9
Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 378—386 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ENTRETIENS ANNUELS D’OPHTALMOLOGIE Examen pratique du vitré Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ? Which abnormalities can be detected in myopic peripheral retina? J.-P. Berrod , I. Hubert Service ophtalmologie, hôpitaux de Brabois, CHU Nancy, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France Rec ¸u le 19 septembre 2010 ; accepté le 20 evrier 2012 Disponible sur Internet le 21 avril 2012 MOTS CLÉS Myopie ; Palissade ; Migrations pigmentaires ; Blanc sans pression ; Dégénérescence pavimenteuse ; Trou rond atrophique ; Déchirure rétinienne ; Décollement de rétine Résumé La périphérie vitréo-rétinienne du myope peut présenter des anomalies dont la fré- quence et la sévérité sont corrélées à la longueur axiale du globe. Il s’agit du blanc sans pression, du givre, des palissades, des migrations pigmentaires ou de la dégénérescence pavimenteuse. Parfois on retrouve des trous ronds atrophiques, des déchirures, ou un rétinoschisis dégénératif dont le diagnostic différentiel avec un décollement de rétine à progression lente est établi sur le caractère absolu du scotome. La présence de rubans vitréens périphériques, de migrations pigmentaires, de trous, associés à une liquéfaction du vitré central et une dysmorphie faciale doit faire penser à la maladie de Stickler et son risque de décollements de rétine bilatéraux récidivants. Il faut évoquer un rétinoschisis lié à l’X en présence de kystes rétiniens tempo- raux ou inférieurs avec larges déhiscences entre les axes vasculaires chez un garc ¸on malvoyant porteur d’une maculopathie kystique. L’examen de la périphérie du fond d’œil doit être systé- matique après 40 ans chez le myope afin de faire le bilan des lésions pouvant se compliquer de décollement de rétine. Il est plus important d’informer le patient des signes de décollement postérieur du vitré ainsi que de décollement de rétine qui sont les vraies indications à consul- ter rapidement plutôt que de réaliser des examens réguliers et rapprochés chez un patient asymptomatique. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Entretiens annuels d’ophtalmologie, mai 2008, 114 e congrès de la Société franc ¸aise d’ophtalmologie, Paris. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Berrod). 0181-5512/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2012.02.006

Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

  • Upload
    i

  • View
    225

  • Download
    4

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

J

EE

Lp

W

0d

ournal français d’ophtalmologie (2012) 35, 378—386

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

NTRETIENS ANNUELS D’OPHTALMOLOGIExamen pratique du vitré

e vitré du myope : quelles anomalies importanteseut-on déceler en périphérie ?�

hich abnormalities can be detected in myopic peripheral retina?

J.-P. Berrod ∗, I. Hubert

Service ophtalmologie, hôpitaux de Brabois, CHU Nancy, rue du Morvan, 54500Vandœuvre-lès-Nancy, France

Recu le 19 septembre 2010 ; accepté le 20 fevrier 2012Disponible sur Internet le 21 avril 2012

MOTS CLÉSMyopie ;Palissade ;Migrationspigmentaires ;Blanc sans pression ;Dégénérescencepavimenteuse ;Trou rondatrophique ;Déchirurerétinienne ;Décollement de

Résumé La périphérie vitréo-rétinienne du myope peut présenter des anomalies dont la fré-quence et la sévérité sont corrélées à la longueur axiale du globe. Il s’agit du blanc sans pression,du givre, des palissades, des migrations pigmentaires ou de la dégénérescence pavimenteuse.Parfois on retrouve des trous ronds atrophiques, des déchirures, ou un rétinoschisis dégénératifdont le diagnostic différentiel avec un décollement de rétine à progression lente est établi surle caractère absolu du scotome. La présence de rubans vitréens périphériques, de migrationspigmentaires, de trous, associés à une liquéfaction du vitré central et une dysmorphie facialedoit faire penser à la maladie de Stickler et son risque de décollements de rétine bilatérauxrécidivants. Il faut évoquer un rétinoschisis lié à l’X en présence de kystes rétiniens tempo-raux ou inférieurs avec larges déhiscences entre les axes vasculaires chez un garcon malvoyantporteur d’une maculopathie kystique. L’examen de la périphérie du fond d’œil doit être systé-matique après 40 ans chez le myope afin de faire le bilan des lésions pouvant se compliquer dedécollement de rétine. Il est plus important d’informer le patient des signes de décollementpostérieur du vitré ainsi que de décollement de rétine qui sont les vraies indications à consul-

rétineter rapidement plutôt que de réaliser des examens réguliers et rapprochés chez un patientasymptomatique.

