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Le village et la maison en Lorraine Un patrimoine méconnu entre permanences et mutations par Kévin Gœuriot Vaucouleurs, octobre 2016 Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion via Maisons Paysannes de Lorraine

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Le village et la maison

en Lorraine

Un patrimoine méconnu entre permanences et mutations

par Kévin Gœuriot

Vaucouleurs, octobre 2016

Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion

via Maisons Paysannes de Lorraine

En guise d’introduction

• Parler du village et de la maison en Lorraine est une véritable gageure car il y a autant de formes d’habitat dans notre province qu’il y a de terroirs. Des chaumes des Vosges aux plaines de la Woëvre, en passant par les villages des côtes et ceux du plateau, la Lorraine offre une grande variété de paysages, de matériaux et de types d’habitat.

• Si la maison lorraine varie en fonction du terroir dans lequel elle s’inscrit, elle évolue aussi en fonction de celui qui l’habite. Le laboureur ne dispose pas de la même maison que le manouvrier… De même, la maison lorraine évolue dans le temps, selon les besoins et les usages de la société.

• Rarement isolée, la maison lorraine s’inscrit dans une communauté villageoise soudée, elle-même liée à un terroir souvent mis en valeur de manière pragmatique…

Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion

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Des questions multiples

• Comment s’organise le terroir traditionnel lorrain ? Quelles sont les caractéristiques et les singularités des villages de Lorraine ? Peut-on dresser une typologie des maisons lorraines ? Comment celles-ci peuvent-elles être restaurées et mises en valeur ?

• Pour répondre à ces questions, nous examinerons successivement la morphologie et l’évolution du terroir et du village lorrains. Puis nous évoquerons la maison lorraine, ses variations et ses évolutions.

Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion

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Le terroir lorrain

Un paysage domestiqué de longue date

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La Lorraine : une grande variété de paysages

• Derrière son apparente monotonie, la Lorraine offre une grande variété de paysages. Montagne vosgienne, plaine argileuse de la Woëvre, coteaux bien exposés, plateaux battus par les vents, etc.

• Cette diversité de paysage s’accompagne d’une diversité des climats. Hivers rudes dans les hautes Vosges, printemps tardif sur les plateaux, effet de foehn sous les côtes… Autant de variables qui vont influer sur les formes d’habitat.

• Au même titre que les matériaux : grès rouge dans les Vosges, pierre blonde dans le Pays Haut, blanche autour de Savonnières. Et bois omniprésent…

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Le relief de côte ou l’archétype lorrain

• Le relief de cuesta reste en Lorraine une originalité qui marque le paysage et jusque dans les modes de vie. L’organisation du finage va dès lors jouer sur la complémentarité des terroirs. Une organisation tripartite qui se retrouve généralement sur le plateau et dans la plupart des villages de plaine.

• Seule la montagne vosgienne échappe à cette règle. Au contraire, les pâturages sont situés sur les hauteurs et les champs, dans les fonds de vallée…

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Des terroirs souvent complémentaires

• Traditionnellement, les terroirs lorrains se partagent donc entre pâquis, champs et forêts. Les espaces qui accueillent les cultures les plus délicates (potager, verger) sont situés à proximité des maisons. La forêt, dans laquelle on ne se rend que trois ou quatre fois dans l’année, est reléguée en périphérie du ban.

• Les champs d’autrefois présentaient un parcellaire en lame de parquet, qui facilitait les travaux agraires. La

pratique de la vaine pâture était fréquente jusqu’au XIXe siècle. Elle est abandonnée avec l’apparition des cultures fourragères puis de la mécanisation… Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion

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Des paysages en mutation

• La mécanisation de l’agriculture au XXe siècle a libéré des terres qui autrefois étaient destinées aux animaux. Elle a aussi réduit le nombre de cultivateurs et relégué au rang d’antiquités obsolètes les fermes et maisons traditionnelles.

• Du coup, on assiste dans le second XXe siècle, à des remembrements qui redistribuent l’espace. L’explosion du secteur tertiaire couplé avec la démocratisation de l’automobile remodèlent des villages traditionnels en créant lotissements et zones d’activités…

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Villages de Lorraine

Formes traditionnelles et recompositions modernes

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Villes et villages : une nécessaire clarification

• Où s’arrête le village ? Où commence la ville ? Comment distinguer l’un de l’autre ? L’INSEE considère qu’au-delà de 2000 habitants, on ne parle plus de village mais de ville. La limite est aléatoire et montre d’importantes inégalités territoriales, entre les départements meusien et mosellan par exemple.

• Il ne nous appartient pas d’évoquer ici le cas des villes lorraines ; lesquelles présentes des formes d’habitats très différentes de celles de nos villages. On focalisera donc l’attention sur les agglomérations de moins de 2000 habitants et souvent même, en raison des effets de l’exode rural de moins de 500 habitants…

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Villages-rue ; villages-tas

• Contrairement aux provinces de l’ouest de la France, la Lorraine est une région d’habitat groupé. Les maisons, souvent mitoyennes, s’alignent le long d’une rue unique (village rue) ou s’organisent de manière anarchique, souvent pour épouser les contraintes du terrain (village tas).

• Mais d’autres formes existent : villages en étoile (Grand), en cercle (aître fortifiés de la vallée du rupt

de Mad), voire habitat dispersé dans la montagne…

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Un archétype : le village-rue

• Le village-rue demeure l’archétype (voire le stéréotype) du village lorrain. Il consiste en une succession de maisons mitoyennes, dont les façades sont généralement d’égales hauteurs et séparées de la route par les usoirs qui forment un espace commun.

