est plusproblematique lorsqu’il est compare aux troubles du comporte-ment perturbateur et au TDA/H associe a un TOP ou ayant unecomposante de labilite emotionnelle importante. Le TOP et leTDDH ont tous deux une composante emotionnelle importante etdans le TDA/H, 75 % des sujets atteints ont une labiliteemotionnelle significative et 25 % une labilite emotionnelle severe[22]. Le TDDH, le TOP et a un moindre degre le TDA/H sont tousassocies a un risque d’evolution vers des troubles depressifs etanxieux, notamment l’anxiete generalisee. Les etudes factoriellessoulignent d’ailleurs que la composante commune entre TDDH,TOP et troubles de type detresse (depression, anxiete generalisee)est une dimension de type labilite emotionnelle/irritabilite[1,4,24]. Le TDDH etant une categorie recente, de plus amplesetudes sont necessaires pour faire la preuve de son utilite et desa validite.

Declaration d’interets

Conseil scientifique : Boiron, Ardix.Investigateur : Boiron, Lilly, Urgo.Orateur, invitations congres : Otsuka, Shire, Astra Zeneca.

References

[1] Aebi M, et al. Parent- and self-reported dimensions of oppositionality in youth:construct validity, concurrent validity, and the prediction of criminal out-comes in adulthood. J Child Psychol Psychiatry 2013;54:941–9.

[2] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mentaldisorders, 4th Ed., Washington, DC: APA; 1994.

[3] Axelson D, et al. Examining the proposed disruptive mood dysregulationdisorder diagnosis in children in the Longitudinal Assessment of ManicSymptoms study. J Clin Psychiatry 2012;73:1342–50.

[4] Barkley RA, et al. Driving-related risks and outcomes of attention deficithyperactivity disorder in adolescents and young adults: a 3- to 5-year fol-low-up survey. Pediatrics 1993;92:212–8.

[5] Biederman J, et al. CBCL clinical scales discriminate prepubertal children withstructured interview-derived diagnosis of mania from those with ADHD. J AmAcad Child Adolesc Psychiatry 1995;34:464–71.

[6] Brotman MA, et al. Prevalence, clinical correlates, and longitudinal course ofsevere mood dysregulation in children. Biol Psychiatry 2006;60:991–7.

[7] Brotman MA, et al. Parental diagnoses in youth with narrow phenotype bipolardisorder or severe mood dysregulation. Am J Psychiatry 2007;164:1238–41.

[8] Copeland WE, et al. Prevalence, comorbidity, and correlates of DSM-5 pro-posed disruptive mood dysregulation disorder. Am J Psychiatry 2013;170:173–9.

[9] Craney JL, Geller B. A prepubertal and early adolescent bipolar disorder-Iphenotype: review of phenomenology and longitudinal course. Bipolar Disord2003;5:243–56.

[10] Deveney CM, et al. Neural mechanisms of frustration in chronically irritablechildren. Am J Psychiatry 2013;170:1186–94.

[11] Geller B, Fox LW, Clark KA. Rate and predictors of prepubertal bipolarity duringfollow-up of 6- to 12-year-old depressed children. J Am Acad Child AdolescPsychiatry 1994;33:461–8.

[12] Geller B, et al. Complex and rapid-cycling in bipolar children and adolescents:a preliminary study. J Affect Disord 1995;34:259–68.

[13] Kovacs M, et al. Depressive disorders in childhood. II. A longitudinal study of therisk for a subsequent major depression. Arch Gen Psychiatry 1984;41:643–9.

[14] Kovacs M, et al. Depressive disorders in childhood. I. A longitudinal prospec-tive study of characteristics and recovery. Arch Gen Psychiatry 1984;41:229–37.

[15] Leibenluft E. Severe mood dysregulation, irritability, and the diagnosticboundaries of bipolar disorder in youths. Am J Psychiatry 2011;168:129–42.

Page 4: Le trouble disruptif avec dysrégulation de l’humeur

D. Purper-Ouakil / Annales Medico-Psychologiques 172 (2014) 663–666666

[16] Leibenluft E, et al. Irritability in pediatric mania and other childhood psycho-pathology. Ann N Y Acad Sci 2003;1008:201–18.

[17] Leibenluft E, Charney DS, Pine DS. Researching the pathophysiology of pedi-atric bipolar disorder. Biol Psychiatry 2003;53:1009–20.

[18] Margulies DM, et al. Will disruptive mood dysregulation disorder reducefalse diagnosis of bipolar disorder in children? Bipolar Disord 2012;14:488–96.

[19] Moreno C, et al. National trends in the outpatient diagnosis and treatment ofbipolar disorder in youth. Arch Gen Psychiatry 2007;64:1032–9.

[20] Parens E, Johnston J. Controversies concerning the diagnosis and treatment ofbipolar disorder in children. Child Adolesc Psychiatry Ment Health 2010;4:9.

[21] Rich BA, et al. Different neural pathways to negative affect in youth withpediatric bipolar disorder and severe mood dysregulation. J Psychiatr Res2011;45:1283–94.

[22] Sobanski E, et al. Emotional lability in children and adolescents with attentiondeficit/hyperactivity disorder (ADHD): clinical correlates and familial preva-lence. J Child Psychol Psychiatry 2010;51:915–23.

[23] Stringaris A, et al. Pediatric bipolar disorder versus severe mood dysregula-tion: risk for manic episodes on follow-up. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry2010;49:397–405.

[24] Stringaris A, Maughan B, Goodman R. What’s in a disruptive disorder? Tem-peramental antecedents of oppositional defiant disorder: findings from theAvon longitudinal study. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2010;49:474–83.

[25] Wozniak J, et al. Mania-like symptoms suggestive of childhood-onset bipolardisorder in clinically referred children. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry1995;34:867–76.

[26] Wozniak J, et al. A pilot family study of childhood-onset mania. J Am AcadChild Adolesc Psychiatry 1995;34:1577–83.