. Tous droits réservés.

© 2012 Elsevier Masson SAS

� Entretiens annuels d’ophtalmologie, mai 2008, 114e congrès de la Société francaise d’ophtalmologie, Paris.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Berrod).

181-5512/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jfo.2012.02.006

Page 2: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

Vitré du myope : anomalies importantes 379

KEYWORDSMyopia;Lattice degeneration;Pigmentarydegeneration;White-without-pressure;Paving stonedegeneration;Atrophic round hole;Retinal break;Retinal detachment

Summary Vitreoretinal periphery in myopic eyes may present abnormalities whose frequencyand severity are correlated with axial elongation of the eye: white-without-pressure, latticedegeneration, pigmentary degeneration, and paving stone degeneration. Sometimes one canfind atrophic round holes, retinal breaks, or retinoschisis whose differential diagnosis withslow progressive retinal detachment can be made on the presence of an absolute field defect.The presence of peripheral vitreous strands, pigmentary migrations, holes, associated withextensive liquefaction of the central vitreous body and facial dysmorphy are symptomatic ofStickler syndrome often complicated with bilateral retinal detachments. Congenital hereditaryretinoschisis should be raised in the presence of temporal and inferior bullous detachment ofa thin inner layer of the retina associated with large multiple holes in a boy with poor visionand cystic macular changes. Examination of peripheral retina should be systematic after theage of 40 in myopic patients to specify the presence of abnormalities predisposing to retinaldetachment. It is more important to inform the patient of posterior vitreous detachment orretinal detachment symptoms, a true emergency situation, rather than to suggest regular andrepeated consultations in the nonsymptomatic eye.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

dd

L

Isfnlsdu givre (Fig. 1). Cette anomalie décrite par Schepensen 1952 [4] semble correspondre à une forme évoluée dublanc avec pression, visible uniquement lors de l’indentation

L’examen soigneux du fond d’œil (FO) et de la péri-phérie rétinienne par ophtalmoscopie directe au verre àtrois miroirs ou indirecte permet d’établir le diagnostic demyopie pathologique et de préciser l’existence de lésionsprédisposant au décollement de rétine. Cet examen debase reste anxiogène pour le patient, car les lésions péri-phériques peuvent conduire à la cécité, et délicat pourl’ophtalmologiste en particulier lorsqu’il détecte une ano-malie posant un problème diagnostic et thérapeutique.

Anatomie de la périphérie rétinienne dumyope

La rétine temporale est plus étendue que la rétine nasale. Larétine périphérique mesure environ 6 mm de large et s’étendde l’équateur à l’ora serrata. Elle est plus fine que la rétinedu pôle postérieur car la couche des fibres nerveuses estplus mince et qu’il n’y a plus qu’une seule couche nucléaireà ce niveau. Le bord postérieur de la base du vitré irrégulieret festonné s’étend souvent en arrière de l’équateur chezle myope fort. Les fibrilles de collagène constituant le vitrés’insèrent perpendiculairement à la membrane basale de larétine sans qu’il existe de plan de clivage défini. La choroïdesous-jacente est également mince en périphérie, car ellen’est composée que de la choriocapillaire et d’une seulecouche profonde [1].

Modifications de la rétine périphérique dumyope

Cinq types de modifications de la rétine périphérique sontliés à l’augmentation de la longueur axiale du globe oculaire

au-dessus de 26 mm. Il s’agit du blanc sans pression, du givrede la dégénérescence palissadique, de la dégénérescencepigmentée et de la dégénérescence pavimenteuse [2]. Cer-taines s’associent fréquemment à des déhiscences ou à un

Ft

écollement de rétine alors que d’autres ne présentent pase complications spécifiques [3].

e blanc sans pression

l s’agit d’une lésion plane ou légèrement sur élevée qui’étend en larges bandes ou en plaques à la périphérie duond d’œil de l’ora serrata à l’équateur le plus souvent auiveau des quadrants temporaux et inférieurs et dont laimite postérieure est plus ou moins festonnée. Ces lésionsont souvent recouvertes de points blancs comparables à

igure 1. Zone périphérique de blanc sans pression à limite pos-érieure festonnée fin soulèvement rétinien et petite déchirure.