• Ces usoirs contribuent, au même titre que l’église et son cimetière, le lavoir, la maison communale et certains champs, à renforcer l’esprit communautaire du village.

• D’une certaine manière, il n’est pas abusif de dire qu’en lorraine, comme au théâtre, le côté cour est public et le côté jardin concerne les affaires privées…

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La maison lorraine

Un habitat pragmatique, un patrimoine à sauvegarder

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Non pas une, mais des maisons

• Il n’y a pas une maison lorraine, mais plusieurs formes d’habitat traditionnel, généralement héritées du climat et des anciennes habitudes agricoles.

• Ainsi, la maison de pierre avec son toit à faibles pentes, couvert de tuiles romaines n’est qu’une forme de maison lorraine. L’Argonne, le pays des étangs a longtemps connu les maisons à pans de bois. Les Hautes-Vosges présentent des maisons au soubassement de pierre mais avec des élévations en bois et parfois des tuiles plates, héritées de l’Alsace, toute proche. Le tavaillon, le torchis, sont des matériaux que la Lorraine a également connu. Il est donc difficile de dresser un tableau complet des formes d’habitat en Lorraine…

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Des fondations à la faîtière :des matériaux robustes

• Les fondations de la maison lorraine sont rarement profondes, mais conçues pour résister aux infiltrations et éventuels mouvements de terrain. Les murs sont généralement bâtis en pierres grossièrement équarries, assemblées au mortier de chaux. Seules les chaînages d’angle et les encadrements font l’objet de plus grands soins. Sur le pignon, des pierres saillantes (boutisses) permettent d’équilibrer la structure et d’offrir des prises en cas de construction mitoyenne. La charpente est faite de chêne, parfois de résineux. La toiture, à faible pente est lourde. Elle est constituée de tuiles canal, directement héritées de l’époque romaine et fabriquée dans l’argile local…

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Montre-moi ta maison, je te dirai qui tu es

• De même, les maisons varient

selon les catégories sociales qui l’habitent. On distingue généralement la maison du

manouvrier (la plus petite) de celle du laboureur (à trois travées). En pays de vignoble, la

maison s’accompagne souvent d’une cave dont l’entrée est

ménagée en façade. En montagne, la maison peut profiter de la pente pour

ménager un accès au grenier…

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La façade : un livre de pierre

• La maison traditionnelle du laboureur se partage théoriquement en trois travées : grange, écurie et logis.

• La lecture de la façade permet de comprendre l’organisation de l’espace dans la maison lorraine. Hommes et animaux vivent sous le même toit, selon un partage pragmatique et rigoureux…

• La porte du logis est souvent le seul élément de luxe qui figure en façade.

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L’intérieur de la maison

• Traditionnellement, le logis de la

maison lorraine se partage entre la « belle chambre », la cuisine, souvent aveugle et la pièce de

derrière qui donne sur le jardin.

• A partir du XIXe siècle, on voit

apparaître un étage réservée au couchage au dessus du logis. La

cuisine, pièce borgne avec sa grande cheminée, est le véritable cœur de la maison. On supplée

parfois à son obscurité par un puits de lumière appelé « flamande »

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Un patrimoine à sauvegarder

• Lorsqu’on prend le temps de comprendre l’organisation de la maison lorraine, on perçoit l’intérêt qu’il y a de sauvegarder ce patrimoine; Or, combien de maisons traditionnelles ont été sacrifiées sur l’autel de la modernité ?

• Sans vivre comme autrefois, dans une cuisine borgne et dans des draps à peine tiédis par la chauferette. il serait nécessaire que les Lorrains prennent conscience de leur patrimoine et sauvegardent au moins les façades des maisons traditionnelles. Cela suppose de ne pas clôturer les usoirs, de ne pas remplacer une porte cochère par une porte de garage automatique, de laisser le crépi en façade, de mettre une statuette dans la niche au dessus de la porte, de planter un poirier au pied de la façade et d’éviter les tuiles mécaniques… Ces efforts, coûteux, méritent cependant d’être faits. Il suffit de voir nos voisins alsaciens pour s’en convaincre.

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Restauration respectueuse

Défiguration totaleMaladroite :Porte cochère supprimée

Usoir clôturé

Conclusions

• La Lorraine présente donc une grande variété de paysages, de

matériaux et d’habitats. Pour autant, on peut dessiner un archétype lorrain qui s’inscrit dans un paysage de côtes, avec une maison de pierre, couverte de tuiles canal et divisée en deux ou trois travées.

• Intimement liée au terroir qu’elle occupe, la maison lorraine en a suivi les destinées et s’est adaptée aux remembrements et aux

évolutions récentes de la société. Délaissée, méprisée, elle est pourtant un témoin essentiel du passé et du mode de vie de nos

ancêtres. La préserver, la sauvegarder, c’est faire le pari de transmettre aux générations futures une part non négligeable de notre identité !

Avec l'aimable autorisation de Kévin Gœuriot pour diffusion

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Pour aller plus loinLire :

• Cabourdin G., La vie quotidienne en Lorraine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1984

• Collectif, La vie traditionnelle in Encyclopédie illustrée de la Lorraine, Nancy-Metz, 1993

• Morette J., La Lorraine de dans le temps, Metz, 1991

• Vartier J., La vie quotidienne en Lorraine au XIXe siècle, Paris, 1973

Visiter :

• Maison lorraine d’Hannonville-sous-les-Côtes (55)

• Ferme-musée Lé Moho de la Soyotte à Sainte-Marguerite (88)

• Ecovillage de Ville-sur-Yron (54)

Agir :

• Association Maisons Paysannes de France. Conseils aux particuliers pour la restauration et mise en valeur du patrimoine traditionnel.

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