Page 3: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

3 J.-P. Berrod, I. Hubert

sllmpavmaddlpàplvllald

L

Ceddslguesebgtl

L

BcluppesdLlLtcmpd

Figure 2. Zone de blanc sans pression recouvert de givre.

Fe

pcpbnseldd

80

clérale. Le blanc sans pression se retrouve également danses zones de palissades, autour des déchirures ainsi que sures périphéries rétiniennes des yeux atteints de décolle-ent. Il semblerait que les yeux avec plages de blanc sansression aient un vitré postérieur décollé de la rétine saufu niveau de la zone de blanc [5]. En plus de l’adhérenceitréo-rétinienne le blanc sans pression s’associe fréquem-ent à la dégénérescence microkystique, au rétinoschisis,

u givre diffus et au décollement de rétine plan. La plupartes auteurs pensent que les plages de blanc sont l’expression’une traction vitréo-rétinienne liée à l’augmentation dea longueur axiale du globe. Elles sont constantes chez lesatients de moins de 20 ans avec longueur axiale supérieure

33 mm alors qu’elles n’affectent que 35 % des myopes delus de 40 ans [6]. Cette diminution de la fréquence avec’âge est liée à l’évolution progressive des plages de blancers une pigmentation. Elles peuvent varier dans leur loca-isation au cours du temps [5]. Les plages de blanc sont desésions plutôt bénignes sauf lorsqu’elles sont soulevées oussociées à un rétinoschisis. Dans ce cas, elles peuvent êtree siège de trous ronds atrophiques et peuvent se compliquer’un décollement de rétine (Fig. 1).

a dégénérescence givrée

ette dégénérescence est la plus spécifique de la myopiet la plus fréquemment rencontrée, affectant près de 40 %es yeux myopes. Elle se présente sous la forme d’un semie petites taches ponctiformes blanches et brillantes quiaupoudre la périphérie entre l’équateur et l’ora. La formeocalisée et focale est la moins fréquente alors que la formeénéralisée et diffuse est plus souvent rencontrée, avecne prédominance pour le secteur temporal. La bilatéralitést retrouvée dans 15 % des cas et l’association aux palis-ades dans 8 % [7]. Dans certaines études anglo-saxonnes,lle est assimilée au blanc sans pression alors qu’il sembleien que les deux entités n’aient pas la même origine. Leivre s’associe fréquemment à la dégénérescence microkys-ique liée à une vacuolisation intrarétinienne siégeant dansa couche plexiforme externe (Fig. 2).

a dégénérescence palissadique

ien qu’il s agisse de la moins fréquente des cinq lésionshez le myope la palissade décrite en 1904 par Gonin esta lésion le plus souvent associée à des déchirures ou àn décollement de rétine [8]. L’aspect classique est unelage jaunâtre, d’orientation circonférentielle, qui sembleosée à la surface de la rétine. Cette lésion est composéessentiellement d’un réseau de lignes blanches entrecroi-ées, d’orientation radiaire ou circonférentielle, de petitsépôts blancs granuleux et d’amas pigmentaires (Fig. 3).a dégénérescence palissadique est associée à une anoma-ie de développement de l’interface vitréo-rétinienne [9].e vitré en regard de la palissade est liquéfié, mais resterès adhérent aux bords de la lésion. La rétine est amin-

ie, essentiellement au niveau des couches internes, et laembrane limitante interne est inexistante. Les trous atro-hiques ou les déchirures surviennent probablement du faite l’amincissement extrême de la rétine interne (Fig. 4). Les

llfa

igure 3. Palissade avec engainement vasculaire, microdéchiruret soulèvement rétinien.

alissades ont tendance à s’étendre en surface en particulierhez les jeunes. En revanche, leur fréquence n’augmenteas avec l’âge ou le sexe. L’atteinte est habituellementilatérale et les plages sont multiples avec une prédomi-ance dans le quadrant temporal supérieur. Les palissadesont retrouvées dans 10 % des yeux myopes de plus de 26 mmt dans 20 % des yeux de plus de 30 mm [10]. On peut éga-ement noter des lésions non pigmentées brillantes en bave’escargot ou « schnecken spurren » selon la dénominatione Gonin. Ces lésions sont assimilées à des palissades par

eur localisation ainsi que par la liquéfaction du vitré etes déchirures rétiniennes fréquemment associées. Toute-ois elles ne sont ni associées aux palissades ni pigmentéeslors que le risque de décollement est plus élevé que celui
Page 4: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

Vitré du myope : anomalies importantes 381

Figure 5. Pigmentation périphérique en large plaque.

Fp

oppcfdlDd

Figure 4. Grande déchirure au sein d’une zone palissadique.

lié à une palissade. Il pourrait donc s’agir d’une entité cli-nique particulière toutefois habituellement assimilée à lapalissade [11].

La dégénérescence palissadique est souvent associée auxautres formes de dégénérescence comme le blanc sans pres-sion chez les jeunes les plages pigmentées entre 20 et 40 anset la dégénérescence pavimenteuse après 40 ans.

La dégénérescence pigmentaire

La dégénérescence pigmentaire est la moins étudiée desdégénérescences périphériques du myope. Sa présence estliée à la longueur axiale, passant de moins de 1 % à 21 mmà plus de 75 % à 33 mm, ainsi qu’à l’âge du patient et àses antécédents inflammatoires et vasculaires. La pigmen-tation varie d’une forme diffuse et fine à une forme enlarges plaques (Fig. 5). Elle est bilatérale affectant plutôt leshommes s’associant aux plages de blanc sans pression. Elleprédomine dans la périphérie temporale et dans le quadrantsupérieur en étant souvent contiguë à des plages dépigmen-tées. Elle serait secondaire à des tractions vitréo-maculaireset souvent associée à des trous ronds ou des déchirures réti-niennes [12].

La dégénérescence pavimenteuse

La dégénérescence pavimenteuse ou atrophie chorioréti-nienne a été décrite par Donders en 1855. Elle correspondà des plages périphériques d’atrophie de l’épithélium pig-mentaire rétinien et des couches externes de la rétine,secondaire à une dégénérescence de la choroïde sous-jacente. Il se crée alors une cicatrice adhérente entre la

rétine interne et la membrane de Bruch. Cliniquement cesont de petites zones de dépression, circulaires, jaunessituées à un ou deux diamètres papillaires de l’ora. Ellesont une taille de 0,1 à 1 diamètre papillaire et sont uniques

drce

igure 6. Pigmentation diffuse avec plage de dégénérescenceavimenteuse.

u en groupe. Avec le temps, elles deviennent confluentesouvant former une bande (Fig. 6). Elles sont plus ou moinsigmentées avec de gros vaisseaux choroïdiens passant auentre. Les quadrants inférieurs et temporaux sont les plusréquemment atteints avec une bilatéralisation chez 50 %es patients. La fréquence de l’atteinte augmente avec’âge, 40 % des myopes de plus de 40 ans en étant porteurs.e petites déhiscences peuvent se produire sur les bordse ces plages d’atrophie du fait de la répartition inégalees forces d’adhérences entre la zone pavimenteuse et la

étine normale. Ces petites déhiscences peuvent être diffi-iles à identifier. En revanche, la zone de dénénérescencest caractérisée par une adhésion forte de la rétine à la
Page 5: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

382 J.-P. Berrod, I. Hubert

F

cfr

T

LpacdspILdnmt2spsfdtà

mU(dtdtrc

F

dlsLdtptrmfestent par des photopsies ou par l’apparition de corpsflottants et doivent être traitées (Fig. 9) [15]. Dans certainscas, on peut retrouver une déchirure de grande taille supé-rieure à 90o compliquée d’un décollement de rétine limité

igure 7. Trou rond atrophique au sein d’une plage de givre.

horïocapillaire et l’épithélium pigmentaire, avec donc unaible risque d’évoluer spontanément vers un décollementétinien.

rous et déchirures

es trous et les déchirures sont présents chez 2 % de laopulation, mais leur fréquence augmente sensiblementvec l’importance de la myopie [13]. Toutes les dégénéres-ences myopiques s’associent aux déchirures à l’exceptione la dégénérescence pavimenteuse. Les trous rétiniens’observent souvent au sein d’une dégénérescence givrée oualissadique avec atrophie des couches internes de la rétine.ls sont ronds, à bords nets et parfois soulevés (Fig. 7).es trous rétiniens ne sont pas toujours à l’origine d’unécollement de rétine même chez le myope. Des trous réti-iens asymptomatiques sont retrouvés chez 8 à 12 % des yeuxyopes. Ces trous asymptomatiques ne nécessitent aucun

raitement si la longueur axiale du globe est inférieure à6 mm. En revanche, un traitement doit être proposé en pré-ence d’un décollement de rétine de plus de 1,5 diamètreapillaire, sans remaniements pigmentaires associés, mêmei le patient est asymptomatique. Les trous rétiniens sont enait rarement symptomatiques, mais en cas de photopsies oue myodésopsies, un traitement doit être envisagé en par-iculier chez le myope avec une longueur axiale supérieure

26 mm.Les déchirures rétiniennes se présentent habituelle-

ent comme des ouvertures rétiniennes en forme de dont le sommet est orienté vers le pôle postérieur

Fig. 8). Les déchirures se produisent habituellement lorsu décollement postérieur du vitré, du fait d’une trac-ion antéro-postérieure du vitré décollé. Elles prédominent

ans le quadrant temporal supérieur. Plus rarement la trac-ion exercée par le vitré est circonférentielle, la déchirureétinienne ayant alors une orientation circonférentielle. Lelapet de la déchirure correspond souvent à une lésion F

igure 8. Déchirure avec vaisseau en pont.

égénérative, un vaisseau rétinien passant en pont sura déchirure (Fig. 8). La traction vitréenne sur ce vais-eau peut être responsable d’une hémorragie vitréenne.a fréquence des déchirures rétiniennes asymptomatiquesans la population est de 3 % [14]. Les déchirures asymp-omatiques de petite taille entourées de remaniementsigmentés évoquant la chronicité peuvent ne pas être trai-ées, sauf s’il existe des antécédents de décollement deétine de l’œil adelphe, de syndrome de Stickler ou dealadie de Marfan. Les déchirures symptomatiques se mani-

igure 9. Déchirure large avec vaisseau traitée au laser.

Page 6: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

Vitré du myope : anomalies importantes 383

Figure 11. Schisis dégénératif bulleux temporal inférieur givre etabsence de pigmentation.

Fm

Pv

Uupdav

Figure 10. Déchirure géante avec décollement de rétine.

(Fig. 10). La présence d’un lambeau antérieur permet defaire le diagnostic différentiel avec une dialyse. Les dialysessiègent plus fréquemment en temporal inférieur alors queles déchirures géantes sont souvent localisées en temporalsupérieur.

Le rétinoschisis périphérique dégénératif

Le rétinoschisis est secondaire à un clivage entre la rétineinterne et externe au niveau de la plexiforme externe. Lerétinoschisis siège habituellement en temporal inférieur. Ilse présente sous la forme d’une surélévation plane ou bul-leuse de la rétine périphérique. Sa paroi interne est kystiqueimmobile. Il est souvent recouvert de points blancs ou degivre (Fig. 11 et 12). Le feuillet interne du rétinoschisis estmince, microkystique et immobile ce qui le différentie dudécollement de rétine. Il n’y a pas de migration pigmentaireni de lignes de prolifération de l’épithélium pigmentaire cequi le différentie du décollement de rétine (Fig. 13 et 14).L’examen du champ visuel peut montrer un déficit absoluen cas de rétinoschisis. Le rétinoschisis s’étend rarementà la région maculaire. En cas d’extension postérieure, ilconvient de remettre en cause le diagnostic et d’évoquer undécollement de rétine chronique. Celui ci peut s’associer àune dépigmentation épithéliale étendue en cas d’évolutionlongue (Fig. 15) Dans certains cas le rétinoschisis peut secompliquer de déhiscences des feuillets internes et externeset évoluer vers le décollement de rétine. Les déhiscencesdu feuillet interne réalisent habituellement de petits trousronds. Les déhiscences du feuillet externe se manifestentpar des trous de grande taille, qui peuvent être assez posté-rieurs. Lorsqu’il existe des trous du feuillet externe associés

à de petits trous du feuillet interne, le liquide de la cavitévitréenne peut s’infiltrer sous le feuillet externe et entraînerun décollement de rétine.

cad

igure 12. Schisis dégénératif bulleux temporal absence de pig-entation, ne dépassant pas l’équateur.

enser aux hérédodégénérescencesitréo-rétiniennes

ne dégénérescence rétinienne périphérique associée àn vitré central optiquement vide et à des condensationsériphériques doit faire rechercher les signes de mala-ie de Stickler. Cette maladie décrite en 1965 est unerthro-ophtalmopathie progressive associant des anomaliesitréo-rétiniennes, une cataracte précoce et des modifi-

ations dégénératives des articulations. Ce syndrome quiffecte un patient sur 10 000 est pourvoyeur de nombreuxécollements de rétine chez l’enfant. L’atteinte oculaire
Page 7: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

384 J.-P. Berrod, I. Hubert

Figure 13. Décollement de rétine temporal supérieur bulleuxd’allure schisique. Ligne de prolifération pigmentaire et trou rondatrophique dans le feuillet interne.

Figure 14. Décollement de rétine temporal inférieur plan avecplusieurs lignes de démarcation.

Figure 15. Décollement de rétine chronique temporal inférieuravec dépigmentation de l’épithélium pigmentaire (EP).

Fu

eccpdltméào

Fa

igure 16. Décollement postérieur du vitré et voiles vitréens dansne maladie de Stickler.

st caractérisée par une myopie forte, des opacités duristallin, des anomalies vitréennes à type de liquéfactionentrale et de voile dense périphérique (Fig. 16). La péri-hérie de la rétine est le siège de migrations pigmentaires,e déhiscences, de givre et de palissades (Fig. 17). Le décol-ement de rétine qui survient chez 50 % des patients faitoute la gravité de l’affection. Il s’agit soit d’un décolle-ent à progression lente lié à de multiples trous atrophiques

quatoriaux en rétine périphérique soit d’un décollement

progression rapide par déchirures multiples postérieuresu par déchirure géante. Le diagnostic sera confirmé par la

igure 17. Trou rond atrophique givre et pigment chez un patienttteint de Stickler.

Page 8: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

Vitré du myope : anomalies importantes 385

F(

tm(mcdde

Ft

Lsqdddmddveiller plus fréquemment. Il n’est pas nécessaire de renou-

Figure 18. Kyste maculaire chez un garcon atteint de rétinoschi-sis lié à l’X.

présence de manifestations systémiques sous la forme d’unaplatissement médio-facial avec aplatissement de la base dunez une hypoplasie maxillaire, une petite lèvre supérieure etun recul du menton. On note également une arthropathie auniveau des genoux chevilles hanches et mains. Le diagnosticdoit être évoqué car le traitement du décollement néces-site habituellement une chirurgie endoculaire ainsi qu’untraitement préventif de l’œil Adelphe [16].

Le rétinoschisis lié à l’X a été décrit en 1898 par Haas.Cette affection rare et bilatérale, touche uniquement lesgarcons et associe une maculopathie stellaire (Fig. 18) àdes déhiscences rétiniennes périphériques au niveau de lacouche des fibres optiques. Le rétinoschisis périphériquen’est présent que dans la moitié des cas et plus fréquem-ment dans quadrant temporal inférieur (Fig. 19) Il est àl’origine des hémorragies et des décollements de rétine. Desdéhiscences multiples se développent dans la fine coucheinterne du rétinoschisis périphérique ; certaines devenant

très larges ne laissent persister que de petits lambeaux dece mur interne et des vaisseaux rétiniens sans support tis-sulaire. Le diagnostic peut être facilement confirmé par la

vsv

Figure 20. OCT du même patient montrant la dégénérescence kystiqu

igure 19. Kyste rétinien périphérique avec lame porte vaisseauxrétinoschisis lié à l’X).

omographie en cohérence optique (OCT) maculaire qui per-et de visualiser l’œdème kystique typique de l’affection

Fig. 20). En présence d’une myopie forte associée à desigrations pigmentaires et des étirements vasculaires il

onvient de rechercher les antécédents de prématurité. Leséchirures rétiniennes sont le plus souvent dans les qua-rants temporaux et les décollements de rétine surviennentn général durant la deuxième décennie de la vie.

réquence de surveillance du FO etraitement

’examen de la périphérie du fond d’œil du myope doit êtreystématique après 40 ans afin de faire le bilan des lésionsui doit être consigné dans le dossier du patient. L’examene base se fait en ophtalmoscopie indirecte sans contact afine dépister les éventuelles lésions qui seront ensuite étu-iées en biomicroscopie au verre à trois miroirs. En cas deyopie supérieure à trois dioptries il peut être intéressante préciser la longueur axiale du globe car les yeux de pluse 30 mm à haut risque de décollement de rétine sont à sur-

eler l’examen tous les ans, mais, il est important de sen-ibiliser le patient aux signes de décollement postérieur duitré, et de lui expliquer la symptomatologie du décollement

e maculaire.

Page 9: Le vitré du myope : quelles anomalies importantes peut-on déceler en périphérie ?

3

dEpdrp

stpldt

D

Lr

R

[

[

[

[[

86

e rétine, qui sont deux indications à consulter rapidement.n revanche, les antécédents familiaux de décollement, derématurité ou la présence d’une maladie de Stickler sontes indications à surveiller tous les deux ans la périphé-ie rétinienne dès l’adolescence afin de dépister des lésionsouvant bénéficier d’un traitement préventif par laser.

Il est important chez le myope fort avec longueur axialeupérieure à 26 mm de traiter les palissades très étendues,outes les déchirures symptomatiques d’un décollementostérieur du vitré, les trous ronds atrophiques multiples,’œil adelphe d’un décollement de rétine et bien sur toutécollement de rétine qu’il soit symptomatique ou asymp-omatique.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt enelation avec cet article.

éférences

[1] Pulido J. The requisites in ophthalmology retina, choroid andvitreous. Saint-Louis: Mosby, Inc; 2002.

[2] Pierro L, Camesasca FI, Mischi M, Brancato R. Peripheral retinalchanges and axial myopia. Retina 1992;12:12—7.

[

[

J.-P. Berrod, I. Hubert

[3] Curtin BJ. The myopias. Philadelphia: Harper & Row; 1985.[4] Schepens C. Subclinical retinal detachmnent. Arch Ophthalmol

1952;47:593.[5] Nagpal KC, Huamonte F, Constantaras A, Asdourian G, Goldberg

MF, Busse B. Migratory white-without-pressure retinal lesions.Arch Ophthalmol 1976;94:576—9.

[6] Hunter JE. Retinal white-without-pressure: review and relativeincidence. Am J Optom Physiol Opt 1982;59:293—6.

[7] Bec PRM, Arné JL, Trepsat C. La périphérie du fond d’œil. Paris:Masson; 1980.

[8] Gonin. La pathogenie du decollement de la rétine. Ann Oculist1904;32:30.

[9] Bec P, Malecaze F, Arne JL, Mathis A. Lattice degeneration ofthe peripheral retina: ultrastructural study. Ophthalmologica1985;191:107—13.

10] Byer NE. Clinical study of lattice degeneration of theretina. Trans Am Acad Ophthalmol Otolaryngol 1965;69:1065—81.

11] Aaberg TM, Stevens TR. Snail track degeneration of the retina.Am J Ophthalmol 1972;73:370—6.

12] Morse PH, Eagle Jr RC. Pigmentation and retinal breaks. Am JOphthalmol 1975;79:190—3.

13] Foos RY. Retinal holes. Am J Ophthalmol 1978;86:354—8.14] Bonnet M, Urrets-Zavalia J. Décollements de rétine par petites

déchirures équatoriales. J Fr Ophtalmol 1986;9:615—24.

15] Dumas J. A clinical study of retinal breaks. I. A gene-

ral description. Trans Can Opthalmolog Soc 1963;26:50—62.

16] Brasseur G. Pathologie du vitré. Paris: Masson; 2003.